République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 1 février 2024 à 20h30
3e législature - 1re année - 8e session - 53e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente.
Assiste à la séance: Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Thierry Apothéloz, Anne Hiltpold, Carole-Anne Kast, Pierre Maudet et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Dilara Bayrak, Vincent Canonica, Jennifer Conti, Marc Falquet, Adrien Genecand, Cyril Mizrahi, Skender Salihi, Vincent Subilia, Francisco Taboada et Louise Trottet, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Céline Bartolomucci, Oriana Brücker, Rémy Burri, Gabrielle Le Goff, Patrick Lussi, Philippe Meyer et Frédéric Saenger.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
La présidente. Nous continuons nos travaux avec la M 2443-B, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il s'agit d'un rapport du Conseil d'Etat sur une motion sur la valeur locative qui avait été déposée par le groupe MCG. Cette motion demandait un moratoire sur la valeur locative, identique à celui qui s'était appliqué durant l'année 2016. Vous voyez que nous dépoussiérons l'ordre du jour et que cette motion n'a quasiment plus lieu d'être: d'abord, l'impôt sur la valeur locative est une règle imposée par le droit fédéral harmonisé, et ensuite, notre Grand Conseil avait voté et envoyé à Berne une résolution invitant l'Assemblée fédérale à examiner l'abolition de cet impôt. Par conséquent, le rapporteur de majorité que je suis vous demande de prendre acte de ce rapport.
M. François Baertschi (MCG). Le MCG, grâce à ses diverses interventions, a réussi à freiner l'augmentation de la valeur locative, qui devait augmenter de manière tout à fait excessive. Nos actions ont heureusement porté leurs fruits - malheureusement pas toujours autant que nous l'aurions voulu, mais maintenant, la balle est dans le camp de Berne, qui prévoit de supprimer cet impôt sur la valeur locative frappant les propriétaires occupant leurs logements. Il s'agit essentiellement de ceux que l'on appelle les petits propriétaires, ceux qui peuvent être assimilés à des locataires. Le MCG appelle donc à la suppression de cette imposition. Cela se passe à Berne, nous accepterons donc de prendre acte de ce rapport, en espérant que nos Chambres fédérales auront suffisamment d'intelligence et d'humanité pour faire en sorte de défendre la propriété individuelle et de supprimer l'impôt sur la valeur locative. Merci, Madame la présidente.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, M. Baertschi l'a rappelé, l'impôt sur la valeur locative est prévu par la législation fédérale. Aux yeux du groupe socialiste, il n'est pas question de le remettre en cause. Il n'est pas question non plus de freiner ou de geler la réévaluation de la valeur locative puisqu'elle a un sens qui est tout à fait juste, correct, et qu'elle a un but égalitaire, celui d'apporter une notion d'égalité de traitement entre les locataires et les personnes qui sont propriétaires de leur logement - et grand bien leur fasse, tant mieux pour elles -, qui peuvent à ce titre-là bénéficier de toute une série de déductions sur leurs revenus dans le cadre de leur déclaration d'impôts, ce qui leur permet d'avoir un avantage fiscal dont ne peuvent pas bénéficier les locataires, qui n'ont aucune possibilité - ou à de très rares exceptions - de déduire tout ou partie de leur loyer dans leur déclaration d'impôts.
Or, aujourd'hui, ce que l'on constate à Genève - tout le monde le sait -, c'est qu'on a une très grande majorité de locataires; ils ne le sont pas parce qu'ils ont choisi avec conviction de l'être, mais tout simplement parce qu'ils n'ont pas les moyens d'acquérir un bien immobilier pour pouvoir l'habiter. On connaît les prix du logement ici: ils sont sans commune mesure avec ceux des autres cantons et sont bien sûr absolument hors de portée de la majorité de la population.
Des études ont été menées, tant par le département du territoire que par différentes banques, qui montrent qu'il y a moins de 20% de la population genevoise qui a aujourd'hui les moyens, que ce soit pour les revenus ou la fortune, de se porter acquéreuse de biens immobiliers, puisque évidemment, il faut savoir qu'il ne suffit pas, entre guillemets, d'«avoir une fortune suffisante» pour se porter acquéreur d'un bien immobilier - et encore, c'est déjà une étape qui est difficilement franchissable pour l'immense majorité de la population: vous devez aussi bénéficier de revenus confortables pour que l'institution bancaire vous octroie un prêt. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Il est donc absolument essentiel et juste de maintenir cet impôt sur la valeur locative, simplement pour des raisons d'équité fiscale et d'égalité entre les propriétaires et les locataires de ce canton.
La présidente. Il vous faut conclure.
Mme Caroline Marti. En tout état de cause et vu l'avancée des débats, que ce soit à propos de cet objet-là ou de l'imposition sur la valeur locative, qui échappe très largement à ce parlement, puisqu'elle est pilotée depuis Berne, nous accepterons de prendre acte de ce rapport. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pierre Eckert (Ve). La présente motion demande «un moratoire pour les petits contribuables»: en fait, il s'agit d'un moratoire sur la hausse de la valeur locative. Je crois que les règles sur la réévaluation de cette valeur locative existent depuis longtemps. Maintenant, cette motion ne parle pas du tout de la suppression ou non de l'imposition sur la valeur locative, qui, évidemment, est un débat qui se passe au niveau fédéral - nous y sommes plutôt opposés en tant que Verts.
Bien entendu, la déduction la plus importante qu'on peut faire, c'est celle des intérêts hypothécaires. Si on supprime la valeur locative, il faudra aussi supprimer, de façon correspondante, la déductibilité des intérêts hypothécaires - ça va de soi. L'un dans l'autre, il faudra voir ce qu'il en est des débats à Berne, ce n'est donc pas dans ce parlement que nous voterons sur la suppression ou non de l'imposition sur la valeur locative. Dans ce sens-là, je vous recommande également de prendre acte de ce rapport du Conseil d'Etat.
La présidente. Je vous remercie.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2443.
Débat
La présidente. Nous passons à la M 2498-A. Le rapport de majorité, rédigé par mes soins, est repris par Mme Joëlle Fiss. Cet objet est lié aux R 870-A et R 878. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à Mme Fiss.
Mme Joëlle Fiss (PLR), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Madame la présidente. C'est bien avec humilité que je vous remplace en tant que rapporteure de majorité sur cette proposition de motion 2498. La commission des Droits de l'Homme en avait discuté en novembre 2018. Oui, ça fait exactement six ans, donc comme vous pouvez l'imaginer, une mise à jour du texte serait nécessaire - ça, c'est la première chose. Je vais d'abord m'en tenir à la position d'alors de la commission, et ajouter ensuite quelques remarques pour actualiser mon propos.
En juin 2018, quelques mois avant le dépôt de cette motion, l'Italie avait interdit l'accès à un navire humanitaire transportant 629 migrants à son bord - c'était le fameux navire Aquarius. Malte avait aussi refusé, comme l'Italie, d'accueillir ces réfugiés. Ça a fait scandale au niveau européen, on sait que des milliers de réfugiés sont morts en mer dans l'indifférence. Ce texte invitait le Conseil d'Etat à soutenir financièrement les organisations humanitaires actives dans le sauvetage des réfugiés en mer Méditerranée. Mais il présente certaines faiblesses.
D'abord, la première chose qui a frappé la rapporteure de majorité, c'est qu'aucun montant n'a été spécifié, ce qui est très curieux. Ensuite, à ma connaissance, en tout cas selon ma dernière vérification, le canton de Genève n'a pas de politique maritime, parce que nous n'avons pas d'accès direct à la mer. C'est donc quand même étonnant que tout d'un coup, Genève proclame avoir une politique maritime. C'est vrai que la Suisse a une stratégie maritime, mais - c'est très intéressant - celle-ci existe seulement depuis 2023, c'est-à-dire bien après que la motion a été déposée ! Cette motion appelait en 2018 le gouvernement à intervenir, alors que la Suisse n'a une stratégie maritime que depuis 2023. Je relève certaines incohérences. Sans stratégie maritime, je ne vois pas comment on pourrait encourager à cesser d'entraver les opérations de sauvetage en mer.
Pour la majorité de la commission, cette motion dépasse largement le domaine de compétence des autorités genevoises. Elle s'apparente même à une ingérence dans les affaires intérieures du pays. Franchement - ça, c'est une remarque personnelle -, j'ajouterai que cette motion démontre une profonde méconnaissance des politiques migratoires de l'Union européenne. Pourquoi ? D'abord, parce qu'un Etat tiers de l'Union européenne - la Suisse donc - ne peut pas faire cesser l'Italie ou Malte d'entraver des opérations de sauvetage en mer ! Ce n'est pas du tout réaliste. Ensuite, le manque de solidarité des Etats membres de l'Union européenne a surtout révélé les différentes positions nationales sur la politique d'asile, notamment sur le système de Dublin.
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Joëlle Fiss. Le système de Dublin prévoit que le pays responsable de l'examen d'une demande d'asile est celui où la personne est arrivée pour la première fois à une frontière avec l'Union européenne, mais ce n'est pas à la Suisse de réformer ce système. En l'occurrence, la Suisse est membre de l'espace Schengen, dans lequel les personnes ont le droit de circuler librement. Elle participe au financement de l'agence Frontex, qui a pour mission de contrôler les frontières extérieures de l'Europe. Il est par ailleurs essentiel que la Suisse continue à participer à ces processus, mais elle ne doit pas se mêler d'une politique dont elle n'est pas responsable, surtout là où elle ne joue aucun rôle dans l'adoption de la politique en question. Merci.
M. Diego Esteban (S), rapporteur de minorité. On débat sur un texte dont le contenu n'a manifestement pas été lu - je n'en veux pas à la rapporteure de majorité ad interim, parce que c'est exactement la teneur du rapport qu'elle présente, mais lorsqu'on s'intéresse à une motion, on regarde en priorité ses invites. Ces dernières ne s'intéressent pas du tout à la stratégie maritime de la Suisse, mais seulement à un travail humanitaire.
Pourquoi est-ce qu'on se pose cette question pour des faits qui se déroulent loin de Genève ? Tout simplement parce que bon nombre de ces organisations humanitaires ont leur siège à Genève. C'est à ce titre que l'appel lancé dans la motion qui vous est proposée aujourd'hui consiste à demander aux autorités genevoises de défendre cette fibre humanitaire développée à Genève depuis le XIXe siècle avec la Croix-Rouge et bon nombre d'autres organisations que je n'aurai pas le temps de citer.
Ces textes ont été déposés en 2018, ils ont été traités en 2019 par la commission, et on en débat aujourd'hui. Alors soit, beaucoup de temps a passé, mais est-ce que le contexte a réellement changé ? Non, ce n'est pas le cas, malheureusement - ça fait trois ans maintenant que le nombre de personnes décédées en mer Méditerranée est supérieur à trois mille. La situation est tout aussi préoccupante qu'en 2015, soit l'année durant laquelle on parlait de crise migratoire; le nombre de morts en mer Méditerranée en 2015 est similaire à celui qu'on a connu en 2023, donc la situation reste tout à fait préoccupante.
On ne demande pas aux autorités genevoises de gérer la situation au nom de toute l'Europe, mais simplement de défendre les organisations humanitaires qui ont leur siège ici lorsqu'on les empêche de faire leur travail. Leur travail, ce n'est pas, comme il était largement prétendu à l'époque, de soutenir des réseaux de passeurs, mais d'empêcher la mort de civils. C'est une fibre que je vous enjoins de ne pas perdre - ici, quand on revendique l'histoire genevoise, quand on l'invoque dans nos débats, il faut aussi se rappeler de quoi elle est faite. En lisant le rapport de majorité, comme en me remémorant les débats de l'époque, je commence à avoir certains doutes: dans l'hypothèse où la majorité de droite de la commission de l'époque aurait été au pouvoir à Genève au XVIe siècle, Jean Calvin et les huguenots auraient-ils trouvé porte ouverte ou close à Genève ? Je laisse cette question ouverte et je vous invite à soutenir la M 2498 de vos voix. (Applaudissements.)
Mme Patricia Bidaux (LC), rapporteuse de majorité. Je prendrai tout à l'heure la parole en tant que membre du Centre sur la motion qui nous a été présentée. Concernant les deux résolutions, la date de dépôt a été rappelée; elles ont été traitées par la commission en 2019. A cette époque, l'Aquarius se retrouvait sans pavillon, et effectivement, la R 870 n'avait qu'une invite, celle d'offrir le pavillon helvétique à l'Aquarius. Or il est rapidement apparu à la majorité de la commission que la réponse de la Confédération avait été transmise, raison pour laquelle un certain nombre de groupes se sont retrouvés autour d'une nouvelle proposition de résolution.
Par rapport à la stratégie maritime, je relèverai que cette dernière est tournée vraiment sur la marine marchande: la Suisse a une très grande marine marchande, composée de neuf cents bâtiments, qui effectue un travail indispensable d'échanges commerciaux. Mais il faut peut-être parler d'autre chose en ce qui concerne cette résolution.
L'actualité ne peut que conforter la décision de la commission d'alors. L'annexe au rapport faisant référence au nombre de morts en Méditerranée du 1er janvier au 19 mai 2019 et, un peu plus tard, à la fin de l'année 2019, démontre qu'il s'agissait bien de 1283 morts. Ces chiffres n'ont pas cessé d'augmenter: en 2021, ce sont 1924 personnes qui ont perdu la vie.
En juin 2022, les Etats européens signent un pacte qui devrait permettre la mise en oeuvre d'un mécanisme de solidarité. Ces deux invites ne font que porter cela: demander que les pays directement concernés par la crise humanitaire en Méditerranée soient actifs de manière effective et efficace ainsi que défendre les organisations humanitaires sises sur le territoire suisse afin que l'application du droit international en Méditerranée puisse être maintenue.
Soutenir cette résolution, c'est prendre voix pour ces femmes, ces hommes et ces enfants qui, dans leur désespoir, n'ont d'autre choix que de fuir.
Vous l'avez vu dans le texte, deux amendements ont été déposés par la minorité. Il s'agit de focus particuliers sur une nation. Pour la majorité, tous les conflits, dans toutes les zones, sont inhumains, et malheureusement, l'actualité le démontre encore aujourd'hui.
Notre parlement a aussi voté un soutien financier à la Croix-Rouge. En tant que majorité, nous pensons que si nous voulons sauvegarder la cohérence de notre engagement envers les plus démunis, ce soutien financier peut aussi se traduire par un soutien à cette résolution.
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Patricia Bidaux. La majorité vous propose donc de refuser la R 870 et d'accepter la R 878, telle qu'elle a été votée par la majorité de la commission des Droits de l'Homme. Je vous remercie.
M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je crois qu'on ne peut bien évidemment pas être insensible aux drames humains qui se produisent quotidiennement depuis de nombreuses années en mer Méditerranée: des personnes fuient leur pays, fuient la famine, la pauvreté, la guerre, la persécution, les discriminations, et cela au péril de leur vie, dans l'espoir de trouver une vie meilleure sur notre continent. Evidemment, il ne s'agit pas d'avoir une position consistant à nier cette situation dramatique, à laquelle nous sommes bien entendu sensibles.
Néanmoins, l'outil constitué par cette résolution ne nous paraît absolument pas opportun. Tout d'abord, il y a un problème de délai: le texte déposé par notre ancienne collègue Jocelyne Haller date d'octobre 2018, c'était il y a plus de cinq ans. Les rapports sur cet objet ont été déposés au printemps 2019. Il ne s'agit donc même pas de la dernière législature fédérale, mais de celle d'encore avant. On se retrouve dans une situation extrêmement gênante puisque ces résolutions auraient dû être retirées par leurs auteurs: elles sont devenues obsolètes par l'écoulement du temps. J'observe aussi que si véritablement il y avait une urgence à agir dans le sens de ce que propose la majorité sur ces résolutions, ils auraient fait usage de la possibilité de demander l'urgence dans le cadre du traitement des objets par notre parlement. Cela n'a pas été fait, on a laissé le temps s'écouler, donc si on veut éviter à notre canton de se couvrir une nouvelle fois de ridicule auprès des autorités fédérales avec un objet de ce type-là, il serait préférable de refuser ces deux résolutions, quand bien même elles poursuivent, encore une fois, un objectif parfaitement noble et louable.
J'ajoute à cela le fait que selon la Constitution fédérale, c'est la Confédération qui est chargée des affaires étrangères: «[...] elle contribue notamment à soulager les populations dans le besoin et à lutter contre la pauvreté ainsi qu'à promouvoir le respect des droits de l'homme, la démocratie, la coexistence pacifique des peuples et la préservation des ressources naturelles.» Donc expliquer aujourd'hui, avec une résolution qui date de 2019, au Département fédéral des affaires étrangères ce qu'il doit faire par rapport à une situation dramatique qui est déjà très ancienne, c'est un peu se moquer de la répartition des compétences entre les cantons et la Confédération, mais c'est aussi un grave manque de respect envers le DFAE et envers notre Constitution fédérale. C'est pour cette raison que nous vous invitons à refuser ces deux propositions de résolutions. Merci de votre attention.
M. Jean-Pierre Tombola (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, refuser ces textes reviendrait à porter un coup très dur aux personnes qui aujourd'hui même, au moment où nous parlons, sont en errance en Méditerranée à la recherche d'aide, après avoir dû quitter leur chez-soi pour fuir la guerre, fuir la mort, fuir la misère, fuir la torture, fuir les violences massives contre les femmes dans certains pays pas trop loin de la Méditerranée.
La M 2498 et la R 870, dont vous dites qu'elles sont vraiment vieilles, sont plus que jamais d'actualité. Pourquoi ? Parce que United, une ONG hollandaise qui recense les noms des personnes qui perdent leur vie sur le parcours migratoire vers l'Europe et qui cherchent un abri, un pays d'accueil, nous informe qu'entre 1993 et 2023, soit jusqu'au mois dernier, cinquante mille personnes sont mortes sur la route à la recherche d'un pays d'accueil après avoir fui la misère. Cinquante mille personnes en trente ans, cela équivaut à 1666 personnes qui meurent chaque année depuis trente ans !
Prenons comme exemple le fait que l'un des membres de nos familles se retrouve aujourd'hui en mer en train de demander de l'aide pour être protégé des vagues, du froid et tout simplement sauvé. Au-delà des considérations et de vos convictions politiques, que je respecte, mettons-nous à la place de ces personnes, ces membres de nos familles qui se trouvent en mer à la recherche d'une aide. Si on se met dans cette position, on peut sérieusement changer notre attitude. Tenir au sein de notre parlement un langage tel que celui que j'ai entendu revient à faire perdre espoir aux personnes qui cherchent l'asile. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Je vous rappelle l'article 18 de la constitution genevoise: «1 Toute personne a droit à la sauvegarde de sa vie et de son intégrité physique et psychique. 2 La torture et tout autre traitement ou peine cruels, inhumains ou dégradants sont interdits. 3 Nul ne peut être refoulé sur le territoire d'un Etat dans lequel il risque la torture ou tout autre traitement ou peine cruels [...]», et j'en passe. En outre, l'article 146 de notre constitution genevoise définit le rôle de l'Etat dans la coopération internationale.
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Jean-Pierre Tombola. L'Etat de Genève doit jouer le rôle de moteur, il doit prendre l'initiative auprès de la Confédération... (Le micro de l'orateur est coupé. Celui-ci continue à s'exprimer hors micro. Applaudissements.)
M. Yves Nidegger (UDC). Les morts par noyade de personnes traversant la Méditerranée sont un des grands scandales de notre époque, qui doit évidemment cesser. Il faut juste prendre un peu de recul pour voir pourquoi ces gens se retrouvent sur des rafiots qui prennent l'eau, voués à une noyade à 50% certaine: cela tient à un trafic, un trafic odieux, qui est celui du passage de l'Afrique vers l'Europe. C'est toute une chaîne, si vous l'analysez. J'étais au Niger, à plein d'endroits où les gens s'engagent pour la traversée du désert, puis, de l'Algérie ou de la Tunisie, pour la traversée de la mer. Quand vous parlez avec eux, vous constatez qu'ils se sont endettés pour payer à crédit des passeurs qui jouent avec la vie de ces gens pour rien d'autre que du fric. Les organisations dites humanitaires qui encouragent par un appel d'air... C'est une incitation au suicide, si on va au fond des choses.
Il n'est évidemment pas question pour Genève d'être silencieuse: il faut dénoncer cette situation. Les résolutions adressées à Berne, vous savez ce que j'en pense en général. On a eu des débats à Berne sur ces mêmes questions il y a déjà plus de deux ou trois ans. Genève ne va donc vraiment pas ouvrir les yeux des parlementaires fédéraux en leur envoyant une résolution sur le sujet; c'est parfaitement inutile et, une fois de plus, ça ne servirait à rien d'autre qu'à nous donner à nous-mêmes l'impression que nous sommes du côté de l'humanitaire.
S'agissant de la résolution, parfaitement inutile, il y a dans le rapport de minorité des propositions d'amendements, que je retire ici au nom de mon groupe: il est inutile que nous passions du temps sur un vote sur ces questions-là.
S'agissant de la motion, elle sera refusée également. Tout cela, sous couvert d'humanisme, est un sordide soutien à un des business les plus odieux qui se fasse entre l'Afrique et l'Europe. Evidemment, donner le pavillon suisse à cet odieux business serait la pire des choses que nous puissions faire.
Mme Alia Chaker Mangeat (LC). Je voulais juste répondre à mon préopinant sur les circonstances qui poussent ces personnes à prendre des bateaux, à payer des fortunes pour traverser la Méditerranée: je rappelle que c'est en raison du durcissement de la loi sur l'asile, qui prévoit que les requérants ne peuvent plus déposer de demandes dans les ambassades. Si vous voulez mettre fin au business sordide des passeurs, comme vous dites, il faut donner la possibilité aux requérants de déposer des demandes d'asile dans les ambassades.
Je rappelle que c'est un droit et non pas un service qu'on rend. Il faut donc peut-être partir de là, je crois que pour ces requérants, qui fuient des situations dramatiques, la moindre des choses est de leur accorder de l'aide pour les sauver en mer, vu que nous avons, nous, adopté cette loi qui ne permet plus de faire des demandes d'asiles dans les ambassades et qui contraint ces personnes à traverser la Méditerranée au péril de leur vie et au prix d'économies énormes. Je pense que c'est la moindre des choses que de soutenir cette proposition. Merci. (Applaudissements.)
M. Yves de Matteis (Ve). Cela a été dit, en trois ans, la situation n'a pas fondamentalement changé, même si elle fait moins souvent les gros titres des journaux. Soutenir les organisations humanitaires pour qu'elles fassent leur travail afin d'empêcher la mort de civils innocents est tout simplement dans l'ADN de la Genève internationale. Certes, il y a souvent des passeurs, mais ce n'est pas des passeurs qu'il s'agit ici, mais des personnes, et parfois des familles entières, innocentes, qui en sont souvent les victimes et qui fuient - cela a été dit par la préopinante du Centre - des situations dramatiques.
Quant à l'argument visant à dire que nous n'avons pas pour vocation de traiter des objets concernant la situation des droits humains au plan international, j'aimerais ici rappeler premièrement que la commission des Droits de l'Homme a été créée notamment pour cela - examinez les archives du Grand Conseil - et que nous avons par le passé accepté des motions et des résolutions à propos de conflits ayant lieu à l'étranger, cela dans l'optique du droit humanitaire, qui a fait la réputation de notre pays et de la Genève internationale. Il est donc clair que le groupe des Verts soutiendra tant la motion 2498 que les résolutions 870 et 878. Merci, Madame la présidente. (Applaudissements.)
Mme Patricia Bidaux (LC), rapporteuse de majorité. Je voulais quand même prendre la parole sur la M 2498, en tant que membre du Centre. Nous avons bien étudié ce texte, et effectivement, pour Le Centre, ce n'est pas le bon canal. Pour notre groupe, si l'on a quelque chose à transmettre sur cette question, il faut le faire via une résolution. C'est inutile de voter une motion qui demande finalement d'intervenir alors qu'on a le biais de la résolution à disposition - on doit avoir le courage d'utiliser cet outil.
Concernant les prises de position de M. le député Alder, dans son rapport de minorité, il se montre sensible à toute cette souffrance, mais il juge l'outil inopportun, car il serait devenu obsolète. Or, ce qui se passe en Méditerranée nous démontre que rien n'est obsolète dans cette affaire. Par ailleurs, l'urgence a été demandée - je rappellerai cela au député Alder -, il y a moins d'une année, effectivement parce que je trouvais qu'on attendait un peu trop pour traiter cet objet. L'urgence a été refusée par la majorité. (Applaudissements.) Je pense que ça vaut la peine de le rappeler.
Quant au ridicule de l'envoi d'une résolution, j'ai moi-même eu l'opportunité d'aller soutenir deux résolutions genevoises à Berne; les deux ont remporté un fort succès... (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...la deuxième étant un texte émanant de votre parti et concernant l'introduction du calcul de l'impôt dans la base du revenu minimal - cette résolution a abouti à une motion de la commission législative du Conseil des Etats.
La présidente. Il vous faut conclure.
Mme Patricia Bidaux. S'il vous plaît, ne méprisez pas nos résolutions, votez la R 878 et refusez la R 870 ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. Monsieur Alder, vous ne vous étiez pas inscrit dans la liste des intervenants. J'allais passer le micro à la rapporteure de majorité. Est-ce que vous cédez votre temps de parole à votre collègue de parti ? (Remarque.) Alors je donne déjà la parole à Mme Fiss en tant que rapporteure de majorité sur la M 2498, et on verra ensuite !
Mme Joëlle Fiss (PLR), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Madame la présidente. J'aimerais dire quand même deux ou trois choses. D'abord, je souhaiterais m'exprimer - vous transmettrez, Madame la présidente - sur ce qu'a dit M. Tombola au sujet des convictions politiques du PLR sur les réfugiés: vous avez mentionné des convictions politiques du PLR sur les réfugiés. J'aimerais commenter cela: nous aussi, nous ressentons la misère des réfugiés ! D'accord ? Nous aussi, nous comprenons très bien la tragédie de milliers de personnes qui sont nées au mauvais endroit, au mauvais moment ! Eh oui, même au PLR, il y a des enfants de réfugiés qui siègent au sein du parti. D'accord ? Vous n'avez donc pas le monopole de l'émotion !
La présidente. Merci de vous adresser à la présidence, Madame Fiss.
Mme Joëlle Fiss. Madame la présidente, vous transmettrez que M. Tombola n'a pas le monopole de l'émotion, de l'humanisme et du coeur. C'est un point que je tiens vraiment à clarifier ! (Commentaires.)
Deuxième chose - vous transmettrez, Madame la présidente -, M. Esteban a parlé du fait que cette résolution vise à soutenir financièrement les organisations humanitaires. Oui, absolument, mais il n'y a pas de montant inscrit dans le texte; alors je veux bien que ce soit l'objectif principal, mais aucun montant ne figure dans l'objet.
Le troisième et dernier point que je voulais soulever est que cette résolution date de 2018. Pour appuyer ce que mon collègue Alder a dit, envoyer maintenant à Berne un texte qui date de 2018, c'est vraiment un manque de respect de la Berne fédérale. Voilà, c'est tout ce que j'ai à dire. Maintenant, je donne la parole à...
La présidente. Je vous remercie. C'est moi qui donne la parole ! (Rires.) Monsieur Alder, je vous cède le micro pour quarante secondes.
M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de première minorité. Merci, Madame la présidente. Je fais miens les propos de ma collègue députée Joëlle Giscard d'Estaing. (Rires.) J'ajouterai simplement ceci: croyez-vous franchement que les dirigeants des Etats concernés par la crise migratoire vont prendre au sérieux une missive du Conseil fédéral s'appuyant sur une prise de position du Grand Conseil genevois à partir d'objets déposés en 2018 ou 2019 ? S'il vous plaît, non seulement c'est un manque de respect, mais c'est surtout un manque crasse de sérieux !
La présidente. Je vous remercie. Nous allons procéder aux votes.
Mise aux voix, la proposition de motion 2498 est rejetée par 54 non contre 31 oui et 1 abstention (vote nominal).
Mise aux voix, la proposition de résolution 870 est rejetée par 60 non contre 32 oui (vote nominal).
Mise aux voix, la proposition de résolution 878 est rejetée par 51 non contre 39 oui (vote nominal).
Débat
La présidente. A présent, nous nous penchons sur la M 2533-A, qui est classée en catégorie II, trente minutes. (Brouhaha.) S'il vous plaît ! Je sais qu'après un vote, on aime bien débriefer un peu, mais n'hésitez pas à le faire à l'extérieur de la salle. Madame Caroline Marti, vous avez la parole.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, que propose cette motion ? Tout simplement d'augmenter de deux semaines le congé paternité prévu dans le RPAC, le règlement d'application de la loi sur le personnel de l'Etat, c'est-à-dire de le porter à quatre semaines, mais aussi que les collaboratrices dont la compagne ou la femme a accouché puissent bénéficier d'un même congé de quatre semaines, et enfin d'octroyer un congé de naissance aux collaborateurs qui ont eu un enfant pour autant que leur conjoint ne bénéficie pas déjà d'une prestation équivalente.
Le premier aspect de ce texte, c'est donc la prolongation du congé paternité, ce qui répond à toute une série de considérations comme le fait de renforcer le soutien à la mère lors de la naissance ou la nécessaire création de liens entre le père et l'enfant. Il s'agit également d'éviter que ne s'installe, dès les premiers jours, une inégalité dans la répartition des tâches et des fonctions entre les deux conjoints.
Les motionnaires se basent sur le constat que nombre de collectivités, mais également d'entreprises privées prévoient des congés paternité beaucoup plus longs que le minimum légal actuel. Il est absolument essentiel que ce soit le cas aussi dans l'administration publique eu égard à l'exemplarité dont doit faire preuve l'Etat employeur. Nous pouvons par ailleurs nous référer au vote de la population genevoise sur l'initiative des Vert'libéraux visant à accorder plus de temps aux jeunes parents avec leurs enfants au moment de la naissance de ceux-ci.
Mais la proposition de motion comprend un deuxième volet, pourrait-on dire, à savoir l'introduction d'une égalité de traitement entre les couples hétérosexuels et homosexuels. Aujourd'hui, c'est une réalité ainsi qu'un droit qui a été introduit dans le cadre de la votation sur le mariage pour tous: les couples de même sexe ont des enfants et, au même titre que les couples hétérosexuels, doivent non seulement pouvoir concilier vie familiale et vie professionnelle, mais également accueillir dans les meilleures conditions possibles leurs enfants quand ils arrivent dans leur foyer.
Le coût d'une telle mesure a été chiffré en commission - il est complètement dérisoire: 750 000 francs par année pour étendre les droits au congé parental, instaurer un mécanisme d'égalité de traitement entre les différents couples des collaboratrices et collaborateurs de l'Etat et améliorer les possibilités de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle de l'ensemble des ménages. C'est la raison pour laquelle la majorité de la commission sur le personnel de l'Etat a soutenu cet objet et vous invite à faire de même. Je vous remercie.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la commission sur le personnel de l'Etat a traité lors de plusieurs séances cette proposition de motion qui a été déposée en 2021... Avant, même ! Un texte qui date déjà, donc, comme de nombreux objets de notre ordre du jour, malheureusement. Le vote final a été de 7 oui contre 6 non et 1 abstention.
En date du 27 septembre 2020, le peuple suisse a accepté à 60,3% deux semaines de congé parental dans les six mois suivant la naissance de l'enfant. Ce dispositif existe donc déjà sur le plan fédéral. La minorité de la commission estime qu'il n'appartient pas au Grand Conseil, qui manque de vision d'ensemble en la matière, d'ajouter des éléments concernant la durée du travail ou, en l'occurrence, le congé paternité. Il faut laisser au Conseil d'Etat les moyens de négocier avec les représentants du personnel et les syndicats. Pour toutes ces raisons, la minorité de la commission sur le personnel de l'Etat vous demande de refuser ce texte. Je vous remercie.
M. Arber Jahija (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le principe du congé paternité a été récemment adopté au niveau fédéral en votation populaire par la majorité du peuple suisse. Le canton de Genève a même été encore plus loin en complétant les seize semaines de congé maternité par huit supplémentaires en faveur des pères. Cette spécificité genevoise s'appliquant désormais à l'ensemble - je dis bien: à l'ensemble - des parents et des modèles familiaux, une partie de la proposition de motion 2533 est dès lors devenue caduque et obsolète.
Toutefois, le groupe MCG souhaite une amélioration de la situation en passant par un congé parental de vingt jours. Il est important de réaffirmer le soutien de l'Etat envers les familles. Pour cette raison, nous soumettons au parlement une proposition d'amendement en vue de retirer les deuxième et troisième invites, qui n'ont plus lieu d'être. Si cet amendement est accepté, nous voterons le texte en vous invitant, Mesdames et Messieurs les députés, à en faire de même. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Mme Masha Alimi (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant d'un congé paternité de quatre semaines à l'Etat et de la prise en compte des familles homoparentales, j'indiquerai en préambule qu'en septembre 2020, les Suisses se sont exprimés en faveur de l'instauration d'un congé parental fédéral de deux semaines. Cette proposition de motion demande d'une part d'octroyer deux semaines supplémentaires et d'autre part d'instituer un congé de naissance pour les couples gays, auquel ils n'ont pas droit actuellement. Le texte fait la promotion d'une meilleure conciliation entre vie privée et professionnelle et prévient la discrimination basée sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre.
C'est d'autant plus nécessaire qu'il n'existe pas de places d'accueil pour les enfants de moins de quatre mois. Je rappelle qu'avant 2020, c'est-à-dire avant le vote fédéral en faveur d'un congé parental de deux semaines, l'Etat supportait les coûts liés aux deux semaines avant la relève de l'assurance perte de gains, laquelle prend aujourd'hui ces frais en charge. Le canton de Genève se doit de faire figure de précurseur en la matière; il l'a déjà été en introduisant un congé de deux semaines qui a ensuite été reproduit au niveau fédéral. Poursuivons dans cette voie, montrons l'exemple et votons en faveur de cette motion ! Nous refuserons quant à nous l'amendement du MCG. Merci.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Je voulais moi aussi, comme ma préopinante, souligner le caractère précurseur de notre canton et relever la satisfaction que nous avons d'y vivre, la satisfaction de constater que l'Etat de Genève, dans sa relation à ses employés, a toujours eu une longueur d'avance sur d'autres cantons ou sur les entreprises privées - mais pas toutes, parce que certains établissements privés se montrent également pionniers dans ce domaine.
Ainsi que cela a été indiqué, le congé parental est devenu une norme fédérale, et désormais, le canton de Genève n'est plus précurseur, puisqu'il se contente d'appliquer ce qu'on pourrait appeler le minimum syndical en matière de durée du congé paternité. Dès lors, il est tout à fait opportun d'imaginer que l'on prolonge celui-ci à quatre semaines pour les raisons que Mme Marti a évoquées tout à l'heure et qui sont extrêmement importantes, notamment la constitution d'une cellule familiale pour que l'enfant et le parent qui n'a pas accouché puissent établir une relation de qualité. Quatre semaines, c'est un minimum, mais c'est déjà nettement mieux que le dispositif en vigueur maintenant. Voilà pourquoi nous allons soutenir ce texte.
M. Guy Mettan (UDC). On confine un peu au ridicule avec l'argument que je viens d'entendre, à savoir qu'il faudrait toujours se montrer le plus précurseur possible. C'est la course à la «précursion», si j'ose dire ! On a accepté un congé parental de deux semaines, donc on était précurseurs, mais comme on a été rattrapés par l'ensemble de la Suisse, qui a voté ce congé parental de deux semaines, on nous explique maintenant qu'il faudrait le prolonger de deux autres semaines, passant ainsi à quatre !
Si on suit votre logique, Mesdames et Messieurs, ça veut dire que dès qu'un autre canton validera une durée de quatre semaines, il faudra alors qu'on passe à six, puis à huit, à dix, à 52 semaines par an ! Voilà le raisonnement que vous nous proposez ! (Applaudissements.) C'est juste absurde, donc nous vous invitons à refuser les amendements, à rejeter cette motion et à cesser cette course au ridicule pour profiter pleinement de ce congé parental de quinze jours avant de passer à autre chose.
Une voix. Bien dit, bravo.
M. Souheil Sayegh (LC). Chers collègues, le suspense ne sera pas long en ce qui concerne la position du Centre, le parti de la famille, sur cette proposition de motion: évidemment, nous soutenons la direction dans laquelle va le texte. On entend des avis divergents, on constate que la Confédération a déjà fait un pas en avant; nous souhaiterions faire le deuxième pas avec cet objet.
Le Centre soutiendra la demande d'amendement du MCG, parce qu'elle va dans le bon sens: la troisième invite est excessive en tant que telle. Quant à moi, je vous soumets un amendement à la première invite visant à remplacer le congé paternité de vingt jours par un congé parental de vingt jours pour les collaborateurs ne bénéficiant pas du congé maternité. On neutralise ainsi tous les effets de genre et on permet à l'autre parent, quel qu'il soit, de bénéficier de cette majoration. Si cette proposition ne devait pas être acceptée, nous solliciterions le renvoi en commission. Je vous remercie.
La présidente. Merci. Si j'ai bien compris, au cas où votre amendement n'est pas adopté, vous ferez une demande de renvoi en commission. Il n'y a plus de prise de parole dans la salle, c'est donc le tour de Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci beaucoup, Madame la présidente. La proposition de motion qui nous est soumise demande deux choses: d'une part un doublement du congé paternité octroyé par l'Etat de Genève, d'autre part la prise en compte de la situation des familles homoparentales. A ce propos, je précise que ce second point évoqué dans les deuxième et troisième invites du texte a déjà trouvé une réponse, puisque le Conseil d'Etat a modifié le RPAC le 19 août 2020 afin de tenir compte des nouveaux modèles de parentalité, en adaptant les articles concernant les congés liés à l'arrivée d'un enfant.
Ces changements comprennent notamment la création d'un congé parental qui reprend les dix jours prévus actuellement, mais qui en étend la portée au conjoint, au partenaire enregistré, à la personne menant une vie de couple avec la mère ou le parent de l'enfant né, ainsi que l'instauration d'une disposition de congé-naissance pour permettre, dans ces cas-là, de régler les cas d'enfants accueillis via une gestation par autrui en accordant au parent biologique un congé de vingt semaines, par analogie avec le congé maternité.
Il y a encore un article pour gérer les congés en cas d'adoption: celui-ci prévoit que si les deux parents adoptifs travaillent auprès du même employeur, soit le congé de vingt semaines bénéficie à un seul parent, soit les seize premières semaines sont octroyées au parent qui a droit à l'allocation d'adoption et les quatre semaines restantes sont réparties entre les deux parents. Ainsi, les deux dernières invites de la présente motion sont d'ores et déjà mises en oeuvre.
S'agissant du congé parental de vingt jours (ou de quatre semaines), vous avez raison de souligner que l'Etat de Genève a fait partie des précurseurs en prévoyant un congé paternité - désormais renommé «congé parental» - de deux semaines alors que celui-ci n'était pas reconnu par la Confédération à l'époque. Suite à la votation populaire du 27 septembre 2020, l'ensemble des employés qui deviennent pères en Suisse peuvent, depuis le 1er janvier 2021, bénéficier d'un congé paternité indemnisé au titre des APG.
La question qui demeure, Mesdames et Messieurs les députés, c'est de savoir si l'Etat de Genève souhaite aujourd'hui accorder deux semaines supplémentaires à ses collaborateurs hommes uniquement. Nous avons mené des discussions au sein du Conseil d'Etat et nous estimons que la mise en oeuvre à venir de l'initiative 184 «Pour un congé parental maintenant !», qui a été adoptée par le peuple en juin 2023, permettra de prolonger la durée du congé parental non seulement pour les membres du personnel de l'Etat, mais aussi pour les personnes qui officient dans le secteur privé.
Pour ces motifs, nous estimons que la motion telle que formulée n'est plus d'actualité. Nous devons attendre de déterminer le traitement que nous pourrons réserver à l'ensemble des pères de notre canton. Le Conseil d'Etat y est favorable, il poursuit son travail dans cette direction. Tous les pères seront traités de la même façon, il n'y a pas lieu de traiter différemment les pères fonctionnaires des autres pères de notre canton. Par conséquent, le Conseil d'Etat vous demande de refuser cette proposition de motion. Je vous en remercie par avance.
La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. J'ouvre la procédure de vote. Tout d'abord, nous sommes saisis d'un amendement de M. Souheil Sayegh visant à modifier la première invite comme suit: «à modifier le règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux (RPAC), de sorte à octroyer 20 jours de congé parental à ses collaborateurs qui ne bénéficient pas du congé maternité;»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 70 oui contre 22 non.
La présidente. Ensuite, M. Arber Jahija présente un amendement pour abroger les deuxième et troisième invites.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 50 oui contre 44 non.
Mise aux voix, la motion 2533 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 53 oui contre 38 non et 2 abstentions (vote nominal).
La présidente. Je salue à la tribune la présence de notre ancien collègue, M. Nicolas Clémence ! (Applaudissements.)
Débat
La présidente. Nous passons à la M 2566-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Monsieur Pfeffer, vous avez la parole.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, l'invite de cette motion propose de développer un label qui puisse être délivré aux entreprises pour les raisons suivantes: premièrement, «promouvoir l'égalité des genres»; deuxièmement, «facilit[er] la conciliation pour les salarié-e-s entre vie professionnelle et vie familiale»; troisièmement, «veill[er] à maintenir un environnement professionnel sain et non sexiste».
Une très large majorité des commissaires n'est pas entrée en matière sur cette motion, pour différentes raisons. La première est qu'il existe déjà de très nombreux labels. La deuxième est que les critères définis sont difficilement évaluables. La troisième est que l'égalité entre les sexes est déjà inscrite dans la Constitution depuis environ quarante ans. La quatrième est que la protection contre les inégalités salariales entre femmes et hommes existe déjà dans la loi, par exemple via la loi fédérale qui oblige à faire un contrôle dans les entreprises de plus de cent employés. La cinquième est que les labels sont, en général, établis sur une base volontaire.
Bref, le label proposé est trop étendu, se base sur des critères très difficilement évaluables, et surtout, une partie de ce que demande l'invite est déjà réglée via des lois ou la Constitution. Je rappelle une citation de la conseillère d'Etat lors de son audition: «[...] les entreprises respectant leurs obligations ne doivent pas être félicitées, étant donné qu'elles se doivent de le faire.»
Pour ces nombreuses raisons, la majorité des commissaires vous propose de refuser cette proposition de motion.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe socialiste, effectivement, vous propose par cette motion de développer un label qui puisse être délivré aux entreprises. Sur quelles bases ? Sur la base de la promotion de l'égalité des genres dans la sphère professionnelle, notamment en facilitant la conciliation pour les salariées et salariés entre la vie professionnelle et la vie familiale - on parle ici, comme on l'a fait tout à l'heure, de congé paternité, de congé parental, d'aménagement du temps de travail, de temps partiel, de télétravail, de solutions de garde sur le lieu de travail - ainsi qu'en veillant à maintenir un environnement professionnel sain et non sexiste.
Concernant tous ces éléments, le rapporteur de majorité nous a dit qu'ils étaient déjà inclus dans des lois et que donc tout allait bien. Tous ces éléments liés à l'égalité, Monsieur le rapporteur de majorité, devraient certes couler de source, aujourd'hui, en 2024, mais malheureusement, ce n'est absolument pas le cas: alors qu'effectivement, dans la Constitution, l'égalité des sexes est inscrite depuis 1981, soit depuis plus de quarante ans, et qu'en 1996, soit il y a plus de vingt-cinq ans, la loi sur l'égalité est entrée en vigueur, concrétisant cette égalité dans le domaine de la vie professionnelle en interdisant toute discrimination, directe ou indirecte, dans tous les rapports de travail. Cette loi vise aussi à assurer l'égalité des chances dans la vie professionnelle.
Est-ce que cette question est réglée parce qu'on a un article dans la Constitution et que cela se trouve dans une loi entrée en vigueur en 1996 ? La réponse est malheureusement non, parce que malgré ces textes constitutionnels et légaux, qui sont pour le moins clairs et limpides sur le papier, l'égalité n'est pas réalité aujourd'hui pour bon nombre de femmes dans les entreprises. Il y a environ 8% d'inégalité salariale entre les hommes et les femmes, 10% dans le secteur privé et jusqu'à 24% dans certains domaines, tels que les services financiers et les assurances.
Pour être tout à fait honnête, une partie de l'inégalité salariale est due à des facteurs qu'on appelle expliqués: si vous êtes à temps partiel, cela explique bien entendu la différence salariale, mais 40% de cet écart salarial n'est imputable aujourd'hui à aucun facteur autre que le genre. Vous êtes une femme, 40% de la différence de votre salaire par rapport à celui de l'homme qui fait exactement le même boulot reste incompréhensible. Au sein du parti socialiste, nous voulons lutter contre cette situation. Alors certes, ce label ne résoudra pas l'ensemble du problème, mais il contribuera certainement un peu à la solution. C'est pour ça que nous vous demandons de voter cette motion et d'aller enfin vers plus d'égalité au niveau professionnel entre les femmes et les hommes. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, trois motions ont été déposées allant dans le sens de labelliser ou plutôt de certifier les entreprises qui respectent des critères d'égalité. L'une d'elles, la M 2569, avait été déposée par le PDC, devenu Le Centre entre-temps. En dehors du parti dépositaire, nous avons été le seul groupe à la soutenir lors du vote en plénière le 3 février 2023. Nous n'avons aucune intention de dévier de notre ligne et soutiendrons également la présente motion, ainsi que celle instaurant un mécanisme plus général, la M 2577 qui figure un peu plus loin dans l'ordre du jour.
Tout d'abord, nous soutenons le principe d'un label qui soit visible de toute entité, qu'elle soit privée ou publique, voulant faire appel à une entreprise disponible sur le marché. Les consommatrices et les consommateurs responsables souhaitent pouvoir acheter des produits ou des services en fonction d'un certain nombre de critères de leur choix. On peut noter des labels éthiques comme Max Havelaar, des labels concernant le type de production agricole comme des certifications bio, ou des labels de proximité comme GRTA. Il doit en être de même pour les entreprises.
Nous sommes conscients du fait que depuis le dépôt de ces motions, la loi générale sur l'égalité et la lutte contre les discriminations, la LED, dont nous avons parlé tout à l'heure, a été votée, mais celle-ci mentionne les labels sous une forme potestative: «[...] l'Etat peut notamment encourager des formations du personnel et des labels.» Plutôt que d'abroger cette loi, comme certains esprits chagrins l'ont proposé, donnons-lui vie en mettant en oeuvre les principes qui y sont mentionnés.
Je ne rappellerai pas ici les inégalités criantes - M. Wenger l'a fait - existant encore en matière salariale entre les hommes et les femmes. Cette motion ne concerne pas que cet aspect, mais recouvre également les possibilités d'aménagement du temps de travail, pour les hommes et les femmes d'ailleurs, les possibilités de garde des enfants, l'information, la formation et j'en passe.
Les opposants au texte vont bien entendu mettre en avant une foule de détails techniques de mise en oeuvre du label, mais tel n'est pas le sujet ici, puisque seule l'adoption du principe est demandée. Avec conviction, nous soutiendrons ce principe et vous encourageons à voter cette motion. (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (LC). M. le député Eckert a rappelé, à juste titre, que nous avions refusé en plénière la M 2569, qui traitait également de l'instauration d'un label favorisant l'égalité salariale. Nous allons aborder d'ici deux points la M 2577, qui a été refusée en commission, ce qui me permettra d'ailleurs de ne pas intervenir à nouveau lors du traitement de cet objet.
Il y a quarante ans que l'égalité salariale est inscrite dans la Constitution fédérale - cela a été rappelé -, elle a également été inscrite dans la constitution genevoise en 2012. Il faut comprendre à cet égard l'irritation, voire l'exaspération, des femmes - là, je donne raison au rapporteur de minorité, puisque dans bien des cas, cette égalité n'est toujours pas respectée, les chiffres qui le prouvent ont été donnés. Notre problème, ce n'est pas tellement ce principe de l'égalité, c'est surtout la création ou la promotion, par l'Etat, d'un label, que ce soit pour l'égalité ou pour éviter les abus dans divers domaines. Le problème, c'est que de nombreuses organisations privées attribuent des labels, souvent d'ailleurs sans réelle valeur ajoutée, et parfois, évidemment, avec une valeur lucrative assez intéressante pour les organisations qui les préconisent.
Cela étant, je pense qu'un Etat, fondamentalement, ne peut pas délivrer des labels uniquement sur la base du respect de la loi que ce même Etat a mise en oeuvre. C'est comme si, à titre personnel, en tant que conducteur, je recevais du département dirigé par Mme Carole-Anne Kast un label de bon conducteur alors que je ne fais que respecter la loi sur la circulation routière. C'est cela qui nous pose des problèmes.
Personne ne l'a rappelé jusqu'à présent, mais nous avons adopté la loi 12843 sur l'égalité et la lutte contre les violences et discriminations liées au genre: cette base légale permet d'agir dans ce domaine et d'intervenir sans qu'il soit nécessaire de prévoir des labels.
Nous refuserons donc cette motion ainsi que la M 2577, que nous traiterons dans deux points. Je vous remercie.
M. Yves Nidegger (UDC). L'égalité de traitement est l'une des vertus cardinales sur laquelle se base l'efficacité du modèle occidental et de la démocratie ainsi que son dynamisme économique et sa prospérité. C'est donc quelque chose qu'il faut prendre au sérieux et qu'il faut éviter de ridiculiser en la portant jusqu'à la caricature, comme le propose cette motion consistant à labelliser l'égalité, comme si on pouvait trouver des critères aussi simples.
Chers collègues, tout ça est fondé sur un sophisme: s'agissant du salaire, les entreprises sont là pour faire de la marge et pour rien d'autre; si l'on pouvait véritablement payer le même travail moins cher lorsque ce travail identique est réalisé par une femme plutôt que par un homme, les hommes seraient tous au chômage. Il faut sortir un petit peu des mythes et des impressions fausses; vous ne pouvez pas contraindre des hommes et des femmes dont les aspirations sont hiérarchisées différemment s'agissant de l'importance de la carrière, en exigeant qu'au final, ayant moins investi dans la carrière et plus dans d'autres valeurs de la vie, tout aussi importantes sinon plus, on ait forcément le même salaire.
Ce qui vient d'être dit sur l'utilisation d'un label par mon préopinant est évidemment juste. Une fois qu'on a posé le principe dans la loi, il faut respecter l'égalité salariale. Pour avoir officié pendant des années par le passé comme juge dans les tribunaux du travail, je connais bien les procédures: ce n'est pas compliqué, vous demandez à l'employeur de vous apporter lui-même les critères à partir desquels il fixe les différents salaires de l'entreprise. Puis, vous appliquez ces principes au cas d'espèce, et si vous ne trouvez rien d'autre que la différence de genre pour expliquer la différence de salaire, alors, et alors seulement, vous condamnez l'employeur à payer la différence. Le mécanisme existe donc.
Par conséquent, cette idée que le consommateur, qui n'est intéressé par rien d'autre que le rapport qualité-prix de ce qu'il va acheter, va être sensible à un label de quelque ayatollah qui aura décidé que l'égalité était plus là qu'ailleurs, c'est une illusion; mais surtout, cette idée que tout doit être égal en faits, et non pas égal en droit, égal en chances, comme le veut l'égalité des chances et l'égalité des droits de la société occidentale, creuse la tombe de ce principe merveilleux qu'est le respect de l'égalité de traitement, qui oblige l'Etat à traiter de façon similaire des situations similaires, mais dont le corollaire est aussi de traiter de façon différente des situations différentes.
Le groupe UDC refusera l'entrée en matière sur cette motion ridicule.
M. Jacques Béné (PLR). Ces labels sont un sujet qui revient régulièrement à la commission de l'économie; il y en a une multitude, il existe des certifications pour tout et n'importe quoi, ça génère d'ailleurs une grande confusion tellement il y a de labels dans certains domaines, on l'a vu notamment pour tout ce qui est bio. On a également vu - et ça contredira ce qu'a dit M. Wenger - que pour certains labels bio, plus de 30% des entreprises qui bénéficient de la certification ne respectent en réalité pas les règles. Cela prouve bien que ces labels engendrent le développement d'un vrai business, qui permet de valoriser certaines entreprises par rapport à d'autres. C'est aussi une forme de discrimination parce qu'il y a les grandes et les petites entreprises, il y a celles qui ne veulent pas payer pour avoir un label alors qu'elles suivent les recommandations de ce dernier.
En fait, en quelque sorte, c'est une question de marché de l'emploi. On a vu qu'il y avait des modifications considérables, notamment depuis la pandémie, quant aux attentes des collaborateurs. De toute façon, les entreprises qui ne suivent pas ces règles seront totalement dévalorisées, avec ou sans label. Ce qu'il faut - et ça a déjà été dit -, c'est appliquer la loi, c'est tout: il y a des lois, on les applique, mais ce ne sont pas des certifications à foison qui vont améliorer la situation.
Comme M. Guinchard l'a dit, on va finir par avoir un label pour les entreprises qui paient correctement et dans les délais leurs impôts, un label pour les entreprises qui paient leurs charges sociales... En veux-tu, en voilà ! Je pense qu'on aura bientôt un projet de loi ou une motion de la part de la gauche visant à créer un label pour les entreprises qui ont le plus de labels: ainsi, on aura atteint le sommet, ce serait le comble ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo, elle est bonne !
La présidente. Merci. La parole est à M. Romain de Sainte Marie pour trois minutes.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il a été mentionné que la base légale sur l'égalité des droits existe déjà et que dans la Constitution, il est indiqué que l'égalité salariale entre femmes et hommes est garantie. Malheureusement, dans les faits, cette égalité n'existe pas. C'est justement la raison pour laquelle il faut aujourd'hui agir en matière d'égalité des chances, puisque cette dernière n'est pas non plus garantie: elle existe devant la loi, mais elle n'existe pas pour les chances de tout le monde.
Cela est prouvé, ce n'est pas sortir de fausses statistiques, le rapporteur de minorité a pu le mentionner et cela se trouve dans l'exposé des motifs et dans son rapport: aujourd'hui, en Suisse et à Genève, les femmes, à compétences égales, à travail égal, gagnent moins, c'est démontré. Et pourtant, il existe une base légale.
Alors il ne s'agit pas de ridiculiser toutes les sortes de labels que l'on pourrait mettre en place pour l'entreprise qui paie ses impôts, pour l'entreprise qui paie ses charges sociales correctement... Non, aujourd'hui, il s'agit d'un véritable enjeu de société, et je trouve que ridiculiser un label d'égalité entre femmes et hommes, c'est ridiculiser l'enjeu consistant à défaire un système qui, aujourd'hui, garantit cette inégalité entre femmes et hommes - et vous transmettrez au groupe UDC que les femmes n'ont pas moins de volonté à poursuivre une carrière que les hommes, que les métiers qu'elles ont exercés ne sont pas moindres et qu'il est faux de penser qu'elles ne chercheraient pas à être rémunérées de la même manière.
Ce modèle est purement incitatif, il n'est pas contraignant; malheureusement, beaucoup trop d'entreprises et d'employeurs ne respectent pas une base légale, et rien n'est véritablement fait car c'est beaucoup trop difficile aujourd'hui, les moyens ne sont pas engagés pour effectuer au sein des entreprises les contrôles nécessaires pour prouver justement les inégalités salariales entre femmes et hommes.
Des labels, en effet, il en existe. Ce parlement, sous l'ancien conseiller d'Etat Mauro Poggia, a validé un label aux relents assez MCG, «1+ pour tous», à l'intention des entreprises qui engagent des personnes issues du chômage, mais attention, pas des mauvais chômeurs, des bons chômeurs, c'est-à-dire ceux résidant à Genève. Mais par contre, au sein de ce parlement, pour encourager l'égalité salariale entre femmes et hommes - c'est-à-dire que pour un travail égal et des compétences égales, une femme et un homme gagnent la même chose -, alors là, la majorité de droite est beaucoup plus réticente ! Comprenez: il y a des enjeux prioritaires, et l'égalité salariale l'est moins !
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Romain de Sainte Marie. On voit ensuite des labels qui fonctionnent, notamment ceux pour les entreprises formatrices. Là, c'est une mise en avant, c'est incitatif, c'est valorisé par l'Etat. Ce dernier peut donc effectivement mettre en avant des labels, les créer et faire valoir qu'ils fonctionnent, raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, aujourd'hui, nous pouvons faire en sorte que l'Etat introduise un label d'égalité salariale entre femmes et hommes ! (Applaudissements.)
Mme Ana Roch (MCG). Mesdames et Messieurs, beaucoup de choses ont été dites. Cette certification, qui validerait une application stricte de la loi, nous paraît en effet complètement ubuesque. Les labels attribués par l'Etat qui ont été mentionnés n'ont rien à voir avec la loi, mais simplement avec des valeurs d'entreprises, notamment l'engagement de chômeurs, ou d'autres valeurs comme la formation.
L'égalité hommes-femmes, bien sûr que c'est quelque chose à quoi on doit travailler pour y arriver et pour que ça devienne un élément naturel dont on n'a plus besoin de discuter au sein de ce parlement; mais je ne pense pas que ça doive passer par un label, qui pourrait prétériter des entreprises qui se trouvent dans des secteurs peut-être plus masculins ou plus féminins et ne pourraient pas le recevoir non pas parce qu'elles ne voudraient pas engager des hommes et des femmes de manière paritaire, mais simplement parce qu'elles ne le peuvent pas.
Et si c'est pour créer une nouvelle usine à gaz, comme la loi que certains d'entre nous ont votée pour l'égalité au sein des conseils d'administration... On a bien vu le résultat, qui est totalement contre-productif, y compris pour les femmes. C'est pour ces raisons, entre autres, que le MCG ne soutiendra pas cette motion. (Applaudissements.)
Une voix. Très bien !
La présidente. Je vous remercie. Monsieur Ivanov, il n'y a plus de temps de parole pour l'UDC. Je cède le micro aux rapporteurs, en commençant par M. Wenger pour dix-huit secondes.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de minorité. Merci. L'UDC Yves Nidegger nous dit que seules les marges et les prix comptent et qu'ériger des labels est totalement ridicule. On pourrait transposer ça à l'agriculture et à la viticulture: votre label GRTA, le label bio, c'est complètement ridicule, seules les marges comptent, donc arrêtons d'acheter des produits genevois ! Merci l'UDC pour le soutien !
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Pfeffer pour une minute.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Je reviens sur une déclaration qu'a faite le rapporteur de minorité: il a dit tout à l'heure que ce label ne résoudrait rien. (Remarque.) Il a tout à fait raison, il aurait même pu rajouter que pour qu'un label ait un intérêt, il faut évidemment que les critères qu'il contient puissent être évalués.
La présidente. Il vous faut conclure.
M. André Pfeffer. Pour donner deux exemples concrets, qui vous montreront que ce n'est absolument pas le cas dans cette proposition de motion, je reprends une partie de l'invite qui mentionne le fait de faciliter la conciliation pour les salariés entre vie professionnelle et vie familiale.
La présidente. Vous avez terminé.
M. André Pfeffer. Toute une série d'éléments figurent ensuite entre parenthèses: congé paternité ou parental, etc. Comment pouvez-vous évaluer... (Le micro de l'orateur est coupé.)
La présidente. Nous allons voter sur cette proposition de motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 2566 est rejetée par 52 non contre 26 oui (vote nominal).
Débat
La présidente. Nous passons à la M 2575-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Monsieur Ivanov, vous avez la parole.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette proposition de motion a été déposée le 8 août 2019, soit il y a déjà plus de quatre ans. Malheureusement, nous ne la traitons que ce soir. Ce texte contient deux invites, la première visant «à ne pas remettre en question la décharge syndicale de 50% accordée à la présidence du Cartel intersyndical du personnel de l'Etat et du secteur subventionné» et la deuxième «à considérer cette décharge comme un droit à la représentation syndicale du personnel de l'Etat dans l'intérêt du dialogue social».
Ce texte a été déposé par, je dirais, la gauche élargie, y compris ceux qui nous ont quittés, je parle donc des enfants de Staline... (Exclamations.) ...ainsi que par le MCG. Ce qui est assez choquant dans le dépôt de ce texte, c'est le fait que le président du Cartel, qui était député, l'avait signé: de nouveau, il y a deux poids deux mesures !
La commission ad hoc sur le personnel de l'Etat a refusé cette motion; il y a eu égalité de votes avec 7 voix pour et 7 voix contre. En tant que rapporteur de majorité, je vous demande de refuser l'entrée en matière. Je reprendrai la parole plus tard, Madame la présidente. Merci.
La présidente. Je vous remercie. J'invite ceux qui s'expriment à être respectueux, y compris envers nos anciens collègues. La parole est à M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Merci, Madame la présidente. Au même moment où on diminuait le temps accordé au président du Cartel intersyndical, le Conseil d'Etat, sans rechigner, ajoutait 0,5 ETP au cercle des managers RH pour administrer la gestion dudit cercle. Je veux dire par là que quand on est syndicaliste et qu'on représente trente mille fonctionnaires, il est fondamental - ça existe ailleurs en Europe - que l'Etat donne 50% de temps à ce secrétaire syndical pour qu'il puisse gérer un certain nombre de points importants. Ça assure quand même un dialogue constructif.
C'est assez incompréhensible de voir que le Conseil d'Etat décide tout d'un coup, sans en expliquer les raisons, de diminuer ce temps alloué au président du Cartel en le réduisant de 50% à 30%, alors que ce système existe depuis dix ans. Je trouve qu'il est important que le dialogue entre l'Etat et la fonction publique, y compris les syndicats, soit établi, ouvert et constructif. Ce n'est pas avec de telles mesures qu'on va dans ce sens-là. C'est extrêmement paradoxal et choquant, raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous proposons d'accepter cette motion visant à rétablir ce fameux 50% de temps alloué au président du Cartel pour pouvoir gérer ses activités et garantir ainsi un dialogue constructif avec l'Etat. Merci.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le dialogue social est l'un des fondements du bon fonctionnement de notre société, autant dans le privé que dans le public. Le Cartel intersyndical de la fonction publique remplit un rôle central de coordination des associations professionnelles et des syndicats de ce secteur, permettant ainsi des négociations facilitées entre l'employeur - le Conseil d'Etat - et les employés.
Ce Cartel rend possibles des discussions qui, sinon, seraient très difficiles, voire impossibles. Ce travail difficile de coordination est effectué par une structure associative, or il requiert un engagement de niveau professionnel. C'est peu dire que la tâche de président du Cartel n'est pas évidente et qu'elle réclame du temps afin d'être à l'écoute des nombreuses professions et organisations de l'Etat de Genève. Cela nécessite donc une décharge de temps, à hauteur de 50%.
En cette période difficile, il faut une fonction publique apaisée, ce qui passe par un Cartel qui a les moyens de bien fonctionner. Etant donné la grande diversité des professions, des profils, des personnes, le dialogue n'est pas toujours évident; le Cartel permet un dialogue de qualité. Pour toutes ces raisons, nous vous recommandons d'accepter cette motion.
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Le PLR est défavorable à cette motion visant à donner une décharge au président du Cartel, qui est une façon de financer cette structure, alors que justement, cette dernière devrait être jalouse de son indépendance à l'égard de l'Etat. Evidemment, un syndicat doit pouvoir se financer par le biais des cotisations de ses membres. Il y a aussi un problème plus global avec le Cartel qui malheureusement, ces dernières années, n'est plus un partenaire social: il n'est plus dans le dialogue social, il n'est justement pas dans l'apaisement que l'on souhaiterait; aucune réforme, aucune modernisation du statut des fonctionnaires ou des conditions de travail ne trouvent grâce auprès du Cartel. On est dans un conservatisme au carré.
Quand on les entend en commission, peu importe d'ailleurs le sujet sur lequel ils viennent s'exprimer, leur réponse est toujours non: «Rappelez-moi la question, mais de toute façon la réponse est non !» On entend malheureusement un discours passéiste, déconnecté des réalités. On a souvent l'impression d'être au XIXe siècle et de lire «Germinal» de Zola, le talent en moins, malheureusement. (Rires.) Une description de la situation des fonctionnaires où tout est souffrance, tout est précarité, tout est dégradation des conditions de travail - un véritable assommoir ! (Rires. Exclamations.)
De toute évidence, il faut aussi avoir des partenaires qui soient représentatifs. Or, le sentiment que donne le Cartel, c'est de ne pas être représentatif de la majorité des fonctionnaires, qui ont justement envie de ne pas vivre dans un monde du XIXe siècle, un monde conservateur, qui sont au contraire prêts à embrasser les changements et à moderniser leur statut et leur façon de travailler. Je vous remercie, Madame la présidente. (Applaudissements.)
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Je crois que le tableau qui vient d'être peint par notre préopinant ne correspond pas exactement à la réalité, à plusieurs titres: la première chose, c'est que, contrairement à ce qui a été dit, le Cartel n'est pas du tout dans une posture d'opposition systématique, bien au contraire, c'est un partenaire social... (Commentaires.) J'entends des ricanements, c'est particulièrement désobligeant, et ça ne fait pas forcément évoluer le débat dans un sens consensuel ou très intelligent !
La réalité, Mesdames et Messieurs, c'est que tout employeur a besoin d'avoir un partenariat social de qualité avec des représentants du personnel. Il se trouve que le Cartel - cela désoblige peut-être les gens d'en face - est représentatif, nous l'avons vu ce soir avec une manifestation qui regroupait plus de la moitié d'un service de l'Etat, à savoir les enseignants du cycle d'orientation. Ce sont des choses qui sont tout à fait légitimes et représentatives. Mais ce que je veux aussi dire, c'est que ce que le grand public - et peut-être vous aussi, Mesdames et Messieurs les députés - voit de l'action du Cartel, c'est évidemment la partie émergée de l'iceberg; c'est lorsque le consensus, l'accord n'est pas possible avec l'employeur que des mesures de mobilisation, de lutte, parfois de grève, parfaitement légitimes, se mettent en place. Ces mesures restent relativement rares, voire très rares, en regard des situations où la négociation est possible, où le consensus est possible et où l'accord peut être trouvé entre l'Etat employeur et les représentants de la fonction publique.
Or, pour que cela puisse se faire, il faut, à notre sens, deux conditions. La première, c'est que les représentants du Cartel ne soient pas des syndicalistes professionnels, mais bien des représentants de la fonction publique, c'est-à-dire qu'ils soient issus des rangs des fonctionnaires - pour cela, il est évident qu'ils ne peuvent pas être salariés autrement que par une décharge, vu que leur métier précisément est d'être fonctionnaires. La deuxième, c'est évidemment qu'ils soient bien informés, parce que, Mesdames et Messieurs les députés, il est beaucoup plus facile d'uniquement s'opposer à un projet, lorsqu'on ne le connaît pas ou lorsqu'on n'a pas le temps de l'examiner dans tous les détails, alors que lorsqu'on a véritablement le temps nécessaire pour connaître ce qui est proposé de façon détaillée, on peut être un partenaire digne.
On peut imaginer que des réformes d'importance - on peut penser à SCORE ou à d'autres projets - auraient peut-être pu connaître un sort meilleur si les représentants du Cartel avaient simplement pu avoir le temps nécessaire pour les examiner dans le détail. C'est un exemple parmi d'autres. Vous savez qu'un autre projet de réévaluation du traitement de la fonction publique est à l'étude, il s'agit de modifications extrêmement importantes, et pour la réussite de ce projet comme d'autres, il est absolument essentiel que la fonction publique dispose de représentants qui aient simplement le temps de les examiner dans tous leurs détails. C'est pour cela qu'il faut évidemment soutenir ce texte. Je vous remercie.
Mme Masha Alimi (LJS). Pour rappel, le Conseil d'Etat avait accepté, à titre provisoire, cette décharge de 50% accordée au président du Cartel intersyndical. Cette motion demande que cette disposition soit maintenue dans l'intérêt du dialogue social et souhaite qu'elle soit inscrite dans la loi. Le groupe Libertés et Justice sociale est convaincu de la légitimité de l'existence des syndicats, qui est primordiale pour favoriser le dialogue social, et considère qu'il faut faciliter autant que possible leur travail.
Nous avons la chance de vivre dans une démocratie où nous pouvons nous exprimer librement et revendiquer des droits, sans oublier nos devoirs bien entendu. Cependant, est-ce de la responsabilité de l'Etat de leur octroyer des moyens financiers supplémentaires ? Nous sommes partagés entre légitimité et conflit d'intérêts, c'est pourquoi notre groupe s'abstiendra. Merci.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Murat-Julian Alder pour quarante-cinq secondes.
M. Murat-Julian Alder (PLR). Je vous remercie, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, je crois qu'il faut juste prendre la mesure de la gravité du précédent que vous êtes en train de créer, parce que maintenant c'est le président du Cartel, mais ensuite, ce sera quels autres syndicalistes qui travaillent à l'Etat ? C'est parfaitement inacceptable ! Ces fonctions ne sont pas des fonctions officielles prévues par la constitution ou par la LOIDP, à savoir la loi sur l'organisation des institutions de droit public.
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Murat-Julian Alder. Il n'y a absolument aucune décharge qui se justifie en la matière, tout au plus c'est un projet de loi qu'il faudrait déposer en ce sens. Cette motion va beaucoup trop loin, elle serait de nature à créer de graves précédents, et selon le principe de responsabilité, je vous invite à la rejeter. (Applaudissements.)
M. Souheil Sayegh (LC). Chers collègues, j'aimerais rappeler que la paix du travail est l'ADN de la Suisse; c'est grâce à elle que nous pouvons tous travailler en paix, justement ! (Rires.) Il est compliqué d'être employeur et employé, on l'a vu ce soir avec les manifestations des enseignants présentes à la sortie du parlement. Nul besoin d'être déchargé pour s'exprimer librement, comme l'ont fait ces enseignants, puisque même sans décharge, les parents d'élèves ont reçu des courriers à leur domicile - comme quoi, même le bénévolat fait de l'effet !
A l'époque, il faut le rappeler, cette décharge était attribuée à l'intention d'une personne particulière. Elle avait ensuite été diminuée, puis augmentée à nouveau, mais elle avait avant tout été décidée spécifiquement pour une personne. Cette dernière n'étant plus là, la décharge, théoriquement, devrait être remise en question.
Enfin, rien ne prouve que la présence ou non de cette décharge permette au Cartel d'être plus en mesure de mener les négociations entre le Conseil d'Etat et les associations puisque ces négociations et la paix du travail sont, comme je l'ai dit en préambule, dans notre ADN. Supprimer cette décharge reviendrait à clairement signifier l'indépendance du Cartel. Notre parlement ne demande pas de décharge pour les élus qui ne sont pas fonctionnaires. Quant aux élus qui sont fonctionnaires, ils obtiennent déjà une forme d'allégement selon le service dans lequel ils travaillent pour qu'ils puissent siéger. Rien n'empêche le Grand Conseil, dans sa composition actuelle, de déposer un nouveau texte plus convaincant, qui puisse convenir à la majorité, ou de faire une telle proposition dans le cadre du projet de réévaluation de la fonction publique. Pour ces raisons, et d'autres encore, Le Centre vous propose de rejeter cette motion.
M. Lionel Dugerdil (UDC). Evidemment, pour le groupe UDC, le partenariat social est important et les collaborateurs de l'Etat doivent sentir que l'Etat employeur est bienveillant, mais les moyens financiers de l'Etat ainsi que le temps de travail de ses collaborateurs doivent servir les intérêts communs des administrés et pas autre chose. Pour cette raison, le groupe UDC s'opposera à cette motion.
La présidente. Merci. Je passe la parole à M. François Baertschi pour quatre minutes.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. Le choix est simple: faut-il parier sur le conflit ou parier sur le dialogue ? A notre sens, il est plus important de parier sur le dialogue, un dialogue compliqué étant donné qu'il ne s'agit pas d'un syndicat - comme on l'a dit -, mais d'un ensemble d'associations professionnelles: il n'y a pas que des syndicats, il y a également des structures de défense professionnelle dans des secteurs très particuliers. Cet ensemble, cette sorte de puzzle, forme un tout, s'il fallait faire des négociations de manière séparée avec chacune des structures, on imagine toute la complication de l'exercice. On pourrait s'amuser, si on souhaite entrer dans ce genre de système, en essayant d'imaginer ce que ça donnerait.
Il n'en reste pas moins que la charge de diriger un tel ensemble est conséquente. Certains se plaignent qu'il ne soit pas assez représentatif, mais pour qu'il soit plus représentatif, encore faut-il avoir des personnes qui puissent donner suffisamment de leur temps à cet exercice de coordination, qui est chronophage. Si on veut un travail et un dialogue de qualité, inévitablement, il faut mettre les moyens. Regardons la grandeur de tout le personnel concerné; cela démontre que les objectifs de cette motion sont finalement très modestes. Le choix est simple, si l'Etat veut un dialogue social de qualité, il doit soutenir le Cartel. C'est cet élément qui est véritablement important et c'est la raison pour laquelle nous vous demandons de soutenir la présente motion.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. J'aimerais tout d'abord dire qu'il est assez choquant d'entendre certains députés dans cette salle rigoler et ricaner au sujet de la fonction publique et d'un syndicat extrêmement important, notamment lorsqu'il s'agit de travailler avec le Conseil d'Etat. Cela dit, Mesdames et Messieurs les députés, il est effectivement primordial d'avoir un Cartel qui puisse assumer ses fonctions et de garantir un dialogue constructif avec l'Etat en donnant au Cartel les moyens dont il a besoin.
On parle quand même de trente mille fonctionnaires, extrêmement importants pour la république, et il est très souhaitable d'avoir, sur la base non pas d'une subvention, comme vous le prétendez, mais d'une décharge de temps - ce qui est tout à fait différent parce que ce n'est pas une subvention qui leur est accordée -, un dialogue constructif avec l'Etat pour pouvoir résoudre un certain nombre de problèmes avant que ceux-ci n'arrivent dans ce parlement.
La logique, comme dans le privé d'ailleurs, c'est que les syndicats et le patronat se mettent d'accord, et ensuite, arrivent au parlement les choses qui doivent encore être discutées. Malheureusement, ces derniers temps, nous traitons dans ce Conseil toute une série d'éléments qui n'ont même pas pu être discutés au niveau de l'Etat et de la fonction publique - c'est ça qui est grave.
Cela, Mesdames et Messieurs les députés, il y a dix ans ou quinze ans - comme vous le savez, je suis un ancien député -, ça n'existait pas, car il y avait un dialogue entre le Conseil d'Etat et la fonction publique beaucoup plus transparent, beaucoup plus lucide et bien meilleur que le dialogue actuel. Vous savez, il ne faut pas ricaner quand on propose une telle solution, parce que si cela vous semble ridicule, au-delà de cette proposition, cela comporte en réalité une importance capitale pour la stabilité de notre république et pour la fonction publique. Il est très important pour l'Etat de faire en sorte que la fonction publique puisse travailler dans des conditions adéquates et sans chocs constants. Merci, Mesdames et Messieurs les députés. (Applaudissements.)
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, j'entends ce que dit avec raison mon préopinant Alberto Velasco; il s'agit quand même d'un dossier pas simple, pas évident, pour lequel il y a des soucis de dialogue. Cela ne se fait pas toujours dans la plus grande des transparences. M. Sayegh, vous transmettrez, Madame la présidente, avait entièrement raison au sujet de la décharge: elle avait été octroyée à l'époque de manière provisoire à l'ancien président du Cartel - il faut quand même reconnaître les choses et dire la vérité. Cette motion pose d'énormes problèmes, il convient donc de la refuser.
Des voix. Renvoi en commission ! (Commentaires. Un instant s'écoule.)
La présidente. Allez-y, Monsieur le rapporteur. (Brouhaha.)
M. Christo Ivanov. C'est bon ? On peut...
La présidente. S'il vous plaît, un peu de silence ! Allez-y.
M. Christo Ivanov. Ecoutez, pour la paix des ménages, je demande le renvoi en commission. (Exclamations.)
La présidente. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Je passe la parole à M. François Baertschi.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. La motion a été déposée il y a déjà quelques années, nous avons eu droit à toutes les auditions nécessaires à l'époque, je pense qu'il n'y a donc pas de raison de la renvoyer en commission. Le choix est simple: on vote ou on ne vote pas une motion, qui n'est pas un projet de loi - je vous le rappelle - et qui n'a donc pas le même caractère obligatoire ni les mêmes contraintes législatives. Je suis d'avis que nous devons refuser le renvoi en commission et voter sur cet objet.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Comme l'a indiqué mon collègue, M. Baertschi, ce n'est pas un projet de loi, il s'agit d'une motion; si elle est acceptée, elle sera renvoyée au Conseil d'Etat et le magistrat ou la magistrate fera en sorte de négocier et de rétablir la situation dans laquelle une décharge est allouée pour la discussion. Il ne sert donc à rien de renvoyer cette motion en commission, il faut la voter et la renvoyer au Conseil d'Etat qui lui-même, ensuite, sera chargé de négocier avec la fonction publique. Merci.
La présidente. Je vous remercie. Nous procédons au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2575 à la commission sur le personnel de l'Etat est adopté par 49 oui contre 46 non.
Débat
La présidente. L'ordre du jour appelle le traitement de la M 2577-A. (Brouhaha.) S'il vous plaît ! Nous sommes en catégorie II, trente minutes... (Brouhaha.) Comme d'habitude, j'invite les personnes qui veulent discuter à sortir. Monsieur Blondin, Monsieur Dunand, Madame Fiss...? Est-ce qu'on peut continuer les travaux, s'il vous plaît ? Très bien, la parole va à M. André Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous voici de nouveau face à une motion qui propose un label. Cette fois-ci, il s'agit d'une certification visant à reconnaître et à valoriser les entreprises actives en matière d'inclusion. Pour être un peu plus précis, les invites du texte demandent au Conseil d'Etat d'abord, je le répète, de soutenir le principe d'un label permettant de reconnaître et de valoriser les entreprises actives en matière d'inclusion, puis de favoriser la création d'un dispositif cantonal, enfin de s'engager, en tant qu'Etat employeur, à figurer parmi les premières entreprises reconnues.
Comme c'était le cas tout à l'heure, il y a environ une demi-heure, une large majorité des commissaires vous propose...
La présidente. Excusez-moi, Monsieur Pfeffer, pouvez-vous juste tourner le micro vers vous ? On vous entendra mieux.
M. André Pfeffer. Mille excuses !
Une voix. Il faut recommencer. (Rires.)
M. André Pfeffer. Comme c'était le cas de la motion que vous avez eu le bon sens de refuser tout à l'heure, la majorité des commissaires vous propose de rejeter cet objet, pour les raisons suivantes.
Premièrement, le cadre légal existe déjà. Avec la révision de la loi sur l'égalité, les entreprises qui emploient plus de cent travailleurs doivent réaliser une analyse des salaires. Deuxièmement, est-il encore nécessaire de rappeler qu'il y a énormément de labels ? Troisièmement, un tel dispositif présente des avantages uniquement si les objectifs fixés sont évaluables; or ce critère n'est pas respecté dans la motion. Quatrièmement, il faut rappeler la situation actuelle: l'OCIRT exige le respect des conditions de travail, c'est-à-dire les conditions salariales qui découlent des conventions collectives ou des usages, alors que l'égalité hommes-femmes relève de la loi fédérale.
Bref, ce projet de label, comme celui que nous avons traité tout à l'heure, ne remplit pas ces conditions et engendrerait surtout une surcharge de travail administratif. Pour ces raisons, la majorité des commissaires vous recommande de rejeter le texte. Merci de votre attention.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion généralise les objectifs des deux autres qui avaient été déposées respectivement par Le Centre et le parti socialiste (nous avons discuté de la dernière précédemment): elle permet de mettre en oeuvre les intentions de la loi générale sur l'égalité et la lutte contre les discriminations (LED), mais évite l'ensemble des écueils relevés dans les autres textes. Le rapporteur de majorité s'est concentré sur le concept de label, mais ici, on parle d'un dispositif. Alors vous me direz que je joue sur les mots, mais un dispositif n'est pas forcément une certification.
Je vais encore énumérer certains avantages de cet objet ainsi que les obstacles qu'il évite. Tout d'abord, le texte a été élaboré d'entente avec les syndicats et les associations représentant les entreprises; il ne tombe donc pas de nulle part, il a été conçu avec les acteurs concernés.
Deuxièmement, il s'agit de n'introduire qu'un seul dispositif permettant de reconnaître et de valoriser les entreprises actives en matière d'inclusion, de promotion de la diversité et de prévention des discriminations. Ce critère était important pour les partenaires, notamment les associations représentant les entreprises, à savoir n'avoir qu'un seul label et pas une multiplication de certifications, comme le rapporteur de majorité l'a soutenu. Plus spécifiquement, ce dispositif peut concerner l'égalité hommes-femmes, l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, le racisme, l'antisémitisme ou tout type de discrimination basée sur des caractéristiques physiques ou religieuses, voire des situations de handicap.
La proposition de motion ne demande pas que l'Etat gère le dispositif - c'est l'un des écueils qui a été relevé: il n'y a pas de surcharge administrative, il n'est pas question que l'Etat gère cet outil, mais qu'il mette à disposition quelques ressources permettant de le placer sur de bons rails. En clair, nous ne visons pas une fonctionnarisation du dispositif.
Enfin, le texte permet d'attribuer divers niveaux de certification en fonction de la taille et du type d'entreprise; cela peut aller de simples mails de mise en éveil du personnel jusqu'à des modules de formation ou à des politiques RH plus volontaristes.
Mesdames et Messieurs, la Suisse et le canton de Genève sont loin d'être exemplaires en matière d'égalité et de non-discrimination; un certain nombre de chiffres sont détaillés dans mon rapport de minorité. Comme cela a été souligné tout à l'heure, malgré ce que prétend le rapporteur de majorité et en dépit de la législation existante, nous sommes loin des objectifs s'agissant de l'égalité et de la non-discrimination.
Cet objet table sur l'incitation et la valorisation plutôt que sur la répression. On nous dit toujours que nous privilégions la répression; ici, nous montrons que nous sommes en faveur de l'incitation et de la valorisation. Comme je l'ai signalé dans le cadre de la motion du parti socialiste que nous avons traitée tout à l'heure, un label constitue une bonne chose pour la promotion d'une entreprise. La motion a reçu le soutien de la CGAS, du BPEV ainsi que de Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet, qui a indiqué que «le Conseil d'Etat est favorable à cette motion et à cette démarche promotionnelle plus large comprenant différentes thématiques et qui les centralise». Je vous remercie dès lors de lui faire bon accueil.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je ne sais pas si vous avez vu ce film avec Bill Murray sorti en 1993 qui s'intitule «Un jour sans fin» ? C'est l'histoire d'un météorologue qui fait un reportage à Punxsutawney pour le jour de la marmotte et qui, chaque matin, se réveille et revit le même jour. Parfois, j'ai l'impression que c'est exactement ce qui se passe dans ce Grand Conseil: je revis toujours la même histoire avec André Pfeffer dans le rôle principal... (Rires.) ...et d'autres dans des rôles secondaires. Alors autant j'ai adoré ce film, Mesdames et Messieurs, autant je goûte un peu moins le sketch qui a lieu dans ce parlement. Merci. (Applaudissements.)
M. Jacques Béné (PLR). Oui, moi aussi, j'ai eu l'impression d'assister à «Un jour sans fin», mais j'ai trouvé que vous aviez un peu vieilli, Monsieur Wenger, puisque c'est M. Eckert qui vous a remplacé...
La présidente. Merci de vous adresser à la présidence !
M. Jacques Béné. ...mais je réalise maintenant que c'est M. Eckert qui se trouve à la table des rapporteurs, donc il ne s'agit pas tout à fait du même film !
Par contre, on parle bien du même sujet, soit de nouveau des certifications, et comme on l'a déjà souligné tout à l'heure, il n'est pas souhaitable de les multiplier. Il y a par ailleurs des discriminations pour lesquelles il sera impossible d'obtenir un label, car elles sont sanctionnées par des normes pénales, cela a été relevé.
En commission, on a parlé de délation, principe auquel nous sommes totalement opposés sans un cadre vraiment très précis. Ce texte sera donc très difficile à mettre en oeuvre sans que ça génère de dérapages incontrôlés. Les certifications - on l'a déjà signalé tout à l'heure, on aurait d'ailleurs dû traiter ce point avec la précédente motion - se multiplient partout et pour tout avec, en définitive, un risque d'illisibilité et de perte de légitimité.
Ce qu'il faut, Mesdames et Messieurs, c'est appliquer la loi: faisons appliquer la loi, ce sera déjà un énorme pas en avant pour l'inclusion - avec laquelle on est tous d'accord -, pour la diversité et pour la fin des discriminations, que nous appelons aussi de nos voeux. Un nouveau dispositif n'apportera strictement rien. Je vous invite à refuser cette motion.
M. Yves de Matteis (Ve). Depuis que cette proposition de motion a été traitée en commission, un événement d'importance s'est produit, même une première au niveau suisse selon le Conseil d'Etat et les médias: l'acceptation, puis l'entrée en vigueur, le 1er juillet dernier, de la LED et de la LED-Genre. Par le vote de tout à l'heure - le refus de deux projets de lois d'abrogation -, nous venons d'ailleurs de confirmer notre soutien à ces deux lois.
M. Béné dit: «Appliquons la loi.» Si on examine la LED, qui est actuellement en force, que lit-on au chapitre III, article 15, alinéa 3, lettre c ? Je cite: «A cette fin, l'Etat peut notamment encourager des formations du personnel et des labels.» Voilà la législation qui vaut actuellement. Cette ligne inscrite dans la loi générale pourrait donner à penser que la LED vise à encourager le développement d'un label, à tout le moins d'un dispositif, incluant la prévention de l'ensemble des discriminations, ce que demande très précisément le présent texte.
Un Etat ne peut pas délivrer de label, comme le soulignait M. Guinchard à raison, mais s'il sait bien lire, il constatera que dans la LED comme dans cette motion, il s'agit pour l'Etat d'encourager la mise sur pied d'une certification. Je répète: «A cette fin, l'Etat peut notamment encourager des formations du personnel et des labels.» Cela figure dans la LED.
Si vraiment ce parlement est contre le principe de tout label, pourquoi n'y a-t-il eu aucune proposition d'amendement, ni en commission ni en plénière, pour supprimer cette mention dans la LED ? Où étaient les personnes qui se sont exprimées ce soir contre le principe d'une certification ? Pour éviter un magnifique autogoal - car un vote négatif de cette motion serait en contradiction totale avec les termes même de la LED -, je demande le renvoi en commission. Merci, Madame la présidente. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Sur la demande de renvoi en commission, je cède la parole aux rapporteurs et au Conseil d'Etat s'ils la sollicitent. Monsieur Eckert ?
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Oui, merci, Madame la présidente. Je pense qu'on pourrait effectivement définir la façon précise de mettre en place ce dispositif. Une fois de plus, il s'agit d'une motion, on demande au Conseil d'Etat de faire quelque chose. On pourrait apporter quelques précisions, expliquer la différence entre les motions respectivement du parti socialiste et du Centre avec celle-ci - j'ai indiqué qu'elle se distinguait des deux autres textes. Il y a passablement de nuances, plusieurs écueils sont évités dans cet objet. Si vous voulez qu'on élabore tout cela de façon plus circonstanciée, Mesdames et Messieurs, j'accepte très volontiers le renvoi en commission.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Quant à moi, Mesdames et Messieurs, je vous propose de refuser le renvoi en commission. Cette motion date de 2019, elle a été largement traitée, tout comme de très nombreuses motions du même genre, donc je pense que ce n'est vraiment pas utile de la renvoyer en commission. Merci.
La présidente. Merci bien. J'ouvre la procédure de vote sur la proposition de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2577 à la commission de l'économie est rejeté par 57 non contre 28 oui.
La présidente. Nous continuons le débat, et la parole échoit à M. Yves Nidegger.
M. Yves Nidegger (UDC). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, la lecture de la LRGC nous apprend une chose fort oubliée, à savoir qu'une motion invite le Conseil d'Etat à intervenir dans un domaine où il peut agir par l'adoption d'une loi ou d'un arrêté. M. de Matteis vient de rappeler à juste titre qu'il existe déjà la LED. Le Conseil d'Etat a anticipé cette motion qui date de 2019, soit de bien avant l'adoption de la LED - qu'à mon grand dam vous n'avez pas voulu enterrer -, et celle-ci existe par conséquent, déploie ses effets et rend le présent texte totalement inutile.
Si on insiste pour qu'il soit donné suite à cette motion parfaitement vaine, c'est parce qu'aujourd'hui, l'inclusion est un catéchisme aux mains d'une poignée d'idéologues militants, généralement hypersensibles et allergiques à toute contradiction, que l'on voudrait charger par cet objet de déterminer des labels qui serviraient de critères d'adjudication des marchés. En d'autres termes, c'est le retour de l'Union soviétique avec son cortège de catastrophes sociales, économiques et écologiques, le tout imposé par des goulags à des citoyens qui n'en veulent pas. Je vous invite à nous éviter ce cauchemar supplémentaire et à ne pas entrer en matière sur cette motion en ne lui donnant aucune suite.
M. Djawed Sangdel (LJS). Chers collègues, nous sommes tous en faveur des labels, mais il en existe déjà de multiples. Dans le domaine éducatif, par exemple, certaines entités sont accréditées par l'Etat, on encourage les institutions éducatives et les entreprises à instaurer une certaine égalité pour avoir une balance entre les femmes et les hommes.
Maintenant, si on crée un label, quel sera le mécanisme de contrôle, comment l'Etat va-t-il surveiller ces institutions ou ces entreprises, vérifier si elles respectent les normes ? Un énorme investissement financier sera nécessaire pour les contrôler.
En ce qui concerne les discriminations, bien évidemment que le groupe LJS souhaite qu'elles disparaissent, mais la loi existe déjà, il suffit de la faire appliquer ! Il y a déjà plusieurs lois contre la discrimination au niveau cantonal ainsi que fédéral.
Si nous voulons créer un nouveau dispositif, ça compliquera les tâches de l'Etat et des départements concernés, celui-ci ne pourra pas se concentrer sur son vrai devoir qui est de faire respecter la loi, ça complexifiera le travail de l'administration publique. Le groupe LJS vous invite à ne pas entrer en matière sur ce texte qui compliquera les tâches de l'administration et des entreprises. Je vous remercie de votre attention.
La présidente. Merci. La parole retourne au rapporteur de minorité pour une minute.
M. André Pfeffer. Merci, Madame la présidente...
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Tu n'es pas la minorité !
La présidente. Le rapporteur de minorité est M. Eckert, si jamais.
M. Pierre Eckert. C'est moi la minorité, merci ! (L'orateur rit.)
Une voix. C'est l'habitude !
M. André Pfeffer. J'ai cru que c'était moi.
La présidente. Allez-y, Monsieur Eckert.
M. Pierre Eckert. C'est parti: tout d'abord, on dit qu'il existe la LED, mais comme je l'ai relevé tout à l'heure, la LED fixe un principe, une possibilité, c'est sous une forme potestative. Ici, on demande quelque chose de façon plus précise, ce n'est plus potestatif, on souhaite mettre en place un dispositif. Voilà la première chose.
J'ai entendu tout à l'heure parler d'adjudications; bien entendu, ce dispositif ne concerne pas que des adjudications de services de l'Etat ou de communes, ça peut concerner n'importe quel privé qui fait appel à une entreprise et qui peut être intéressé de savoir que la compagnie de plomberie - ou de ce dont il a besoin - respecte un certain nombre de critères, c'est important.
LJS n'a pas non plus compris que le dispositif ne sera pas géré par l'Etat. Je ne résiste pas à l'envie de vous lire ce qui a été indiqué par un député socialiste en commission: «Il trouve étonnant qu'une partie de la droite, le PLR notamment, ne veuille pas de réglementation contraignante, mais quand quelque chose de non contraignant est proposé, elle n'en veuille pas non plus.» Je vous remercie.
La présidente. Merci. Je rends la parole à M. André Pfeffer pour une minute quarante.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Je voulais simplement ajouter que l'avis de M. Wenger est largement partagé: toutes ces propositions pour des labels qui ne sont que des reprises de ce qui existe déjà dans la loi ou des mesures absolument impossibles à évaluer représentent effectivement un long feuilleton sans fin. Encore une fois, Mesdames et Messieurs, la majorité des commissaires vous invite à la sagesse et donc à refuser cette motion. Merci de votre attention.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat est favorable à des mesures qui visent à promouvoir l'égalité et encouragent les entreprises à se saisir de cette question. L'expérience a montré que des actions volontaires de la part des sociétés demeurent généralement les plus efficaces pour amener un changement optimal au sein de celles-ci. Sur le principe, le Conseil d'Etat est dès lors en faveur d'un label, mais comme cela a déjà été mentionné, celui-ci ne devrait être ni développé ni porté directement par l'Etat, mais géré par un organisme ou des associations spécialisées en utilisant ce qui existe déjà.
Par ailleurs, le Conseil d'Etat estime que la certification devrait prendre en compte la diversité des réalités des entreprises pour ne pas péjorer les plus petites, qui disposent souvent de moins de moyens pour entreprendre de telles démarches. Il s'agit également de faire attention à différencier les bonnes pratiques promotionnelles des obligations légales auxquelles nul ne peut se soustraire.
Or c'est précisément le sens des invites de la motion qui fait l'objet de votre examen actuel: il est question d'encourager un label qui s'inscrive dans le cadre de la LED en visant l'inclusion, la promotion, la diversité, la prévention des discriminations au sens large. Dans ce contexte, le Conseil d'Etat pense que cet objet évite le biais qui serait d'avoir un label pour chaque thématique. Cela représente un vrai enjeu et, partant, le Conseil d'Etat vous encourage à adopter cette motion.
La présidente. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de voter.
Mise aux voix, la proposition de motion 2577 est rejetée par 61 non contre 28 oui (vote nominal).
Débat
La présidente. Nous abordons notre dernier point de la soirée: la M 2633-B, classée en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à Mme Xhevrie Osmani, qui reprend le rapport de Mme Amanda Gavilanes.
Mme Xhevrie Osmani (S), rapporteuse ad interim. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, la proposition de motion 2633 a été renvoyée unanimement en commission par la plénière en avril 2022 sur demande du Conseil d'Etat afin qu'elle soit mise en perspective avec les résultats de l'enquête sur le télétravail contenue dans le RD 1405, qui n'avaient pas été présentés. L'étude s'intitule «Télétravail à l'Etat de Genève durant le semi-confinement du printemps 2020 - Bilan et perspectives» et se trouve en annexe du RD; elle a été réalisée à l'automne 2020 par un petit groupe interdépartemental avec des représentants de l'OCSIN, de l'office du personnel de l'Etat, de l'office cantonal des bâtiments et du secrétariat général du DF.
Concrètement, ce rapport consiste d'une part en des entretiens menés avec tous les secrétaires généraux et les directions départementales, d'autre part en un sondage auprès du personnel. Le taux de participation s'est élevé à 38%. L'enquête prend uniquement en compte le personnel administratif et technique, les enseignants n'étant pas concernés par les questions de télétravail. Il s'agissait de connaître la situation avant le confinement, l'expérience du travail à distance vécue pendant le semi-confinement et les aspirations des membres du personnel pour l'avenir dans la perspective d'un retour à la normale.
Dans les tendances générales - je ne vais pas présenter l'ensemble des résultats -, 79% des répondants relevaient une même motivation et efficacité au bureau comme en télétravail, avec tout de même un biais de sélection lié au fait que les personnes ayant apprécié le télétravail ont certainement été plus nombreuses à participer au questionnaire que les autres... (Brouhaha.)
La présidente. Excusez-moi un instant. Puis-je demander au groupe UDC encore un petit peu d'attention ? Nous avons bientôt terminé. (Commentaires.) Non, le vice-président est en train d'essayer de vous faire faire moins de bruit. Reprenez, Madame Osmani.
Mme Xhevrie Osmani. Merci, Madame la présidente. Il y a eu des affirmations moins positives: le télétravail a été sollicitant pour certaines collaboratrices et certains collaborateurs qui ont ressenti un cloisonnement social. A cette époque, 100% de l'activité se faisait à distance, ce qui est exceptionnel, donc il faut relativiser les résultats. Un tiers des gens ont estimé que la qualité de leur travail avait souffert de ces circonstances, 30% ont dit avoir subi de l'isolement professionnel. Dans le même sens, 34% des responsables ont trouvé difficile de mobiliser l'énergie nécessaire pour soutenir les équipes à distance.
Il a fallu identifier les obstacles afin d'élaborer les futures règles en matière de télétravail au sein de l'Etat. Sur la base de ces travaux, un nouveau règlement permet de mieux cadrer le télétravail, en particulier les conditions dans lesquelles il est possible ainsi que les mesures de protection des membres du personnel en matière de santé.
Pour rappel, le télétravail constitue une possibilité et non un droit; les modalités doivent être discutées en équipe et avec la hiérarchie et faire l'objet d'un accord entre le membre du personnel et la hiérarchie. Il ne peut donc pas être exigé d'un collaborateur - sauf situation particulière - qu'il fasse du télétravail. Il est possible de télétravailler à hauteur de 40% de son taux d'activité pour autant que les prestations puissent être exécutées à distance.
Nous retenons ces chiffres: au 14 novembre 2022, 1885 personnes ont signé un accord écrit avec leur hiérarchie, soit 20% des membres du personnel éligibles au télétravail, le total des effectifs étant de 9942 personnes, à l'exception du corps enseignant. A l'époque où nous avons traité cette proposition de motion, nous savions que les accords covid liés notamment au télétravail des frontaliers ou des employés de l'Etat résidant à l'étranger étaient voués à être renégociés, voire modifiés, et cela a été le cas en 2023, en particulier pour ce qui est du prélèvement de l'imposition et de l'assujettissement aux assurances sociales.
C'est la raison pour laquelle la commission a décidé de voter cet objet sollicitant un rapport sur la base des mêmes invites que celles qui figuraient dans le rapport -A et auxquelles le département a répondu à la lumière des éléments dont il disposait en 2022, lesquels auraient pu évoluer depuis lors. Nous demandons au Conseil d'Etat de répondre à une nouvelle invite, fruit d'un amendement élaboré en commission, à savoir d'indiquer précisément quelles sont les limitations au télétravail à l'étranger. Merci.
M. Thierry Oppikofer (PLR). Je serai très bref en raison de l'heure tardive. Je voudrais juste signaler, s'agissant de cette proposition de motion dont on nous a rappelé le contenu, qu'il faut se replacer dans le contexte: elle a été déposée en avril 2020, en pleine pandémie, et il semblait alors tout à fait logique de dresser un tableau aussi précis que possible du télétravail à l'Etat avec un premier bilan.
On a exposé le traitement par la commission, les auditions, les deux renvois en commission, puis il y a eu une séance le 18 novembre 2022 avec l'audition de Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet, qui a fourni toutes les réponses demandées et actualisées; nous avons reçu l'étude exhaustive, nous avons le rapport.
On découvre aussi, maintenant que le covid s'éloigne heureusement, que le télétravail n'est finalement pas la panacée, ni en termes écologiques, ni en termes d'intelligence de groupe. Le PLR estime que prendre du temps à l'administration et faire répéter au Conseil d'Etat ce qu'il a déjà dit et écrit et qui est disponible sur internet est tout à fait inutile. Dans les rapports, on a évoqué un signal ou un geste politique fort; je crois plutôt qu'il s'agirait d'une gesticulation superflue. Le groupe PLR refusera cette motion qui a fait son temps et vous propose de faire de même. Merci.
M. Souheil Sayegh (LC). Chers collègues, je serai également très bref. Pour rappel, en mars 2020, nous étions tous confinés derrière nos écrans, mais surtout derrière nos masques. Puis, l'activité politique a repris, surtout à la maison, et un peu comme les statistiques qu'a évoquées la rapporteuse, 79% d'entre nous n'étions pas forcément insatisfaits de ces nouvelles conditions de travail. Le télétravail suscite aussi des réserves, comme l'ont mis en avant les différents rapports établis suite aux allers-retours entre la plénière et la commission.
Cette proposition de motion n'est pas si catastrophique, elle invite simplement le Conseil d'Etat à rendre un rapport détaillé sur le fonctionnement de la période de télétravail pour qu'on s'en souvienne, pour qu'il en reste une trace, pour que, dans le cas d'une éventuelle prochaine pandémie, on puisse apprendre de nos erreurs ou répéter les bonnes choses. Pour ces raisons qui ne sont pas particulièrement contraignantes - il ne s'agit, je vous le rappelle, que d'une motion -, Le Centre ainsi que la majorité du parlement vous recommandent de donner une suite favorable à ce texte. Je vous remercie. (Commentaires.)
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons tous envie de rentrer. Je rappellerai simplement que le Conseil d'Etat vous a remis l'ensemble des éléments, lesquels ont été joints à son rapport. Nous avons mené une analyse, tiré le bilan, répondu à toutes les questions soulevées par cette proposition de motion. Alors je veux bien que vous nous la renvoyiez, mais je ne vois pas tellement ce que nous pourrons faire de plus, sauf vous remettre le rapport qui a déjà été transmis à la commission. Partant et au vu de nos réponses, je préconise que cet objet soit plutôt refusé. Merci.
Mme Patricia Bidaux (LC). Je vais prendre la parole en tant qu'auteure - ou autrice, mais c'est affreux de dire «autrice», donc je vais continuer avec «auteure» - de la proposition de motion: je la retire, Mesdames et Messieurs, merci ! (Exclamations. Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Il est pris acte de ce retrait, le point est clos.
La proposition de motion 2633 est retirée par ses auteurs.
La présidente. Mesdames et Messieurs, je vous souhaite un bon retour dans vos foyers ou une bonne soirée ! Nous nous revoyons demain à 14h.
La séance est levée à 22h45.