République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 10 décembre 2021 à 14h
2e législature - 4e année - 6e session - 37e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 14h, sous la présidence de M. Diego Esteban, président.
Assistent à la séance: MM. Mauro Poggia et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat, Anne Emery-Torracinta, Nathalie Fontanet, Thierry Apothéloz et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Ruth Bänziger, Jennifer Conti, Adrien Genecand, Fabienne Monbaron, Patrick Saudan, Pierre Vanek, Salika Wenger et Yvan Zweifel, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Glenna Baillon-Lopez, Patrick Malek-Asghar, Aude Martenot, Corinne Müller Sontag, Françoise Nyffeler, Helena Rigotti et Pascal Uehlinger.
Annonces et dépôts
Néant.
Questions écrites urgentes
Le président. Vous avez reçu par messagerie les questions écrites urgentes suivantes:
Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Etre haut fonctionnaire et être élu : est-ce acceptable ? (QUE-1650)
Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Où est l'égalité de traitement dans la fonction publique ? (QUE-1651)
Question écrite urgente de Mme Ana Roch : Responsable du pôle sport, jusqu'à quand et pour combien ? (QUE-1652)
Question écrite urgente de Mme Ana Roch : Allô, tu as l'annuaire et il n'est pas à jour, mais allô quoi ? (QUE-1653)
Question écrite urgente de Mme Ana Roch : Conseillère culturelle, mise au concours ? (QUE-1654)
Question écrite urgente de Mme Ana Roch : Sur quel budget ? (QUE-1655)
Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Venue d'Eric Zemmour à Genève le 24 novembre : quel coût pour la collectivité ? (QUE-1656)
Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Plan climat. 2030, c'est demain : comment le Conseil d'Etat compte-t-il réduire les déplacements en TIM de 40% ? (QUE-1657)
Question écrite urgente de M. Charles Selleger : Rentes de conseillers d'Etat (QUE-1658)
Question écrite urgente de M. Charles Selleger : Prévalence de la vaccination parmi les employés du petit et du grand Etat (QUE-1659)
Question écrite urgente de M. André Pfeffer : Favoriser la délation : une nouvelle politique du Conseil d'Etat ? (QUE-1660)
Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : 2021, année record de décès sur les routes. Hasard ou fatalisme ? (QUE-1661)
Question écrite urgente de M. Pierre Eckert : Vols de vélos, victimes de leur succès ? (QUE-1662)
Question écrite urgente de M. Murat-Julian Alder : L'Etat fait-il respecter ses propres directives en matière de communication inclusive ? (QUE-1663)
Question écrite urgente de M. Pierre Eckert : Administration municipale de Versoix : des alertes sans suite ? (QUE-1664)
Question écrite urgente de M. Patrick Dimier : Y a-t-il toujours un pilote dans l'avion ? (QUE-1665)
Question écrite urgente de M. Patrick Dimier : Les assises tiennent-elles encore debout ? (QUE-1666)
Question écrite urgente de Mme Marjorie de Chastonay : Demande relative à la volonté annoncée par le Conseil d'Etat de supprimer la prime gériatrie à l'engagement des nouvelles collaboratrices et collaborateurs des HUG (QUE-1667)
Question écrite urgente de Mme Marjorie de Chastonay : Question concernant le respect de l'avis de droit défini à la suite de l'étude de l'Université de Fribourg concernant la mise en service de la 5G (QUE-1668)
QUE 1650 QUE 1651 QUE 1652 QUE 1653 QUE 1654 QUE 1655 QUE 1656 QUE 1657 QUE 1658 QUE 1659 QUE 1660 QUE 1661 QUE 1662 QUE 1663 QUE 1664 QUE 1665 QUE 1666 QUE 1667 QUE 1668
Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Questions écrites
Le président. Vous avez également reçu par messagerie les questions écrites suivantes:
Question écrite de M. Boris Calame : Pour une meilleure accessibilité aux données concernant les commissions officielles (rapports, compositions et membres) (Q-3882)
Question écrite de M. Boris Calame : Masques de protection : quelle stratégie d'autonomie est développée au sein du grand Etat ? (Q-3883)
Le président. Ces questions écrites sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Annonce: Séance du vendredi 12 novembre 2021 à 16h05
Cette question écrite urgente est close.
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Le président. Mesdames et Messieurs, en accord avec l'auteur, le Conseil d'Etat nous informe que la réponse à la QUE 1643 sera déposée lors de la session des 27 et 28 janvier 2022.
Annonce: Séance du vendredi 12 novembre 2021 à 16h05
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Suite du premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons notre débat sur les PL 12862-A et PL 12881-A. La parole revient à M. Sébastien Desfayes.
M. Sébastien Desfayes (PDC). Oui, merci, Monsieur le président. Il s'agit d'un sujet délicat et très émotionnel, il est donc d'autant plus important de revenir au droit, de se référer aux faits, tout en parlant évidemment avec son coeur. Ce qu'il faut souligner, c'est que le PL 12881 n'interdit pas la mendicité, il vise simplement à la réglementer et à l'empêcher lorsqu'elle est abusive.
On a entendu plusieurs personnes évoquer l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme; j'invite tout le monde ici à le lire, voire à le relire, pour mieux le comprendre. Cet arrêt indique certes qu'il est interdit d'interdire la mendicité, mais aussi qu'il est possible de légiférer à son sujet. Il pose des cautèles strictes tout en laissant certaines ouvertures au législateur. Voici ce qu'il dispose en substance: il est possible de proscrire la mendicité quand elle trouble l'ordre public, quand elle est agressive, quand elle a lieu dans certains endroits, quand son exercice est en contradiction avec d'autres libertés individuelles, à commencer par la liberté du commerce et de l'industrie, quand elle est organisée par des réseaux qui exploitent des personnes vulnérables.
Ce deuxième projet de loi s'inscrit dans ce contexte, c'est-à-dire qu'il consiste à prohiber la mendicité lorsqu'elle est abusive, agressive, le résultat de l'oppression d'individus fragiles, etc. Dans le cadre de certaines déclarations, on a entendu les gens s'en émouvoir, mais il faut faire attention à ne pas manifester une fausse bienveillance qui pourrait se transformer en vraie lâcheté.
J'aime à me souvenir des propos tenus en 2015 au Grand Conseil par Anne Marie von Arx-Vernon, propos qui ont été cités ce matin par Murat-Julian Alder. Mme von Arx a consacré une grande partie de sa vie à défendre les personnes vulnérables, à lutter contre la traite des êtres humains, et elle n'était pas dupe quant à une certaine forme de mendicité telle que pratiquée à Genève, à savoir que des gens - des mineurs, des individus vulnérables, des femmes - sont amenés en bus, on leur confisque leur passeport, on les force à mendier et à voler, puis le produit de ce butin va à deux ou trois parrains, à quelques chefs de clan.
Autoriser ce système n'est pas ma vision de la compassion. Si nous voulons nous montrer responsables, nous devons bannir ce type de procédé, nous devons permettre aux autorités de punir ceux qui exploitent la détresse d'autrui, ceux qui se livrent à la traite des êtres humains.
Encore un point, mais qui est important. On nous a reproché de ne pas vouloir voir la pauvreté; bien entendu, nous sommes conscients des situations de précarité, mais il se trouve que le canton de Genève dispose d'un système social dont le but est précisément de venir en aide aux plus démunis, de leur fournir un logement. Par conséquent, nous soutiendrons ce deuxième projet de loi, le PL 12881. Merci.
M. Marc Falquet (UDC). Bon, en ce qui me concerne, Mesdames et Messieurs, je ne vais certainement pas victimiser les mendiants en bande organisée et culpabiliser les Genevois ! Une société équilibrée fonctionne en général par l'échange: chacun apporte sa contribution, que ce soit par le travail, par un effort, par une prestation. En contrepartie, les gens reçoivent de la reconnaissance, de l'argent, un salaire. Avec la mendicité organisée, ça se passe autrement. Quel échange y a-t-il finalement ? Eh bien il n'y en a aucun: aucun échange, aucune prestation.
On voit les mendiants dans la rue avec leur panneau «J'ai faim», mais que font-ils pour se nourrir ? Lorsque vous leur donnez quelque chose à manger, ils s'en débarrassent immédiatement. Ils ne font aucun effort pour gagner leur vie ! Normalement, on perçoit de l'argent par le travail, et je crois que si quelqu'un souhaite réellement travailler, il peut trouver un emploi, il peut subvenir à ses besoins, que ce soit dans son pays d'origine ou ici. Il existe tellement de possibilités de gagner sa vie honnêtement que je n'arrive pas à croire qu'on puisse faire ça. Ce n'est pas gagner sa vie, c'est extorquer de l'argent de manière déguisée.
La mendicité emploie des méthodes déloyales qui permettent d'escroquer les citoyens sans même qu'ils en soient conscients. C'est très intéressant, les personnes ne se rendent pas compte qu'elles font l'objet d'une extorsion: elles donnent de l'argent en pensant accomplir une bonne action alors qu'elles favorisent en réalité des bandes de criminels organisées.
Soutenir la mendicité, Mesdames et Messieurs, c'est soutenir le désordre, voilà pourquoi il y a une loi. C'est également soutenir la loi du moindre effort et cautionner la malhonnêteté, c'est contribuer à développer la criminalité et à enrichir des groupes mafieux. Mais surtout, c'est maintenir les mendiants dans leur condition, parce que quand vous leur donnez des sous, vous ne les aidez pas à sortir de leur situation. Au final, ce n'est pas du tout dans leur intérêt, ce n'est pas un service qu'on leur rend.
Depuis février 2021, on fait l'expérience de ce que propose le groupe Ensemble à Gauche et on observe déjà les résultats de l'absence de législation concernant la mendicité, c'est-à-dire que les victimes ne sont pas les mendiants, mais bien les Genevois. En commission, on nous a expliqué que le dimanche, sur les marchés, 150 mendiants sont amenés le matin et repartent le soir en minibus, 150 mendiants qui harcèlent les passants, qui font peur aux personnes âgées, qui intimident les mamans, qui effraient les personnes les plus précaires. Ce sont des gens qui extorquent la population, ce sont des bandes de criminels organisées... (Commentaires.) C'est la vérité, il ne faut pas se voiler la face, il ne faut pas feindre de prendre leur défense.
Je serais curieux de savoir qui a déjà discuté avec eux; moi, je l'ai fait. Qui dans cette salle a déjà parlé avec des mendiants, qui leur a demandé pourquoi ils font l'aumône ? Posez-moi la question ! Je leur ai demandé pour quelle raison ils ne travaillaient pas, et on m'a dit: «Je ne veux pas m'abaisser à travailler», voilà ce qu'on m'a répondu.
Il y a une grande attente de la part des citoyens genevois qui veulent que les autorités remettent de l'ordre dans ce petchi, notamment parce que cela engendre des problèmes annexes de salubrité publique qui sont inadmissibles dans une ville internationale comme Genève. L'UDC vous recommande de voter le PL 12881 ainsi que tous les amendements qui vous seront proposés afin que la justice et la police puissent enfin faire à nouveau leur travail. Merci beaucoup. (Commentaires. Huées.)
M. François Baertschi (MCG). Le problème de la mendicité, c'est la dignité, c'est l'absence de dignité pour les victimes des mendiants, à savoir les individus vulnérables, les personnes âgées qui se retrouvent pour ainsi dire agressées devant les bancomats, qui n'osent plus se rendre au marché. Et ce ne sont pas seulement des personnes âgées, mais tout un chacun qui n'a pas envie d'être dans la confrontation. De nombreux habitants de ce canton ne veulent pas se retrouver en situation de devoir dire non à une personne qui affirme, souvent de façon mensongère, qu'elle est en difficulté.
Cette dignité, nous la devons à tous les citoyens, nous devons faire en sorte qu'il ne soit pas possible de mendier devant les banques, à côté des distributeurs de billets TPG, au marché, devant les commerces, dans tous les lieux sensibles, nous devons faire en sorte que la mendicité agressive soit interdite. Lorsque l'on contraint quelqu'un avec un air véritablement intransigeant et qu'on lui dit: «Tu dois payer, tu dois me donner cette somme d'argent», on est contre la dignité.
On voit des mendiants qui s'accompagnent d'enfants afin de ramener plus d'argent, est-ce que c'est vraiment le type de société que l'on veut ? Donner des sous en échange de cela ? Quand on emploie des pratiques plus que condamnables en termes de moeurs, quand les mendiants arrivent ici en bus et sont déversés comme du bétail, est-ce que c'est de la dignité ? Non, non, non !
Nous ne pouvons pas accepter la situation qui s'est développée suite à la décision quelque peu irresponsable de la CEDH; cet arrêt, nous devons le contourner, et c'est dans cette optique qu'un projet de loi a été travaillé au sein de la commission judiciaire. Ce texte intelligent et tout à fait modéré permet de s'attaquer aux modes de mendicité agressifs et contraignants pour la population, essentiellement les personnes les plus vulnérables, d'éviter que les mendiants s'installent dans certains lieux, c'est-à-dire les marchés et les commerces. Il a été affiné grâce à un amendement et vise à pacifier les choses, à nous sortir des circonstances actuelles qui sont indignes des droits de l'homme.
Baladez-vous un peu à Genève et regardez ces gens: est-ce que c'est digne de voir une personne tremblotante dans la rue ? C'est à se demander si elle n'a pas été blessée délibérément afin de lui faire gagner plus d'argent, lequel sera ensuite récolté par d'autres personnes. Est-ce cela, la dignité ? Non, je crois qu'on devrait avoir honte de voir ça à Genève. Ça nous renvoie aux plus sombres moments de notre histoire, une époque où on traitait comme de la marchandise des personnes handicapées, en état de faiblesse financière ou autre.
Voilà pourquoi il faut à tout prix voter le PL 12881, Mesdames et Messieurs, et c'est ce que vous demande le groupe MCG. Au MCG, nous voulons protéger les Genevois face à la dérive que nous connaissons depuis quelques mois, il faut absolument les préserver de cette mendicité ignoble et inacceptable. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Sylvain Thévoz pour une minute dix-neuf.
M. Sylvain Thévoz (S). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la Cour européenne des droits de l'homme a donné une baffe à Genève et à la Suisse en déclarant que la loi pénale genevoise est illégale. Durant quatorze ans, notre canton a appliqué une loi en pure illégalité, une loi qui avait été portée par Me Jornot et M. Lüscher, et c'est aujourd'hui le procureur général lui-même qui doit suspendre son exécution. Durant quatorze ans, Genève a amendé des gens, envoyé des mendiants en prison en vertu d'une loi reconnue par les experts comme coûtant cher et ne produisant pas les effets voulus.
Aujourd'hui, le PLR récidive dans la précipitation avec M. Alder à la baguette, lequel nous reconcocte, avec des amendements sur le siège, un brouet qui risque de nous mener exactement au même endroit. En effet, Me Bazarbachi l'a annoncé: elle fera recours, elle ira jusqu'au Tribunal fédéral. Le droit supérieur s'applique... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et, de fait, le texte sera invalidé. M. Desfayes soutient qu'il ne s'agit pas d'interdire la mendicité, mais dans les faits, en cumulant les interdits, on en revient à la même case.
C'est un échec pour Genève, et le parti socialiste demande le renvoi en commission du projet de loi...
Le président. Merci...
M. Sylvain Thévoz. Quant à la clause d'urgence, il faut évidemment la refuser, car elle court-circuite les droits démocratiques et le droit de référendum. Encore une fois...
Le président. Merci !
M. Sylvain Thévoz. Monsieur le président, je conclus sur ce mot qui est important !
Le président. Non, c'est terminé.
M. Sylvain Thévoz. ...voter ce projet de loi est absolument contraire aux droits humains.
Le président. Je vous remercie. Nous sommes donc saisis d'une proposition de renvoi en commission... des deux projets de lois, Monsieur le député, ou seulement du deuxième ? (Remarque.) D'accord, uniquement du PL 12881-A. Madame Osmani, un mot sur le renvoi en commission ? (Remarque.) Non. Madame Bayrak ? (Remarque.) Vous avez la parole.
Mme Dilara Bayrak (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Naturellement, nous soutenons le renvoi en commission de ce projet de loi qui, je le répète, n'a pas été étudié. Nous ne savons pas l'impact que vont avoir les amendements, non seulement ceux présentés ici en dernière minute, mais également ceux qui avaient été déposés en commission le jour du vote final. Concrètement, nous n'avons aucune idée des effets de ce texte. Je m'étonne d'ailleurs du silence de M. Poggia, parce que son département réclamait des garanties, voulait savoir comment il allait être appliqué et demandait précisément aux députés concernés d'effectuer les vérifications nécessaires avant que nous nous prononcions définitivement dessus. Merci.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité ad interim. Nous voterons en faveur du renvoi en commission. Il nous semble important de réexaminer les effets des amendements vu qu'une astuce grossière a été déployée pour contourner la loi plutôt que d'affronter nos responsabilités. Nous devons vérifier l'impact que ce texte pourrait avoir d'un point de vue juridique, à plus forte raison sachant qu'un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme est déjà dans les starting-blocks. Je vous remercie.
M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Je n'ai pas changé d'avis depuis tout à l'heure, même si la pause était fort agréable. Mesdames et Messieurs, il ne faut pas se leurrer: il y a effectivement urgence, urgence à combler une lacune juridique dont souffre notre canton depuis le début de cette année. Dès lors, il est parfaitement irresponsable de renvoyer le projet de loi en commission.
Quant à la perspective d'un recours qui pourrait aller jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme, elle ne m'effraie absolument pas ! Je dois d'ailleurs préciser qu'il n'est pas possible d'attaquer une loi de manière abstraite devant la CEDH; une telle procédure ne peut fonctionner que si la Cour est saisie d'un cas d'application, et cela après épuisement des voies de recours internes. Dans le canton de Genève, il faudra d'abord passer par la Cour constitutionnelle, puis par le Tribunal fédéral. Il n'y a donc aucune urgence à renvoyer le texte en commission, il y a au contraire urgence à le traiter, à l'adopter et à faire en sorte qu'il entre en vigueur immédiatement pour que les autorités de poursuite pénale puissent à nouveau faire leur travail en la matière.
Une voix. Bravo.
Le président. Très bien, merci. Est-ce que le Conseil d'Etat sollicite la parole ? (Remarque.) Non. Dans ce cas, je lance la procédure de vote sur la demande de renvoi en commission du PL 12881-A.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12881 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 53 non contre 38 oui et 1 abstention.
Le président. Nous poursuivons le débat. Monsieur Alder, c'est à nouveau votre tour pour très exactement deux minutes et vingt secondes.
M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je tenais juste à réagir aux propos que Mme Haller a tenus ce matin. Je dois dire que j'ai été agréablement surpris par l'évolution de la position d'Ensemble à Gauche sur cette thématique au gré des travaux. Il y a quelques années, ce groupe prêchait une dépénalisation totale de la mendicité, puis il revient avec un nouveau projet identique au premier, mais assorti d'une proposition d'amnistie, respectivement de remboursement, des personnes sanctionnées, ce en violation du principe de non-rétroactivité des lois.
Pourtant, Ensemble à Gauche a aussi déposé des amendements visant à condamner certaines formes de mendicité. Je me réfère aux pages 30 et suivantes du rapport où vous trouverez, dans un tableau synoptique préparé par notre secrétaire scientifique de commission Jean-Luc Constant, que je remercie au passage, une modification d'Ensemble à Gauche qui propose de punir «quiconque aura organisé ou contrôlé la mendicité d'autrui» ainsi qu'une disposition articulée comme suit: «La mendicité dans un rayon de cinq mètres autour d'un distributeur automatique d'argent, d'une caisse automatique, de l'entrée d'un magasin ou d'un restaurant, est punie de l'amende, si l'interdiction et la sanction sont signalées par un pictogramme installé par l'exploitant.» On constate qu'il y a eu une évolution sur cette question chez Ensemble à Gauche, je ne comprends donc pas très bien ces allers-retours.
Comme l'a très justement indiqué le député Sébastien Desfayes, il ne s'agit absolument pas de réprimer l'acte qui consiste à tendre la main, il s'agit de se doter d'un nouvel instrument juridique pour lutter contre la mendicité organisée et abusive. A gauche, on s'exclame: «Le droit actuel suffit amplement, il y a des dispositions pénales, il y a la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration !» Ça alors, Mesdames et Messieurs les députés de la gauche, c'est bien la première fois que je vous entends... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...dire du bien de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration ! Je me réjouis à cet égard que le futur procureur Pierre Bayenet applique cette loi à Genève - je le lui ai déjà dit en privé, je me permets de le répéter ici publiquement.
Le président. Merci...
M. Murat-Julian Alder. Mesdames et Messieurs, cessons ces atermoiements, le moment est venu d'être sérieux, de répondre à une...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Murat-Julian Alder. ...préoccupation importante des Genevois et de se doter enfin d'une nouvelle loi en matière de mendicité. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie. La parole va à Mme Jocelyne Haller pour deux minutes vingt-huit.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. D'abord, j'aimerais relever que ce parlement s'égare. Les déclarations que nous avons entendues hier à propos de la pétition sur un centre femmes et les propos tenus maintenant sur les mendiants sont proprement inacceptables. Avoir l'audace de soutenir ici: «Qui veut travailler peut»... Eh bien que M. Falquet - je vous demande de lui transmettre, Monsieur le président - aille dire ça aux 17 065 demandeurs d'emploi recensés actuellement à Genève, ils apprécieront !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements. Commentaires. Vives protestations.)
Mme Jocelyne Haller. Je vous signale que... (Vives protestations.)
Le président. Un instant, Madame, un instant !
Mme Jocelyne Haller. S'il vous plaît !
Le président. Un instant, un instant ! (Brouhaha.)
Mme Jocelyne Haller. Je vous signale que...
Le président. Un instant, s'il vous plaît !
Mme Jocelyne Haller. Vous me décompterez ce temps, Monsieur le président ! (L'oratrice rit.)
Le président. Oui, ne vous inquiétez pas, nous mettons le chronomètre en pause. (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Bien, vous pouvez poursuivre.
Mme Jocelyne Haller. Merci, Monsieur le président. A ceux qui feignent de l'oublier, je signale que les mendiants étrangers n'ont pas le droit de travailler dans notre pays, et cela fait d'ailleurs partie du problème.
On tente aujourd'hui de criminaliser à l'extrême cette population, c'est tout bonnement inadmissible, c'est indigne. Faire passer ces gens pour d'infâmes criminels qui terrorisent les petites grand-mères, les mères de famille et les enfants est une infamie intolérable ! C'est d'ailleurs ce qui vous permet de justifier l'interdiction qui se cache derrière l'impossibilité de mendier que vous créez: en faisant en sorte qu'il n'y ait nul endroit fréquenté dans ce canton où les mendiants puissent s'installer, vous les envoyez au diable vauvert, là où il n'y a personne, où l'activité de mendicité ne peut pas s'exercer, où elle tourne court. Il y a une profonde malhonnêteté dans ce que vous dites.
M. Desfayes nous faisait tout à l'heure une lecture commentée de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, mais il a oublié de mentionner que son paragraphe 59 dispose que le droit de s'adresser à autrui pour obtenir de l'aide relève de l'essence même des droits protégés par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Soyons clairs: si vous voulez qu'on fasse de la lecture expliquée, on en fera, mais ne venez pas instrumentaliser ce texte... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...pour stigmatiser une communauté, ce n'est pas correct.
Vous voulez interdire la mendicité, mais vous n'avez pas le courage de l'assumer, donc vous êtes simplement en train de contourner la loi. Eh bien j'espère que quelqu'un sera sanctionné - c'est forcément ce qui se passera si ce projet de loi est accepté - et déposera...
Le président. Merci...
Mme Jocelyne Haller. ...un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme...
Le président. Merci.
Mme Jocelyne Haller. ...et que vous serez déboutés encore une fois ! (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie et cède la parole, pour trente secondes, à Mme Dilara Bayrak.
Mme Dilara Bayrak (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président, ce sera rapide. Le député Alder a souligné que la gauche avait évolué dans sa position; nous regrettons pour notre part que cela ne soit pas son cas ni celui du groupe PDC, notamment représenté par le député Desfayes. L'interdiction de la mendicité organisée suffit amplement à répondre à la problématique qui a été soulevée par les marchands et les commerçants, et si on n'arrive pas à regarder les choses sous l'angle juridique, alors je demande un renvoi à la commission des Droits de l'Homme ! Merci. (Applaudissements.)
Le président. Bien, merci. Sur cette requête, est-ce que Mme Osmani désire s'exprimer ? (Remarque.) Allez-y.
Mme Xhevrie Osmani (S), rapporteuse de troisième minorité. Oui, merci, Monsieur le président. Nous soutiendrons le renvoi à la commission des Droits de l'Homme. Je suis un peu surprise par les propos de M. Murat Alder, qui semble n'avoir rien à faire de cet arrêt de la CEDH. Il pense peut-être gagner quelques années jusqu'à ce qu'un cas d'application concret nous mène à nouveau devant la cour. Or, d'une part, le droit international prime, et d'autre part, nos instances internes peuvent déjà retoquer le texte, donc nous ne serons pas obligés d'attendre que quelqu'un saisisse la Cour européenne des droits de l'homme. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Madame Bayrak, vous avez émis la proposition, donc je passe la parole à Mme Haller si elle souhaite dire quelque chose... (Remarque.) Ce n'est pas le cas. Il me reste à demander à M. Murat-Julian Alder son avis sur le renvoi en commission.
M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. J'aimerais rappeler aux membres de la commission judiciaire et de la police que le projet de loi issu de nos travaux s'inspire dans une mesure significative de la base légale d'un canton ami qui connaît une situation urbaine et frontalière comparable à celle de Genève, à savoir Bâle-Ville.
Des voix. Ah !
M. Murat-Julian Alder. Ça plaira à notre collègue André Pfeffer ! (Commentaires.) Nous n'avons pas fait les choses à moitié, nous avons travaillé durant de longues séances sur ce projet. Aussi, cette nouvelle proposition de renvoi en commission me stupéfait; cela me fait penser à certaines demandes de renvoi qui ont été formulées sur un objet adopté lors de la dernière session plénière et contre lequel le PLR et l'UDC ont lancé un référendum avec les Vert'libéraux - je ne suis pas dupe.
Je me permets encore de rappeler à Mme Bayrak qu'elle a eu l'occasion, lors des travaux de commission, de demander deux fois l'audition de Caritas, justifiant la deuxième requête simplement par le changement de directrice au sein de l'institution.
Mesdames et Messieurs, il y a urgence. Cessons ces atermoiements, ce n'est pas en renvoyant le projet en commission que vous allez changer d'avis, nous l'avons bien compris. Partant, j'invite l'assemblée à persister dans ses votes précédents et à refuser ce renvoi en commission parfaitement irresponsable.
Le président. Je vous remercie. Est-ce que le gouvernement souhaite s'exprimer sur cette nouvelle requête ? (Remarque.) Ce n'est pas le cas, j'invite donc l'assemblée à se prononcer sur la demande de renvoi du PL 12881-A à la commission des Droits de l'Homme.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12881 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 54 non contre 39 oui et 1 abstention.
Le président. Pour conclure le débat sur l'entrée en matière, je laisse la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui concerne l'entrée en matière, la position du Conseil d'Etat sera, je dirais, pragmatique. Le projet de loi 12881 visant à se substituer à la loi actuelle, laquelle interdit globalement et sans nuances la mendicité sur le territoire, a été déposé par des députés qui se sont montrés plus rapides à agir que le Conseil d'Etat, mais sa finalité est celle que nous souhaitons également. S'agissant des détails, vous en débattrez avec les amendements qui vous sont présentés.
Je voudrais simplement formuler quelques remarques d'ordre général. Je suis surpris de constater qu'il y a ici deux blocs qui s'affrontent: le premier bloc est accusé de stigmatiser la mendicité et de vouloir l'interdire en insérant dans un projet de loi des nuances qui n'en seraient pas, et du côté de la gauche, on défend la mendicité, non pas parce que c'est une bonne chose, mais parce qu'elle serait une nécessité inévitable et que la faire poursuivre ou proscrire reviendrait finalement à nier une réalité sociale qui fait mal aux yeux des bien-pensants.
A mon sens, la vérité est plus subtile que cela. Au début des débats auxquels j'ai assisté en commission, j'avais cru comprendre qu'il y avait tout de même un consensus à considérer que toute mendicité ne peut pas être acceptée. Prenons un exemple extrême: il devrait y avoir un accord unanime à estimer que la mendicité organisée, qui n'est pas l'acte d'un individu dans la détresse demandant l'aide de son prochain, devrait être sanctionnée, puisqu'elle vise à faire profiter d'autres du désespoir de certains. C'est un raisonnement comparable à celui qui a trait à la prostitution. Tout le monde comprend qu'une prostituée indépendante doit être soutenue et protégée dans son activité; par contre, celles et ceux qui gravitent autour de la prostitution et qui en tirent des bénéfices doivent évidemment être écartés et poursuivis. De même, je pensais qu'il y avait à tout le moins une unanimité à penser que l'utilisation de mineurs pour attendrir les passants et obtenir des prestations est quelque chose d'inacceptable, parce qu'il s'agit précisément de protéger les mineurs dont le rôle n'est pas d'être dans la rue aux côtés de parents d'ailleurs plus ou moins déterminés - parfois, on ne sait pas exactement quels sont les liens de parenté.
Et pourtant, aujourd'hui, toutes ces nuances ont disparu et il y a deux blocs qui s'affrontent, c'est le oui ou le non, ce n'est plus la nuance. J'espère que le débat qui va suivre sur les amendements sera plus fin, parce qu'encore une fois, il ne s'agit pas de stigmatiser des personnes, mais d'essayer de comprendre ce qui les amène jusque dans notre canton.
Peut-être pouvons-nous nous poser la question suivante: qui sont ces mendiants ? Chacun admettra qu'il peut y avoir des gens démunis rattachés au territoire genevois. Cela dit, ce serait une faillite de notre système social que de reconnaître que certains d'entre nous sont contraints, à un moment donné de leur existence, d'aller dans la rue et de tendre la main, tout cela parce que notre filet social est incapable de les prendre en charge. Ce serait une faillite de la partie gauche de cet hémicycle qui a fait de cette lutte tout à fait légitime l'un de ses chevaux de bataille.
A l'évidence, il ne s'agit pas de personnes issues de notre territoire, ou alors dans des cas rarissimes - peut-être certains toxicomanes ou alcooliques qui, à un moment donné, se retrouvent dans la difficulté ou, ce qui serait intolérable, des personnes qui se retrouvent démunies du jour au lendemain et qui ne peuvent pas obtenir d'aide d'urgence; dans ce cas-là, il s'agirait de déterminer pourquoi l'Hospice général n'a pas les moyens nécessaires pour réagir immédiatement face à ces situations.
Ici, nous ne parlons pas de mendicité locale, si vous me passez l'expression, mais d'une mendicité qui voyage et pour qui la Suisse constitue une destination intéressante, puisque notre pays dispose de certains moyens. Faut-il pour autant considérer que les accords de libre circulation auxquels la Suisse a adhéré sont aussi des accords de libre circulation de la mendicité ? Personnellement, et je n'engage que moi dans ces propos, j'ai quelques doutes. La libre circulation a été instaurée pour permettre aux travailleurs ou aux personnes en recherche d'emploi de se déplacer, mais pas de se déplacer pour tendre la main. En effet, il semble évident que ces gens ne viennent pas chez nous pour rechercher un travail.
Je suis d'ailleurs surpris d'entendre Mme la députée Haller affirmer ici que les mendiants n'ont pas le droit de travailler, ce qui serait le problème. Non, Madame la députée, ils ont le droit de travailler s'ils trouvent une place; la question est de savoir s'ils la recherchent ou si l'organisation dont ils font partie a pour finalité de leur en trouver une. Clairement, il s'agit de répondre à ces problématiques.
Bien sûr, la Cour européenne des droits de l'homme a donné son avis. Cela étant, je ne suis pas certain qu'elle aurait exprimé la même opinion à l'égard d'un autre Etat membre de la Convention européenne des droits de l'homme. Il était sans doute trop tentant, pour certains juges, de dire à ces Suisses nantis qui refusent l'existence de la mendicité: «Là, vous allez trop loin.» Il faut donc maintenant s'adapter; s'adapter ne signifie pas autoriser la mendicité, mais prendre acte qu'une interdiction absolue n'est pas conforme au droit supérieur, et c'est précisément le but de ces débats.
Par ailleurs, j'ai entendu quelqu'un ici évoquer la liberté du commerce pour justifier l'autorisation de la mendicité. C'est un non-sens, c'est précisément la négation de l'argumentation qui nous est faite: on nous dit qu'il s'agit de personnes démunies, amenées à mendier parce qu'elles n'ont pas d'alternative, mais d'un autre côté, on leur permet de revendiquer la liberté du commerce, ce qui est reconnaître indirectement que tendre la main dans les pays qui leur en donnent la possibilité constitue leur façon de travailler.
Un autre élément m'intrigue à titre personnel, c'est toute l'aide au développement que verse la Suisse à certains pays; est-ce que les Etats d'où proviennent ces mendiants font véritablement tout ce qu'il faut pour leur permettre de trouver du travail, d'être intégrés dans un endroit où ils seraient certainement plus heureux que chez nous ? Ou est-il plus simple pour ces gouvernements de recevoir les aides internationales, puis de renvoyer la pauvreté ailleurs afin de préserver le regard de leurs propres citoyens ? Il s'agit naturellement d'une situation complexe.
Je dirai un mot concernant le projet de loi déposé par M. Bayenet et consorts qui vise une amnistie: je vous demande de ne pas entrer en matière dessus, non pas que nous souhaitions poursuivre ces personnes pour les amendes infligées avant la décision de la CEDH, mais nous avons déjà, avec M. le procureur général, pris les dispositions nécessaires pour qu'il n'y ait plus aucune réclamation ni poursuite à leur encontre. Mettre en route une procédure d'amnistie générale, ce serait mobiliser des fonctionnaires qui ne feraient que cela pendant des mois, voire des années, parce qu'il faudrait encore retrouver les personnes en question pour leur signifier les décisions d'amnistie.
Quant au texte qui vous est proposé par la majorité de la commission, sur le principe, le Conseil d'Etat considère qu'il s'agit aujourd'hui de légiférer. La loi interdisant la mendicité de manière absolue a été acceptée par une majorité de la population genevoise suite à un référendum, et il convient de prendre acte de cette volonté populaire. Qui peut le plus peut le moins, aussi devons-nous maintenant nous calquer le plus possible sur ce que nous avons compris que réclame la Cour européenne des droits de l'homme - pour autant que nous en ayons tous la même compréhension.
Ensuite, bien sûr, il y aura des recours, soit de manière générale et abstraite devant la Cour constitutionnelle, soit suite à des cas individuels et concrets après que la loi sera mise à exécution, et ce auprès d'instances qui auront à connaître des décisions prises dans certaines situations particulières; le cas échéant, nous obtiendrons très certainement un nouvel arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme qui, dans l'intervalle, aura peut-être eu l'occasion de se prononcer sur la législation adoptée par d'autres Etats. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote d'entrée en matière sur le PL 12862.
Mis aux voix, le projet de loi 12862 est rejeté en premier débat par 55 non contre 39 oui et 1 abstention.
Le président. A présent, j'ouvre le vote sur le PL 12881.
Mis aux voix, le projet de loi 12881 est adopté en premier débat par 51 oui contre 39 non et 3 abstentions.
Deuxième débat (PL 12881-A)
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. M. Alder a déposé un amendement général qui remplace intégralement le contenu de l'article 11A, soit le projet de loi dans son entier. Cette proposition est assortie de deux sous-amendements présentés respectivement par Mme Dilara Bayrak et M. Olivier Cerutti. Je vous prie de m'excuser, Messieurs Alder et Cerutti, mais vos groupes n'ont plus de temps de parole à disposition. Voici comment nous allons procéder: je vais d'abord lire l'amendement général, puis je mettrai aux voix les deux sous-amendements.
«Art. 11A Mendicité (nouvelle teneur)
1 Sera puni de l'amende:
a) quiconque aura mendié en faisant partie d'un réseau organisé dans ce but;
b) quiconque aura mendié en adoptant un comportement de nature à importuner le public, notamment en utilisant des méthodes envahissantes, trompeuses ou agressives;
c) quiconque aura mendié:
1° dans une rue, un quartier ou une zone ayant une vocation commerciale ou touristique prioritaire; le Conseil d'Etat établit et publie la liste des lieux concernés;
2° aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation commerciale, notamment les magasins, hôtels, cafés, restaurants, bars et discothèques;
3° aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation médicale, notamment les hôpitaux, établissements médico-sociaux et cliniques;
4° aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation culturelle, notamment les musées, théâtres, salles de spectacle et cinémas;
5° aux abords immédiats des banques, bureaux de poste, distributeurs automatiques d'argent et caisses de parking;
6° aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation éducative, notamment les crèches, écoles, cycles d'orientation et collèges;
7° à l'intérieur et aux abords immédiats des entrées et sorties des marchés, parcs, jardins publics et cimetières;
8° à l'intérieur et aux abords immédiats des entrées et sorties des gares, ports et aéroports;
9° à l'intérieur des transports publics;
10° aux abords immédiats des arrêts de transport public et des amarrages de bateaux, de même que sur les quais ferroviaires.
2 Quiconque aura mendié en étant accompagné d'une ou plusieurs personnes mineures ou dépendantes, ou qui aura organisé la mendicité d'autrui, notamment en lui assignant un emplacement, en lui imposant un horaire ou en mettant à sa disposition un moyen de transport, sera puni d'une amende de 2000 francs au moins.»
Le premier sous-amendement, de Mme Bayrak, vise à supprimer les lettres b et c à l'alinéa 1 de l'article 11A.
Mis aux voix, ce sous-amendement est rejeté par 53 non contre 39 oui et 1 abstention.
Le président. Le second sous-amendement, de M. Cerutti, consiste, à la lettre c de l'alinéa 1 de l'article 11A, à ajouter un chiffre 11 nouveau dont voici la teneur: «aux abords immédiats des lieux cultuels».
Désolé, Madame Osmani, mais votre parti ne dispose plus de temps de parole non plus. (Remarque.) Monsieur le député, il n'y a pas de temps de parole supplémentaire en cas de dépôt d'un amendement, voilà pourquoi je les lis. (Remarque.) Je rappelle que nous sommes en catégorie II, quarante minutes; chaque groupe a droit à une enveloppe de temps, donc à partir du moment où celui-ci est épuisé, je ne peux plus vous passer la parole ! Nous nous prononçons maintenant sur le sous-amendement de M. Cerutti.
Mis aux voix, ce sous-amendement est adopté par 51 oui contre 40 non.
Le président. A présent, je mets aux voix l'amendement général de M. Alder tel que modifié par le sous-amendement de M. Cerutti:
«Art. 11A Mendicité (nouvelle teneur)
1 Sera puni de l'amende:
a) quiconque aura mendié en faisant partie d'un réseau organisé dans ce but;
b) quiconque aura mendié en adoptant un comportement de nature à importuner le public, notamment en utilisant des méthodes envahissantes, trompeuses ou agressives;
c) quiconque aura mendié:
1° dans une rue, un quartier ou une zone ayant une vocation commerciale ou touristique prioritaire; le Conseil d'Etat établit et publie la liste des lieux concernés;
2° aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation commerciale, notamment les magasins, hôtels, cafés, restaurants, bars et discothèques;
3° aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation médicale, notamment les hôpitaux, établissements médico-sociaux et cliniques;
4° aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation culturelle, notamment les musées, théâtres, salles de spectacle et cinémas;
5° aux abords immédiats des banques, bureaux de poste, distributeurs automatiques d'argent et caisses de parking;
6° aux abords immédiats des entrées et sorties de tout établissement à vocation éducative, notamment les crèches, écoles, cycles d'orientation et collèges;
7° à l'intérieur et aux abords immédiats des entrées et sorties des marchés, parcs, jardins publics et cimetières;
8° à l'intérieur et aux abords immédiats des entrées et sorties des gares, ports et aéroports;
9° à l'intérieur des transports publics;
10° aux abords immédiats des arrêts de transport public et des amarrages de bateaux, de même que sur les quais ferroviaires;
11° aux abords immédiats des lieux cultuels.
2 Quiconque aura mendié en étant accompagné d'une ou plusieurs personnes mineures ou dépendantes, ou qui aura organisé la mendicité d'autrui, notamment en lui assignant un emplacement, en lui imposant un horaire ou en mettant à sa disposition un moyen de transport, sera puni d'une amende de 2000 francs au moins.»
Mis aux voix, cet amendement général est adopté par 54 oui contre 41 non et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 11A ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté.
Le président. Nous sommes saisis d'un dernier amendement de M. Alder qui introduit une clause d'urgence à l'article 2 souligné. Dans ce cas de figure, le vote sur l'amendement et son contenu se confondent, c'est donc à une majorité des deux tiers que l'amendement doit être accepté. En effet, je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.
Des voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous procédons au vote nominal.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 54 oui contre 43 non (majorité des deux tiers non atteinte) (vote nominal).
Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) est adopté.
Troisième débat (PL 12881-A)
Le président. Nous arrivons au scrutin final...
Une voix. Vote nominal !
Le président. Est-ce que vous êtes soutenue ? (Plusieurs mains se lèvent.) C'est le cas.
Mise aux voix, la loi 12881 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 54 oui contre 42 non et 1 abstention (vote nominal). (Applaudissements et huées à l'annonce du résultat.)
Premier débat
Le président. Nous abordons notre dernière urgence, à savoir le PL 12849-A. Il s'agit d'un débat en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Alberto Velasco, à qui je cède la parole.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi LIAF concerne une subvention pour quatre associations qui font de la prévention en matière de sida. Il avait été voté à l'unanimité de la commission des finances, donc je ne comprends pas pourquoi il apparaît aujourd'hui aux urgences.
J'aimerais savoir qui a proposé l'urgence et surtout pourquoi, car personne dans cette assemblée ne sait, excepté ceux qui l'ont demandée, les raisons pour lesquelles on veut traiter ce texte en urgence alors que ces structures ont toujours fait leur travail convenablement, les rapports qui nous parviennent sont toujours très positifs.
Il est vraiment invraisemblable qu'on soit aujourd'hui saisi d'une demande d'urgence visant à ne pas voter l'aide financière à ces entités. Je prendrai à nouveau la parole par la suite, Monsieur le président, mais je voudrais d'abord que les personnes qui ont sollicité l'urgence s'expriment et expliquent pourquoi elles tentent de faire obstruction à ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je pense que vos propos ont été bien entendus. Je passe la parole à M. Pierre Conne.
M. Pierre Conne (PLR). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, le groupe PLR a initialement sollicité la sortie des extraits de ce projet de loi, puis l'urgence a été proposée par les Verts et nous l'avons soutenue, le but étant d'avancer sur la question que je vais vous exposer.
Il ne s'agit pas de remettre en question le travail et le financement de ces associations, mais simplement d'attirer votre attention sur le fait qu'au sein de Dialogai, les activités du Refuge nous posent un certain nombre de problèmes, et nous aimerions pouvoir en débattre. C'est pourquoi, à la fin de mon intervention, je conclurai en demandant que cet objet soit renvoyé à la commission des finances avec un préavis de la commission de la santé. Voilà le premier point.
Le deuxième élément d'argumentation concerne le Refuge en lui-même, et je me réfère ici au document joint au projet de loi, notamment à la copie du mandat de prestations qui précise que l'action de Dialogai au sein du Refuge vise la «prévention des troubles psychiques et des comportements à risque chez les jeunes présentant des difficultés en lien avec leur orientation sexuelle et/ou leur identité de genre». La structure offre une solution d'hébergement à court terme pour les jeunes LGBTIQ+ en situation de rupture sociale, d'exclusion familiale, etc.
Il se trouve qu'aujourd'hui, les travailleurs du Refuge se consacrent essentiellement - à hauteur de 80% - à la prise en charge des jeunes trans, souvent mineurs, et ont mis en place une approche transaffirmative, et c'est celle-ci qui nous pose problème. En effet, cette évolution s'est faite sous les radars, si j'ose dire, et je pense qu'il n'est pas sain pour nous qui finançons cette association et qui avons également des responsabilités en matière de santé publique de ne pas savoir exactement en quoi consistent ces pratiques.
Par définition, l'approche transaffirmative entend confirmer l'autodiagnostic trans d'un jeune et l'aider à procéder sans attente ni évaluation à une transition sociale - changement de nom, etc. - et souvent aussi à une transformation d'ordre médical, laquelle inclut des traitements d'hormonothérapie, une transformation de genre, le blocage de l'adolescence ou des interventions chirurgicales comme l'ablation des seins.
Or la démarche qui devrait normalement prévaloir, puisque le but du Refuge est surtout d'apporter un soutien... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...aux parents et aux familles, c'est d'assurer avec vigilance l'accompagnement des jeunes...
Le président. Merci...
M. Pierre Conne. ...jusqu'à leur maturité pour qu'ils puissent ensuite faire un choix. Face à cette situation...
Le président. Merci, Monsieur le député...
M. Pierre Conne. ...nous demandons le renvoi à la commission des finances avec préalablement un préavis de la commission de la santé. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Bien, il en est pris bonne note. Avant que je lance la procédure de vote, est-ce que M. le rapporteur de commission souhaite se prononcer sur la proposition de renvoi ? (Remarque.) C'est le cas, alors je vous cède la parole, Monsieur Velasco.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Nous refuserons le renvoi en commission.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la problématique soulevée par M. le député Conne est connue du département, qui y travaille. Dans le domaine de la transsexualité, c'est vrai, nous avons des limites à fixer en ce qui concerne les interventions. Votre parlement a d'ailleurs été saisi d'un autre texte qui, lui, est plutôt axé sur la conversion sexuelle, qui voulait initialement se consacrer exclusivement aux opérations médicales.
Force est de constater que les choses sont bien plus complexes que cela, et si la chirurgie peut être facilement contrôlée et les débordements sanctionnés par la loi sur la santé, si le suivi psychiatrique peut également être contrôlé et sanctionné s'il le faut par ladite loi, tout ce qui gravite autour est beaucoup moins contrôlable, notamment les entités qui agissent dans le cadre spirituel, voire religieux. Cette question est traitée non seulement par le département de la santé, mais aussi par ceux de l'instruction publique et de la cohésion sociale, un travail à ce sujet est en cours.
De là à renvoyer en commission ce projet de loi qui couvre davantage que cette petite activité, laquelle mérite certes une attention toute particulière, mais est largement minoritaire par rapport à l'ensemble des autres actions assumées par la collectivité dans le contexte de cet objet, je pense que la démarche est largement disproportionnée.
En revanche, vos questions sont légitimes, pas seulement parce que nous nous les posons déjà nous-mêmes, mais parce qu'elles sont sociétales. Si l'évolution de notre société qui accorde une place centrale à la liberté personnelle de l'individu, y compris mineur, dans ce domaine doit naturellement être suivie, une question subsiste: quand cette volonté est-elle librement exprimée ?
C'est là toute la nuance, et aucun projet de loi ne réussira à éclaircir ce point; c'est dans les faits, c'est dans la pratique que des garde-fous doivent être mis en place, nous devons nous assurer de ne pas aller trop vite en besogne, si vous me passez l'expression, s'agissant de jeunes qui ont des interrogations à un moment de leur existence, de leur adolescence en particulier, et qui pourraient être amenés trop rapidement à des choix qu'ils ont certes manifestés, mais peut-être de manière hâtive, sans qu'ils correspondent réellement à un profond changement personnel.
Partant, je considère qu'un renvoi en commission constituerait une perte de temps préjudiciable pour l'ensemble des acteurs mentionnés dans ce projet de loi. Dans le cadre d'autres discussions qui doivent avoir lieu à la commission de la santé, ce sujet pourra bien entendu être abordé. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. A présent, je mets aux voix la demande de renvoi à la commission de la santé pour préavis à la commission des finances.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12849 à la commission de la santé pour préavis à la commission des finances est rejeté par 59 non contre 30 oui et 1 abstention.
Le président. Nous poursuivons le débat. La parole revient à M. Yves de Matteis.
M. Yves de Matteis (Ve). Merci, Monsieur le président. Je m'apprêtais à souligner que la voie choisie ici n'est pas du tout opportune: on utilise un outil parlementaire visant l'attribution d'un budget pour régler une question de fond, ce qui n'est pas adéquat. Preuve en est que le projet de loi aurait été renvoyé en premier lieu à la commission de la santé pour préavis, et ensuite à la commission des finances.
Dès lors, Mesdames et Messieurs, pourquoi ne pas plutôt adresser directement à la commission de la santé une proposition de motion qui ne concernerait pas l'ensemble des associations s'occupant du thème du sida mais, comme l'a suggéré le magistrat, qui ciblerait précisément et explicitement la thématique de la transidentité, avec un intitulé approprié mentionnant cette question ?
En ce qui nous concerne, notre groupe n'a pas voté le renvoi à la commission de la santé et à celle des finances, mais appuiera cet objet de manière unanime, comme il l'a déjà fait en commission et comme l'a fait la commission des finances, et je vous invite également à adopter le texte à l'unanimité maintenant pour que ces subventions soient attribuées.
En effet, il n'y a pas très longtemps, les représentants du même parti qui a demandé de retirer ce point des extraits affirmaient que les contrats de prestations conclus entre le Conseil d'Etat et les structures concernées doivent être respectés, et je trouve que c'est une excellente idée. Par conséquent, je vous enjoins de soutenir ce projet de loi. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Jean Burgermeister (EAG). La demande du PLR de renvoyer ce projet de loi en commission est absurde et donne l'impression d'une tentative de chantage. Ce groupe a bien entendu le droit de se poser toute sorte de questions, mais je trouve que la réponse du conseiller d'Etat, M. Mauro Poggia, était plutôt raisonnable, il faut le dire.
On a affaire ici à un texte qui accorde une subvention à des associations actives dans la promotion de la santé des populations en situation de vulnérabilité. On parle de santé sexuelle et de prévention, essentiellement en lien avec les infections sexuellement transmissibles. Typiquement, ces personnes se retrouvent à un moment donné dans la pauvreté ou la précarité et, dès lors, sont d'autant plus vulnérables face à diverses formes d'infections, y compris les maladies sexuellement transmissibles.
Il s'agit donc d'un objet qui a une atteinte sur la santé publique, qui est absolument essentiel, et l'idée de faire blocage à un tel projet de loi en se basant sur des considérations plus ou moins réactionnaires face à l'identité trans est hautement problématique. C'est comme si on disait que pour lutter contre le trafic des êtres humains, on interdisait la mendicité, cela n'a évidemment aucun sens. C'est absurde, dangereux, bête et méchant, et par conséquent, Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter ce texte dont l'importance est renforcée par la situation dans laquelle nous évoluons en ce moment, une situation de crise sociale qui s'étend.
Il faut en effet rappeler que les inégalités sociales augmentent le taux d'infection, accroissent les risques pour les populations dans la précarité de voir leur santé se dégrader, et les associations actives sur ce front accomplissent un excellent travail, parce qu'elles sont en contact direct avec les gens, parce qu'elles disposent d'une très bonne connaissance du terrain et parviennent à réaliser un travail de prévention en amont extrêmement efficace et bénéfique pour tout le monde. C'est pourquoi je vous recommande d'accepter ce projet de loi.
M. Bertrand Buchs (PDC). Je serai bref. Le groupe du Centre - PDC - n'a pas soutenu la demande de renvoi en commission et votera ce projet de loi. J'encourage le groupe PLR à saisir la commission de contrôle de gestion pour que celle-ci enquête sur le problème qui existe dans cette structure et procède à des auditions, ou alors à déposer une proposition de motion qui sera traitée à la commission de la santé. Je vous remercie.
M. Stéphane Florey (UDC). L'UDC ne s'opposera pas à ce projet de loi. Mais en ce qui concerne les débats qu'on mène à longueur d'année sur les projets LIAF, et je crois qu'on l'a déjà dit à plusieurs reprises, ce Grand Conseil devrait quand même se poser des questions. Là, on voit bien que les quatre associations font exactement le même travail. Alors on va me rétorquer: «Oui, mais celle-ci ou celle-là concerne plus particulièrement telle ou telle thématique.» Soit, mais dans les grandes lignes, leur activité est parfaitement similaire. Dès lors, pourquoi est-ce qu'elles ne se regroupent pas une bonne fois pour toutes sous une seule et même appellation et mènent ensemble un vrai travail de prévention ? Mais qu'elles le fassent vraiment de A à Z, pas par petits bouts chacune de leur côté.
A mon avis, si on agissait dans ce sens-là, il y aurait plus d'efficience, on ferait certainement des économies d'échelle. En effet, quatre associations, c'est quatre secrétariats, c'est quatre locaux à louer, tout est multiplié par quatre. Alors je ne dis pas qu'il faudrait diviser la subvention par quatre, mais en tout cas d'un bon tiers. On pourrait vraiment réaliser des économies, parce que quand on sait ce qu'elles dépensent juste pour faire tourner la machine, il y a une énorme perte d'argent à ce niveau-là. Voilà ce que je voulais dire. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste souhaite rappeler que ce projet a été voté à l'unanimité de la commission des finances sans que cela prête à débat, sans aucune abstention, sans aucune opposition. Je souligne également qu'il s'agit d'une subvention à des associations actives essentiellement dans le domaine de la prévention de la santé sexuelle, notamment dans la lutte contre le sida.
Renvoyer ce texte à la commission de la santé ne serait qu'une perte de temps et reviendrait à prendre en otage politique toutes les structures concernées. Or les actions et prestations assumées par ces associations sont absolument essentielles dans le cadre actuel, raison pour laquelle nous vous recommandons d'accepter cet objet aujourd'hui même. Je vous remercie.
Le président. Merci bien. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12849 est adopté en premier débat par 62 oui contre 14 non et 1 abstention.
Le projet de loi 12849 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12849 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 67 oui contre 19 non.
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous reprenons notre ordre du jour ordinaire avec le PL 12611-A qui est en catégorie II, trente minutes. Avant de céder la parole aux différents rapporteurs, je prie M. le premier vice-président de procéder à la lecture du courrier 4005.
Le président. Je vous remercie. Pour commencer, la parole revient à M. Daniel Sormanni.
M. Daniel Sormanni (MCG), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission du logement a examiné ce projet de loi, lequel pose un certain nombre de problèmes. Si les faits tels qu'ils nous ont été expliqués, que la lettre de l'ASLOCA qui vient d'être lue a mis en exergue, peuvent se révéler exacts, il s'agit quand même de quelques rares cas et il est très difficile, voire impossible, de rectifier la situation après coup.
Même s'il est avéré qu'à une ou deux reprises, des actes notariés erronés ont faussé le jeu, si je puis dire, ce qui a occasionné certains problèmes - cela a notamment favorisé celui qui a vendu le bien immobilier -, il n'en demeure pas moins que la commission, après avoir auditionné les auteurs du texte - on voit bien que celui-ci vient de l'ASLOCA, d'ailleurs -, le département, la directrice générale ainsi que deux directeurs de l'OCLPF, en a conclu ceci: le projet de loi porte atteinte à la garantie de la propriété et de la liberté économique, viole le principe de la bonne foi, crée une insécurité juridique et entame le principe des actes authentiques et de la profession des notaires. Enfin, il y a une absence de cause juridique pour un paiement qui se ferait en main de l'Etat.
En résumé, suite à l'audition des auteurs et du département, la commission s'est aperçue que le texte n'est absolument pas praticable, engendrerait une insécurité juridique ainsi que d'énormes problèmes d'application de la LDTR. Bien qu'il soit reconnu que des actes notariés inexacts ont été délivrés, le présent objet ne résout en rien la question. C'est la raison pour laquelle, à une très large majorité - enfin, à sa majorité -, la commission l'a refusé et vous invite à faire de même. Merci.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. A entendre le rapporteur de majorité, pour respecter la liberté du commerce, on peut sans autre accepter des fraudes ou des actes notariés faux. Voilà, on apprend ça ! Aussi, Mesdames et Messieurs, si un notaire délivre un faux, vous pouvez y aller, il n'y a pas de problème: grâce au principe de la liberté du commerce, vous pouvez y aller ! Non, je crois que le département s'est un tout petit peu égaré dans ce dossier, il aurait dû prêter davantage attention à ce qu'on propose.
Qu'est-ce qu'on propose ? Un dispositif pour lutter contre la vente d'appartements à la découpe. Il y a eu un faux, oui: à l'époque, l'immeuble en question était en SIAL, c'est-à-dire en société immobilière d'actionnaires-locataires, donc il aurait dû être vendu en totalité, et non à la découpe comme ça a été le cas. La transaction s'est effectuée sur la base d'un faux acte notarié. Un faux acte notarié, Mesdames et Messieurs ! Ensuite, comme c'est souligné dans la lettre de l'ASLOCA, un bénéfice a été réalisé sur la base de cette opération.
Que prévoit ce projet de loi ? Je vous le lis, c'est très simple, il n'y a pas de quoi alléguer une atteinte à la liberté du commerce: «Si une autorisation de vente a été accordée sur la foi d'un acte notarié dont le contenu s'avère inexact ultérieurement, et que l'autorisation n'aurait pas été accordée en l'absence de cette inexactitude, le vendeur et l'acquéreur bénéficiaire de ladite autorisation, même s'ils étaient de bonne foi, ainsi que les vendeurs subséquents doivent restituer au département tout bénéfice réalisé en cas de revente de l'appartement.» Cela signifie, Mesdames et Messieurs, que les personnes qui ont acheté un appartement le conservent. Elles le conservent ! Seulement, le profit engrangé par ceux qui ont conclu la vente sur la base d'un faux acte notarié est reversé au département et sera ensuite utilisé pour des oeuvres d'utilité publique.
Mesdames et Messieurs, ce texte combat la fraude et la vente d'appartements à la découpe. Je ne comprends pas, nous ne comprenons pas comment il est possible que le département s'y oppose. D'abord, il faut de toute façon condamner les personnes ayant dressé un faux acte notarié - c'est la première chose - et ensuite, si le département considère que ce qu'on propose ici ne lui convient pas ou ne correspond pas aux normes légales, alors qu'il nous soumette une autre disposition qui permette d'en finir avec ces affaires.
En effet, il n'y a pas que ce cas-ci, Monsieur le chef du département - permettez-moi, Monsieur le président, de m'adresser au conseiller d'Etat -, d'autres actes ont été signifiés à l'ASLOCA. C'est un problème qui existe ! Mesdames et Messieurs, eu égard à ce que je vous ai indiqué, je vous demande de bien vouloir voter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Monsieur Pagani, vous aviez demandé la parole en remplacement de M. Pierre Bayenet ? (Remarque.) Oui, pour le rapport de deuxième minorité. Ah, vous avez changé ? (Remarque.) C'est M. Cruchon, maintenant, d'accord. Alors, Monsieur Cruchon, vous avez la parole.
M. Pablo Cruchon (EAG), rapporteur de deuxième minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, en tant que rapporteur de deuxième minorité, le groupe Ensemble à Gauche va vous exposer la raison pour laquelle il est important d'accepter ce projet de loi. Il est très important de l'adopter, et pourquoi ? Parce qu'il faut protéger la nature de la LDTR.
La LDTR a été créée à une fin quasi unique, à savoir préserver le parc locatif en ville. Face à la pression des promoteurs immobiliers, à la nécessité de réaliser des bénéfices sur les logements, qui représentent une source de profit considérable, surtout quand il y a une abondance de capitaux comme maintenant, il fallait protéger le parc locatif afin qu'il ne se retrouve pas complètement disloqué. Concrètement, qu'est-ce que ça voulait dire ? Ça voulait dire interdire la vente à la découpe, un procédé qui consiste à vendre les biens appartement par appartement, puis à les mettre en propriété par étage alors qu'il s'agit de logements locatifs.
Ce phénomène s'est fortement produit par le passé, la LDTR l'a combattu. Je rappelle qu'une votation a eu lieu il n'y a pas si longtemps, M. Zacharias voulait réintroduire l'idée des congés-vente, c'est-à-dire mettre les locataires à la porte pour vendre les appartements en PPE et ainsi disloquer les immeubles, et la population s'est largement prononcée là contre. Le Conseil d'Etat comme la commission du logement et notre Grand Conseil devraient être bien inspirés de suivre ce que le peuple a dit, à savoir: «Nous devons protéger le parc locatif, un parc locatif toujours plus menacé par la soif de profit des gros groupes immobiliers et des promoteurs.» Ce projet de loi va dans ce sens.
Pourquoi va-t-il dans ce sens ? Parce qu'il instaure une condition supplémentaire en cas de fraude constatée. Je signale que quatre cas ont été relevés jusqu'à maintenant, et on peut se dire que si quatre cas ont été repérés, il y en a sans doute bien plus en sous-main. Le contournement de la loi par un acte notarié erroné, à dessein ou non, non seulement a des conséquences pour les personnes qui habitaient le logement, qui ont dû le quitter ou l'ont vendu, mais des profits indus ont été réalisés.
Le problème, c'est qu'actuellement, les procédures pénales ne permettent pas de récupérer ces bénéfices illégitimes engrangés grâce à une autorisation qui n'aurait pas dû être donnée. Avec ce projet de loi, l'Etat disposerait d'un moyen de plus pour faire respecter le cadre légal de la LDTR et protéger le parc locatif contre les intérêts financiers des plus puissants, le tout dans l'intérêt de la collectivité. C'est pourquoi le groupe Ensemble à Gauche vous invite à le soutenir. Merci.
M. Sébastien Desfayes (PDC). Le PDC votera contre ce projet de loi qui porte atteinte à des principes cardinaux de l'ordre juridique suisse. J'ai entendu le rapporteur de première minorité se référer à la liberté du commerce et de l'industrie; non, le fondement constitutionnel qui est violé dans ce texte, c'est la garantie de la propriété.
Pour réagir au contenu du courrier de l'ASLOCA, une limitation de la garantie de la propriété, comme pour tout droit fondamental, n'est possible que s'il existe un intérêt juridique. Ce projet de loi vise à augmenter la sanction en cas d'acte authentique faux, ce qui n'est pas possible. Si le Tribunal fédéral fait une pesée des intérêts lors de l'atteinte à une garantie constitutionnelle, l'alourdissement de la peine ne peut en aucun cas justifier une telle violation.
Il y a un autre problème avec cette proposition, c'est celui de la sécurité juridique ou plus exactement de l'insécurité juridique qui en résultera. Imaginons qu'une vente soit réalisée, puis une vente postérieure, puis une autre, il y aurait plusieurs propriétaires successifs de bonne foi et on leur dirait, cas échéant dix ans après: «Toutes les transactions sont considérées comme nulles, vous devez restituer le logement.» Il s'agit d'une atteinte grave au principe de la sécurité juridique !
Par ailleurs, le rapporteur de majorité l'a évoqué, lors de l'exécution d'un transfert de propriété ou de tout acte relatif aux droits réels, on doit pouvoir se fier aux actes notariés; douter de ceux-ci, c'est contrevenir à un principe pourtant clair de notre ordre juridique. Il est d'ailleurs étonnant que le projet de loi institue les mêmes mécanismes pour un acquéreur de bonne foi; cela revient à punir de manière excessive des acheteurs honnêtes. Pour conclure, je relève qu'en cas de titres faux, le droit pénal prévoit des sanctions. Merci.
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). On a affaire ici à un projet de loi ASLOCA, fait par l'ASLOCA pour l'ASLOCA. Mes préopinants de gauche ont indiqué que quatre cas d'abus avaient été constatés. Or durant les travaux de commission, le département n'en a mentionné que deux et M. Velasco, lors de sa présentation, n'a pas pu en citer d'autres que les deux préalablement évoqués. Le premier a été tranché au Tribunal fédéral et le second est en cours d'examen par le département, il est donc faux de prétendre que rien n'est entrepris; en l'occurrence, le dossier est à l'analyse actuellement.
Maintenant, revenons au projet de loi. Au cours de sa présentation par le deuxième signataire, quelque chose nous a sauté aux yeux: le cas de figure incriminé n'a pas plu à l'ASLOCA car la loi actuelle ne lui permettait pas d'avoir gain de cause selon sa vision. Aussi, qu'a-t-elle fait ? Elle a décidé de modifier la loi ! C'est malheureusement la limite de notre exercice parlementaire: nous n'édictons pas des lois parce que nous ne sommes pas satisfaits d'un jugement.
Lors de son audition, le département a justifié son refus pour quatre motifs. Sébastien Desfayes en a fait mention, je vais les rappeler également, puisque apparemment, ils ne sont pas clairs pour M. Velasco. Le premier, c'est la violation de la garantie de la propriété et de la liberté économique. En l'occurrence, un alourdissement de la sanction ne constitue pas un but d'intérêt public.
Ensuite, il y a l'atteinte au principe de la bonne foi qui va créer une insécurité juridique, car la sanction prévue dans le projet de loi s'appliquera à tous les acteurs économiques, y compris ceux qui sont de bonne foi. On viole ici l'un des fondements de tout ordre juridique. La situation installée ne devrait pas pouvoir être remise en cause lorsqu'un acte notarié est réalisé sous seing privé. Aujourd'hui, il existe un moyen pour reconsidérer un contrat, c'est le recours à la justice.
Le troisième point, c'est le principe des actes authentiques et de la profession des notaires qui doit être respecté. Les notaires ne sont pas tous de vilains filous, pas plus que les promoteurs immobiliers ou les propriétaires - mais là, je sais que je n'aurai pas gain de cause auprès de mes chers amis de la gauche.
Enfin, quatrième argument, c'est l'absence de cause juridique pour un paiement qui se ferait en main de l'Etat. Le dispositif prévoit une restitution des montants perçus. Or l'Etat n'ayant jamais possédé cet argent, il s'agirait d'une amende déguisée. Mesdames et Messieurs, le PLR vous invite à refuser ce projet de loi qui a été élaboré par une partie déboutée et déçue; un texte législatif n'a pas pour vocation de satisfaire des mécontents. Merci donc de le rejeter.
M. Pablo Cruchon (EAG), rapporteur de deuxième minorité ad interim. J'aimerais réagir aux propos qui ont été tenus par la droite, lesquels ne concernent que l'aspect juridique. Aucun argument de fond n'a été avancé sur les cas présentés, sur la fraude, sur le fait que des immeubles à visée locative sont transformés, vendus à la découpe au détriment de l'intérêt prépondérant de la population. Là-dessus, rien n'est dit ! On se cache derrière des normes légales en s'exclamant: «Ça ne va pas, ça ne va pas !» Mesdames et Messieurs, vous étiez libres, en commission, d'émettre des propositions pour que le texte vous convienne du point de vue législatif, mais qu'on s'attache tout de même à lutter contre les phénomènes de fraude et de contournement de la loi qui permettent à certains de s'en mettre plein les poches.
Par ailleurs, le principe de la sécurité juridique selon lequel un bien mal acquis demeure acquis, et tant pis pour le reste du monde, est complètement imbécile ! Le vol n'est pas autorisé, que je sache; quand quelqu'un revend quelque chose de volé, ça s'appelle du recel. Je ne vois pas pourquoi une personne qui a acquis un bien immobilier sur la base d'un faux acte notarié pourrait continuer à en jouir sous prétexte que c'est méchant de lui piquer son logement ou l'argent qu'il a gagné ! Redescendez sur terre ! Vos discours sur la mendicité ne s'appliquent plus quand il s'agit de dilapider les biens publics et de desservir les intérêts de la collectivité. Par conséquent, je vous remercie de voter ce projet de loi...
Ah non, pardon, encore un dernier détail: on nous dit que c'est un projet de l'ASLOCA pour l'ASLOCA, déposé parce que l'ASLOCA est mécontente. Mais qui est l'ASLOCA ? C'est l'association des locataires, elle représente des dizaines de milliers de personnes dans ce canton. Aussi, quand vous dites que l'ASLOCA est mécontente, eh bien ce sont les locataires qui sont mécontents, ce sont les gens confrontés à la pénurie qui n'arrivent pas à trouver de loyer abordable parce que vous, Mesdames et Messieurs, n'arrêtez pas de frapper sur le clou, cherchez à tout prix à privatiser les espaces, essayez de liquider le parc locatif, restreignez l'accès aux logements sociaux. Vous démantelez tout cela, puis vous vous écriez: «Ouh, l'ASLOCA est mécontente !»
Bien sûr que l'ASLOCA est mécontente, bien sûr que les locataires sont mécontents, bien sûr que la majorité de la population est mécontente de la politique du logement que vous imprimez dans ce parlement, une politique au service de vos petits copains qui s'en mettent plein les poches. Alors merci de voter ce projet et d'arrêter de faire vos pleurnicheuses ! (Applaudissements.)
Le président. Merci. Je rappelle qu'on s'adresse à la présidence dans cette salle. Madame Barbier-Mueller, le PLR ne dispose plus de temps de parole. Monsieur Alberto Velasco, c'est à vous pour deux minutes et quarante-quatre secondes.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Je voudrais signaler à mon collègue Desfayes - si vous permettez, Monsieur le président - que la garantie de la propriété n'est pas remise en question par la disposition que nous proposons, puisque les personnes qui ont acquis un appartement le gardent, il n'y a aucun problème. Il faut bien le souligner, car il y a apparemment une confusion à ce sujet.
Non, ce qui est mis en cause, ce sont les bénéfices réalisés lors d'une transaction basée sur un faux acte notarié. A cet égard, je précise à l'attention de ma collègue Mme Barbier-Mueller que je ne fais pas le procès de la profession de notaire. Je suis d'accord avec elle: nombre d'entre eux sont honnêtes, mais ceux qui ne le sont pas, les véreux, doivent être mis à l'index, parce que d'autres notaires en pâtissent, et c'est ce que nous mettons en exergue ici.
Quant à la sécurité juridique, Mesdames et Messieurs, je ne vois pas en quoi elle serait affectée. On relève un fait qui s'est passé dans le canton, pas une seule fois, mais deux; c'est déjà trop. Une fois, c'est déjà beaucoup; deux fois, c'est trop. La moindre des choses, c'est que le département intervienne. A la rigueur, qu'il renforce cette sécurité juridique, mais il ne peut pas tout simplement dire: «Non, nous ne pouvons pas agir, nous ne faisons rien parce que cela porte atteinte à la sécurité juridique.»
Je le répète: les personnes qui ont acquis un logement dans le cadre de ces transactions le conservent, elles ne sont pas touchées par la mesure. Tout ce qu'on demande, c'est que dans le cas d'espèce, le bénéfice de 2 410 000 francs qui a été engrangé revienne au département pour être affecté au logement social ou à des activités d'utilité publique. C'est la seule chose qu'on exige, et ça vous semble déjà beaucoup. Ça vous semble beaucoup !
En refusant ce projet de loi, vous dissimulez la vérité, vous admettez qu'on peut conclure des opérations sur la base de faux dans ce canton et que cela profite à quelques-uns. Mesdames et Messieurs, je suis parfaitement choqué d'entendre mes collègues députés signifier que ce projet de loi contrevient à l'intérêt public. Voilà, merci.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai été surpris par l'intervention de ma collègue Diane Barbier-Mueller, qui a l'air de ne pas comprendre notre travail de parlementaires. La mission qui nous a été confiée, à nous députés, c'est de modifier la loi. Lorsque celle-ci ne convient pas, lorsque les choses ne fonctionnent pas comme elles devraient, le Grand Conseil légifère. Cela me semble constituer le b. a.-ba de la politique, et je suis donc extrêmement étonné des propos qu'elle a tenus dans cette enceinte. Merci.
M. Daniel Sormanni (MCG), rapporteur de majorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, dans cette affaire, il faut d'abord savoir qu'on n'est pas du tout dans le cadre des fameux congés-vente que d'aucuns ont condamnés - et nous aussi, d'ailleurs. En réalité, il y a extrêmement peu de ventes d'appartement aujourd'hui tant la loi est restrictive. Je relève en outre que s'il fut un temps où la vente à la découpe était juteuse pour les promoteurs immobiliers, ce n'est plus le cas à l'heure actuelle, les bénéfices se font sur la vente des immeubles et non sur la vente à la découpe. Ce n'est pas une justification, simplement un constat.
Maintenant, si on établit que la loi ne convient pas, d'accord, on peut la modifier, mais il faut qu'elle soit applicable, on ne peut pas créer un dispositif qui sera contesté parce qu'il viole la garantie de la propriété et de la liberté économique, et à coup sûr cassé par le Tribunal fédéral.
Le département est attentif à cette problématique. Comme cela a été signalé tout à l'heure, l'un des cas a été traité au Tribunal fédéral, l'autre est à l'étude en ce moment au département. Celui-ci fait son travail, ses représentants sont venus nous le dire en commission, ils nous ont exposé leurs arguments - les quatre points essentiels qui ont été cités, que j'ai moi-même évoqués au départ. On ne peut pas soupçonner le département du territoire - M. Hodgers, aux dernières nouvelles, est toujours membre du parti des Verts, donc de l'Alternative - de ne pas vouloir agir.
Le projet est contesté simplement parce qu'il n'est pas constitutionnel ni praticable, voilà tout. A un moment donné, il faut se rendre compte que cela n'a pas de sens de se donner bonne conscience en votant un texte tout en sachant pertinemment qu'il ne pourra pas être appliqué. Qui plus est, il serait extrêmement compliqué de mettre ce dispositif en oeuvre quand bien même le projet de loi serait validé. Non, on est à côté la plaque, ce n'est pas comme ça qu'on résoudra le problème.
Il est bien clair que pour qu'une mesure de ce genre passe, une mesure qui restreint le principe constitutionnel de la liberté économique, il faut un but d'intérêt public, et non d'intérêt privé. Or le département du territoire est venu nous dire qu'il ne voyait pas quel était le but d'intérêt public poursuivi ! De toute façon, il n'est pas possible de mettre en pratique ce projet de loi, c'est le constat auquel une large majorité de la commission du logement est arrivée, comme je l'ai indiqué tout à l'heure. Voilà pourquoi elle a refusé ce texte et vous invite à faire de même. Merci.
Le président. Je vous remercie. Monsieur Pablo Cruchon, vous avez la parole pour trente-neuf secondes.
M. Pablo Cruchon (EAG), rapporteur de deuxième minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je souhaiterais réagir aux propos du député Sormanni, qui soutient que le projet n'a rien à voir avec la vente à la découpe. Au contraire, il s'agit précisément d'astuces... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...pour contourner les lois ! D'ailleurs, le PLR et le MCG en font leur cheval de bataille, puisqu'ils ont déposé, le 20 septembre dernier, un texte pour assouplir les règles dans ce domaine, pour favoriser la vente à la découpe, pour disloquer le parc locatif en ville de Genève...
Le président. Merci...
M. Pablo Cruchon. ...et ce au détriment de la population. Mesdames et Messieurs, je vous invite à faire de ce projet de loi un exemple...
Le président. Merci !
M. Pablo Cruchon. La population s'est déjà prononcée, à nous de le confirmer: nous refusons les ventes à la découpe et les arnaques de ce genre ! Merci.
Le président. La parole revient à M. Alberto Velasco pour vingt-cinq secondes.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. M. Sormanni - vous transmettrez, Monsieur le président - a une foi sans limites dans le département ! A ce niveau, ça relève vraiment de la foi ! Aucun tribunal, que je sache...
Le président. Merci...
M. Alberto Velasco. ...n'a reconnu les arguments...
Le président. Merci !
M. Alberto Velasco. ...émis par le département. Non, Monsieur Sormanni, c'est juste le département qui le dit, voilà tout ! Tout simplement !
Le président. Merci, Monsieur.
M. Alberto Velasco. Il peut avoir raison ou pas, mais s'il vous plaît, ne vous en remettez pas à la foi !
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne sais pas si c'est de la foi, mais c'est sans doute une lecture un peu plus pragmatique de la situation qu'il faut présenter concernant ce projet de loi. Tout d'abord, à la connaissance du département, seules deux ventes se sont produites de manière non conforme à la loi à cause d'actes notariés inexacts. Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat estime que ces deux cas sont choquants et qu'il est juste de réagir face à des comportements qui, parce qu'ils violent la loi, parce qu'ils portent atteinte au principe de la bonne foi, ont des conséquences négatives, ici notamment la soustraction de logements du marché locatif.
Cela étant, le premier constat que nous devons dresser, du moins en ce qui concerne le département, c'est que les procédures judiciaires qui entourent ces deux cas de faux ne sont pas achevées. Il est dès lors quelque peu cavalier de la part de l'ASLOCA ou de ses représentants de chercher à modifier la loi alors que des processus sont en cours. Naturellement, si une loi se révélait être une passoire, que tous les recours avaient été épuisés et que le Tribunal fédéral venait finalement à ratifier une pratique illégale, eh bien il s'agirait d'un trou dans le corpus législatif qu'il nous appartiendrait collectivement de combler; je suivrais l'ASLOCA si nous étions dans une situation où il serait avéré qu'il y a une brèche dans le bouclier et que tout le monde pourrait s'y engouffrer parce que les autorités et les juridictions suprêmes l'auraient confirmée.
Mais tel n'est pas le cas, Mesdames et Messieurs. Et cela renverse les choses, parce qu'en l'occurrence, l'ASLOCA fait un procès au département, respectivement à la LDTR, lui reprochant de ne pas être assez solide, d'avoir laissé passer ces deux malheureux abus. Or le département et la justice civile n'ont pas dit leur dernier mot. Aussi, la première des choses serait à tout le moins d'attendre la fin des procédures judiciaires, puisqu'il ne s'agit que de deux cas et que ce n'est pas un contexte général dans lequel nous vivons.
D'autre part, la manière dont le projet de loi est rédigé est problématique au sens de l'intérêt public défendu. Pourquoi ? Parce que contrairement à ce que soutient M. Cruchon, ce texte ne protège pas le parc locatif: il admet que des ventes à la découpe ont déjà eu lieu et que les nouveaux propriétaires peuvent conserver leur bien immobilier. Il n'y a pas de retour à la situation antérieure, c'est-à-dire qu'on n'en revient pas à des appartements locatifs, on maintient la situation issue de la fraude, mais en demandant à l'administration d'encaisser la plus-value réalisée dans le cadre de l'opération immobilière.
Or, Mesdames et Messieurs les députés de la gauche qui avez initié ce projet de loi, ce bénéfice n'appartient pas à l'Etat, la transaction a été effectuée entre deux contractants privés. Sous quel motif l'Etat viendrait-il s'approprier une somme qui ne lui appartient pas ? Et qui, à aucun moment, ne lui a appartenu ? Cela soulève un problème fondamental, et chacun comprendra l'incompatibilité de ce dispositif avec le droit supérieur. L'Etat prélève légalement de l'argent par l'impôt, par des lois très précises qui indiquent à quel moment il est en droit de le faire, mais il ne peut pas s'attribuer un montant issu d'un contrat civil, quand bien même celui-ci aurait été frauduleux. Il revient bien à la justice civile d'aller de l'avant dans ces dossiers et de rétablir la situation en redistribuant les profits réalisés aux vrais bénéficiaires, qui sont issus du monde privé.
C'est un principe cardinal, d'autant plus que comme cela a été souligné, si l'on revient au coeur de l'affaire, il s'agit bien de faux. Alors soit ce sont des faux de mauvaise foi de la part des notaires, ce qui est très grave et comporte un enjeu pénal sur lequel le Ministère public doit se pencher - et l'ASLOCA a tout loisir d'agir sur dénonciation -, soit il y a une dimension de bonne foi, auquel cas c'est la compétence même du notaire qui est mise en cause, et dans cette situation, les autorités de surveillance de l'activité notariale, qui est une activité souveraine de l'Etat effectuée par délégation à des privés, doivent intervenir. Là encore, il faut que les procédures aillent jusqu'au bout avant que nous puissions venir ici avec un projet dans l'optique de légiférer.
Mesdames et Messieurs les députés, ces affaires sont graves et importantes. A notre connaissance, il n'y en a eu que deux jusqu'à maintenant. Je vous propose, Mesdames et Messieurs les initiants, d'attendre la fin des procédures judiciaires, de voir ce que les tribunaux vont statuer, d'établir un constat global une fois que les cas auront été jugés de manière définitive, et s'il reste une brèche dans notre arsenal LDTR, nous travaillerons ensemble pour la colmater. En l'état, ce projet de loi arrive beaucoup trop tôt.
Le président. Je vous remercie. L'usage veut qu'on ne s'exprime pas après le Conseil d'Etat, mais M. Cruchon m'a assuré qu'il serait bref pour une question de procédure.
M. Pablo Cruchon (EAG), rapporteur de deuxième minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Etant donné la position de M. Hodgers, je propose un renvoi à la commission du logement.
Le président. Bien, merci. M. Velasco aimerait-il réagir à cette requête ?
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Oui, Monsieur le président, merci. Eu égard aux propos tenus par le président du département, il nous semble intéressant de retourner en commission en attendant que les faits soient jugés. Merci.
M. Daniel Sormanni (MCG), rapporteur de majorité ad interim. La majorité refusera le renvoi en commission de ce projet de loi qui, dans tous les cas, si j'ai bien compris les propos de M. Hodgers, serait illégal. Je pense qu'il faut le rejeter aujourd'hui. Nous aurons éventuellement l'occasion, après les procédures judiciaires, de nous reposer la question - pourquoi pas sur l'initiative du magistrat ?
Le président. Je vous remercie. Est-ce que le Conseil d'Etat désire s'exprimer sur la proposition de renvoi en commission ? Ce n'est pas le cas, aussi nous procédons directement au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12611 à la commission du logement est rejeté par 56 non contre 38 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12611 est rejeté en premier débat par 55 non contre 26 oui et 14 abstentions.
Premier débat
Le président. Nous traitons maintenant le PL 12619-A, classé en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à M. le rapporteur de majorité Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi propose de redonner une place à la biodiversité, car pour les auteurs, cela semble simple: ils partent du principe que la plupart des places publiques servent de parkings souterrains, par exemple Plainpalais ou Saint-Antoine. Pour eux, il s'agit même de «végétaliser les trottoirs». Vous entendez bien: végétaliser les trottoirs. Tout est possible ! Lors de son audition, l'auteur du projet de loi, M. Bayenet, a relevé que des projets ont négligé l'aspect de la biodiversité. Il faut rendre de l'espace aux habitants et aux piétons en supprimant des places de stationnement. Effectivement, lorsque l'on voit ce qui a été fait en ville de Genève, avec la minéralisation d'un certain nombre de places, comme la place Simon-Goulart ou la place du Rhône, vous me permettrez de me pincer, parce que c'est une véritable honte ! (Remarque.)
Présidence de M. Jean-Luc Forni, premier vice-président
La majorité de la commission n'est pas d'accord s'agissant de la problématique des places de stationnement. Le peuple vient de se prononcer sur la modification de la LMCE; un compromis a été trouvé et le peuple l'a approuvé. Il ne convient donc pas de revenir sur ce qui a été voté et accepté par le souverain. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission fiscale... (Remarque.) ...vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi 12619. Je vous remercie, Monsieur le président de séance.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité, je donne maintenant la parole à... (Remarque.)
M. Christo Ivanov. Excusez-moi: la commission des transports, pardon ! (Rire.)
Le président. Des transports, effectivement ! Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Je donne maintenant la parole au rapporteur de minorité, M. Jean Burgermeister.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Voilà un projet de loi qui présente beaucoup d'avantages et beaucoup d'intérêts, et finalement un défaut principal peut-être, celui d'être trop modeste, trop raisonnable dans ses ambitions... (Rire.) ...et qui pourtant a été traité de manière très sommaire par la commission des transports. Alors le problème vient peut-être justement du fait que c'est la commission des transports qui s'est penchée sur un texte qui vise à créer des zones de nature en ville, en proposant notamment de remplacer 2% des places de parking par des arbres et des zones de nature. La commission des transports a vu cela uniquement sous le prisme de l'emprise - pourtant réduite, modeste - que cela aurait sur la circulation automobile. Or les vertus et les objectifs de ce projet de loi sont d'un tout autre niveau: c'est avant tout favoriser la biodiversité en ville, ce qui est normalement une priorité de cette législature et notamment du Conseil d'Etat; c'est aussi favoriser la qualité de vie des habitantes et des habitants du canton et de la ville en particulier, du centre urbain, qui ont tout à gagner à voir des espaces naturels, même de taille modeste, se développer autour de chez eux et elles.
Aujourd'hui, la conception de la protection de la nature et de la biodiversité a passablement évolué. On ne considère pas qu'il y a d'un côté la ville, avec les gens qui y vivent, et de l'autre, les espaces naturels, plus ou moins sauvages, qu'il faudrait préserver de l'activité humaine. Ce vers quoi on doit tendre, et en particulier dans notre contexte d'urgence climatique absolue, c'est au contraire d'essayer de rétablir les relations organiques entre l'être humain et son environnement pris au sens large, de manière à respecter précisément les équilibres naturels, afin de permettre non seulement la protection de la nature et de la biodiversité, la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi un accroissement de la qualité de vie des habitantes et des habitants.
Ce projet de loi propose une piste concrète pour différents sujets qui sont présentés par le Conseil d'Etat et souvent aussi par ce Grand Conseil comme des priorités du moment, par exemple «Nature en ville». Ce programme occupe une place importante notamment dans la stratégie biodiversité et dans le plan biodiversité, adoptés en grande pompe par le Conseil d'Etat et très massivement, peut-être unanimement même, par ce Grand Conseil. Or on peine encore à voir sa concrétisation. Et pour cause: je crois que, dans le budget 2022 - mais de toute façon il a été refusé -, quelques centaines de milliers de francs étaient prévus pour la mise en application d'un plan dont on estimait les coûts à une vingtaine de millions sur quelques années. Autant dire qu'à ce rythme-là, on n'y arrivera pas, pas du tout...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Monsieur le rapporteur.
M. Jean Burgermeister. Très bien, Monsieur le président. ...tout comme pour ce qui est de la nécessité d'une réduction des gaz à effet de serre: on se gargarise d'un objectif de 60% de réduction d'ici 2030, alors que rien ne permet de croire que l'Etat prend cette direction. Par ailleurs, il y a la question de la lutte contre le réchauffement climatique ainsi que de l'adaptation des zones urbaines, puisque planter des arbres notamment, c'est permettre un rafraîchissement des rues, donc offrir à la population de mieux vivre face à une augmentation désormais inévitable et importante des températures, même s'il faut l'empêcher le plus possible. C'est très important en particulier pour les personnes âgées, dont on sait qu'elles peuvent souffrir mortellement parfois des canicules. Et puis, cela permet aussi d'accroître - et c'est en lien avec ce que je viens de dire - la surface de canopée du canton. On sait aussi que c'est un objectif du Conseil d'Etat, qui de nouveau articule des chiffres ambitieux, mais dont on peine pour l'instant à voir comment il compte le matérialiser.
Bref, ce projet de loi permet de répondre à beaucoup de questions et finalement d'apporter des solutions concrètes et conséquentes à des déclarations d'intentions faites aussi bien par le Conseil d'Etat que par ce Grand Conseil, mais qui sont restées précisément pour l'instant des déclarations d'intentions et qui n'ont pas été matérialisées - et tout ça, Mesdames et Messieurs, avec un sacrifice modeste de 2% de places de parking.
Je pense qu'il est important que ce Grand Conseil se penche sérieusement et honnêtement sur ce projet de loi. C'est pourquoi je vous invite à le renvoyer à la commission de l'aménagement, où il aurait dû être envoyé si une majorité de ce parlement n'en avait pas décidé autrement, afin qu'une vraie étude sérieuse soit menée, pas uniquement à travers le prisme de la défense des voitures, mais bien à travers celui de l'aménagement général, de la qualité de vie et de questions environnementales. Et puis, si ce parlement se montre, à l'inverse d'Ensemble à Gauche, déraisonnable et refuse ce renvoi en commission, alors je vous inviterai évidemment à accepter de manière enthousiaste ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Vous avez demandé le renvoi de ce projet de loi à la commission d'aménagement du canton. Je prie le rapporteur de majorité de s'exprimer sur ce renvoi.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Il convient de refuser le renvoi en commission. Tout a été fait à la commission des transports. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Monsieur le conseiller d'Etat, sur le renvoi en commission ? (Remarque.) Vous ne souhaitez pas prendre la parole. Mesdames et Messieurs, nous allons donc voter sur cette demande de renvoi.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12619 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 46 non contre 33 oui.
Le président. Nous poursuivons notre débat, je donne la parole à Mme Marjorie de Chastonay.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'enjeu de ce projet de loi est de redonner de la place à la biodiversité en convertissant 2% des places de stationnement dans les zones denses en espaces de biodiversité. Cela représente environ 500 places de stationnement. Nous pensons qu'en situation d'urgence climatique, déclarée en décembre 2019, Genève doit tout mettre en oeuvre pour protéger notre environnement, notre biodiversité, pour lutter contre le dérèglement climatique, mais aussi pour protéger la population des canicules ainsi que des îlots de chaleur qui se produisent dans les milieux urbains.
Pour lutter contre ces îlots de chaleur, il faut planter des arbres. Or en milieu urbain, l'espace en sous-sol est très utilisé par les canalisations, etc. Il faut donc analyser où se trouvent les potentialités d'arborisation. A ce titre, la stratégie d'arborisation de l'OCAN - l'office cantonal de l'agriculture et de la nature - a été présentée et va déjà dans le bon sens. Concernant le patrimoine arboré, des pépinières urbaines - idée inédite - ont été inaugurées en mai dernier notamment à Vernier, le but étant de renforcer les plantations de demain. En effet, aujourd'hui, il faut assurer le renouvellement du parc arboré local, au moyen d'arbres adaptés aux étés chauds. On parle donc ici de gérer, de protéger et de planter. Mais planter où et comment... (Remarque.) ...dans un contexte urbain, un environnement minéral, dense, qui laisse peu d'espace ? C'est un défi que nous devons relever face au dérèglement climatique, face aux canicules, face au parc arboré déjà fragilisé par ce réchauffement. Nous, les Vertes et les Verts, soutenons toute démarche visant à diminuer le trafic individuel motorisé, spécifiquement en ville, ce qui est un des objectifs du plan climat cantonal, non seulement pour libérer de l'espace à des fins sociales, mais aussi pour pouvoir augmenter la nature en ville, le nombre d'arbres et les espaces de biodiversité, et surtout améliorer la qualité de vie des habitants, protéger la population des îlots de chaleur et des canicules qui vont inévitablement augmenter.
Depuis le dépôt de ce projet de loi il y a quelques années, l'initiative «Climat urbain» a été déposée et validée. Elle va encore plus loin, puisqu'elle vise justement à transformer chaque année pendant dix ans 1% des espaces de la voie publique consacrés à la voiture pour végétaliser la ville et développer la mobilité durable. Cette initiative, j'en suis certaine, sera plébiscitée par la population, car elle vise dans le mille. Les Vertes et les Verts soutiendront ce projet de loi. Je m'arrêterai là pour l'instant. Merci, Monsieur le président.
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Ce projet de loi intitulé «Pour que vive la nature en ville», il faut le rappeler, avait été déposé par M. Pierre Bayenet, qui venait de déménager en ville de Genève à l'occasion d'une campagne pour le Conseil administratif. Certainement nostalgique de son village de Bardonnex, il s'est dit: «Je vais apporter le village et la nature dans la ville !» C'était ça, l'idée de base. Il y avait un côté touchant. Il y avait un côté «sous les pavés, la plage», mais pas très réaliste.
Comme vous le savez, il est évidemment très difficile de planter de l'espace vert en ville, parce que les arbres ont plus de difficultés à s'y développer. Le sous-sol est déjà très occupé, il y a des réseaux souterrains. L'arbre a besoin d'espace - environ 9 mètres cubes de terre - pour bien se développer, pour que ses racines se développent. C'est donc un défi. Il faut bien entendu savoir qu'en ville, la voirie a une utilité importante pour les transports publics et individuels. Par ailleurs, comme vous le savez, nous avons d'ores et déjà assoupli la loi concernant la compensation des places de parking. Un certain nombre d'efforts va donc être fait de ce côté-là. Mais la ville doit rester quand même un lieu où l'on peut circuler. Il y a une population qui y habite, qui y transite, c'est une réalité, même si Mme Frédérique Perler, qui est venue nous présenter le projet qui devrait succéder à Clé-de-Rive, n'a pas l'air de comprendre que la ville de Genève, c'est aussi un lieu de passage pour des gens qui n'y habitent pas, mais qui y travaillent, et qu'il y a des entreprises, des gens qui se rendent au bureau et qui doivent passer par cette ville. On ne peut pas la mettre sous cloche. Vivre en ville a évidemment des inconvénients, parce qu'il y a du trafic, un peu plus de pollution que dans la commune de Bardonnex, mais il y a aussi d'innombrables avantages, en particulier dans le domaine de la culture. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Il faut savoir aussi que l'Etat - et nous avons auditionné Mme Valentina Hemmeler Maïga, directrice générale de l'office cantonal de l'agriculture et de la nature - élabore déjà une importante stratégie dans le domaine de l'arborisation. Il y a toute une stratégie...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Alexandre de Senarclens. ...de la nature en ville. L'Etat, à notre sens, a donc pris les devants. Ce sont les motifs qui poussent le PLR à refuser ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président. (Remarque.)
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, la biodiversité est constituée par la diversité des milieux naturels, des espèces, la diversité génétique, ainsi que leurs interactions. La biodiversité, vous le savez toutes et tous, est une ressource vitale pour nous aujourd'hui, mais également, et peut-être encore plus, pour les générations futures. La biodiversité est tout simplement la base de notre vie sur cette terre. Il est estimé que 5% des espèces seront en voie d'extinction si les températures augmentent de 2 degrés. Ce sont 16% des espèces si le réchauffement climatique atteint 4,3 degrés.
Qu'en est-il, Mesdames et Messieurs, dans le canton de Genève ? Malgré sa taille modeste, notre canton abrite des milieux naturels riches et variés. Plus de 40% des espèces d'animaux, de végétaux et de champignons qui existent en Suisse sont présents sur le territoire genevois. Que fait le canton de Genève par rapport à la biodiversité ? Il fait beaucoup de choses, en tout cas s'agissant de stratégie et de plan d'actions. Il y a une stratégie biodiversité cantonale qui s'inscrit dans le plan climat cantonal ainsi qu'un plan biodiversité 2020-2023 pour mettre en oeuvre cette fameuse stratégie. Cela a été dit en partie: l'idée, c'est de planter plus d'arbres, d'augmenter la surface de la canopée, de mener une gestion plus écologique, on va dire, plus naturelle des espaces verts et des forêts, d'augmenter l'agriculture biologique sans pesticides et sans fongicides et d'augmenter les surfaces de sites protégés et de réserves naturelles.
Alors quand un projet de loi nous propose de convertir 2% des places de stationnement en surface en espaces de biodiversité, bien entendu que le parti socialiste l'accepte. Car chaque centimètre de bitume - et je pèse mes mots -, chaque centimètre de bitume qui peut être rendu à la biodiversité est à soutenir fortement et les socialistes le soutiennent fortement, car la biodiversité, je l'ai dit, n'est rien de moins que la base de notre vie sur terre. Eh oui, Mesdames et Messieurs de la droite pro-bagnoles, c'est bien la biodiversité qui est la base de notre vie sur terre et non la voiture, comme vous semblez le penser ! (Commentaires.)
M. Jacques Blondin (PDC). Il est difficile de prendre la parole juste après M. Wenger, qui, avec beaucoup de lyrisme, nous a expliqué l'importance de la biodiversité. Sur ce point, bien évidemment, je vais être d'accord avec lui. Comment résister à un projet de loi qui parle de biodiversité en ville ? Mais vous connaissez l'adage: le titre a parfois beaucoup plus d'importance que le contenu.
J'aimerais juste vous demander, Mesdames et Messieurs les députés, de fermer les yeux trente secondes et de visualiser un arbre. Quand vous regardez un arbre et que vous voyez son envergure, vous devez vous imaginer que, sous le sol, il y a le même volume qui lui est dévolu pour sa croissance. Il a été dit tout à l'heure qu'il fallait 9 mètres cubes pour faire pousser un arbre. Ça, c'est pour les petits arbustes qu'on peut planter le long des rues. Si vous voulez un arbre d'envergure qui amène les effets escomptés, il faut 100 mètres cubes à disposition. (Remarque.) Par conséquent, limiter ce projet de loi à la destruction de 500 places de parking pour y mettre des arbres d'une certaine envergure pour amener de la diversité en ville, c'est simplement irréalisable compte tenu des volumes que cela nécessite et de la destruction du sous-sol et de toutes les installations techniques en place que cela implique.
Cela a déjà été dit, la directrice de l'office cantonal de l'agriculture et de la nature nous a expliqué en long, en large et en travers que, certes, il fallait s'occuper de ramener de la canopée en ville, qu'il fallait lutter contre les îlots de chaleur, qu'il fallait travailler sur toutes ces problématiques, mais que bien entendu la solution résidait, ou résidait en tout cas beaucoup plus, dans l'aménagement de parcs ou de divers squares, où on peut effectuer un vrai travail de fond. Bien sûr, cela ne veut pas dire que chaque centimètre n'est pas bon à prendre, et, si ce projet de loi a été traité par la commission des transports, c'est simplement parce qu'on visait directement 500 places de parking. Je reviens sur ce qu'a dit M. de Senarclens: à l'époque, il s'agissait clairement d'un projet de loi qui tombait en période électorale.
Le PDC est bien évidemment très favorable à la biodiversité, qu'elle soit à la campagne ou en ville, et de plus en plus en ville, parce qu'effectivement la question des îlots de chaleur est fondamentale, mais ce projet de loi se trompe de cible et nous allons le refuser. Merci. (Commentaires.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous allons aussi refuser ce projet de loi. Ce texte ne vise en fait qu'une seule chose: supprimer des places de parking en ville. Incontestablement, c'est ça, l'objectif de base, et ce n'est pas la sauvegarde de la biodiversité. On sort d'une votation où le peuple a malheureusement accepté la suppression de 4000 places de parking en ville, on ne va pas encore en rajouter, alors que tous les jours, tous les jours, on supprime des places, on installe des épingles à vélos pour enlever des places de voitures, on ferme des rues ou on les rend complètement piétonnes - je vous invite à lire le GHI au sujet de la rue des Rois - et on crée des restrictions de circulation un peu partout. On ferme des rues, on entend qu'on va fermer la rue de Carouge, la place des Augustins, la rue Dancet, la place Neuve et - il paraît que c'est à bout touchant - la rue du Diorama ! C'est un véritable scandale et ça ne va pas fonctionner ! Ce n'est pas comme ça qu'on va créer de la canopée en ville.
Je vous rappelle que les Verts et le parti socialiste, et l'Alternative de manière générale, ne se sont pas opposés à la coupe des arbres sur la plaine de Plainpalais. C'est là qu'il fallait laisser les arbres ! Il n'y avait qu'un seul député, conseiller municipal, qui était sur la plaine et qui courait après les tronçonneuses, eh bien c'était votre serviteur qui vous parle aujourd'hui ! (Commentaires.) C'est là qu'il fallait en planter, et pas au bord des trottoirs, où on va planter des arbres qui ressembleront à des balais à chiottes - passez-moi l'expression -, parce qu'ils ne pourront pas pousser ! M. le député Blondin vient de le dire. Et ceux qui ont été replantés sur la plaine de Plainpalais l'ont été dans des blocs en béton pas plus grands que 9 mètres cubes et ils ne pourront jamais grandir !
Donc voilà, Mesdames et Messieurs, les raisons pour lesquelles nous refusons ce projet de loi. (Remarque.) Quand on voit que les autorités de la ville s'empressent de soi-disant accepter la LMCE... (Remarque.) ...et refusent ensuite les autres mesures de cette loi, notamment l'installation de la moyenne ceinture... Eh bien ce n'est pas raisonnable ! Voilà. Je vous invite à refuser ce projet de loi. Merci. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Patrick Dimier pour cinquante secondes.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous connaissez l'emballement de mon collègue Sormanni, qui connaît la ville de Genève bien mieux que moi. Ce que je voudrais dire, c'est qu'on a deux exemples, mais il y en a un qui me tient particulièrement à coeur, c'est celui de la gare des Eaux-Vives, qui était garnie de quatre magnifiques marronniers, que tout le monde a applaudis quand on les a démolis pour installer le Léman Express. (Exclamations. Commentaires.) Alors le Léman Express, c'est ce qu'on sait, mais les marronniers ne sont plus là, ce qui fait que ce sont les Genevois qui sont marron, comme d'habitude !
Une voix. Oh ! (Rire.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le rapporteur de minorité Jean Burgermeister pour cinquante-quatre secondes.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Bon, il y a une incompréhension manifeste: le projet de loi n'oblige pas à planter des arbres sur les places de parking ! Visiblement, la droite vote contre un projet de loi qu'elle n'a pas lu et en tout cas pas compris !
Une voix. Non, on a entendu, on a entendu... (Remarque.)
M. Jean Burgermeister. Il parle de zones de biodiversité. Des zones de biodiversité, ça peut tout aussi bien être des prairies ou autre.
Une voix. Des prairies !
Une autre voix. Mais bien sûr ! (Commentaires.)
M. Jean Burgermeister. Bien entendu, il est souhaitable qu'il y ait notamment des arbres qui soient...
Une voix. Et de l'herbe à chat ! (Commentaires.)
M. Jean Burgermeister. Monsieur le président, je suis obligé de m'interrompre, il faut donc décompter ce temps, s'il vous plaît, puisqu'il y a des gens qui sont en train de hurler. (Remarque.)
Le président. Continuez, Monsieur le rapporteur. On a décompté ce temps.
M. Jean Burgermeister. Très bien. Bien entendu, il est souhaitable de planter des arbres, mais quand j'entends le PLR nous dire que finalement, c'est compliqué, la nature en ville... C'est compliqué, certes, mais c'est absolument nécessaire ! On voit là que le PLR a une conception complètement dépassée de ce qu'est la nature, qui doit aujourd'hui être intégrée, y compris dans la zone urbaine, et cet argument de M. de Senarclens est d'ailleurs en contradiction avec l'idée que ce projet de loi...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur.
M. Jean Burgermeister. Attendez, j'ai été interrompu ! (Commentaires.)
Le président. On a déjà décompté le temps, Monsieur le rapporteur.
M. Jean Burgermeister. ...que ce projet de loi n'est plus utile, puisqu'il existe une stratégie du Conseil d'Etat, que précisément ce projet de loi permet de matérialiser, parce que, jusqu'à maintenant...
Le président. C'est terminé.
M. Jean Burgermeister. ...on n'a pas vu comment le Conseil d'Etat voulait arriver aux objectifs qu'il a fixés. Je vous remercie.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. J'aimerais répondre à M. Wenger qui nous parlait de centimètres de bitume: quand on voit le gâchis en ville de Genève de la plaine de Plainpalais avec le gorrh, ce ne sont pas des centimètres, ce sont des kilomètres ! (Rire.)
Une voix. Bravo ! (Commentaires.)
M. Christo Ivanov. Et puis, ça a coûté 40 millions, au passage ! 40 millions ! Vous êtes toujours en train de nous donner des leçons sur les finances, mais là, pour dépenser à tout-va en ville de Genève, c'est: on y va, vas-y Totor, en avant ! (Commentaires.)
Pour répondre à mon préopinant, rapporteur de minorité remplaçant, j'ai déposé une motion devant la commission d'aménagement pour que la gare Dorcière - la gare routière - devienne un parc à la place des bus. J'ose espérer que votre groupe soutiendra cette motion.
En ce qui concerne ce projet de loi, il part d'une bonne intention, mais on a déjà vu ce qu'il s'est passé récemment, on l'a dit, non seulement avec le vote sur la LMCE, mais également avec le vote sur le projet Clé-de-Rive; un projet de piétonnisation du quartier de Rive est en route, et là, il y aura certainement la possibilité d'augmenter le nombre d'arbres au centre-ville.
Pour toutes ces raisons, Monsieur le président, la majorité de la commission des transports vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Madame Marjorie de Chastonay, vous avez la parole pour vingt-cinq secondes. (Remarque.)
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. En trente secondes, je vais demander le renvoi de ce projet de loi à la commission de l'environnement, puisqu'il s'agit aussi d'environnement et de biodiversité. Je sollicite donc formellement le renvoi à la commission de l'environnement et de l'agriculture. (Remarque.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Burgermeister, vous n'avez plus de temps de parole, mais vous pouvez intervenir brièvement sur le renvoi en commission. (Commentaires. Protestations.)
Une voix. Il n'a plus la parole !
Une autre voix. Il a le droit de s'exprimer sur le renvoi !
Le président. Il va effectivement s'exprimer sur le renvoi.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de minorité ad interim. Je suis rapporteur de minorité. J'explique aux gens qui hurlent que je suis rapporteur de minorité et que j'ai donc du temps de parole sur le renvoi en commission...
Le président. Monsieur le rapporteur, sur le renvoi, s'il vous plaît.
M. Jean Burgermeister. ...vous le savez, puisque vous avez fait un certain cirque de la même manière et de façon répétée lors du débat sur le CO22.
J'en viens maintenant au projet de loi et à la demande de renvoi en commission. Je pense qu'il est évidemment intéressant de le renvoyer à la commission de l'environnement, la commission des transports n'ayant visiblement - au vu notamment des interventions de ses membres - pas du tout compris ni le projet de loi, ni ce qu'il demandait, ni les enjeux. A l'appui de cela: une citation d'un PLR, qu'on trouve dans l'excellent rapport...
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur.
M. Jean Burgermeister. Non, mais attendez, Monsieur le président !
Le président. Vous aviez vingt-cinq secondes.
M. Jean Burgermeister. A la dernière plénière... (Protestations.) A la dernière plénière, on a passé trois heures à parler d'un projet de loi... (Protestations. L'orateur élève la voix pour couvrir le brouhaha.)
Le président. C'est terminé, Monsieur le rapporteur.
M. Jean Burgermeister. ...parce que la droite pouvait parler trois minutes à chaque demande de renvoi ! (Protestations. Commentaires.) Je suis dans le sujet, Monsieur le président !
Le président. Très bien, alors poursuivez. (Commentaires.)
M. Jean Burgermeister. Je suis en train de parler d'un renvoi à la commission de l'environnement !
Le président. Alors poursuivez, poursuivez.
M. Jean Burgermeister. J'ai le droit à trois minutes, vous allez me les laisser !
Le président. Poursuivez, Monsieur le rapporteur. (Commentaires.)
M. Jean Burgermeister. Très bien. Je vous remercie. Donc, un député PLR disait qu'il ne «[croyait] pas qu'il soit possible de créer de la biodiversité en ville [...] La biodiversité peut se retrouver dans la campagne et la forêt, mais pas entre deux voitures en ville». Voilà, Mesdames et Messieurs, la preuve manifeste que le PLR de manière générale, mais ici la majorité de la commission des transports, n'a pas du tout compris ce qu'étaient les enjeux modernes, actuels, de la biodiversité, n'a pas compris que, précisément, la nature en ville est une priorité dans la défense de la biodiversité et en particulier dans un canton comme Genève, qui est majoritairement urbain. Il est évidemment vain de discuter de préservation de la biodiversité si ce n'est que pour la mettre en périphérie du canton.
Et puis, pour répondre à M. de Senarclens, c'est vrai que la directrice de l'office cantonal de l'agriculture et de la nature a indiqué qu'il existait une stratégie du Conseil d'Etat notamment pour développer la canapé... la canopée, c'est-à-dire la surface couverte par les arbres, mais, précisément, elle considérait que ce projet de loi pouvait tout à fait s'inscrire dans cette stratégie. Raison pour laquelle il est urgent de traiter cela dans une commission, par exemple celle de l'environnement, et de voir comment ces éléments peuvent s'articuler, et je me réjouis d'avoir le point de vue d'un Conseil d'Etat à majorité PS-Verts qui a fait de cette question une priorité de cette législature. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Monsieur le rapporteur de majorité, sur le renvoi à la commission de l'environnement.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Bien évidemment, Monsieur le président, il faut refuser ce renvoi en commission. J'aimerais quand même répondre à mon préopinant rapporteur de minorité qu'ici on parle de CO2 et pas de CO22, et que ce n'est pas un canapé, c'est la canopée ! (Rires.) Je vous remercie. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Le Conseil d'Etat ne souhaitant pas s'exprimer sur le renvoi en commission, nous passons directement au vote sur cette demande.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12619 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejeté par 49 non contre 35 oui.
Le président. La parole va maintenant à M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi met le doigt de manière opportune sur un des enjeux qui va nous occuper ces prochaines années dans la réalisation d'un des objectifs publics liés au réchauffement climatique, soit la création de ces 30% de surfaces de canopée dans le canton. Nous sommes aujourd'hui autour de 21% sur notre territoire urbain. L'idée est d'atteindre 30%. Pourquoi ?
Les arbres, la nature, c'est la biodiversité, mais très franchement, ce n'est pas l'enjeu fondamental de cette biodiversité en milieu urbain. Il s'agit peut-être avant tout de défendre une espèce en particulier: l'être humain. Parce que l'enjeu fondamental derrière ce projet de loi et derrière la stratégie d'arborisation du Conseil d'Etat, c'est bien de créer des îlots de fraîcheur; de créer des espaces - pas simplement une place de temps en temps, mais bien dans toute la continuité du milieu urbain - qui nous permettront dans une génération, dans deux générations, de nous protéger des températures importantes qui nous attendent.
Aujourd'hui, le GIEC s'efforce, ou plutôt les Etats membres du GIEC s'efforcent de maintenir une augmentation globale de la température terrestre en dessous de 1,5 degré. D'un point de vue réaliste, on parle plutôt de 2 degrés. Eh bien, pour chaque degré que prendra la planète Terre, nous en prendrons le double ! C'est-à-dire que, dans le meilleur des scénarios, Genève connaîtra une température moyenne de +4 degrés d'ici la fin du siècle. Et cela, c'est si l'ensemble des Etats industrialisés prennent leurs responsabilités. Sans quoi, nous serons à +5, +6. Qu'est-ce que cela signifie pour nous - évidemment pour les espèces animales, mais en particulier pour l'espèce humaine qui va continuer à vivre sur ce territoire ? Eh bien, cela veut dire des mesures fortes en vue de la préservation de la santé publique, de celle des personnes âgées, des nouveau-nés, des personnes à capacité respiratoire plus faible et de tout un chacun: on le sait, l'organisme s'affaiblit si notamment les nuits caniculaires ne permettent pas au corps de se reposer avec le maintien de températures en dessous de 20 degrés.
Voilà, Mesdames et Messieurs, l'enjeu qui figure derrière ce projet de loi. Bien sûr, la nature en ville est extrêmement efficace. Nous avons reçu récemment - ces deux documents ne sont pas publics, mais j'aurai plaisir à les diffuser prochainement - un rapport établi par une entreprise qui évalue de manière très détaillée comment le climat, le microclimat, quartier par quartier, adresse par adresse, va se comporter en 2050, en 2075 et en 2100. On voit que les augmentations de température seront très importantes et qu'une des manières d'y faire face, une manière importante, c'est bien entendu la nature; ce sont les espaces végétalisés, c'est aussi l'installation de façades végétalisées, c'est la diminution des espaces de voirie goudronnés. Il est clair que le goudron est un absorbeur de chaleur. Il la prend toute la journée et la restitue la nuit, ce qui crée des îlots de chaleur nocturnes, qui sont les plus néfastes pour la santé publique.
Cela nous ramène au texte du projet de loi évoqué ici, pour lequel le Conseil d'Etat a une sympathie. Il nous faudra faire des choix: en matière d'aménagement du territoire, en matière d'aménagement de l'espace public. Ces choix-là devront faire la part belle à la nature et à tout ce qui permet de créer plus de fraîcheur en milieu urbain - et j'en terminerai par là -, parce que, contrairement à ce qu'a dit le député de Senarclens, non, la ville, l'urbanité n'est pas condamnée à la pollution; elle n'est pas condamnée au trafic. Pourquoi seuls les gens qui habitent en périphérie devraient, eux, bénéficier d'un cadre exceptionnel, mais tous les jours prendre leur voiture pour aller travailler en ville, en tirer leur richesse, profiter de la culture, des commerces et par là même détériorer le climat de celles et ceux qui ont fait le choix de vivre en milieu urbain ? (Commentaires.) Ces propos ne sont pas acceptables du point de vue du pacte territorial qui devrait être le nôtre. Le droit à un environnement sain est un droit pour toutes et tous et pas simplement pour celles et ceux qui ont la possibilité et l'envie d'habiter en périphérie des milieux urbains... (Commentaires.) ...et de venir tous les jours tirer profit du milieu urbain ! Non, Mesdames et Messieurs les députés, nous devons protéger les personnes qui font le choix - qui est un choix écologique, en plus - d'habiter en ville, au centre-ville. Or les protéger, c'est leur donner la possibilité de bénéficier d'un air sain, d'un climat apaisé, et, avec la nature en ville, d'îlots de fraîcheur, pour ainsi préserver leur qualité de vie d'aujourd'hui et de demain. Merci par conséquent de réserver un bon accueil à ce projet de loi. Il va dans le bon sens, quand bien même la stratégie d'arborisation du Conseil d'Etat devra, elle, aller beaucoup plus loin.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. (Remarque.) En principe, Monsieur de Senarclens... (Commentaires.)
Une voix. Vous avez déjà fait une exception...
Une autre voix. Il a été mis en cause ! (Commentaires.)
Le président. Vous n'avez plus de temps de parole. (Commentaires.)
Une voix. Vous venez de faire une exception !
Une autre voix. Y a plus de temps de parole !
Le président. Il n'y a plus de temps de parole. (Commentaires.) Est-ce que c'est pour une demande concernant la procédure ? (Commentaires.)
Une voix. Mis en cause ! (Commentaires.)
Le président. Normalement, vous n'avez plus de temps de parole, Monsieur le député. (Commentaires.) Non, non. Le débat est maintenant clos.
Une voix. Alors je vais le dire sans micro: le conseiller d'Etat Dal Busco a été entendu en commission... (Très vives protestations.)
Le président. Monsieur le député, s'il vous plaît ! (Brouhaha.) Merci, Monsieur le député, mais le débat est maintenant clos. (Remarque.) Le débat est clos, nous passons au vote d'entrée en matière.
Une voix. L'incohérence du Conseil d'Etat est incroyable ! (Commentaires.)
Une autre voix. Que veux-tu, le peuple a voté !
Mis aux voix, le projet de loi 12619 est rejeté en premier débat par 49 non contre 36 oui et 1 abstention. (Commentaires pendant la procédure de vote. Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Premier débat
Le président. Nous poursuivons notre ordre du jour avec l'objet suivant, le PL 12657-A, classé en catégorie II, trente minutes. La parole va à M. le rapporteur de majorité Marc Falquet.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, il s'agit d'un projet de loi du groupe Ensemble à Gauche, de M. Bayenet, qui concerne l'application de la loi fédérale sur les résidences secondaires. C'est un texte assez original.
Actuellement, la loi fédérale sur les résidences secondaires limite à 20% le taux de résidences secondaires dans chaque commune. Mais les cantons, s'ils le souhaitent, peuvent descendre en dessous de ce taux de 20%. Ce projet de loi propose de fixer le taux de résidences secondaires à Genève à 10%. Cela permettrait, selon les auteurs du texte, de libérer 15 000 logements. Par exemple, le taux de résidences secondaires en ville de Genève s'élève à 18,3%. Selon l'auteur de ce projet de loi, il y aurait donc théoriquement 30 000 logements inoccupés à Genève.
Présidence de M. Diego Esteban, président
Ce texte veut empêcher les personnes de construire un logement dans l'intention d'en faire une résidence secondaire et obliger les propriétaires à louer leur bien lorsqu'ils déménagent de Genève, ce dans le but, évidemment, d'éviter que les logements ne restent vides. Selon l'auteur de ce projet de loi, cela aurait un double impact: premièrement, cela permettrait de faire en sorte que les résidences secondaires se transforment petit à petit en résidences principales; deuxièmement, cela inciterait les personnes qui ont officiellement une résidence secondaire dans notre canton, mais qui en réalité y habitent toute l'année, à se domicilier officiellement et fiscalement dans le canton de Genève.
Si les arguments des initiants paraissent pertinents, ils n'ont cependant pas convaincu la majorité de la commission du logement. En effet, il a été relevé que la loi fédérale sur les résidences secondaires a été instaurée surtout pour éviter le mitage du territoire dans les zones rurales et touristiques. La loi n'était pas destinée aux zones urbaines. Par exemple, la situation du canton de Genève est différente de celle du Valais, où, dans certaines communes, le taux de résidences secondaires s'élève à 80%.
D'autres arguments plaident un petit peu contre ce projet de loi. Ce texte va plus loin que la loi fédérale, alors que le Tribunal fédéral émet déjà des réserves sur la lex Weber. C'est vrai que les cantons ont la possibilité de réduire le taux de résidences secondaires, mais il n'est pas possible de forcer les propriétaires à vendre ou à louer leur résidence secondaire, car cela violerait les libertés individuelles.
Un autre argument allant à l'encontre de ce projet de loi: cela engendrerait un contrôle de toutes les affectations des logements, soit environ 200 000 logements à contrôler.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Marc Falquet. Merci, Monsieur le président. Par ailleurs, cette loi s'appliquerait uniquement aux nouveaux logements construits; cela ne changerait rien à la situation actuelle. De plus, on parle de la situation du logement et du fait d'utiliser des logements, des résidences secondaires, qui seraient théoriquement vides. On voit que notamment Cologny connaît un fort taux de résidences secondaires - et la ville de Genève aussi, c'est assez étonnant. Le problème, c'est que bon nombre de ces objets sont des objets coûteux, des objets de luxe qui ne répondent pas forcément aux besoins de la population locale; et ces logements en réalité ne restent pas vides, mais ils sont souvent prêtés à des amis ou à des proches - riches, bien entendu - qui viennent dépenser leur argent à Genève. Pour ce qui est des résidences les plus modestes, les gens n'ont pas les moyens de les laisser vides. Ce sont des objets qui sont donc de toute façon déjà sous-loués actuellement. Il n'y a en fait pas de corrélation entre le nombre de résidences secondaires et le nombre de logements vides.
Par conséquent, au vu de ce qui précède, la majorité de la commission du logement vous propose de refuser ce projet de loi. Merci.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de première minorité ad interim. Je trouve que les propos qu'on vient d'entendre ont été tenus un peu à la légère, dans la mesure où nous avons, je vous le rappelle, plus de 150 000 personnes qui déboulent le matin - on a vu ce matin la catastrophe que quelques centimètres de neige provoquent - et qui repartent le soir, plus tous les demandeurs de logement. On est pris en tenaille, puisque la surface d'assolement qui nous est imposée par Berne est intangible, donc les zones à déclasser sont de plus en plus restreintes. Par conséquent, il va falloir qu'on s'attelle sérieusement à ce problème.
Alors aujourd'hui, j'imagine que la majorité va rejeter du revers de la main ce projet de loi, comme elle a rejeté les questions climatiques, mais toujours est-il que 30 000 logements, qui sont des résidences secondaires, sont vides. Après, on se gausse en disant: «Oui, Verbier, c'est des lits froids !» Mais, Mesdames et Messieurs, cela vient d'être dit d'ailleurs par le rapporteur de majorité, ces lits froids correspondent à une occupation temporaire par des riches, une fois de plus, alors que la population des travailleurs, ceux que j'ai cités, qui toute l'année font des va-et-vient, plus les demandeurs de logement, elles et eux cherchent des logements pour travailler. Alors la question est la suivante: va-t-on prioriser les lits froids pour quelques super riches qui viendront faire la fête ici à Genève - c'est un positionnement idéologique de la majorité de la droite - ou va-t-on prioriser les besoins de la majorité de la population, à savoir de se loger ? Puisque, je vous le rappelle, dans deux ans et demi, trois ans, il n'y aura plus de terrains disponibles pour construire, pour satisfaire à ce besoin de l'écrasante majorité de la population. Donc, Mesdames et Messieurs, réfléchissez-y bien ! Regardez ce qu'il va se passer, parce que ce phénomène va aller en s'amplifiant et nous devrons à terme, de toute façon, prendre des mesures, comme nous devrons prendre des mesures contre la dégradation climatique. Mais à force d'attendre les accidents, les accidents se produisent; après, on est tout ébaubis de devoir prendre des mesures encore plus drastiques, alors qu'on se trouve aujourd'hui dans une situation à laquelle on pourrait remédier relativement facilement, en abaissant ce taux de 20%. Je vous rappelle que la loi Weber stipule qu'à partir de 20%, on doit prendre des mesures. On y est presque. On y est presque ! On devra donc prendre des mesures, la loi fédérale nous y obligera dans quelque temps. Je vous remercie de votre attention.
Mme Badia Luthi (S), rapporteuse de deuxième minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, nous devons toutes et tous être conscients du fait que le problème du logement est un problème national. Il touche presque l'ensemble de la Suisse, mais la particularité de notre canton, c'est que sa crise du logement est la plus aiguë de tout le pays. L'évolution du parc immobilier ne suit pas l'augmentation de la population. C'est une réalité malheureuse de notre canton: la construction des logements n'est pas en phase avec la croissance de la population sur notre territoire. Pourtant, notre canton a fourni - et continue à le faire - un énorme effort pour faire face à ce problème de pénurie. Depuis 2014, le parc immobilier n'a cessé d'augmenter annuellement de plus de 2000 logements. En 2020, ce parc a atteint 238 935 unités, donc une augmentation notable, mais toujours insuffisante pour absorber toute la demande de logements. Actuellement, 30 000 logements sont inoccupés à Genève. Cela nous interpelle, Mesdames et Messieurs les députés. Et c'est là que la minorité tient à relever la pertinence de ce projet.
Premièrement, il propose une solution contribuant à freiner la crise du logement qui ne cesse de frapper notre canton. D'autant plus que ces habitations existent déjà et peuvent servir à fournir un logement à bon nombre de personnes qui ont beaucoup de peine à en trouver. Deuxièmement, il permet de profiter des habitations déjà existantes en les mettant à disposition pour la location et d'éviter qu'elles restent vides. Troisièmement, il propose de limiter le taux de résidences secondaires à 10% dans chaque commune de notre canton, contre les 20% permis par la Confédération. Cette proposition libère le marché en cédant les 10% de résidences secondaires à la résidence principale.
Nous avons toujours défendu l'intérêt public avant l'intérêt individuel, et le refus de ce projet par la majorité - qui est de droite, malheureusement, comme toujours - ne fait que défendre les intérêts de quelques privilégiés, qui ne rencontrent aucune difficulté à trouver où se loger. La minorité vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de penser aux jeunes qui continuent à habiter chez leurs parents et ne demandent qu'à être indépendants dans leur propre chez-soi; de penser aux familles nombreuses qui habitent dans des logements trop petits et n'offrant aucun confort ni espace suffisant pour permettre à chaque membre de la famille d'avoir toute son intimité.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Badia Luthi. Merci, Monsieur le président. Nous trouvons que ce projet s'inscrit dans une dynamique de réflexion politique. Il apporte des solutions à un problème qui touche bon nombre de citoyennes et de citoyens qui peinent à trouver un logement dans le canton. Il évite l'exode vers le canton de Vaud ou la France voisine. C'est pour toutes ces raisons que la minorité soutient ce projet de loi et vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à en faire de même. Merci, Monsieur le président.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, vous connaissez bien sûr Genève: son lac, sa plage, ses montagnes, mon chalet à Plainpalais ou aux Eaux-Vives... Soyons sérieux ! 30 000 appartements de loisir à Genève ? Meyrin, sa station balnéaire ? C'est bien de ça que nous sommes en train de parler ? Moi, je pense qu'on a un problème assez grave. Alors soit ce sont de fausses résidences secondaires et de vraies résidences primaires, avec un domicile ailleurs pour des raisons fiscales, et on a là un gros problème d'équité et de fiscalité qui doit être résolu. Soit effectivement, nous avons 30 000 logements vides et des lits froids. Toutes les communes de montagne vous le diront: c'est une catastrophe pour l'économie. A ce moment-là, il faut qu'on développe des résidences hôtelières ou des hôtels pour que ces personnes qui viennent en villégiature à Genève puissent se loger et libérer des logements, ce qui leur coûterait d'ailleurs moins cher, avec certainement un confort supérieur.
Ce projet de loi nous semble donc essentiel. Soit nous devons régler un problème de fiscalité et d'évasion fiscale, très clairement, soit nous avons un autre problème à régler, à savoir: comment va-t-on aménager notre territoire ? Oui, 150 000 personnes viennent tous les jours à Genève pour y travailler sans résider dans le canton. C'est phénoménal de se rendre compte de cela. Nous avons une économie qui certes est florissante, mais si nous gaspillons 30 000 logements, il faut vraiment que, dans ce parlement, nous nous interrogions. Merci.
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Je ne me permettrai pas de relever l'aspect ironique de ce projet de loi, notamment en lien avec la situation personnelle du premier signataire, puisqu'il ne siège plus dans ce parlement - ce ne serait pas correct de ma part.
Pour ce qui est du fond, ce projet de loi plaît évidemment à nos chers députés de gauche. Mais, comme M. Bavarel l'a relevé - puisque apparemment cette fois-ci, il a appris à lire le rapport, contrairement à tout à l'heure; je n'étais pas sûre qu'il sache lire correctement -, ce n'est pas le caractère inoccupé des logements qui pose problème. D'ailleurs, le premier signataire, lors de son audition, se contredit. Il commence par aborder l'aspect idéologique de son projet de loi. Il y a aujourd'hui un taux de logements inoccupés à Genève qui est problématique; il faut résoudre ce problème. Puis, rapidement, il en vient au fait que son projet de loi n'apporte aujourd'hui pas de solution au problème de ces logements inhabités, puisque les résidences secondaires concerneraient plutôt des personnes domiciliées hors du canton et qui vivraient la majorité de la semaine à Genève. Par conséquent, contrairement à ce qu'a indiqué Mme Luthi, ce n'est pas cette catégorie-là qui est visée: ce ne sont pas des logements vides, ce sont bien des logements habités.
Par ailleurs, à Genève - puisque c'est la commune la plus concernée - le taux de résidences secondaires est de 18,3%. C'est un taux préoccupant, mais le peuple a accepté au niveau fédéral un taux de 20% pour préserver l'environnement naturel. Genève est magnifique, mais il n'y a effectivement pas de patrimoine environnemental à protéger. Ce serait donc plutôt pour viser les personnes qui feraient des trajets journaliers comme, disons, de Genève-ville à Bardonnex. Je pense que la problématique de l'évasion fiscale n'est pas du tout résolue par ce projet de loi. Par conséquent, la majorité et le PLR vous invitent à le refuser. Merci.
M. Sébastien Desfayes (PDC). J'ai entendu Christian Bavarel parler du Valais. Je me vois donc dans l'obligation de répondre à sa comparaison, à son interpellation. La situation à Genève n'a rien à voir avec celle du Valais, en particulier des régions valaisannes qu'il a citées. C'est un projet de loi qui rate sa cible d'abord et qui est anticonstitutionnel ensuite.
Il y a un certain nombre de résidences secondaires à Genève. Mais est-ce que ce sont, comme en Valais, à Verbier par exemple ou encore à Crans-Montana, des résidences secondaires qui sont vides ? Non. Tout simplement parce que, mis à part certaines résidences secondaires réservées aux ultra-riches, les propriétaires d'une résidence secondaire à Genève vont la mettre en location, de sorte qu'il ne s'agira pas d'un bien qui va quitter le marché du logement. Dire que l'on va créer une offre de 15 000 logements supplémentaires relève donc du pur fantasme.
Ensuite, pour ce qui est des autres défauts de ce projet de loi, le procureur... Non, pardon, excusez-moi ! (Commentaires.) ...M. Bayenet n'a pas été capable de nous expliquer comment effectuer ce contrôle. Est-ce que des fonctionnaires, chaque année, vont vérifier l'affectation et l'occupation de 200 000 logements ? Bien entendu, cela n'a aucun sens.
Enfin, il y a aussi un grave problème de garantie du droit de propriété, parce qu'en droit suisse, on ne peut tout simplement pas contraindre une personne à vendre un bien immobilier pour la seule raison qu'elle ne l'occupe pas. Par conséquent, comme l'a relevé le rapporteur de minorité, il convient de balayer d'un revers de main ce mauvais projet de loi. Merci.
M. Alberto Velasco (S). Chaque fois qu'il y a un projet de loi qui intéresse les citoyens et citoyennes genevois, chaque fois qu'on propose des procédures inhabituelles, etc., on nous répond: «Oui, mais le droit suisse protège la propriété privée, etc., etc.» C'est la Bible. Mais enfin, cela ne va quand même pas nous empêcher de déposer des projets de lois ! Un jour peut-être, cela changera !
Le fait que, dans ce canton riche, se loger devient un problème dramatique, le fait qu'il y ait des personnes - en effet, malheureusement - sans papiers qui sont exploitées pour payer 1500 ou 2000 francs pour une pièce, et le fait qu'il y ait 30 000 personnes qui se permettent d'avoir des résidences superbes en ne venant pratiquement jamais dans ce canton... Il y a quand même là des questions à se poser du point de vue éthique - je ne dis pas moral, je dis même éthique.
Par ailleurs, nos amis, nos collègues de droite estiment que c'est normal. Si au moins vous disiez que ces personnes paient des impôts ! Mais en plus, elles ne paient même pas d'impôts ! C'est-à-dire qu'elles possèdent une résidence, elles possèdent des terrains, elles empêchent les Genevois de se loger, et en plus, elles ne paient pas d'impôts dans ce canton. C'est quand même extraordinaire ! Et vous trouvez que c'est très bien ! Alors là, je ne vous comprends plus. Parce que si elles payaient des impôts de manière démesurée, je comprendrais, mais ce n'est même pas ça !
Le rapporteur de majorité nous dit qu'il s'agit d'objets de luxe et que ça ne convient pas pour loger, pas des pauvres, mais disons la classe moyenne. Je ne vois pas pourquoi des gens de la classe moyenne ou même des pauvres ne peuvent pas être logés dans des objets de luxe ! Vous pensez qu'ils ne savent pas vivre dans des objets de luxe, qu'ils n'ont pas le pedigree pour pouvoir vivre dans des objets de luxe ? (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) On pourrait très très bien y faire loger des personnes. Voyez-vous, mon collègue et ami Batou me disait que ce serait une belle initiative que pourrait lancer l'ASLOCA, pour qu'enfin...
Le président. Merci.
M. Alberto Velasco. ...il n'y ait que 10% de propriétés secondaires. On y réfléchit ! Merci, Monsieur le président. (Commentaires.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je dirai quelques mots seulement. Je ne crois pas qu'il y ait autant de ces soi-disant résidences secondaires qualifiées de lits froids qui sont vides dans ce canton - ce chiffre n'a pas du tout été réellement confirmé. Soit ces logements sont loués - probablement à des prix qui ne seraient pas accessibles à une grande partie de la population... Je ne crois pas que ces logements soient véritablement vides. On est loin de cette évidence. Rien n'a été prouvé s'agissant du fait qu'on pourrait mettre à disposition tout de suite 15 000 logements. C'est vraiment du fantasme absolu ! Je ne crois pas que c'est avec ce type de projet de loi qu'on va régler... S'il y avait un problème de ce genre, on n'est pas du tout dans le cadre... Genève n'est pas une station de ski ou un endroit où les gens vont se promener en été. C'est un canton, une ville, dans laquelle les gens habitent, vivent et, pour l'essentiel, mènent une activité économique. Je ne pense pas qu'on se trouve dans une situation telle qu'elle a été décrite tout à l'heure par un député et qu'on puisse la comparer à celle du canton du Valais et de certaines stations, très prisées des Genevois d'ailleurs. Ce projet de loi ne résoudrait rien, même s'il devait être voté. Je ne vois pas comment une armée de fonctionnaires irait frapper à toutes les portes dans le canton pour résoudre cela. Je vous invite donc à rejeter ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député.
Le président. Nous prenons quinze minutes de pause.
La séance est levée à 16h45.