République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2556-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. François Baertschi, Florian Gander, Sandro Pistis, Daniel Sormanni, Thierry Cerutti, Danièle Magnin, André Python, Patrick Dimier, Francisco Valentin, Françoise Sapin : Le scandale de la Feuille d'avis officielle numérique : revenons à la formule papier temporairement !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 27 et 28 août 2020.
Rapport de M. Jean Romain (PLR)

Débat

Le président. Voici l'objet suivant: la M 2556-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Jean Romain, à qui je cède la parole.

M. Jean Romain (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Soyons clairs, chers collègues: cette proposition de motion avait un sens au lendemain de la mise en ligne de la «Feuille d'avis officielle», c'est-à-dire au début de l'année 2017. Les usagers ne s'y retrouvaient pas, la consultation était complexe et on entendait de partout surgir des récriminations; elles étaient justifiées. La version numérique, sans constituer un scandale, comme le prétendent les auteurs, était effectivement problématique.

Dans l'intervalle, les choses ont changé du tout au tout, car un travail a été accompli. Par exemple, les avis sont disponibles gratuitement et en tout temps, il est donc possible d'opérer une recherche ciblée sans aucune difficulté. Des améliorations décisives de la lisibilité ont été apportées, qui semblent satisfaire les utilisateurs.

Revenir au statu quo ante n'est pas souhaitable, ce serait aller à l'encontre de la politique numérique voulue par tous ici, ou presque tous. Par ailleurs, la chancellerie n'a enregistré aucune demande de formule papier depuis 2017. Aujourd'hui, c'est la version en ligne qui fait foi, c'est à elle qu'il faut se référer, et les personnes qui n'auraient pas accès à internet ont la possibilité de se rendre à l'Hôtel de Ville pour obtenir les renseignements désirés.

Ce texte n'a plus de raison d'être, et on se demande d'ailleurs pourquoi il n'a pas été retiré une fois son effet constaté. On peut évidemment regretter le travail de certains imprimeurs, comme on peut regretter la marine à voile ou les chemins de halage. Des métiers s'affaiblissent, disparaissent, d'autres se créent, se renforcent: c'est cette sorte de changement dans lequel nous sommes engagés - à tort ou à raison, mais enfin, c'est une réalité.

Enfin, on peine à comprendre la dernière invite - je vous la lis: «veiller au principe de préférence cantonale» -, pleine de bon sens en soi, mais dont on ne voit pas tellement le lien avec la présente motion. (Rires.) Celle-ci a été refusée par 13 non contre 2 oui. Chers collègues, je vous propose de dire non à ce texte, ce qui équivaut à dire oui à la numérisation de la «Feuille d'avis officielle».

M. François Baertschi (MCG). Vous vous en doutez certainement, Mesdames et Messieurs, je ne partage pas l'optimisme du rapporteur qui, à mon sens, est erroné. La situation actuelle n'est pas satisfaisante. Ce que vise cette proposition de motion, en deux mots - je ne vais pas être trop long dans ce début de débat -, c'est le retour temporaire de la FAO papier, parce que la version digitale est catastrophique; même plusieurs années après son introduction, elle reste catastrophique, Monsieur le rapporteur, je le regrette.

Il faut prévoir une transition numérique, ce qui n'a pas été fait, ce qui doit encore être fait maintenant. Voilà le grand enjeu, et il faut aussi faire en sorte d'opérer ce changement en mobilisant certaines compétences professionnelles, comme celles des imprimeurs qui ne sont pas du temps de la marine à voile, des graphistes qui ne vivent pas à l'époque des chemins de halage. Il s'agit d'êtres humains, de citoyens genevois qui méritent le respect. En amorçant cette transition numérique, nous devons également penser à la reconversion professionnelle de ces personnes, un objectif plus intelligent que de payer des allocations sociales dans le vide.

Je constate hélas que la majorité de ce Grand Conseil n'a pas compris ou n'a pas voulu comprendre l'intérêt de ce texte; c'est déplorable, mais je le maintiens, parce qu'il me paraît important d'aborder ces questions. Quant au principe de préférence cantonale, désolé si ça vous dérange, mais je tiens à conserver également cette disposition. Merci, Monsieur le président.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chères et chers collègues, c'est vrai que la mise en place de la «Feuille d'avis officielle» numérique a engendré de très grosses difficultés au départ, et nombre d'utilisateurs s'en sont fait l'écho.

Je rappelle à cet égard que notre ancien collègue, M. Vincent Maitre, avait déposé le PL 12086 afin de corriger ce problème et de revenir à une formule plus accessible. A l'époque où elle l'a examiné, la commission avait auditionné le Conseil d'Etat qui, après avoir consulté les principaux utilisateurs de la FAO, nous avait convaincus que la situation s'était améliorée et que les revendications formulées par les intéressés avaient été prises en compte, ce qui retire à cette proposition de motion sa raison d'être.

La plupart des commissaires ont d'ailleurs suggéré à son auteur de la retirer en raison des améliorations satisfaisantes constatées, ce qui aurait été un geste intelligent de sa part; malheureusement, il a refusé de le faire, et nous devons maintenant la traiter en plénum.

Pour conclure, et je crois que l'ensemble des personnes qui se sont exprimées avant moi, excepté M. Baertschi, l'ont indiqué, ce texte n'a plus de raison d'être, est parfaitement obsolète, et il faut se tourner vers d'autres horizons. Je vous recommande dès lors, au nom du groupe démocrate-chrétien, de le rejeter avec la même majorité que celle enregistrée à l'issue des débats de commission. Merci.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chères et chers collègues, la «Feuille d'avis officielle» a été rendue entièrement numérique, c'est comme ça. Il est vrai que ce virage a modifié en profondeur une tradition typiquement genevoise - voire de plus loin, je ne sais pas, elle existe peut-être ailleurs également -, celle de s'asseoir à une table de bistrot et de pouvoir commander gratuitement un verre d'eau et la FAO. Maintenant qu'il faut payer le verre d'eau, il est sans doute temps de faire évoluer aussi la FAO.

Au-delà de l'anecdote, la «Feuille d'avis officielle» est bien entendu très utile pour nombre de professionnels, notamment dans les domaines de l'immobilier ou de la sauvegarde du patrimoine. A notre sens, pour ces intervenants-là, il est bien plus pratique d'avoir à disposition une version digitale de la FAO avec un bon moteur de recherche plutôt que de devoir feuilleter les nombreuses rubriques d'une édition papier.

On nous dit que les débuts de la formule numérique ont été ardus; avec un certain goût de l'exagération, certaines et certains parlent même de catastrophe ! Je ne souhaite pas préjuger de cette affirmation, mais les auditions de la chancellerie et de l'OCSIN, soit notre office de l'informatique, nous ont appris que de nombreuses rencontres avaient été organisées avec les utilisatrices et utilisateurs - communes, régies, milieux économiques, avocats, notaires - et que le système a été largement amélioré, si bien que les retours sont maintenant tous positifs. Depuis l'apparition de «la quotidienne» en avril 2017, il n'y a plus eu un seul commentaire négatif.

A titre personnel, j'aimerais ajouter quelque chose. Certes, je reconnais que l'accès à l'informatique n'est pas universel, et les situations d'enseignement à distance nous l'ont montré encore récemment: un certain nombre de personnes n'ont pas forcément la possibilité d'utiliser un ordinateur. On nous a indiqué qu'une version papier était disponible à la loge de l'Hôtel de Ville; à mon avis, ce n'est pas suffisant pour l'ensemble du canton, et je ne saurais donc qu'encourager chaque commune à apporter un soutien à la consultation de la FAO dans ses locaux. Nanti de l'ensemble de ces arguments, Mesdames et Messieurs, je vous propose, au nom des Verts, de refuser cet objet.

Mme Helena Verissimo de Freitas (S). Il faut relever la bonne intention des auteurs qui proposent une amélioration de l'information et le sauvetage de quelques emplois. Comme mentionné dans le rapport, la qualité de lecture de la «Feuille d'avis officielle» numérique a été nettement optimisée, et une version papier est toujours disponible; alors pas sous la forme d'un journal sorti de presse, soit, mais il est possible d'imprimer un fichier PDF en fin de journée. D'après les auditions, il n'est pas prévu de revenir à une formule imprimée sur rotative ni de rétablir le processus d'abonnement.

Encore une fois, nous saluons la volonté du MCG de préserver des postes dans un secteur qui subit une numérisation galopante; nous devons nous préoccuper de ces personnes, les accompagner et surtout faciliter leur reconversion professionnelle. Toutefois, la marge de manoeuvre de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil en la matière est maigre.

Il nous est par contre possible de changer le sort des rotativistes qui officient actuellement chez Atar. Seul «Le Courrier» est encore imprimé dans cette entreprise, et le jour où il décidera de partir, alors les employés n'auront plus de travail. Le métier de rotativiste exige une formation spécifique dans le domaine de l'imprimerie; la reconversion de ces travailleurs devrait commencer dès aujourd'hui, donc oui, nous devons nous en inquiéter. Bien que cette proposition de motion ait été déposée avec de très bonnes intentions, Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste vous recommande de la rejeter. Merci. (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, revenons à quelques fondamentaux: la «Feuille d'avis officielle» n'est pas un canard, ce n'est pas un journal qu'on imprime juste comme ça: c'est une édition qui contient et assure l'enregistrement de nombreuses données. Comme son titre l'indique, il s'agit d'une publication officielle, c'est donc pour l'Etat et ses services une manière de communiquer.

Les auditions ont montré que s'il y a eu quelques petits bugs au début, cela a été souligné - voire des bugs assez importants -, le fonctionnement actuel est en définitive satisfaisant. Les notaires, avocats ou autres qui recherchent des informations par le biais de ce vecteur électronique y ont accès gratuitement, ce qui n'était pas le cas auparavant. D'ailleurs, cela a peu été souligné, mais l'archivage de l'ancienne «Feuille d'avis officielle» papier n'était pas chose simple à effectuer pour les personnes qui en ont besoin dans leur travail quotidien - je parle toujours des avocats, notaires, etc.

Ensuite, il y a quelque chose qu'on peine à comprendre: certes, l'intention du premier signataire est bonne, mais il s'agit de revenir temporairement à la formule papier. Peut-on revenir provisoirement à une édition papier qui, de toute façon, est appelée à disparaître ? A l'époque - mais c'était il y a bien des années -, vous pouviez entrer dans n'importe quel établissement, commander un verre d'eau et demander à lire la «Feuille d'avis officielle»; j'aimerais bien savoir qui, en 2021 - et pour autant que les bistrots rouvrent ! -, fait encore cela.

Mesdames et Messieurs les députés, de bonnes questions ont été posées, des réponses satisfaisantes ont été apportées. Pour ma part, j'ai surtout noté un point qui m'a frappé: M. Mangilli, notre juriste, a indiqué que la version en ligne ferait toujours foi en cas de différence avec une potentielle édition imprimée. Ainsi, on est quand même arrivé à un stade où la variante numérique a toute sa crédibilité, toute sa valeur. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, pour ne pas faire trop long, l'Union démocratique du centre vous demande de rejeter cette proposition de motion. Merci.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, c'est fou ce que les gens évoluent vite et peuvent minimiser les problèmes liés à la numérisation de notre «Feuille d'avis officielle»: «Oh, juste quelques petits soucis au début !» Non, c'était totalement illisible, parfaitement impraticable, même pour les professionnels, à tel point que certaines études d'avocats ont mis en place, à leurs frais, des applications afin de parvenir à consulter la FAO et à y chercher des informations ! Cela montre bien que l'enjeu était important et qu'il y a toujours de grosses difficultés malgré les améliorations apportées.

Il n'est pas sérieux de sous-estimer la situation, et c'est donc une bonne idée... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...que de revenir temporairement à une édition papier. En effet, un certain nombre de personnes, de cabinets, d'officines ont besoin de cette «Feuille d'avis officielle» tous les jours, et sa consultation les fait souffrir quotidiennement. Essayez de chercher les créations d'entreprises, les disparitions, les faillites dans la FAO...

Le président. Merci...

M. Daniel Sormanni. ...vous verrez comme c'est pratique ! Je vous invite à vous y risquer, ne serait-ce que pour rendre un rapport...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Daniel Sormanni. ...verbal plus tard. Non, il y a un problème et je vous demande...

Le président. C'est terminé.

M. Daniel Sormanni. ...de soutenir cette proposition de motion. Je vous remercie.

Le président. Merci. La parole n'étant plus demandée, je mets cet objet aux voix.

Mise aux voix, la proposition de motion 2556 est rejetée par 74 non contre 11 oui et 1 abstention.