République et canton de Genève

Grand Conseil

No 57/IX

Vendredi 5 décembre 1997,

nuit

Présidence :

M. René Koechlin,président

La séance est ouverte à 20 h 35.

Assistent à la séance : MM. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat, Philippe Joye, Claude Haegi, Olivier Vodoz, Guy-Olivier Segond et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Michel Balestra, Madeleine Bernasconi, Nicolas Brunschwig, Liliane Charrière Urben, Jean-François Courvoisier, Pierre-Alain Cristin, Bénédict Fontanet, Jean-Pierre Gardiol, Marianne Grobet-Wellner, Jean-Louis Mory, Véronique Pürro, Elisabeth Reusse-Decrey, Micheline Spoerri et Pierre-Pascal Visseur , députés.

3. Annonces et dépôts :

a) de projets de lois;

M. Roger Beer(R). La loi votée à la fin de la dernière législature répondant à des objectifs identiques, je retire le projet de loi suivant :

PL 6145
de Mme et M. Françoise Saudan et Philippe Fontaine modifiant la loi sur des prestations en faveur des personnes âgées, des veuves, des orphelins et des invalides (J 9 7). ( )PL6145

Le président. Il en est pris acte.

b) de propositions de motions;

Néant.

c) de propositions de résolutions;

Le président. La proposition de résolution suivante est parvenue à la présidence :

R 353
de Mmes et MM. Régis de Battista (S), René Longet (S), Alain Vaissade (Ve), Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve), Luc Gilly (AG), Erica Deuber-Pauli (AG), Bernard Lescaze (R), Marie-Françoise de Tassigny (R), Armand Lombard (L), Janine Berberat (L), Pierre Marti (DC) et Marie-Thérèse Engelberts (DC) sur «Un geste de reconnaissance pour le Tibet !». ( )   R353

Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance. 

d) de demandes d'interpellations;

Le président. Nous avons reçu la demande d'interpellation suivante :

I 1994
de M. Jean Spielmann (AG) : Que fait la police ? ( )  I1994

Cosignataires : Dolores Loly Bolay, Gilles Godinat, Danielle Oppliger, Jeannine de Haller, Martine Ruchat.

Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance. 

e) de questions écrites.

Néant.

M 1172
4. Proposition de motion de Mme et MM. John Dupraz, Christian Ferrazino, Pierre-Alain Champod et Fabienne Bugnon pour un département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie. ( )M1172

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le peuple de Genève a élu un nouveau Conseil d'Etat et celui-ci s'est réuni pour se répartir les tâches et les départements pour gouverner Genève. Il est clair qu'il est de sa compétence et de sa seule compétence de décider et d'organiser le fonctionnement du gouvernement.

Certains ont été surpris que l'agriculture passe de l'économie à l'intérieur. Or, il faut rappeler que c'est seulement en 1993 que l'agriculture fut rattachée à l'économie publique. En fait, ce retour à la case départ n'est que le respect d'une vieille tradition genevoise puisque le canton a toujours eu, jusqu'en 1993, un département de l'intérieur et de l'agriculture. Certes, les temps changent. Aujourd'hui, l'environnement et sa protection sont devenus une préoccupation permanente de la population et des collectivités publiques.

Est-il nécessaire de rappeler que le peuple a voté, l'an passé, une nouvelle base constitutionnelle pour la future politique agricole suisse dont la base légale (politique agraire 2002) est en discussion maintenant aux Chambres fédérales? Tous les paiements directs versés aux agriculteurs seront liés à des prestations environnementales. C'est dire l'importance accordée par le peuple et le Conseil fédéral à l'agriculture dans son rôle essentiel pour sa contribution à la préservation de l'environnement. En fait, il est bien difficile de concevoir l'environnement sans l'économie agraire. L'agriculture est multifonctionnelle, elle l'a toujours été, mais elle l'est encore plus aujourd'hui. Vouloir opposer économie agraire et protection de l'environnement, agriculture et environnement relève de la querelle des Anciens et des Modernes. C'est un débat stérile et sans fondement. A l'heure où le Conseil national est sur le point d'adopter la stratégie du «Développement durable en Suisse» du Conseil fédéral, instituer un département de l'agriculture à Genève, c'est lui reconnaître son rôle déterminant dans cette notion nouvelle de l'économie.

Suite à ces explications, Mesdames et Messieurs les députés, il vous est recommandé de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour qu'il ajoute le terme «agriculture» au titre du département attribué à M. le Conseiller d'Etat Robert Cramer. Créer un département de l'agriculture, ce n'est pas seulement renouer avec la tradition, c'est une démarche moderne, c'est plus qu'un signal politique, c'est un acte politique fort.

Débat

M. Roger Beer (R). Si nous nous décidons à créer un département comportant l'agriculture, je pense que nous pourrions aussi y intégrer la forêt, supprimée dans le titre d'un service, lors de la dernière législature. Je travaille ainsi pour le Mémorial et le nouveau Conseil d'Etat ! Ils sauront qu'outre le paysage, il y a la forêt et la protection de la nature ! Je passe la parole à mon ami Dupraz.

M. John Dupraz (R). Jusqu'en 1993, le canton de Genève a eu un département de l'intérieur et de l'agriculture. Le nouveau Conseil d'Etat s'est réuni pour répartir les tâches et les fonctions des différents départements. Nous ne pouvons que prendre acte de ses décisions.

Cependant... (M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat, sourit.) Je ne comprends pas pourquoi vous souriez, Monsieur le président, il est rare que je vous fasse marrer ! Je voudrais dire qu'à partir du moment où le Conseil d'Etat a décidé de réintégrer le service de l'agriculture dans le département de l'intérieur, il n'y a aucune raison que ce département ne s'appelle pas «département de l'intérieur, de l'agriculture, etc.». Il s'agit simplement d'inscrire le contenu de la bouteille sur son étiquette et rien de plus !

M. Hubert Dethurens (PDC). Les services de l'agriculture, dans leur ensemble, sont déçus de ne plus faire partie de l'économie publique. M. Dupraz défend ce qu'il veut bien défendre, mais, comme il le disait hier, les trains de Berne étant assez lents, il n'a pas bien pu soutenir la position de l'agriculture.

Se serait-elle affaiblie au point de ne plus intéresser l'économie ?

Le Conseil d'Etat n'a d'ordres à recevoir de personne, mais on peut se demander s'il en est toujours ainsi.

Je précise que cette réflexion a été menée avant les élections et que la personnalité de M. Robert Cramer n'est pas en cause.

Je voterai cette motion du bout des lèvres, ne serait-ce que pour que le mot «agriculture» apparaisse encore dans un département, mais sans plus.

A mon avis, l'agriculture doit faire partie de l'économie publique.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

MOTION

pour un département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnementet de l'énergie

LE GRAND CONSEIL,

considérant,

- l'importance de l'agriculture qui occupe, à Genève, la moitié du territoire;

- sa nécessité pour l'équilibre de la société dans un canton-ville;

- sa contribution essentielle à la préservation des paysages et au maintien de la qualité des éléments indispensables à la vie (l'eau, l'air et le sol),

invite le Conseil d'Etat

à instituer un département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie.

 

PL 7763
5. a) Projet de loi de MM. Christian Ferrazino, Jean Spielmann et Pierre Vanek modifiant la loi sur la Fondation des terrains industriels Praille et Acacias (FTI). ( )PL7763
PL 7765
b) Projet de loi de MM. Christian Ferrazino, Jean Spielmann et Pierre Vanek modifiant la loi sur l'aéroport international de Genève (H 3 25). ( )PL7765
PL 7764
c) Projet de loi de MM. Christian Ferrazino, Jean Spielmann et Pierre Vanek modifiant la loi sur les Transports publics genevois (H 1 55). ( )PL7764
PL 7767
d) Projet de loi de MM. Christian Ferrazino, Jean Spielmann et Pierre Vanek modifiant la loi concernant la fondation de droit public pour la construction et l'exploitation des parcs de stationnement. ( )PL7767
PL 7768
e) Projet de loi de MM. Christian Ferrazino, Jean Spielmann et Pierre Vanek modifiant la loi sur l'exécution des peines, la libération conditionnelle et le patronage des détenus libérés (E 4 50). ( )PL7768
PL 7766
f) Projet de loi de MM. Christian Ferrazino, Jean Spielmann et Pierre Vanek modifiant la loi sur la Banque cantonale de Genève (D 2 05). ( )PL7766
PL 7762
g) Projet de loi de MM. Christian Ferrazino, Jean Spielmann et Pierre Vanek modifiant la loi sur l'organisation des Services industriels de Genève (L 2 35). ( )PL7762

(PL 7762)

PROJET DE LOI

modifiant la loi sur l'organisationdes Services industriels de Genève

(L 2 35)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'organisation des Services industriels de Genève, du 5 octobre 1973, est modifiée comme suit:

Art. 6, lettre a (nouvelle teneur)

L'administration des Services industriels est confiée à un conseil d'administration dont les membres sont nommés à raison de:

a)  1 membre de chaque parti représenté au Grand Conseil, désigné par ce dernier;

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il est légitime que chaque parti représenté au Grand Conseil ait un représentant dans les commissions administratives et les conseils d'administration des principales collectivités publiques de notre canton, comme c'est déjà le cas dans maints conseils. Tel est le but du présent projet de loi qui vise à combler une lacune dans ce domaine.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous réserverez un accueil favorable au présent projet de loi.

(PL 7763)

PROJET DE LOI

modifiant la loi sur la Fondation des terrains industriels Prailleet Acacias (FIPA)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur la Fondation des terrains industriels Praille et Acacias (FIPA), du 13 décembre 1984, est modifiée comme suit:

Art. 22, lettres f et g (nouvelle teneur)

f) 3 membres désignés par le Conseil d'Etat et choisis parmi des personnes ayant des connaissances techniques spéciales ou une expérience reconnue en matière économique, juridique ou financière;

g) 1 membre de chaque parti représenté au Grand Conseil, désigné par ce dernier;

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il est légitime que chaque parti représenté au Grand Conseil ait un représentant dans les commissions administratives et les conseils d'administration des principales collectivités publiques de notre canton, comme c'est déjà le cas dans maints conseils. Tel est le but du présent projet de loi qui vise à combler une lacune dans ce domaine.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous réserverez un accueil favorable au présent projet de loi.

(PL 7764)

PROJET DE LOI

modifiant la loi sur les Transports publics genevois

(H 1 55)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur les Transports publics genevois, du 21 novembre 1975, est modifiée comme suit:

Art. 9, al. 1, lettre a (nouvelle teneur)

1 L'administration des TPG est confiée à un conseil d'administration formé de:

a) 1 membre de chaque parti représenté au Grand Conseil, désigné par ce dernier;

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il est légitime que chaque parti représenté au Grand Conseil ait un représentant dans les commissions administratives et les conseils d'administration des principales collectivités publiques de notre canton, comme c'est déjà le cas dans maints conseils. Tel est le but du présent projet de loi qui vise à combler une lacune dans ce domaine.

Au bénéfice des explications qui précèdent nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous réserverez un accueil favorable au présent projet de loi.

(PL 7765)

PROJET DE LOI

modifiant la loi sur l'aéroport international de Genève

(H 3 25)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'aéroport international de Genève, du 10 juin 1993, est modifiée comme suit:

Art. 7, al. 1, lettre a (nouvelle teneur)

1 L'établissement est géré, en conformité avec la concession fédérale, par un conseil d'administration formé de:

a) 1 membre de chaque parti représenté au Grand Conseil, désigné par ce dernier;

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il est légitime que chaque parti représenté au Grand Conseil ait un représentant dans les commissions administratives et les conseils d'administration des principales collectivités publiques de notre canton, comme c'est déjà le cas dans maints conseils. Tel est le but du présent projet de loi qui vise à combler une lacune dans ce domaine.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous réserverez un accueil favorable au présent projet de loi.

(PL 7766)

PROJET DE LOI

modifiant la loi sur la Banque cantonale de Genève

(D 2 05)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur la Banque cantonale de Genève, du 24 juin 1993, est modifiée comme suit:

Art. 12, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Le conseil d'administration représente, dans la mesure du possible, les diverses tendances de la vie économique et politique du canton. Il est formé de:

a) 1 membre de chaque parti représenté au Grand Conseil, désigné par ce dernier, représentant l'actionnariat nominatif pour le canton;

b) 6 membres désignés conformément à l'article 13 par les communes, dont 4 par la Ville de Genèveet 2 par les autres communes, représentant l'actionnariat nominatif pour les communes;

c) 3 à 6 membres, représentant l'actionnariat au porteur et élu par lui.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il est légitime que chaque parti représenté au Grand Conseil ait un représentant dans les commissions administratives et les conseils d'administration des principales collectivités publiques de notre canton, comme c'est déjà le cas dans maints conseils. Tel est le but du présent projet de loi qui vise à combler une lacune dans ce domaine.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous réserverez un accueil favorable au présent projet de loi.

(PL 7767)

PROJET DE LOI

modifiant la loi concernant la fondation de droit publicpour la construction et l'exploitation des parcs de stationnement

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi concernant la fondation de droit public pour la construction et l'exploitation de parcs de stationnement, du 25 octobre 1968, est modifiée comme suit:

Art. 7 (nouvelle teneur)

1 La fondation est gérée par un conseil de fondation formé de:

. .

b)  2 représentants du Conseil administratif de la Ville de Genève, désignés par ce conseil;

c)  1 représentant de l'association des communes genevoises, désigné par celle-ci;

d)  1 membre de chaque parti représenté au Grand Conseil, désigné par ce dernier.

2 Les statuts de la fondation, annexés à la présente loi, sont approuvés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il est légitime que chaque parti représenté au Grand Conseil ait un représentant dans les commissions administratives et les conseils d'administration des principales collectivités publiques de notre canton, comme c'est déjà le cas dans maints conseils. Tel est le but du présent projet de loi qui vise à combler une lacune dans ce domaine.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous réserverez un accueil favorable au présent projet de loi.

(PL 7768)

PROJET DE LOI

modifiant la loi sur l'exécution des peines, la libération conditionnelleet le patronage des détenus libérés

(E 4 50)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'exécution des peines, la libération conditionnelle et le patronage des détenus libérés, du 22 novembre 1941, est modifiée comme suit:

Art. 5, al. 2, lettre e (nouvelle teneur)

e) 1 membre de chaque parti représenté au Grand Conseil, désigné par ce dernier, siégeant, à tour de rôle, au nombre de trois;

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il est légitime que chaque parti représenté au Grand Conseil ait un représentant dans les commissions administratives et les conseils d'administration des principales collectivités publiques de notre canton, comme c'est déjà le cas dans maints conseils. Tel est le but du présent projet de loi qui vise à combler une lacune dans ce domaine.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous réserverez un accueil favorable au présent projet de loi.

Préconsultation

Le président. Je vous rappelle qu'il s'agit d'un débat de préconsultation et qu'un seul député par groupe peut s'exprimer. Selon la loi portant règlement du Grand Conseil, chaque intervention ne doit pas durer plus de cinq minutes.

M. Christian Ferrazino (AdG). Il me faudra moins de cinq minutes pour commenter cette série de projets de lois d'une simplicité évangélique.

Si un certain nombre de commissions et de conseils d'administration sont représentatifs des différentes sensibilités politiques, ce n'est pas le cas de ceux concernés par ces différents projets de lois.

Qu'il s'agisse de la Fondation des terrains industriels - désignée par erreur sous l'ancien sigle FIPA que nous corrigerons avec un amendement - de la Banque cantonale et de tous les organismes qui viennent d'être cités, il n'est pas normal que l'ensemble des forces politiques du Grand Conseil ne soit pas représenté au sein de leurs conseils d'administration.

La loi présente une lacune qui sera comblée par ces projets. Ils donnent une réponse toute simple, expression même de la représentativité, afin que chaque force politique soit représentée et, par là même, qu'aucune ne soit exclue de ces différents conseils d'administration.

J'ose espérer que l'ensemble des forces politiques ici présentes accueillera favorablement ces projets de lois et les renverra en commission. Nous pourrons ainsi revenir rapidement avec un rapport et passer au vote.

M. Chaïm Nissim (Ve). Notre groupe accepte l'ensemble de ces projets de lois qui revendiquent un principe d'équité : tous les partis doivent être représentés dans ces commissions. Il n'y a pas de raison pour que les partis ex-gouvernementaux s'en arrogent l'exclusivité.

M. John Dupraz (R). Le groupe radical ne s'oppose pas au renvoi en commission de ces projets de lois. Il constate simplement qu'il s'agit de la concrétisation d'une très ancienne revendication des partis de gauche.

Si leur démarche est compréhensible, elle pose, néanmoins, quelques problèmes, notamment en ce qui concerne la Banque cantonale devenue une société anonyme, ce qui change tout.

Il a souvent été reproché, dans ce pays, que la gestion des banques cantonales - dont certaines sont tombées en déconfiture - ait été confiée à des gens ayant occupé des postes politiques sans que l'on s'inquiète de savoir s'ils avaient les compétences requises.

Par conséquent, nos réserves sont extrêmes, et nous étudierons très attentivement le projet de loi relatif à la Banque cantonale en commission.

Les choses se présentent différemment pour les autres projets, l'Etat étant déjà fortement engagé dans les différentes régies et commissions.

Mais, je le répète : il en va autrement pour la Banque cantonale (Brouhaha; interruption de M. Grobet.) Mais mon cher, le vice-président est socialiste, de même qu'un membre du comité ! Vous ne cessez de vous plaindre. Vous ne pouvez pas savoir si c'est brillant ou non, puisque vous n'y êtes pas !

Personnellement, je constate que les grandes banques retirent pratiquement leur soutien aux PME et que la Banque cantonale, elle, remplit parfaitement son rôle. Vouloir politiser son conseil d'administration est une erreur fondamentale qui pourrait porter préjudice aux petites et moyennes entreprises de ce canton. Je ne pense pas que ce soit le but de l'Alliance de gauche.

M. Armand Lombard (L). Nous serons bien obligés d'accepter le renvoi de ces projets de lois en commission. Il ne satisfait nullement notre groupe, non pas parce qu'il est demandé par ceux d'en face mais parce qu'il dessert notre système démocratique... (Rires.) Riez tant qu'il est temps, vous rirez moins quand j'aurai terminé de développer mes arguments !

Je souhaite que vous m'écoutiez, car il ne s'agit pas du tout d'opposer la droite à la gauche.

Deux axes sous-tendent notre système politique : la démocratie représentative et la démocratie directe.

Dans la démocratie représentative, délégation est faite aux députés de gérer le législatif de l'Etat.

Dans la démocratie directe, l'action des citoyens prime.

Il me semble que vos projets de lois ne tiennent pas compte de ces deux axes. Vous inventez une représentation directe alternative. Cela tombe bien pour vos groupes mais fort mal pour la démocratie. En effet, avec vos projets :

1. le député représente les citoyens au Grand Conseil;

2. le même député est transféré directement dans le circuit de gestion des entreprises mises sur pied par l'Etat;

3. ce député contrôle ce qu'il vient de décider; il y a donc conflit d'intérêts et mélange des fonctions.

Par conséquent, vous introduisez une déficience dans notre système démocratique.

A notre avis, il est de la responsabilité du Grand Conseil d'agir sur les lois et non sur les gestions. Il peut durcir la loi d'une institution pour mieux la contrôler, mais ses membres ne peuvent se faire élire à son conseil. C'est en quoi vos propositions sont erronées.

Comme vous avez quatre ans devant vous, vous entendez défaire au plus vite les lois déjà votées. C'est votre droit, je le reconnais, mais il me semble que de telles modifications, si importantes pour la République, méritent plus que les cinq lignes des exposés des motifs qui commencent tous par : «Il est légitime que...». A l'instar des «Il est certain que...» et des «Il est évident que...», les «Il est légitime que...» marquent d'entrée le mépris de l'adversaire.

Je considère vos projets présomptueux et peu soucieux de développer des idées intelligentes, pour autant qu'ils en aient.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Ces différents projets partent de l'idée que, dans toutes circonstances et quel que soit le type de conseils d'administration, de fondation, etc., les représentants du Grand Conseil doivent pouvoir y siéger.

A cet égard, M. Lombard fait une toute petite confusion. En effet, il n'est pas question, dans ces projets, de députés mais de représentants des partis. Cela laisse à ces derniers et aux formations politiques le loisir de désigner parfois des députés, parfois des personnes qui ne le sont pas.

Il n'empêche que cette idée ne se prête pas, à mon avis, à une solution uniforme.

Vous devez admettre que ce qui est manifestement fondé pour certains types de conseils, où une représentativité émanant de votre parlement est indispensable, est inadéquat dans d'autres types de conseils, beaucoup plus techniques et dont les problèmes se posent en des termes tout à fait différents.

M. Dupraz ayant évoqué la Banque cantonale, je parlerai de la Fondation des terrains industriels, l'ancienne FIPA. Une représentativité politique n'y est certes pas illégitime, mais bien plus importante est la représentation des communes ayant des zones industrielles, ce qui est systématiquement le cas aujourd'hui. En termes de gestion des zones industrielles, il serait dommage d'altérer, voire de se couper de la voix de ces communes au sein du conseil d'administration de la FTI. Elle est essentielle en fait d'aménagement.

Le débat engagé par les auteurs des différents projets ne se prête donc pas à une solution uniforme. Vous devrez, en commission, examiner les fondations et les établissements de droit public cas par cas, afin d'appliquer à chacun la solution appropriée.

Il serait regrettable d'imposer une représentation du Grand Conseil là où elle n'a pas lieu d'être, car ce serait l'intrusion d'une politisation indésirable.

Voilà pourquoi ces projets doivent être renvoyés en commission pour qu'ils fassent l'objet d'une étude point par point, conseil d'administration après conseil d'administration, les solutions et les approches devant absolument être différenciées.

Ces          projets sont renvoyés à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.

 

PL 7754
6. Projet de loi de Mmes et MM. Esther Alder, Charles Beer, Fabienne Blanc-Kühn, Dolorès Loly Bolay, Pierre-Alain Champod, Christian Ferrazino, David Hiler, Chaïm Nissim et Rémy Pagani abrogeant la loi instituant des mesures temporaires destinées à favoriser l'accession à la propriété du logement et la relance de l'économie dans le secteur immobilier (I 4 57). ( )PL7754

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi instituant des mesures temporaires destinées à favoriser l'accession à la propriété du logement et la relance de l'économie dans le secteur immobilier, du 27 juin 1997, est abrogée.

Art. 2

La présente loi entre en vigueur le ... (à préciser).

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'exonération des droits d'enregistrement et des émoluments du registre foncier est un cadeau fiscal injustifiable à l'égard d'une petite couche de la population privilégiée par rapport aux difficultés dans lesquelles se débat la majorité de nos concitoyens. La loi aggrave également le déficit de l'Etat en le privant de ressources.

Le but visé de relance de l'économie immobilière, que tous partagent, n'est de surcroît pas atteint par cette législation, dans la mesure notamment où elle s'applique à des objets anciens.

L'exonération complète des droits à concurrence des premiers 400 000 F du prix n'est valable que jusqu'au 31 mars 1998, mais il n'y a pas de raison, même pour une période limitée, de laisser perdurer ce système qui n'a d'ailleur pas eu l'impact souhaité dans le domaine de la construction.

Dès le 1er avril 1998, la loi prévoit des délais de paiements d'impôts et la perte fiscale pour l'Etat de Genève est certes moindre, mais elle n'est néanmoins pas négligeable par le jeu de l'inflation et des intérêts. De surcroît, les contribuables en difficulté dans le paiement de leurs impôts n'ont, quant à eux, pas la faculté que leur offre la loi du 27 juin 1997, de sorte que cette inégalité fiscale doit être éliminée.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous recommandons de réserver bon accueil au présent projet de loi.

Préconsultation

M. Pierre Ducrest (L). Ce projet de loi m'a surpris. Bien que bref, il dit bien ce qu'il veut dire !

Ce canton compte 13,8% de propriétaires, c'est-à-dire le même pourcentage qu'il y a dix ans. Or, nos adversaires politiques ont toujours dit ne pas être contre l'accession à la propriété. Il m'est difficile de les croire, vu la stagnation en ce domaine. Dans ce canton, l'économie de la construction, au sens large du terme, est en plein marasme. Elle connaît d'énormes difficultés. Il y a du chômage, des entreprises qui ferment et un non-sens politique total en matière de relance.

Nos adversaires politiques ont toujours dit qu'ils étaient contre le chômage, pour la relance de l'économie, etc.

Voilà six mois, le conseiller d'Etat Claude Haegi présentait un excellent projet conçu pour donner momentanément un coup de pouce - très ciblé ! - à des personnes désireuses d'accéder à la propriété : celles-ci étaient dispensées de la quote-part due aux écritures et droits de mutation.

Ce geste temporaire ne s'adressait pas à des gens fortunés. Les appartements ne devaient pas excéder un certain coût et une sorte de crescendo modulait les diminutions d'aide aux futurs propriétaires.

Le présent projet est revanchard. La gauche profite de sa majorité pour abroger une très bonne loi, aux effets limités dans le temps.

Mesdames et Messieurs, vous aurez l'occasion d'abroger beaucoup de lois, récentes ou plus anciennes. Continuez sur cette lancée, l'économie se portera de mieux en mieux et il y aura moins de chômeurs ! Je vous souhaite bien du plaisir !

M. Daniel Ducommun (R). Ce projet de loi nous gêne sur la forme. Il n'est pas dans nos principes de jouer au yo-yo avec les lois. Nous en avons un exemple avec la loi sur les bénéfices et gains immobiliers.

Si tous les quatre ans, au gré des changements de majorité, les lois sont revotées dans un sens opposé, plus personne ne s'y retrouvera. Voilà pour la forme ou plutôt pour la «déforme» !

Je ne voudrais pas fâcher M. Ducrest, mais, sur le fond, le parti radical ne se battra pas trop pour conserver cette prestation, bien que nous regrettions qu'une loi, favorisant la relance de l'économie dans le secteur immobilier, soit balayée.

Rappelons-nous le débat de juin en plénière ! L'acceptation de l'amendement du rapporteur de minorité - consistant en l'exonération des droits d'enregistrement et des émoluments du registre foncier pour une courte période - vidait quasiment le projet de toute sa substance.

De plus, les conditions d'octroi étant sévères et rigides, il aurait été rare de trouver une personne répondant au profil du privilégié, et l'action dynamique sur la relance dans le secteur immobilier en aurait été d'autant plus limitée. Le but visé n'aurait pas forcément été atteint.

Dès lors, il me semble cohérent de faire transiter ce projet par la commission des finances pour en préciser les conséquences.

M. Christian Ferrazino (AdG). C'est avec intérêt, Monsieur Ducommun, que je vous ai entendu dire que ce projet ne servait à rien, vu la difficulté de trouver quelqu'un qui réponde au profil fixé. Vous n'aurez donc pas de difficulté à nous suivre dans notre volonté d'abroger ce projet de loi.

Contrairement à vous, nous pensons que cette loi peut être appliquée et qu'elle l'est. Nous nous souvenons du chiffre articulé par le Conseil d'Etat, lors du débat en plénière. Il était - faut-il vous le rappeler ? - de 7 millions de recettes, que le Conseil d'Etat se refusait d'engranger.

Vu la situation des finances publiques, nous étions fort étonnés que le Conseil d'Etat puisse proposer un tel projet. Nous en avions relevé le caractère provocateur, parce que, quelques mois auparavant, l'ex-majorité de ce Grand Conseil avait réduit de 3 millions le budget de l'allocation-logement projeté par le chef du département. Ce dernier nous avait même dit que cette enveloppe, déjà difficile à gérer, le serait davantage pour lui ou pour son successeur, parce que trop réduite par rapport aux demandes croissantes.

D'un côté, nous avions une diminution de l'allocation-logement destinée à ceux qui avaient le plus besoin d'une aide publique et, de l'autre, une proposition incongrue qui consistait à aider des gens jouissant d'une situation somme toute confortable et bien différente de celle des allocataires «logement».

En anticipation du débat que nous aurons sur le budget le 19 décembre prochain, nous avons le souci de mettre un terme à ces cadeaux fiscaux qui n'ont aucune raison d'être dans la situation difficile que traverse notre République. Nous ne pouvons accepter que des recettes de plusieurs millions ne puissent pas être engrangées dans les caisses publiques du fait d'un projet qui exempte des acquéreurs de logements des droits d'enregistrement et des émoluments du registre foncier.

Il n'est pas dans nos habitudes d'imiter les mauvaises manières de certains durant la précédente législature, mais, à titre exceptionnel et compte tenu du débat budgétaire du 19 décembre, je demande de voter l'abrogation de cette loi en discussion immédiate.

M. Ducommun a fourni un argument qui lui permettra de nous rejoindre. Nous avons déjà tenu un long débat sur la question, voici quelques mois. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de le refaire en commission, les choix ayant été exprimés.

Aujourd'hui, nous voulons éviter que ces recettes aillent ailleurs que dans les caisses de l'Etat, et c'est pourquoi nous réitérons notre demande de discussion immédiate.

M. Ducommun étant passé sur ce détail comme chat sur braise, je rappelle que l'exemption des droits d'enregistrement et des émoluments prend fin au 31 mars 1998. Si vous renvoyiez le projet en commission et que nous nous grattions la tête pendant deux mois pour savoir s'il y a lieu de l'abroger ou pas, il ne pourra qu'être retiré une fois revenu devant ce Grand Conseil, car il n'aura plus d'objet.

Monsieur Ducommun, je sais que vous êtes cohérent avec vous-même. Vous devez donc appuyer notre demande de discussion immédiate, afin que ce projet ait un sens.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je comprends la tentation de présenter le projet d'abrogation d'une loi combattue par la minorité d'hier devenue la majorité d'aujourd'hui.

Cela dit, est-ce bien raisonnable de refuser toute chance à un projet dont le but est de contribuer à la relance économique ?

On peut apprécier diversement les chiffres. Je n'ai jamais admis celui de 7 millions; j'ai dit qu'il avait une connotation comptable, alors que je suggérais une réflexion économique. C'est différent !

Il est évident qu'à partir du moment où l'on arrive, pour autant qu'on y parvienne, à donner une impulsion dans ce domaine, il ne saurait être contesté, à droite comme à gauche, qu'une contribution au titre de la consommation est positive, surtout quand elle est faite dans des conditions pouvant être rejugées comme favorables.

Il n'a jamais été question d'aider des gens fortunés, bien que l'on puisse en discuter le terme, car vous-mêmes, hier, avez fait allusion à d'autres changements à faire, dans le domaine du logement, pour dispenser l'aide à un cercle plus restreint.

Dès lors que cette loi doit prendre fin au mois de mars, serait-il déraisonnable, Monsieur le député, qu'elle aille jusqu'à son terme ?

Vous savez que je partage partiellement votre avis en ce qui concerne l'allocation-logement. Vous m'avez même reproché de ne m'être pas suffisamment battu contre sa diminution, alors qu'il vous aurait suffi de vous mettre à ma place, ne serait-ce qu'un instant, pour comprendre qu'il m'était difficile de mener un véritable combat. J'ai dit que c'était une erreur de toucher à l'allocation-logement, bien que, dans un contexte général, les «victimes» n'étaient pas les plus défavorisées. Disposant des «meilleurs moyens financiers», elles se trouvaient, en quelque sorte, à la limite de ce droit à l'allocation.

Vouloir comparer les deux choses me paraît hasardeux. Lors du débat, M. Moutinot avait introduit l'idée d'échelonner le versement des droits d'enregistrement, passé le mois de mars, mais était-il raisonnable de l'échelonner sur huit ans ? Sincèrement, je réponds négativement. Cette suggestion m'avait étonné, mais je sais qu'en cours de discussion des pulsions se libèrent.

En revanche, j'insiste ici, et j'insisterai dès lundi en tant qu'un de vos collègues, sur le mode de paiement des droits d'enregistrement. Leur échelonnement est souhaitable pour des petits budgets comportant l'acquisition d'appartements d'un niveau moyen. Sortir des fonds propres, à hauteur de 80 000 ou 90 000 F, et y ajouter 20 000 F de droits d'enregistrement, influencent grandement un budget familial.

C'est pourquoi il me semble intéressant, Monsieur Ferrazino, d'aller en commission pour examiner ce rééchelonnement. D'ores et déjà, je vous dis soutenir l'idée d'une versement échelonné sur quatre ans, au lieu de huit. De toute façon, la loi ne sera plus valide, passé mars, et nous pourrons nous rapprocher de quelques pas.

Vous avez laissé entendre que cette loi n'avait pas de résultats spectaculaires. Alors pourquoi l'abroger ? D'ailleurs, c'est faux ! Elle a suscité de nombreux espoirs chez ceux qui désiraient devenir propriétaires.

Mesdames et Messieurs les députés, notamment de la nouvelle majorité, évitez de déstabiliser et d'inquiéter ceux qui s'apprêtent à apporter leur contribution à la relance économique dans ce canton. Bien que modeste, cette contribution est loin d'être négligeable.

C'est pourquoi il me paraît raisonnable de garder la loi telle quelle jusqu'à fin mars. Par contre, nous pourrions parvenir à un consensus en diminuant la durée de l'échelonnement. Ainsi préserverions-nous l'essentiel, à savoir le climat de confiance indispensable à tout investissement.

Voilà ce que je me permets de vous suggérer dans le cadre de ce débat. Que vous reveniez sur le sujet ne m'offusque pas, mais je vous suggère de ne pas le faire brutalement, en évinçant toute réflexion.

M. Christian Ferrazino (AdG). M. Haegi a eu le mérite de rappeler que, suite au dépôt, par le Conseil d'Etat, du projet de loi qui tendait uniquement à exempter les acquéreurs des droits d'enregistrement, M. Moutinot, sauf erreur, avait formulé une contre-proposition en cours de discussion. Elle consistait à ne pas priver l'Etat de ces droits, mais d'en échelonner le paiement dans le temps pour aider les personnes qui auraient des difficultés à les payer, au moment de l'acquisition de leur logement.

Comme vous l'avez dit, on ne fait pas toujours des propositions raisonnables quand on négocie. Aujourd'hui, vous reconnaissez qu'une durée de huit ans est excessive. Néanmoins, vous oubliez de dire que la proposition formulée était une contre-proposition à la vôtre. Résultat des courses : il y a eu la proposition de M. Haegi de supprimer totalement les droits d'enregistrement jusqu'au 31 mars 1998, puis la contre-proposition entrant en vigueur au 1er avril 1998. Ce n'est pas une farce, c'est la date que nous avons retenue !

Monsieur Haegi, nous ne sommes pas complètement obtus. Nous sommes prêts à suivre votre raisonnement pour autant qu'il soit logique.

Par conséquent, je demande, ce soir, l'abrogation de cette loi et, dès lundi, Monsieur Haegi, nous pourrions nous rencontrer pour élaborer un projet de loi commun proposant un échelonnement, sur quatre ans, des droits d'enregistrement. Je suis d'accord avec vous sur ce point. L'Etat n'y perdra rien et l'acquéreur pourra payer sa dette. Cependant, nous devrons veiller à ce que ce soit bien l'acquéreur qui paie ces droits d'enregistrement pour que l'Etat puisse se couvrir en cas d'insolvabilité : le bien immobilier de l'acquéreur pourrait servir de garantie.

Par contre, si le vendeur prenait à sa charge l'obligation de payer les droits d'enregistrement - des gens plus habiles et plus rusés que d'autres évoluant dans le milieu immobilier - l'Etat ne pourrait pas se retourner contre lui si jamais il devenait insolvable.

Suite à l'intervention de M. Haegi, soyons unanimes à voter, ce soir, l'abrogation de la loi et prenons l'engagement de déposer, dès la semaine prochaine, un nouveau projet de loi avec vous, Monsieur Haegi, afin d'échelonner sur quatre ans la possibilité de payer les droits d'enregistrement, pour autant que l'acquéreur s'engage à les acquitter lui-même.

M. Olivier Vaucher (L). Après avoir entendu mes préopinants, il me semble indispensable de procéder au renvoi du projet en commission du logement, renvoi amplement justifié par les pistes ouvertes tant par M. Ferrazino que par M. le conseiller d'Etat Haegi. Les membres de la commission pourront ainsi approfondir leur étude.

Comme la loi viendra à son terme à fin mars, il me paraît stupide d'y mettre fin avant l'échéance de son temps d'essai.

C'est pourquoi notre groupe vous demande de renvoyer ce projet de loi en commission.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je désire répondre à M. Ferrazino qui a déclaré, avec malice, que j'avais vraiment tout obtenu et même plus en commission !

Je tiens à être aussi précis que vous, Monsieur Ferrazino. En commission, je souhaitais que ces droits d'enregistrement soient levés pour une période plus longue que celle qui a été fixée. Cela n'a pas été le cas, d'où la contre-proposition d'échelonnement.

Sans doute cela vous a-t-il échappé pendant une seconde, mais je vois, maintenant, que vous vous en souvenez.

Allons-nous jouer de la technique parlementaire pour que la décision ne soit pas prise ce soir ? Vous savez que nous pouvons faire en sorte que ce soit le cas.

Peut-être n'est-il pas nécessaire de retourner en commission si nous pouvons nous rencontrer dès lundi. Par conséquent, vous ne pouvez rien décider ce soir...

Une voix. Pourquoi ?

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Parce que le Conseil d'Etat ne demandera pas le troisième débat, c'est évident ! Vous ne déciderez de rien ce soir, et c'est volontiers, Monsieur Ferrazino, que nous pourrons procéder à un ajustement de la loi dès la semaine prochaine.

Mesdames et Messieurs les députés, cessez de penser que ce projet de loi coûte le montant qui vous a été indiqué. Ce chiffre n'a jamais pu être vérifié. C'est une évaluation comptable qui ne tient pas compte des différentes composantes économiques. Introduire celles-ci est bien plus subtil que calculer au premier niveau !

Quoi qu'il en soit, les interventions précédentes démontrent que nous trouverons un consensus pour atteindre les objectifs recherchés.

M. Christian Ferrazino (AdG). Il faut toujours être très attentifs avec M. Haegi. Il dit que le troisième débat ne sera pas demandé ce soir. Il compte sur ce moyen pour différer les conséquences de la décision souhaitée par un grand nombre d'entre nous.

Je vous suggère, Monsieur Haegi, une disposition dans le fil de votre raisonnement. Puisque vous souhaitez conserver les délais en les ramenant à quatre ans et êtes d'accord de supprimer la gratuité totale, je vais déposer un amendement abrogeant uniquement le chapitre III de la loi du 27 juin 1997, à savoir les articles 6 et 7...

M. Bernard Annen. Que disent ces articles ?

M. Christian Ferrazino. Ces articles prévoient l'exonération des droits d'enregistrement et des émoluments du registre foncier jusqu'au 31 mars 1998. Par contre, Monsieur Annen, nous maintenons le chapitre IV qui prévoit l'échelonnement de ces droits et amendons les articles 8 et 9 pour remplacer les huit ans par quatre ans.

Avec cette proposition, nous réglons le problème, à savoir que nous abrogeons la gratuité totale, avec effet dès ce soir, mais que nous maintenons ad aeternam, puisqu'il n'y a pas de limite dans le temps, l'échelonnement en ramenant sa durée à quatre ans.

Mon premier amendement consiste à supprimer les articles 6 et 7...

Le président. Aucun député, dans cette salle, n'a la loi dont vous parlez sous les yeux et la loi dont nous débattons ne comporte aucun des articles que vous citez. Vous êtes en train de faire un travail qui doit être effectué en commission. Il me semble difficile de parler d'un projet de loi qu'aucun député n'a sous les yeux.

M. Christian Ferrazino. J'ai essayé de limiter mon temps d'intervention et fait un pas dans la direction de M. Haegi. Dès lors, je demande simplement qu'on vote ce projet de loi en discussion immédiate et si le troisième débat est refusé par le Conseil d'Etat ou le Bureau unanime, il aura lieu le 18 décembre, puisqu'il sera forcément reporté à la prochaine séance.

M. Bernard Annen (L). La demande de renvoi en commission a été souhaitée au préalable. Par conséquent, Monsieur le président, vous devez la faire voter.

Le président. Non, Monsieur le député. Le renvoi en commission va de soi en débat de préconsultation. Par contre, si la discussion immédiate est demandée, il m'appartient de la mettre aux voix. Je la mets donc aux voix... Monsieur le député Unger ? Je vous donne la parole en vous priant de vous exprimer uniquement sur la discussion immédiate.

M. Pierre-François Unger (PDC). Je suis le premier à m'exprimer, alors que dans un débat de préconsultation, comme vous l'avez signalé, une personne par groupe dispose d'un temps de parole n'excédant pas cinq minutes. M. Ferrazino a pris trois fois la parole, deux libéraux l'ont prise aussi. Manifestement, la procédure de notre Grand Conseil n'est pas respectée.

Le président. Vous avez raison, Monsieur le député !

M. John Dupraz. On s'en fout !

M. Pierre-François Unger. On ne s'en fout pas, mais on change le règlement, Monsieur Dupraz !

Au cours de la dernière législature, nous avons fait l'erreur - que nous avions du reste reconnue - de demander la discussion immédiate sur deux ou trois objets. C'est alors que nous avons entendu les glapissements de M. Ferrazino... (Rires et contestations.) Nous avons entendu les glapissements répétés de M. Ferrazino...

Une voix. Grrrrr...

M. Pierre-François Unger. Très bien !

Des voix. Hou, hou ! Grrrr... Grrrr...

M. Pierre-François Unger. Monsieur Ferrazino, vous avez dit à quel point ce procédé était détestable. Votre pseudo-éducation n'aura tenu que le temps d'une séance ! Vous n'en avez montré qu'un mince vernis à la première réunion de ce Grand Conseil, juste avant l'élection du Conseil d'Etat !

Désormais, vous êtes cohérent avec votre position. Vous restez dans l'opposition, et c'est bien normal puisque vous en êtes. Il n'empêche que vos moyens manquent d'élégance et si, d'aventure, vos alliés de l'Alternative vous suivaient sur cette voie, nous saurions à quoi nous en tenir.

Le président. Monsieur Unger, je tiens à vous rassurer. M. Ferrazino avait demandé la discussion immédiate au cours de sa première intervention. Le débat aurait dû porter uniquement sur la discussion immédiate et, dès lors, il pouvait reprendre la parole. Et, quand il l'a fait, il ne s'est pas exprimé uniquement sur la forme. Il a donc un peu dérogé à notre règlement, j'en conviens. Néanmoins, je pouvais lui accorder trois fois la parole, dès lors que nous n'étions plus en débat de préconsultation, mais en débat de forme à suivre concernant le traitement de ce projet de loi.

La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix la proposition de discussion immédiate.

Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.

Premier débat

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Article unique (souligné)

Art. 2

M. Bernard Lescaze (R). Si j'ai bien compris, le député Ferrazino a fait plusieurs propositions que nous ne pouvions suivre, faute de disposer du texte de la loi.

En revanche, il en a fait une, très claire, pour l'article 2 du présent projet. Il souhaite que la loi entre en vigueur le 5 décembre.

Si je vous ai bien compris, Monsieur le conseiller d'Etat Haegi, vous souhaitez que la présente loi entre en vigueur le 31 mars 1998.

Dans ces conditions, je propose formellement un amendement, à savoir :

«La présente loi entre en vigueur le 31 mars 1998.»

pour les raisons que le conseiller d'Etat a fort bien expliquées et qui semblent intégrer une partie des conclusions de M. Ferrazino.

M. Christian Ferrazino (AdG). Vous faites une confusion totale, Monsieur Lescaze ! La présente loi abroge toute la loi dont nous venons de parler.

M. Haegi ne veut pas l'abroger en totalité. Il veut abroger le chapitre II au 31 mars, mais il veut conserver les autres chapitres sur l'échelonnement du remboursement dès le 1er avril.

C'est pourquoi nous demandons, ce soir, l'abrogation de cette loi. Dès lundi, nous déposerons un nouveau projet de loi uniquement sur un échelonnement réduit à quatre ans. Suivez-nous, Monsieur Lescaze, M. Haegi est déjà avec nous !

L'article 2 doit donc être complété par :

«La présente loi entre en vigueur le 5 décembre 1997.»

Le président. Nous sommes en présence de deux amendements. Je vous rappelle que les amendements doivent être déposés sous la forme écrite. De plus, ils doivent me parvenir avant le vote, afin que je puisse en donner lecture. Je n'ai aucune proposition d'amendement sous les yeux pour le moment. Par conséquent, il n'y a formellement pas d'amendement à ce projet de loi. Cela signifie que l'article 2 est flou, puisque son amendement ne m'est pas parvenu formellement.

M. Bernard Lescaze (R). Monsieur le président, je suis relativement d'accord avec M. Ferrazino : amender simplement la présente loi par : «La présente loi entre en vigueur le 31 mars 1998» ferait qu'elle ne serait pas abrogée et que les articles qu'il souhaite voir modifiés ne pourraient pas entrer en vigueur.

Je prends donc acte de l'engagement de M. Ferrazino de déposer, dès lundi, un nouveau projet de loi qui nous sera renvoyé pour que nous l'examinions en commission.

Vous ai-je bien compris, Monsieur Ferrazino ?

M. Christian Ferrazino (AdG). Nous nous rapprochons, Monsieur Lescaze ! J'avais indiqué la date du 5 décembre, mais M. le président m'ayant fait remarquer que l'amendement n'étant pas déposé...

Le président. C'est fait, Monsieur le député ! M. Bernard Clerc vient de le déposer.

M. Christian Ferrazino. Si vous ne voulez pas demander le troisième débat, nous serons forcés d'amender notre amendement au 18 décembre, date à laquelle nous le voterons. En revanche, Monsieur Lescaze, il n'y a pas d'extrême urgence à déposer le nouveau projet de loi, puisque les échelonnements dans le temps sont prévus à partir du 1er avril 1998. Néanmoins, il n'y a pas de raison de tarder, et je vous confirme que nous ferons un projet de loi, que je soumettrai à M. Haegi, prévoyant des échelonnements sur quatre ans dès la date de son acceptation par ce Grand Conseil, les lois n'ayant pas d'effet rétroactif... (Contestations.) Nous ne pouvons pas fixer l'entrée en vigueur d'une loi avant qu'elle ne soit promulguée et publiée dans la «Feuille d'avis officielle». Par conséquent, nous nous dépêcherons de déposer la nôtre pour qu'elle entre vigueur dès qu'elle sera votée.

Le président. Je mets aux voix la proposition d'amendement déposée par M. le député Bernard Clerc, à l'article 2. Cette proposition consiste à ajouter la date du 5 décembre 1997, soit :

«La présente loi entre en vigueur le 5 décembre 1997.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 2, ainsi amendé, est adopté.

Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.

Ce projet est adopté en deuxième débat.

Le président. Le troisième débat est-il demandé ?

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat ne demande pas le troisième débat. Il invite le Grand Conseil à renvoyer ce projet en commission. Il invite également cette dernière à se réunir rapidement de façon à pouvoir rapporter, cas échéant, à la prochaine séance de votre parlement.

De toute évidence, ce débat démontre que cette affaire ne peut être traitée sérieusement qu'autour d'une table de commission pour que vous receviez, sur la base d'un rapport, un texte qui vous permettra de délibérer sereinement.

Vous ne pouvez pas voter ce soir, suite à cette batterie d'arguments et d'amendements présentés sans une préparation suffisante.

Si ce projet est renvoyé en commission, celle-ci pourra se réunir rapidement et rapporter oralement à la prochaine séance du Grand Conseil.

C'est la proposition formelle du Conseil d'Etat et, en tout état de cause, il ne demande pas le troisième débat.

M. Bernard Clerc (AdG). Je m'inquiète de l'acharnement avec lequel le Conseil d'Etat défend son projet de loi. Cela me donne à penser que les cadeaux fiscaux induits doivent être supérieurs à ceux prévus.

Le présent projet est simple et précis. Il s'agit d'abroger une loi dont le but essentiel est de faire des cadeaux fiscaux à des personnes qui peuvent s'acheter des villas et des appartements.

Nous ne voulons pas de cette loi. Par contre, nous sommes prêts à discuter l'échelonnement du paiement des droits d'enregistrement.

Abroger cette loi dans ce sens est supprimer sa partie la plus néfaste. Pour le reste, nous pourrons discuter sereinement, les délais étant suffisamment longs.

Nul besoin d'un renvoi en commission qui, en l'occurrence, serait une manoeuvre dilatoire.

Le président. Je mets aux voix la demande de renvoi en commission faite formellement par le Conseil d'Etat; non du projet de loi, puisqu'il est adopté en deux débats, mais le renvoi à la commission pour examen de la loi concernée.

Mise aux voix, cette proposition est rejetée.

Le président. La discussion est close sur ce projet de loi, le troisième débat n'ayant pas été demandé. Ce dernier aura lieu au cours de la session des 18 et 19 décembre.

 

7. Ordre du jour.

Le président. Nous passons au point 96 de notre ordre du jour, soit le projet de loi 7693-A, rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones de construction sur le territoire de la commune de Meyrin (création d'une zone de développement 3 affectée à de l'équipement public).

M. Florian Barro (L), rapporteur ad interim. Si nous avons demandé que ce point soit traité aujourd'hui c'est en raison de son caractère d'urgence et pour que les travaux relatifs au LHC puissent démarrer cette année encore ou au début de l'année prochaine.

La commission d'aménagement a souhaité, en fin de travaux, réentendre les responsables du CERN, notamment au sujet de la sécurité. Cinq personnes ont été auditionnées à titres divers. Leurs informations constituent un complément au rapport qui vous est soumis ce soir.

Je rappelle que le mandat du CERN est international. Il représente 200 millions de salaires, dont 100 millions à Genève et dans le canton de Vaud. Le CERN produit également un rapport sur la sécurité. Les mesures de radioactivité et de toxicité sont relevées par des laboratoires indépendants.

Le CERN s'engage à respecter les lois et règlements internes le régissant. Il s'agit des directives données par les deux pays hôtes.

Il nous a été dit que les employés du CERN suivaient des cours de prévention, en matière de sécurité, avant d'être engagés dans tel ou tel secteur.

Les commissaires, du moins une partie d'entre eux, ont été rassurés par les explications données sur les déchets. Il semble qu'ils soient correctement traités soit à Würenlingen soit en France, par l'intermédiaire d'organismes appropriés.

Afin que cet important projet de plus de 3 milliards de francs puisse démarrer, nous vous demandons de voter ce déclassement prévu dans les mesures de déclassement de zone agricole en zone constructible. Nous vous remercions de soutenir ce projet qui permettra au CERN de mettre rapidement en oeuvre son nouveau projet de recherche.

M. Chaïm Nissim (Ve). Ce Grand Conseil étant maître de son ordre du jour, je vous demande de voter formellement ma proposition de renvoyer le vote de ce projet à quinze jours.

Je vous en donne la raison :

Mon collègue Florian Barro a abordé le sujet. Trois questions ont été posées aux représentants du CERN. Une question portait sur l'ampleur du déclassement, qui sera débattue par ma collègue Fabienne Bugnon si vous refusez le report du vote.

La deuxième question est d'ordre philosophique. A quoi sert le CERN, que cherche-t-il, quelles sont ses éventuelles accointances avec les équipes de chercheurs de Los Alamos et de Trispal, qui travaillent respectivement à la bombe H américaine et à la bombe H française ? Cette question n'est pas résolue. Nous projetons, à ce sujet, un débat avec le CERN, et nous aurions besoin de quinze jours pour nous assurer qu'il aura bien lieu.

La troisième question, de type syndical, n'a été qu'effleurée. Elle a trait à la sécurité des intérimaires du CERN. Nous avions demandé au CERN que des experts antinucléaires participent aux relevés mensuels des mesures. C'est le débat contradictoire que nous avons eu avec Mme Barbara Polla, voici deux mois. Cette question n'est toujours pas réglée, le CERN n'a toujours pas accepté la participation de la CRII-RAD.

C'est pourquoi je vous demande de surseoir au vote et de vous exprimer formellement sur ce renvoi : êtes-vous d'accord de reporter à quinze jours le vote de ce projet de loi ?

M. Florian Barro (L), rapporteur ad interim. Compte tenu de l'importance du projet, je demande à M. Nissim de renoncer à sa proposition de renvoyer le vote, essentiellement pour une raison de planning et pour permettre au CERN de commencer ses travaux.

Le débat souhaité par M. Nissim, sur les questions qu'il vient d'évoquer, pourrait s'ouvrir lors de l'examen du projet de loi de subvention de 5 ou 6 millions qui nous a été remis par le Conseil d'Etat.

A mon avis, ce sera une excellente occasion pour débattre du sujet, parce que ce projet ne met pas en cause le délai d'exécution des travaux et que la subvention n'est pas liée à un ou deux mois. Par conséquent, les réserves de M. Nissim pourront être discutées entre-temps.

Eu égard à la démarche entreprise par le CERN sur notre territoire, je vous demande de voter ce déclassement, afin que ce projet démarre sans tarder.

Le président. Monsieur Nissim, permettez-moi de vous faire remarquer que votre proposition a formellement été votée par ce Grand Conseil tout à l'heure.

M. Rémy Pagani (AdG). En tant que commissaire, j'ai assisté à l'audition de la direction du CERN, et je peux rapporter sur ce qui suit :

Le CERN s'est engagé, bien malgré lui, à organiser un débat sur les questions soulevées par Chaïm Nissim. Il s'est également engagé à discuter d'une éventuelle avancée sociale avec une organisation indépendante, mais sans préciser laquelle.

J'imagine que cette organisation sera rétribuée par le CERN. Nous lui avons proposé la CRII-RAD, organisation indépendante et antinucléaire. En effet, je ne comprends pas pourquoi le CERN traîne les pieds aujourd'hui, alors que, s'appuyant sur de nombreuses expertises, il a affirmé qu'il n'y avait aucun problème de radioactivité dans son enceinte.

Mon groupe et moi-même vous proposons de renvoyer ce débat à quinze jours, histoire de faire avancer les choses au niveau de la direction du CERN.

M. Chaïm Nissim (Ve). Il est vrai que nous pouvons tenir le même débat avec le projet de subventionnement. Mais il vaut mieux l'avoir au moment du déclassement, les problèmes étant plus clairement posés.

Si nous votons le déclassement ce soir, on aura beau jeu de nous le rappeler, lors du débat sur le subventionnement, afin de nous faire voter également celui-ci.

Deux questions ne sont pas réglées, l'une d'ordre philosophique, l'autre de santé publique.

Nous entendons affirmer un principe, à savoir que nos experts sont aussi compétents que ceux du CERN et que celui-ci doit accepter la venue de la CRII-RAD sur son site.

Mme Barbara Polla (L). Je voudrais dire à M. Pagani - qui insiste sur le report du vote à quinze jours - que l'ensemble du Grand Conseil a décidé de traiter de ce projet aujourd'hui, ce que M. le président vient de rappeler. Nous ne pouvons pas, dans le cadre d'une même séance, revoter ce qui a été adopté juste précédemment.

Par ailleurs, mon «excellent contradicteur», M. le député Nissim, a fait voter une résolution par ce Grand Conseil concernant le contrôle de la sécurité par la CRII-RAD. Cette résolution a été renvoyée au Conseil fédéral, lequel décidera de son sort et de la façon dont ces contrôles seront organisés. Ce n'est plus à nous ni au CERN de faire des propositions ou de prendre des décisions dans ce sens.

Mme Madeleine Bernasconi (R). Il y a plus de quarante ans que le CERN est installé sur le site de Meyrin et, suite à l'évolution de la science de l'infiniment petit, il s'est développé en grande partie sur le territoire français.

La prochaine étape est le LHC, après le LEP. A cet effet, il est nécessaire de modifier les limites de zones pour que le CERN puisse continuer ses recherches.

Il semble donc tout à fait opportun de voter ce soir ce projet de loi.

Il ne faut pas oublier que ce centre de recherches est extrêmement convoité par d'autres pays et qu'il est d'un grand intérêt scientifique, non seulement pour Genève mais pour le monde entier.

Si nous ne voulons pas nous refermer constamment sur nous-mêmes, le CERN nous donne la chance d'avoir une porte ouverte sur l'Europe.

Le CERN offre un apport économique qui n'est pas négligeable au niveau d'une commune, mais il nous enrichit surtout d'une population socio-culturellement des plus intéressantes : c'est elle qui a créé la cité de Meyrin, qui en a assuré le développement et fait qu'elle ne soit pas une cité dortoir.

En ce qui concerne la sécurité, les responsables du CERN ont donné toutes les réponses susceptibles de rassurer les plus inquiets. Je reste persuadée que ces mêmes responsables seront à même de répondre aux interrogations de M. Nissim. Il me semble que ce sont des gens ouverts, prêts à débattre, mais je crois que, pour Genève et l'Europe, nous devons déclasser pour faire avancer le projet LHC.

M. Christian Ferrazino (AdG). La soirée étant aux compromis, je me permets d'en formuler un.

Comme Mmes Polla et Bernasconi disent qu'il faut absolument voter ce soir et que M. Nissim et d'autres souhaitent reporter le vote au 18 décembre, je propose de faire plaisir à tout le monde : votons ce projet en deux débats ! La chanson sera la même que tout à l'heure. Le projet est d'ores et déjà réagendé à notre séance du 18 décembre et le CERN sera avisé des conditions posées par certains.

Les responsables du CERN ont pris l'engagement d'aller dans ce sens devant tous les membres de la commission d'aménagement. Nous leur démontrerons que nous avons bien raison de leur faire confiance, puisqu'ils auront quinze jours pour nous prouver, par des engagements fermes, que leurs intentions sont traduites par des actes.

Le 18 décembre, nous serons en troisième débat et nous voterons comme nous l'aurions fait ce soir si nous avions été en possession de ces garanties.

Par conséquent, je propose de voter ce soir ce projet en deux débats.

M. Pierre Vanek (AdG). Je souscris à la proposition de Christian Ferrazino.

J'interviens juste sur un point technique. Mme Polla a déclaré que nous ne pouvions pas revenir sur cette proposition de report déjà votée.

Monsieur le président, le règlement stipule que le Grand Conseil est maître en tout temps de son ordre du jour. Cela signifie qu'il peut revenir sur un vote, comme M. Maitre l'a fait, tout à l'heure, en proposant un renvoi en commission, alors que la discussion immédiate avait été précédemment acceptée.

Il n'y a donc aucun empêchement, le cas échéant, à ce que nous reportions ce débat. D'ailleurs, l'article 78 prévoit que nous pouvons proposer l'ajournement à terme d'une délibération, comme le demande M. Nissim.

Certains intervenants ... (Exclamations.) ... ont un peu débordé, nous pouvons le leur pardonner et je vous invite à suivre la proposition de mon collègue «loup». (Rires.)

M. Claude Blanc (PDC). «Grand-mère, comme vous avez de grandes dents !» - «C'est pour mieux te manger, mon enfant !» aurait répondu M. Ferrazino.

Je suppose que M. Ferrazino est suffisamment intelligent et perspicace pour savoir que nous ne tomberons pas dans le piège qu'il nous tend ce soir.

Au début des années 50...

Une voix. Je n'étais pas né !

M. Claude Blanc. Je l'étais, moi ! Quand le CERN a projeté de s'installer dans notre canton, la première loi de déclassement des terrains qui lui étaient nécessaires avait été combattue par ce qui s'appelait alors le parti du Travail, et dont quelques fossiles siègent encore sur les bancs de l'actuelle majorité ! Les arguments avancés étaient que les activités du CERN pouvaient avoir des consonances militaires. Cela a duré quasiment un demi-siècle. Et voilà qu'on cherche d'autres noises !

Alors, laissez-moi vous rappeler que si notre canton a connu une période économique fastueuse, il le doit en grande partie au CERN et à toutes les industries qui ont travaillé pour lui.

Si la nouvelle majorité parlementaire annonce la couleur en prêtant tous les vices au CERN - car c'est ainsi que cela sera interprété - elle portera dans l'Europe entière la responsabilité du repli de Genève, la responsabilité du démantèlement du fleuron principal de l'activité scientifique dans notre canton. Si c'est cela que vous voulez, allez-y !

J'ai des amis, ingénieurs au CERN, qui, pour des raisons idéologiques, ont voté pour vous. Ils sauront maintenant que vous les mettez au chômage. Tant pis pour eux, ils auraient dû le comprendre avant !

Si vous voulez le démantèlement du CERN, vous devez avoir le courage de l'avouer !

M. Olivier Vaucher (L). J'ajoute quelques constatations aux propos de Mme Bernasconi, que je partage entièrement.

Une fois de plus, MM. Pagani et Ferrazino n'ont pas été attentifs en commission.

Permettez-moi de vous rappeler, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, que la commission avait décidé de procéder à une nouvelle audition des responsables du CERN, au lieu de repasser en plénum, pour avoir un complément d'information.

Vous avez reçu ce complément d'information. Les gens du CERN ont répondu à toutes vos questions. Personnellement, je leur ai demandé si un organisme comparable à la CRII-RAD existait en Suisse. Ils m'ont répondu par l'affirmative et se sont déclarés prêts à mandater cet organisme pour répondre à vos souhaits.

Le CERN a dit oui à tout. Il nous a informés de l'existence d'organismes locaux aptes à faire de telles études.

Je trouve donc particulièrement sournois qu'après avoir posé toutes vos questions aux représentants du CERN, en commission, vous fassiez ici des affirmations totalement contraires à ce qui a été dit.

Le CERN nous a avisés être prêt à démarrer son projet dès janvier prochain. Il ne s'agit donc pas de différer les possibilités d'emplois et de maintien de cette importante institution qui a pleinement joué le jeu en commission, en répondant positivement à toutes les questions.

M. Christian Ferrazino (AdG). Je ne peux pas laisser sans réponse les propos de M. Blanc qui ne sont pas toujours bien choisis.

M. Blanc parle de fossiles. Je lui réponds, sans me sentir visé, que les fossiles sont très utiles, car ils permettent de dater, dans le temps, l'émergence de certains phénomènes.

Monsieur Blanc, je ne vous ferai pas l'injure de vous dire que nous devrions vous appliquer une datation au carbone 14, mais on éprouve cette impression quand on vous entend sur ce dossier...

Pourquoi ? Parce que peu nombreux sont ceux qui pensent que la recherche fondamentale et la recherche scientifique n'auraient aucune application dans le domaine économique et, par conséquent, dans le secteur militaire.

Il faut venir du fond des âges, Monsieur Blanc, pour croire cela possible. Même les représentants du CERN auditionnés à la commission de l'aménagement ne l'excluaient pas...

M. Olivier Vaucher. Tu n'y étais pas  !

M. Christian Ferrazino. J'y étais, Monsieur Vaucher, mais peut-être dormiez-vous ce jour-là, comme d'autres...

Comment, Monsieur Blanc, pouvez-vous penser que les recherches scientifiques et fondamentales n'ont aucune application dans le domaine économique ? Les plus grands rêveurs en sont revenus ! Ces interrogations-là sont parfaitement légitimes. C'est la moindre des choses que de se poser le problème de la transparence des activités du CERN et ce débat n'a pas de raison d'être.

La polémique de M. Vaucher, domaine dans lequel il excelle, est donc inutile, puisque les responsables du CERN eux-mêmes nous ont dit être prêts à nous voir. Et nous disons que pour nous rencontrer il nous faut un délai ! Nous ne vous parlons pas de trois mois, car nous n'avons pas l'intention de retarder les travaux, nous vous parlons de dix ou quinze jours, le temps pour le CERN de nous signifier ses engagements.

Cessez de polémiquer en usant d'arguments qui n'en sont pas ! Reportons le troisième débat à la prochaine séance ! Votons ce soir le projet en deux débats ! Entre-temps, le CERN pourra concrétiser ses engagements et ce projet pourra être voté à l'unanimité.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). M. Blanc a l'habitude d'insulter ses adversaires, et cela ne nous surprend pas.

Une voix. Au carbone 14 ?

Mme Erica Deuber-Pauli. Si vous voulez, il lui convient ! Je rappelle que le grand débat des années 50, qui a présidé notamment à l'émergence du CERN, a été mené par des pacifistes contre les «grands progrès» de l'époque que furent la mise au point et le développement de la bombe atomique. Ce débat a mobilisé énormément de gens, notamment de gauche, mais pas exclusivement. De nombreux scientifiques y ont participé, dont ceux qui ont fait la grandeur du CERN et qui comptent beaucoup de prix Nobel parmi eux.

Nous devons être reconnaissants à ceux qui ont conduit ce combat pacifiste, parce qu'ils ont permis la mise au point d'une convention qui lie le CERN à notre canton et à la Confédération. Cette convention exclut explicitement sur le site toute recherche à implication militaire.

Durant toutes ces années, notamment celles marquées par la guerre froide et la conquête progressive des armements nucléaires les plus meurtriers, cette pression sur la recherche pacifique menée par le CERN n'a jamais cessé, qu'elle émane de l'intérieur ou de l'extérieur de cette institution.

La chute des deux blocs et l'hégémonie américaine ont aujourd'hui levé certains obstacles mis à la collaboration entre laboratoires militaires et civils. Les rapports du CERN font désormais apparaître, en tant que collaborateurs, des noms de laboratoires militaires opérant aux Etats-Unis, en France et ailleurs.

Saisie des craintes dont nous lui avions fait part, la direction du CERN a reconnu que la situation pouvait prêter à danger et qu'elle était disposée à mettre fin à ces collaborations - qui consistent, essentiellement, en transferts de technologies des laboratoires militaires vers le CERN - et à faire de ce rassemblement de scientifiques - le plus grand du monde - un lieu au-dessus de tout soupçon.

Je vous en conjure, ne jetez jamais le discrédit sur le combat des pacifistes ! Si ce sont des dinosaures d'hier qui l'ont mené, nous espérons être les dinosaures de demain !

M. Chaïm Nissim (Ve). Monsieur Blanc, je n'ai nullement l'intention de mettre les scientifiques du CERN au chômage. Moi-même, je suis un scientifique et je travaille fréquemment au CERN. Ce sont les mandats les plus intéressants que j'ai eus jusqu'à maintenant. Je n'ai donc aucune envie de me mettre moi-même au chômage.

De par ma formation, j'ai appris, Monsieur Blanc, que la science nous obligeait à nous poser des questions. Il faut s'abstenir, en la matière, d'asséner des affirmations à l'emporte-pièce !

Mes questions sont légitimes, parce que beaucoup de mes collègues du CERN se les posent depuis très longtemps. C'est pourquoi nous voulons profiter de l'occasion, comme l'a dit M. Ferrazino, pour les poser publiquement.

Nous voulons le faire pour que le CERN réfléchisse, avec le grand public, à quoi il sert vraiment.

Quand vous dites, Monsieur Vaucher, que toutes les questions ont été abordées et que le CERN y a répondu, je vous réponds non ! M. Evans ou Ivens était extrêmement réticent à l'égard de la CRII-RAD.

Si je demande le report du vote, c'est, entre autres, pour convaincre ce monsieur d'accueillir la CRII-RAD et les opinions diverses... (Interruption de M. Olivier Vaucher.) Je sais, la CRII-RAD n'est pas le seul organisme indépendant, mais j'y tiens parce qu'elle est antinucléaire. Ce serait donc la première fois que des antinucléaires travailleraient dans un institut tel le CERN pour l'aider dans sa gestion de la santé, notamment celle du personnel intérimaire.

C'est ce point qui doit être réglé, raison pour laquelle je demande le report à quinze jours du vote de ce projet de loi.

Je pourrais accepter la solution de M. Ferrazino si je ne craignais que M. Haegi, pas forcément lié par les décisions du Grand Conseil, ne demande le troisième débat. Je préfère donc le report du vote et mon collègue Albert Rodrik vous demandera de replacer ce projet sous son point initial, soit le point 96 de notre ordre du jour.

M. Rémy Pagani (AdG). Je tiens à démentir une affirmation qui vient d'être faite. Le CERN ne s'est pas directement engagé à mettre une commission sur pied, il s'est engagé à le faire sous réserve des autorisations fédérales.

S'engager n'est pas se défiler derrière une structure administrative et légale.

En tant que syndicaliste, mon souci premier est de protéger la vie et la santé des intérimaires qui, depuis des années, subissent on ne sait quoi. Une affaire est sortie au grand jour. Par conséquent, je souhaite recevoir des éclaircissements sur ces problèmes qui ne sont pas seulement de santé publique  : l'exploitation des travailleurs intérimaires en constitue un autre.

M. Albert Rodrik (S). Je n'ai aucune prévention contre le CERN, mais je commence à en avoir une contre le déroulement de ce débat.

Il y a eu assaut de subtilité pour proposer des solutions de compromis. L'Entente n'en veut aucune. Je vous demande donc de remettre le projet où vous aviez eu la sagesse de le placer à l'origine, c'est-à-dire sous le point 96, pour en terminer avec cette pantalonnade !

Mme Barbara Polla (L). En proposant le report du vote, M. Nissim ne veut qu'une chose : profiter de quinze jours pour négocier avec le CERN, afin que celui-ci accepte le contrôle de la CRII-RAD contre le fait que nous votions le déclassement. Nous n'entrerons pas dans cette négociation.

Les propos de M. Pagani sont inacceptables, parce qu'ils ne reposent sur rien. Nous avons travaillé pendant des mois à la commission de la santé pour parvenir à deux rapports, notamment à celui de Mme Torracinta-Pache. Ma collègue, tout comme moi, admettait que les problèmes de radioprotection étaient parfaitement contrôlés; que le cas cité par M. Pagani n'était pas clair et qu'il n'y avait pas lieu d'en discuter au niveau politique. La commission a donc réfuté par anticipation les accusations présentement portées contre le CERN.

Encore une fois, je juge ces propos inadmissibles. De plus la négociation proposée n'est pas légalement acceptable. En effet, le CERN ne se dissimule pas derrière une procédure et une structure fédérale; il se plie à la résolution votée par ce Grand Conseil et c'est au Conseil fédéral, je le répète, de décider de la mise en place du type de contrôle proposé par la résolution.

Nous voulons voter ce soir, comme cela a été décidé au début de la séance, pour éviter une négociation douteuse avec le CERN. Celui-ci a notre soutien total dans le projet de déclassement et notre admiration entière pour ses activités, en général, et son investissement dans la radioprotection, en particulier.

Le président. Je mets aux voix la proposition de replacer ce projet au point 96 de l'ordre du jour. C'est une motion d'ordre. (Interruption de M. Christian Ferrazino.) Peu importe, ne formalisons pas, Monsieur Ferrazino ! Je sais que vous êtes passé maître dans l'art de tortiller les poils des mouches en matière purement juridique. Je vous fais entièrement confiance ! Ce n'est pas une motion d'ordre ? Cela m'est complètement égal ! Je vais faire voter la proposition de M. Albert Rodrik de ne pas traiter ce point maintenant, contrairement à ce que ce Grand Conseil avait décidé en début de séance.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.

Le président. Nous traiterons donc le point 96 lors de notre prochaine séance. Nous avons perdu beaucoup de temps pour rien !

M 1174
8. Proposition de motion de Mmes et MM. Christian Grobet, Erica Deuber-Pauli, Rémy Pagani, Jeannine de Haller, Françoise Schenk-Gottret, Dominique Hausser, Pierre-Alain Champod, Christian Brunier, Fabienne Bugnon et David Hiler sur la création d'une zone 4B protégée à Chêne-Bougeries. ( )M1174

Vu l'article 15 A de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (ci-après LaLAT) instituant un droit d'initiative du Grand Conseil en matière d'adoption de plans de zone,

LE GRAND CONSEIL,

par ces motifs,

invite le Conseil d'Etat

à renoncer à tout projet d'élargissement de la route cantonale formée par la rue de Chêne-Bougeries et à engager la procédure d'adoption des plans de zone, prévue à l'article 16 LaLAT, pour le projet de modification du régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries annexé à la présente motion.

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'exposé du projet de loi en cause donne toutes indications utiles sur les motifs de la proposition en cause.

Annexe

PROJET DE LOI

modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de lacommune de Chêne-Bougeries (extension d'une zone 4B protégée avecabrogation de la zone de développement 3)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Le plan annexé au présent projet de loi modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries (extension d'une zone 4B protégée avec abrogation de la zone de développement 3) est approuvé.

2 Les plans des zones annexés à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Art. 2

Les bâtiments situés dans le périmètre de la zone 4B protégée et construits avant 1920 doivent être maintenus et ne peuvent être démolis que si leur coût de rénovation est totalement disproportionné par rapport au coût d'une reconstruction à neuf. Vu leur intérêt historique, le département des travaux publics et de l'énergie peut ordonner l'exécution de travaux de restauration et accorder, le cas échéant, des subventions à travers le fonds cantonal des monuments, de la nature et des sites.

Art. 3

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre du plan visé à l'article 1.

Art. 4

Un exemplaire du plan susvisé, certifié conforme par le président du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames etMessieurs les députés,

Le 8 février 1991, le Grand Conseil approuvait une loi modifiant le régime des zones de construction de la commune de Chêne-Bougeries dans le but de préserver les immeubles bordant le côté sud de la rue de Chêne-Bougeries par l'abrogation de la zone de développement 3 qui était applicable à cet ensemble de bâtiments et en soumettant ceux-ci aux normes de la zone 4B protégée.

Malheureusement, cette décision bienvenue de protection du patrimoine, dont le bien-fondé peut être constaté sur place depuis qu'une grande partie des immeubles en cause a été rénovée, n'a pas été complétée d'une mesure identique pour les immeubles situés sur le côté nord de cette rue qui sont d'une qualité en tout point comparable à celle de leurs vis-à-vis. La plus grande partie de ces immeubles ont été construits à la même époque, c'est-à-dire au XVIIIe siècle et durant la première moitié du XIXe siècle. Il s'agit d'un ensemble d'immeubles cohérent, d'une grande qualité, comparable au Vieux-Carouge, et qui forment le dernier village-rue de notre canton encore préservé des atteintes apportées à d'autres ensembles comparables, tels que ceux de Versoix ou de Plan-les-Ouates.

Ces immeubles sont situés sur l'une des plus anciennes pénétrantes de Genève et il importe d'étendre la zone 4B protégée, créée en 1991, aux immeubles bordant le côté nord de la rue de Chêne-Bougeries situés à l'intérieur de l'îlot formé avec le chemin du Pont-de-Ville, afin de préserver cet ensemble bâti de grande qualité. La destruction d'un côté de la rue de Chêne-Bougeries dans le cadre d'un urbanistique passéiste des années soixante aurait la même conséquence dramatique que l'élargissement de la rue de Genève sur le territoire de la commune de Chêne-Bourg, où les bâtiments d'époque situés sur le côté sud de cette artère ont perdu toute leur signification avec la destruction des bâtiments qui leur faisaient vis-à-vis au profit d'une route aux dimensions monumentales bordées de grands buildings contemporains.

Il est d'autant plus urgent de procéder à l'adoption d'une mesure de protection des immeubles en cause que certains propriétaires continuent à tenter d'en démolir certains de manière illégale, après les avoir laissés volontairement à l'abandon dans le but de provoquer leur démolition. C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit une véritable mesure de protection en spécifiant que les immeubles protégés ne peuvent être démolis que si leur coût de rénovation est totalement disproportionné par rapport au coût d'une reconstruction à neuf.

A noter que les structures verticales des immeubles délaissés, qui sont construites en pierre de taille, sont d'une parfaite solidité et seules les toitures et certaines structures horizontales en bois doivent être remplacées, ce qui peut se faire selon une technique qui a été parfaitement maîtrisée pour certains immeubles à Genève (comme dans d'autres villes), dont l'intérieur a même été totalement vidé en vue de procéder à la construction de plusieurs niveaux en sous-sol (voir immeubles place de Cornavin, immeuble Camoletti à la rue de la Corraterie, Hôtel de la Cigogne à la place Longemalle, certains immeubles au quai des Bergues, etc.). C'est dire que les immeubles en cause non seulement peuvent être sauvés, mais doivent l'être pour que la rue conserve son caractère homogène.

L'élargissement de la rue de Chêne-Bougeries, qui est une route cantonale, coûterait très cher et ne répond à aucun besoin, puisque le plan de circulation des Trois-Chênes a pour objectif de donner la priorité aux transports publics à la route de Chêne et son prolongement à travers Chêne-Bougeries et Chêne-Bourg, en déviant la circulation automobile sur la route Blanche et la route de Malagnou. Grâce à la mise en place de feux préférentiels, le tram 12 ne connaît plus d'entraves importantes et le maintien du gabarit routier actuel de la traversée de Chêne-Bougeries évitera, d'une part un accroissement de circulation dans cette agglomération et permettra, d'autre part, d'éviter une dégradation de la qualité de vie et des entraves au bon fonctionnement des transports publics.

Au bénéfice des explications qui précédent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil au présent projet de loi.

Débat

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). C'est un jour noir pour la protection du patrimoine et pour le patrimoine genevois... (Brouhaha.) ...dans son ensemble. Ce jour récompense les propriétaires abusifs qui acquièrent des biens, les laissent à l'abandon et obtiennent des autorités publiques, parce que protégés par elles, l'autorisation de les démolir.

Contrairement à ce que vous pensez, notre proposition de motion ne porte pas seulement sur les deux immeubles dont la presse vient de parler d'abondance : elle concerne tout l'alignement.

En 1754, un traité a fixé les limites territoriales de notre canton, qui était alors la République souveraine de Genève. Ce traité a incorporé formellement à l'intérieur de nos frontières des terrains hérités d'anciens organes ecclésiastiques, notamment ceux du couvent de Saint-Victor et du Chapitre de Genève. Le plateau de Chêne comportait un bourg, dit aujourd'hui Chêne-Bourg, mais la frontière étant fixée par la Seymaz, les belles campagnes genevoises du plateau de Chêne-Bougeries n'avaient plus de village. On a donc entrepris, de manière symbolique, en bordure de la route Genève-Bonneville, la construction d'un temple baroque de belle facture et d'un bourg dont on veut, maintenant, démolir les éléments constitutifs.

Un peu plus tard, le roi de Piémont-Sardaigne entreprenait la construction d'une ville à Carouge, modifiait le tracé des routes et c'est alors que l'on vit naître Plan-les-Ouates sur la nouvelle route conduisant à Annecy par Saint-Julien.

Les bourgs de Chêne, de Carouge et de Plan-les-Ouates en territoire piémontais ou le bourg de Chêne-Bougeries en territoire genevois sont tous sortis d'un moule commun, avec les mêmes architectes, les mêmes maîtres d'oeuvre, les mêmes styles et les mêmes modèles de lotissement. Ils appartiennent au patrimoine sarde de Genève et à ses dérivés. Ils sont de qualité égale, les uns plus décorés, les autres plus dépouillés, mais les matériaux, les techniques, les mises en oeuvre, les formes, les modèles de lotissement parcellaire sont les mêmes.

Ceux de Carouge ont fait l'objet de très belles publications. Par contre, les bourgs plus modestes en bordure des routes menant en territoire sarde ont été quelque peu négligés.

En prévision de l'élargissement de la route Genève-douane de Moillesulaz, il avait été prévu, il y a quelques années, de placer en zone 4B protégée le côté sud de la route de Chêne-Bougeries et de laisser le côté nord en zone de développement. L'élargissement prévu a été réalisé au niveau de Grange-Falquet, de Grange-Bonnet et de Grange-Canal. Il a été poursuivi au niveau de Thônex, mais ne l'a pas été au niveau de ces éléments du patrimoine que l'on appelle vulgairement les «goulets». J'aimerais faire remarquer entre parenthèses que les développements modernes de la ville de Carouge n'ont pas entraîné la destruction du «goulet» de la rue Ancienne, du «goulet» de la rue Saint-Victor, pas plus qu'à Genève du «goulet» de la rue de la Cité prolongé par celui de la Grand-Rue ou encore du «goulet» de la rue des Granges, souvent pourtant plus étroits que ceux dont nous parlons.

L'ignominie à propos des «goulets» de Chêne-Bourg et de Chêne-Bougeries procède d'une invention idéologique de ceux qui veulent les détruire. On avait prévu l'élargissement de la rue dans la perspective d'un grand axe routier, puis on s'est aperçu qu'on faisait fausse route. On s'est donc bien gardé de prévoir l'élargissement de la rue lors du lancement du concours pour le remplacement du goulet de Chêne-Bourg. On a prévu de remplacer les immeubles du XVIIIe et du début du XIXe siècle par des immeubles placés dans le même alignement pour ne pas élargir exagérément la route. En effet, on s'était rendu compte des effets extrêmement pervers d'un tel élargissement qui exigea la mise en place de chicanes, de parcages en épi et autres obstacles à la circulation.

On en est là, et plus rien ne s'oppose, désormais, à l'arrêt de l'élargissement de la route.

C'est pourquoi notre motion vous propose de protéger également le côté nord de la rue de Chêne-Bougeries. Le projet de loi de référence vous invite, explicitement, à procéder à l'harmonisation des deux côtés de la rue de Chêne-Bougeries, en plaçant son côté nord en zone 4B protégée.

Je vous remercie d'accepter cette proposition qui permettra de protéger, à l'avenir, le bourg de Chêne-Bougeries.

M. Olivier Vaucher (L). Le président Joye nous a lu, tout à l'heure, le rapport de la commission LCI sur cette affaire.

Etant un enfant de Chêne-Bougeries, je peux comprendre certaines considérations de Mme Deuber-Pauli.

Cette motion présente un intérêt suffisant pour être renvoyée en commission. Nous saurons alors ce qu'il faut en retenir; et c'est pourquoi notre groupe, que j'espère voir rejoint par d'autres formations, demandera le renvoi en commission.

Suite au brillant cours d'histoire de Mme Deuber-Pauli, je crois sincèrement que certains points valent la peine d'être débattus en commission.

M. Rémy Pagani (AdG). Dans un premier temps, nous demanderons le vote immédiat de ce projet de loi...

Le président. Il s'agit d'une motion, Monsieur le député. Il vaut mieux savoir de quoi on parle !

M. Rémy Pagani. ...de cette motion. Je tiens à m'exprimer sur la situation catastrophique provoquée par le coup de force de ces derniers jours. Je n'ai pas pour habitude de m'opposer à un urbanisme positif en prenant systématiquement la défense du patrimoine. Malheureusement, la politique récente, notamment celle de ces deux derniers jours, m'y contraint aujourd'hui. Des habitants, qui sont mes amis, ont été emmenés par la police, menottes aux mains. C'est une pratique inadmissible, et c'est pourquoi j'engage mes collègues à voter cette motion.

M. Bernard Lescaze (R). Nous sommes saisis d'une motion... (L'orateur est interrompu. Rires.) Quand les gens n'ont pas de lunettes ou en ont de mauvaises, ils vont chez l'opticien, Monsieur le second vice-président, pour faire renforcer leurs verres ! Je ne parle pas, bien sûr, des verres de la buvette ! Nous sommes saisis d'une motion et je comprends le trouble de mes préopinants qui la défendent ! En réalité, cette motion est anodine et c'est le projet de loi qui fait et change tout.

Mme Deuber-Pauli nous a donné un cours d'histoire intéressant qui mériterait, toutefois, d'être nuancé. A cette heure tardive, alors que des députés doivent aller défendre sur le terrain leurs amis compromis dans cette affaire, je ne développerai pas tous les arguments contraires. Je me bornerai à n'en donner qu'un seul.

Mme Deuber-Pauli s'étonne que pour la même qualité architecturale - prétendument selon elle - la ville de Carouge ait fait l'objet de nombreuses publications scientifiques, ce qui est le cas, alors qu'il n'en a pas été de même pour la route de Chêne, ce qui est également le cas, qu'il s'agisse de l'ancien bourg de Chêne à Chêne-Bourg ou de la petite avancée protestante qu'était Chêne-Bougeries.

Mais l'évidence s'impose d'elle-même ! Carouge est une création conçue ex nihilo et sa valeur patrimoniale ne peut se comparer à celle du goulet de Chêne-Bougeries.

Mme Deuber-Pauli nous dit que la Ville de Genève a pu s'étendre sans que ses goulets soient détruits. Elle fait erreur ! Mme Deuber-Pauli est trop fine connaisseuse de l'histoire de Genève pour ne pas savoir qu'au cours du XIXe siècle et au début du XXe siècle, on a détruit, sans que cela ait suscité beaucoup de protestations, le goulet en arche du Bourg-de-Four qui bloquait la rue de l'Hôtel-de-Ville, le goulet en arche qui bloquait la rue de la Monnaie, le goulet du Perron - deux rues et des maisons se trouvaient sur la place actuelle. Je pourrais multiplier les exemples. C'est dire que des goulets ont été détruits en de nombreuses circonstances.

Le problème qui nous est posé est celui de la transformation d'une zone 3 de développement en une zone 4B. Si nous avions suivi, par exemple, les prescriptions de la loi sur les hameaux qui demande que les périmètres de déclassement se situent au ras des maisons, nous aurions pu trouver une certaine logique au projet qui nous est soumis ce soir, mais nous constatons, sur le plan annexe, que la zone de reclassement de 3 en 4B est beaucoup plus large, notamment du côté de la Bessonnette. Ce plan révèle qu'il n'y a pas une véritable logique patrimoniale de protection, mais une volonté d'empêcher tout développement de Chêne-Bougeries dans le noyau même du bourg.

Le problème de l'élargissement de cette zone, judicieux ou pas, regarde les autorités de l'aménagement et de l'équipement, éventuellement des commissions parlementaires. Il n'est pas à discuter ici.

Par contre, la destruction de quelques immeubles dans le goulet constitue un problème précis qui doit être dissocié, si vous êtes soucieux de protection patrimoniale, de cette proposition de motion.

En réalité, vous voulez, avec le vote de cette motion sur le fond et sur le siège, obtenir indirectement une condamnation de ce qui est arrivé ce soir, alors que la justice s'est prononcée malgré de nombreux recours. C'est un tout autre problème.

A l'origine, vous avez déposé cette motion pour protéger ces immeubles menacés de démolition. Ils sont maintenant démolis, et maintenant vous essayez d'obtenir sur le plan politique ce que vous n'avez pas obtenu sur le plan juridique.

C'est peut-être une justification morale intéressante, mais elle ne vous mènera à rien.

Si vous êtes véritablement soucieux de protéger le patrimoine de Chêne-Bougeries, de Chêne-Bourg et des goulets existants, vous devriez employer d'autres moyens. A ce moment-là, nous saurons, nous aussi, utiliser les mêmes armes juridiques que les vôtres, lesquelles, en l'occurrence, vous ont claqué entre les doigts.

M. Dominique Hausser (S). Quand un bâtiment est pourri, il faut le démolir. Quand il est en mauvais état, il faut le rénover mais comme cela coûte cher, mieux vaut le raser : cet argument est fréquemment utilisé.

Le goulet de Chêne-Bougeries illustre la stratégie qui est de fournir une prime à ceux qui, délibérément, n'entretiennent pas leur bien immobilier. Par conséquent, nous nous demandons si la démolition de ces immeubles n'entraînera pas celle des bâtiments adjacents. Si c'est impossible dans l'immédiat, nous pouvons nous retrouver avec cette stratégie qui est de ne pas pourvoir à l'entretien, si bien que nous entendrons à nouveau : «C'est foutu, il faut casser, ça coûte trop cher de réparer...».

Actuellement, la route concernée n'a pas besoin d'être élargie. Après des décennies de discussions, il a été décidé que le trafic automobile passerait par Malagnou et l'autoroute blanche; que la route de Chêne, au niveau de Chêne-Bougeries, de Chêne-Bourg et de Thônex, serait réservée aux transports publics.

Monsieur Lescaze, je crois que ce projet de loi va au-delà de la simple protection de cet espace de Chêne-Bougeries par sa mise en zone 4B. Il tend, certes, au maintien du patrimoine, mais il veut surtout faire respecter l'obligation d'entretien des bâtiments pour ne pas en construire systématiquement de nouveaux. Cette obligation a été fort négligée depuis trente ou quarante ans.

Je vous invite à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour qu'il mette à l'enquête publique le projet de loi annexe. Nous en débattrons au terme de cette enquête.

M. Christian Grobet (AdG). J'ai écouté avec intérêt les propos de M. Lescaze. J'ignore s'il approuve toutes les atteintes portées au patrimoine, se réjouit de la disparition de nombreux bâtiments historiques qui constitue une perte irréparable pour notre cité, ou si, en tant qu'historien, il s'est borné à rappeler ces événements, démontrant ainsi la nécessité de mesures de protection du patrimoine.

C'est la raison pour laquelle notre législation comprend des zones protégées, qui ont été votées et agrandies au fil des années, parallèlement aux demandes de démolition de ceux qui n'éprouvaient aucun respect pour ce patrimoine.

Comme vous le savez, Monsieur Lescaze, nous avons créé la zone protégée de la Vieille-Ville - agrandie à trois reprises - la zone du vieux Carouge, d'autres zones 4B protégées, dans le but de conserver un patrimoine qui vous est aussi cher, j'ose l'espérer, qu'à nous-mêmes.

Voici quinze ans, les bourgs de Chêne et de Chêne-Bougeries étaient situés en troisième zone de développement, ce qui permettait de démolir tous les bâtiments anciens. Une première modification de zone est intervenue à Chêne-Bourg, après la destruction tragique des immeubles longeant la rue de Genève et la création de l'avenue «Ceaucescu» - c'est le nom que je lui donne ! - reliant l'avenue Peillonnex à Moillesulaz. Cette modification nous a permis de sauver le vieux bourg de Chêne-Bourg, au niveau de la rue du Gothard, en le plaçant dans une zone 4B protégée votée par le Grand Conseil en 1983 ou en 1984.

A l'époque, il apparaissait incohérent de sauver le vieux Chêne-Bourg sans faire de même pour le bourg de Chêne-Bougeries d'un intérêt historique incontestable sur le plan du patrimoine. En raison de l'opposition des autorités communales de Chêne-Bougeries, la modification de zone n'est intervenue que sur la partie sud de la rue de Chêne-Bougeries, partie mise en zone 4B pour protéger cette rangée d'immeubles dont la plupart ont été restaurés ces dernières années. Aujourd'hui, on peut en apprécier la qualité.

Il aurait été évidemment incongru de ne sauver qu'un côté de la rue et pas l'autre, l'intérêt du village de Chêne-Bougeries, comme Mme Deuber-Pauli l'a rappelé, résidant dans la cohérence de ses maisons et de ses rues.

Le côté sud de la rue étant en zone 4B protégée, il est parfaitement logique d'y mettre le côté nord. C'est le but que nous poursuivons.

La loi cantonale sur l'aménagement du territoire donne la possibilité à trois institutions de proposer des modifications de zones. Ces institutions sont le Conseil d'Etat, les communes et le Grand Conseil. En effet, après que ce droit d'initiative eut été accordé aux communes, le Grand Conseil a pu, lui aussi, proposer et voter des modifications de son propre chef.

Si le Grand Conseil veut proposer une modification de zone, il doit, selon la procédure, voter une motion invitant le Conseil d'Etat à mettre le projet de modification de zone à l'enquête publique.

Par conséquent, nous avons rédigé le projet de modification de zone en copiant quasiment celui voté pour le côté sud. Nous l'avons annexé à la motion déposée avant la décision de la commission de recours - ce que vous savez parfaitement bien - motion demandant que la modification de zone soit engagée sur la base du projet annexe.

Il est vrai, Monsieur Lescaze, que depuis le dépôt de cette motion et du projet, un fait nouveau est intervenu que je déplore vivement, tout comme Mme Deuber-Pauli. On a renoncé à sauver des éléments de notre patrimoine et on est en train, vraisemblablement, de démolir deux immeubles.

Cette situation inattendue nous amène à compléter le projet de loi dont nous demandons la mise à l'enquête publique. M. Joye a déclaré, tout à l'heure, que si l'alignement était conservé - ce que nous demandons dans notre proposition de modification de zone - les propriétaires seraient d'accord de reconstruire à l'identique et qu'ils avaient d'ailleurs déjà pris des engagements dans ce sens. Nous prenons M. Joye au mot en ajoutant un alinéa 2 à l'article 2 de notre projet, soit :

«2En cas de reconstruction d'un bâtiment, celle-ci doit être réalisée dans l'alignement des bâtiments existants, avec un gabarit et un nombre de niveaux identiques au bâtiment démoli.»

Je remets au président cet amendement apporté à notre projet de modification de zone qui devra être mis à l'enquête publique si, comme nous l'espérons, la motion est adoptée ce soir.

Il ne s'agit pas d'une revanche, Monsieur Lescaze. Ce projet de loi a été déposé hier. Nous avons dit et dirons encore ce que nous pensons de la politique de démolition menée par M. Joye, mais pas ce soir. Nous constatons simplement qu'il y aura un trou à combler dans cet alignement d'immeubles. Notre projet prévoit d'ores et déjà comment il devra l'être.

Une voix. Au carbone 14 !

M. Pierre Froidevaux (R). Faut-il adapter notre habitat au cours du temps ? Faut-il figer notre patrimoine ? A-t-on le droit de rêver à un demain différent, Monsieur Grobet ? Ce demain doit-il être bâti, reconstruit ou rénové ? Nous sommes tous dans l'échelle du temps, nous et ce que nous produisons. Les auteurs de ces projets de loi et de motion voudraient immortaliser des immeubles qui, eux aussi, ont leur propre échelle, une échelle de trois cents ans !

Avant, pendant et après ces trois siècles, nos citoyens n'ont cessé de bâtir Genève. Chaque développement en a permis un autre. Les habitants de Chêne avaient leurs propres objectifs en construisant ces maisons. Leur village-rue garantissait, à l'époque, l'avenir de leurs enfants. Permettez-moi de croire que ces immeubles n'ont plus de sens aujourd'hui, ni pour l'habitant ni pour le commerce. Ils témoignent simplement du passé. S'il fallait suivre les auteurs de cette proposition de motion, nous devrions nous y adapter et oublier l'avenir. C'est trop triste !

Nous grandissons dans l'espoir de faire mieux que nos parents. C'est, du moins, l'esprit positif qui m'anime et qui me donne le sens du mot «demain». Demain, nous continuerons de bâtir Genève en lui apportant le savoir-faire accumulé au cours des siècles : c'est le vrai sens du mot «patrimoine». Maintenir les vieilleries, coûte que coûte, c'est établir une collection «patriarde» !

Il est vrai que certains de nos concitoyens ne se retrouvent pas dans la modernité. Leurs espoirs ne vivent que de réminiscences. Cela me peine, car notre rôle essentiel, dans ce parlement, est d'offrir des solutions pour demain.

Pour les auteurs de la motion, des maisons construites en boulets enchâssés dans un ciment vieux de trois cents ans, craquelées par des infiltrations d'eau, le gel et le dégel, sont la solution. Pourtant, personne n'a osé y entrer depuis deux ans, la poutraison étant trop pourrie; la sécurité la plus élémentaire n'existait plus. Afin d'éviter des accidents dans la rue de Chêne-Bougeries, il a fallu installer des auvents. L'eau de pluie a été ainsi rabattue sur les façades, dégradant et minant rapidement la vieille structure des bâtiments.

Les quatre experts ont été unanimes à conclure ce qui suit  : pour que les murs puissent encore résister à une contrainte quelconque - même la neige en est une - il faudrait les encastrer dans un système de poutrelles lourdes, mais après la dépose du toit, Monsieur Grobet ! Or, enlever le toit est un risque qu'aucun ingénieur n'a osé prendre, les bâtiments pouvant débouler brutalement sur la chaussée. La justice l'a confirmé ce soir.

Cette situation catastrophique serait due, selon vous, à une volonté délibérée de je ne sais quel Machiavel. Or elle n'est que la résultante des lenteurs des procédures administratives que nous n'avons cessé de dénoncer dans ce parlement. Pourtant, le 8 février 1991, le chef du DTP d'alors avait classé la zone sud de la rue de Chêne-Bougeries. Il avait, alors, tout loisir d'unifier la zone. Il ne l'a pas fait. Et pour cause ! Une expertise de la CMNS avait conclu à l'absence de tout élément à l'éventaire, même à l'intérieur des maisons.

La zone étant en développement, la commune a entamé la procédure habituelle en vue de sa reconstruction. Elle a fait appel aux meilleurs architectes de notre temps qui ne sont évidemment pas ceux du XVIIe siècle ! Ces architectes ont eu mandat de maintenir un lieu attrayant pour les habitants de la commune. Nous avons confiance en eux, mais vous, par définition, jamais. Votre politique n'ayant pas de perspectives, vous obligez les citoyens de ce canton à vivre dans l'urgence : cette motion doit être traitée en urgence ! Il faut assurer la sécurité des citoyens en urgence ! Il faut dépenser on ne sait quoi en urgence, pour maintenir ce qui ne tient plus debout ! Pour finir, il faut tout détruire en urgence...

Pourtant, l'habitat de l'avenir doit être adapté aux conditions d'aujourd'hui qui ne ressemblent jamais tout à fait à celles d'hier. Il en est des maisons comme des hommes, Monsieur le député Grobet. Elles ne peuvent être et avoir été. Si vous ne parvenez pas à choisir entre ces deux états, nous voulons bien le faire à votre place.

M. Bernard Lescaze (R). Je tiens à préciser que je n'ai pas contesté la procédure utilisée. Elle est parfaitement légale. D'ailleurs, nous savons que M. Grobet connaît parfaitement les arcanes du droit.

Ce que j'ai contesté et conteste toujours formellement, c'est la motivation. En effet, je suis persuadé qu'au-delà du souci, digne d'intérêt, de la conservation patrimoniale, que vous avez exprimé, vous et Mme Deuber-Pauli, votre motivation est politique et punitive. Vous ne pourrez pas m'enlever cela de la tête !

Je conteste formellement l'amendement que vous venez d'apporter. Il m'a littéralement stupéfait ! Comme vous ne pouvez plus rien proposer, ne serait-ce qu'un empaillage - on sait combien les associations de protection du patrimoine y sont hostiles - vous voulez nous imposer une reconstruction à l'identique, c'est-à-dire un décor, une sorte de façade d'un village Potemkine ! Mais enfin... Vous avez été, durant douze ans, un chef redoutable et redouté du département des travaux publics ! J'ose espérer que pendant tout ce temps-là vous avez aussi soutenu l'architecture contemporaine.

Si votre amendement avait parlé de volumes, de gabarits, d'emplacements à maintenir, toutes notions d'ailleurs bien connues de la loi, nous aurions pu le comprendre. Mais spécifier que vous voulez une construction à l'identique, c'est une idée aussi absurde que celle qu'avait eue Mme Deuber-Pauli, quand elle voulait faire reconstruire, à l'identique et tout en bois, le petit restaurant de la gare des Eaux-Vives.

Ne serait-ce que pour contrer cette absurdité et laisser une chance à tous les architectes de cette cité, retirez cet amendement, Monsieur Grobet ! Si vous vous y refusiez, j'inviterais cette assemblée à le biffer.

Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Le docteur Froidevaux soigne très bien les corps humains en diagnostiquant les maladies. En revanche, c'est un piètre amateur en matière d'urbanisme. (Huées.) Cela fait deux siècles que dure le débat qu'il entend réduire à une intervention de cinq minutes.

Ce débat de deux siècles a commencé, grosso modo, avec le vandalisme révolutionnaire français. Il s'est poursuivi à travers tous les inventaires du patrimoine du XIXe siècle, encore dressés aujourd'hui. Il n'a cessé d'être ponctué par la querelle des anciens et des modernes, par des luttes théoriques et intellectuelles. Il y eut des opérations de sauvetage et des créations d'associations de protection du patrimoine, dont certaines fort anciennes dans notre pays : la Société d'art public a donné le branle, à Genève, à l'existence du Heimatschutz.

Le même débat a culminé quand les «modernes» des années 30 croyaient pouvoir raser la ville pour en construire une plus heureuse, plus sociale, plus ensoleillée et mieux adaptée au style de vie contemporain.

Or, nous savons aujourd'hui quelle subtile alchimie, quelle habile dialectique régissent les centres historiques, le marquage du territoire et son expansion. Lorsque le bourg de Chêne vit le jour, ce canton comptait environ trente mille habitants. Aujourd'hui, il en a quatre cent mille. Entre-temps, on a pu développer une ville moderne, tout en ayant à coeur de préserver son centre historique. Les lois de protection sont l'émanation de la volonté populaire. Elles ont été conquises par des luttes.

C'est de cette dialectique dont il est question aujourd'hui et dans son maniement, il faut être honnête, Monsieur Froidevaux ! Vous devez reconnaître la nature historique et l'émanation sociale des débats esthétiques, politiques et économiques sur la cité. Il en va de même pour les débats sur l'architecture et l'urbanisme. Aujourd'hui plus personne, dans une école d'architecture, ne songerait à n'enseigner que la construction ou le développement urbain. Partout, les facultés et les instituts accueillent des écoles de restauration, des centres de rénovation urbaine, de réhabilitation et de protection du paysage et du patrimoine architectural.

Même l'avenir économique de notre canton peut être touché quand on sait qu'une partie de son attraction provient de la beauté de son site, de son patrimoine architectural et de son centre historique.

Je souhaite revenir sur ce qui a été dit de notre projet de motion. Nous l'avons rédigé il y a une quinzaine de jours et n'avons appris qu'avant-hier, à notre grande stupéfaction, que les deux immeubles 13/15 rue de Chêne-Bougeries allaient être détruits. Il n'a jamais été question, à leur propos, de préconiser qu'ils fussent reconstruits sous la forme d'un pastiche. J'ai horreur de cela, et je voudrais que l'amendement de M. Grobet soit distribué, parce qu'il parle explicitement d'une réalisation dans l'alignement des bâtiments existants, avec un gabarit et un nombre de niveaux identiques. Cela s'appelle de la dentisterie et évite les aberrations que l'on peut constater à la route de Chêne, où des instituts bancaires excèdent de trois niveaux les bâtiments adjacents. Nous pouvons regretter ces accidents, assez épouvantables, dans un alignement architectural homogène. C'est pourquoi nous préconisons une intervention qui pourra être de l'architecture que l'on voudra dans les gabarits existants, pourvu qu'elle soit bonne.

Vous savez que des dispositions analogues sont prévues pour les ensembles du XIXe siècle et du début du XXe. Elles découlent de l'excellente loi Blondel promulguée pour dissuader les démolisseurs et pour reconstruire dans les gabarits existants, avec le même nombre de niveaux. Cette loi n'est pas que dissuasive, elle a aussi une fonction d'intégration. En dentisterie, on cherche à faire des dents qui ressemblent aux voisines.

Je vous invite à reconsidérer ce plan. Vous y verrez le type de développement urbain prévu à l'arrière de l'alignement du bourg, sur le site des anciennes campagnes. C'est parce qu'il n'y a plus de place au-delà de l'alignement proprement dit des maisons, de leurs cours et dépendances, que le périmètre à protéger est limité, alors que, sur le côté sud, il inclut les jardins et les légers versants descendant vers la Seymaz en englobant la très belle propriété de la Bessonnette.

Je vous demande d'accepter très rapidement cette proposition de motion pour qu'elle soit renvoyée au Conseil d'Etat.

M. Olivier Vaucher (L). Après avoir entendu mes préopinants, je me dois de faire part de constatations qui m'amèneront à renouveler ma demande de renvoi en commission.

Madame Deuber-Pauli, vous avez dit avoir vécu un jour noir et vous en avez revêtu l'habit. Quant à moi, je préfère qu'il soit noir pour une déception architecturale, que je partage, plutôt que pour des décès pouvant survenir suite au détachement d'un fragment de la façade.

Tant vous-même que M. Pagani n'avez pas parlé des problèmes de sécurité, alors que vous l'avez fait en abondance, tout à l'heure, à propos du CERN.

Alors, permettez-moi de préférer un jour noir pour une question d'architecture que pour des personnes tuées.

Madame Deuber-Pauli, vous nous avez décrit, sur le plan, l'ensemble formé par la partie nord de la rue de Chêne-Bougeries. En l'occurrence, toute la partie sud méritait d'être protégée, et nous en avions soutenu le projet en son temps. En effet, elle présente un intérêt historique et architectural allant jusqu'au vieux bourg et ceci depuis la propriété familiale de la Bessonnette. Nous avions là un élément digne d'être maintenu.

Considérez, chère Madame, le petit triangle d'immeubles qui reste de l'autre côté et les immeubles modernes à l'arrière-plan. Vous constaterez que leur valeur est contestable et qu'ils n'ont pas la qualité de ceux qui étaient implantés dans la partie sud de la rue.

L'amendement proposé demande une reconstruction dans l'alignement, conforme aux gabarits existants. Je doute que vous passiez souvent par cet endroit, parce que moi qui y passe tous les jours je subis des heures d'attente que ce soit en voiture ou en tram. Ce goulet provoque des queues jusqu'à Grange-Canal !

Si on accepte une démolition/reconstruction, on pourra aussi accepter un élargissement qui, en assurant la fluidité de la circulation, permettra aux transports publics de rouler normalement.

C'est pour ces différentes raisons que je maintiens ma demande de renvoi de cette motion en commission.

Le président. Il y a une heure que nous débattons d'un sujet... (Brouhaha.) Permettez que je fasse une observation ! Je disais que nous débattons, depuis une heure, d'un sujet qui porte sur un projet de loi annexé à une motion et amendé en séance plénière, alors qu'il devra, de toute manière, revenir devant ce Grand Conseil pour y être traité en finalité. A ce moment-là, vous pourrez l'amender tant que vous voudrez.

Je vous fais remarquer que si la motion est renvoyée au Conseil d'Etat, le projet de loi sera soumis à deux enquêtes publiques. Il sera soumis à la commune soit à son Conseil municipal qui devra préaviser.

Tous vos amendements seront revus et corrigés tant à la commission d'aménagement qu'en séance plénière.

Nous accomplissons en ce moment un travail très inefficace. Je donne la parole à M. Grobet.

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Vaucher, votre intervention est caractéristique. Vous distinguez la qualité patrimoniale du côté sud de la rue de Chêne-Bougeries et vous contestez celle du côté nord, alors qu'il s'agit de bâtiments quasiment identiques, datant de la même époque.

Il est vrai que le côté sud comporte un ou deux bâtiments d'une architecture plus élaborée, mais, globalement, les deux côtés sont identiques.

Vous me faites un peu penser à M. Froidevaux qui semble vouloir tout démolir. Sur votre lancée, Monsieur Vaucher, vous pourriez proposer la démolition du côté impair de la rue des Granges en arguant du fait que seules les maisons patriciennes du côté pair sont intéressantes !

Il y a peut-être des immeubles côté cour qui n'ont pas la même qualité que ceux orientés de l'autre côté. Néanmoins, ils s'inscrivent dans un ensemble intéressant.

Vous souhaitez, en fait, l'élargissement de la rue de Chêne-Bougeries - vous l'avez dit à la fin de votre intervention. Nous n'en voulons pas, et nous le disons dans notre motion. Nous nous opposons à l'élargissement de cette rue pour ne pas répéter l'erreur commise, dans les années 60, avec l'ouverture de cette grande avenue qui va de la rue Peillonnex à Moillesulaz.

Actuellement, les transports publics fonctionnent bien, grâce à des feux régulateurs. Il est vrai que le trafic automobile n'est pas aussi fluide que vous le souhaitez, et c'est une bonne chose ! Ce trafic devrait emprunter l'autoroute blanche pour que la priorité soit réservée aux transports publics sur la route de Chêne et la rue de Chêne-Bougeries.

J'en viens à l'amendement proposé au projet de loi. Monsieur Lescaze, vous l'avez caricaturé d'un ton très péremptoire. Maintenant que vous en avez le texte, vous voyez que nous n'imposons pas une expression architecturale. Nous nous prononçons uniquement sur la question que vous avez évoquée vous-même, à savoir celle du gabarit.

M. Bernard Lescaze. Je n'avais pas votre amendement sous les yeux !

M. Christian Grobet. Maintenant vous l'avez, et j'espère que vous êtes rassuré à double titre. Il est vrai que nous voulons éviter qu'un bâtiment reconstruit soit d'un gabarit supérieur à l'alignement, mais nous voulons aussi éviter qu'il soit d'un gabarit inférieur. C'est pourquoi nous proposons la création d'une zone 4B protégée. Je ne doute pas, Monsieur Lescaze, que vous connaissez le gabarit maximum des immeubles en zone 4B protégée. Sauf erreur de ma part, il est inférieur à celui des immeubles existants.

Vous devriez donc être plutôt rassuré par notre amendement qui permettrait, sans l'octroi d'une dérogation, une reconstruction selon le gabarit précédent, alors que les normes de la zone 4B protégée ne l'autoriseraient vraisemblablement pas.

Maintenant, je m'adresse au président. Vous ne m'avez pas encore dit, Monsieur Koechlin, parce que vous êtes plus décontracté que vos prédécesseurs...

Une voix. C'est une qualité !

M. Christian Grobet. Parfaitement, c'est une qualité qui a d'ailleurs prévalu pour votre élection au perchoir, Monsieur le président, quand nous avons joint nos voix à celles de vos amis politiques. Nous regrettons de devoir déposer ce modeste amendement en séance plénière, mais il intervient à la suite de faits nouveaux que nous ne pouvions prévoir. Comme Mme Deuber-Pauli l'a rappelé, ce projet de loi a été préparé il y a une quinzaine de jours, et nous ne pouvions pas imaginer l'événement survenu tout récemment.

Cela démontre, Monsieur Lescaze, que nous n'avions pas l'intention de réagir à des faits dont nous n'avions pas connaissance...

Maintenant que ces faits sont avérés, nous souhaitons que le projet de loi soit complété, parce que le Conseil d'Etat, Monsieur le président, est tenu, si la motion est votée, de mettre le projet de modification de zone à l'enquête publique pour que le Grand Conseil puisse se prononcer par la suite. Nous souhaitons que l'enquête publique porte sur le projet définitif, afin de ne pas faire des amendements en fin de course et risquer le reproche d'avoir ajouté une disposition nouvelle qui n'aurait pas été mise à l'enquête publique, ni portée à la connaissance du Conseil municipal de Chêne-Bougeries.

Voilà les scrupules qui nous animent, et je ne doute pas qu'en tant que spécialiste de l'aménagement du territoire vous compreniez pourquoi nous souhaitons ce complément dès ce soir.

Le président. Je comprends vos raisons, Monsieur Grobet ! Je soulignais simplement le fait que ce projet reviendra devant ce Grand Conseil, qu'il devra aussi être discuté et voté par le Conseil municipal sous forme de délibération soumise à référendum. Bref, vous connaissez la procédure aussi bien que moi.

M. Bernard Lescaze (R). J'ai également déposé un amendement, partiellement rédigé dans le sens de celui de M. Grobet. Je partage l'argument de mon préopinant en ce qui concerne la nécessité d'amender ce soir le projet de loi. En effet, même s'il n'est qu'annexé à la motion, il n'en constituera pas moins le texte de référence dont le Conseil d'Etat devra tenir compte.

L'exercice auquel nous nous livrons est traditionnel dans ce parlement. Monsieur le président, comme vous avez rappelé, lors de votre intronisation, que vous aviez vingt-quatre ou vingt-huit ans de parlement, en tout cas une éternité...

Le président. Douze ans, Monsieur !

M. Bernard Lescaze. ...vous êtes parfaitement au courant de la procédure !

Voici mon amendement qui consiste en un article 2 bis à intercaler entre les articles 2 et 3 :

«Les bâtiments démolis, selon l'article 2, seront reconstruits selon un traitement contemporain respectant volumes, gabarits et emplacements.»

C'est dire que nous approuvons l'obligation de respecter le volume, le gabarit et l'emplacement. En revanche, nous ne saurions accepter un pastiche. Comme nous devons être précis - Mme Deuber-Pauli et M. Grobet nous l'ont rappelé - nous souhaitons que soit inséré «...selon un traitement contemporain...».

Un traitement contemporain peut être de diverses natures. Nous n'avons pas voulu le préciser, bien que nous le souhaitions en pierres plutôt qu'en bois, en verre ou en béton. C'est pourquoi nous disons simplement «...selon un traitement contemporain...».

Voilà, Monsieur le président, l'amendement que je souhaite soumettre au suffrage de ce Grand Conseil.

M. Florian Barro (L). Je ne suis pas un fin juriste, mais il me semble que MM. Grobet et Lescaze se trompent sur la forme à adopter pour le dépôt de leurs amendements.

Dans le cadre d'une motion, on ne peut pas apporter des amendements à un projet de loi de déclassement, puisque sa rédaction est exclusivement du ressort du Conseil d'Etat et du département. C'est prévu par la loi d'application.

Seule la motion peut être amendée afin d'inviter le Conseil d'Etat à rédiger le projet de loi dans le sens voulu. En revanche, je ne crois pas que l'on puisse amender un projet de loi non débattu.

Je vous remercie de bien vouloir vérifier ce point, Monsieur le président.

Le président. Ce projet de loi étant nommément indiqué dans le texte de la motion, il est possible, par référence, de l'amender. Il existe des précédents.

M. Olivier Vaucher (L). M. Grobet m'ayant démontré, une fois de plus, sa parfaite méconnaissance des lieux, il est utile de lui fournir une explication.

Monsieur le député, il ne s'agit pas de construire une artère aussi importante que celle conduisant de Moillesulaz au goulet de Chêne-Bourg. Il s'agit d'élargir la rue de deux ou trois mètres, au niveau du décrochement de la partie nord, pour assurer une fluidité normale au trafic. Il n'est pas question de prévoir une autoroute à cet endroit !

De plus, vous connaissez mal ces bâtiments : ils sont déjà au gabarit de la zone 4B. A cinquante centimètres près, j'en conviens.

Je me suis permis d'apporter ces précisions, car, une fois de plus, vous intervenez sur des sujets que vous ne connaissez pas suffisamment.

M. John Dupraz (R). Je serai plus réservé que M. Vaucher. Dire à M. Grobet qu'il parle de ce qu'il ne connaît pas, c'est s'avancer imprudemment... Habituellement, M. Grobet connaît les dossiers dont il parle !

Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute, et M. Grobet ressemble un peu au chat qui fait patte de velours et sort subitement ses griffes.

Je m'étonne de la précipitation avec laquelle on a déposé ce projet. Certains événements, confirmés par la commission de recours, peuvent l'expliquer.

Si ce projet est prêt depuis quinze jours, pourquoi ne pas suivre la voie normale ? En l'occurrence, le Conseil d'Etat joue dans son ancienne formation, si j'ose cette expression, alors qu'il en aura une nouvelle dès lundi. Dès lors, il serait pertinent, dans une affaire aussi importante, d'avoir l'avis du nouveau conseiller d'Etat en charge du département des travaux publics.

Renvoyer maintenant cette motion au Conseil d'Etat, c'est agir avec précipitation. Cela ne changera pas le cours des choses. A mon avis, il serait préférable de suspendre nos travaux et de reprendre le débat en la présence du nouveau Conseil d'Etat et de la personne qui sera chargée de traiter le dossier.

Tout à l'heure, Monsieur Grobet, vous faisiez référence aux années 60. Il est vrai que nous avons beaucoup démoli durant cette période. Hélas, tous les partis, y compris le parti socialiste auquel vous apparteniez et celui auquel vous appartenez maintenant, ont donné la priorité à la voiture et nous avons détruit un réseau de transports publics exceptionnel, d'une qualité remarquable, qui permettait de relier en tramway Chancy à Hermance.

Les choses étant ce qu'elles sont, nous reconstruisons, à grands frais, ce que nous avons détruit. Les options politiques ont changé.

Rien ne presse en la matière. Le dossier est délicat, certains événements ont choqué quelques-uns d'entre nous, et, à mon avis, il est urgent d'attendre la prochaine séance pour avoir l'avis du nouveau conseiller d'Etat qui sera chargé de ce dossier ou aller en commission.

Renvoyer maintenant la motion au présent Conseil d'Etat m'apparaît donc prématuré, puisqu'il ne sera plus en charge de cette affaire.

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Vaucher, je me suis exprimé en termes prudents, n'étant pas certain que les bâtiments actuels dépassent ou non le gabarit de la zone 4B protégée. Vous dites que tel est le cas. L'amendement, déposé par précaution plus que pour l'exacte mensuration des immeubles, est donc pleinement justifié.

Monsieur le président, je souscris à ce qu'a dit M. Barro. Ce soir, nous voterons uniquement la motion, laquelle comporte notre proposition en annexe. Je crois qu'en tant qu'auteurs du projet de loi nous avons le droit de le modifier avant le vote de la motion.

Je m'en rapporte à votre sagesse, Monsieur le président, mais je ne crois pas que nous pouvons voter ne serait-ce que la prise en considération de ce texte de loi.

Le président. Il n'est pas question de voter le projet de loi, Monsieur le député. C'est une annexe à la motion.

M. Christian Grobet. Je dis simplement que nous apportons un complément au projet de loi et que nous nous opposons à ce que M. Lescaze, qui n'en est pas le coauteur, puisse y apporter un amendement. Le complément a été approuvé par les coauteurs socialistes et Verts.

Je remercie M. Dupraz de ses aimables propos. Le futur chef du département des travaux publics a certainement eu connaissance de ce projet qui a circulé dans les trois partis avant le dépôt, hier, de la motion.

Nous ne pouvons donc accepter qu'une personne, non coauteur de notre projet, le complète.

Je tiens encore à vous dire, Monsieur Lescaze, que nous nous opposons à ce que la loi fixe le traitement architectural des immeubles à construire. A teneur de la loi sur les constructions, elle doit uniquement régler les problèmes de gabarit, d'alignement et d'implantation. Le traitement architectural est de la compétence du département. Ce dernier devra l'examiner après avoir pris l'avis des différentes commissions consultatives. Il serait erroné de fixer, par des termes, une expression architecturale dont on ignore tout.

Nous ne sommes pas partisans d'une solution pastiche, mais nous ne pouvons pas inscrire dans la loi l'obligation de construire un immeuble contemporain. Il le sera de toute façon, puisqu'il sera bâti à la fin de ce siècle. Je n'entrerai donc pas en matière sur la proposition de M. Lescaze.

Le président. Laissez-moi apporter un éclaircissement sur la forme. Il faut s'en tenir à l'esprit de la loi, dont je vous rappelle l'historique :

Initialement, des députés, notamment du parti du Travail, avaient déposé, selon les formes, un projet de loi pour la gravière de Meyrin. Ce projet a été renvoyé en commission. S'en est suivi un deuxième pour Pregny, déposé par le groupe des Vigilants, lequel a subi le sort du premier.

C'est alors que nous nous sommes rendu compte qu'en matière de déclassements les députés de ce Grand Conseil ne pouvaient pas se borner à déposer des projets de lois, parce que la loi d'aménagement du territoire impose que lesdits projets fassent d'abord l'objet d'une première enquête publique, puis qu'ils soient soumis au conseil municipal appelé à se prononcer sous forme de délibération soumise à référendum. Ensuite vient la deuxième enquête publique à l'issue de laquelle le projet de loi peut enfin être soumis à ce Grand Conseil.

Or, ces projets de lois - soumis au Grand Conseil après toute cette procédure - sont tous renvoyés, pour étude, à la commission d'aménagement.

Comme cette procédure n'était pas possible pour les députés, il a été décrété, dans la LALAT, qu'ils ont la faculté de déposer une motion, accompagnée d'un projet de loi de déclassement; que, dès lors que cette motion lui était renvoyée, le Conseil d'Etat était tenu de faire procéder aux enquêtes publiques et de requérir le préavis de la commune sous forme de délibération, de manière qu'ensuite ce même projet de loi, découlant de la motion, revienne devant ce Grand Conseil et subisse la procédure usuelle.

Je vous vois acquiescer, Monsieur Grobet, et j'en suis bien aise. Je m'étonne que cette motion, relative à un déclassement, n'ait pas été traitée comme n'importe quel projet de loi de déclassement. Autrement dit, je suis surpris que ce débat, qui dure depuis une heure et demie, n'ait pas eu lieu en commission, ce qui nous aurait permis de traiter du projet en toute sérénité, puis de renvoyer la motion au Conseil d'Etat.

En ce moment, nous accomplissons, en séance plénière, un travail qui aurait dû être fait en commission. C'est inopportun, et je me suis permis de le relever tout à l'heure.

Eu égard à l'esprit de cette loi que nous avons votée à cause de cette procédure particulière aux projets de déclassement, je pense qu'à partir du moment où l'on décide de discuter en plénière de la motion et subséquemment du projet de loi, tout député peut apporter un amendement à ce dernier. C'est mon interprétation de la loi.

A mon avis, il vaudrait mieux renvoyer le tout à la commission pour que s'y fasse le travail d'élaboration du projet lui-même, avec les auditions qui s'imposent : celles de la commune et des différents intéressés notamment.

Voilà pourquoi il me semblerait sage que ce Grand Conseil renvoie cette motion à la commission d'aménagement, comme n'importe quel projet de loi de déclassement.

M. Claude Blanc (PDC). Je crois, Monsieur le président, que vous n'avez pas tout à fait raison ! Et si je me permets cette observation, c'est en référence aux articles 15 et 15A de la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire. Je rappelle que l'article 15A a été ajouté à la suite des affaires de Meyrin et de Pregny.

L'article 15 stipule : «Toute modification des limites de zones définies à l'article 12 est soumise à l'approbation du Grand Conseil, conformément aux dispositions des articles 15A et 16.» L'article 15A décrète : «A cet effet, un avant-projet de loi est élaboré par le département de sa propre initiative ou sur demande du Conseil d'Etat, du Grand Conseil ou d'une commune. La demande du Grand Conseil est exprimée sous forme de motion. L'avant-projet est mis au point par le département, en collaboration avec la commune et la commission d'urbanisme, avant qu'il ne soit soumis, sur décision du Conseil d'Etat, à la procédure prévue à l'article 16.»

Par conséquent, il suffit de voter la motion pour que le Conseil d'Etat soit tenu de mettre la procédure en route.

M. Christian Ferrazino (AdG). Je suis d'accord avec M. Blanc. Le Conseil d'Etat est tenu de mettre en route la procédure. Quand le législateur a édicté ce texte, il ne voulait pas obliger le Grand Conseil à rédiger un projet de loi annexe lors du dépôt d'une motion pour une modification de zone. Il peut se borner à le demander au Conseil d'Etat.

Mais il peut aussi faire ce que nous avons fait, c'est-à-dire rédiger lui-même un projet de loi intégré dans la motion.

C'est la nuance qui caractérise cette motion, qui reste une motion bien qu'elle intègre un projet de loi.

Nous partageons votre point de vue et pouvons donc voter cette motion maintenant.

Le président. Monsieur Blanc, je vous rappelle que la ferme Saint-Georges avait fait l'objet d'une motion dont j'étais un des signataires. Cette motion était accompagnée d'un projet de loi de déclassement.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je reviens sur quelques termes utilisés durant cette discussion :

1. L'ignominie, à propos des goulets de Chêne-Bourg et de Chêne-Bougeries. Madame Deuber-Pauli, quel vocabulaire exagéré pour des constructions certes sympathiques ! Il n'est pas question de réaliser une avenue Desjacques, mais de rétablir un trafic limité à quatre voies et sans berne centrale.

2. Carouge, le goulet, même combat ! Comme M. Lescaze, j'ai apprécié la petite avancée du temple protestant et la notion de valeurs patrimoniales différentes. Comme lui, je pense que nous devons distinguer clairement Carouge du goulet.

3. Transformation d'une zone 3 de développement en zone 4B. C'est bien tard pour le faire ! Pourquoi ne vous en êtes-vous pas préoccupés plus tôt ? Nous nous trouvons devant une logique visant à empêcher tout développement du projet. Mieux vaut mettre en parallèle deux idées importantes plutôt que de les opposer : protéger le patrimoine, oui, mais il faut créer le patrimoine de demain là où le patrimoine d'hier est bien chétif. Quelle pauvreté d'imagination que de vouloir figer le développement d'un quartier. Je vous rappelle le concours de Chêne-Bougeries qui n'avait pas pour but de tuer le goulet, mais celui de trouver une solution à deux problèmes lancinants, parce que remontant à 1918. Je n'y suis pour rien si, pendant septante ans, respectivement quarante ans, aucun chef du département des travaux publics n'a jugé bon de s'occuper de ces deux goulets et négligé de contrôler et de retarder le processus de vieillissement engendré par une situation de non-décision qui annihilait - faute de bases juridiques d'aménagement valables - tout projet raisonnable émanant de cette assemblée.

Il est vraiment touchant de dire qu'il était incongru de ne pas s'occuper du côté nord de la rue, alors qu'on réglait le parti architectural du côté sud ! Celui qui ne comprend pas qu'un projet urbanistique longeant un axe implique le traitement simultané des deux côtés - cela se passait en 1981 - se trouve dans cette salle ! Quel manque de professionnalisme ! Quelle naïveté ! C'est vraiment touchant ! C'est facile de faire la leçon seize ans après, en oubliant qu'une démarche architecturale et urbanistique courageuse a suscité un concours, lequel a abouti à une démarche très originale, à bas gabarit, c'est-à-dire le contraire du projet de bâtiments élevés actuellement en vigueur et qu'aucun chef de département n'a contesté jusqu'ici.

4. Politique de démolition, politique de classement. Monsieur Grobet, j'ai classé plus d'objets en quatre ans que vous en...

M. Christian Grobet. Cassé ?

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Classé !

5. Reconstruction à l'identique. Vous venez avec un projet de loi hyper tardif qui réduit à néant quatre ans d'efforts encouragés par une démarche de grande qualité : le maintien de l'esprit du goulet avec deux voies de tram et deux voies de circulation sans berne centrale.

Etrange planète que celle où les apôtres des transports publics prônent partout la fluidité du trafic communautaire tout en consacrant des zones d'étranglement pour maintenir les restes d'une architecture, certes intéressants sur le plan historique, mais pour lesquels des valeurs de remplacement contemporaines de haute qualité ont été proposées à un conseil administratif et un conseil municipal qui furent unanimes à les accepter.

Combien de cars de touristes s'arrêtent-ils à la place du Marché, à Carouge, ou devant l'église de la Sainte-Trinité de Brunoni, à la rue de Lausanne ? Combien de programmes de visite de Genève prévoient-ils les deux goulets dans leurs itinéraires ? Madame Deuber-Pauli, comment expliquez-vous le succès de la maison communale de Norman Foster à Nîmes ? Ce bijou architectural contemporain jouxte le temple gallo-romain, un objet historique aussi intéressant que le goulet, vous en conviendrez ! Comparer les alignements de la route de Chêne au projet contemporain tout en nuances de M. Riess avec son projet à bas gabarit est soit une calomnie soit le reflet d'opinions exprimées, comme d'habitude, sans avoir examiné de manière scientifique le projet étudié à fond par la commune.

Madame la députée, nous avons l'habitude de vos déclarations brillantes et bien enlevées qui ne reposent pas sur une culture universitaire, comme nous pourrions nous y attendre de votre part, mais ressortent d'une volonté délibérée d'utiliser, à des fins politiques, l'aménagement du territoire et la conservation du patrimoine. Ce faisant, vous vous moquez éperdument de l'intérêt général et du droit à l'évolution contrôlée sur les plans urbanistique et artistique d'une commune.

Cette façon de projeter sur le goulet de Chêne-Bougeries l'image horrible d'une avenue «Ceaucescu», alors que le projet de M. Riess est tout en nuances, relève de l'escroquerie intellectuelle ! Il n'est pas correct d'utiliser ce genre de méthode pour essayer d'aveugler vos collègues parlementaires : ils méritent mieux que cela !

Au cours de cette législature, nous avons cherché et proposé une solution alternative pour ces deux goulets, bien éloignée d'un empaillage à la con et des bâtiments «air + fuites» proposés par les gouvernements précédents.

Cela dit, je vous propose de suivre l'avis de MM. Blanc et Koechlin (Ovation.)

M. Claude Blanc. Les empailleurs à la poubelle !

Le président. Je mets aux voix le renvoi en commission de cette motion et du projet de loi qui lui est annexé.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion en commission est rejetée par 45 non contre 39 oui.

M. Claude Blanc (PDC). Les motionnaires ont présenté, à l'appui de leur motion, un texte sous forme de projet de loi. Ils auraient dû, par égard pour notre parlement - mais ils n'en ont pas, bien évidemment ! - présenter ce texte sans le reprendre trois fois au cours du débat. Il a été tellement remanié que l'on ne s'y retrouve plus !

Cela dit, il est clair que nous n'avons pas à discuter de ce texte, tel qu'il est présenté. C'est une annexe de la motion et la majorité transmettra les deux documents au Conseil d'Etat. Nous n'avons pas à nous prononcer là-dessus.

Mme Christine Sayegh (S). J'interviens dans ce sens. Nous prenons acte des exposés des motifs et des amendements, puis nous les renvoyons avec la motion au Conseil d'Etat.

J'ai un petit amendement à proposer à celui de M. Grobet. J'ai remarqué qu'il a écrit «...au bâtiment démoli» au singulier. Il me semble plus judicieux de mettre ces termes au pluriel, soit :

«...aux bâtiments démolis.»

M. John Dupraz (R). J'ai proposé de suspendre nos travaux sur cet objet jusqu'à la séance prochaine...

Une voix. Non...

M. John Dupraz. ...pour connaître l'avis du nouveau conseiller d'Etat. Il me semble particulièrement discourtois de renvoyer cette motion au présent Conseil d'Etat sans avoir l'avis de celui qui entrera en fonctions lundi. Il est inadmissible de nous prononcer sur un texte renvoyé au Conseil d'Etat sortant, en ignorant ce qu'en pensera le nouveau !

C'est vraiment un curieux procédé qu'utilise la gauche ! (Interruption de M. Christian Grobet.) Monsieur Grobet, vous livrez un combat d'arrière-garde, la commission de recours vous a giflé ! En tant que candidat au nouveau Conseil d'Etat, ayez la courtoisie de laisser vos futurs collègues s'exprimer sur cet objet d'ici quinze jours. La République n'est pas en danger ! Pourquoi ne pas faire preuve d'un peu de civilité vis-à-vis du nouveau Conseil d'Etat qui recevra cet objet sans avoir pu se prononcer sur nos demandes ?

C'est un procédé discourtois.

M. Bernard Lescaze (R). Je vous informe du retrait de mon amendement. En effet, les explications sur la procédure de vote, bien qu'elles ne me satisfassent pas complètement, me semblent aller dans le bon sens en ce qui concerne le refus du pastiche de M. Grobet.

Je dirai à mon honorable collègue John Dupraz que je ne vois rien de discourtois dans le comportement des gens d'en face. Bien au contraire ! Ils s'efforcent de tirer une épine du pied de M. Moutinot, mais nous ne sommes pas dupes.

Le président. Je mets aux voix la proposition de M. John Dupraz de suspendre ce débat et de le reprendre à la prochaine séance.

Mise aux voix, cette proposition est rejetée.

Le président. Je mets maintenant aux voix la motion avec son annexe amendée.

Mise

aux voix, cette motion avec son annexe amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

MOTION

sur la création d'une zone 4B protégée à Chêne-Bougeries

Vu l'article 15 A de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (ci-après LaLAT) instituant un droit d'initiative du Grand Conseil en matière d'adoption de plans de zone,

LE GRAND CONSEIL,

par ces motifs,

invite le Conseil d'Etat

à renoncer à tout projet d'élargissement de la route cantonale formée par la rue de Chêne-Bougeries et à engager la procédure d'adoption des plans de zone, prévue à l'article 16 LaLAT, pour le projet de modification du régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries annexé à la présente motion.

ANNEXE

PROJET DE LOI

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

1 Le plan annexé au présent projet de loi modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries (extension d'une zone 4B protégée avec abrogation de la zone de développement 3) est approuvé.

2 Les plans des zones annexées à la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont modifiés en conséquence.

Art. 2

1 Les bâtiments situés dans le périmètre de la zone 4B protégée et construits avant 1920 doivent être maintenus et ne peuvent être démolis que si leur coût de rénovation est totalement disproportionné par rapport au coût d'une reconstruction à neuf. Vu leur intérêt historique, le département des travaux publics et de l'énergie peut ordonner l'exécution de travaux de restauration et accorder, le cas échéant, des subventions à travers le Fonds cantonal des monuments, de la nature et des sites.

2 En cas de reconstruction d'un bâtiment, celle-ci doit être réalisée dans l'alignement des bâtiments existants, avec un gabarit et un nombre de niveaux identiques aux bâtiments démolis.

Art. 3

En conformité aux articles 43 et 44 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit, du 15 décembre 1986, il est attribué le degré de sensibilité III aux biens-fonds compris dans le périmètre du plan visé à l'article 1.

Art. 4

Un exemplaire du plan susvisé, certifié conforme par le président du Grand Conseil, est déposé aux archives d'Etat.

Le président. Nous arrivons au terme de nos travaux. Nous les reprendrons le 18 décembre. Monsieur Pagani, vous avez la parole.

M. Rémy Pagani (AdG). Avant que la séance ne soit levée, je souhaite dire quelques mots... (Brouhaha.)

Le président. Silence ! Laissez parler l'orateur ! (Brouhaha.) Monsieur Pagani, il fallait demander la parole avant, la séance a été levée.

M. Rémy Pagani. Je l'avais demandée avant, Monsieur le président. En ce qui concerne... (Le président coupe les micros.)

 

La séance est levée à 23 h 30.