République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12316-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Genève - section Petit-Saconnex (création d'une zone de développement 3 au lieu-dit "Les Crêts")
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 22 et 23 novembre 2018.
Rapport de majorité de Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S)
Rapport de minorité de M. Stéphane Florey (UDC)

Premier débat

Le président. Puisque nous avons terminé les urgences pour aujourd'hui, nous passons au PL 12316-A, objet classé en catégorie II, trente minutes de temps de parole. Madame Valiquer, je vous passe la parole.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit d'un projet de loi de déclassement qui répond notamment à une pétition que le Grand Conseil a déjà traitée et dont nous avons voté le dépôt sur le bureau du Grand Conseil. On peut dire que ce projet de loi de déclassement correspond à la volonté populaire, puisque vous savez qu'un référendum a été soumis aux habitantes et habitants de la ville et qu'ils ont validé la possibilité de densifier ce secteur.

Ce secteur correspond au principe de densification mentionné dans le plan directeur cantonal; il est aussi mentionné par le plan directeur communal - le plan directeur de la Ville de Genève. Il faut rappeler que le plan localisé de quartier qui en résultera vaut aussi comme plan de site. Les immeubles d'un intérêt patrimonial au centre du Petit-Saconnex et particulièrement autour de sa place vont être préservés. Il faut encore rappeler que la Ville de Genève a préparé un projet d'aménagement de la place de ce même site qu'elle a présenté aux habitantes et habitants de ce quartier et de la ville.

Ce que nous devons dire aux opposants à ce projet qui ont perdu en votation populaire, c'est que la qualité est effectivement importante et que le canton tout comme la Ville devront suivre avec attention les projets qui seront construits. Mais il faut faire ce pari, parce qu'un projet d'aménagement public de qualité sera proposé aux habitants et les immeubles présentant un intérêt patrimonial seront préservés. Pour toutes ces raisons, je vous invite à accepter ce projet de loi.

Présidence de M. Jean-Marie Voumard, premier vice-président

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le secteur qui nous est soumis aujourd'hui fait partie des endroits où il faudrait justement ne pas densifier. Il s'agit du dernier village de la commune de Genève, c'est un site où il fait actuellement bon vivre, où une certaine ambiance villageoise existe, cela depuis que ce village existe. C'est de ça qu'on parle aujourd'hui et c'est ça qu'apparemment une majorité du Grand Conseil va complètement démolir en acceptant ce projet de loi.

Mme Valiquer a mentionné la votation, mais j'en conclus le contraire, parce qu'il faut aussi voir que 78% de la population de ce quartier a justement refusé le déclassement pour les motifs que je viens de citer. Cela démontre bien quelque chose - ce n'est pas la première fois que ça arrive, on l'a vu notamment aux Cherpines, dans les mêmes proportions: le canton prend des décisions pour un quartier précis; les gens sont d'accord de dire qu'il faut construire, tout le monde en est de plus en plus convaincu, alors que ça fait des mois, voire des années, que l'UDC dit qu'il faut arrêter de construire, que ça ne sert plus à rien - on ne construit plus pour nos propres habitants, on ne construit plus pour nos enfants. Ce vote démontre, donc, que la population est d'accord de construire, mais «pas chez nous». Elle vote sur un secteur qui ne la concerne pas et ça lui donne une certaine assurance que les prochaines constructions ne se feront pas chez elle, puisqu'elle espère qu'on aura suffisamment déclassé ailleurs. C'est ce qui est désolant dans ce dossier. On ne se préoccupe pas assez des habitants concernés et, sous des prétextes fallacieux, on prétend qu'il faut absolument continuer à déclasser.

La dernière chose que je dirai, c'est qu'on déclasse malheureusement à cause d'une politique migratoire non maîtrisée, puisque c'est bien pour ces personnes que l'on construit, c'est-à-dire pour les personnes qui ne viennent pas d'ici, mais d'ailleurs.

M. David Martin (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe des Verts votera oui à ce projet de modification de zone qui permettra de construire deux cents logements ! Comme on l'a rappelé, ce projet a été largement accepté l'année passée en votation par la population de la ville. Je l'ai dit hier à propos du Pré-du-Stand, il ne nous reste plus que quelques dizaines d'hectares de zone agricole à déclasser pour réaliser toutes les politiques publiques dont notre canton a besoin. Evidemment, le développement de notre canton doit maintenant passer par une densification vers l'intérieur, en particulier dans la zone villas.

Ce projet de densification est un bon projet, il s'agit d'une modification de zone pertinente pour trois raisons. D'abord, il porte en effet sur un périmètre restreint et délimité de façon à maintenir les bâtiments ayant des qualités patrimoniales, notamment ceux qui sont situés autour du fameux café du Soleil. C'est un bon projet aussi parce que le secteur en question se trouve à quelques dizaines de minutes à pied du centre-ville et qu'il est très bien desservi en transports publics. C'est encore un bon projet parce que la procédure de modification de zone s'est faite en parallèle du développement d'un avant-projet de PLQ incluant une charte paysagère qui met en évidence les possibilités de réaliser des constructions tout en préservant une bonne partie de la végétation existante, donc sans faire table rase de l'existant.

Les Verts sont néanmoins sensibles à certains arguments des opposants, notamment le souhait de préserver la biodiversité, de favoriser la cohésion sociale et la qualité de vie. Nous invitons donc le Conseil d'Etat à soigner la qualité urbanistique de ce futur quartier en mettant les futurs habitants au centre des réflexions, en s'inspirant par exemple de la dynamique positive en cours dans le quartier de la Concorde. Il s'agit aussi d'éviter à tout prix que le futur quartier soit flanqué d'un de ces parkings souterrains surdimensionnés qui rendent impossible ou presque la végétalisation du quartier. Justement, compte tenu de l'excellente desserte en transports publics et de la proximité du centre-ville, nous invitons le Conseil d'Etat à faire de ce quartier un projet pilote de quartier sans voitures, à l'exemple de ce qui a été fait par exemple à «Mehr als wohnen» à Zurich, où seul un logement sur quatre dispose d'une place de parc. Je vous invite à consulter à ce sujet un excellent site internet qui s'appelle «habitat-mobilitedurable.ch» où vous trouverez beaucoup d'informations sur des exemples de ce type. Mais pour l'heure et en conclusion, les Verts vous invitent à accepter cette modification de zone, car nous souhaitons qu'un nouveau quartier de logements, durable et où il fait bon vivre, puisse voir le jour très bientôt au Petit-Saconnex.

Présidence de M. Jean Romain, président

M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, comme cela a été dit, les électeurs et électrices de Genève ont voté en faveur de ce projet de déclassement suite à un référendum contre la délibération du Conseil municipal proposant cette modification de zone. Ce projet est conforme aux planifications supérieures et répond à la stratégie de densification de la couronne urbaine selon la fiche A02 du plan directeur cantonal tout comme il répond aux objectifs du plan directeur communal Genève 2020. Contrairement à ce qui a été indiqué lors du référendum, il n'est pas prévu de détruire le village du Petit-Saconnex, mais plutôt de densifier l'arrière du site; l'ensemble de la place du Petit-Saconnex et de ses abords sont également préservés. Le déclassement se fait sur la base du recensement qui exclut les parties ayant une valeur patrimoniale forte et il se concentre sur les bâtiments et les abords qui n'ont pas de valeur particulière. L'élaboration du futur PLQ vise à préserver l'existant, à densifier à proximité des infrastructures et des transports publics et à prendre en compte les ruptures d'échelle entre le centre historique et la grande opération des années 1970. L'implantation des bâtiments reprend en majorité l'emprise au sol du tissu existant, avec une faisabilité par étapes. Le futur PLQ valant plan de site intègre l'ensemble des constructions qui présentent un intérêt patrimonial ainsi que les qualités paysagères du site. Au vu de ce qui précède, le groupe PDC votera cette modification de zone.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG ne soutiendra pas ce projet de déclassement, conformément à sa position exprimée en Ville de Genève et conformément à son soutien au référendum. Oui, il faut construire, mais pas partout, pas n'importe comment et pas en détruisant nos villages. Le village du Petit-Saconnex reste le seul situé dans la commune de Genève. Quoi qu'on ait pu dire - qu'on allait conserver quelques maisons - à quelques mètres de ces maisons, il y aura des immeubles de six à huit étages: ce n'est pas de la vraie conservation ! Qu'est-ce qu'on va faire de la place du Petit-Saconnex, que tout le monde ici aime, j'en suis persuadé ? Eh bien, avec ce projet, elle va être massacrée. En plus, j'ai le plus grand doute sur ce que va proposer la Ville de Genève pour aménager cette place. Je pense que la première chose qu'elle fera, ce sera de supprimer les places de parking pour les commerces afférents. Donc non, c'est mauvais ! Non, il ne faut pas le permettre et je vous invite à refuser ce projet de déclassement. Il faut aussi conserver un poumon; il faut aussi conserver quelques petites villas; il faut aussi conserver un certain substrat fiscal en ville, comme partout ailleurs. L'addition de tout cela rend ce projet inacceptable. Nous le refusons et nous vous invitons à faire de même.

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, l'intervenant qui vient de s'exprimer prétend qu'on va liquider la place du Petit-Saconnex, qu'on va casser ce dernier village: il n'en est pas du tout question et le corps électoral de la Ville de Genève en a bien été conscient ! La campagne électorale menée visait à faire comprendre qu'il s'agissait bien au contraire d'accompagner le développement de la ville et de respecter les marques du passé, notamment la place du Petit-Saconnex. Puisque M. Sormanni est membre du Conseil municipal et qu'il s'intéresse toujours aux affaires de la municipalité, il devrait savoir que les travaux pour réhabiliter la place du Petit-Saconnex vont commencer. La question n'est donc pas là, la question est d'accompagner le développement de la ville.

Il s'agit de faire en sorte que la zone située au-delà de la place du Petit-Saconnex jusqu'à la Coop - pour celles et ceux qui connaissent cette partie de notre ville - puisse se développer en fonction de la déclivité du terrain, avec un certain nombre d'immeubles et de logements dont la population genevoise a cruellement besoin. Par conséquent, je vous invite à voter ce déclassement validé par une majorité du corps électoral, après une campagne qui s'est déroulée de manière plus ou moins honnête - les arguments des référendaires étaient fallacieux en ce qui concerne la place du Petit-Saconnex. Il faut que chacun puisse habiter dans notre très belle ville plutôt que de passer son temps dans les bouchons une ou deux heures chaque jour, à faire des allées et venues improbables entre l'extérieur et l'intérieur de notre cité.

M. André Pfeffer (UDC). Notre groupe n'approuve pas ce projet de loi pour les raisons suivantes: d'abord, la destruction d'un centre historique. Ensuite, l'augmentation de la densité dans un secteur déjà très dense. Troisièmement, lors d'un référendum, les riverains ont refusé cette densification à 78%. A tout ça, je pense qu'il faut ajouter un quatrième élément au moins: l'absence d'étude et d'évaluation sérieuse concernant le besoin de logements à Genève par catégorie. Je rappelle que la liste de l'office du logement social comporte plus de 8000 demandeurs, mais le seul élément certain est que 1500 demandes sont soit urgentes, soit liées à la précarité. La question est évidemment de savoir qui sont les 7000 et plus autres demandeurs inscrits sur cette liste.

Pour cette raison, j'ai deux questions à poser au Conseil d'Etat. La première est liée à cette liste de l'office du logement social: j'aimerais que le Conseil d'Etat nous communique le nombre de demandeurs inscrits sur cette liste qui possèdent déjà un logement subventionné. Toujours par rapport à cette liste, il faut savoir qu'elle comporte des bénéficiaires de l'Hospice général ne recherchant pas de nouveau logement mais qui ont l'obligation de s'y inscrire. J'aimerais aussi connaître le nombre ou le pourcentage de ces personnes. Ma dernière question concerne les dérogations pour l'obtention d'un LUP par des candidats qui ne remplissent pas toutes les exigences, notamment celle d'habiter déjà et depuis un certain temps dans notre canton. J'aimerais savoir le nombre et le pourcentage de ces dérogations. Merci pour les réponses !

M. Adrien Genecand (PLR). Pour le groupe libéral-radical, la modification de zone est à soutenir, pour plusieurs raisons. Premièrement, on est au coeur de la ville, là où sont les infrastructures, et c'est donc là où construire et densifier est le plus intelligent. La deuxième raison est que le corps électoral de la Ville de Genève s'est prononcé sur cette modification de zone et qu'il l'a acceptée à plus de 60%. La troisième raison de notre soutien est relative à une question plus générale posée par certains députés dans cette salle: si densification de la zone villas il y a, où doit-elle se faire ? Pour nous, si une partie de la zone villas doit être densifiée, c'est celle qui se trouve en ville de Genève et pas celle qui est à l'extérieur, qui doit, elle, être préservée. Nous nous engageons par ailleurs pour que la zone villas à densifier soit touchée le plus faiblement possible à tout le moins.

C'est la question sociale fondamentale que soulève M. Pfeffer de savoir ce qu'on fait quand on densifie la zone villas, sachant que celle-ci rapporte 80% de la substance fiscale, dans les grandes lignes. Effectivement, quand on décide de densifier une zone villas, on densifie là où des gens paient beaucoup d'impôts. Pour qu'on s'y retrouve en fin de compte, il faut faire autre chose que du logement social. Il faut vraisemblablement saisir l'occasion de ces modifications de zones dans le cadre de plans localisés de quartier pour faire plus de PPE et plus de loyers libres. Sinon, il ne sera pas possible de financer les infrastructures publiques induites par les densifications, à commencer par les écoles. Plus généralement, comme ce sont les habitants des zones villas qui paient une grande partie de l'impôt sur les personnes physiques, ces gens-là doivent être remplacés par des gens qui paient en tout cas la même chose. Donc, il n'y a pas d'autre solution, il faut construire des logements en loyer libre et en PPE. C'est toutefois une autre discussion; là, nous en sommes à la modification de zone et le groupe libéral-radical la soutiendra.

M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, tout d'abord, j'aimerais répondre à mon collègue UDC qui voulait connaître les conditions d'accès à un logement social dans cette république. Il faut avoir résidé à Genève depuis au moins deux ans; quelqu'un qui arrive n'y a pas droit, il faut qu'il réside dans le canton depuis deux ans. En tout cas, c'était comme ça à l'époque de la loi qu'on avait votée et je pense que cette disposition subsiste. En tant que député, vous devriez le savoir !

Deuxièmement, j'ai entendu plusieurs fois mes collègues parler ici du bien commun. C'est un terme qu'on utilise facilement maintenant: «pour le bien commun !» Aujourd'hui, nous avons la possibilité d'appliquer ce principe. Je lis dans le rapport que certains disent que leurs biens immobiliers vont être financièrement dégradés et qu'il y aura une perte de valeur à cause des logements construits à côté et du changement d'environnement. Mais ils pourront continuer à y vivre comme tout le monde, et s'ils y habitent, il n'y aura pas de dégradation. Le problème qui se pose dans ce canton, c'est qu'il y a des familles qui vivent dans des studios, parfois avec deux voire trois enfants ! A cause de ça, ces enfants ne pourront jamais se développer comme il se doit ! Jamais ! Jamais ils n'auront les mêmes chances d'accéder à des formations et à une vie normale. L'égalité de traitement passe d'abord et surtout par le logement ! Dans ce canton, il y a un déficit notoire de logements par rapport au reste de la Suisse; c'est un des cantons de toute la Suisse où la spéculation est la plus importante.

On vient nous dire aujourd'hui qu'il faut préserver un petit village. Moi aussi, je vais dire qu'il faut préserver les petits villages ! J'aimerais bien vivre au bord d'une rivière, avec des canards et des arbres autour, avec le soleil qui se lève le matin et on entendrait le coq chanter. Mes enfants iraient au marché en disant: «Papa, je suis content de voir ces arbres.» (Rires.) J'aimerais bien avoir ça, Mesdames et Messieurs les députés, mais je ne peux pas ! Je n'ai pas pu avoir ça parce que je viens d'un milieu qui n'était pas aisé. J'ai d'abord dû habiter dans un HBM, avec des travailleurs autour; nous n'avions même pas de jardin. Ces HBM ont au moins permis que je puisse faire des études et me développer. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ici, aujourd'hui, on demande la solidarité du canton, la solidarité par rapport à d'autres personnes. Onex et Vernier ont construit beaucoup de logements sociaux, mais eux aussi auraient eu besoin de conserver des terrains bucoliques ! Maintenant, si une autre commune doit participer, qu'elle participe ! Le bien commun veut que les communes participent, en espérant, comme certains de mes collègues Verts l'ont dit, que l'aménagement se fasse convenablement.

Le président. Voilà, c'est terminé, je vous remercie, Monsieur le député.

M. Alberto Velasco. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Il n'y a pas besoin de déclasser actuellement, on peut déjà construire des immeubles de deux à trois étages sur ces parcelles. On peut densifier modérément et faire du développement durable de manière intelligente. On peut le faire, les arguments des gens qui sont pour ce bétonnage massif sont trompeurs. On a trompé les électeurs en ville de Genève. Ce que le MCG défend, c'est une certaine qualité de vie: construisons des logements, pas des cages à lapins ! Pas ces immeubles monstrueux qu'on voit à Carouge du côté de Familia et qui sont la honte de Genève ! Nous ne voulons pas de cages à lapins; nous ne voulons pas de cages à pauvres; nous ne voulons pas de cages à Pagani ! (Brouhaha.)

Le président. Je vous remercie et je passe la parole à M. André Pfeffer pour vingt secondes.

M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste confirmer que nous connaissons les conditions d'obtention de LUP, mais ma question concerne les dérogations à ces conditions. Deuxièmement, j'avais oublié de demander le vote nominal.

Le président. Etes-vous soutenu, Monsieur le député ? (Quelques mains se lèvent.)

Des voix. Oui !

Le président. Oh, pour le moment... (D'autres mains se lèvent.) Oui, d'accord, vous êtes soutenu ! Je passe la parole à Mme Nicole Valiquer Grecuccio, pour vingt secondes aussi.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de majorité. Merci ! J'aimerais insister au nom de la commission de l'aménagement sur le fait que favoriser le droit au logement, c'est se rappeler toujours que ce Grand Conseil défend l'intérêt général et qu'il ne peut pas défendre des intérêts particuliers. Assumons donc notre rôle au nom du plan directeur cantonal !

M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je dirai quelques mots relativement aux propos tenus notamment par le rapporteur de minorité, selon qui nous devons arrêter de construire: c'est ce qu'on a fait ces vingt ou trente dernières années ! On n'a peut-être pas arrêté, mais on a peu construit, et que s'est-il passé ? Une explosion du nombre de pendulaires frontaliers ! Ces mêmes personnes que vous avez qualifiées de racailles, ces mêmes personnes dont vous contestez l'apport à l'économie ! C'est parce que Genève vous a suivis ces vingt dernières années qu'elles ont été multipliées par quatre. Voilà l'incohérence du groupe UDC qui, dans le même temps, demande un taux extrêmement bas pour la fiscalité des entreprises, bien plus bas que le compromis trouvé. L'UDC veut une Genève ultra attractive et elle vient nous dire ensuite que ça ne va pas, qu'il faudrait construire uniquement pour nos enfants. Il faut l'admettre, un tiers des logements construits suffiraient à répondre à la demande liée à la natalité interne, mais, bien sûr, la construction est le fruit de la prospérité, qui induit une migration des personnes. Ces femmes et ces hommes contribuent au fonctionnement de notre économie privée mais aussi à celui d'institutions aussi fondamentales que les hôpitaux ou les transports publics genevois.

Le modèle que le Conseil d'Etat ne veut plus suivre, le modèle que le peuple suisse ne veut plus suivre, est celui de l'étalement urbain, le modèle qui fait qu'on doit habiter de plus en plus loin et prendre la voiture chaque matin pour se rendre au travail. Ce modèle de l'étalement et du mitage du territoire qui crée de la distance est celui qui est préconisé par les opposants à ce projet de loi qui ne regardent le problème que par le petit bout de la lorgnette, à propos d'un quartier.

Ce quartier, je l'ai visité parce que j'ai été invité par les habitants - il s'agit en fait de dix villas. Première information pour M. Genecand, ces habitants sont pour l'essentiel des locataires avec des revenus relativement modestes; les villas sont anciennes et assez vétustes. Peut-être que dans le protestantisme genevois, les gens cachent vraiment bien leur fortune, mais j'ai pu visiter l'intérieur des maisons et voir qu'il s'agissait de gens de la classe moyenne, je dirais même de la classe moyenne inférieure.

Deuxièmement, il s'agit certes d'un poumon de verdure magnifique, j'ai eu accès aux jardins - mais ces jardins sont réservés à ces dix familles ! C'est un poumon totalement privé ! Donc, oui aux poumons de verdure, oui aux espaces verts, mais il faut des espaces verts pour tout le monde, Mesdames et Messieurs ! Et la qualité des aménagements urbains sera fondamentale dans la réussite de ce quartier, comme pour d'autres. En réalité, il ne s'agit pas ici d'un village dont la place sera préservée, avec son café du Soleil et tous ses éléments. Il s'agit d'une dizaine de petites maisons sans réel intérêt patrimonial; celles qui ont un intérêt patrimonial seront conservées. Il s'agit bien ici de la possibilité de créer deux cents logements à la place de cette dizaine de maisons; on voit bien que le gain quantitatif est important.

On doit construire pour tout le monde, on doit créer une certaine mixité. Pour répondre à M. Genecand encore, il est vrai que j'entends souvent que 80% des revenus sur les personnes proviennent des habitants de la zone villas. C'est ce que j'entends souvent, mais le département des finances n'a jamais été en mesure de me confirmer ce chiffre ! De plus, je pense que cet argument se retournera contre vous, Monsieur le député, lorsque nous parlerons de la fiscalisation du revenu du patrimoine immobilier ! Parmi les propriétaires, il y a beaucoup de gens relativement modestes, ou en tout cas de la classe moyenne inférieure. Eh bien, la diversité des revenus parmi les propriétaires est forte, et faire croire qu'un propriétaire est forcément un riche pervertit le débat: il y a aussi des gens de la classe moyenne qui sont propriétaires et qui contribuent comme les locataires de la classe moyenne, heureusement encore majoritaires. Il faut donc nuancer: il y aura de la PPE parmi ces deux cents logements; il y aura du logement social ainsi que du locatif non subventionné.

Enfin, pour répondre à M. Pfeffer, comme je l'ai déjà fait à plusieurs reprises, parmi les 8000 demandeurs de logements, les deux tiers gagnent moins de 60 000 F par année. Il s'agit réellement de gens modestes ! Ces 8000 personnes ne vivent pas sous les ponts, Monsieur Pfeffer, sinon ça se verrait ! Bien sûr, elles vivent dans d'autres logements, mais souvent entassées. Il s'agit souvent de jeunes familles logées dans des trois-pièces, avec un ou deux enfants. Il est légitime de vouloir offrir également un espace de vie digne et décent à des gens modestes qui travaillent mais dont le fruit de leur travail ne leur permet pas d'accéder à des logements du marché libre. Il ne s'agit pas des plus pauvres: les plus pauvres du canton sont pris en charge par l'Hospice général, Mesdames et Messieurs ! Il s'agit ici de logement, certes social, certes aidé à la pierre, mais pas forcément subventionné au-delà, et la classe moyenne inférieure a besoin de prix régulés si elle veut pouvoir se loger. Si votre projet est d'envoyer la moitié de la population de l'autre côté de la frontière parce que vous voulez construire Monaco-sur-Léman, eh bien, ça ne sera pas le projet du Conseil d'Etat ! Nous défendrons toujours à Genève l'accès au logement des classes laborieuses, des classes qui travaillent mais avec des salaires modestes.

Enfin, les dérogations à la règle des deux ans que M. Velasco a justement rappelée sont exceptionnelles. Si vous le voulez, déposez une question précise et je ferai une recherche ! Ces dérogations peuvent se justifier dans de très rares cas. Une fondation s'adresse uniquement aux fonctionnaires internationaux, dans le cadre du système des Nations unies. Parmi ces gens employés par les Nations unies, certains ont aussi des salaires modestes. Il y a donc du LUP et, évidemment, avec le tournus très important parmi ces employés, quelques dizaines de logements sont concernés, mais on se trouve vraiment dans l'ordre de l'accessoire. Si vous voulez que je vous réponde précisément, je vous invite à déposer une question écrite. Pour le reste, j'entendais des chuchotements à propos de cette règle des deux ans qui ne serait pas respectée. A nouveau, Mesdames et Messieurs les députés, ayez le courage de dénoncer des cas précis, ils seront instruits ! La règle des deux ans de résidence pour accéder à un logement social est une loi et le département l'applique. Il peut y avoir des cas de fraude, mais je vous prie de me les présenter au lieu de sous-entendre à chaque fois que l'administration n'appliquerait pas la loi !

Mesdames et Messieurs les députés, nous promouvons la qualité et la mixité sociale comme seules conditions de la réalisation de ces quartiers, de celui-là en particulier. Je vous remercie de suivre la large majorité populaire obtenue en ville de Genève et de voter ce projet de loi.

Le président. Je vous remercie. Je lance le vote sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 12316 est adopté en premier débat par 75 oui contre 17 non (vote nominal).

Vote nominal

Le projet de loi 12316 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 12316 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 78 oui contre 18 non.

Loi 12316