République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1566
Proposition de motion de Mmes et MM. Alain-Dominique Mauris, Anita Cuénod, Anne-Marie Von Arx-Vernon, Jacques Baud, Esther Alder, Alberto Velasco, Alain Charbonnier, Renaud Gautier, Hugues Hiltpold relative à la prise en charge des mineurs sous la garde de personnes privées de liberté

Débat

M. Alain-Dominique Mauris (L). Je vous remercie, au nom de la commission des visiteurs officiels, d'avoir accepté l'urgence concernant cette motion. Cela appelle quelques explications: pourquoi l'urgence et pourquoi une telle motion ? Lors de l'audition d'un détenu, la commission a été surprise d'entendre ce détenu se plaindre de n'avoir aucun contact avec l'un de ses enfants, mineur. Suite aux événements qu'a connus cette République, la commission s'est évidemment enquise immédiatement de savoir si cela était le cas. Je puis vous rassurer: après avoir diligenté cette enquête, nous nous sommes rendu compte que l'enfant se trouvait sous bonne garde. Plusieurs points méritant néanmoins d'être éclaircis, nous avons procédé à diverses auditions.

Nous avons constaté les faits suivants. En premier lieu, il n'existe aucune directive claire et précise à ce sujet. Il s'agit souvent de règlements utilisés par certains services, mais que d'autres services appelés à intervenir ultérieurement dans la prise en charge d'un enfant mineur ignorent. Il existe donc un cloisonnement entre les différents départements, voire entre les différents services.

En deuxième lieu, nous avons parfois constaté que l'enfant mineur - puisque c'est bien de cela qu'il s'agit - pouvait «souffrir» de ce cloisonnement puisque certains services n'apprenaient que fort tard que l'un de ses parents était détenu.

Nous nous sommes rendu compte qu'il convenait d'intervenir de manière urgente. Nous avons été rassurés par le fait que l'ensemble du personnel de l'administration, suite au drame de Meyrin, a été conscient de ces difficultés. Toutefois, certains membres du personnel s'opposent visiblement à discuter d'un service à l'autre. C'est pourquoi nous vous proposons de lister dans les plus brefs délais toutes les procédures qui définissent les tâches des divers intervenants dans la prise en charge de mineurs sous la garde de personnes privées de liberté.

Je vous demande de bien comprendre le sens très large et très global que nous entendons donner à cette invite: il s'agit de disposer enfin d'un protocole qui définisse précisément les tâches de chaque intervenant. Nous entendons bien entendu par là un protocole si possible interdépartemental - et même plus: nous souhaiterions savoir dans quelle mesure la justice pourrait être associée à cette prise en charge.

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Pour appuyer les propos du président de la commission des visiteurs officiels, M. Mauris, je tiens à relever l'importance de cette urgence ainsi que du contenu de cette motion. J'insiste sur l'unanimité de la commission des visiteurs. Il me semble que nous touchons ici à un élément essentiel qui vous mettra tous d'accord.

Mme Anita Cuénod (AdG). Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de discuter durant des heures de cette motion. Celle-ci est en effet brève et parfaitement claire. M. Mauris vient d'exprimer le souhait de la commission des visiteurs, à l'origine de cette motion: elle vous demande de l'envoyer au Conseil d'Etat.

M. Alain Charbonnier (S). Mon intervention sera également très brève. Je souhaite simplement saluer l'unanimité de la commission, qui a su travailler très rapidement sur ce sujet et faire preuve d'efficacité en déposant cette motion.

Le président. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter sur le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat... Madame Spoerri, vous avez demandé la parole ?

Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Oui ! Après ne pas l'avoir demandée à plusieurs reprises, je l'ai eue. Or, maintenant que je la demande, on ne me la donne pas ! (Brouhaha.)Mais ce n'est pas bien grave...

J'ai, comme certains de mes collègues, été auditionnée par la commission des visiteurs. Il est indéniable que votre demande est légitime. Je tiens à signaler que mon collègue M. Charles Beer, en sa qualité de président du département de l'instruction publique, et moi-même avons reçu le même courrier de la part de votre commission. Je relèverai surtout que, parmi vos considérants, vous soulignez l'importance de la coordination entre le département de justice, police et sécurité, le département de l'instruction publique, le département de l'action sociale et de la santé et, ajoutez-vous, le pouvoir judiciaire en matière de protection des mineurs sous la garde de personnes privées de liberté.

Il s'agit là d'un problème tout à fait fondamental: c'est précisément l'une de ces questions que nous ne pourrons régler de manière valable et efficace qu'en adoptant une réflexion transversale et en définissant, comme vous le demandez, un protocole spécifiant le rôle des divers acteurs impliqués dans de telles situations. Comme je l'ai récemment exprimé au pouvoir judiciaire à l'occasion de l'inauguration du palais de la justice administrative, je tiens à insister sur le fait que l'indépendance des pouvoirs constitue un élément capital, mais que cette indépendance ne doit en aucun cas priver les différents pouvoirs de communiquer en faveur de la population et, dans ce cas particulier, en faveur des mineurs dont vous évoquez les problèmes.

C'est donc avec beaucoup de satisfaction que le Conseil d'Etat accueille cette motion et qu'il y donnera suite dans les meilleurs délais.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je vous rassure: il n'est aucunement dans mes intentions de vous museler ! Je n'avais simplement pas vu que vous aviez appuyé sur le bouton pour prendre la parole, car vous l'avez fait au moment où je lançais la procédure de vote.

La parole n'étant pas demandée, nous allons nous prononcer sur cette motion par vote électronique.

Mise aux voix, la motion 1566 est adoptée par 64 oui.