République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12419
Projet de loi constitutionnelle de MM. Daniel Sormanni, François Baertschi, Florian Gander modifiant la constitution de la République et canton de Genève (Cst-GE) (A 2 00) (Pour un mécanisme de destitution des autorités à Genève)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 24, 25 et 31 janvier 2019.

Premier débat

Le président. Nous abordons le PL 12419. Je laisse à M. Daniel Sormanni le soin de nous expliquer ce texte. Le deuxième projet de loi, le PL 12420, a été automatiquement renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, comme il a été précisé hier.

M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, incontestablement, l'actualité de notre canton a mis en évidence la lacune que représente l'absence de tout mécanisme constitutionnel permettant de destituer un élu du peuple. Deux projets de lois distincts sont proposés. Le premier est d'ordre constitutionnel, puisqu'il faut d'abord instaurer dans la constitution la simple possibilité de confier au législateur l'adoption de règles de rang légal visant à prévoir la destitution potentielle d'un ou des membres des autorités genevoises élues. Il n'est question ici que de donner compétence au Grand Conseil d'adopter un régime de destitution des autorités. Cette modification concerne un article nouveau et deux lignes que je vous lis: «La loi peut prévoir la destitution des membres du Conseil d'Etat, de la Cour des comptes et des autorités judiciaires. Elle en règle la procédure et les conditions.» C'est ça - la procédure et les conditions - qui a été renvoyé en commission, où la discussion portera donc sur les modalités plus que sur le principe lui-même. La logique voudrait que le principe soit voté sur le siège, on verra si ce Grand Conseil est sensible à cet argument.

Comme je l'ai dit, parallèlement à ce projet de loi constitutionnelle, l'autre texte vise à concrétiser cette réglementation. Il prévoit que «sont considérées comme de justes motifs toutes les circonstances, même non imputables à faute» - ça peut être quelqu'un qui est malade ou accidenté, incapable d'assumer son mandat - «qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite du mandat». Même en présence d'un tel motif, seule une majorité qualifiée des deux tiers du Grand Conseil pourrait décider l'ouverture d'une procédure de suspension ou de destitution. En outre, l'initiative d'une telle proposition ne pourrait venir que du Conseil d'Etat, du Bureau du Grand Conseil ou de la commission de contrôle de gestion, selon une décision prise à la majorité simple ordinaire pour entamer la procédure.

Celle-ci est aménagée de manière à être menée avec célérité tout en respectant les droits procéduraux. Une voie de recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice est ouverte, c'est logique, je pense que c'est une bonne chose. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Un magistrat destitué pourrait faire recours, bien sûr. Il n'y a pas d'effet suspensif afin de ne pas ralentir le processus de remplacement, mais le magistrat visé par la procédure est immédiatement rééligible, il peut se présenter à cette nouvelle élection. C'est pour cette raison qu'il est prévu que la réélection met fin à la procédure. Ça me paraît aussi logique: finalement, le juge ultime, c'est le peuple.

Le président. Il faut terminer, Monsieur le député.

M. Daniel Sormanni. J'ai tout de suite terminé !

Le président. Non, pas tout de suite, maintenant !

M. Daniel Sormanni. Deux s... (Rires. L'orateur rit.)

Le président. Je vous laisse terminer votre phrase et je passe la parole à M. Wenger.

M. Daniel Sormanni. D'accord. Rendez-nous notre république, rendez-nous Genève, car oui, hélas, Genève est en crise, est moquée, et nous avons besoin d'une Genève libérée, rayonnante, retrouvée. Je compte sur vous ! Vive Genève, vive la Suisse !

M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, ce projet de loi s'inscrit dans un certain contexte. Pour le rappeler, je vous ai écrit une petite histoire que je vais vous raconter. (Exclamations.)

C'est l'histoire d'un jeune cycliste qui, depuis tout petit, a aimé faire du vélo. A 15 ans, il crée avec d'autres une équipe junior. Le milieu découvre alors son talent. A 29 ans, il intègre pour la première fois une équipe professionnelle. Cinq ans plus tard, il devient le leader de la plus forte équipe du Tour de France. Il gagne des étapes, d'abord au sprint, puis en montagne, et au printemps 2018, c'est l'apogée: il gagne le Tour de France. Mais petit à petit, le doute s'installe, des rumeurs de dopage apparaissent: «Non, répond-il à réitérées reprises, je ne me suis jamais dopé !» Mais patatras, le 30 août, tout s'écroule: l'Agence mondiale antidopage le poursuit pour dopage qualifié. Il nie, puis n'exclut pas de s'être dopé. Puis, devant les preuves, il avoue n'avoir pas tout dit, n'avoir pas dit toute la vérité. Enfin, acculé, il avoue avoir menti et fait mentir d'autres pour le couvrir.

Par la suite, Mesdames et Messieurs, on apprend que contrairement aux autres coureurs, il n'a pas payé lui-même ses inscriptions au Tour de France. Après avoir essayé de le cacher, il est forcé d'avouer avoir menti, et aussi d'avouer avoir déduit de ses impôts ces montants qu'il n'avait pas payés lui-même pour s'inscrire. Puis les étapes s'enchaînent, tout comme les révélations. On apprend alors que le coureur est soutenu par un autre sponsor, caché, un groupe hôtelier. Pour certains, au début, c'est une histoire à dormir debout, puis, comme d'habitude, les faits sont corroborés, le réveil est rude. Mis au ban par les dirigeants de son équipe, y compris au niveau national, il tient, il continue à pédaler, il en appelle aux membres de son club cycliste. Une majorité des membres, certes relative, lui témoigne son soutien: «Pierre, continue la course, de toute façon, tout le peloton est dopé.» (Remarque.) Indignation de nombreux membres de son club, indignation du peloton, indignation des organisateurs, des médias, du public, rien n'y fait. Voyant le désamour grandir, avec son petit groupe, il fabrique lui-même des pancartes à son effigie: «Pierre, pour le cyclisme, reste !» «Pierre, le Tour de France a besoin de toi !»

Aujourd'hui, il est parti seul dans une longue échappée d'une étape de montagne avec de nombreux cols hors catégorie. Or, il a toujours l'espoir de rejoindre les Champs-Elysées en vainqueur. Mais pourquoi ne se rend-il pas compte que c'est fini, que la roue tourne, qu'il est en roue libre ? Ses coéquipiers ne veulent plus courir à ses côtés, le peloton est exaspéré, les organisateurs désabusés, le public médusé. Face à un tel déni, quelqu'un doit pouvoir mettre fin à cette fuite en avant; que ce soient les organisateurs, l'UCI ou le public lui-même, quelqu'un doit pouvoir l'exclure de la course, lui retirer son dossard: c'est le seul moyen, Monsieur le président, de redonner au cyclisme ses lettres de noblesse. (Applaudissements.)

M. Thomas Bläsi (UDC). Le groupe UDC votera ce projet de loi constitutionnelle de M. Sormanni, pour la raison qu'il nous permet de laisser passer l'orage, de laisser se terminer l'affaire pour pouvoir réfléchir, à l'avenir, en commission. Cette procédure nous convient: elle ne consiste pas à nous accaparer des prérogatives que nous n'avons pas, en l'occurrence, la capacité de destitution d'un conseiller d'Etat. L'UDC votera donc le projet de loi constitutionnelle de M. Sormanni. Merci, Monsieur le président.

M. Marc Falquet. Merci Monsieur Sormanni !

M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche demande le renvoi en commission de ce projet. Il s'agit de ne pas céder à la panique, de ne pas agir trop rapidement, puisque les enjeux sont extrêmement importants. Certes, le canton est en crise, il ne faut pas le nier; certes, il faut trouver des solutions, mais la question de la destitution d'un conseiller d'Etat est extrêmement grave sur le plan institutionnel, et il faut l'examiner avec soin. Deux textes ont été déposés, nous avons su, par le communiqué de presse du Conseil d'Etat, que celui-ci était prêt à collaborer... (Le micro de l'orateur siffle.) Je suis désolé, peut-être que je vous casse les oreilles !

M. Pierre Vanek. Baisse-le ! (M. Pierre Bayenet modifie la position de son micro.)

M. Pierre Bayenet. Comme ça ? (Le sifflement du micro disparaît.) Ça a l'air d'aller mieux ! Je disais donc que deux textes ont été déposés par-devant le Grand Conseil. Vous avez entendu que le Conseil d'Etat est prêt à collaborer à la réflexion, à la discussion sur ces projets. Comme je l'ai dit, s'agissant du pouvoir de l'organe législatif de destituer un membre de l'organe exécutif, institutionnellement, la question est extrêmement sérieuse et grave. Ce n'est pas pour rien que ça n'existait pas par le passé, ce n'est pas pour rien que la majorité des cantons suisses ne connaissent pas de telles dispositions. Il faut examiner ce qu'il y a de meilleur dans les deux projets déposés et tenter de trouver le meilleur projet.

Je tiens à souligner deux motifs pour lesquels nous estimons que le projet déposé et à l'examen aujourd'hui n'est peut-être pas le meilleur: d'abord, il y a une certaine imprécision dans la partie constitutionnelle, puisqu'elle ne spécifie même pas quel serait l'organe compétent pour prendre la décision de destitution. Deuxièmement, le groupe Ensemble à Gauche estime qu'il faut être très prudent avec la possibilité d'un recours judiciaire: pour Ensemble à Gauche, la destitution doit être essentiellement une décision politique, elle ne devrait pas ouvrir la voie à une décision judiciaire; il ne faut pas que les trois pouvoirs soient impliqués et que ce soit finalement le pouvoir judiciaire qui détermine si oui ou non un conseiller d'Etat doit être destitué. Il faut que cette décision appartienne au législatif ou au peuple. Le groupe Ensemble à Gauche sollicite donc le renvoi en commission et ne souhaite pas que ce texte soit voté sur le siège. Merci.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je mettrai aux voix votre demande à la fin de notre débat et non immédiatement, puisque ce projet de loi n'est pas encore passé par une commission. Je passe la parole à M. le député Pierre Eckert.

M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président. Le groupe des Verts est totalement prêt à entrer en matière, pour les raisons évoquées tout à l'heure. Nous sommes entièrement d'accord avec le principe d'une possibilité de destitution. Cependant, il convient de dire qu'il faut éviter un principe qui favorise les règlements de compte politiques. Nous voulons bien entrer en matière s'il s'agit d'une faute grave - notion à définir, d'ailleurs: nous sommes en train de discuter, à la commission des droits politiques, sur ce qu'est un cadeau acceptable; bien entendu, quelques centaines de milliers de francs, ce n'est pas acceptable, mais en dessous, c'est difficile de définir un seuil. Il y a donc une discussion à avoir sur la notion de faute grave.

Un projet de loi constitutionnelle nous est proposé par le MCG, extrêmement simple: il instaure juste le principe d'une destitution, avec lequel on peut être d'accord. Mais il est lié à un projet législatif, et je pense qu'on ne peut pas séparer les deux. Comme ça vient d'être dit, Ensemble à Gauche a aussi déposé des projets de lois de rang constitutionnel et législatif dans ce sens-là, et je pense qu'il faut qu'on regarde tout le paquet ensemble. Les Verts vont sans doute vouloir déposer eux-mêmes un projet de loi, qui pourra être mêlé aux autres de manière à voir lequel est le meilleur. En ce sens, nous soutenons le principe d'une destitution possible, mais nous aimerions en discuter à la commission des droits politiques. Merci.

Le président. Je vous remercie, j'ai bien enregistré la demande de renvoi que vous faites. En attendant, je passe la parole à M. le député Murat Julian Alder.

M. Murat Julian Alder (PLR). Je vous remercie, Monsieur le président. Le groupe PLR se joindra aux sages propos - une fois n'est pas coutume - de M. Pierre Bayenet ainsi que de M. Pierre Eckert et soutiendra le renvoi en commission. La raison est assez simple. L'idée même d'une initiative destitutive ou révocatoire avait été évoquée lors des travaux de la Constituante; il avait été décidé d'y renoncer. Néanmoins, il est tout à fait légitime qu'aujourd'hui différents projets soient posés sur la table. Pour aller dans le sens des propos de M. Eckert, on pourrait même organiser un concours - je n'exclus pas que l'un ou l'autre de mes collègues PLR déposent aussi un projet visant à mettre en place une initiative destitutive.

Blague à part, on ne doit pas perdre de vue qu'il s'agit ici d'un projet de loi de rang constitutionnel, qu'à ce titre, la responsabilité qui doit nous animer doit nous amener à faire le travail exactement de la même manière que pour n'importe quel autre projet de loi constitutionnelle. Par conséquent, on ne peut pas se permettre le luxe de traiter de manière précipitée et prématurée un tel texte, sans qu'il passe la rampe du travail en commission. J'ajoute à cela que l'initiative destitutive est un mécanisme qui existe dans d'autres cantons: dans certains, vous pouvez destituer un membre du Conseil d'Etat, dans d'autres, vous pouvez même destituer le Conseil d'Etat dans son ensemble. Ce sera aussi l'occasion de se livrer à une étude comparative des différents systèmes qui existent et de solliciter l'expérience qui a été celle des cantons qui connaissent ce mécanisme. On pourrait imaginer en particulier une audition en commission de représentants des autorités du canton de Neuchâtel, où ce système est connu et a été éprouvé.

Pour le reste, je pense que nous devons faire application de l'adage «eile mit Weile», «hâte-toi lentement»; autrement dit, prenons le temps de faire les choses correctement, ce qui ne veut pas dire qu'on doit laisser traîner les choses en commission. Ne nous précipitons pas dans le piège qui consiste à voter de manière rapide et prématurée un projet de loi qui, malheureusement, fait écho à l'actualité. Je vous remercie de votre attention.

M. Guy Mettan (PDC). Le parti démocrate-chrétien se joint à ce qui a été dit et à la demande de renvoi en commission. Effectivement, il est exclu d'aborder une loi constitutionnelle sans même passer par l'étape d'une commission. Beaucoup de projets de lois ont été déposés ou vont l'être, cela a été annoncé. On assiste à une espèce de concours de beauté du projet de loi le plus destitutif possible. Le parti démocrate-chrétien votera le renvoi de tous ces textes à la commission des droits politiques.

Un mot sur le fond. Le principe d'ancrer le principe dans la constitution ne fait pas de doute. Quant à la loi qui nous est proposée, nous ne lui sommes pas très favorables, parce qu'il s'agit, comme on l'a dit, d'un projet essentiellement politique, qui vise à régler des comptes dans un cas très précis: pour un projet de cette importance, ça ne nous paraît pas une très bonne source d'inspiration. Des dispositions existent dans d'autres cantons comme Neuchâtel, M. Alder en a parlé, au Tessin aussi. Je pense qu'il faut par ailleurs aborder le cas d'une inaptitude due par exemple à des raisons de santé, à une attaque, etc. Actuellement, ce n'est pas résolu par notre constitution et notre arsenal législatif. Dans ce sens-là, le projet évoqué par Ensemble à Gauche nous paraît ouvrir des pistes intéressantes. Merci.

Le président. Je vous remercie. La parole est à M. le député Daniel Sormanni, qui parle maintenant pour le MCG.

M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, bien sûr, par la force des choses, ce projet de loi s'inscrit dans un cadre et dans une actualité. Mais ce n'est pas le but ! Je crois que vis-à-vis de la population, il y a une nécessité d'être droit, honnête, moral; c'est une exigence absolue vis-à-vis des citoyens, du souverain qui nous élit. On se doit d'être dans cette ligne. J'ai entendu les propos des autres partis: nous acceptons volontiers d'aller en commission pour que le débat ait lieu, ça semble être la volonté d'une majorité de ce Grand Conseil. Mais je crois que le Grand Conseil serait bien avisé de travailler rapidement et de ne pas traîner des mois, en tout cas pour traiter le projet de loi constitutionnelle, qui, comme vous le savez, doit passer devant le peuple. Voilà, Mesdames et Messieurs, nous nous trouvons dans une certaine situation, il faut qu'elle soit réglée, et je pense qu'il y a une nécessité de droiture et d'honnêteté des citoyens. Si ceux-ci ne vont plus aux urnes, il faut de temps en temps se demander quelles en sont les raisons. Je vous invite donc à soutenir ce projet de loi et à le renvoyer en commission pour étude. Merci.

M. Patrick Dimier (MCG). Je ne peux que rejoindre le concert précédent, ayant été le premier à proposer une initiative destitutive dans un autre espace. Bien entendu que nous devons y arriver, mais arrivons-y en bon ordre et non par vindicte personnelle. Le renvoi en commission va de soi. Comme l'a précisé l'auteur du projet, c'est le moyen d'y arriver, mais allons vite.

M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, permettez-moi de rappeler au nom du Conseil d'Etat la position que nous avons soutenue mercredi devant la presse. Le Conseil d'Etat est disposé à travailler avec vous sur un projet visant à introduire une logique de destitution d'un membre élu par le peuple à la majorité - on pense au gouvernement, on peut penser à des juges, à des magistrats de la Cour des comptes. Bien évidemment, l'ensemble des intervenants l'ont répété, ce travail doit faire l'objet d'analyses précises et pondérées en commission. La situation que nous connaissons est inédite; légiférer sur une telle situation serait faux. En matière de droits politiques, nous devons être très parcimonieux, très attentifs à ce que les mécanismes introduits, qui semblent peut-être évidents pour un cas particulier, ne soient pas, quelques années plus tard, utilisés à mauvais escient sur des cas qui ne le mériteraient pas. Par conséquent, le Conseil d'Etat estime qu'il est légitime de se poser aujourd'hui cette question et accompagnera les travaux.

Les questions que nous devrons nous poser ensemble ont trait notamment au mécanisme. Tout d'abord, il s'agit de déterminer quel organe peut destituer: est-ce le parlement ? A quelle majorité ? Ou est-ce le peuple ? La légitimité de l'élu d'un exécutif vient en effet du peuple. Neuf cantons connaissent une telle disposition: Neuchâtel, les Grisons, Nidwald, le Tessin, Berne, Soleure, Thurgovie, Uri et Schaffhouse. Nous avons matière à aller piocher chez nos compatriotes. Il est intéressant de constater que ces cantons connaissent des modèles très variés: je le disais, destitution par le parlement pour certains, destitution par le peuple pour d'autres. Ensuite, majorité des deux tiers pour certains, majorité des trois quarts pour d'autres, dès qu'il s'agit d'une majorité parlementaire; si le peuple décide, il s'agit d'une majorité simple. Il convient aussi de réfléchir à la possibilité d'une initiative demandant la destitution: donne-t-on le droit à la population de demander la destitution d'un des membres du Conseil d'Etat, et pas simplement aux députés du parlement ? Se pose aussi la question de la destitution individuelle ou de la destitution collective, ce qui ne revêt pas le même sens: dans la seconde, on entre dans la logique que connaissent notamment certains modèles majoritaires, où on a envie de changer de ligne gouvernementale. Est-ce la portée qu'on veut donner à ce projet ? Ce n'est en tout cas pas une option que soutiendra le Conseil d'Etat. Enfin, si l'on retient le modèle de destitution par voie parlementaire, insère-t-on de justes motifs, c'est-à-dire des conditions objectives, ou du moins objectivables, qui permettent à une majorité de demander cette destitution ?

Ce sont là les questions dont nous devrons débattre en commission, pour lesquelles nous devrons procéder à une pesée des intérêts. Une situation exceptionnelle peut justifier l'activation de ce type de mécanisme, mais chacun comprend que si l'exception devient la règle, si cet outil est utilisé à des fins uniquement politiques - parce que, ma foi, l'orientation politique d'un magistrat ne plaît pas - eh bien, nous aboutirons à des crises institutionnelles systématiques et cela ne pourra que nuire de manière beaucoup plus grave à l'image du canton.

Mesdames et Messieurs, avec ces cautèles, le Conseil d'Etat collaborera activement aux travaux de commission, qui, je pense, démarreront tout soudain. Le Conseil d'Etat soutient donc la demande de renvoi en commission. Merci de votre attention.

Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, je lance le vote sur la demande de renvoi en commission de ce projet de loi.

Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12419 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est adopté par 91 oui (unanimité des votants).