République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10378-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant le Conseil d'Etat à vendre une partie à détacher de la parcelle N° 4907 de la commune de Genève, section Petit-Saconnex, correspondant au pavillon Cayla
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (L)
Rapport de minorité de M. Alberto Velasco (S)

Premier débat

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Cette fois, Mme Künzler nous dira peut-être aussi que ce bien historique a un grand intérêt à être habité, puisqu'il dispose d'une surface au plancher de 65 m2... Plus sérieusement, cet immeuble, qui s'appelle le «Pavillon Cayla», est absolument inutilisable par l'Etat, étant donné sa faible surface; je vous invite à vous rapporter à la photo qui se trouve en page 6 du rapport et qui en montre l'état de délabrement. Chose piquante, cet état de délabrement est notamment dû à la présence prolongée de squatters chers à certains groupes dans cette enceinte... Ce pavillon, qui a été squatté, est donc dans un extrêmement mauvais état et les coûts de rénovation seraient absolument considérables, puisqu'on évoque le montant de 9000 F le m2. Il n'a jamais été question de rénover cet immeuble, comme nous l'a précisé M. Chobaz, représentant du département, et il n'y a aucune ligne budgétaire prévue pour ce faire.

Cet immeuble a une valeur estimée entre zéro et quelques milliers de francs. C'est pour cela que, dans sa très large majorité, la commission a également souhaité dans le cas présent que cet immeuble soit vendu. Quant au lyrisme bien connu de mon collègue et ami Alberto Velasco, rapporteur de minorité, on remarquera qu'entre les lignes de son rapport ressort la volonté farouche de son groupe de s'opposer à toute aliénation, même pour un bien qui n'a objectivement aucun intérêt pour l'Etat. En plus, il fait référence à d'autres dossiers, notamment celui de Rive-Belle, qui n'ont rien à voir avec le projet de loi qui vous est soumis ce soir. Je pense que nous aurons donc droit à certaines diversions - comme dans le dossier précédent - mais je pense que, dans sa grande sagesse, le Grand Conseil ne soutiendra pas ces arguments et qu'il se ralliera au rapport de majorité, que je vous invite à suivre. C'est pourquoi je vous invite à approuver l'aliénation du bien en question. Merci !

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Je tiens à remercier mon collègue pour l'hommage qu'il rend à mon lyrisme ! Merci beaucoup, ce n'est pas tous les jours ! Mesdames et Messieurs les députés, j'ai participé à la séance de la commission des travaux, à la date à laquelle elle a voté les crédits d'étude et les crédits d'investissement pour ce projet. Je me souviens qu'à l'époque il avait été question de conserver cet immeuble et de le restaurer dans le cadre du remplacement des pavillons du cycle d'orientation de Cayla par la construction d'un nouveau bâtiment. Il s'agissait de pavillons en bois qui se trouvaient là depuis de nombreuses années et je me souviens très bien qu'on nous avait garanti que cette bâtisse allait servir, notamment pour les services administratifs. Donc, je me souviens avoir voté le crédit d'investissement dans ce sens, comme tous mes autres collègues.

Mon collègue rapporteur de majorité fait référence à M. Chobaz, comme si M. Chobaz était la voix du seigneur... Mais M. Chobaz n'est pas la voix du seigneur ! (Commentaires.) C'est là le problème, il n'est pas la voix du seigneur, même en matière de sport, d'ailleurs ! Donc, je suis un peu ennuyé de voir que, de nouveau, un ouvrage qui est passé entre nos mains va être bradé.

Mon collègue dit, à juste titre, de considérer l'aspect de cette bâtisse et se demande comment on peut s'y attacher... Moi je vous renvoie la question: si cette bâtisse est tellement dégueulasse - j'emploie le terme exprès - comment trouvera-t-elle un acquéreur ? Pourquoi quelqu'un s'intéresserait-il à quelque chose d'aussi dégueulasse ? (Commentaires.) Pourquoi une bâtisse aussi horrible trouverait-t-elle un acquéreur ? Un bricoleur ? Une âme sensible ? Une âme charitable ? Un républicain en herbe ? C'est cela que vous voulez me faire croire ? J'ai des doutes ! Il y a un intérêt derrière... Vous savez très bien que quand le privé s'intéresse à un tel achat, il y a quelque chose derrière.

Je dis, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, que si un particulier y trouve un intérêt, moi aussi j'en trouve un en tant que républicain ! Je crois que l'Etat pourrait très bien conserver dans son patrimoine administratif - dans son trésor administratif ! - cette bâtisse appartenant à tous les citoyens. Par exemple, on pourrait l'affecter à une ONG ou à une association. On sait très bien qu'on manque énormément de locaux pouvant accueillir des associations; voilà qui pourrait être une possibilité d'affectation. Mais non, on veut s'en débarrasser !

Un des arguments qui faisait mouche à l'époque, c'était qu'on se départait justement de ces actifs du patrimoine immobilier de l'Etat en soutenant qu'il fallait amortir la dette. Bon, mais en même temps on va distribuer 400 millions de francs dans quinze jours ! Alors, je n'y comprends plus rien ! D'un côté, on nous dit qu'on aime bien notre patrimoine, mais qu'on doit le vendre à cause de la dette de l'Etat et de ses difficultés; de l'autre côté, on distribue 400 millions de francs ! Alors, pourquoi ne pas conserver ce bien ? Parce qu'un beau jour on en aura peut-être besoin, pour faire une crèche par exemple !

Il s'agit d'un quartier que je connais très bien, de même que sa population, et je peux vous dire qu'il y a beaucoup de possibilités d'utiliser cet immeuble. A l'époque, je me suis mobilisé pour le maintien de la poste, pour sauver la poste du quartier, donc je connais bien la géographie sociale de ce dernier et je suis totalement convaincu que cette bâtisse recevrait un accueil favorable des citoyennes et citoyens habitant Saint-Jean !

Je dois dire que je regrette la politique menée par ce Conseil d'Etat, qui consiste à brader constamment ce patrimoine qui appartenait de longue date aux citoyens. Je parle au passé, car que je connais déjà l'issue du vote de cette honorable assemblée ! Je le regrette énormément, mais peut-être qu'il y aura à droite une ou deux âmes «caritatives» qui souscriront à mon discours... (Commentaires.) Non non, je dis «caritatives» ! ...des âmes qui répondront favorablement à ma demande de refuser la vente de ce bien.

M. Pierre Weiss (L). Tout d'abord, j'aimerais dire combien je regrette que les règles du parti socialiste limitent à douze ans la durée des mandats de ses députés. Parce que M. Velasco nous manquera, je le dis ici publiquement ! Il nous manquera non seulement par la sympathie qui émane de sa personnalité, par les liens amicaux qu'on a pu tisser avec lui - et je lui rends d'ores et déjà hommage - il nous manquera aussi par son humour - et j'allais dire: par la qualité de la rédaction de ses rapports, généralement de minorité. Parce qu'au fond, Alberto Velasco, c'est notre Arlette Laguiller à nous ! (Rires. Applaudissements.)

Il suffit de lire le rapport de minorité de notre ami et collègue Velasco pour se rendre compte qu'il y a comme une influence du langage de l'Hexagone qui déteint sur sa prose fleurie: le «bradage des biens» ! La «spoliation des avoirs de la république» ! Le côté «fourbe» de la proposition de cette majorité «de centre de quelque chose» qu'est le Conseil d'Etat ! Cette «classe éminemment favorisée des millionnaires», que l'on veut, une fois de plus, avantager ! Tous ces mots absolument «abjects» ! «Cet argent», «cette puissance du pouvoir de»... au fond... de la ploutocratie ! Le mot manque, mais il pourrait venir ! Et je ne dis pas quelle ploutocratie pourrait être ainsi définie !

Le président. Vous vous êtes trompé de parti, Monsieur Weiss !

M. Pierre Weiss. Monsieur Velasco, vous êtes un poète ! (Commentaires.) Mais vous êtes un poète qui, malheureusement, a de la peine à lire ce que dit le service des opérations foncières. Lorsqu'il dit, par exemple, qu'il va de soi que les frais nécessaires à la remise en état de cet immeuble pour un logement de trois ou quatre pièces - en fait, vous avez vu qu'il s'agit d'une masure - sont totalement disproportionnés.

Et il est dit aussi, dans le même rapport, qu'il s'agirait en réalité pour l'Etat d'éviter de dépenser de l'argent plutôt que d'en gagner. Oui, Monsieur Velasco, vous êtes fidèle à la philosophie de votre parti ! Vous voulez que l'Etat dépense de l'argent, vous ne voulez pas qu'il en gagne ! Voilà comme vous concevez notre Etat républicain ! Moi, ce n'est pas ainsi que je le conçois. Je le conçois, moi, au contraire, comme parcimonieux, comme soucieux des intérêts des citoyens et des contribuables. D'ailleurs, c'est pour cela que vous vous attaquez aux baisses d'impôts dans votre rapport. Je conçois l'Etat comme soucieux des intérêts des contribuables qui font la richesse de notre république, qui permettent notre Etat social ! Voilà pourquoi il faut aujourd'hui permettre une baisse, non seulement des impôts, mais aussi - parce qu'on doit éviter les dépenses excessives - une baisse de la dette !

Voilà pourquoi il faut aujourd'hui vendre cette masure que l'Etat estime valoir entre zéro et quelques milliers de francs !

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, bien évidemment, pour le parti démocrate-chrétien, il s'agit de voter ce projet de loi !

M. Velasco - qui reçoit ce soir beaucoup d'hommages - veut dans son rapport de minorité encore une fois nous faire prendre un confetti pour un bijou de la couronne... Mais 65 m2, soyons raisonnables ! C'est un petit chalet, certes tout à fait charmant, mais qui ressemblerait plutôt à un habitat pour nains de jardin ! Monsieur Velasco, vous êtes peut-être même à la limite de la mauvaise foi quand vous estimez que c'est un patrimoine à préserver... Avec vous, on pourrait même imaginer un patrimoine de l'humanité ! N'exagérons pas !

Oui, il s'agit peut-être pour certains de pouvoir se débarrasser de ce bien, mais il s'agit au moins d'activer des moyens qui permettront de rembourser la dette. C'est peut-être insuffisant pour certains, c'est peut-être déjà trop pour vous, Monsieur Velasco, mais on veut rester pragmatique et il n'y a absolument aucun sens à faire dépenser de l'argent à l'Etat pour un objet qui va peut-être trouver preneur. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à accepter le rapport de majorité.

M. Alain Charbonnier (S). Tout d'abord, je me réjouis que l'Etat trouve le nain de jardin qui sera prêt à dépenser autant d'argent pour cet objet, s'il doit non seulement considérer le prix d'achat, autour de 450 000 F, si je ne me trompe pas, plus les rénovations dont parlait M. Weiss, qui s'élèveront à environ 800 000 F ou 1 000 000 F. Cela pour une remise à neuf ! Et c'est chaque fois ainsi qu'on nous présente les choses: on nous parle de rénovations - comme pour le cas précédent, à Versoix - alors qu'il s'agit d'une remise à neuf. Je doute déjà qu'il faille vraiment à remettre à neuf ce bâtiment, même s'il est effectivement en mauvais état.

De nouveau, on nous trompe sur la marchandise. Car si vous allez voir ce bâtiment et si vous connaissez le quartier - ce qui n'est, je pense, pas le cas de la majorité des gens d'en face... Ils sont à droite, mais ils sont quand même principalement sur la rive gauche ! Enfin, toujours est-il que ce bâtiment n'est aujourd'hui plus du tout entouré de ce fouillis d'arbres qu'on peut voir sur les photos. De plus, le plan sur lequel il est situé est complètement faux et rétrograde, puisqu'un nouveau cycle d'orientation a été construit il y a quand même un petit moment de cela - et cela fait plus de deux semaines ! Or, sur le plan qu'on nous présente, il y a encore l'ancien cycle d'orientation. Comme quoi, il me semble que les gens qui ont présenté cela ne connaissent pas très bien le quartier ni, surtout, ses besoins en équipements, lesquels sont quand même criants.

Alors il aurait été préférable de présenter la photo sous un autre angle, depuis le carrefour. Parce que ce bâtiment se trouve coincé entre le carrefour de l'avenue d'Aïre et le nouveau cycle d'orientation de Cayla, et l'on s'aperçoit que le préau arrive pratiquement jusque dans ce jardin avec ses petits arbres que l'on voit sur la photo mais qui n'existent plus aujourd'hui. Ce bâtiment fait partie du Cycle d'orientation de Cayla, et cela depuis toujours, puisque c'est le pavillon du concierge ! J'ai fait mes écoles dans ce cycle d'orientation et j'ai habité le quartier. Je connais donc bien l'endroit et peux dire que ce pavillon fait partie du cycle de Cayla pour tous ceux qui y étudié, mais encore pour ceux qui s'y trouvent aujourd'hui.

Vouloir vendre ce bâtiment, c'est d'abord complètement utopiste. Comme disait Mme von Arx-Vernon: c'est pour nains de jardin ! Elle l'a dit elle-même, elle qui est pour la vente de ce bâtiment. Donc, je ne vois pas qui va l'acheter ! Par contre, que ce soit au niveau de l'instruction publique ou de celui du quartier - Mme Künzler pourra mieux en parler que moi, puisqu'elle y habite - il manque des équipements publics pour des associations, voire pour l'école et pour le cycle d'orientation lui-même, comme l'a relevé M. Velasco. Il y a ainsi de quoi s'opposer à cette vente. Et, surtout, ne tenez pas compte de ces photos qui sont désormais fausses ! De nouveau, on nous trompe sur la marchandise: la parcelle n'a pas du tout cet aspect-là. (Commentaires.)

Mme Michèle Künzler (Ve). De fait, il faut quand même donner raison à M. Velasco ! Au moment du choix de construire ce nouveau cycle, il était prévu de conserver et d'attribuer cette maison à des activités sociales en faveur des jeunes ! On pourrait très bien y prévoir des activités pour les travailleurs hors murs, à côté du préau et à côté de la place de jeu pour les ados !

A part ça, je pense qu'il est très amusant de voir qu'à droite ce genre de maison est considéré comme une masure, une maison pour nains de jardin... Et j'annonce déjà le débat de demain ! Parce que, 60 m2, c'est bien plus grand que ce qu'on nous propose dans les logements pour HBM ! Il faudrait juste savoir ce que vous voulez, parce que vous, vous estimez que 65 m2 pour un 3,5 pièces, c'est la surface d'une maison pour nains de jardin !

M. Pierre Weiss. C'est l'état de la maison qui en fait une maison pour nains de jardin !

Mme Michèle Künzler. Mais oui ! Et maintenant il faut la rénover ! J'aurais préféré qu'elle soit attribuée à des activités sociales, car c'est sa localisation - dans le préau du Cycle d'orientation - qui rendra la vente difficile. A moins d'être vraiment très tolérant face au bruit... Il sera donc difficile de trouver un acquéreur et je pense que l'emplacement de cette maison fait qu'elle conviendrait beaucoup mieux au développement d'une activité sociale en faveur des jeunes !

Mme Geneviève Guinand Maitre (S). Je reprendrai la réflexion de Mme Künzler en disant que c'est, dans ce quartier, typiquement un lieu qui pourrait servir et jouer un rôle social, entre autres pour les jeunes.

Je ne vais pas m'étendre là-dessus, mais je trouve assez rigolo d'entendre la droite parler d'atténuer la dette... Combien, la dette du canton ? (Commentaires.) Et les intérêts annuels ? Oui, 300 millions de francs ! Et vous voulez baisser les impôts ?! Ce ne sont pas 450 000 F qui vont aider à combler cette dette ! Votre baisse d'impôts augmentera la dette de 450 millions de francs pour le canton. Alors, arrêtez d'évoquer une diminution de la dette par le biais de la vente d'une telle bricole ! Non, vraiment, vous n'êtes pas très sérieux quand vous développez vos arguments, il faut vraiment trouver un peu mieux que ça ! Cette maison a tout à fait un rôle à jouer d'un point de vue social et elle n'a rien à voir avec la dette abyssale du canton que vous essayez encore de creuser ! (Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L). Deux points, rapidement. Cette maison, cette masure, cet objet historique digne de conservation et d'inscription au patrimoine de l'humanité, eh bien, cette maison a un coût de rénovation de 9000 F au m2. Voilà comment l'on entend à gauche de ce parlement utiliser les deniers de l'Etat pour 65 m2 à 9000 F le m2 ! Vous comprenez bien qu'on arrive à plus d'un demi-million pour une activité qui serait celle d'une ONG inconnue - naturellement aussi à subventionner quant à son fonctionnement ! - ou qui serait celle d'une maison de quartier, alors que, proche du cycle de Cayla, précisément sur les voies couvertes qui ont coûté déjà des centaines de milliers de francs, se trouve une maison de quartier pour les habitants de cette partie de la ville de Genève !

Deuxième chose, à propos de la dette - je m'adresse à vous, Monsieur le président, mais également à Mmes et MM. les députés - je crois qu'il serait bon de distinguer la baisse des impôts de la question de la dette ! Précisément, il faut baisser les impôts pour diminuer la dette ! (Brouhaha.) Pourquoi ? Non pas parce que, comme certains aiment à le croire du côté de la gauche de ce parlement, il suffirait de faire une règle de trois, dont le résultat serait que, puisqu'on diminue les impôts de 300 millions, alors, du coup, on va avoir 300 millions de recettes en moins... Non, au contraire ! Parce qu'il faut avoir une conception dynamique du fonctionnement de l'économie ! En baissant les impôts de 300 millions de francs, comme ce sera le cas, parce que le peuple genevois va plébisciter cette proposition le 27 septembre prochain, on va inciter les gens, les familles, les couples, les femmes qui sont au foyer ! Ils se retenaient jusque-là de travailler parce que, précisément, il y avait une «spoliation de leur gain» - pour reprendre le vocabulaire de M. Velasco - une spoliation de leurs gains à cause de l'aspect confiscatoire de notre fiscalité. Eh bien, avec cette diminution d'impôts, on va augmenter les recettes fiscales ! M. Hiler le sait d'ailleurs fort bien, et c'est la raison pour laquelle il soutient, avec son, parti cette baisse des impôts. On va augmenter les recettes de notre canton et, ainsi, diminuer la dette avec le bénéfice que nous réaliserons grâce à la baisse des impôts. Voilà !

On peut donc réduire la dette en baissant les impôts, et on peut réduire la dette en vendant des objets qui ne sont pas nécessaires pour le patrimoine administratif de notre canton. Voilà comment on sait gérer les finances publiques à droite de ce parlement ! Voilà ce que sait la population. Voilà ce qu'elle attend de nous ! Voilà pourquoi elle plébiscitera notre baisse d'impôts ! Et voilà pourquoi le parti socialiste sortira défait, non seulement le 27 septembre mais aussi lors des élections au Grand Conseil. Et il le sait fort bien, car la politique qu'il suit ne défend même pas les intérêts de ses propres adhérents ! (Applaudissements.)

Le président. Monsieur Weiss... Monsieur Weiss, il est onze heures moins cinq ! Monsieur Deneys, vous avez la parole.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est très clair ! Tout d'abord, dans la gestion du patrimoine immobilier du canton, vous avez déjà eu l'occasion de montrer votre incompétence crasse en vendant à la banque Pictet des biens immobiliers situés dans le périmètre La Praille-Acacias-Vernets ! Vous avez vendu ces biens immobiliers, alors même que la magistrature se plaint de délocalisation en dehors du centre-ville. Et une fois de plus, M. Mark Muller vient nous dire qu'aujourd'hui nous n'avons pas les biens immobiliers pour accueillir la magistrature en ville. Résultat des courses: nous bradons les biens immobiliers que nous possédons, même les plus petits, simplement pour pouvoir dire que ça fait des recettes supplémentaires !

En réalité, Mesdames et Messieurs les députés, c'est l'incompétence de cette droite du parlement qui fait qu'aujourd'hui nous ne vivons pas mieux à Genève, plus de dix ans après la baisse d'impôts de 12% proposée par la droite ! Là, je prends à témoin toutes les personnes qui nous écoutent: est-ce que vous avez des loyers meilleurs marchés ?! Est-ce que vous avez plus de revenu disponible ?! Est-ce que la sécurité a augmenté ?! Est-ce que vous avez le CEVA ?! Non, nous n'avons pas le CEVA ! (Brouhaha. Commentaires.) Non, nous n'avons pas la traversée de la rade ! Non, nous n'avons rien, Monsieur Cramer ! Nous n'avons rien de plus qu'il y a dix ans, Mesdames et Messieurs les citoyens genevois ! Aujourd'hui, après 12% de baisse d'impôts libérale, c'est simplement le bordel ! C'est la catastrophe ! (Exclamations.) C'est très clair, aujourd'hui, la baisse d'impôts proposée mettra l'Etat de Genève en faillite et impliquera de supprimer des prestations sociales ! Ce ne sont pas ces 450 000 balles que vous pensez récolter avec la vente d'une petite demeure qui vont y changer quelque chose !

Monsieur Weiss, il est clair que vous ne connaissez même pas la situation, parce que vous ne savez pas ce qu'est un travailleur social hors murs, vous ne savez pas ce qu'est une maison de quartier ! Vous avez des préjugés que vous ressassez depuis quatre ans pour nous dire que ça ne sert à rien ! Parce que la réalité des gens qui vivent dans les quartiers urbains, vous ne la connaissez pas, et elle ne vous intéresse pas ! C'est fondamentalement scandaleux !

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à refuser cette vente qui est une braderie scandaleuse et qui va simplement empirer la situation de l'Etat de Genève. Et, bien entendu, je vous invite à refuser la baisse d'impôts qui serait une véritable catastrophe pour le canton de Genève ! (Brouhaha. Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. J'espère qu'on va arriver tranquillement au bout de cette séance ! Monsieur Cuendet, vous avez la parole.

Des voix. Ah !

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. On va essayer de ramener un peu de sérénité dans ce débat. M. Velasco était lyrique, M. Deneys est vulgaire... (Rires.) ... et on va essayer de revenir à des réalités plus terre à terre et au projet en question.

Avant de revenir sur le fond, je ferai une petite remarque. On arrive en fin de législature et je ne compte pas le nombre de fois où l'on a entendu les occupants des bancs de la gauche nous dire que nous ne connaissons rien aux travailleurs sociaux... Je ne connais peut-être rien aux travailleurs sociaux, or, quand M. Deneys vient me parler de la banque, je suis un peu désespéré: il n'y connaît rien non plus ! (Remarque.) La banque ! Donc, que chacun reste dans son domaine et évite de faire la leçon aux autres !

Autre chose. Pour revenir à ce objet, ce qui me surprend beaucoup dans la vision socialiste du projet, c'est que j'ai toujours cru - et je me suis à nouveau trompé, je ne suis pas depuis très longtemps au parlement - que le parti socialiste soutenait l'administration ! Là, on a un représentant de l'administration, socialiste de surcroît, qui vient nous expliquer le point de vue de l'administration; et l'on nous parle de tromperies, de mensonges, de spoliations - enfin, de toutes sortes de choses. Ce que je trouve, vis-à-vis d'un camarade, pas très... «amical» ! C'est un euphémisme. Donc, je m'étonne de cette attaque en règle. On a eu Mme Künzler qui disait que les experts se trompaient complètement sur la valeur de l'immeuble, on a maintenant les socialistes qui s'en prennent à l'administration... Je ne trouve pas cela très sérieux !

Revenons au fond, et à la gestion de l'Etat. Ce qui me surprend aussi, c'est que les socialistes nous ont dit qu'ils étaient favorables à une gestion rigoureuse des deniers publics, et en l'occurrence on nous propose de renoncer à 500 000 F pour un immeuble qui se trouve dans un état déplorable - à cause de squatters, chers à tout point de vue et notamment au groupe socialiste - et sans qu'aucune affectation future ne soit prévue... A mon avis, il serait totalement irresponsable de jeter cet argent par la fenêtre. C'est pourquoi je vous invite à soutenir le rapport de majorité et à accepter cette vente.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Tout d'abord, je tiens à relever que M. Chobaz n'est pas venu en commission en tant que militant socialiste, mais en tant que fonctionnaire ! Cela dit, j'aimerais rendre hommage à M. Weiss pour son interprétation très fleurie de mes propos. Parfois, la fiction dépasse la réalité, voyez-vous, et M. Weiss a laissé parler son angoisse sociétale plutôt que de reprendre les paroles de mon rapport. C'est vraiment son angoisse qui le domine ! J'ai vu que l'avenir l'angoisse à tel point qu'il me prête des propos que je n'ai pas tenus dans mon rapport. Il dit que nous socialistes aimons dépenser, et que vous, la droite, c'est tout le contraire... Il y a une petite subtilité dans l'affirmation, Monsieur Weiss ! Le problème, c'est que votre politique qui consiste à faire gagner des sous à l'Etat se concrétise toujours au détriment des citoyens ! Je prends un seul exemple, un seul - même si l'on pourrait continuer - celui de la Poste: effectivement, ses bénéfices sont incroyables... Mais comme service public, vous pouvez toujours attendre: c'est une catastrophe totale ! On gagne de l'argent, mais alors on n'a plus de service public ! Or nous, socialistes, on préfère ne pas gagner de l'argent, mais équilibrer les comptes et donner un peu de bonheur - un peu de bonheur ! - à ce pays qui en manque ! Et cette politique conduit à péjorer les services publics, qu'il s'agisse de la Poste, qu'il s'agisse des CFF ou des PTT. (Remarque.) Oui, c'est vrai, Monsieur, et je regrette qu'un fonctionnaire qui se dit socialiste se soit converti aux idées libérales ! C'est regrettable, mais c'est comme ça ! Peut-être que des gens qui se convertissent au socialisme, ça existe aussi chez vous ? Etes-vous si obtus que vous ne puissiez l'envisager ? (Commentaires.)

J'ai quand même une question qui me tracasse, Monsieur le président: comment se fait-il que l'Etat ait laissé se dégrader le patrimoine de la république ? (Commentaires.) Pourquoi l'Etat n'est-il pas intervenu pour faire dégager les squatters et entreprendre tout de suite les travaux ? Est-ce qu'on se disait déjà à l'époque qu'il valait mieux laisser se dégrader ce bâtiment, afin d'avoir une excuse pour le vendre ?! Toutes les conjectures sont possibles ! Oui, une fois que l'objet est dégradé, on se dit qu'il n'y a plus qu'à le vendre... Et comme par hasard, on trouverait maintenant quelqu'un qui veut faire «une bonne action» ? Une personne charitable serait prête à mettre de l'argent, comme ça, même si l'objet n'est pas intéressant - ou pas beau, ça ne fait rien - et cette personne l'achèterait quand même ?! Je me dis que si cette personne y trouve un intérêt, cela peut aussi être le cas pour l'Etat !

Comme le relevait Mme Künzler, beaucoup de missions de l'Etat ou d'associations pourraient être menées à bien dans ce bâtiment; je regrette donc énormément la perte de cette possibilité.

Enfin, Monsieur Weiss, alors qu'ici on parle de baisser les impôts, aux Etats-Unis on envisage de les augmenter, en France aussi - de nombreux pays augmentent les impôts. Et votre théorie, qui prétend que les baisses d'impôts remplissent les caisses, n'est en l'occurrence pas avérée pour ce qui concerne les pays cités ! Je crois que vous devriez réviser vos connaissances, il conviendrait de les actualiser. Aujourd'hui, même des libéraux sont convertis au Keynésianisme ! Le rapporteur de majorité a d'ailleurs écrit un article dans une revue bancaire - que je reçois et que j'ai le plaisir de lire - et dans cet excellent article le rapporteur de majorité se convertissait au keynésianisme ! (Commentaires.)

M. Edouard Cuendet. Moi, j'ai fait ça ?

M. Alberto Velasco. Mais oui, ça arrive, voyez-vous ! (Brouhaha.) Nous, socialistes, ne sommes donc pas si mauvais. Je considère qu'au nom de ce keynésianisme, et pour favoriser la relance, on pourrait très bien investir dans cette demeure ! Cela créerait du travail et ça valoriserait le patrimoine administratif de l'Etat en l'améliorant. De plus, on rendrait service à bon nombre de citoyens utilisateurs des prestations publiques.

Ainsi, je regrette que ce soit le troisième objet qu'on liquide ce soir - et demain nous en liquiderons encore d'autres... Cette politique est regrettable ! (Commentaires. Le président agite la cloche.)

Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît ! Laissez finir M. Velasco !

M. Alberto Velasco. Je regrette d'avoir assisté à un bradage de notre patrimoine administratif tout au long de ces années. Il ne s'agit pas seulement de bâtisses, mais aussi de terrains - de nombreux terrains ! Vous savez, une république doit prévoir penser le futur, et pas avec un horizon à une année, mais sur vingt, trente, quarante ou cinquante ans. Avoir la maîtrise des terrains, disposer d'un patrimoine administratif, c'est aussi ce qui permet d'envisager des projets à long terme ! Or, avec ces ventes, on est train de péjorer les possibilités de cette république, ce que je regrette. C'est pour cela que nous allons refuser la vente de cet objet et que nous vous demandons de voter en ce sens.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter la prise en considération de ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 10378 est adopté en premier débat par 34 oui contre 23 non.

La loi 10378 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10378 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 34 oui contre 21 non.

Loi 10378