République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer, Martine Brunschwig Graf et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Carlo Lamprecht, Micheline Spoerri et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Antoine Droin, Jean-Claude Egger, Michel Halpérin, André Hediger, Nicole Lavanchy, Claude Marcet, Jacqueline Pla, Pierre Schifferli et Ivan Slatkine, députés.

Discussion et approbation de l'ordre du jour

Mme Janine Berberat (L). Nous siégeons depuis environ sept heures et nous n'avons traité en tout et pour tout que huit points. Bien que j'eusse souhaité que nous en traitions davantage, je vous propose d'arrêter nos débats à 19h.

Le président. Madame la députée, le Grand Conseil est pour l'instant convoqué à 20h30. Nous aviserons vers 18h45. (Protestations.)

Une voix. Il faut voter, Monsieur le président !

Le président. La motion d'ordre interviendra ultérieurement.

Mme Janine Berberat. Non, Monsieur le président !

Le président. Je mettrai aux voix tout à l'heure votre proposition d'interrompre la séance à 19h. (Vives protestations.)Merci de nous laisser continuer...

Une voix. C'est la deuxième motion d'ordre !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous ne voulez pas travailler: libre à vous ! (Huées.)Vous avez traité huit points dont certains, revenant de commission, n'étaient visiblement pas suffisamment travaillés. Je constate que plusieurs chefs de groupe sont absents. Comme je n'ai pu discuter avec eux ni à la pause de 16h ni à celle que nous venons d'avoir... (L'orateur est interpellé.)Monsieur Luscher, je vous remercie de me laisser terminer mes propos avant de mettre aux voix la motion d'ordre de Mme Berberat, d'autant plus que nous ne vous avons pas beaucoup vu durant cette journée ! (Applaudissements.)Vous vous trouviez peut-être en un autre lieu et vaquiez sans doute à des activités plus lucratives... (Rires.)

Mesdames et Messieurs les députés, je constate simplement que la manière dont nous travaillons vise à un engorgement dont certains tirent peut-être profit, mais qui ne donne pas une bonne image de notre parlement. C'est pourquoi je souhaite que, lors de notre prochaine séance - à laquelle sont inscrits près de deux cents points - les rapporteurs, qui ont certainement consciencieusement fait leur travail, et les membres des commissions concernées renoncent à prendre la parole sur les points - relativement nombreux - qui ont été votés à l'unanimité en commission et qui seront mis dans les extraits. Nous pourrons ainsi au moins voter la quarantaine ou cinquantaine de points qui ont été pratiquement approuvés unanimement. Dans le cas contraire, nous serons obligés d'y consacrer une nouvelle journée complète au mois de juin - ce dont ni vous, ni moi n'avons véritablement envie. Je vous demande donc de vous ressaisir afin de permettre une avancée plus rapide de nos travaux. Je vous propose de terminer le point concernant le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, puis de reprendre notre ordre du jour et de lever la séance à 19h30. Comme il semble que vous approuviez ma proposition, je déclare que la séance est levée à 19h30.

Une voix. «Sera» levée !

Le président. Oui, elle sera levée à 19h30. Il s'agit du futur de l'indicatif...

Correspondance

Le président. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.

Réponse du Conseil d'Etat à la procédure de consultation fédérale relative au projet de révision partielle de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration ( C 1636)

Réponse du Conseil d'Etat à la procédure de consultation fédérale relative à la révision totale sur la loi sur les publications officielles ( C 1637)

Réponse du Conseil d'Etat à la procédure de consultation fédérale relative au plan directeur de la locomotion douce - Programme d'encouragement des déplacements à pied, du tourisme pédestre, des déplacements à vélo et en patins à roulettes ( C 1638)

M. Albert Rodrik (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez reçu une lettre, tout comme le conseiller d'Etat Charles Beer, de M. Jean-Pierre Siegrist concernant l'avenir de la production radio dans les studios de Genève. Ce courrier est lié à la pétition 992-B, qui constitue le point 111 de notre ordre du jour hypothétique. C'est pourquoi je demande que le point 111 de notre ordre du jour, dont l'origine remonte au mois de juillet 1993, soit traité aujourd'hui. Je vous rappelle que cet objet se trouvait dans les extraits, dont il a été sorti. S'il ne peut être traité, je demande formellement qu'il soit donné lecture de cette lettre.

Le président. Ne pourriez-vous pas nous faire une proposition alternative ? La lettre de M. Siegrist, au demeurant relativement longue, doit en effet être discutée au point la concernant. Or, ce point ne sera sans doute pas traité ce soir. Nous ferons cependant en sorte qu'il soit traité lors de la session des 15 et 16 juin. Nous la lirons à ce moment, si cela vous convient.

M. Albert Rodrik. Mais pas une fois que les studios de Genève seront fermés !

Le président. Je ne peux procéder d'une autre manière, à moins qu'un député ne demande formellement l'urgence sur le point 111. Le traitement de ce dernier prendra tout de même du temps.

M. Albert Rodrik. Je ne crois que le traitement de ce point durera très longtemps. C'est pourquoi je vous demande de le traiter lors de cette séance. Je vous rappelle qu'il s'agit d'une pétition de 1993 !

Le président. M. Rodrik demande l'urgence sur...

Des voix. On ne veut pas !

Le président. Vous voterez donc non ! (Le président est interpellé.)Si, si: le Grand Conseil peut modifier en tout temps son ordre du jour s'il possède une majorité des deux tiers. Comme cela n'est visiblement pas le cas pour cet objet, nous le traiterons lors de notre session des 15 et 16 juin. Je mets aux voix la demande de M. Rodrik, qui consiste à traiter le point 111 de l'ordre du jour lors de la séance de ce soir.

Mise aux voix, cette proposition est rejetée.

Le président. Ce point est donc reporté à notre prochaine séance.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 8660-A
Rapport de la commission du logement chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Florian Barro, Luc Barthassat, Claude Blanc, Thomas Büchi, René Koechlin, Olivier Vaucher, Stéphanie Ruegsegger, Philippe Glatz, Pascal Pétroz, Pierre-Louis Portier, Christian Luscher, Jacques Jeannerat, Hugues Hiltpold, Gabriel Barrillier, René Desbaillets, Patrick Schmied modifiant la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) (L 5 20) (Pour devenir propriétaire de son appartement)
Rapport de majorité de M. Alain Meylan (L)
Rapport de première minorité de M. Christian Grobet (AdG)
Rapport de deuxième minorité de M. Alberto Velasco (S)

Suite du premier débat

Le président. En ce qui concerne le projet de loi 8660-A, nous avons fait effacer les deux ou trois personnes qui comptaient prendre la parole, à l'exception de M. Velasco, rapporteur. Nous reprenons nos travaux.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. Je souhaite simplement répondre à M. Pétroz sur la liberté d'acquisition. Il est vrai que la liberté constitue un élément essentiel dans la vie d'un citoyen pour autant qu'il possède les moyens de pouvoir exercer cette liberté. Sinon, il s'agit de ce que l'on appelle en économie une exclusion du marché: quand des citoyens sont libres d'acquérir un logement mais n'en possèdent pas les moyens financiers, ils se trouvent exclus du marché. Dans une situation pareille, l'Etat intervient pour permettre aux citoyens d'accéder à ce produit. C'est par exemple le cas pour les transports publics, l'enseignement ou encore la santé. Mais vous ne souhaitez tout de même pas, dans le cas qui nous occupe, que l'Etat intervienne, moyennant des subventions importantes, pour que des citoyens puissent accéder à l'achat de leur logement ?! Il est vrai que l'Etat intervient dans certains pays par le biais de subventions très importantes pour permettre aux citoyens d'accéder à ce marché, mais cela n'est pas le cas dans notre pays. La liberté dont parle M. Pétroz est donc toute relative aux moyens dont disposent les citoyens d'acquérir ou non leur logement. Cette forme de liberté se distingue selon moi clairement de la liberté telle que je l'entends.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Luscher... non, pardon: M. Luscher n'est plus ici ! La parole est à M. Muller.

M. Mark Muller (L). Je voudrais reprendre la parole suite aux arguments développés tout à l'heure par M. Sommaruga. Ce dernier nous a demandé pour quelle raison nous ne voulions pas retirer ce projet de loi si ce dernier ne changeait rien à la législation actuelle. Il s'agit d'une excellente question à laquelle je répondrai. La raison est la suivante: selon la jurisprudence actuelle, les locataires en place depuis environ trois ans peuvent acheter leur appartement, si le propriétaire est d'accord, pour y établir leur famille, se protéger contre une future augmentation de loyer ou encore contre un éventuel congé. Mais ce n'est pas ce que dit la loi ! On comprend mal, à la lecture de la loi, à quelles conditions un locataire peut acheter son propre appartement, car le texte de loi est, sur ce point, pour le moins obscur. J'affirmerai même que la loi est parfois appliquée, y compris par les services du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, de façon contraire à ce que dit la jurisprudence. C'est donc dans une volonté de clarification que nous avons déposé ce projet de loi. Ce n'est pas un but secondaire que de faire en sorte que nos lois soient intelligibles et prévisibles par tout un chacun !

M. Sommaruga a énoncé toute une série de situations où l'on percevrait un retour des congés-ventes. Je souhaite faire remarquer que tous ces cas de figure peuvent déjà se produire dans le cadre de la législation actuelle. Prenons un cas particulier: imaginons que l'on donne le congé à un locataire en lui faisant remarquer qu'il pourra rester dans son appartement s'il l'achète. Mais un tel cas peut déjà se produire actuellement ! M. Sommaruga a du reste reconnu qu'il l'avait lui-même déjà rencontré. Ce n'est donc pas le changement de loi proposé par ce projet - changement qui, je le répète, ne fait que clarifier les dispositions actuelles - qui produira ce type de situations. La démonstration que je viens de faire s'applique à tous les exemples cités par M. Sommaruga, y compris le cas des appartements vendus dans le cadre de poursuites en réalisation forcée.

Il n'y a dès lors pas lieu de mener ici un débat de fond sur le droit du locataire d'acheter ou non son appartement et des conséquences terribles pour le marché locatif de ce type de transactions puisque aujourd'hui déjà ce droit est possible. Nous souhaitons simplement que la personne qui lira la loi connaisse cette possibilité.

Mme Michèle Künzler (Ve). En entrée en matière, nous avions dit que nous voulions clarifier cette loi en établissant une frontière claire entre le permis et le défendu tout en offrant au locataire la possibilité d'acheter son logement. Nous avons toujours soutenu cette possibilité, que nous défendons dans notre programme. En l'occurrence, on ne peut guère affirmer que ce projet de loi incite aux congés-ventes. C'est même exactement le contraire, puisque le locataire doit être en place pour pouvoir acheter son appartement; s'il recevait son congé, il ne pourrait plus acheter. Le congé et l'achat de tout appartement restent soumis à autorisation ! Ce point ne change pas par rapport à la loi actuelle !

Le seul changement engendré par le projet de loi est le suivant: l'acceptation des 60 % des locataires n'est plus requise pour qu'un locataire puisse acquérir son logement. Une telle condition était injuste, car les locataires voisins peuvent posséder toutes sortes de bonnes, mais surtout de mauvaises raisons, d'empêcher un individu d'acheter son logement: motifs racistes, famille nombreuse, etc. On peut imaginer toutes sortes de raisons pour lesquelles les voisins pourraient s'opposer à l'achat par une personne de son appartement. Or, il nous semble que l'acquisition d'un logement doit être possible ! Certains opposants au projet de loi ont fait remarquer que l'on pourrait installer des locataires fictifs pendant trois ans et racheter l'appartement par la suite. Mais cela est déjà le cas actuellement, et de manière beaucoup plus pernicieuse car, l'affaire ayant été arrangée au préalable, les60 % des locataires donneront automatiquement leur accord. Il est donc déjà possible de faire aujourd'hui ce que les opposants au projet de loi dénoncent ! Ce dernier permettra précisément de clarifier le sujet.

Certains dénoncent le fait que l'on réalisera des bénéfices indus sur le dos des locataires. Cela est vrai... mais c'est également vrai en cas de location ! Cette dernière ne constitue pas de beaucoup un manque à gagner pour les propriétaires. Pour ma part, si j'étais propriétaire, je continuerais à les louer plutôt que de les vendre, car cela est nettement plus profitable ! (Brouhaha.)

Un autre argument avancé par les opposants au projet de loi est le fait que presque personne ne possède les moyens d'acheter un appartement. Mais si personne ne peut en acheter, qui voudra les acheter ?! Le fait que personne ne puisse acheter d'appartement constitue-t-il réellement un problème ? De surcroît, cet élément fera baisser les prix, puisqu'il n'y aura qu'un seul acquéreur possible - à savoir, le locataire de l'appartement. Ce point constitue clairement un avantage pour le locataire.

En dernier lieu, les opposants au projet de loi évoquent le droit d'emption. Mais ce droit constitue une catastrophe pour les locataires: un propriétaire n'accepterait plus jamais de louer un appartement en sachant qu'il pourrait y avoir un droit d'emption sur son appartement ! Il ne s'agirait même pas d'un droit de préemption, mais d'un droit d'emption ! Ce propriétaire ne louerait dès lors plus son appartement, afin de ne pas se faire déposséder de son bien et de son outil de réalisation.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d'accepter cette loi. Dans un souci de clarification et afin de rassurer pleinement tout le monde, je vous suggère l'ajout de l'amendement suivant à l'article 39, alinéa 4, lettre e: «Dans ce cas, les locataires restants devront obtenir la garantie de ne pas être contraints d'acheter leur appartement ou de partir». L'intégralité de la loi actuelle serait ainsi conservée à l'exception de la clause relative aux 60 % des locataires de l'immeuble, qui n'est selon moi pas une très bonne clause. (Applaudissements.)

Le président. Nous sommes toujours en premier débat. Nous écouterons les interventions de MM. Grobet, Sommaruga et Moutinot, après quoi nous voterons l'entrée en matière sur le projet de loi. La liste des orateurs est donc close.

M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de première minorité. Il ne faudrait pas que les représentants des milieux immobiliers qui siègent dans cette salle nous prennent pour plus bêtes que nous ne sommes ! M. Muller prétend qu'il s'agit d'une simple clarification de la loi. Mais s'il estime que la loi est claire, je vois dès lors mal pourquoi il conviendrait de la clarifier ! En réalité, et vous le savez fort bien, il ne s'agit nullement de clarifier la loi, mais de permettre l'engagement d'un processus de mise en vente des appartements dans un immeuble ! Mme Künzler aura au moins eu le mérite de la franchise à ce sujet, même si l'on peut s'étonner que les Verts se trouvent soudain du même côté que les promoteurs immobiliers... (Protestations.)Mais ce n'est pas la première fois que nous devons nous étonner d'une telle prise de position. (Le président agite la cloche.)M. Pétroz a déclaré tout à l'heure que ce projet de loi visait à garantir la liberté. Mais les locataires n'ont de fait aucune liberté ! C'est bien parce qu'ils n'ont pas de liberté face aux propriétaires - c'est le pot de terre contre le pot de fer ! - qu'un certain nombre de dispositions légales ont été introduites pour protéger les locataires. Sans ces dispositions, ces derniers se trouveraient totalement livrés à la merci de leurs bailleurs. C'est pourquoi je m'étonne des propos de Mme Künzler - mais peut-être n'a-t-elle pas l'occasion de s'occuper de la défense des locataires... Je m'étonne qu'on imagine aujourd'hui engager un processus de vente d'appartements dans un immeuble sans que cela constitue une pression sur les locataires.

Il est par ailleurs illusoire de penser qu'un locataire pourra acheter un appartement simplement en en faisant la demande. Beaucoup de propriétaires n'ont aucune envie de mettre en PPE leurs immeubles et de vendre leurs appartements les uns après les autres, avec tous les inconvénients que présente ce système pour la gestion de l'immeuble ! Je vous ferai grâce de ces inconvénients, les milieux immobiliers étant les premiers à connaître la situation d'immeubles partiellement en PPE. On s'aperçoit notamment que c'est la meilleure formule pour que les immeubles ne soient plus entretenus. C'est en réalité le propriétaire qui décide de mettre ses appartements en vente et qui s'adresse, nécessairement, aux différents locataires pour savoir s'ils seraient intéressés par un tel achat. Or, en période de crise du logement comme aujourd'hui, il suffit qu'un locataire soit contacté pour savoir s'il souhaite acheter son appartement pour qu'il se sente en péril. En dépit des amendements complémentaires que pourra faire voter Mme Künzler pour se donner bonne conscience - amendements qui ne possèdent aucune portée pratique - les locataires subiront la pression psychologique du propriétaire mettant en vente les appartements. C'est une chose de dire que le locataire doit avoir le droit d'acheter son appartement. Mais, à partir du moment où la moitié des appartements sont vendus à des propriétaires individuels, les pressions se font de plus en plus fortes. Faites-moi confiance à ce sujet ! Penser qu'aucune pression ne sera exercée sur les locataires d'un immeuble dont de nombreux appartements sont vendus est un pur leurre ! Par voie de conséquence, c'est la possibilité juridique accordée à des locataires d'acheter qui constitue le mécanisme même amené à déclencher des pressions sur les locataires et des congés ! Vous pourrez dès lors enrober cet article de toutes les couches de chocolat que vous voudrez: en réalité, vous êtes en train de remettre en marche le processus des congés-ventes !

Je vous annonce d'ores et déjà que l'Alliance de gauche et les milieux des locataires lanceront un référendum contre cette loi. Nous verrons ainsi quelle est la position de la population à l'égard d'une loi dont le but est, à l'évidence, non pas de favoriser les locataires, mais de favoriser les opérations spéculatives des propriétaires. Nous regrettons en outre qu'une formation politique membre de l'Alternative se prête à ce genre de manoeuvre.

M. Carlo Sommaruga (S). Il est vrai que j'ai de la peine à comprendre le pas de deux des Verts, qui parfois soutiennent les projets de vente d'immeubles appartement par appartement, parfois les contestent. Leur message sur cette question est particulièrement brouillé, et les locataires ont de la peine à suivre. Mais peut-être que là n'est pas la préoccupation majeure. Le fait de pouvoir assister jour après jour aux permanences de l'Asloca permet de prendre conscience du sentiment de peur des locataires qui viennent nous voir lorsqu'un voisin a reçu soit un congé, soit la visite du régisseur - voire du propriétaire individuel - lui annonçant la vente de son appartement. Il s'agit de créer une quasi-psychose chez les locataires de certains immeubles, qui s'interrogent sur l'avenir de leur logement. Vous avez beau rigoler, Monsieur Vaucher, mais vous ne connaissez pas la situation de ménages qui rencontrent des difficultés financières, qui peinent à boucler leur mois pour payer leur loyer ! Ces personnes craignent qu'on vende, au-dessus ou au-dessous d'eux, des appartements à des individus plus fortunés et qu'eux-mêmes en viennent à se trouver dans une situation semblable. Voici quelle est la réalité sociale actuelle ! Je vous renvoie au rapport de M. Velasco, qui nous fournit les tranches des revenus imposables à Genève: il n'y a pas aujourd'hui une majorité de la population, ni une large minorité, qui puisse acheter son appartement - qu'il s'agisse d'un apaprtement d'une, deux, trois, cinq ou six pièces. La population ne possède actuellement pas les moyens de le faire ! Introduire une modification de la loi telle qu'elle est proposée ébranlera la protection contre les congés-vente. Nous sommes aujourd'hui en train de passer d'une protection du parc locatif global à une protection en fonction du statut du locataire - soit qu'il veuille ou non acheter. Voilà quel est le grand problème ! Or, il s'agit de défendre le parc immobilier pour que la majorité de ce canton, c'est-à-dire la majorité de la population locataire, puisse retrouver des conditions d'habitation compatibles avec leur revenu. Je répète que les appartements qui seront vendus en premier seront les appartements dont les loyers sont bon marché, et les prix d'achat proposés seront relativement forts. Si cette méthode ne fonctionne pas, le propriétaire attendra que le locataire s'en aille pour placer un locataire possédant les moyens d'acheter. Il pourra même donner le congé au locataire sans rien lui dire et attendre de trouver un locataire doté de moyens financiers plus importants. Cette situation ne relève pas de la fiction, mais de la réalité ! M. Muller ne connaît pas son sujet lorsqu'il affirme que cela est faux. Des procédures administratives sont en cours sur la base de situations fictives, où les charges de PPE ont été payées sous forme de loyer pour attendre un certain délai avant d'acheter. Voilà quelle est la réalité ! Un certain nombre de logements seront vides, ce qui provoquera une pénurie.

Quant au fait de favoriser les locataires pour l'achat d'un appartement, le seul moyen est de mettre en oeuvre une réforme au niveau du droit fédéral pour que l'ensemble des propriétaires soit soumis à la possibilité du droit d'emption. Il s'agit de la seule manière de permettre aux locataires d'acquérir leur appartement. Bien qu'on puisse en exclure les entités de droit public et les caisses de pension pour protéger leur capital et leurs investissements, c'est ainsi qu'il faudrait envisager la favorisation de l'accession à la propriété. Il n'y a finalement aucune opposition ni sur le point principal, ni sur le plan idéologique; il n'y a opposition qu'en cas d'attaque à l'ensemble des locataires d'un immeuble. Prétendre que ce sont les locataires qui, pour des raisons de racisme ou de familles nombreuses, seront à l'origine de situations conflictuelles dans les immeubles me fait rire ! J'assure des permanences toutes les semaines, et ceci depuis quinze ans: il n'existe aucun problème de ce genre ! Les pressions et les angoisses proviennent de la majoration de loyer, des congés ou encore du manque d'entretien. Voici quelles sont les préoccupations des locataires ! L'attitude de certains voisins peut certes représenter un problème, mais il s'agit d'une infime minorité. Quelle que soit la manière dont on puisse enrober ce projet de loi, cela ne changera rien ! Il est par exemple inutile d'ajouter la clause selon laquelle le locataire acquiert librement puisque le droit suisse stipule que l'acquisition est libre. En d'autres termes, vous êtes conscients de la nécessité d'ajouter ce terme en raisons des pressions existantes. Vous cherchez à cacher des éléments en faisant croire à l'existence d'une liberté de choix alors que ce n'est pas le cas ! Quant à l'amendement proposé par Mme Künzler, il ne correspond pas à la réalité à venir puisqu'une fois le processus en marche le propriétaire pourra obtenir, en vertu de la jurisprudence, la possibilité de vendre les autres appartements de manière individualisée. Même si cet amendement était adopté, il ne modifierait nullement la réalité: à terme, on ne pourra pas garantir aux locataires ne voulant pas que leur appartement soit vendu que ce dernier restera sous forme locative globale !

Le président. La parole est à M.  Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Je suis désolé, Madame Künzler, mais la liste des intervenants est close.

M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Le système actuel de la loi est clair: il existe une interdiction de principe quant à la vente d'appartements loués tant que sévit la pénurie. Parallèlement à ce principe de base, il existe un certain nombre de cas d'autorisations automatiques, notamment pour les immeubles ayant toujours été prévus comme relevant de la propriété individuelle. Entre ces deux situations, il existe une exception, à savoir la vente aux locataires en place. Le projet de loi soumis à votre Grand Conseil aujourd'hui propose de passer de cette exception, avec le pouvoir d'appréciation qui est celui du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, à un motif obligatoire de délivrance d'autorisation. Il ne sera en outre plus nécessaire d'obtenir l'accord des 60% des locataires de l'immeuble concerné. Je pars ici de l'idée qu'au vu des signatures y figurant l'amendement sur les garanties données aux locataires restants sera adopté.

Des propos relativement contradictoires ont été tenus dans cette salle. Pour certains, il ne s'agirait que d'une clarification de l'existant, tandis que pour d'autres, il s'agirait d'un véritable retour en force des congés-ventes. Il est extraordinairement difficile aujourd'hui d'être catégorique sur l'impact d'une telle mesure. Il me semble en revanche illusoire de penser qu'elle n'en aura pas, car auquel cas il n'y aurait pas eu ce projet de loi. L'impact existe donc; mais nous ne sommes actuellement pas en mesure de mesurer complètement jusqu'à quel point il changera le marché de l'acquisition de logements. Vous prenez dès lors un risque en votant un tel projet de loi, à savoir le risque que les dérapages ou les effets d'entraînement dénoncés par certains s'avèrent réels. Compte tenu de la structure du parc immobilier genevois, qui est pour une large part entre les mains de caisses de pension ou de collectivités qui, elles, n'entreront pas dans ce jeu, il est également possible que l'impact ne soit pas aussi important que le craignent certains.

Je vous rappelle que le projet maximaliste que constituait l'IN 116, projet qui a été clairement rejeté par le Conseil d'Etat, doit être soumis au vote populaire. Je trouve dès lors regrettable, sur le plan politique, qu'au milieu de ce processus, un pas soit fait - qui plus est vers l'inconnu - avant même que la population genevoise ne se soit prononcée sur l'IN 116. Attendre le résultat du vote populaire aurait été de nature à clarifier le débat de manière utile plutôt que de se retrouver dans la situation quelque peu bizarre où l'on sait déjà que le pas maximaliste sera soumis au peuple et où l'on nous annonce que le pas intermédiaire le sera également.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 45 oui contre 22 non et 1 abstention.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Mis aux voix, l'article 39, alinéa 3 (abrogé) est adopté.

Le président. Nous sommes saisis de deux amendements à l'article 39, alinéa 4, lettre e). Le premier amendement est signé par Mme et MM. les députés Künzler, Hiltpold, Blanc et Muller. Le second amendement, proposé par le rapporteur de minorité Alberto Velasco, figure à la page 15 du rapport.

Mme Michèle Künzler (Ve). Il me semble nécessaire, afin de clarifier l'enjeu de ce débat, de rajouter l'amendement suivant à l'article 39, alinéa 4, lettre e): «Dans ce cas, les locataires restants devront obtenir la garantie de ne pas être contraints d'acheter leur appartement ou de partir». M. Grobet prétend que cet amendement ne vaut rien. Mais il s'agit de la loi actuelle ! Si elle ne vaut rien, je saisis mal pourquoi il la défend bec et ongles ! Je pense pour ma part que l'ajout de cet amendement est nécessaire. Il clarifiera également la situation lors du référendum.

Nous ne suivrons à ce propos pas l'Alliance de gauche dans ce référendum. Il nous est cependant complètement égal que ce référendum réussisse ou échoue, car nous ne défendons aucun intérêt particulier. Nous pensons simplement qu'il doit être possible d'acheter son logement sans en faire toute une histoire ! (Applaudissements.)

M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC, qui est composé à 90 % de locataires mais qui ne partage pas les craintes de M. Sommaruga - comme quoi certains paradigmes devraient être changés - partage en revanche les propos exprimés dans le cadre de l'initiative 116, propos selon lesquels 77 % des locataires souhaitaient accéder à la propriété. Nous partageons également certaines craintes par rapport aux effets pervers liés aux congés-ventes que l'on a connus dans les années 80. C'est pourquoi nous soutiendrons l'amendement déposé par Mme Künzler.

M. Christian Grobet (AdG), rapporteur de première minorité. Madame Künzler, j'ai pris acte de votre déclaration selon laquelle le destin des locataires vous était parfaitement égal ! (Protestations.)En ce qui concerne l'amendement que vous proposez, vous vous montrez assez érudite en matière du droit de la construction et du droit des locataires - ou du droit des propriétaires, devrais-je peut-être dire - pour savoir que toute la réglementation en matière de congé relève du droit fédéral. Dès lors, vous pouvez mettre ce que vous voulez dans cette loi, puisque vous savez parfaitement qu'il s'agit de bouillon pour les morts ! (Brouhaha.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous voudrez bien écouter les orateurs avant de voter ! La parole est à M. le député Sommaruga.

M. Carlo Sommaruga (S). Je constate que les méthodes de M. Pierre Muller sont reprises par Mme Künzler au niveau de la technique législative ! (Rires et protestations.)

Une voix. Tu regardes trop d'affiches !

Le président. Mesdames et Messieurs, nous avons parfaitement compris que M. Sommaruga...

M. Carlo Sommaruga. (Voix amusée.)Je voulais effectivement parler de Mark Muller ! Mais au niveau idéologique, c'est kif-kif !

Ceci dit, je constate que la démarche consistant à proposer un amendement relatif à une disposition déjà prévue par la loi est exactement semblable à la démarche de M. Muller au sujet de l'article lui-même - M. Muller déclarant que, bien que les dispositions prévues à l'article 39, alinéa 4, lettre e) soient déjà prévues, il vaut mieux le préciser. Cela n'est pas le cas: il existe effectivement un article de la loi stipulant qu'il n'existe aucune contrainte lorsqu'un certain type de décision est prise. Mais dans ce cas précis, je répète que l'amendement proposé n'aura aucune incidence. Ce n'est qu'un peu de glycérine sur le suppositoire qu'on veut bien faire passer aux locataires ! (Exclamations, rires et protestations.)

Une voix. C'est explosif comme comparaison!

M. Carlo Sommaruga. Pour répondre à M. Catelain, je lui ferai remarquer que, si l'UDC est certes composée à 90 % de locataires, elle n'a jamais mené de politique en faveur des locataires, que ce soit au niveau national, cantonal ou municipal. De la même manière, elle est composée à 95 % de personnes âgées, mais elle remet en cause l'AVS en Suisse ! Voilà quelle est la politique et les contradictions de l'UDC ! (Applaudissements.)

M. Hugues Hiltpold (R). A ce stade du débat, il me paraît utile de rappeler les objectifs de ce projet de loi. Ces objectifs sont, ni plus ni moins, de permettre au locataire en place de pouvoir acquérir le logement qu'il occupe. Il est vrai que cette modification législative comporte un certain nombre de dangers. Des contraintes pourraient notamment être mises en place pour obliger les locataires occupant leur logement à acheter ce logement. Ce danger concerne à la fois les locataires déjà en place et les futurs locataires.

S'agissant du projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission, nous estimons qu'il remplit les conditions dont j'ai fait état précédemment. Il convient également de préciser que la durée d'occupation du logement a été modifiée: elle a été portée à trois ans. Quant à l'amendement qui nous est proposé, il permet d'éviter tout système de contraintes qui pourrait être décrié. C'est la raison pour laquelle le groupe radical vous invite à réserver un bon accueil à cet amendement.

M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Je vous apporte la précision suivante: il est vrai que, pour des raisons de droit fédéral que M. Grobet a rappelées, cet amendement ne constitue pas une garantie absolue. Je ne peux cependant pas non plus laisser dire qu'il n'est d'aucune utilité dès lors qu'il apparaît déjà dans la loi actuelle. S'il faut avoir un garde-fou, autant avoir celui-là. S'en priver serait une erreur.

Le président. Je mets maintenant aux voix l'amendement de Mme et MM. Künzler, Hiltpold, Blanc et Muller. Je rappelle que cet amendement consiste en l'ajout suivant à l'article 39, alinéa 4, lettre e) (nouvelle): «...du même droit aux mêmes conditions. Dans ce cas, les locataires restants devront obtenir la garantie de ne pas être contraints d'acheter leur appartement ou de partir».

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 49 oui contre 8 non et 13 abstentions.

Le président. Avant de mettre aux voix dans son ensemble l'article 39, alinéa 4, je demande à M. Alberto Velasco s'il maintient son propre amendement.

M. Alberto Velasco. Absolument, Monsieur le président.

Le président. L'amendement de M. Velasco, qui se trouve en page 15 du rapport, consiste en l'ajout suivant à l'article 39, alinéa 4, lettre e) «Est librement acquis par le locataire en place depuis au moins trois ans pour y maintenir son domicile, les personnes faisant ménage commun avec lui bénéficiant, avec l'accord du locataire, du même droit aux mêmes conditions notamment de durée».

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. Je voudrais apporter une précision. Monsieur le président, vous avez procédé de manière très rapide au vote en déclarant que l'article 39, alinéa 3 était abrogé sans opposition. Cela est inexact, puisque nous nous opposons à cette abrogation ! (L'orateur est interpellé.)Il doit être clair que nous nous opposons à cette abrogation !

Le président. Monsieur Velasco, votre amendement figure à l'alinéa 4...

M. Alberto Velasco. D'accord, Monsieur le président, mais vous avez procédé trop rapidement au vote ! Je tiens à vous dire que nos prises de position nous amènent à nous opposer à l'abrogation de l'article 39, alinéa 3. Ceci doit être clair !

Le président. Je suis navré, Monsieur Velasco, mais cette opposition ne figure pas à la page 15 de votre rapport ! Le seul amendement qui est en ma possession concerne l'alinéa 4, lettre e) de l'article 39. Aucun amendement n'a été déposé concernant l'abrogation de l'article 39, alinéa 3. Or, je ne peux pas faire voter des amendements qui ne sont pas en ma possession !

M. Alberto Velasco. D'accord. Concernant ma proposition d'amendement, j'indique que lorsque la commission a débattu de l'alinéa 4, lettre e), il nous a semblé important, puisque l'expression «ménage commun» y figure, de mentionner la question de la durée. C'est pourquoi nous avons proposé d'ajouter l'expression «notamment de durée». Cet amendement avait en son temps été proposé et accepté par l'ensemble de l'Alternative. Je suppose que ce même ensemble, et pourquoi pas l'UDC, votera aujourd'hui cet amendement. Il me semble important de clarifier ce point.

M. Mark Muller (L). Nous sommes très heureux de voir le parti socialiste contribuer à la qualité de ce projet de loi tel qu'il sera soumis au peuple. On pourrait éventuellement vous suivre pour autant que vous approuviez le projet de loi. Mais comme j'en doute fort et que je juge cet amendement inutile - il s'agit d'une redondance ! - je propose de refuser cet amendement.

M. Carlo Sommaruga (S). L'intervention de M. Muller montre combien il peut être le «père vert» de cette modification législative... Ce projet de loi, soutenu par les Verts, propose de vendre un appartement au locataire en place au bout de trois ans. Bien. Mais non content de pouvoir proposer la vente de l'appartement au locataire en place, le projet de loi offre la possibilité de le vendre à une personne partageant l'occupation de l'appartement avec le locataire. En rejetant l'amendement de M. Velasco, M. Muller et son groupe refusent d'exiger que la personne partageant le logement du locataire occupe également cet appartement depuis trois ans. Si, comme le souhaitent les milieux immobiliers, cet amendement est refusé, la possibilité de faire venir un individu dans l'appartement sera facilitée; cette personne qui partage l'appartement pourra, même au bout de quelques mois, acquérir l'appartement alors que le locataire n'en a pas les moyens ! Voilà la preuve de ce que nous soupçonnions tout à l'heure, à savoir la volonté d'ouvrir le marché de la vente des appartements occupés par les locataires non seulement aux locataires, mais également à des tiers.

S'il possédait un minimum d'honnêteté intellectuelle, l'ensemble de ce Grand Conseil voterait cet amendement, qui ne modifie ni l'essentiel ni l'essence des propositions contenues dans le projet de loi. Vous pourriez faire preuve de ce minimum de cohérence. J'attends de voir quelle sera la position des différentes composantes soutenant ce projet de loi lors du vote de cet amendement.

Mme Michèle Künzler (Ve). J'aimerais réagir aux propos de M. Sommaruga, car je commence à me lasser de ses remarques perfides sur les Verts. Nous sommes unanimes... (L'oratrice est interpellée.)Nous ne sommes pas des fondamentalistes de la non-accession de la propriété ! Oui: nous nous distinguons de vous sur ce point, comme en témoigne notre programme ! C'est dans cet esprit que j'en défends les objectifs. M. Sommaruga n'a pas à me faire de telles remarques ! J'ai mes propres idées ! (Vifs applaudissements.)

Le président. Je mets aux voix l'amendement de M. Velasco par vote électronique. Je vous rappelle qu'il figure en page 15 du rapport... Monsieur Letellier, vous souhaitez intervenir ? Vous intervenez plutôt tardivement mais enfin, allez-y !

M. Georges Letellier (UDC). Je m'excuse, mais je ne peux m'empêcher de répondre à la provocation de M. Sommaruga. En premier lieu, les retraités qui sont chez nous - peut-être - les personnes âgées qui sont chez vous, elles vous emm... !

Des voix. Ohhhh !

M. Georges Letellier. Non, non, je vous le dis clairement: c'est de la provocation ! Vous continuez à provoquer sans arrêt ! Je citerai en second lieu à M. Sommaruga le proverbe arabe suivant: «Les chiens aboient, la caravane passe.» (Manifestation dans la salle.)C'est tout ce que je souhaitais dire.

Le président. J'aimerais beaucoup que les députés ne s'injurient pas, ne s'invectivent pas ! Vous pouvez prendre le président comme punching-ball si vous voulez, mais j'aimerais qu'il y ait... (Exclamations.)

Une voix. Ahhh ! Enfin !

Le président. Cela plaira à M. Luscher, mais je souhaite un tout petit peu de dignité et des propos d'une certaine tenue dans ce parlement.

M. Carlo Sommaruga (S). Je m'en suis effectivement pris tout à l'heure à la politique de l'UDC et je pense que l'on peut, au sein de ce parlement, s'en prendre aux politiques défendues par les autres groupes qui siègent. Je trouve inadmissible, et je demande à ce que le président exige des excuses de la part de... (Protestations.) (L'orateur est interpellé.)Je ne me suis jamais permis d'insulter à titre personnel quelqu'un dans cette assemblée. Il m'est en revanche arrivé de subir des insultes personnelles, mais la personne qui m'avait insulté a eu la correction de s'excuser (L'orateur est interpellé par M. Letellier.)Ceci est inexact ! Je vais répéter à M. Letellier les propos que j'ai tenus précédemment: bien que de nombreuses personnes âgées figurent parmi vos électeurs et parmi vos membres, vous remettez en cause l'AVS - ce que vos électeurs n'ont pas compris. (Manifestation dans la salle.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, reprenons notre calme et passons au vote de l'amendement de M. Velasco. Vous voyez comme la situation peut rapidement déraper alors même que les uns et les autres ne le souhaitent pas !

Je vous rappelle que l'amendement de M. Velasco consiste à l'ajout suivant à l'article 39, alinéa 4, lettre e): «Est librement acquis par le locataire en place depuis au moins trois ans pour y maintenir son domicile, les personnes faisant ménage commun avec lui bénéficiant, avec l'accord du locataire, du même droit aux mêmes conditions notamment de durée».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 40 non contre 31 oui et 6 abstentions.

Le président. Je mets maintenant aux voix l'article 39, alinéa 4, lettre e) avec le seul amendement de Mme et MM. Künzler, Hiltpold, Muller et Blanc: «Est librement acquis par le locataire en place depuis au moins trois ans pour y maintenir son domicile, les personnes faisant ménage commun avec lui bénéficiant, avec l'accord du locataire, du même droit aux mêmes conditions. Dans ce cas, les locataires restants devront obtenir la garantie de ne pas être contraints d'acheter leur appartement ou de partir».

Monsieur Velasco, vous souhaitez prendre la parole sur la procédure de vote ?

M. Alberto Velasco. Oui. Je propose de procéder à un vote nominal. (Protestations.)

Le président. Il en sera fait ainsi.

Mis aux voix à l'appel nominal, l'article 39, al. 4, lettre e) (nouvelle) ainsi amendé est adopté par 50 oui contre 26 non et 2 abstentions.

Appel nominal

Troisième débat

La loi 8660 est adoptée article par article.

Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 8660 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 52 oui contre 26 non et 2 abstentions.

Appel nominal

PL 8721-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de MM. Georges Letellier, Gilbert Catelain modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (Création d'une commission permanente consacrée à la sécurité)
Rapport de majorité de M. Pierre Vanek (AdG)
Rapport de minorité de M. Jacques Pagan (UDC)

Premier débat

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de majorité. Il est un proverbe politique français selon lequel «quand on veut noyer un problème on crée une commission». C'est bien cela que propose le projet de loi de l'Union démocratique du centre. Ce projet de loi est le premier déposé par cette formation dans ce Grand Conseil et qui arrive à la maturité consistant à être soumis au vote de cette assemblée. Or, si ce projet contient certes le terme de sécurité dans son titre, il ne participe pas du débat réellement existant autour des questions de sécurité... (Brouhaha.)...débat que nous avons tenu sous différentes formes et à diverses occasions dans cette enceinte. Ce débat a entre autres porté sur la définition de la sécurité ainsi que sur l'extension de cette définition d'un problème purement policier à une conception recouvrant l'insécurité à grande échelle dont sont par exemple victimes des salariés qu'on licencie...

Le président. Monsieur Vanek, pourriez-vous parler bien dans votre micro ? On me signale que l'on ne vous entend pas très bien - ce qui est rare !

M. Pierre Vanek. D'accord. Je reprends: je parlais de l'insécurité dont sont par exemple victimes des salariés qu'on licencie ou encore des retraités dont on pille la caisse de retraite. Ce débat existe donc, et nous l'avons eu dans cette enceinte. Nous avons également débattu de sujets plus strictement liés à la police. L'Entente a par exemple déposé un projet de loi constitutionnel concernant l'instauration d'un droit à la sécurité; l'Alliance de gauche a pour sa part formulé des propositions concrètes sur la question des postes de police, de leur ouverture et de leurs effectifs, dans le sens d'une police de proximité au service des habitants.

Le débat sur la sécurité existe donc. Mais la proposition faite dans ce projet de loi ne constitue pas une solution aux problèmes liés à la sécurité, ni même une prise de position sur ces derniers. Il s'agit purement et simplement d'adjoindre un article supplémentaire à la loi portant règlement du Grand Conseil, article qui créerait une commission ad hoc dont la tâche serait de traiter des questions de sécurité. Or, les débats que j'ai évoqués précédemment ont déjà lieu au sein des commissions de ce Grand Conseil, notamment en commission judiciaire. Cette commission dite de sécurité n'apporterait dès lors rien de nouveau.

Le libellé de cet ambitieux article prévoit que cette commission maintiendrait, je cite, «des contacts permanents avec toute autorité, fédérale, régionale, cantonale ou communale, concernée par la sécurité à quelque niveau que ce soit». Une personne évoquait tout à l'heure le sommet du G8, qui préoccupe les services de sécurité d'un certain nombre de pays ainsi que les services secrets américains - puisque Bush sera présent à ce sommet. Cette commission serait donc appelée à entretenir des contacts avec ces autorités ?! Tout cela n'est guère sérieux ! Cela est même si peu sérieux que mon vis-à-vis, M. Pagan, s'en est rendu compte en assemblée plénière puisqu'au moment du renvoi de ce projet de loi en commission, ni lui, ni ses collègues ne se sont exprimés pour l'expliquer ou le défendre. On pourrait certes interpréter cette attitude comme une volonté de gagner du temps et comme la manifestation d'une hostilité au débat de préconsultation. Mais ce projet de loi a également été traité en commission des droits politiques sans que M. Pagan ait jugé utile d'apporter quelque argument que ce soit à son appui. Peut-être a-t-il jugé ce projet creux ou insuffisant ? En tout cas, son attitude justifie l'exécution dont il se plaint. Il s'est tiré lui-même une balle dans le pied et s'en plaint ensuite ! Devant l'absence de répondant de l'UDC, la commission a traité en une dizaine de minutes ce projet de loi - ce qui n'était nullement une volonté de bâcler le travail. A l'exception de la seule voix de M. Pagan - qui, au moment du vote en tout cas, s'est montré solidaire envers ses co-religionnaires ayant déposé ce projet de loi - l'ensemble de la commission, droite et gauche confondues, a voté la non-entrée en matière sur ce projet de loi, essentiellement pour les raisons que je viens d'évoquer. Je vous propose donc naturellement d'en faire de même ce soir dans cette enceinte.

Le président. Monsieur Pagan, vous souhaitez prendre la parole ou non ? Vous ne l'aviez pas demandée.

M. Jacques Pagan (UDC), rapporteur de minorité. Si je suis ici, c'est bien pour parler ! Je ne comprends plus rien !

Le président. Il faut appuyer sur le bouton !

M. Jacques Pagan. J'ai effectivement appuyé avec quelque retard sur ce petit bouton, car j'écoutais les paroles de M. Vanek...

M. Pierre Vanek. Vous buviez mes paroles...

M. Jacques Pagan. Exactement: je buvais les paroles de M. Vanek ! Ce dernier a soulevé un certain nombre de problèmes auxquels je répondrai. Une réponse substantielle est déjà apportée dans le cadre du rapport de minorité qui se trouve sous les yeux de ceux qui possèdent le texte concerné. Avant de répondre aux diverses objections de M. Vanek, je souhaite au préalable dresser un bref historique de ce projet de loi.

Je tiens à souligner que la conception de ce texte n'a pas été bâclée, mais qu'elle a, au contraire, été précédée d'une longue réflexion de la part de notre parti, singulièrement de la part des députés Letellier et Catelain. Dans une période où la sécurité devient un problème lancinant, ces derniers se sont interrogés sur les contributions que le Grand Conseil pouvait apporter pour trouver une solution à ce problème. La population éprouvant un sentiment d'insécurité croissant, il y a lieu d'essayer, dans la mesure du possible, de le dissiper. Je crois d'ailleurs savoir que M. Letellier s'en est enquis auprès de Mme la conseillère d'Etat Micheline Spoerri. Il lui a déclaré que l'UDC était prête à apporter sa contribution pour tenter de régler un problème aussi gigantesque que celui de la sécurité, mais à notre niveau. C'est de là qu'est née l'idée de ce projet de loi. Comme nous entretenons des contacts réguliers avec la base de notre parti, je suis en mesure de vous indiquer que ce sont les commerçants, les personnes privées et les usagers des transports publics qui sont le plus préoccupés par les questions de sécurité. Nous avons donc déposé ce texte en date du 21 mars 2002. Il a été évoqué devant le Grand Conseil le 30 mai de la même année et renvoyé sans débat à la commission des droits politiques, compte tenu de l'accord du Bureau du Grand Conseil et des chefs de groupe. Vous retrouverez ces références dans le Mémorial du 30 mai, page 2039. Ce projet de loi a été traité lors de la séance du 12 juin 2002 de la commission des droits politiques. Il figurait en première position de l'ordre du jour, suivi par deux autres projets de lois, l'un portant sur les secrétaires de commission, l'autre sur les compétences de la commission de grâce. Il est surprenant qu'en dépit de sa position en tête de l'ordre du jour, il ait été traité en fin de séance en un peu plus d'un quart d'heure ! J'ai vivement regretté la manière dont les commissaires l'ont accueilli, car il méritait selon moi une attention plus soutenue.

Avant d'aborder le contenu de ce projet de loi, j'aimerais faire quelques critiques quant à la forme du rapport de majorité. Monsieur Vanek, je regrette le style polémiste et partisan - diatribes, pamphlets etc. - que vous donnez à votre texte. Que vous critiquiez notre projet de loi est une chose tout à fait naturelle: on ne peut pas vous contraindre à l'accepter. Vous possédez certaines idées que vous voulez exprimer et vous ne partagez pas les nôtres; il est tout à fait légitime que vous en fassiez part. Mais pourquoi vous en prendre systématiquement, par principe, à notre parti ? L'UDC n'est pas en cause ici: on ne vous demande pas de juger l'UDC, mais on vous demande simplement de vous exprimer sur un projet de l'UDC ! Il s'agit tout de même d'une chose un peu différente ! Je trouve cette attitude regrettable; elle porte atteinte à la dignité du débat démocratique et marque une forme d'irrespect envers des adversaires politiques. Je regrette que ce soit à l'occasion d'un rapport officiel qu'une telle attitude partisane se manifeste. Toute une série de passages m'ont, à titre personnel, énervé et choqué. C'est pourquoi je demanderai, à la fin de mon exposé, la suppression ou, du moins, l'aménagement des alinéas 1, 2, 8, 9 et 10.

Le président. Vous avez terminé ?

M. Jacques Pagan. Non, Monsieur le président. A deux ou trois reprises, Monsieur Vanek, vous posez la question suivante à propos du vide allégué de ce projet de loi: l'UDC n'a-t-elle «rien à dire ou peur de le dire» ? Vous dites notamment que nous n'avons pas pris la parole en plénière. Comme je l'ai dit tout à l'heure, ceci est tout à fait exact: nous n'avons pas voulu prendre la parole à ce moment, car nous estimions qu'un débat de préconsultation ne se justifiait pas. D'ailleurs, le projet de loi dont nous avons parlé tout à l'heure sera pour nous l'occasion, en commission des droits politiques à laquelle il a été renvoyé, de faire connaître notre opposition au débat de préconsultation.

En ce qui concerne les critiques que vous avez fait valoir vis-à-vis de ma personne quand ce projet de loi a été évoqué en commission, je répondrai la chose suivante: j'estimais que l'exposé des motifs était suffisamment clair pour qu'il me dispense, vu le peu de temps à disposition, de le commenter davantage. Ne dites pas que nous n'avons rien à dire ou que nous avons peur de le dire ! Moi qui ne suis pas aussi expérimenté que vous, je regrette de ne pas avoir satisfait à cette exigence qui consiste à répéter verbalement ce qui est écrit dans des exposés de motifs appuyant un projet de loi ! Puisque le temps consacré en commission à l'étude de ce projet de loi a été extrêmement bref, peut-être pourrais-je, avec l'autorisation de M. le président, reprendre le contenu de l'exposé des motifs afin que l'assemblée ait une idée extrêmement possible de quoi il retourne. Je commenterai l'exposé des motifs, ou peut-être même le lire afin de compenser le peu de temps que j'ai eu pour exposer cette question en commission.

Plus personne ne le conteste, la question de la sécurité et son corollaire, l'insécurité, constituent actuellement un enjeu politique majeur. Il ne se passe pas de jour sans que les médias se fassent l'écho des inquiétudes grandissantes de la population face à la hausse de l'insécurité en général, de la petite ou grande criminalité en particulier. Pour les autorités politiques, le défi est multiforme. La population, qui ne croit plus au discours lénifiant des statisticiens criminologues, constate au quotidien l'incapacité de la police, compte tenu des moyens restreints mis à sa disposition, de faire face à ses missions de prévention et de répression. Les forces de police disent quant à elles ouvertement leur désarroi...

Le président. Il vous reste trente secondes !

M. Jacques Pagan. Eh bien, nous irons au bout des trente secondes ! Je reprends: ...quand ce n'est leur incompréhension face aux politiques inadaptées qu'ils ont pour instruction d'appliquer sur le terrain. Déjà endémique à Genève, l'immigration clandestine s'en trouvera nécessairement augmentée. Une première constatation s'impose: seule une approche globale de la sécurité est en mesure de donner au canton les moyens d'une politique locale réaliste que devront mettre en oeuvre les différents services de l'administration, centralisés ou délégués. Une deuxième constatation lui succède: le lieu d'une telle approche à conduire dans un rapport de proximité avec les préoccupations de la population et des services concernés fait cruellement défaut. Suit dans le rapport toute une liste de problèmes évoqués.

Ce qui n'a pas été compris par les membres de la commission et ce sur quoi la présente assemblée est invitée à se pencher, c'est que nous voulions, non pas prévoir une commission ayant un but extraordinairement précis à atteindre, mais créer une commission à laquelle les différentes personnes préoccupées par des questions de sécurité puissent se confier. Le but de cette commission réunissant tous les partis représentés au Grand Conseil...

Le président. Monsieur Pagan, vous avez largement épuisé votre temps de parole ! Demandent la parole les députés Catelain, Gros, Letellier, Vanek, Kunz et Iselin. Nous nous arrêterons là, le vote en commission ayant été net.

M. Gilbert Catelain (UDC). La sécurité figure, au même titre que la santé et l'éducation, parmi les tâches cardinales de l'Etat. L'article 57 de la Constitution fédérale - Constitution au demeurant étrangement absente de ce parlement puisque l'on y trouve l'ancienne Constitution fédérale, et non la nouvelle - prévoit que «la Confédération et les cantons pourvoient à la sécurité du pays et à la protection de la population dans les limites de leurs compétences respectives. Ils coordonnent leurs efforts en matière de sécurité intérieure». Ces dernières années et aujourd'hui encore, alors que la Confédération et les cantons échangent leurs points de vue et discutent de la répartition des tâches ainsi que des moyens financiers dans le cadre de projets d'envergure baptisés USIS, Police XXI et j'en passe, ce parlement est resté totalement muet, alors même que des décisions importantes ont été et seront prises cette année encore. Je pense notamment à la militarisation de la surveillance de la frontière, au projet de la Confédération d'engager dès l'année prochaine des miliciens pour cette même surveillance ou encore au transfert du contrôle ferroviaire à la Confédération. Parallèlement existent plusieurs projets cantonaux. Je pense notamment à un projet de loi de l'Alliance de gauche qui, comme l'a dit tout à l'heure M. Vanek, traîne depuis plus de dix-huit mois en commission judiciaire, ainsi qu'à un projet de loi sur la police qui traîne également en longueur compte tenu du peu de séances de ladite commission. Cette dernière se trouve en outre complètement submergée par un nombre impressionnant d'objets de nature purement judiciaire.

La Confédération ne s'y est pas trompée: le Conseil national dispose d'une commission de sécurité. A ma connaissance, les représentants de la gauche et de l'Entente n'ont jamais déclaré que cette commission avait pour but de noyer les problèmes de sécurité. Je constate pour ma part que Genève est, dans ce domaine, hors jeu: les décisions se prennent en son absence. Si nous devions aller dans le sens voulu par les opposants à ce projet, nous pourrions supprimer un certain nombre de commissions de ce parlement. En allant jusqu'au bout de cette logique, nous pourrions supprimer ce parlement dans sa structure actuelle et le remplacer par une chambre d'enregistrement telle qu'elle existe encore dans les Républiques de type stalinien que M. Vanek affectionne et avec lesquelles il a frayé ! (Protestations.)

Une voix. Ah là là là là là !

M. Gilbert Catelain. Je déplore également que l'Entente, qui a récemment placé le thème de la sécurité au centre de ses préoccupations électorales, pour ne pas dire au centre de l'humain, ait confié à un partisan des casseurs de flics la rédaction et la présentation du rapport de majorité.

Le président. J'essaie de faire évacuer la tribune, qui est squattée ! Il est rare que M. Vaucher squatte, mais cela lui arrive ! La parole est à M. le député Gros.

M. Jean-Michel Gros (L). Je m'excuse de vous avoir réveillé, Monsieur le président !

Le groupe libéral tient en premier lieu à faire savoir qu'il ne partage pas non plus le ton employé par M. Vanek dans son rapport de majorité, et notamment les attaques méprisantes adressées à l'égard d'un groupe de ce Grand Conseil. Il refusera cependant, sur le fond, ce projet de loi visant à créer une commission parlementaire de la sécurité. Si nous ne nions évidemment pas le fait que la sécurité constitue un souci légitime de nos concitoyens, nous ne sommes toutefois pas persuadés que c'est par la création d'une commission supplémentaire que nous trouverons de meilleures solutions. Une telle commission ne ferait que double emploi avec la commission judiciaire. Il existe effectivement une commission de la sécurité aux Chambres fédérales, mais M. Catelain sait fort bien qu'elle s'occupe essentiellement de questions relatives à l'armée.

Il est vrai que la commission judiciaire s'est beaucoup occupée de questions concernant le Palais de justice et l'organisation des tribunaux - ce qui participe aussi, vous l'admettrez, au concept de sécurité. Mais elle s'occupe maintenant davantage de toutes les questions concernant la police. Les nombreux projets de lois qu'elle traite ont été énumérés tant par M. Catelain que par M. Vanek. Cette commission judiciaire est donc adéquate pour traiter de telles questions. M. Catelain pourra confirmer à son collègue M. Pagan que cette commission examine la loi sur la police. Il est vrai que nous siégeons trop rarement; c'est cependant avec un énorme soin que nous travaillons sur cette loi.

Il faut par ailleurs reconnaître que le nombre de commissions dans ce Grand Conseil est déjà trop important. Il est difficile pour des parlementaires de milice d'assumer vingt-quatre commissions: cela implique que chacun d'entre nous siège à trois, voire quatre séances de commissions chaque semaine. M. Pagan a d'ailleurs récemment évoqué, à l'occasion d'un projet de loi concernant la répartition des sièges en commission et offrant potentiellement à son groupe un deuxième siège dans certaines d'entre elles, les difficultés que son groupe aurait à envoyer une deuxième personne siéger en commission. Le groupe radical a pour sa part déposé un projet de loi visant à limiter le nombre de commissions à une par département, et la grande majorité de la commission des droits politiques a admis la nécessité de limiter le nombre de commissions en fusionnant certaines d'entre elles. Tous ces éléments nous amènent à dire que ce n'est guère le moment d'ajouter une commission, et ceci d'autant moins lorsqu'une commission existante fait bien son travail.

Monsieur Pagan, le groupe libéral ne vous accuse ni de démagogie, ni de dérive sécuritaire. Il ne rejette votre projet de loi que parce qu'il n'est pas nécessaire !

M. Georges Letellier (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, restons calmes ! (Eclats de rires.)J'aimerais tout d'abord répondre à M. Gros qui, contrairement à l'habitude, dit des grossièretés ! En d'autres termes, Monsieur Gros, nous avons besoin de cette commission insécurité... (L'orateur est interpellé par M. Gros.)C'est un jeu de mots ! Vous devriez être assez grand pour le comprendre ! Cette commission est utile. Preuve en est que, lorsque j'ai eu l'idée de sa création, j'en ai parlé en premier lieu à Mme Spoerri - qui est malheureusement absente aujourd'hui. Or, elle m'a répondu qu'il s'agissait d'une très bonne idée, mais qu'elle ne voulait pas que cette commission dépende du DJPS. (Brouhaha.)La création d'une telle commission étant favorable pour elle, elle devrait également l'être pour tout le monde ! Nous avons donc déposé un projet en pensant que tout le monde serait d'accord avec cette proposition de création de commission. Il s'agissait pour nous d'une évidence, car il faudra faire face à l'insécurité ! Cela ne fait que commencer: vous verrez - vous savez déjà - ce qui va se passer dans quelque temps: le G8 !

J'aimerais maintenant répondre à M. Vanek. Vous dites dans votre rapport de majorité, Monsieur Vanek, que «quand on veut noyer un problème on crée une commission». A l'inverse, je vous répondrai que «quand on veut noyer une commission on multiplie les problèmes» ! Vous êtes précisément le genre d'individu spécialiste en matière de multiplication de problèmes et de provocation ! Vous le savez fort bien, et vous êtes très heureux de votre sort ! Il s'agit à l'évidence de votre stratégie favorite: au lieu d'être solidaire et d'accepter l'idée d'une commission consacrée à la sécurité, vous la combattez avec véhémence. Est-ce bien sérieux de votre part quand on connaît l'étendue des problèmes actuels, et que l'on essaie d'anticiper les problèmes que nous rencontrerons dans le futur ? La logique vous fait-elle peur, Monsieur Vanek ? Vous vous efforcez de peindre le diable sur la muraille - le diable étant bien évidemment l'UDC ! - afin de discréditer et de noyer notre projet de loi qui, apparemment, vous dérange, parce qu'il émane d'un parti qui vous dérange. Pourquoi tant de haine et d'intolérance dans vos propos ? En tous les cas, le rapport de majorité, que vous avez paradoxalement l'honneur de présenter, est édifiant ! L'Entente a besoin de l'extrême-gauche pour dire tout le bien qu'elle pense de son voisin: bravo ! Votre attitude n'est pas surprenante puisque dans votre tous-ménages des jeunes AdG des élections communales, vous annonciez déjà la couleur en reprenant à votre compte le très médiatisé slogan de l'Entente, connu pour son inefficacité, «Nous voulons une politique de proximité qui favorise le dialogue et la prévention plutôt que la répression». L'AdG de M. Vanek bras dessus, bras dessous avec le DJPS de Mme Spoerri, unis pour le meilleur et pour le pire: qui l'aurait cru ? (Exclamations.)Cette alliance contre nature en dit long sur le degré de connivence existant entre la gauche et le DJPS: «Ne touche pas à ma police, je ne toucherai pas à ton pote !». Cette stratégie commune entre l'Alternative et l'Entente afin de contrecarrer les idées de l'UDC, avec l'aide des médias inféodés, est, grâce à M. Vanek, devenue limpide. Je m'explique: si vous nous avez volontairement ignorés depuis notre entrée au parlement, c'était pour démontrer notre inutilité «supposée» sur l'échiquier politique genevois. Sur ce plan, vous avez lamentablement échoué ! C'est logique: il vous est politiquement impossible d'être à la fois juge et partie. Dès lors, la sécurité est évidemment votre maillon faible, votre talon d'Achille. En l'état, vous ne pouvez accorder votre blanc-seing qu'à une police docile, consensuelle, voire laxiste, qui vous permet d'exploiter votre fond de commerce en toute tranquillité: «Je te tiens, tu me tiens par la barbichette», voilà le pacte existant entre vous, Mesdames et Messieurs les députés de l'Alternative, et le DJPS de l'Entente. Devant les échéances qui nous attendent: accords bilatéraux, envahissement programmé de notre territoire par des requérants venus de l'Est (Vives protestations.) (Le président agite la cloche.)... Voilà quelle est la réponse habituelle !

Le président. Ecoutez l'orateur !

M. Georges Letellier. Je poursuis: augmentation des délits, libre circulation des personnes, regroupement familial programmé - vous verrez quelles seront les conséquences du regroupement familial: je suis bien placé pour en parler puisque je suis né en France ! - faux réfugiés, trafic de «stups», exode provoqué par les décisions prises par Sarkozy, insuffisance de peine pour les délinquants et, bientôt, le G8. Vous ne méritez pas mieux, car vous n'avez pratiquement pas le courage d'écouter un tel discours ! Vous n'avez que le courage de le critiquer !

La création d'une commission de sécurité composée démocratiquement d'un commissaire de chaque parti capable d'établir un relais entre le citoyen, ses élus, et les autorités policières, douanières et judiciaires cantonales s'impose. C'est par le dialogue avec ceux qui subissent l'insécurité que nous progresserons, et non par des actions médiatiques intempestives ne faisant qu'exaspérer des citoyens qui ne sont pas dupes. Si cette commission est vraiment inutile, et que, fort de votre entente tacite, vous êtes capables de résoudre tous les problèmes énumérés à la pleine satisfaction du citoyen, banco ! Agissez en fonction de votre conscience et «poutzez» notre idée de commission ! Le peuple jugera sur pièces.

En conclusion, l'état des lieux étant fait concernant la sécurité, je vous demande de choisir entre une démocratie, où celui qui pense autrement, s'expose à la vindicte de la pensée unique mondialiste, et une démocratie libre et tolérante, où celui qui pense autrement, ne se voit pas systématiquement mis à banc après s'être fait cataloguer de raciste, de xénophobe ou de fasciste. J'ajouterai que les qualificatifs utilisés contre ceux qui pensent autrement, sont les véritables verrous de la chape gauchiste sous laquelle vous êtes en train d'étouffer, Mesdames et Messieurs de l'Entente. En êtes-vous bien conscients ? (L'orateur est interpellé par M. Vanek.)Je remercie M. Vanek pour ses propos toujours provocateurs. Il faut reconnaître qu'ils sont parfois assez justes ! Ils nous auront en tout cas permis de dissiper une certaine incompréhension du système: nous savons aujourd'hui clairement à quoi nous en tenir.

Le président. Sont inscrits Mme et MM. Vanek, Kunz, Iselin, Pagan, von Arx-Vernon et Leuenberger. Je clos la liste après l'inscription de M. Koechlin. J'aimerais beaucoup que mon vice-président revienne ! (Le président est interpellé par M. Blanc.)Non, non, non: Monsieur Blanc, cessez d'invectiver M. Letellier ou d'autres ! Nous vous avons parfaitement entendu !

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de majorité. La démonstration de ses talents parlementaires et de ses positions politiques à laquelle vient de se livrer l'UDC ne mériterait probablement aucun commentaire de ma part. J'aurai néanmoins la faiblesse de souligner la contradiction entre M. Catelain, qui m'a notamment traité de casseur de flics - ce qui est particulièrement inexact, puisque je suis systématiquement intervenu sur toute une série de dossiers pour essayer d'éviter des confrontations entre notre police et des manifestants - et M. Letellier, qui fustige mes accointances et mes complicités, inadmissibles selon lui, avec le département de justice et police de Mme Spoerri. Messieurs de l'UDC, quand on veut faire de la politique, il faut savoir sur quel pied l'on danse: on ne peut pas défendre simultanément deux thèses absolument contradictoires !

J'aimerais par ailleurs répondre à M. Gros, qui a tenu à prendre ses distances avec les termes de mon rapport de majorité... (Ton amusé.)...que ce dernier ne contient pas grand-chose, les débats s'étant résumés à presque rien puisque M. Pagan - mais encore a-t-il reconnu qu'il s'agissait d'une erreur - n'a pas jugé utile d'intervenir en commission sur le fond de ce projet de loi. Je me suis permis quelques pointes pour marquer l'événement que constituait le premier projet de loi émanant de l'UDC traité dans cette enceinte. Nous avons pu voir l'événement qu'a constitué la manière dont l'UDC a tenu à débattre de ce projet de loi.

Je dirai également à M. Pagan que, quand on veut faire de la politique, il faut avoir le cuir un peu solide et être capable de supporter quelques critiques. Mon rapport contient certes quelques pointes, mais enfin ! D'une part, M. Pagan nous dit que l'UDC a consulté la base de son parti et que la sécurité apparaissait, notamment chez les petits commerçants, comme une préoccupation importante. Je l'ai écouté et je reconnais qu'il s'agit d'un problème; je ne nie pas que nous dussions en débattre ici. Mais, d'autre part, mon vis-à-vis s'offusque de mon rapport, qui attaquerait l'UDC alors que cette dernière ne serait pas en cause et qu'il s'agirait simplement de débattre de la question de la sécurité. Non, Monsieur Pagan ! Nous faisons de la politique; nous nous trouvons des deux côtés d'une table autour de laquelle nous discutons et autour de laquelle je remets effectivement en cause les positions de l'UDC. Vous avez certes le droit de me répondre et d'écrire les propos que vous souhaitez dans votre rapport. Mais quelle est votre étrange conception de la démocratie pour me demander maintenant le retrait des paragraphes 1, 2, 8, 9 et 10 de ce rapport ?! Pierre Vanek, comme n'importe quel député dans cette enceinte, écrit ce qu'il entend écrire dans son rapport. On a le droit d'y répondre et de le contredire, mais on n'a pas le droit de lui dire qu'il n'aurait pas dû écrire ceci ou qu'il doit le retirer ! Une telle attitude est inadmissible, ce d'autant que j'ai rédigé d'autres rapports qui étaient, sur le ton, moins modéré que celui-ci ! Sensible au statut et à l'honneur que m'a notamment fait l'Entente, mais que m'ont également fait mes collègues de l'Alternative en me demandant de présenter ce rapport, je n'ai guère pratiqué la polémique. J'ai simplement relevé et filé le thème de la petite contradiction entre l'aspect proclamatoire fort de l'entrée de l'UDC dans cette enceinte - ce groupe s'étant présenté comme un parti différent de tous les autres, qui allait tout révolutionner et ayant de nombreuses suggestions à faire en matière de sécurité - et un projet de loi montrant que ce même parti n'a, dans le fond, réussi à convaincre personne et n'a strictement rien proposé à l'exception de la création d'une commission afin de traiter d'une question qui l'est déjà et dans cette enceinte, et en commission judiciaire.

Je puis assurer à M. Pagan qu'il n'est pas question que je retire les paragraphes 1, 2, 8, 9 et 10 de mon rapport; j'en maintiens au contraire la moindre virgule. Je maintiens également le droit dont je dispose de tenir ces propos.

M. Pierre Kunz (R). Il est en effet quelque peu curieux que la gauche, M. Vanek en tête, s'attaque de manière permanente aux préoccupations sécuritaires du groupe UDC, lui et ses amis étant pour leur part tout à fait décidés à faire convoquer une séance du Grand Conseil relative au G8 sur la base de leurs propres préoccupations sécuritaires. Un certain nombre de problèmes en matière de sécurité se posent donc bien dans notre République.

Les radicaux comprennent pour leur part les préoccupations de leurs collègues UDC. Ils sont toutefois d'avis que les problèmes de sécurité peuvent être traités dans les structures existantes du Grand Conseil. Ils trouvent par conséquent inutile la création d'une commission supplémentaire dite de sécurité, et ceci d'autant plus qu'ils aimeraient diviser au moins par deux le nombre des commissions existantes.

En conclusion, je répète que les radicaux ne contestent pas l'idée de consacrer davantage de temps et de moyens à la problématique de la sécurité dans le canton, mais que le moyen choisi ne leur semble par être le bon. C'est pourquoi ils ne voteront pas la création d'une telle commission ou, pour le moins, ils s'abstiendront.

M. Robert Iselin (UDC). Plusieurs des orateurs qui ont parlé avant moi ayant exprimé des idées que je voulais vous soumettre, je serai extrêmement bref. En premier lieu, je regrette, en homme de la vieille Suisse, que M. Vanek prenne le ton qui a été le sien à l'égard de l'UDC. Je trouve en deuxième lieu un peu facile de se gausser de la question de la sécurité quand elle est brusquement devenue, à la suite d'événements tout à fait regrettables et compte tenu de ceux qui vont se produire, plus que jamais à l'ordre du jour. Ceci dit, il est probablement préférable que, pour l'instant - mais seulement pour l'instant - la question de la sécurité soit discutée dans ce Grand Conseil comme l'a exposé M. Kunz.

M. Jacques Pagan (UDC), rapporteur de minorité. Ce projet de loi contient un élément important que M. Vanek et tous les commissaires qui n'ont pas voulu accepter l'entrée en matière sur ce projet de loi n'ont pas perçu. Que fait cette commission ? Elle réunit des députés de diverses tendances politiques possédant une même préoccupation au sujet de la sécurité, mais adoptant des approches différentes pour traiter de cette question. Il s'agit donc d'un forum de discussion où l'on expose les problèmes dont on a connaissance. Ce forum doit permettre de discuter ensemble, de proposer des solutions et d'évaluer la mesure dans laquelle ces dernières sont réalisables. L'on ne vous impose rien, mais l'on vous offre simplement la possibilité de vous réunir et de discuter franchement de certains problèmes. C'est donc à la fois une commission permanente de sécurité et une certaine soupape de sécurité que nous vous proposons, puisqu'elle devrait permettre d'éviter des affrontements politiques stériles ne débouchant sur strictement rien. Je vous laisse constater l'évolution en matière d'actualité depuis le dépôt de ce projet de loi: les manifestations organisées autour du G8 posent des problèmes sécuritaires graves que nous abordons dans le cadre des travaux de notre Grand Conseil, en séance plénière. Une réunion spéciale consacrée à ce sujet est d'ailleurs agendée pour le 10 de ce mois. Mais si cette commission avait existé, nous aurions pu établir des contacts préalables, échanger des informations, récolter des données plus précises sur les événements qui risquaient de se produire et établir les mesures de sécurité à prendre ainsi que les recommandations à faire de part et d'autre. Voilà quel est l'aspect positif et novateur - je dirais même révolutionnaire, mais peut-être ce terme vous choque-t-il - de cette commission. Il s'agit bien d'une approche révolutionnaire, car complètement différente: pour une fois, un parti politique ne dépose pas un projet de loi, une proposition de motion ou une proposition de résolution pour affronter un problème ! Nous sommes tous conscients du problème sécuritaire et nous voulons essayer de lui trouver ensemble une solution. Ce n'est pas dans l'intérêt des partis que nous avons déposé ce projet de loi, mais dans celui de la population qui, je vous le rappelle, nous a mandatés pour la représenter et veiller à sa personne et à ses biens.

La solution préconisée par M. Gros - solution consistant à attribuer les fonctions de la commission de sécurité à la commission judiciaire - ne me paraît pas judicieuse. La loi portant règlement du Grand Conseil dispose en effet que la finalité de la commission judiciaire est de s'occuper de toutes les questions concernant l'administration de la justice. Or, il s'agit là d'une vision déjà rétrécie des problèmes sécuritaires: la justice joue certes un rôle très important dans le cadre de la promotion de la sécurité, mais il s'agit d'une promotion largement répressive et curative. Elle ne permet par conséquent pas de traiter la diversité des situations conflictuelles difficiles que nous serions appelés à connaître. Par ailleurs, nous prévoyons dans le cadre de ce projet de loi une commission de neuf, et non de quinze membres, comme c'est le cas de la commission judiciaire. L'instrument choisi est donc beaucoup plus souple.

Au niveau des conclusions, j'apprécierais beaucoup, si tant est que ce Grand Conseil ait suffisamment de maturité pour essayer de trouver un terrain d'entente, que ce projet de loi soit renvoyé en commission pour procéder à l'audition de la conseillère d'Etat Mme Micheline Spoerri. Après cela, sur la base de ce qui a été écrit sur ce projet de loi, des propos qui ont été échangés aujourd'hui et de l'audition de Mme  Spoerri, il appartiendra aux commissaires de décider soit de poursuivre soit d'arrêter là, parce que l'ambition de cette commission est inaccessible aux pauvres humains que nous sommes. J'apprécierais véritablement que chacun fasse cet effort de discussion, que l'on parle sérieusement de la sécurité et que l'on n'aborde pas cette dernière par son propre regard, mais qu'on tienne également compte de celui des autres pour que le problème en tant que tel soit traité de manière digne et objective.

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Il me semble important de revenir sur un fait réel: l'entrée en matière de ce projet de loi a été rejetée à l'unanimité moins, bien entendu, la voix d'un député UDC. Il s'agit là d'un signe très fort.

Il convient de distinguer le fond de la forme. Il est vrai que le fond pose des questions importantes - questions qui sont d'ailleurs déjà traitées dans des commissions existantes - et que l'on peut toujours faire mieux. Mais l'on peut aussi faire mieux avec des commissions qui existent déjà ! Quant à la forme, je répète ici les propos que j'ai tenus en commission: il y a là tous les signes précurseurs d'une dérive sécuritaire et tous les alibis populistes possibles ! En renforçant la peur des citoyens, l'on met en péril la démocratie ! Nous devons donner un signe fort en rejetant ce projet de loi. C'est ce qui a été fait par la commission à sa quasi-unanimité.

M. Ueli Leuenberger (Ve). Les Verts s'occupent de la sécurité et des problèmes de la police principalement au sein de la commission judiciaire, et nous sommes d'avis que cette manière de faire se poursuive. Les députés qui travaillent au sein de cette commission sont en effet familiarisés avec les questions ayant trait à la police et à la sécurité. Nous disposons donc, par le biais de cette commission, d'un instrument adapté pour travailler sur les problèmes de sécurité. Nous suggérons par ailleurs de travailler dans la direction apaisante qu'a évoquée M. Pagan lors de sa dernière intervention, et non de réaliser le catalogue que M. Letellier nous a présenté dans sa propre intervention.

Je vous invite naturellement à suivre la majorité de la commission.

Le président. Monsieur Pagani, je vous prie de ne plus prendre de photos ! La parole est au dernier intervenant, M. Koechlin, puisque nous avions clos la liste. Ce dernier renonçant...

M. René Koechlin. Non, je ne renonce pas !

Le président. Dans ce cas, prenez donc la parole, Monsieur Koechlin !

M. René Koechlin (L). La question de la sécurité, au sens très large, nourrira selon moi de plus en plus souvent les débats de notre Grand Conseil. On peut évidemment déplorer ce mouvement, mais ce sont les faits qui nous y conduiront, et nous y serons bien obligés. La proposition de projet de loi de l'UDC possède au moins la vertu de soulever ce problème réel, qui préoccupe un nombre croissant de nos concitoyens. C'est pourquoi il nous faut nous pencher sur ces questions de sécurité. Si nous partageons les préoccupations de nos collègues de l'UDC à ce sujet, force est cependant de reconnaître que l'instrument proposé par ces derniers n'est pas tout à fait adéquat. Comme l'a relevé de manière quelque peu ironique M. Vanek, nommer une commission n'est pas nécessairement le meilleur moyen de résoudre le type de problèmes qui nous préoccupe. Des instruments parlementaires existent déjà. Je pense ici à deux commissions déjà en place, à savoir la commission judiciaire et la commission des affaires sociales. Je précise à cet égard que la sécurité concerne à mon sens également les affaires sociales; le chef du département des affaires sociales hoche d'ailleurs de la tête en me confirmant qu'il s'agit bien, à ses yeux, d'un problème à caractère social. Ces deux commissions déjà formées devraient se préoccuper des questions de sécurité; elles devront en outre probablement les traiter de plus en plus fréquemment.

Je tiens à faire savoir aux membres de l'UDC que, si nous refusons l'entrée en matière de ce projet de loi, ce n'est pas parce que nous refusons le dialogue sur les questions de sécurité, ni parce que nous ne sommes pas préoccupés par ces problèmes - bien au contraire. Notre refus est simplement dû au fait que l'instrument proposé nous paraît inadéquat et qu'il en existe d'autres. L'on pourrait cependant en discuter. Je suis personnellement ouvert à ce dialogue entre tous les partis représentés dans ce parlement. La question de la sécurité me semble en effet suffisamment grave et importante pour qu'elle préoccupe tous les députés de cette enceinte. (Applaudissements.)

Le président. Je mets aux voix en premier débat le vote d'entrée en matière sur le projet de loi créant une commission permanente consacrée à la sécurité. Monsieur Pagan, j'ai clos le débat ! Nous passons donc maintenant au vote. En cas de deuxième débat... (L'orateur est interpellé par M. Pagan.)Mais les rapporteurs sont inscrits ! Je suis désolé de devoir vous dire que M. Vanek a parlé en son temps... Bon, allez-y, Monsieur Pagan ! J'ai personnellement tout mon temps, et que nous travaillons ou non n'a guère d'importance...

M. Jacques Pagan (UDC), rapporteur de minorité. Je vous confirme simplement ma demande, Monsieur le président, de renvoyer ce projet de loi en commission pour qu'à tout le moins Mme Spoerri soit auditionnée et que les commissaires décident ensuite souverainement. Il sera en outre utile d'échanger nos points de vue...

Le président. C'est bien, nos travaux avancent: dix projets ont été traités dans la journée, nous avons assisté à de multiples renvois et ajournements... J'ignore comment travaillent les commissions, mais je commence à le voir - de même que le public. Je mets donc en premier lieu aux voix le renvoi en commission, comme l'a suggéré M. Pagan. Nous procéderons par vote électronique.

Monsieur Portier, vous ne pouvez intervenir que sur la procédure de vote, car la liste des orateurs est close !

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Je souhaite intervenir non pas sur la procédure de vote, mais sur la proposition de renvoi en commission de M. Pagan. L'écoute de ce débat s'est avérée instructive puisque nous avons pu constater que, chose suffisamment rare pour être relevée, l'ensemble de ce parlement se souciait des problèmes de sécurité. La proposition qui nous est faite ce soir par le biais du projet de loi de l'UDC n'est manifestement, du moins aux yeux de la majorité de ce parlement, pas la bonne méthode. Il semble cependant qu'il faille ancrer dans le système de fonctionnement de nos commissions la capacité à nous occuper des questions de sécurité. Comme l'ont rappelé MM. Gros et Leuenberger, c'est la commission judiciaire qui s'occupe traditionnellement des problèmes de la police, notamment actuellement puisque nous traitons non seulement de la loi sur la police, mais également des problèmes d'ouverture des postes de gendarmerie et autres.

Je vous propose pour ma part, au nom du groupe démocrate-chrétien et du groupe radical, le renvoi en commission. La solution suivante nous semble être adéquate: plutôt que de transformer la section 8 de la loi portant règlement du Grand Conseil, comme nous le suggère le projet de loi, nous vous proposons de modifier la section 7, qui traite de la commission judiciaire, et notamment l'article 212. Il semble aisé de transformer le titre en «commission judiciaire et de sécurité» et de préciser dans l'article 212 que cette commission se préoccupe, outre des questions relatives à l'administration de la justice, des problèmes de sécurité. Cette solution extrêmement simple permettrait d'apporter une réponse plus adéquate à la préoccupation soulevée par le groupe UDC ce soir. C'est pourquoi nous appuierons pour notre part le renvoi en commission.

Le président. Cette solution paraît effectivement simple. Il aurait peut-être fallu la proposer il y a trente-cinq minutes, voire en commission... (Protestations.)Je m'excuse, mais il ne s'agit là pas d'un travail sérieux !

M. Albert Rodrik (S). Nous ne sommes pas autorisés à modifier le libellé d'une commission de cette manière en plénum alors que cette possibilité n'a pas été évoquée auparavant. C'est pourquoi je suggère que la commission judiciaire étudie la possibilité de créer, en son sein, une sous-commission composée d'un représentant par parti se consacrant plus particulièrement aux questions de sécurité. Cette possibilité doit être soulevée au sein de la commission judiciaire et obtenir l'aval de cette dernière.

Si vous voulez procéder ainsi, je vous suggère donc de poser la question à la commission judiciaire et de revenir en plénière. Mais il n'est pour cela guère nécessaire de renvoyer cette affaire en commission, car ce projet de loi doit être réglé ici. Si la commission judiciaire souhaite, dans son libre-arbitre de commission, créer une sous-commission, elle en avisera ce parlement.

Le président. Le renvoi en commission ayant été demandé, je suis tout de même obligé de le mettre aux voix. (M. Portier demande la parole.)Non, Monsieur Portier, je ne vous donnerai pas la parole, car seul un député par groupe peut s'exprimer sur le renvoi. Je mets donc aux voix le renvoi en commission proposé par M. Pagan et soutenu par M. Portier. Nous procéderons par vote électronique.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet en commission est rejetée par 31 non contre 28 oui et 2 abstentions.

Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 49 non contre 9 oui et 4 abstentions.

Le président. Mme Roth-Bernasconi est-elle présente ?

Une voix. Non.

Le président. Nous reportons donc le point 30 de l'ordre du jour, car il s'agit d'un sujet délicat - à moins que...

Une voix. Il y avait douze oui et une abstention !

Le président. C'est vraiment n'importe quoi. Monsieur Portier, vous souhaitez prendre la parole ?

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Oui. Excusez-moi d'intervenir une nouvelle fois. Suite au refus du renvoi en commission du projet précédent, j'annonce, au nom des groupes démocrate-chrétien et radical, le prochain dépôt d'un projet de loi s'inscrivant dans le sens de ma précédente intervention.

Le président. C'est ce que l'on appelle, Monsieur le député, un effet d'annonce, puisqu'il faut déposer... (L'orateur est interpellé.)Oui, oui...

En raison de l'absence de Mme Roth-Bernasconi, nous reportons le point et nous passons au point 32. (Protestations.)Non ! C'est comme cela maintenant !

M. Bernard Annen. J'ai demandé la parole !

Le président. Monsieur Annen, je vous donnerai la parole au point 32 !

M. Bernard Annen. Je la demande sur le point 30 ! Cela fait cinq minutes que j'ai appuyé sur le bouton !

Le président. Non, Monsieur Annen, je regarde l'écran!

Des voix. Ouhhh ! Profiteur !

Le président. Monsieur Annen, vous n'avez pas la parole (Protestations et sifflements.) (Le président agite la cloche.)Je ne veux plus entendre de sifflement, sinon je suspends la séance ! (Huées.)Bon, la séance est levée pour une durée de cinq minutes.

La séance est suspendue à 18h55.

La séance est reprise à 19h04.

PL 8742-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de MM. Bernard Annen, Bernard Lescaze, André Reymond, Jean-Claude Egger modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (motion d'ordre)

Premier débat

Le président. Nous reprenons nos travaux. Le projet de loi 8742 soulève un problème que j'ai exposé à plusieurs des chefs de groupe et des députés: la modification de l'article 78A telle que proposée et votée par la commission contribuerait en réalité à rallonger d'environ vingt minutes le temps nécessaire avant qu'il soit possible de procéder à la clôture des débats. Bien que la rapporteuse soit absente, nous entamerons le débat. Je vous suggère cependant, soit de nous tenir à l'article 78A actuel du règlement, soit de renvoyer l'ensemble de ce rapport en commission afin d'éclaircir la situation. C'est l'unique point pour lequel j'aurais souhaité la présence de Mme Roth-Bernasconi, qui avait tout particulièrement étudié le sujet. Je vous rappelle l'objet de ce projet de loi: il s'agit de pouvoir, pour des sujets modestes, clore la liste des intervenants sans que quatre à cinq personnes supplémentaires y soient presque automatiquement ajoutées.

Je cède la parole à M. Charbonnier, rapporteur ad interim. La parole sera ensuite à MM. Annen et Grobet.

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur ad interim. Je remplace effectivement Mme Roth-Bernasconi. J'aimerais toutefois préciser au président que j'ai participé aux travaux de la commission des droits politiques pour que celui-ci se rende compte que certains députés travaillent au sein de cette commission.

Nous avons effectivement travaillé sur ce sujet. Si, comme l'a précisé le président, la commission a rajouté à l'article 78A que l'un des auteurs du projet de loi, les rapporteurs et le représentant du Conseil d'Etat avaient le droit de prendre une ultime fois la parole, c'est parce qu'elle a estimé que c'était ainsi qu'il en allait dans la pratique usuelle: les rapporteurs et le Conseil d'Etat peuvent effectivement intervenir en dernier lieu. Je saisis dès lors mal le sens de l'intervention du président, intervention qui m'a fortement surpris. Il n'existe à notre sens aucun problème à ce que nous votions ce projet de loi tel que l'a voté - quasiment à l'unanimité - la commission des droits politiques.

M. Bernard Annen (L). Je remercie M. le président d'avoir réintégré ce point à l'ordre du jour de manière que nous puissions l'évoquer, du moins partiellement. Malheureusement - ou heureusement -, ce projet de loi est simple: l'ancien article 79 prêtant à confusion, une décision prise par le précédent Bureau a fait l'objet d'un recours auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier ayant tranché, il me semble simple d'accepter la décision prise par le Tribunal fédéral et de l'appliquer de manière à modifier deux éléments. D'une part, il doit être possible de demander l'interruption des débats à la majorité des voix présentes; dans ce cas de figure, chaque personne inscrite, le rapporteur ainsi que le Conseil d'Etat peuvent intervenir une ultime fois. D'autre part, il doit être possible, en cas de majorité des deux tiers, d'interrompre immédiatement les débats et de passer directement au vote. Il convenait simplement de procéder à cette clarification. Bien que n'ayant pas pris part aux travaux de la commission, j'ai le sentiment que cette dernière s'est efforcée de suivre cette direction. Au-delà de la remarque de notre président actuel - remarque que je partage, puisqu'on ne cesse de rallonger les débats - il suffirait selon moi que nous revenions en arrière sur l'article 78A. Cette situation poserait moins, sinon pas de problème.

Maintenant, de deux choses l'une: soit l'on renvoie ce projet de loi en commission, soit l'on formule un amendement simple, auquel cas le Grand Conseil votera. La situation ne sera pas fort différente dans la mesure où nous appliquons aujourd'hui exactement les mesures préconisées par le Tribunal fédéral. Il suffit dès lors de clarifier le texte de loi. Que cette clarification ait lieu aujourd'hui, dans quinze jours ou dans un mois ne change strictement rien. S'il y a un problème, Monsieur le président, pourquoi pas renvoyer ce projet de loi en commission; nous le voterons de toute façon. L'essentiel réside dans le principe, principe qui est appliqué par le président - ce dont je le félicite. Cela étant, arrêtons de nous battre pour pas grand-chose !

M. Christian Grobet (AdG). Pour gagner du temps, je suggère également de renvoyer ce projet de loi en commission de sorte à pouvoir traiter encore un ou deux points supplémentaires.

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Les voeux pieux sont nombreux pour rendre les discussions en séance plénière plus efficaces. Tous les groupes sont même d'accord pour dire qu'il faut être plus concis et plus respectueux des temps de parole. Nous serions tous de bons élèves voulant éviter les dérapages sans toutefois être trop contraints par un règlement. Si c'était vrai, il est évident que cela se saurait et se verrait ! Ce projet de loi est évidemment simple, mais frappé au coin du bon sens. Au nom de notre respect démocratique, nous avons tous à gagner pour rendre les débats plus rigoureux et plus synthétiques. Les citoyens qui nous regardent y gagneraient par exemple en compréhension de nos procédures et en intérêt pour les objets dont nous débattons. S'exprimer librement, ce n'est pas monopoliser la parole au nom d'un groupe pour empêcher l'autre de s'exprimer ! Ce projet de loi a l'avantage de proposer une organisation plus fluide pour la gestion des temps de parole. C'est pourquoi le parti démocrate-chrétien vous invite à voter ce projet de loi, qui possède le mérite de vouloir rendre plus rapide les débats du Grand Conseil.

Mis aux voix, ce projet de loi est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil par 37 oui contre 14 non et 4 abstentions.

M 1491
Proposition de motion de Mmes et MM. Loly Bolay, Ariane Wisard, Christian Bavarel, Antoine Droin, Albert Rodrik pour une politique en matière de circulation cohérente et respectueuse des divers modes de transports dans la Vieille-Ville et ses rues adjacentes

Débat

Mme Loly Bolay (S). C'est l'absence de réponse à la pétition 1230 concernant les problèmes de circulation en Vieille-Ville et dans ses rues adjacentes qui a motivé le dépôt de cette motion. La pétition 1230 demandait un respect des zones piétonnes protégées et un projet de circulation cohérent.

Il faut dire que notre Vieille-Ville est devenue un véritable dépotoir à voitures et à motos, je dirais même un bastion pour ce genre de véhicules. Je ne sais pas si, depuis novembre 2002, date de dépôt de cette pétition, le Conseil d'Etat a pris des mesures pour appliquer le règlement en vigueur en Vieille-Ville. En tout état de cause, cette Vieille-Ville doit, selon nous, être protégée. Je vous remercie donc de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

M. Jacques Baud (UDC). Je serai très bref. Je comprends très bien qu'il puisse y avoir des problèmes pour beaucoup de gens dans cette Vieille-Ville, mais des projets de fermeture de la rue St-Léger et de la rue Jean-Daniel-Colladon aux voitures, ainsi que de remodelage complet de la rue de la Rôtisserie et de la rue de la Madeleine, y compris les places attenantes, existent déjà. La Ville de Genève va réaliser ces divers projets qui ont passé la rampe de toutes les commissions ad hoc. Les budgets semblent avoir été votés par la municipalité et les travaux sont prêts à être entrepris. Attendons donc le résultat de ces divers aménagements pour apprécier leur bien-fondé, s'il y en a ! Il sera alors temps d'aviser. Je propose que les auteurs de cette motion la retirent, car ce serait demander un travail inutile à ceux qui en seraient chargés. Je vous en remercie par avance.

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce sera sans doute une surprise pour de nombreux députés de cette assemblée, mais la Vieille-Ville et ses environs proches abritent aujourd'hui près de trois mille habitants, sept mille deux cents emplois, et accueillent de nombreux visiteurs. Selon les statuts en vigueur, les piétons sont prioritaires sur l'ensemble de la Vieille-Ville, en tout temps et partout. La réalité sur le terrain est tout autre: la circulation motorisée y est constante, et le stationnement illicite permanent. Malgré la persévérance des îlotiers du quartier, les forces de l'ordre ne peuvent faire face à un tel irrespect. Pourtant, le parking Saint-Antoine de cinq cents places devait régler ce problème récurrent de stationnement et de circulation anarchiques dans le secteur. En effet, la construction de ce parking était liée à plusieurs mesures d'accompagnement, dont l'amélioration des possibilités de cheminement des piétons et la suppression du stationnement automobile à l'intérieur de la Vieille-Ville. Le précédent président du DJPS, M. Gérard Ramseyer, a initié une concertation qui a abouti à la levée des oppositions à la construction du parking, ainsi qu'à l'adoption de mesures de modération de trafic dans ce quartier historique. Les accords ont été approuvés par les différents partenaires que sont notamment les associations d'habitants ou de commerçants du quartier.

Depuis l'ouverture du parking en 1995, plusieurs règles de circulation ont été mises en place afin de réglementer les accès à la Vieille-Ville. Certains zones sont placées en rues résidentielles, d'autres en rues piétonnes. Ces mesures reposent sur le principe de signalisation aux entrées de la Vieille-Ville, accompagnée de quelques légers aménagements et de chaînes - mesures dont les applications actuelles se révèlent absolument inefficaces, étant donné l'indiscipline des automobilistes et des motos. Quant aux chaînes bloquant l'accès des rues piétonnes, elles restent régulièrement ouvertes, et ces rues sont colonisées par des voitures. Il est devenu évident que le principe même de la modération du trafic comme mesure de compensation à l'ouverture du parking Saint-Antoine n'est ni appliqué ni applicable en l'état.

Alors que les partis politiques font de la sécurité et du respect leur cheval de bataille, il est inadmissible de tolérer qu'en matière de circulation les lois soient quotidiennement bafouées. Il faut rapidement trouver une solution, afin que la Vielle-Ville devienne un lieu attractif, comme cela est le cas dans de nombreuses villes suisses et européennes. Pour ces raisons, les Verts vous demandent, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Madame la députée. Pourrais-je vous demander, pour la prochaine fois, de mieux parler dans votre micro ? Nous avions beaucoup de peine à vous entendre. Monsieur le député Desplanches, vous avez la parole.

M. Gilles Desplanches (L). Nous avons encore affaire à une motion qui vise à modifier la circulation, plus exactement à l'interdire. Il est vrai qu'il serait assez facile pour nous, plénum, de dire: «C'est une motion qu'on accepte, car politiquement elle nous semble correcte.» Or, la réalité est tout autre: aujourd'hui, on constate que pour tout ce qui concerne la circulation, certains partis veulent, ma foi, absolument la diminuer sans proposer d'autres solutions.

M. Christian Brunier. Si, les transports publics !

M. Gilles Desplanches. Bonne idée, Monsieur Brunier, je reviendrai plus tard sur les transports publics. Quand on lit la motion, il y en a pour tous: pour les commerçants à qui l'on dit qu'il faut des zones piétonnes, pour les habitants à qui l'on promet moins de circulation. Mais, comme toutes les autres motions proposées par les partis de gauche, celle-ci n'apporte strictement rien.

Il existe aujourd'hui un projet de loi, le 8748, qui tente de hiérarchiser le réseau routier et d'apporter une véritable solution à notre canton. Et que constate-t-on ? Les gens qui se plaignent du problème des transports sont ceux qui refusent la hiérarchisation, c'est-à-dire qui regardent le problème par le petit bout de la lorgnette.

Je vous raconterai juste une petite anecdote. Aujourd'hui, c'est jour de Grand Conseil. Et qui ai-je croisé ce matin, qui venait travailler en Vieille-Ville et passait à proximité en voiture ? Une députée socialiste, qui vient jusqu'au centre-ville en voiture, alors qu'elle aurait pu prendre les transports en commun ! A un moment donné, je me pose des questions: soit vous êtes réellement attachés à vos thèses, et vous les appliquez soit vous faites tout simplement un acte politique, et c'est du bouillon pour les morts. Voilà pourquoi je propose qu'on ne traite pas cette motion et qu'on la shoote !

M. Jean Spielmann (AdG). Je ferai part de deux observations. Tout d'abord, concernant la motion, je pense qu'il faudrait ajouter un paramètre qui ne figure pas dans cette motion et qui inquiète beaucoup les habitants de la Vieille-Ville; je veux parler des problèmes d'accès des véhicules prioritaires, soit les camions de pompiers et les ambulances. Il est clair qu'à partir d'une certaine heure le soir, il est impossible pour les pompiers d'accéder à la Vieille-Ville pour éteindre un éventuel incendie. Ce risque-là est extraordinairement important, et je considère qu'il mérite lui aussi une attention toute particulière dans le traitement de ce dossier. Il est parfois impossible de traverser la Vieille-Ville en voiture, imaginez ce qui se passerait si un incendie s'y déclarait ! Cela est si grave qu'il faut en faire une question prioritaire pour la mise en place de mesures de circulation.

Deuxièmement, depuis des années on traite ce problème en disant qu'il faut d'abord interdire la circulation en Vieille-Ville avant de proposer des aménagements. Tout à l'heure, on nous a proposé d'imaginer d'abord des aménagements à réaliser avant d'interdire la circulation. Je crois qu'il faut une hiérarchie des responsabilités ! Je ne vois pas comment vous allez pouvoir aménager des places et du mobilier urbain pour des zones piétonnes si vous ne prenez pas la décision de limiter la circulation ! Il faut donc d'abord renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Prendre des mesures concernant la circulation serait très facile, puisqu'on pourrait par exemple mettre des bornes amovibles aux seuls deux ou trois accès à la Vieille-Ville ! Cela se fait dans toutes les autres villes: seuls ceux qui y sont autorisés peuvent accéder à la zone, grâce à des codes spécifiques. Il n'y a aucun problème technique. Interdire la circulation en Vieille-Ville sera un bien pour tout le monde: et pour les habitants, et pour ceux qui viennent se distraire ou manger en Vieille-Ville. Il faut mettre de l'ordre, et cet ordre passe d'abord par une décision au niveau de la circulation. Dès que cette décision sera prise, on pourra aménager les espaces urbains, le mobilier urbain, et prendre des décisions concrètes.

Sinon, vous pouvez décider de ne rien faire et laisser continuer le capharnaüm, mais je vous rends attentifs à la responsabilité que vous porteriez s'il devait y avoir un accident majeur en Vieille-Ville, puisqu'il est impossible aux véhicules de sécurité d'y accéder. Il est donc de la responsabilité de ce parlement de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, afin qu'il nous fasse des propositions concrètes sur la circulation en Vieille-Ville.

M. Hubert Dethurens (PDC). Le groupe PDC n'est pas loin de partager les options de cette motion mais, pour nous, il lui manque quelques accompagnements. Je rejoins M. Spielmann, mais je mettrais d'autres priorités à côté des siennes: interdire la circulation, oui, mais il faut en même temps trouver une solution pour pallier cette impossibilité d'accéder à la Vieille-Ville. Peut-être n'y a-t-il pas assez de parkings, pas assez d'aménagements du point de vue des transports publics, je ne sais pas. Je compléterais cette motion par une troisième invite qui proposerait des solutions pour pallier le manque de possibilité d'arriver en Vieille-Ville.

M. Robert Iselin (UDC). Je serai relativement bref et peu pratique, mais je trouve votre discussion très pittoresque, car ceux qui connaissent les franchises célèbres octroyées à cette cité par un évêque que les réformés admirent beaucoup, en l'occurrence Adhémar Fabri, savent qu'il y a, outre les articles sur la constitution de la communauté des citoyens, un ou deux articles sur le trafic dans la Vieille-Ville, et notamment sur les mauvaises habitudes de l'époque qui consistaient à laisser stationner des chars à banc pendant la nuit dans les rues de Genève.

M. Sami Kanaan (S). Je n'ai pas l'érudition de notre collègue Iselin, je m'en tiendrai donc au temps présent. Les précédentes interventions ont montré qu'il n'était pas forcément impossible de s'entendre sur cette question. Finalement, la motion ne fait que demander d'appliquer la loi. Certains de nos collègues sont souvent très soucieux de faire appliquer les lois, je suppose qu'ils devraient donc soutenir cette motion. Il se peut qu'elle soit incomplète et mérite un complément.

J'ai l'impression qu'il y a un malentendu permanent sur les intentions qu'on peut avoir avec ce genre de motion. La question n'est pas d'empêcher le trafic professionnel justifié, et encore moins le trafic lié aux urgences. S'il y a des problèmes à ce niveau, il faut qu'ils soient traités de manière à offrir des accès à la Vieille-Ville. Le principal obstacle au trafic professionnel justifié et au trafic en urgence provient justement de toutes ces voitures stationnées de manière illicite et qui encombrent des rues étroites. Je pense qu'on pourrait s'entendre là-dessus et faire appliquer les règles pour que, justement, ceux qui ont une raison objective d'accéder à la Vieille-Ville puissent le faire. Le vrai problème, surtout en soirée, touche à l'encombrement des rues de la Vieille-Ville par des voitures privées, utilisées uniquement à des fins de loisirs, parce que leurs propriétaires sont incapables de concevoir une marche de cinq cents mètres. Cela leur ferait d'ailleurs grand bien pour digérer les boissons qu'ils y auraient consommées.

Le président. Merci. Monsieur Dethurens, vous avez déjà pris la parole. Je vous la cède à nouveau, mais brièvement.

M. Hubert Dethurens (PDC). Monsieur le président, je réclame la parole juste pour préciser - mon ami Guy Mettan l'aurait fait mieux que moi - que le groupe PDC demande le renvoi en commission de cette motion.

Le président. La parole est à M. le conseiller d'Etat Cramer.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je tenais à intervenir à ce stade du débat, d'abord pour vous dire qu'honnêtement c'est un peu frustrant pour nos services, lorsqu'ils s'efforcent de répondre à une pétition, de la voir revenir sous forme de motion. On a une espèce de machine qui s'alimente sans arrêt, un parlement qui fait brûler les fourneaux, et on se demande si cet exercice est très utile pour les habitantes et les habitants de la Vieille-Ville. Au-delà de cette réflexion, je me dis que finalement, le fait que cette motion, déposée le 12 novembre, n'ait pas pu être traitée avant le mois de mai - c'est-à-dire, au fond, dans ce délai de six mois qui est celui demandé pour répondre à une motion - n'est pas une si mauvaise chose, puisque cela me permet de répondre aujourd'hui même aux motionnaires.

Je le ferai par différentes considérations. Tout d'abord, je peux informer ce parlement que les mesures constructives dont traite cette motion vont être réalisées très prochainement. La Ville de Genève a en effet conçu un projet qui s'appelle «Les portes de la Vieille-Ville». Il s'agit d'indiquer, aux différentes entrées de la Vieille-Ville, que l'on entre dans des endroits où le trafic est modéré, et de le faire par des aménagements physiques. Ce projet a fait l'objet d'une très longue étude - vous savez que la Ville de Genève pratique une concertation très importante avec tous les destinataires des projets - et il a aujourd'hui abouti, il a trouvé son financement et a obtenu toutes les autorisations nécessaires, de sorte que nous sommes au stade où l'on va voir, d'ici la fin de l'année, la construction de ces portes de la Vieille-Ville. C'est là un premier aménagement physique qui devrait donner la possibilité de réguler le trafic, en tout cas de faire en sorte que les prescriptions en Vieille-Ville soient observées.

Deuxièmement, en ce qui concerne la question du contrôle du stationnement et de la circulation, vous savez que ce problème n'est pas propre à la Vieille-Ville, mais à tout le canton de Genève. En ce qui concerne la ville de Genève, le Conseil d'Etat a eu en décembre dernier des contacts avec une délégation du conseil administratif, pour examiner comment nous allions, ensemble, essayer de mieux gérer ces questions relatives au contrôle de la circulation et du stationnement. Ces discussions vont se concrétiser très prochainement par un projet de modification réglementaire, déposé par le département de justice, police et sécurité. Grâce à ce projet, des compétences accrues vont être accordées aux ASM.

En même temps que les ASM recevront ces compétences accrues pour contrôler le stationnement et la circulation, ils seront également dotés de moyens accrus en effectifs. Vous le savez, la Ville de Genève est actuellement en train de procéder à des recrutements importants, qui seront amplifiés par le fait que, d'ici la fin de l'année et donc à assez brève échéance, une partie du contrôle du stationnement - je pense ici au contrôle des horodateurs - pourra être assumée par la Fondation des parkings. C'est donc des effectifs supplémentaires qui pourront être libérés en ville de Genève pour le contrôle du stationnement.

Il y a une troisième mesure qui a déjà été prise, mais qui reste malheureusement trop ignorée. L'on parlait tout à l'heure de la question du stationnement. M. Spielmann a relevé qu'il existait, dans la Vieille-Ville, un parking que vous connaissez bien et qui est le parking Saint-Antoine. Or le parking Saint-Antoine pratique des tarifs très peu élevés le dimanche et en soirée, précisément pour éviter que l'accès à la Vieille-Ville ne soit perturbé par des gens qui viennent juste y passer la soirée. Le parking Saint-Antoine est actuellement en voie d'engager une grande campagne de communication sur ce qui se fait en matière de stationnement. Cela devrait contribuer également à voir un certain nombre de véhicules n'ayant rien à faire dans la Vieille-Ville se retrouver stockés au parking, en particulier durant ces heures dérangeantes pour les habitants, c'est-à-dire en soirée, et durant celles dérangeantes pour les promeneurs, c'est-à-dire le dimanche.

Voilà en substance ce que l'on peut dire pour répondre à cette motion. Toutes les mesures dont je vous parle ont été prises, ont été décidées ou se sont concrétisées réellement depuis le dépôt de la motion. Je crois qu'on y a répondu et que, peut-être, on vous a démontré que les préoccupations des autorités vont tout à fait dans le sens de celles de ce Grand Conseil. Permettez-moi donc une suggestion: évitez aux employés du service d'avoir à vous redire par écrit, après avoir fait des recherches complémentaires, ce que je vous ai dit oralement, et permettez-leur de concentrer leur énergie sur les mesures de terrain, plutôt que sur le traitement de dossiers administratifs.

Le président. Bien. Je suis tout de même obligé de mettre aux voix cette motion. Le Conseil d'Etat nous dit qu'elle est devenue sans objet, mais il répondra d'autant plus volontiers si on la lui renvoie. Monsieur Dethurens, est-ce que vous maintenez votre proposition ? Il faudrait que vous soyez plus précis. Monsieur Spielmann, je vous donne la parole.

M. Jean Spielmann (AdG). Si la proposition de renvoi en commission est maintenue, c'est cette proposition qui doit être votée en premier lieu. Il me semble que toutes les informations fournies tout à l'heure par M. Cramer constituent une réponse parfaite à cette motion. Je trouverais en outre utile de renseigner la population. Dans les quelques jours qui suivent le traitement de ma motion, vous pourrez la publier et la diffuser. Cela constituera à mon sens une excellente information et une réponse à toutes les interrogations que beaucoup se posent ici. Je propose donc que l'on renvoie directement cette motion au Conseil d'Etat et que ce dernier nous mette par écrit ses réponses de manière que nous puissions vérifier le suivi de ses travaux.

Le président. C'est exactement ce que je suggérais. M. Dethurens maintient cependant sa proposition de renvoi en commission. Je mettrai donc en premier lieu aux voix ce renvoi en commission.

M. Hubert Dethurens (PDC). Compte tenu de toutes les explications apportées par un bord ou de l'autre, je retire ma proposition de renvoi en commission.

Mise aux voix, cette proposition de motion est rejetée par 36 non contre 32 oui.

Le président. Je vous souhaite une bonne soirée.

La séance est levée à 19h35.