République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 janvier 2019 à 16h05
2e législature - 1re année - 8e session - 47e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 16h05, sous la présidence de M. Jean Romain, président.
Assistent à la séance: MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Serge Dal Busco et Mauro Poggia, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Anne Emery-Torracinta, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Antoine Barde, Jennifer Conti, Jocelyne Haller, Eric Leyvraz, Cyril Mizrahi, Philippe Morel, Yvan Rochat, Adrienne Sordet et Stéphanie Valentino, députés.
Députés suppléants présents: Mme et MM. Jacques Apothéloz, Olivier Baud, Christian Bavarel, Pierre Bayenet, Emmanuel Deonna, Patrick Hulliger, Yves de Matteis, Vincent Subilia et Helena Verissimo de Freitas.
Annonces et dépôts
Le président. La pétition suivante, parvenue à la présidence, est renvoyée à la commission des pétitions:
Pétition : Le domaine de la Chevillarde ne doit pas disparaître ! (P-2057)
Questions écrites urgentes
Le président. Les questions écrites urgentes suivantes vous ont été transmises:
Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Point noir routier au carrefour de la route du Mandement et de la route de la Plaine : la création d'un giratoire est-elle envisagée ? (QUE-964)
Question écrite urgente de M. Jean Romain : L'avenir du livre c'est le livre. Quid de cet avenir à l'école ? (QUE-965)
Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : ARE ou quand la bureaucratie freine par tous les prétextes le retour à l'emploi (QUE-966)
Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Porteous : vous avez dit culture ou détention ? (QUE-967)
Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Villa Ducret aux Genêts : pourquoi démolir ? (QUE-968)
Question écrite urgente de Mme Helena Verissimo de Freitas : Situation des établissements pénitentiaires genevois au 31 décembre 2018 (QUE-969)
Question écrite urgente de M. Bertrand Buchs : Quelle est l'augmentation des permis de port d'armes entre 2013 et 2017 dans le canton de Genève ? (QUE-970)
Question écrite urgente de M. Daniel Sormanni : Affaire Maudet : quel coût pour le contribuable ? (QUE-971)
Question écrite urgente de M. Christian Zaugg : Discrimination à l'encontre de personnes handicapées en chaise à l'aéroport (QUE-972)
Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Villa Ducret aux Genêts : pourquoi avoir laissé démolir ? (QUE-973)
Question écrite urgente de M. Patrick Dimier : Situation de l'ancienne secrétaire générale du DIP (QUE-974)
Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Cantine sans plastique : une question de santé publique ? (QUE-975)
Question écrite urgente de M. Pierre Conne : Réunion secrète du Conseil d'Etat (QUE-976)
QUE 964 QUE 965 QUE 966 QUE 967 QUE 968 QUE 969 QUE 970 QUE 971 QUE 972 QUE 973 QUE 974 QUE 975 QUE 976
Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Annonce: Séance du vendredi 14 décembre 2018 à 14h
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 14 décembre 2018 à 14h
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Cette question écrite urgente est close.
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons le point suivant de notre ordre du jour. Il s'agit des PL 12136-A et PL 12137-A que nous traiterons en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole à M. le rapporteur de majorité, François Lance.
M. François Lance (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais être succinct. L'urgence a été demandée par le Conseil d'Etat sur ces deux projets de lois concernant des modifications de zones à Cointrin-Est et Cointrin-Ouest. La commission d'aménagement a en effet été informée cette semaine que le département s'est aperçu tardivement qu'elle n'a pas examiné l'une des oppositions relatives au PL 12136-A. Dans ces conditions, et comme les deux textes ont été traités simultanément et font l'objet d'un seul rapport, les membres de la commission estiment qu'il est sage de lui renvoyer ces deux objets afin d'inclure le traitement de cette opposition dans ses travaux et par conséquent dans le rapport. Je vous prie donc d'accepter le renvoi à la commission d'aménagement.
Le président. Je vous remercie, Monsieur. Avant de faire voter sur votre demande, je passe la parole aux deux rapporteurs de minorité, mais uniquement sur le renvoi en commission. Monsieur le député Stéphane Florey, c'est à vous.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Comme l'a dit M. le rapporteur de majorité, il est important de renvoyer en commission les deux projets de lois pour ne pas les dissocier. J'ai d'ailleurs reçu des réponses à certains courriers relatifs au PL 12137-A qui avaient été évoqués lors du premier traitement en commission, et je pense qu'il serait important de pouvoir discuter des nouveaux éléments sur ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Le groupe MCG soutient également ce renvoi en commission afin que l'on puisse clarifier la situation sur ces deux projets de lois. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur de seconde minorité. Nous passons donc au vote sur la demande de renvoi en commission, appuyée par les trois rapporteurs.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur les projets de lois 12136 et 12137 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 80 oui (unanimité des votants).
Premier débat
Le président. Nous abordons le PL 12419. Je laisse à M. Daniel Sormanni le soin de nous expliquer ce texte. Le deuxième projet de loi, le PL 12420, a été automatiquement renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, comme il a été précisé hier.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, incontestablement, l'actualité de notre canton a mis en évidence la lacune que représente l'absence de tout mécanisme constitutionnel permettant de destituer un élu du peuple. Deux projets de lois distincts sont proposés. Le premier est d'ordre constitutionnel, puisqu'il faut d'abord instaurer dans la constitution la simple possibilité de confier au législateur l'adoption de règles de rang légal visant à prévoir la destitution potentielle d'un ou des membres des autorités genevoises élues. Il n'est question ici que de donner compétence au Grand Conseil d'adopter un régime de destitution des autorités. Cette modification concerne un article nouveau et deux lignes que je vous lis: «La loi peut prévoir la destitution des membres du Conseil d'Etat, de la Cour des comptes et des autorités judiciaires. Elle en règle la procédure et les conditions.» C'est ça - la procédure et les conditions - qui a été renvoyé en commission, où la discussion portera donc sur les modalités plus que sur le principe lui-même. La logique voudrait que le principe soit voté sur le siège, on verra si ce Grand Conseil est sensible à cet argument.
Comme je l'ai dit, parallèlement à ce projet de loi constitutionnelle, l'autre texte vise à concrétiser cette réglementation. Il prévoit que «sont considérées comme de justes motifs toutes les circonstances, même non imputables à faute» - ça peut être quelqu'un qui est malade ou accidenté, incapable d'assumer son mandat - «qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite du mandat». Même en présence d'un tel motif, seule une majorité qualifiée des deux tiers du Grand Conseil pourrait décider l'ouverture d'une procédure de suspension ou de destitution. En outre, l'initiative d'une telle proposition ne pourrait venir que du Conseil d'Etat, du Bureau du Grand Conseil ou de la commission de contrôle de gestion, selon une décision prise à la majorité simple ordinaire pour entamer la procédure.
Celle-ci est aménagée de manière à être menée avec célérité tout en respectant les droits procéduraux. Une voie de recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice est ouverte, c'est logique, je pense que c'est une bonne chose. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Un magistrat destitué pourrait faire recours, bien sûr. Il n'y a pas d'effet suspensif afin de ne pas ralentir le processus de remplacement, mais le magistrat visé par la procédure est immédiatement rééligible, il peut se présenter à cette nouvelle élection. C'est pour cette raison qu'il est prévu que la réélection met fin à la procédure. Ça me paraît aussi logique: finalement, le juge ultime, c'est le peuple.
Le président. Il faut terminer, Monsieur le député.
M. Daniel Sormanni. J'ai tout de suite terminé !
Le président. Non, pas tout de suite, maintenant !
M. Daniel Sormanni. Deux s... (Rires. L'orateur rit.)
Le président. Je vous laisse terminer votre phrase et je passe la parole à M. Wenger.
M. Daniel Sormanni. D'accord. Rendez-nous notre république, rendez-nous Genève, car oui, hélas, Genève est en crise, est moquée, et nous avons besoin d'une Genève libérée, rayonnante, retrouvée. Je compte sur vous ! Vive Genève, vive la Suisse !
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, ce projet de loi s'inscrit dans un certain contexte. Pour le rappeler, je vous ai écrit une petite histoire que je vais vous raconter. (Exclamations.)
C'est l'histoire d'un jeune cycliste qui, depuis tout petit, a aimé faire du vélo. A 15 ans, il crée avec d'autres une équipe junior. Le milieu découvre alors son talent. A 29 ans, il intègre pour la première fois une équipe professionnelle. Cinq ans plus tard, il devient le leader de la plus forte équipe du Tour de France. Il gagne des étapes, d'abord au sprint, puis en montagne, et au printemps 2018, c'est l'apogée: il gagne le Tour de France. Mais petit à petit, le doute s'installe, des rumeurs de dopage apparaissent: «Non, répond-il à réitérées reprises, je ne me suis jamais dopé !» Mais patatras, le 30 août, tout s'écroule: l'Agence mondiale antidopage le poursuit pour dopage qualifié. Il nie, puis n'exclut pas de s'être dopé. Puis, devant les preuves, il avoue n'avoir pas tout dit, n'avoir pas dit toute la vérité. Enfin, acculé, il avoue avoir menti et fait mentir d'autres pour le couvrir.
Par la suite, Mesdames et Messieurs, on apprend que contrairement aux autres coureurs, il n'a pas payé lui-même ses inscriptions au Tour de France. Après avoir essayé de le cacher, il est forcé d'avouer avoir menti, et aussi d'avouer avoir déduit de ses impôts ces montants qu'il n'avait pas payés lui-même pour s'inscrire. Puis les étapes s'enchaînent, tout comme les révélations. On apprend alors que le coureur est soutenu par un autre sponsor, caché, un groupe hôtelier. Pour certains, au début, c'est une histoire à dormir debout, puis, comme d'habitude, les faits sont corroborés, le réveil est rude. Mis au ban par les dirigeants de son équipe, y compris au niveau national, il tient, il continue à pédaler, il en appelle aux membres de son club cycliste. Une majorité des membres, certes relative, lui témoigne son soutien: «Pierre, continue la course, de toute façon, tout le peloton est dopé.» (Remarque.) Indignation de nombreux membres de son club, indignation du peloton, indignation des organisateurs, des médias, du public, rien n'y fait. Voyant le désamour grandir, avec son petit groupe, il fabrique lui-même des pancartes à son effigie: «Pierre, pour le cyclisme, reste !» «Pierre, le Tour de France a besoin de toi !»
Aujourd'hui, il est parti seul dans une longue échappée d'une étape de montagne avec de nombreux cols hors catégorie. Or, il a toujours l'espoir de rejoindre les Champs-Elysées en vainqueur. Mais pourquoi ne se rend-il pas compte que c'est fini, que la roue tourne, qu'il est en roue libre ? Ses coéquipiers ne veulent plus courir à ses côtés, le peloton est exaspéré, les organisateurs désabusés, le public médusé. Face à un tel déni, quelqu'un doit pouvoir mettre fin à cette fuite en avant; que ce soient les organisateurs, l'UCI ou le public lui-même, quelqu'un doit pouvoir l'exclure de la course, lui retirer son dossard: c'est le seul moyen, Monsieur le président, de redonner au cyclisme ses lettres de noblesse. (Applaudissements.)
M. Thomas Bläsi (UDC). Le groupe UDC votera ce projet de loi constitutionnelle de M. Sormanni, pour la raison qu'il nous permet de laisser passer l'orage, de laisser se terminer l'affaire pour pouvoir réfléchir, à l'avenir, en commission. Cette procédure nous convient: elle ne consiste pas à nous accaparer des prérogatives que nous n'avons pas, en l'occurrence, la capacité de destitution d'un conseiller d'Etat. L'UDC votera donc le projet de loi constitutionnelle de M. Sormanni. Merci, Monsieur le président.
M. Marc Falquet. Merci Monsieur Sormanni !
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche demande le renvoi en commission de ce projet. Il s'agit de ne pas céder à la panique, de ne pas agir trop rapidement, puisque les enjeux sont extrêmement importants. Certes, le canton est en crise, il ne faut pas le nier; certes, il faut trouver des solutions, mais la question de la destitution d'un conseiller d'Etat est extrêmement grave sur le plan institutionnel, et il faut l'examiner avec soin. Deux textes ont été déposés, nous avons su, par le communiqué de presse du Conseil d'Etat, que celui-ci était prêt à collaborer... (Le micro de l'orateur siffle.) Je suis désolé, peut-être que je vous casse les oreilles !
M. Pierre Vanek. Baisse-le ! (M. Pierre Bayenet modifie la position de son micro.)
M. Pierre Bayenet. Comme ça ? (Le sifflement du micro disparaît.) Ça a l'air d'aller mieux ! Je disais donc que deux textes ont été déposés par-devant le Grand Conseil. Vous avez entendu que le Conseil d'Etat est prêt à collaborer à la réflexion, à la discussion sur ces projets. Comme je l'ai dit, s'agissant du pouvoir de l'organe législatif de destituer un membre de l'organe exécutif, institutionnellement, la question est extrêmement sérieuse et grave. Ce n'est pas pour rien que ça n'existait pas par le passé, ce n'est pas pour rien que la majorité des cantons suisses ne connaissent pas de telles dispositions. Il faut examiner ce qu'il y a de meilleur dans les deux projets déposés et tenter de trouver le meilleur projet.
Je tiens à souligner deux motifs pour lesquels nous estimons que le projet déposé et à l'examen aujourd'hui n'est peut-être pas le meilleur: d'abord, il y a une certaine imprécision dans la partie constitutionnelle, puisqu'elle ne spécifie même pas quel serait l'organe compétent pour prendre la décision de destitution. Deuxièmement, le groupe Ensemble à Gauche estime qu'il faut être très prudent avec la possibilité d'un recours judiciaire: pour Ensemble à Gauche, la destitution doit être essentiellement une décision politique, elle ne devrait pas ouvrir la voie à une décision judiciaire; il ne faut pas que les trois pouvoirs soient impliqués et que ce soit finalement le pouvoir judiciaire qui détermine si oui ou non un conseiller d'Etat doit être destitué. Il faut que cette décision appartienne au législatif ou au peuple. Le groupe Ensemble à Gauche sollicite donc le renvoi en commission et ne souhaite pas que ce texte soit voté sur le siège. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je mettrai aux voix votre demande à la fin de notre débat et non immédiatement, puisque ce projet de loi n'est pas encore passé par une commission. Je passe la parole à M. le député Pierre Eckert.
M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président. Le groupe des Verts est totalement prêt à entrer en matière, pour les raisons évoquées tout à l'heure. Nous sommes entièrement d'accord avec le principe d'une possibilité de destitution. Cependant, il convient de dire qu'il faut éviter un principe qui favorise les règlements de compte politiques. Nous voulons bien entrer en matière s'il s'agit d'une faute grave - notion à définir, d'ailleurs: nous sommes en train de discuter, à la commission des droits politiques, sur ce qu'est un cadeau acceptable; bien entendu, quelques centaines de milliers de francs, ce n'est pas acceptable, mais en dessous, c'est difficile de définir un seuil. Il y a donc une discussion à avoir sur la notion de faute grave.
Un projet de loi constitutionnelle nous est proposé par le MCG, extrêmement simple: il instaure juste le principe d'une destitution, avec lequel on peut être d'accord. Mais il est lié à un projet législatif, et je pense qu'on ne peut pas séparer les deux. Comme ça vient d'être dit, Ensemble à Gauche a aussi déposé des projets de lois de rang constitutionnel et législatif dans ce sens-là, et je pense qu'il faut qu'on regarde tout le paquet ensemble. Les Verts vont sans doute vouloir déposer eux-mêmes un projet de loi, qui pourra être mêlé aux autres de manière à voir lequel est le meilleur. En ce sens, nous soutenons le principe d'une destitution possible, mais nous aimerions en discuter à la commission des droits politiques. Merci.
Le président. Je vous remercie, j'ai bien enregistré la demande de renvoi que vous faites. En attendant, je passe la parole à M. le député Murat Julian Alder.
M. Murat Julian Alder (PLR). Je vous remercie, Monsieur le président. Le groupe PLR se joindra aux sages propos - une fois n'est pas coutume - de M. Pierre Bayenet ainsi que de M. Pierre Eckert et soutiendra le renvoi en commission. La raison est assez simple. L'idée même d'une initiative destitutive ou révocatoire avait été évoquée lors des travaux de la Constituante; il avait été décidé d'y renoncer. Néanmoins, il est tout à fait légitime qu'aujourd'hui différents projets soient posés sur la table. Pour aller dans le sens des propos de M. Eckert, on pourrait même organiser un concours - je n'exclus pas que l'un ou l'autre de mes collègues PLR déposent aussi un projet visant à mettre en place une initiative destitutive.
Blague à part, on ne doit pas perdre de vue qu'il s'agit ici d'un projet de loi de rang constitutionnel, qu'à ce titre, la responsabilité qui doit nous animer doit nous amener à faire le travail exactement de la même manière que pour n'importe quel autre projet de loi constitutionnelle. Par conséquent, on ne peut pas se permettre le luxe de traiter de manière précipitée et prématurée un tel texte, sans qu'il passe la rampe du travail en commission. J'ajoute à cela que l'initiative destitutive est un mécanisme qui existe dans d'autres cantons: dans certains, vous pouvez destituer un membre du Conseil d'Etat, dans d'autres, vous pouvez même destituer le Conseil d'Etat dans son ensemble. Ce sera aussi l'occasion de se livrer à une étude comparative des différents systèmes qui existent et de solliciter l'expérience qui a été celle des cantons qui connaissent ce mécanisme. On pourrait imaginer en particulier une audition en commission de représentants des autorités du canton de Neuchâtel, où ce système est connu et a été éprouvé.
Pour le reste, je pense que nous devons faire application de l'adage «eile mit Weile», «hâte-toi lentement»; autrement dit, prenons le temps de faire les choses correctement, ce qui ne veut pas dire qu'on doit laisser traîner les choses en commission. Ne nous précipitons pas dans le piège qui consiste à voter de manière rapide et prématurée un projet de loi qui, malheureusement, fait écho à l'actualité. Je vous remercie de votre attention.
M. Guy Mettan (PDC). Le parti démocrate-chrétien se joint à ce qui a été dit et à la demande de renvoi en commission. Effectivement, il est exclu d'aborder une loi constitutionnelle sans même passer par l'étape d'une commission. Beaucoup de projets de lois ont été déposés ou vont l'être, cela a été annoncé. On assiste à une espèce de concours de beauté du projet de loi le plus destitutif possible. Le parti démocrate-chrétien votera le renvoi de tous ces textes à la commission des droits politiques.
Un mot sur le fond. Le principe d'ancrer le principe dans la constitution ne fait pas de doute. Quant à la loi qui nous est proposée, nous ne lui sommes pas très favorables, parce qu'il s'agit, comme on l'a dit, d'un projet essentiellement politique, qui vise à régler des comptes dans un cas très précis: pour un projet de cette importance, ça ne nous paraît pas une très bonne source d'inspiration. Des dispositions existent dans d'autres cantons comme Neuchâtel, M. Alder en a parlé, au Tessin aussi. Je pense qu'il faut par ailleurs aborder le cas d'une inaptitude due par exemple à des raisons de santé, à une attaque, etc. Actuellement, ce n'est pas résolu par notre constitution et notre arsenal législatif. Dans ce sens-là, le projet évoqué par Ensemble à Gauche nous paraît ouvrir des pistes intéressantes. Merci.
Le président. Je vous remercie. La parole est à M. le député Daniel Sormanni, qui parle maintenant pour le MCG.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, bien sûr, par la force des choses, ce projet de loi s'inscrit dans un cadre et dans une actualité. Mais ce n'est pas le but ! Je crois que vis-à-vis de la population, il y a une nécessité d'être droit, honnête, moral; c'est une exigence absolue vis-à-vis des citoyens, du souverain qui nous élit. On se doit d'être dans cette ligne. J'ai entendu les propos des autres partis: nous acceptons volontiers d'aller en commission pour que le débat ait lieu, ça semble être la volonté d'une majorité de ce Grand Conseil. Mais je crois que le Grand Conseil serait bien avisé de travailler rapidement et de ne pas traîner des mois, en tout cas pour traiter le projet de loi constitutionnelle, qui, comme vous le savez, doit passer devant le peuple. Voilà, Mesdames et Messieurs, nous nous trouvons dans une certaine situation, il faut qu'elle soit réglée, et je pense qu'il y a une nécessité de droiture et d'honnêteté des citoyens. Si ceux-ci ne vont plus aux urnes, il faut de temps en temps se demander quelles en sont les raisons. Je vous invite donc à soutenir ce projet de loi et à le renvoyer en commission pour étude. Merci.
M. Patrick Dimier (MCG). Je ne peux que rejoindre le concert précédent, ayant été le premier à proposer une initiative destitutive dans un autre espace. Bien entendu que nous devons y arriver, mais arrivons-y en bon ordre et non par vindicte personnelle. Le renvoi en commission va de soi. Comme l'a précisé l'auteur du projet, c'est le moyen d'y arriver, mais allons vite.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, permettez-moi de rappeler au nom du Conseil d'Etat la position que nous avons soutenue mercredi devant la presse. Le Conseil d'Etat est disposé à travailler avec vous sur un projet visant à introduire une logique de destitution d'un membre élu par le peuple à la majorité - on pense au gouvernement, on peut penser à des juges, à des magistrats de la Cour des comptes. Bien évidemment, l'ensemble des intervenants l'ont répété, ce travail doit faire l'objet d'analyses précises et pondérées en commission. La situation que nous connaissons est inédite; légiférer sur une telle situation serait faux. En matière de droits politiques, nous devons être très parcimonieux, très attentifs à ce que les mécanismes introduits, qui semblent peut-être évidents pour un cas particulier, ne soient pas, quelques années plus tard, utilisés à mauvais escient sur des cas qui ne le mériteraient pas. Par conséquent, le Conseil d'Etat estime qu'il est légitime de se poser aujourd'hui cette question et accompagnera les travaux.
Les questions que nous devrons nous poser ensemble ont trait notamment au mécanisme. Tout d'abord, il s'agit de déterminer quel organe peut destituer: est-ce le parlement ? A quelle majorité ? Ou est-ce le peuple ? La légitimité de l'élu d'un exécutif vient en effet du peuple. Neuf cantons connaissent une telle disposition: Neuchâtel, les Grisons, Nidwald, le Tessin, Berne, Soleure, Thurgovie, Uri et Schaffhouse. Nous avons matière à aller piocher chez nos compatriotes. Il est intéressant de constater que ces cantons connaissent des modèles très variés: je le disais, destitution par le parlement pour certains, destitution par le peuple pour d'autres. Ensuite, majorité des deux tiers pour certains, majorité des trois quarts pour d'autres, dès qu'il s'agit d'une majorité parlementaire; si le peuple décide, il s'agit d'une majorité simple. Il convient aussi de réfléchir à la possibilité d'une initiative demandant la destitution: donne-t-on le droit à la population de demander la destitution d'un des membres du Conseil d'Etat, et pas simplement aux députés du parlement ? Se pose aussi la question de la destitution individuelle ou de la destitution collective, ce qui ne revêt pas le même sens: dans la seconde, on entre dans la logique que connaissent notamment certains modèles majoritaires, où on a envie de changer de ligne gouvernementale. Est-ce la portée qu'on veut donner à ce projet ? Ce n'est en tout cas pas une option que soutiendra le Conseil d'Etat. Enfin, si l'on retient le modèle de destitution par voie parlementaire, insère-t-on de justes motifs, c'est-à-dire des conditions objectives, ou du moins objectivables, qui permettent à une majorité de demander cette destitution ?
Ce sont là les questions dont nous devrons débattre en commission, pour lesquelles nous devrons procéder à une pesée des intérêts. Une situation exceptionnelle peut justifier l'activation de ce type de mécanisme, mais chacun comprend que si l'exception devient la règle, si cet outil est utilisé à des fins uniquement politiques - parce que, ma foi, l'orientation politique d'un magistrat ne plaît pas - eh bien, nous aboutirons à des crises institutionnelles systématiques et cela ne pourra que nuire de manière beaucoup plus grave à l'image du canton.
Mesdames et Messieurs, avec ces cautèles, le Conseil d'Etat collaborera activement aux travaux de commission, qui, je pense, démarreront tout soudain. Le Conseil d'Etat soutient donc la demande de renvoi en commission. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, je lance le vote sur la demande de renvoi en commission de ce projet de loi.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12419 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est adopté par 91 oui (unanimité des votants).
Débat
Le président. Nous sommes présentement à la R 871 que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. Je passe tout de suite la parole à son premier signataire, M. Thomas Bläsi.
M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. Je tiens à remercier l'assemblée d'avoir voté l'urgence à l'unanimité. La présentation de ce texte sera brève: je veux juste rappeler quelques points de l'historique parlementaire. Il est important de souligner qu'à l'origine, en 2014, la motion 14.3352 a été déposée au niveau fédéral par l'Alternative et a par ailleurs été combattue par l'UDC. A cette époque, le compromis trouvé a été d'inscrire la prise en charge de la réduction mammaire pour le sein non médicalement traité. Malheureusement, la pratique et le retour des patientes montrent que c'est très largement insuffisant, car cette mesure ne règle pas le problème de l'asymétrie mammaire. Il est essentiel d'inscrire dans le catalogue de l'OPAS la prise en charge complète du sein non traité médicalement, et particulièrement la prise en charge des implants nécessaires. Le coût de cette mesure est relativement modeste: elle représenterait environ 3,6 millions par année sur les 77 milliards dépensés pour la santé. Je tiens à préciser que la R 871 est le texte des patientes: ce sont elles qui sont venues et qui ont expliqué quelles étaient leurs difficultés ! Je ne vais pas mettre ici ces difficultés en avant car je pense qu'elles sont assez clairement présentées dans l'exposé des motifs.
Pour conclure, je vous demanderai de bien vouloir accepter cette résolution ainsi que l'amendement du PDC que Mme Bachmann vous présentera. Je profite de l'occasion pour remercier Mme Bachmann et M. Conne d'avoir attiré mon attention sur le fait que la R 871, sans l'amendement mentionné, ne proposerait pas une prise en charge complète du cancer du sein. La nécessité d'adopter cet amendement est indéniable: cela nous permettra d'arriver à cette prise en charge complète. Je laisserai l'auteure de l'amendement vous le présenter par la suite. Je vous demande votre soutien et vous remercie, Messieurs les députés !
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, comment ne pas soutenir une telle résolution ? Les Verts soutiendront donc la résolution et l'amendement, parce que le cancer du sein, comme l'a dit mon préopinant, touche 5500 femmes en Suisse chaque année. Parmi ces 5500 femmes, un millier d'entre elles sont contraintes de recourir à une chirurgie correctrice du deuxième sein. En matière d'asymétrie mammaire, il subsiste une inégalité de traitement qui doit disparaître. Il n'est en effet pas juste de faire payer aux femmes la reconstruction mammaire du sein intact. Cette reconstruction est à la charge de la patiente - enfin, de celle qui en a les moyens - puisqu'elle n'est pas remboursée par l'assurance-maladie; seule la réduction mammaire l'est. Or les résultats sont peu probants: les éléments inclus actuellement dans la prise en charge ne permettent pas à la personne de se reconstruire physiquement et psychiquement. S'agissant des soins et de la reconstruction, la priorité doit être d'améliorer la guérison, la rémission, la convalescence ou tout simplement le bien-être de la personne. C'est pourquoi les Verts soutiendront cette proposition et l'amendement afin que la qualité de vie de ces femmes, déjà éprouvées par la maladie, les traitements, les séquelles, soit enfin améliorée et qu'elles puissent en définitive recouvrer une vie sociale et professionnelle. Merci. (Quelques applaudissements.)
M. Jean-Charles Rielle (S). Chères et chers collègues, il y aura peut-être des répétitions mais il est bon, par les temps qui courent, de se répéter sur une proposition de résolution interpartis adressée à Berne, lancée par notre collègue Thomas Bläsi, que je remercie. Les caisses maladie ne remboursent actuellement que la réduction mammaire sur la base de la motion qui avait été proposée par les socialistes. Les femmes atteintes de cancer pourront enfin se faire rembourser les opérations esthétiques de leur reconstruction mammaire puisque à l'heure actuelle, seul le sein traité est pris en charge par l'assurance-maladie.
Cette résolution, comme il a été dit, demande au Département fédéral de l'intérieur d'intégrer l'obligation de prendre en charge le sein non traité médicalement à l'ordonnance sur les prestations de l'assurance des soins. Le but: résoudre l'asymétrie lorsque la réduction mammaire ne donne pas de résultats propres à rétablir l'intégrité physique et psychique de la patiente. On l'a dit, 5500 femmes se voient chaque année diagnostiquer un cancer du sein et 1000 d'entre elles doivent recourir à une chirurgie correctrice du deuxième sein. Les médecins estiment qu'une différence sensible dans la forme de la poitrine après une reconstruction mammaire unilatérale ne respecte pas le principe selon lequel on doit s'efforcer de rétablir l'intégrité corporelle.
Seule la reconstruction mammaire pour rétablir l'intégrité physique et psychique de la patiente après une ablation totale ou partielle du sein médicalement indiquée est à la charge de l'assurance obligatoire. Parfois, la réduction mammaire ne donne pas de résultats propres à rétablir cette intégrité physique et psychique de la patiente, et il est nécessaire de prendre en charge le sein non traité médicalement pour résoudre l'asymétrie. Cette réduction mammaire du sein intact n'est pas prise en charge par l'assurance-maladie, on l'a dit, et elle est cause d'inégalité de traitement entre les femmes qui peuvent se payer cette reconstruction mammaire et celles qui n'en ont pas les moyens.
Il sied de garder à l'esprit que le cancer, en l'occurrence celui du sein, est à l'origine d'une paupérisation des malades et de leurs proches, notamment à cause des dépenses supplémentaires qu'entraîne la maladie. Le cancer du sein peut avoir de fortes répercussions sur la vie sociale et professionnelle des femmes atteintes, avec des séquelles pouvant être ressenties plusieurs années après le diagnostic. La prise en charge du cancer du sein par l'assurance obligatoire des soins devrait être intégrale et couvrir l'ensemble des prestations essentielles pour les femmes.
Pour terminer, cette mesure pourrait coûter chaque année 1,6 million de francs sur les 80 milliards qu'engendrent les frais de la santé en Suisse; son impact sur ces frais serait donc quasi nul. Le groupe socialiste vous remercie d'accepter cette résolution et aussi, même s'il n'a pas encore été formellement présenté, l'amendement qui la complétera utilement. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Delphine Bachmann pour la présentation de cet amendement.
Mme Delphine Bachmann (PDC). Merci, Monsieur le président. Mon intervention sera d'ordre général avant de vous présenter l'amendement. Le sujet que nous abordons aujourd'hui me tient particulièrement à coeur car j'ai rencontré et suivi des dizaines de femmes touchées par un cancer du sein. Dans notre canton, 450 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. Parmi ces nouveaux cas, une majorité de femmes subira une intervention pour enlever la tumeur, et environ un tiers de ces interventions sera ce qu'on appelle une mastectomie, c'est-à-dire une ablation complète du sein. La plupart d'entre vous a probablement la chance de ne pas connaître les conséquences de cette intervention dans les moindres détails, et je m'en réjouis. Mais j'aimerais vous donner quelques informations nécessaires sur le sujet, et j'espère que Berne entendra mes arguments.
La symétrisation est prise en charge, sauf si l'écart est trop important et qu'une prothèse est nécessaire de l'autre côté. Nous ne parlons pas de chirurgie esthétique ! Nous parlons de chirurgie reconstructrice. Subir une mastectomie, c'est une perte de sensibilité complète ! C'est un sein reconstruit avec une esthétique variable. C'est une intervention lourde qui implique un changement de prothèse régulier. Une mastectomie n'est jamais un choix de confort ! L'impact de la maladie est déjà suffisamment lourd: chimiothérapie, hormonothérapie, radiothérapie signifient parfois perte de cheveux, prise de poids, bouffées de chaleur quotidiennes, insomnies, douleurs articulaires, nausée, fatigue - la liste est longue. Les traitements sont assez pénibles et engendrent suffisamment d'effets secondaires pour ne pas alourdir encore les difficultés psychologiques en lien avec l'image de soi. Le parcours de ces femmes est héroïque ! Le choix doit être laissé aux femmes et à leur médecin. Oui, parfois, les coûts de la santé augmentent ! Mais certains soins doivent être mieux couverts pour assurer une image de soi adéquate et éviter d'autres conséquences plus coûteuses à terme; il n'y a pas à faire des économies là-dessus. Je remercie l'auteur de ce texte, avec qui j'ai collaboré, et vous invite vivement à soutenir la résolution.
Le parti démocrate-chrétien déposera cependant un amendement, affiché à l'écran, qui demande «l'obligation de prendre en charge le tatouage du mamelon du sein traité visant à obtenir un résultat propre à rétablir l'intégrité physique et psychique de la patiente après une ablation totale ou partielle du sein médicalement indiqué». En bref, pour la plupart des femmes, on ne peut pas conserver le mamelon lorsqu'on reconstruit le sein, et ce pour différentes raisons. Aujourd'hui, il existe deux options. On peut soit faire un tatouage, soit recourir à la chirurgie. La chirurgie est prise en charge, mais elle est lourde et nécessite parfois plusieurs interventions. La prise en charge du tatouage s'élèverait à 400 F environ et permettrait à ces femmes de faire un choix qui ne soit pas basé sur ce qui est remboursé, mais sur ce qui est le plus adapté à leur situation personnelle. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Simone de Montmollin (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, une fois n'est pas coutume, le PLR se joint aux propos de mes préopinants et soutiendra cette résolution ainsi que l'amendement. Il le fait d'autant plus volontiers qu'il est convaincu que la problématique est non seulement réelle mais révèle une disparité qu'il s'agit de corriger. En Suisse, le cancer du sein touche 17 femmes par jour, soit 6000 par année ! 90 000 en sont atteintes, et 900 000 personnes parmi les proches de ces femmes, qui doivent aussi les accompagner et les soutenir, sont impliquées dans le processus de guérison.
Parmi les 6000 femmes mentionnées, 7% sont des jeunes femmes de moins de 40 ans qui devront probablement subir des interventions chirurgicales en plus de tous les traitements évoqués par ma préopinante. Pour ces femmes diagnostiquées chaque année, la perspective de pouvoir profiter de toutes les mesures à disposition pour retrouver leur intégrité, pour retrouver leur dignité, pour permettre l'après, est indispensable. Il n'est donc pas acceptable que la barrière du coût soit aujourd'hui rédhibitoire pour certaines, tant et si bien qu'on observe malheureusement, dans les rémissions du cancer, une surmortalité des patientes ayant un faible statut socio-économique - c'est démontré. Il est par conséquent nécessaire de rétablir l'équité et de permettre la généralisation de ces traitements sans coûts supplémentaires, coûts qui seraient vraiment vécus comme une punition de plus. C'est pourquoi nous vous encourageons à soutenir cette résolution ainsi que l'amendement du PDC. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Danièle Magnin (MCG). Puisque quasiment tout a été dit, je vais simplement vous confirmer que le MCG soutiendra cette résolution. Il est très important d'avoir une bonne image de soi-même, parce que ça contribue à la guérison. Je me réfère à un livre du Dr Bernie Siegel qui s'appelle «L'amour, la médecine et les miracles», dans lequel il précise justement toute l'importance que le psychisme a dans une guérison. (L'oratrice s'exprime d'une voix émue.) Je suis désolée, ça m'émeut de le dire, mais c'est très important que les gens se sentent bien et puissent guérir aussi dans leur tête: ça aide ensuite à la somatisation positive. Merci. (Quelques applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Nous passons au vote sur l'amendement de Mme Bachmann, qui vise à introduire cette nouvelle invite:
«d'intégrer dans l'OPAS l'obligation de prendre en charge le tatouage du mamelon du sein traité visant à obtenir un résultat propre à rétablir l'intégrité physique et psychique de la patiente après une ablation totale ou partielle du sein médicalement indiqué.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 91 oui (unanimité des votants).
Mise aux voix, la résolution 871 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Département fédéral de l'intérieur par 91 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. Nous passons à la dernière urgence que nous aurons à traiter aujourd'hui. Je vous rappelle que les deux urgences restantes seront traitées jeudi prochain dès 8h du matin. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, pour la R 865-A. Le rapport est de M. Pierre Vanek... (Un instant s'écoule.) ...qui a introduit sa carte dans la console ?
M. Pierre Vanek. Pas encore, mais ça vient. (Un instant s'écoule.)
Le président. Je vous passe la parole.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, j'ai trois minutes pour évoquer une vaste affaire; je vais le faire très sobrement. Nous avons déposé la proposition de résolution 865 le 18 septembre 2018. Le 20 septembre, ce parlement n'estimait pas, disons, qu'il faille l'inscrire à son ordre du jour. Il s'est trouvé neuf députés du groupe Ensemble à Gauche pour voter cet ajout, mais ils étaient contre tous les autres ! Le 11 octobre, nous étions un peu plus nombreux pour demander une discussion immédiate, mais ça n'a pas suffi et la résolution est partie à la commission législative.
Cette résolution est d'une simplicité extrême: elle dit que M. Pierre Maudet ne saurait demeurer membre du Conseil d'Etat et qu'il doit tirer immédiatement les conséquences que cette situation impose. C'est une déclaration politique qui n'entraîne aucun effet législatif ou matériel, mais elle indique une volonté politique de ce parlement. L'écart de plusieurs mois entre le 18 septembre, date à laquelle nous avons déposé cette résolution, et aujourd'hui a conduit à un vote unanime de la commission - avec pas mal d'abstentions mais unanime - qui a considéré que ce parlement devait demander à Pierre Maudet de démissionner. Les travaux de la commission, l'éloquence des auteurs de la résolution ont peu contribué à cette évolution; ce sont les faits - les faits extérieurs - rapportés par les médias concernant le flot d'argent... Le «Tages Anzeiger» rapporte encore aujourd'hui des éléments nouveaux sur ce flot d'argent qui a été dirigé vers Pierre Maudet et qui pose problème. Il a été évoqué hier soir, mais je ne peux pas en parler, puisque c'était à huis clos.
Pierre Maudet disait dans telle émission de télévision qu'il était un homme de pouvoir et pas un homme d'argent. Aujourd'hui, la question est tranchée: nous savons que c'était un homme de pouvoir - pouvoir construit grâce à de l'argent de source non transparente, disons, à des caisses noires, à des cagnottes, avec un certain nombre de transactions couvertes par le mensonge. Ces éléments-là démontrent que Pierre Maudet n'a plus la légitimité politique nécessaire pour être au gouvernement. Ce n'est pas un vague opposant qui l'affirme: le Conseil d'Etat lui-même le reconnaît de facto en lui ôtant l'essentiel de ses responsabilités. Cette résolution constitue une aide à la décision pour Pierre Maudet. Il s'agit de lui montrer qu'il ne faut pas prolonger ce théâtre de Guignol et qu'il faut qu'il se retire, qu'il se retire dignement et rapidement. Merci. (Applaudissements.)
M. Thomas Bläsi (UDC). Faire démissionner, destituer, virer un conseiller d'Etat ne fait pas partie des prérogatives du Grand Conseil. Ça n'entre pas dans les prérogatives de notre fonction de députés, et le groupe UDC a toujours maintenu cette ligne. Aujourd'hui, nous tenons à amender le texte pour un certain nombre de raisons que je vais vous expliquer.
Dimanche dernier, cinq conseillers d'Etat se sont réunis en excluant deux autres, violant ainsi l'article 105 de la constitution qui prévoit que le Conseil d'Etat est un collège. De la même façon, petit à petit, le département de M. Maudet a été découpé, amputé, coupé, réduit, remanié. Nous en sommes au quatrième remaniement ! Et que voit-on malgré ce quatrième remaniement ? Eh bien nous voyons que lui est laissée la compétence de gérer les Ports Francs ! Ports Francs éminemment importants d'un point de vue stratégique pour les Emirats arabes unis, qui sont concernés par l'affaire ! Ce quatrième remaniement ne sera donc certainement pas le dernier. Aujourd'hui, nous sommes fâchés parce que nous estimons avoir demandé à cette assemblée de prendre des décisions institutionnelles depuis les mois de mai et juin. Nous avons par exemple demandé en juin déjà que le département des finances vérifie la conformité des déclarations fiscales de M. Maudet ! Si le parlement nous avait donné raison, la plupart des éléments de cette affaire seraient déjà tranchés et résolus !
C'est pourquoi le groupe UDC estime que M. Maudet s'est effectivement, tel qu'il a été dit, rendu indigne de sa fonction et doit prendre ses responsabilités en la matière; nous l'appelons de nos voeux. Mais nous estimons aussi qu'on ne peut que déduire de la dernière réorganisation du Conseil d'Etat, qui a expliqué l'avoir conçue autour d'une représentation réduite de M. Maudet à l'extérieur, que moins on voit leur collègue M. Maudet, mieux cela est ! Non seulement ils le considèrent, mais ils le votent et l'expriment en conférence de presse ! Que reste-t-il de la «dream team» ? (Rire.) Que reste-t-il de ce collège ? Il n'en reste absolument rien !
Il aurait été beaucoup plus simple d'effectuer une rocade avec le département de la santé, avec le département de la mobilité, avec le DIP; il n'y avait absolument aucune raison - aucune raison ! - de ne pas effectuer cette rocade qui aurait préservé nos institutions ! Je pense avoir été assez payé pour ma proposition par certains des promoteurs de cette version qui n'ont pas hésité à insulter et à menacer ceux qui à l'époque étaient seuls pour dénoncer les faits, ceux qui ont demandé que la commission de contrôle de gestion fasse son travail et prépare un rapport. A l'époque, je tiens à vous le préciser, cette commission avait dans les mains bien plus d'informations que le procureur ! Le groupe UDC estime donc que le Conseil d'Etat s'est rendu indigne de sa fonction. Il redemande à M. Maudet, les yeux dans les yeux, de bien vouloir prendre ses responsabilités, et au Conseil d'Etat d'arrêter d'humilier cette république. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Je ferai voter votre amendement à la fin. En attendant, je passe la parole à M. le député François Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Cette résolution met en cause un système: le système Pierre Maudet. C'est un système fondé sur le favoritisme, le copinage - les copains et les coquins. La république des copains et des coquins ! C'est cela qu'il faut dénoncer avec détermination, parce que nous ne voulons plus vivre dans une République de Genève véritablement à la dérive, en proie à un dysfonctionnement généralisé. Nous refuserons bien évidemment l'amendement, qui, de manière très bizarre et incompréhensible, vole au secours de ce système Maudet, le système des copains et des coquins. Merci, Monsieur le président.
M. Jean Rossiaud (Ve). Le conseiller d'Etat Pierre Maudet ne peut plus être membre du Conseil d'Etat du canton de Genève. Cette résolution déposée le 18 septembre 2018, que les Verts ont soutenue sans état d'âme, a pourtant mis quelques mois à convaincre une majorité des députés de la commission législative. Il est vrai que, chaque semaine, de nouveaux éléments démontraient que Pierre Maudet n'était plus, depuis début septembre déjà, capable de gouverner ni compétent pour le faire. Le fait que l'intéressé n'en tire pas les conséquences qui s'imposent soulève l'incompréhension grandissante de la population, de notre Grand Conseil et du Conseil d'Etat lui-même. Si bien que nous en sommes aujourd'hui à nous demander s'il faut introduire dans notre constitution la possibilité d'une destitution, ce qui n'a aucune raison d'être excepté dans le cas d'un magistrat qui abuserait de son droit.
Deux demandes de levée d'immunité du Ministère public, auxquelles notre parlement a accédé à la quasi-unanimité, seraient pour n'importe quel dirigeant digne et de bonne foi un signe suffisant pour présenter sa démission. Pour Pierre Maudet, non. Pierre Maudet se cache derrière la présomption d'innocence. Il sait pourtant bien que ce n'est pas l'objet du débat et que personne ici ne remet en cause la présomption d'innocence. On ne se base que sur ses aveux publics et sur des faits clairement consignés et documentés dans la presse. Pierre Maudit a... Pierre Maudet, pardon... (Rire.) ...a menti sur son voyage à Abu Dhabi. Il en convient. Ce fait à lui seul mériterait qu'il démissionne.
On pouvait penser que Pierre Maudet était un homme de vérité. Il est un homme de mensonge. On pouvait penser que Pierre Maudet était de l'étoffe des hommes d'Etat. Il a démontré qu'il ne l'était pas. Il a toujours fait passer son ambition personnelle avant les intérêts bien compris de la République et canton de Genève ! Tout dirigeant de bonne foi, digne de confiance, aurait démissionné sur-le-champ, ne serait-ce que pour ne pas faire peser le ridicule, le déshonneur et l'illégitimité sur les institutions de la patrie et de la république. Institutions qu'il se targue de continuer à vouloir servir contre vents et marées, et même contre les intérêts de notre patrie et de notre république ! Les Verts remercient le Conseil d'Etat d'avoir dessaisi Pierre Maudet de pratiquement tous ses dossiers. Cette affaire Maudet n'est pas terminée.
Les Verts refusent bien sûr tout système politique fondé sur des allégeances, des prébendes et l'espérance de retours d'ascenseur. Mais surtout, les Verts contestent cette philosophie néolibérale qui fait de l'attractivité de Genève l'alpha et l'oméga de toute politique publique, fiscale, commerciale ou économique: elle met le Conseil d'Etat sous pression pour qu'il aille à Abu Dhabi, ou ailleurs, passer de pseudo-contrats qui finiront par engluer la république dans les affaires ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, pour le groupe Ensemble à Gauche, il s'agit d'une prise de position. Une prise de position que nous voulons forte, unanime - ou la plus large possible - pour que le Grand Conseil assume ses responsabilités. Il ne s'agit pas de discuter de prérogatives: nous savons tous qu'il n'est pas dans nos prérogatives de révoquer un conseiller d'Etat ou de le destituer. Mais nous pouvons - et nous devons ! - dire quelle est notre opinion politique. Et notre opinion politique est résumée par ce texte qui demande à Pierre Maudet de prendre ses responsabilités et de quitter ses fonctions.
En ce qui concerne l'amendement proposé par l'UDC, nous faisons une différence entre cette proposition et le mécanisme de destitution d'un conseiller d'Etat. La destitution d'un membre du gouvernement, qui serait débattue à la commission des droits politiques, vise un individu pour son comportement; c'est une décision que le Grand Conseil devrait pouvoir prendre. C'est pourquoi, même si pour le moment il ne dispose pas des compétences légales, une prise de position très claire est un premier pas vers un mécanisme légal de destitution qui devrait être, à notre avis, de la compétence d'une majorité qualifiée du parlement. Tout ce qui est de l'ordre d'une révocation globale du Conseil d'Etat existe par ailleurs dans la constitution tessinoise; c'est là de la compétence du peuple. C'est une procédure d'initiative, avec un nombre qualifié de signatures, qui, dans le canton du Tessin, permet au peuple de demander la révocation de l'ensemble du gouvernement un an après une élection et un an avant l'élection suivante. Il nous semblerait incompréhensible que le parlement puisse révoquer le gouvernement alors que le gouvernement a été élu par le peuple.
En revanche, dans le cas d'un individu qui commet des actes à nos yeux inacceptables dans l'exercice de ses fonctions - le mensonge public, le mensonge organisé, la réception d'un certain nombre d'avantages reconnus pour le moment, même s'ils ne sont pas nécessairement qualifiés pénalement - celui-ci devrait pouvoir être destitué par une majorité qualifiée forte de ce parlement. C'est pourquoi je vous invite tous à voter cette résolution en prenant chacun, en votre âme et conscience, vos responsabilités. Merci. (Quelques applaudissements.)
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, mercredi, le Conseil d'Etat nous a envoyé un message fort, un message clair: à six membres du gouvernement contre un, il a été décidé de réduire le département de M. Maudet à la portion congrue. Il s'agissait aussi de penser aux fonctionnaires de l'administration publique ballottés d'un département à l'autre, si je puis dire, de mercredi en mercredi, et de leur donner cette fois une stabilité pérenne, de leur redonner confiance dans le Conseil d'Etat et dans les institutions.
Cette affaire, on l'a rappelé à plusieurs reprises, ce sont deux levées d'immunité, dont une qui a encore été votée hier soir; l'acceptation de nombreux cadeaux, pour des dizaines de milliers de francs au minimum; des mensonges répétés, construits, entraînés; des déductions fiscales infondées ! Et aujourd'hui, on apprend dans le «Tages Anzeiger» - c'est à confirmer - que les dons s'élèveraient depuis quelques années à 400 000 F environ. Alors non, Mesdames et Messieurs les députés, Pierre Maudet n'est pas victime ! Pierre Maudet n'est pas victime d'un acharnement ni du Grand Conseil ni du Conseil d'Etat ! C'est lui qui prend notre République et canton en otage. C'est lui qui prend les institutions politiques de ce canton en otage. C'est lui, Mesdames et Messieurs, qui est dans le déni et qui ternit de manière catastrophique notre image à Berne et celle de la Genève internationale.
Mesdames et Messieurs, s'agit-il d'un acharnement ? Monsieur Maudet, vous êtes là: oui, il s'agit d'un acharnement - de votre acharnement ! Monsieur Maudet, par pitié pour nous, pour la population, mais surtout pour vous, mettez fin à cet acharnement. C'est le message politique du Grand Conseil aujourd'hui. Le parti socialiste votera cette résolution, et vous demande d'avoir le courage de prendre vos responsabilités et de démissionner. (Applaudissements.)
M. Guy Mettan (PDC). Tout d'abord, je voudrais déclarer que le parti démocrate-chrétien s'opposera naturellement à l'amendement de l'UDC. Nous avons longuement discuté tout à l'heure d'un projet de destitution du Conseil d'Etat. Cet amendement ne vise rien d'autre que la destitution du Conseil d'Etat, il est donc hors de question que, dans ce domaine, nous entrions en matière comme ça, sur le vif.
Sur le fond maintenant: comme député membre de la commission législative, je me suis personnellement toujours abstenu de prendre position dans les médias ou d'intervenir sur le fond de ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Maudet. Pourquoi ? Parce que je pense, comme beaucoup d'entre nous et même l'intéressé, qu'il s'agit d'une question de responsabilité personnelle, de responsabilité individuelle. Il revient donc à M. Maudet, comme il l'a d'ailleurs déclaré, de se déterminer, c'est-à-dire d'assumer pleinement ses responsabilités. Cela dit, le PDC est un groupe, et je suis moi-même membre de ce groupe; voici la position du parti sur cette affaire.
Une majorité du PDC, lors de notre caucus de lundi soir, a décidé d'entrer en matière sur cette résolution et de suivre l'avis de la majorité du groupe PLR. Dans cette affaire, le PDC se sent en effet solidaire du PLR - ou en tout cas de la majorité du PLR - parce que nous estimons que les amis ou les partenaires ne doivent pas être abandonnés dans la difficulté. C'est pourquoi, même s'il y a une liberté dont certains vont user, la majorité de notre groupe, dont je me fais le porte-parole, a décidé de suivre la majorité du PLR. Nous voterons donc apparemment en faveur de cette résolution. Merci.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat ne souhaite pas s'exprimer sur cette résolution. Cependant, M. Pierre Maudet étant directement mis en cause, il peut naturellement répondre et il le fera donc à titre personnel.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cet après-midi, je viens devant vous qui avez juré de faire servir vos travaux au bien de la patrie qui vous a confié ses destinées, comme le veut la formule consacrée prononcée par le président au début de chaque séance. Je vous présente ici mes excuses, comme je les ai présentées à la population, comme je les ai présentées à mon parti pour ce comportement que j'ai effectivement qualifié d'indigne de la fonction.
Je vous ai écoutés attentivement. Je vous ai compris, en tout cas pour les propos qui reposent sur des aspects factuels. Mais je dois vous dire aussi que je ne suis pas sûr que le temps évoqué par le rapporteur tout à l'heure, entre septembre et aujourd'hui, qui a été pour une large part le temps des insultes, des avanies, de l'acharnement, de l'humiliation, ait été bien utile à la patrie qui nous a confié ses destinées et qui nous a également confié le soin d'avancer sur des sujets politiques de fond. C'est bien sûr votre droit, Mesdames et Messieurs les députés, de prendre la parole et d'intervenir dans le champ public, ici, au parlement, pour y tenir les propos que vous avez tenus. C'est votre devoir - c'est notre devoir - de veiller au bien de la république.
Cette résolution porte précisément sur le bien de la république: fondamentalement, si on la relit, elle s'interroge sur le fonctionnement des institutions. Ce fonctionnement interpelle; les institutions ne sont pas parfaites. En a témoigné tout à l'heure le vote unanime de renvoi en commission du projet de loi relatif à une adaptation de la constitution et des lois afférentes en matière de destitution. Et puis ces institutions sont composées d'hommes et de femmes qui ne sont pas parfaits non plus, et j'avoue tout à fait volontiers ici que j'en fais partie. Ces institutions sont perfectibles, c'est pourquoi vous avez tout à l'heure renvoyé en commission ce projet de loi.
Ces institutions, notamment le Grand Conseil, recèlent aussi quelques problèmes, et je suis obligé de l'évoquer: comment peut-on passer sous silence - je n'ai entendu personne en parler - les nombreuses violations du secret de travail de commission et de fonction qui ont notamment émaillé le début de cette affaire ? On évoquait tout à l'heure la commission de contrôle de gestion; on doit ici se rappeler que celles et ceux, et je veux croire qu'ils ne sont pas nombreux, qui ont violé ce secret, qui se sont rendus parjures, ne servent pas forcément les institutions. Comment passer sous silence que l'un des députés qui m'a interpellé tout à l'heure a récemment fait l'objet d'une ordonnance de classement du Ministère public dans laquelle on lit qu'il s'est exclusivement fondé sur un article paru dans la «Tribune de Genève» en y ajoutant des trouvailles de son cru, telles que l'implication de la commandante de la police ou de la brigade de sûreté intérieure ? Il s'agit évidemment de l'affaire de prétendues écoutes téléphoniques qui me concernaient, qui a pris dix mois pour être réglée parce qu'elle était vide. Les institutions parlementaires ont aussi leurs imperfections, et certaines de ses composantes en particulier. La justice, je viens de le dire, a également ses imperfections. Ça prend du temps, la justice: dix mois pour confirmer que le procès qui m'était fait en matière d'écoutes téléphoniques était complètement farfelu - bidon, pour le dire autrement.
Et puis le Conseil d'Etat a ses imperfections. Et j'assume ici la rupture de collégialité que j'ai prononcée mercredi s'agissant de la décision, que je regrette, de réorganisation et d'attribution des départements. Je l'ai dit mercredi, je n'irai pas au-delà. Je regrette la façon de faire, la façon dont elle s'est déroulée, qui - c'est le terme de mon collègue Mauro Poggia dans «Le Temps» de ce jour - procède de l'humiliation. Je regrette également ses conséquences, je le redis ici, parce que le déséquilibre généré par la répartition nouvelle des départements sera, je pense, source de problèmes pour la république.
Je suis néanmoins convaincu que la question économique, la question du développement économique, est centrale; je tiens à le dire puisque j'ai été tout à l'heure interpellé là-dessus. La santé économique de Genève est centrale; c'est ancré dans les valeurs du PLR que je défends et continuerai à défendre, y compris au-delà des frontières, parce que Genève est une économie ouverte. Ces valeurs sont importantes, c'est une grande responsabilité que le gouvernement m'a confiée sur le développement économique. Je pourrais assurément en faire plus, mais je fais ici voeu de poursuivre l'oeuvre entamée, que ce soit pour les sans-grade et les sans-papiers - je pense à l'opération Papyrus - ou pour le rayonnement de Genève, de son horlogerie, de son industrie, de sa pharma, de toutes ses composantes dont je suis fier également.
Mesdames et Messieurs, et je conclurai par là, si cette résolution vise réellement à s'interroger sur le bien des institutions, sur le bien de la république, sur l'idéal - mais qui n'est qu'un idéal - de perfection des personnes qui la composent, j'en appelle ici au pardon. Pour ma part, s'agissant des députés qui auraient violé leur serment et livré des documents, eh bien je vous pardonne. (Rires. Exclamations.) Je pense que c'est au moins aussi grave, il faut le souligner, que de voir ce type de violation. Je me permets de citer une phrase brève d'un magistrat du XXIe siècle qui a dit ceci: «J'ai entendu certains soutenir l'idée incongrue que je devais démissionner de ma charge de conseiller administratif, ou tout du moins me mettre en retrait. Mais c'est le peuple, et lui seul, qui souverainement m'a porté à cette charge, j'entends ainsi lui rester fidèle.» Ce magistrat, qui en l'occurrence parlait comme un magistrat condamné, parce qu'il avait été condamné, est un de vos collègues: M. Rémy Pagani.
Alors je vous annonce ici solennellement, Mesdames et Messieurs les députés, que jamais je ne céderai à une pression politique, à une pression médiatique, à une pression sociale, à une pression économique en vue de démissionner. L'honneur d'un conseiller d'Etat, d'un membre du gouvernement, commande de respecter les institutions et les principes sur lesquels elles reposent, notamment la séparation des pouvoirs, la présomption d'innocence ou le droit d'être entendu. Et le droit d'être entendu, Mesdames et Messieurs, n'a pas vraiment été respecté: je n'ai pas été invité par la commission à m'exprimer devant elle. Il faut respecter aussi le principe de la Justice avec un grand J, et pas celle du tribunal des émotions, du tribunal de la vindicte populaire. J'ai été élu pour combattre, et je me réjouis de combattre sur des idées, sur des projets. Je n'ai pas été élu pour me faire abattre ! Mesdames et Messieurs, je vous invite ici à soutenir les institutions - pour le bien des institutions, laissez la justice notamment faire son travail - et à réitérer votre confiance dans l'ensemble des institutions en refusant cette résolution. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Exceptionnellement, puisqu'il a été mis en cause, je donne la parole pour une minute à M. Rémy Pagani.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, je me suis tu jusqu'à maintenant dans cette affaire parce que je pense qu'il faut faire preuve d'un minimum de solidarité envers un ancien collègue; j'ai travaillé pendant six ans avec M. Pierre Maudet. Mais quand même, Monsieur Maudet, vous travestissez la réalité ! C'est dans le cadre de l'affaire de la brochure que j'ai pris cette position devant le Conseil municipal, et je n'étais pas condamné ! C'est vous-même qui avez participé avec le Conseil d'Etat à cette guignolerie, à cette indignité qui a consisté à me sanctionner, Monsieur Maudet ! Je tenais à le dire. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Nous votons en premier lieu sur l'amendement dont nous sommes saisis. Il est extrêmement simple; vous l'avez sous les yeux. Je le lis:
«Modification de la déclaration:
Déclare que l'ensemble du Conseil d'Etat doit démissionner.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 84 non contre 8 oui.
Mise aux voix, la résolution 865 est adoptée par 66 oui contre 8 non et 15 abstentions.
Premier débat
Le président. Puisque nous avons terminé les urgences pour aujourd'hui, nous passons au PL 12316-A, objet classé en catégorie II, trente minutes de temps de parole. Madame Valiquer, je vous passe la parole.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit d'un projet de loi de déclassement qui répond notamment à une pétition que le Grand Conseil a déjà traitée et dont nous avons voté le dépôt sur le bureau du Grand Conseil. On peut dire que ce projet de loi de déclassement correspond à la volonté populaire, puisque vous savez qu'un référendum a été soumis aux habitantes et habitants de la ville et qu'ils ont validé la possibilité de densifier ce secteur.
Ce secteur correspond au principe de densification mentionné dans le plan directeur cantonal; il est aussi mentionné par le plan directeur communal - le plan directeur de la Ville de Genève. Il faut rappeler que le plan localisé de quartier qui en résultera vaut aussi comme plan de site. Les immeubles d'un intérêt patrimonial au centre du Petit-Saconnex et particulièrement autour de sa place vont être préservés. Il faut encore rappeler que la Ville de Genève a préparé un projet d'aménagement de la place de ce même site qu'elle a présenté aux habitantes et habitants de ce quartier et de la ville.
Ce que nous devons dire aux opposants à ce projet qui ont perdu en votation populaire, c'est que la qualité est effectivement importante et que le canton tout comme la Ville devront suivre avec attention les projets qui seront construits. Mais il faut faire ce pari, parce qu'un projet d'aménagement public de qualité sera proposé aux habitants et les immeubles présentant un intérêt patrimonial seront préservés. Pour toutes ces raisons, je vous invite à accepter ce projet de loi.
Présidence de M. Jean-Marie Voumard, premier vice-président
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le secteur qui nous est soumis aujourd'hui fait partie des endroits où il faudrait justement ne pas densifier. Il s'agit du dernier village de la commune de Genève, c'est un site où il fait actuellement bon vivre, où une certaine ambiance villageoise existe, cela depuis que ce village existe. C'est de ça qu'on parle aujourd'hui et c'est ça qu'apparemment une majorité du Grand Conseil va complètement démolir en acceptant ce projet de loi.
Mme Valiquer a mentionné la votation, mais j'en conclus le contraire, parce qu'il faut aussi voir que 78% de la population de ce quartier a justement refusé le déclassement pour les motifs que je viens de citer. Cela démontre bien quelque chose - ce n'est pas la première fois que ça arrive, on l'a vu notamment aux Cherpines, dans les mêmes proportions: le canton prend des décisions pour un quartier précis; les gens sont d'accord de dire qu'il faut construire, tout le monde en est de plus en plus convaincu, alors que ça fait des mois, voire des années, que l'UDC dit qu'il faut arrêter de construire, que ça ne sert plus à rien - on ne construit plus pour nos propres habitants, on ne construit plus pour nos enfants. Ce vote démontre, donc, que la population est d'accord de construire, mais «pas chez nous». Elle vote sur un secteur qui ne la concerne pas et ça lui donne une certaine assurance que les prochaines constructions ne se feront pas chez elle, puisqu'elle espère qu'on aura suffisamment déclassé ailleurs. C'est ce qui est désolant dans ce dossier. On ne se préoccupe pas assez des habitants concernés et, sous des prétextes fallacieux, on prétend qu'il faut absolument continuer à déclasser.
La dernière chose que je dirai, c'est qu'on déclasse malheureusement à cause d'une politique migratoire non maîtrisée, puisque c'est bien pour ces personnes que l'on construit, c'est-à-dire pour les personnes qui ne viennent pas d'ici, mais d'ailleurs.
M. David Martin (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe des Verts votera oui à ce projet de modification de zone qui permettra de construire deux cents logements ! Comme on l'a rappelé, ce projet a été largement accepté l'année passée en votation par la population de la ville. Je l'ai dit hier à propos du Pré-du-Stand, il ne nous reste plus que quelques dizaines d'hectares de zone agricole à déclasser pour réaliser toutes les politiques publiques dont notre canton a besoin. Evidemment, le développement de notre canton doit maintenant passer par une densification vers l'intérieur, en particulier dans la zone villas.
Ce projet de densification est un bon projet, il s'agit d'une modification de zone pertinente pour trois raisons. D'abord, il porte en effet sur un périmètre restreint et délimité de façon à maintenir les bâtiments ayant des qualités patrimoniales, notamment ceux qui sont situés autour du fameux café du Soleil. C'est un bon projet aussi parce que le secteur en question se trouve à quelques dizaines de minutes à pied du centre-ville et qu'il est très bien desservi en transports publics. C'est encore un bon projet parce que la procédure de modification de zone s'est faite en parallèle du développement d'un avant-projet de PLQ incluant une charte paysagère qui met en évidence les possibilités de réaliser des constructions tout en préservant une bonne partie de la végétation existante, donc sans faire table rase de l'existant.
Les Verts sont néanmoins sensibles à certains arguments des opposants, notamment le souhait de préserver la biodiversité, de favoriser la cohésion sociale et la qualité de vie. Nous invitons donc le Conseil d'Etat à soigner la qualité urbanistique de ce futur quartier en mettant les futurs habitants au centre des réflexions, en s'inspirant par exemple de la dynamique positive en cours dans le quartier de la Concorde. Il s'agit aussi d'éviter à tout prix que le futur quartier soit flanqué d'un de ces parkings souterrains surdimensionnés qui rendent impossible ou presque la végétalisation du quartier. Justement, compte tenu de l'excellente desserte en transports publics et de la proximité du centre-ville, nous invitons le Conseil d'Etat à faire de ce quartier un projet pilote de quartier sans voitures, à l'exemple de ce qui a été fait par exemple à «Mehr als wohnen» à Zurich, où seul un logement sur quatre dispose d'une place de parc. Je vous invite à consulter à ce sujet un excellent site internet qui s'appelle «habitat-mobilitedurable.ch» où vous trouverez beaucoup d'informations sur des exemples de ce type. Mais pour l'heure et en conclusion, les Verts vous invitent à accepter cette modification de zone, car nous souhaitons qu'un nouveau quartier de logements, durable et où il fait bon vivre, puisse voir le jour très bientôt au Petit-Saconnex.
Présidence de M. Jean Romain, président
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, comme cela a été dit, les électeurs et électrices de Genève ont voté en faveur de ce projet de déclassement suite à un référendum contre la délibération du Conseil municipal proposant cette modification de zone. Ce projet est conforme aux planifications supérieures et répond à la stratégie de densification de la couronne urbaine selon la fiche A02 du plan directeur cantonal tout comme il répond aux objectifs du plan directeur communal Genève 2020. Contrairement à ce qui a été indiqué lors du référendum, il n'est pas prévu de détruire le village du Petit-Saconnex, mais plutôt de densifier l'arrière du site; l'ensemble de la place du Petit-Saconnex et de ses abords sont également préservés. Le déclassement se fait sur la base du recensement qui exclut les parties ayant une valeur patrimoniale forte et il se concentre sur les bâtiments et les abords qui n'ont pas de valeur particulière. L'élaboration du futur PLQ vise à préserver l'existant, à densifier à proximité des infrastructures et des transports publics et à prendre en compte les ruptures d'échelle entre le centre historique et la grande opération des années 1970. L'implantation des bâtiments reprend en majorité l'emprise au sol du tissu existant, avec une faisabilité par étapes. Le futur PLQ valant plan de site intègre l'ensemble des constructions qui présentent un intérêt patrimonial ainsi que les qualités paysagères du site. Au vu de ce qui précède, le groupe PDC votera cette modification de zone.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG ne soutiendra pas ce projet de déclassement, conformément à sa position exprimée en Ville de Genève et conformément à son soutien au référendum. Oui, il faut construire, mais pas partout, pas n'importe comment et pas en détruisant nos villages. Le village du Petit-Saconnex reste le seul situé dans la commune de Genève. Quoi qu'on ait pu dire - qu'on allait conserver quelques maisons - à quelques mètres de ces maisons, il y aura des immeubles de six à huit étages: ce n'est pas de la vraie conservation ! Qu'est-ce qu'on va faire de la place du Petit-Saconnex, que tout le monde ici aime, j'en suis persuadé ? Eh bien, avec ce projet, elle va être massacrée. En plus, j'ai le plus grand doute sur ce que va proposer la Ville de Genève pour aménager cette place. Je pense que la première chose qu'elle fera, ce sera de supprimer les places de parking pour les commerces afférents. Donc non, c'est mauvais ! Non, il ne faut pas le permettre et je vous invite à refuser ce projet de déclassement. Il faut aussi conserver un poumon; il faut aussi conserver quelques petites villas; il faut aussi conserver un certain substrat fiscal en ville, comme partout ailleurs. L'addition de tout cela rend ce projet inacceptable. Nous le refusons et nous vous invitons à faire de même.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, l'intervenant qui vient de s'exprimer prétend qu'on va liquider la place du Petit-Saconnex, qu'on va casser ce dernier village: il n'en est pas du tout question et le corps électoral de la Ville de Genève en a bien été conscient ! La campagne électorale menée visait à faire comprendre qu'il s'agissait bien au contraire d'accompagner le développement de la ville et de respecter les marques du passé, notamment la place du Petit-Saconnex. Puisque M. Sormanni est membre du Conseil municipal et qu'il s'intéresse toujours aux affaires de la municipalité, il devrait savoir que les travaux pour réhabiliter la place du Petit-Saconnex vont commencer. La question n'est donc pas là, la question est d'accompagner le développement de la ville.
Il s'agit de faire en sorte que la zone située au-delà de la place du Petit-Saconnex jusqu'à la Coop - pour celles et ceux qui connaissent cette partie de notre ville - puisse se développer en fonction de la déclivité du terrain, avec un certain nombre d'immeubles et de logements dont la population genevoise a cruellement besoin. Par conséquent, je vous invite à voter ce déclassement validé par une majorité du corps électoral, après une campagne qui s'est déroulée de manière plus ou moins honnête - les arguments des référendaires étaient fallacieux en ce qui concerne la place du Petit-Saconnex. Il faut que chacun puisse habiter dans notre très belle ville plutôt que de passer son temps dans les bouchons une ou deux heures chaque jour, à faire des allées et venues improbables entre l'extérieur et l'intérieur de notre cité.
M. André Pfeffer (UDC). Notre groupe n'approuve pas ce projet de loi pour les raisons suivantes: d'abord, la destruction d'un centre historique. Ensuite, l'augmentation de la densité dans un secteur déjà très dense. Troisièmement, lors d'un référendum, les riverains ont refusé cette densification à 78%. A tout ça, je pense qu'il faut ajouter un quatrième élément au moins: l'absence d'étude et d'évaluation sérieuse concernant le besoin de logements à Genève par catégorie. Je rappelle que la liste de l'office du logement social comporte plus de 8000 demandeurs, mais le seul élément certain est que 1500 demandes sont soit urgentes, soit liées à la précarité. La question est évidemment de savoir qui sont les 7000 et plus autres demandeurs inscrits sur cette liste.
Pour cette raison, j'ai deux questions à poser au Conseil d'Etat. La première est liée à cette liste de l'office du logement social: j'aimerais que le Conseil d'Etat nous communique le nombre de demandeurs inscrits sur cette liste qui possèdent déjà un logement subventionné. Toujours par rapport à cette liste, il faut savoir qu'elle comporte des bénéficiaires de l'Hospice général ne recherchant pas de nouveau logement mais qui ont l'obligation de s'y inscrire. J'aimerais aussi connaître le nombre ou le pourcentage de ces personnes. Ma dernière question concerne les dérogations pour l'obtention d'un LUP par des candidats qui ne remplissent pas toutes les exigences, notamment celle d'habiter déjà et depuis un certain temps dans notre canton. J'aimerais savoir le nombre et le pourcentage de ces dérogations. Merci pour les réponses !
M. Adrien Genecand (PLR). Pour le groupe libéral-radical, la modification de zone est à soutenir, pour plusieurs raisons. Premièrement, on est au coeur de la ville, là où sont les infrastructures, et c'est donc là où construire et densifier est le plus intelligent. La deuxième raison est que le corps électoral de la Ville de Genève s'est prononcé sur cette modification de zone et qu'il l'a acceptée à plus de 60%. La troisième raison de notre soutien est relative à une question plus générale posée par certains députés dans cette salle: si densification de la zone villas il y a, où doit-elle se faire ? Pour nous, si une partie de la zone villas doit être densifiée, c'est celle qui se trouve en ville de Genève et pas celle qui est à l'extérieur, qui doit, elle, être préservée. Nous nous engageons par ailleurs pour que la zone villas à densifier soit touchée le plus faiblement possible à tout le moins.
C'est la question sociale fondamentale que soulève M. Pfeffer de savoir ce qu'on fait quand on densifie la zone villas, sachant que celle-ci rapporte 80% de la substance fiscale, dans les grandes lignes. Effectivement, quand on décide de densifier une zone villas, on densifie là où des gens paient beaucoup d'impôts. Pour qu'on s'y retrouve en fin de compte, il faut faire autre chose que du logement social. Il faut vraisemblablement saisir l'occasion de ces modifications de zones dans le cadre de plans localisés de quartier pour faire plus de PPE et plus de loyers libres. Sinon, il ne sera pas possible de financer les infrastructures publiques induites par les densifications, à commencer par les écoles. Plus généralement, comme ce sont les habitants des zones villas qui paient une grande partie de l'impôt sur les personnes physiques, ces gens-là doivent être remplacés par des gens qui paient en tout cas la même chose. Donc, il n'y a pas d'autre solution, il faut construire des logements en loyer libre et en PPE. C'est toutefois une autre discussion; là, nous en sommes à la modification de zone et le groupe libéral-radical la soutiendra.
M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, tout d'abord, j'aimerais répondre à mon collègue UDC qui voulait connaître les conditions d'accès à un logement social dans cette république. Il faut avoir résidé à Genève depuis au moins deux ans; quelqu'un qui arrive n'y a pas droit, il faut qu'il réside dans le canton depuis deux ans. En tout cas, c'était comme ça à l'époque de la loi qu'on avait votée et je pense que cette disposition subsiste. En tant que député, vous devriez le savoir !
Deuxièmement, j'ai entendu plusieurs fois mes collègues parler ici du bien commun. C'est un terme qu'on utilise facilement maintenant: «pour le bien commun !» Aujourd'hui, nous avons la possibilité d'appliquer ce principe. Je lis dans le rapport que certains disent que leurs biens immobiliers vont être financièrement dégradés et qu'il y aura une perte de valeur à cause des logements construits à côté et du changement d'environnement. Mais ils pourront continuer à y vivre comme tout le monde, et s'ils y habitent, il n'y aura pas de dégradation. Le problème qui se pose dans ce canton, c'est qu'il y a des familles qui vivent dans des studios, parfois avec deux voire trois enfants ! A cause de ça, ces enfants ne pourront jamais se développer comme il se doit ! Jamais ! Jamais ils n'auront les mêmes chances d'accéder à des formations et à une vie normale. L'égalité de traitement passe d'abord et surtout par le logement ! Dans ce canton, il y a un déficit notoire de logements par rapport au reste de la Suisse; c'est un des cantons de toute la Suisse où la spéculation est la plus importante.
On vient nous dire aujourd'hui qu'il faut préserver un petit village. Moi aussi, je vais dire qu'il faut préserver les petits villages ! J'aimerais bien vivre au bord d'une rivière, avec des canards et des arbres autour, avec le soleil qui se lève le matin et on entendrait le coq chanter. Mes enfants iraient au marché en disant: «Papa, je suis content de voir ces arbres.» (Rires.) J'aimerais bien avoir ça, Mesdames et Messieurs les députés, mais je ne peux pas ! Je n'ai pas pu avoir ça parce que je viens d'un milieu qui n'était pas aisé. J'ai d'abord dû habiter dans un HBM, avec des travailleurs autour; nous n'avions même pas de jardin. Ces HBM ont au moins permis que je puisse faire des études et me développer. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ici, aujourd'hui, on demande la solidarité du canton, la solidarité par rapport à d'autres personnes. Onex et Vernier ont construit beaucoup de logements sociaux, mais eux aussi auraient eu besoin de conserver des terrains bucoliques ! Maintenant, si une autre commune doit participer, qu'elle participe ! Le bien commun veut que les communes participent, en espérant, comme certains de mes collègues Verts l'ont dit, que l'aménagement se fasse convenablement.
Le président. Voilà, c'est terminé, je vous remercie, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Il n'y a pas besoin de déclasser actuellement, on peut déjà construire des immeubles de deux à trois étages sur ces parcelles. On peut densifier modérément et faire du développement durable de manière intelligente. On peut le faire, les arguments des gens qui sont pour ce bétonnage massif sont trompeurs. On a trompé les électeurs en ville de Genève. Ce que le MCG défend, c'est une certaine qualité de vie: construisons des logements, pas des cages à lapins ! Pas ces immeubles monstrueux qu'on voit à Carouge du côté de Familia et qui sont la honte de Genève ! Nous ne voulons pas de cages à lapins; nous ne voulons pas de cages à pauvres; nous ne voulons pas de cages à Pagani ! (Brouhaha.)
Le président. Je vous remercie et je passe la parole à M. André Pfeffer pour vingt secondes.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste confirmer que nous connaissons les conditions d'obtention de LUP, mais ma question concerne les dérogations à ces conditions. Deuxièmement, j'avais oublié de demander le vote nominal.
Le président. Etes-vous soutenu, Monsieur le député ? (Quelques mains se lèvent.)
Des voix. Oui !
Le président. Oh, pour le moment... (D'autres mains se lèvent.) Oui, d'accord, vous êtes soutenu ! Je passe la parole à Mme Nicole Valiquer Grecuccio, pour vingt secondes aussi.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de majorité. Merci ! J'aimerais insister au nom de la commission de l'aménagement sur le fait que favoriser le droit au logement, c'est se rappeler toujours que ce Grand Conseil défend l'intérêt général et qu'il ne peut pas défendre des intérêts particuliers. Assumons donc notre rôle au nom du plan directeur cantonal !
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je dirai quelques mots relativement aux propos tenus notamment par le rapporteur de minorité, selon qui nous devons arrêter de construire: c'est ce qu'on a fait ces vingt ou trente dernières années ! On n'a peut-être pas arrêté, mais on a peu construit, et que s'est-il passé ? Une explosion du nombre de pendulaires frontaliers ! Ces mêmes personnes que vous avez qualifiées de racailles, ces mêmes personnes dont vous contestez l'apport à l'économie ! C'est parce que Genève vous a suivis ces vingt dernières années qu'elles ont été multipliées par quatre. Voilà l'incohérence du groupe UDC qui, dans le même temps, demande un taux extrêmement bas pour la fiscalité des entreprises, bien plus bas que le compromis trouvé. L'UDC veut une Genève ultra attractive et elle vient nous dire ensuite que ça ne va pas, qu'il faudrait construire uniquement pour nos enfants. Il faut l'admettre, un tiers des logements construits suffiraient à répondre à la demande liée à la natalité interne, mais, bien sûr, la construction est le fruit de la prospérité, qui induit une migration des personnes. Ces femmes et ces hommes contribuent au fonctionnement de notre économie privée mais aussi à celui d'institutions aussi fondamentales que les hôpitaux ou les transports publics genevois.
Le modèle que le Conseil d'Etat ne veut plus suivre, le modèle que le peuple suisse ne veut plus suivre, est celui de l'étalement urbain, le modèle qui fait qu'on doit habiter de plus en plus loin et prendre la voiture chaque matin pour se rendre au travail. Ce modèle de l'étalement et du mitage du territoire qui crée de la distance est celui qui est préconisé par les opposants à ce projet de loi qui ne regardent le problème que par le petit bout de la lorgnette, à propos d'un quartier.
Ce quartier, je l'ai visité parce que j'ai été invité par les habitants - il s'agit en fait de dix villas. Première information pour M. Genecand, ces habitants sont pour l'essentiel des locataires avec des revenus relativement modestes; les villas sont anciennes et assez vétustes. Peut-être que dans le protestantisme genevois, les gens cachent vraiment bien leur fortune, mais j'ai pu visiter l'intérieur des maisons et voir qu'il s'agissait de gens de la classe moyenne, je dirais même de la classe moyenne inférieure.
Deuxièmement, il s'agit certes d'un poumon de verdure magnifique, j'ai eu accès aux jardins - mais ces jardins sont réservés à ces dix familles ! C'est un poumon totalement privé ! Donc, oui aux poumons de verdure, oui aux espaces verts, mais il faut des espaces verts pour tout le monde, Mesdames et Messieurs ! Et la qualité des aménagements urbains sera fondamentale dans la réussite de ce quartier, comme pour d'autres. En réalité, il ne s'agit pas ici d'un village dont la place sera préservée, avec son café du Soleil et tous ses éléments. Il s'agit d'une dizaine de petites maisons sans réel intérêt patrimonial; celles qui ont un intérêt patrimonial seront conservées. Il s'agit bien ici de la possibilité de créer deux cents logements à la place de cette dizaine de maisons; on voit bien que le gain quantitatif est important.
On doit construire pour tout le monde, on doit créer une certaine mixité. Pour répondre à M. Genecand encore, il est vrai que j'entends souvent que 80% des revenus sur les personnes proviennent des habitants de la zone villas. C'est ce que j'entends souvent, mais le département des finances n'a jamais été en mesure de me confirmer ce chiffre ! De plus, je pense que cet argument se retournera contre vous, Monsieur le député, lorsque nous parlerons de la fiscalisation du revenu du patrimoine immobilier ! Parmi les propriétaires, il y a beaucoup de gens relativement modestes, ou en tout cas de la classe moyenne inférieure. Eh bien, la diversité des revenus parmi les propriétaires est forte, et faire croire qu'un propriétaire est forcément un riche pervertit le débat: il y a aussi des gens de la classe moyenne qui sont propriétaires et qui contribuent comme les locataires de la classe moyenne, heureusement encore majoritaires. Il faut donc nuancer: il y aura de la PPE parmi ces deux cents logements; il y aura du logement social ainsi que du locatif non subventionné.
Enfin, pour répondre à M. Pfeffer, comme je l'ai déjà fait à plusieurs reprises, parmi les 8000 demandeurs de logements, les deux tiers gagnent moins de 60 000 F par année. Il s'agit réellement de gens modestes ! Ces 8000 personnes ne vivent pas sous les ponts, Monsieur Pfeffer, sinon ça se verrait ! Bien sûr, elles vivent dans d'autres logements, mais souvent entassées. Il s'agit souvent de jeunes familles logées dans des trois-pièces, avec un ou deux enfants. Il est légitime de vouloir offrir également un espace de vie digne et décent à des gens modestes qui travaillent mais dont le fruit de leur travail ne leur permet pas d'accéder à des logements du marché libre. Il ne s'agit pas des plus pauvres: les plus pauvres du canton sont pris en charge par l'Hospice général, Mesdames et Messieurs ! Il s'agit ici de logement, certes social, certes aidé à la pierre, mais pas forcément subventionné au-delà, et la classe moyenne inférieure a besoin de prix régulés si elle veut pouvoir se loger. Si votre projet est d'envoyer la moitié de la population de l'autre côté de la frontière parce que vous voulez construire Monaco-sur-Léman, eh bien, ça ne sera pas le projet du Conseil d'Etat ! Nous défendrons toujours à Genève l'accès au logement des classes laborieuses, des classes qui travaillent mais avec des salaires modestes.
Enfin, les dérogations à la règle des deux ans que M. Velasco a justement rappelée sont exceptionnelles. Si vous le voulez, déposez une question précise et je ferai une recherche ! Ces dérogations peuvent se justifier dans de très rares cas. Une fondation s'adresse uniquement aux fonctionnaires internationaux, dans le cadre du système des Nations unies. Parmi ces gens employés par les Nations unies, certains ont aussi des salaires modestes. Il y a donc du LUP et, évidemment, avec le tournus très important parmi ces employés, quelques dizaines de logements sont concernés, mais on se trouve vraiment dans l'ordre de l'accessoire. Si vous voulez que je vous réponde précisément, je vous invite à déposer une question écrite. Pour le reste, j'entendais des chuchotements à propos de cette règle des deux ans qui ne serait pas respectée. A nouveau, Mesdames et Messieurs les députés, ayez le courage de dénoncer des cas précis, ils seront instruits ! La règle des deux ans de résidence pour accéder à un logement social est une loi et le département l'applique. Il peut y avoir des cas de fraude, mais je vous prie de me les présenter au lieu de sous-entendre à chaque fois que l'administration n'appliquerait pas la loi !
Mesdames et Messieurs les députés, nous promouvons la qualité et la mixité sociale comme seules conditions de la réalisation de ces quartiers, de celui-là en particulier. Je vous remercie de suivre la large majorité populaire obtenue en ville de Genève et de voter ce projet de loi.
Le président. Je vous remercie. Je lance le vote sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 12316 est adopté en premier débat par 75 oui contre 17 non (vote nominal).
Le projet de loi 12316 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12316 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 78 oui contre 18 non.
Le président. Je lève la séance et vous donne rendez-vous à 18h10.
La séance est levée à 17h55.