République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 13017-A
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'enfance et la jeunesse (LEJ) (J 6 01)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 26, 27 janvier, 2 et 3 février 2023.
Rapport de M. Cyril Mizrahi (S)

Premier débat

La présidente. Voici le point suivant: le PL 13017-A. Le rapport est de M. Cyril Mizrahi, à qui je cède la parole.

M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, chers collègues, j'estime qu'il est nécessaire de dire quelques mots, si ma voix me le permet, à propos de cet important rapport. Le projet de loi concerné porte sur un meilleur cadrage de la clause péril.

La commission des droits de la personne s'est intéressée durant plusieurs années au système de protection de l'enfance sous l'angle des droits fondamentaux. Il s'agit de garantir un équilibre entre la protection des mineurs et celle du droit au respect de la vie familiale; en d'autres termes, nous devons faire en sorte que des enfants ne soient pas retirés à leurs parents à mauvais escient. De ces travaux de commission est issue la motion 2671 qui formule un certain nombre de points à améliorer dans ce dispositif, notamment la clause péril.

Pour rappel, la clause péril permet d'enlever un enfant à sa famille sans même entendre les parents lorsqu'il y a péril en la demeure; le mineur est éloigné de son foyer jusqu'à ce qu'un juge se prononce, et c'est de cela que nous allons parler brièvement maintenant. La commission souhaitait que le juge doive se prononcer dans un délai de 72 heures après avoir entendu les parties.

Le Conseil d'Etat a déposé le projet de loi 13017 qui est un tout petit peu plus modeste, puisqu'il prévoit que la compétence de statuer sur les clauses péril passe du département au tribunal et que la transmission, dans les cas où il y a vraiment urgence et que le tribunal ne peut pas se prononcer, se fasse dans un délai de deux jours. Les commissaires ont durci cette proposition de manière assez conséquente afin de renforcer la protection des justiciables et les droits procéduraux, s'agissant d'une atteinte tout de même très grave - même si elle est sans doute justifiée dans certaines situations - au droit au respect de la vie familiale.

Nous avons pris connaissance du rapport du Conseil d'Etat RD 1367, qui a malheureusement confirmé nos craintes, puisqu'il indique que la validation des mesures de clauses péril a lieu au plus tôt dans un délai de huit jours et au plus tard dans un délai de 131 jours après le prononcé de la décision; cela signifie que dans cet intervalle, l'enfant est toujours retiré à sa famille. La durée moyenne pour statuer sur la clause péril était de 49 jours entre les années 2017 et 2019.

Or la doctrine préconise - cela ressort aussi de mon rapport - entre cinq et vingt jours pour valider une clause péril. Face à cela, la commission a suggéré un délai de trente jours, délai qui s'appliquerait également si c'est le tribunal qui prononce la clause péril - évidemment, cela n'aurait pas de sens qu'il s'applique uniquement au département.

L'autre élément que nous avons ancré, c'est le droit d'être entendu ou plus précisément qu'on donne aux parties l'occasion de s'exprimer avant que la décision de validation soit rendue. A cet égard, je dois vous dire deux mots sur l'amendement technique que nous avons déposé. La commission a décidé d'adopter l'expression «après avoir donné aux parties l'occasion de s'exprimer» - cela figure à l'article 78B - alors que dans une autre disposition et à un stade antérieur du débat, elle avait retenu «après avoir entendu les parties».

La deuxième formulation, soit «après avoir donné aux parties l'occasion de s'exprimer», nous a paru moins contraignante, mais nous avons oublié de corriger la première occurrence. C'est pourquoi nous présentons cet amendement qui vise à employer partout la même terminologie; il s'agit donc d'un amendement technique dont je vous recommande l'approbation. J'en ai terminé et je vous remercie beaucoup de votre attention.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Monsieur Diego Esteban, vous avez une minute seize.

M. Diego Esteban (S). Je n'en aurai pas besoin de davantage, Madame la présidente de séance. Juste un mot pour me plaindre de la manière dont le Pouvoir judiciaire collabore avec le Grand Conseil dans les dossiers d'organisation judiciaire. Dans le domaine de la protection de l'enfance, bien que certaines affaires n'arrivent pas devant les tribunaux - et c'est naturellement une bonne chose -, la partie qui se déroule devant la justice est indissociable du reste de la procédure.

Or dans ce cas comme dans d'autres - j'ai été membre de la commission judiciaire pendant plusieurs années, et ce n'est pas une histoire nouvelle -, combien de temps n'avons-nous pas perdu entre les rappels pour obtenir une détermination du Pouvoir judiciaire, les propositions d'amendements, les auditions agendées à deux mois plus tard... Tout cela pour finalement réussir à trouver un compromis, une solution entre deux qu'on aurait pu obtenir dès le début.

Alors je comprends la position du Conseil d'Etat qui consiste à respecter la séparation des pouvoirs et à déposer des projets qui ne sont que concertés avec le Pouvoir judiciaire; c'est ensuite à nous de prendre nos responsabilités, mais je pense que le Pouvoir judiciaire gagnerait à entrer dans la discussion avant la dernière seconde. Je vous remercie.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Merci, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à ce projet de loi, et merci aux commissaires d'avoir bien travaillé sur ce sujet, en particulier au rapporteur d'avoir rédigé un rapport extrêmement complet. Je ne vais pas revenir sur les éléments juridiques et légaux, car ils ont été très bien expliqués par le rapporteur.

J'aimerais simplement indiquer que ce projet de loi, déposé par le Conseil d'Etat avec l'accord du Pouvoir judiciaire, donc sans doute trop modeste à vos yeux - mais au nom de la séparation des pouvoirs, il fallait aller dans ce sens -, s'inscrit dans le programme HARPEJ (harmonisation de la protection de l'enfance et de la jeunesse), qui constitue l'un des grands projets de législature du Conseil d'Etat et à propos duquel nous allons vous soumettre, d'ici quelques semaines, un rapport divers; une présentation à la commission des Droits de l'Homme est également prévue mi-février pour exposer ses avancées.

Je rappelle que ce projet s'articule autour de quatre axes. Tout d'abord, il y a la question de la séparation parentale. Vous savez que très souvent, dans les affaires en lien avec le placement des mineurs, nous sommes face à des enfants dont les parents se disputent la garde; l'enfant devient l'enjeu de la séparation, et cela ne va pas.

Ainsi, et j'établis un parallèle avec le projet de loi sur la médiation que vous avez adopté tout à l'heure, il est nécessaire de revoir les pratiques des tribunaux en amont, de considérer les parents comme des adultes responsables, de les mettre immédiatement devant leurs responsabilités au moment d'une séparation - qu'il y ait mariage ou pas, d'ailleurs - et de nous diriger vers un modèle qui soit davantage empreint de consensus. D'ici quelques semaines, nous devrions lancer des projets pilotes à cet égard, mais cela ne dépend pas uniquement du département - vous l'avez souligné, Monsieur Esteban -, le Pouvoir judiciaire est également impliqué. Quoi qu'il en soit, sachez que le TPAE est tout à fait partant dans ce domaine.

Le deuxième volet est en relation avec le texte sur lequel vous vous prononcez maintenant, à savoir la question de l'enfant en danger. Comment évalue-t-on les situations, quels critères définissent qu'un mineur est menacé ? Si, après une étude sérieuse, on estime qu'il faut placer un enfant, il est important, notamment en cas de clause péril, de ne pas tarder à prononcer une décision judiciaire qui confirme - ou infirme - la décision prise par les services. C'est dans cette démarche que s'inscrit ce projet de loi.

Troisièmement, il y a l'amélioration de l'offre de prestations, notamment les mesures ambulatoires de type action éducative en milieu ouvert, les foyers axés parents/enfants, en particulier mères/enfants. Il s'agit précisément d'éviter une séparation et le retrait des mineurs à leurs parents.

Enfin, le dernier axe a trait aux missions et à la gouvernance du SPMi, qu'il convient de revoir; nous avançons également sur ce point. Dès lors, je vous remercie d'accepter le présent projet de loi. Il s'agit d'une première pierre, et nous parviendrons très rapidement à construire non pas l'ensemble de l'édifice, mais une maison nettement plus solide. Merci de votre attention.

La présidente. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de vous prononcer sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 13017 est adopté en premier débat par 68 oui (unanimité des votants).

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement présenté par la commission:

«Art. 27, al. 5 (nouvelle teneur)

5 Il rend ensuite, dans un délai de 30 jours, une décision sujette à recours, après avoir donné aux parties l'occasion de s'exprimer.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 63 oui (unanimité des votants).

Mis aux voix, l'art. 27 (nouvelle teneur) ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que les art. 2 et 3 (soulignés).

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 13017 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 68 oui (unanimité des votants).

Loi 13017