République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 1 septembre 2016 à 14h
1re législature - 3e année - 6e session - 36e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 14h, sous la présidence de M. Jean-Marc Guinchard, président.
Assistent à la séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Mauro Poggia et Luc Barthassat, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Cyril Aellen, Beatriz de Candolle, Edouard Cuendet, Florian Gander, Pierre Gauthier, Sandra Golay, Christian Grobet, Salima Moyard, Pierre Ronget, Françoise Sapin et Ronald Zacharias, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Maria Casares, Christian Decorvet, Patrick Dimier, Jean Fontaine, Claire Martenot, Nathalie Schneuwly, Alexandre de Senarclens et Céline Zuber-Roy.
Annonces et dépôts
Le président. Je vous informe que le PL 11807 modifiant la loi sur les manifestations sur le domaine public est retiré par ses auteurs. Monsieur Roger Deneys, vous souhaitez nous communiquer quelque chose ?
M. Roger Deneys (S). Oui, Monsieur le président, merci. Mesdames et Messieurs les députés, je profite de ce début d'après-midi pour faire une brève annonce et adresser quelques remerciements à M. Raymond Wicky. L'équipe de football du Grand Conseil de Genève a participé au 31e tournoi des parlements cantonaux. Nous ne sommes certes pas premiers du classement mais nous ne sommes pas derniers non plus - pas comme Servette ! - et nous tenons à remercier notre coach qui nous accompagne, transporte notre matériel et vient au bord du terrain pour nous remonter le moral, M. Raymond Wicky ! Nous le remercions et vous proposons de l'applaudir chaleureusement ! (Applaudissements. L'orateur rejoint M. Raymond Wicky, l'embrasse et lui remet un trophée.)
Le président. Merci, Messieurs les députés. Quelques moments de convivialité ne gênent pas le traitement des affaires de ce Grand Conseil !
Nous passons à présent aux réponses du Conseil d'Etat aux questions écrites urgentes ainsi qu'aux questions écrites.
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous allons traiter en catégorie II, trente minutes, le dernier point de nos extraits, soit les objets liés P 1969-A et P 1971-A. Je cède la parole au rapporteur de majorité, M. François Girardet.
M. Jean-François Girardet (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Juste un petit rectificatif concernant mon prénom: c'est Jean-François et j'y tiens.
Le président. Qu'est-ce que j'ai dit ?
Une voix. François.
Le président. Excusez-moi, c'est inscrit sur le rapport et j'ai lu machinalement.
M. Jean-François Girardet. Aucun souci, ce n'est pas grave ! Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ces deux pétitions ont été déposées à Meyrin pour le Grand Conseil et s'opposent au placement de 50 hommes migrants célibataires dans la PCi sous l'école Bellavista. Les pétitionnaires nous ont exposé leur problème, à savoir que l'accueil est rendu difficile voire improbable au vu des nombreux flottements autour de ce projet.
Tout d'abord, la population avait été préparée du mois de septembre au mois de décembre 2015 à recevoir des familles migrantes, et il y a eu un gros élan de la population, notamment des associations sportives et culturelles, tout comme des services de la commune pour préparer cet accueil. Ensuite, au mois de janvier 2016, le Conseil administratif a fait paraître un article dans le journal local afin d'annoncer l'arrivée des familles migrantes et s'en réjouir mais également dénoncer auprès de la population le choix du lieu et demander au Conseil d'Etat d'en changer, de ne pas placer ces familles dans la PCi de Bellavista parce qu'il jugeait cet emplacement inadéquat. Puis l'Hospice général a rencontré les associations qui se préparaient à recevoir les migrants et leur a annoncé fin janvier qu'il ne s'agirait pas de familles mais d'hommes seuls. Cela a provoqué des remous au sein de la population, ce d'autant plus que le Conseil administratif...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur Girardet.
M. Jean-François Girardet. ...a ajouté que la PCi de Bellavista ne constituait pas un lieu adéquat et qu'il serait difficile d'accueillir ces hommes dans cet emplacement pour différentes raisons, notamment parce qu'il est situé à proximité des enfants de l'école primaire Bellavista ainsi que des activités sportives puisqu'une salle de gym et un dojo jouxtent la PCi.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Jean-François Girardet. Pour cette raison, la majorité de la commission a décidé de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat et vous demande d'en faire de même.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes restés sans voix face à ces pétitions, à l'image des sans voix que sont nombre de personnes qui viennent demander l'asile. Si nous pouvons comprendre qu'il y a lieu de calmer les inquiétudes de la population, nous devons surtout, en tant que députés, apporter une solution mesurée, nous devons savoir écouter en nous plaçant au-dessus de la mêlée et donner une chance à l'intégration car il s'agit vraiment d'un enjeu primordial dans le contexte que connaît l'ensemble de l'Europe. Nous avons entendu les sages paroles du directeur de l'Hospice général, qui a répété qu'il n'y a pas davantage de criminalité qu'ailleurs autour des centres de requérants d'asile, nous avons entendu la volonté et pu mesurer l'engagement de la commune de Meyrin, nous avons entendu également M. Poggia en appeler à son groupe et dire qu'il était impératif de ne pas opérer d'amalgames et de ne pas donner suite à ce genre de pétition.
Or force est de constater que tous les arguments rationnels ne sont pas entendus. Nous avons vu un PLR divisé et nous lui demandons de se rallier aux rapporteurs de minorité. Pour ma part, j'ai simplement voulu donner la parole aux hommes et aux femmes qui vivent l'exil, ces sans voix qui racontent ce qu'ils traversent. Puisque la parole rationnelle n'est pas entendue, nous espérons au moins que la parole de celles et ceux qui souffrent et pour lesquels l'exil est un drame sera entendue. Je citerai l'un d'entre eux, qui témoigne ainsi: «La vie d'un futur exilé ressemble à une maison plongée dans l'obscurité et la terreur.» Et quand bien même on aimerait retourner chez soi et retrouver une clé, dit-il, «la serrure a changé ou a complètement rouillé [...]». Nous devons tendre la main à celles et ceux qui viennent ici, nous devons trouver des solutions collectivement pour permettre l'intégration de ces personnes. C'est un véritable enjeu humain mais également culturel auquel nous sommes conviés, et nous espérons que vous saurez y répondre en vous ralliant aux rapporteurs de majorité... pardon, aux rapporteurs de minorité que nous sommes ici tous les trois. Vous voyez, mon lapsus est significatif car je ne peux pas décemment imaginer qu'on puisse prêter la voix à certains propos qui ont été tenus et qui sont franchement inacceptables. Je vous remercie.
M. Olivier Baud (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la peur et la haine sont généralement assez mauvaises conseillères. L'actualité et les médias nous montrent tous les jours le drame que vivent les personnes qui essaient de rejoindre nos pays et la Suisse en particulier en passant par d'autres régions. S'il est facile de s'apitoyer sur les images d'enfants blessés, malmenés, détruits - tout le monde y va de sa petite larme - quand il s'agit de les accueillir chez soi, si j'ose dire, on aimerait que ce soit ailleurs, chez le voisin, on imagine plein d'autres solutions qui n'en sont en réalité pas.
Je serai assez bref parce que, comme l'a dit Mme Valiquer, la minorité est d'une certaine façon majoritaire avec trois rapports de minorité. Formellement, si l'on se reporte aux travaux de la commission, cette pétition avait été classée - j'y reviendrai. Tout le monde sait qu'un abri de protection civile n'est pas un lieu d'accueil idéal, que ce soit pour des enfants, des hommes seuls ou des familles - bon, si ce sont des hommes, comme c'est le cas à Meyrin, c'est objectivement un moindre mal. Mais nous devons bien considérer la réalité, c'est-à-dire que la Suisse et Genève doivent, peuvent accueillir davantage de requérants d'asile, qu'ils soient mineurs ou non.
La commission avait décidé de classer ces deux pétitions puisqu'on avait refusé le renvoi au Conseil d'Etat ainsi que le dépôt sur le bureau du Grand Conseil mais, malheureusement, il y a eu un troisième vote qui n'aurait pas dû avoir lieu. Bien que nous demandions le classement, les trois minorités peuvent se rassembler et convenir que le dépôt sur le bureau du Grand Conseil serait une solution tout à fait honorable et qui respecterait, Mesdames et Messieurs les députés, les travaux de la commission. Je vous remercie.
Mme Sarah Klopmann (Ve), rapporteuse de troisième minorité. Récemment, j'ai lu un livre sur l'histoire d'une femme allemande pendant la montée du nazisme, qui était constamment partagée entre ses désirs égoïstes et personnels et son intégrité. Ce livre très intéressant démontrait surtout comment la passivité, tant individuelle que collective, peut vite devenir complice des pires horreurs - c'était une très belle leçon. Actuellement, des gens sont en train de crever aux portes de notre Europe devenue forteresse mais des partis genevois préfèrent fermer les yeux et refuser de les accueillir ici, ils lancent des pétitions qui véhiculent des préjugés racistes et attisent la haine et le rejet. Contrairement à ce que sous-entendent ces pétitions et à ce qu'ont plus qu'insinué les personnes auditionnées en commission, non, le viol n'est pas caractéristique d'une culture plutôt qu'une autre; le viol est quelque chose d'ignoble mais qui existe partout, dans tous les milieux.
Pour défendre ces pétitions, certaines personnes invoquent les valeurs judéo-chrétiennes - évidemment, c'est bien pratique pour rejeter les réfugiés qui, selon eux, ne respecteraient pas les principes d'égalité. Pourtant, ces deux grandes religions - le judaïsme et le christianisme - ne mettent pas non plus l'homme et la femme sur pied d'égalité, tout comme le système salarial suisse d'ailleurs, ou ce Grand Conseil dans lequel, je le rappelle, nous devons régulièrement subir le sexisme de certains.
Une voix. Bravo !
Mme Sarah Klopmann. Par ailleurs, quand on se targue de défendre les valeurs chrétiennes, normalement on ouvre sa porte et on ne rejette pas son prochain. Les mêmes personnes se disent ensuite inquiètes que ce soient des hommes seuls - célibataires, a-t-on entendu tout à l'heure - qui occuperont ces abris. Je précise que ce n'est pas parce qu'ils arrivent seuls ici qu'ils sont forcément célibataires ou sans famille ! Les hommes ne sont pas tous des violeurs, contrairement à ce qu'on a entendu en commission, et j'espère que ces messieurs ici présents le savent bien - je serais inquiète qu'ils en doutent.
Loger des gens dans des abris souterrains est indigne, indigne tout le temps et indigne partout. Nous devons absolument éviter d'y placer des enfants, donc des familles, et tout mettre en oeuvre pour créer des espaces d'accueil en surface. Malheureusement, ces mêmes espaces sont refusés ici. Berne décide combien de réfugiés nous devons loger, notre rôle est donc de les accueillir dignement et leur permettre une bonne intégration; nous travaillerons de manière acharnée pour cela. Actuellement, le principal rempart contre la bonne intégration des réfugiés est l'hostilité de certaines personnes, évidemment favorisée par ces pétitions de même que certains propos. Il serait simpliste de dire qu'elles ne sont que le reflet de l'inquiétude de la population car ces pétitions sont lancées l'une par l'UDC, l'autre par le MCG, deux partis politiques. D'ailleurs, les personnes que nous avons auditionnées en commission étaient toutes de manière claire et précise membres de ces deux groupes. Si inquiétude il peut y avoir - je ne le nie pas - notre rôle est d'expliquer, de rassurer, d'éviter les tensions et surtout...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Sarah Klopmann. Je prends sur le temps de mon groupe, Monsieur le président.
Le président. D'accord.
Mme Sarah Klopmann. Merci. ...et surtout de ne pas attiser la haine ni la méfiance. N'oublions pas l'histoire, s'il vous plaît. Il s'agit ici de sauver des vies, la vie de celles et ceux qui n'ont pas eu notre chance. De la chance, nous en avons, oui, mais aucun mérite. La chance d'être nés dans des pays riches, notamment en Suisse qui vit grâce à l'argent du monde entier et aussi grâce à la vente d'armes qui par ailleurs crée les conflits et les victimes que vous refusez ensuite d'aider... Cessons donc d'être passifs et complices de ces drames, luttons pour un monde meilleur et solidaire ! Je sais que beaucoup ici ricanent et pensent que c'est naïf; eh bien peut-être est-ce naïf, mais je vous promets que je ne peux pour ma part vraiment pas dormir quand je pense que des gens doivent tout quitter, tout risquer pour sauver leur peau. J'ai honte alors, s'il vous plaît, refusez la haine et déposez ces pétitions sur le bureau du Grand Conseil. Merci. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). On a entendu la même sauce qu'on entend chaque fois qu'on parle des hébergements de réfugiés ! On nous dit: «C'est de la haine, c'est un manque de respect envers ces personnes parce que vous voulez les mettre dans des abris PC.» Cette fois, on entend le discours tout à fait inverse: «C'est de la haine parce que vous ne voulez pas les mettre dans un abri PC.» Il faudrait savoir ce qu'on veut dans la vie, c'est d'une incohérence totale ! Cette pétition pose une question qui n'est pas un acte de foi parce que, d'une certaine façon, on est dans un acte de foi en ce moment - les bons, les méchants, les gentils, les haineux - ce qui est une manière complètement infantile de voir les choses. En fait, la question posée au Conseil d'Etat est très simple: il s'agit de dire que le fait de placer des personnes dans un abri PC sous une école n'est pas la bonne solution. Y a-t-il une personne dans cette salle pour défendre cela ? Si oui, qu'elle s'exprime, mais je vois mal quelqu'un parmi nous être d'accord avec cette idée. Cela démontre que le renvoi de la pétition au Conseil d'Etat a tout son sens parce que celui-ci pourra ainsi intervenir sur cette question importante.
Je voulais encore dire autre chose, c'est qu'il faut arrêter le jeu des hypocrites. Quand on entend les socialistes et les Verts dénoncer certains centres où on place des réfugiés parce qu'on est obligés de les mettre, notamment à Vernier et en Ville de Genève...! Toute la gauche bien-pensante - parfois rejointe par le PLR, ça dépend des circonstances locales et des petites combines politiciennes (Exclamations.) - proteste contre ces centres et, dans le même temps, on nous dit: «Créez-en plus, créez-en plus mais n'en mettez surtout pas chez nous, ne les mettez nulle part !» Enfin, on ne comprend plus rien, c'est complètement incohérent. Il est clair que ce n'est pas une question facile à régler, mais je crois qu'il faut aussi déterminer la source du problème. En l'occurrence, c'est la Confédération qui décide de la clé de répartition entre les cantons et donne un nombre beaucoup trop élevé de requérants d'asile à Genève. Pourquoi ? Parce qu'on tient compte uniquement de la population et pas du territoire. Il y a donc à la fois cette irresponsabilité des uns et des autres...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. François Baertschi. J'abrège, Monsieur le président. Voilà pourquoi je vous demande impérativement de vous mettre tous d'accord pour renvoyer ce texte au Conseil d'Etat; tant les réfugiés que les habitants le méritent. (Applaudissements.)
M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, le PLR est divisé. Mais on ne peut pas laisser dire, comme je l'ai entendu tout à l'heure, que c'est de la haine ou de la peur, c'est tout autre chose; ce n'est pas non plus du racisme, Madame Klopmann, parce que dès lors qu'on se pose un certain nombre de questions, on ne peut pas, si on se les pose honnêtement, être traité de raciste, ce n'est en tout cas pas ce que les membres du PLR souhaitent. On n'a pas de problème avec les migrants, le problème n'est pas le nombre de réfugiés que nous devons accueillir ainsi que le décide la Confédération; non, le problème est de placer 50 hommes sous une école, et c'est là le seul problème. La présence toute proche de l'école pose problème bien plus que celle des migrants.
La commune de Meyrin, c'est ce qu'on a entendu, aurait intérêt à trouver un endroit plus éloigné de cette école où les élèves sont réunis. Il y a des angoisses de la population, des parents, et ces angoisses s'expriment d'autant plus fortement que l'école de commerce André-Chavanne, pas très loin non plus, a connu un certain nombre de problèmes qu'il est inutile de rappeler ici. Je crois qu'il faut prendre le problème tel qu'il est en toute sérénité, sans haine, sans peur et surtout sans racisme, et ne pas augmenter les risques qui sont malgré tout présents dans cette affaire. Très personnellement, je demanderai le renvoi de ces deux pétitions au Conseil d'Etat.
Une voix. Très bien.
M. Stéphane Florey (UDC). Revenons un peu sur le fond de ces deux pétitions parce que les trois rapporteurs de minorité ne l'ont absolument pas évoqué. On a entendu divagations, mensonges et insultes, voilà ce que vous avez déclamé jusqu'à présent mais vous n'avez pas du tout parlé des principales préoccupations de la population, que nous estimons pour notre part légitimes, vous n'avez pas parlé des problèmes que cela crée de placer des personnes seules - en l'occurrence des hommes - à proximité d'une école, vous ignorez totalement le vrai problème évoqué dans cette pétition. La population, au travers des pétitionnaires qui sont venus en commission, nous l'a dit: il y a des inquiétudes, il y a eu une totale désinformation du Conseil d'Etat à ce sujet puisque c'est plus ou moins par hasard que la population a appris la nouvelle, elle a été mise devant le fait accompli - même le conseiller administratif l'a reconnu !
On a d'abord dit qu'on allait peut-être installer des migrants; puis, c'est sûr, on va en accueillir mais ce seront des familles; après, on ajoute qu'on ne sait pas vraiment, il faut qu'on voie; et pour finir, on apprend qu'on recevra un certain nombre de personnes seules, en l'occurrence des hommes. Au fur et à mesure de l'avancement du problème, le nombre de migrants augmente, tout comme les inquiétudes de la population. Si vous déposez cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, vous allez non seulement totalement ignorer le problème mais aussi dénigrer la population qui se pose un certain nombre de questions, qui a des inquiétudes auxquelles il faut répondre. Ce n'est pas en tenant des propos mensongers et en allant même jusqu'à insulter les pétitionnaires que vous allez apporter la solution car d'autres problèmes nous attendent. En commission, nous avons encore à traiter une pétition qui concerne cette fois Aïre-Le Lignon, et il y en aura certainement d'autres puisque, vous le savez, bon nombre de terrains ont déjà été repérés...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Stéphane Florey. ...par les services concernés, plusieurs communes se sont déjà opposées fermement, d'autres ont plus ou moins accepté mais les cas sont encore loin d'être réglés. Voilà pourquoi je vous recommande de renvoyer ces deux pétitions au Conseil d'Etat. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et passe la parole à Mme Nathalie Fontanet, qui dispose encore d'une minute et quarante secondes.
Mme Nathalie Fontanet (PLR). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme M. Jean Romain vous l'a dit, le PLR est divisé sur ce point, nous aurons donc la liberté de vote. En revanche, nous sommes unanimes quant au fait que la population a des inquiétudes et qu'il ne faut pas les balayer en faisant de l'angélisme. Ce qui nous pose problème, c'est que la population puisse se retrouver tellement inquiète qu'elle soit amenée à déposer de telles pétitions. De plus, le langage, les échanges et les mots qui figurent dans ces pétitions paraissent plutôt choquants et tombent rapidement sous le coup de racisme ou de généralités sur les réfugiés.
Monsieur le président, ce que nous appelons de nos voeux, c'est qu'il y ait davantage de consultation en amont: il faut préparer la population, il faut expliquer aux parents, il faut prendre en charge les migrants de façon différente. Parce que l'inquiétude, au final, est toute simple. On sait que les personnes ne peuvent pas rester toute la journée dans des sous-sols, surtout en plein été respectivement en plein hiver, donc elles vont s'installer dehors, soit devant les établissements scolaires. Et cela, de façon générale - nous le comprenons tous - peut susciter des inquiétudes chez les parents. Il faut ainsi mettre en place une prise en charge différente qui permette aux réfugiés de ne pas rester toute la journée devant ces écoles et être directement en contact avec nos enfants. Nous avons toutefois estimé que les textes - et les auditions...
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Nathalie Fontanet. ...nous ont permis de renforcer cette idée - et les propos ne nous convenaient pas et, dans ce contexte, nous sommes une partie du PLR à ne pas pouvoir accepter les conclusions de ces pétitions et à en souhaiter le dépôt. Voilà, Monsieur le président, nous avons confiance dans le Conseil d'Etat pour qu'il fasse des efforts de concertation avec la population parce que si nous ne le faisons pas et si nous bafouons les pétitions qui sont déposées, nous nous exposons à encore plus...
Le président. C'est terminé, Madame la députée.
Mme Nathalie Fontanet. ...de haine et d'incompréhension. Merci, Monsieur le président.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Il est clair, Mesdames et Messieurs les députés, que le texte de ces pétitions dérange fortement le parti démocrate-chrétien à plus d'un titre, notamment car il n'est pas conforme aux valeurs de notre parti concernant l'accueil de l'être humain, le partage, la famille, toutes ces valeurs d'origine chrétienne que nous partageons volontiers dans ce domaine. Nous sommes très sensibles à l'accueil des réfugiés, nous sommes très sensibles également au fait de les recevoir dignement et décemment. Certes, ce n'est pas une situation facile et la Berne fédérale ne nous aide pas vraiment; mais je crois, et ma préopinante l'a très bien expliqué, qu'il y a un grand effort à faire pour assimiler cette population, spécialement ces jeunes hommes qui resteront chez nous et ont tout intérêt à être bien intégrés dans notre société car ils sont les citoyens de demain.
Il faut savoir que tout ce discours est né, et cela a été relevé aussi, parce qu'il n'y a pas eu assez de concertation entre les autorités cantonales et communales, la société civile et les communautés religieuses, qui ont également un grand effort à faire en termes d'intégration des immigrés. Moi-même habitant dans une commune comportant un important centre de réfugiés, je peux vous dire que nous ne changeons pas de trottoir le soir quand nous voyons un groupe d'hommes, même s'ils sont seuls et de couleur noire, nous ne changeons pas de trottoir parce que c'est une richesse de pouvoir les côtoyer, les apprécier et, de temps à autre, lors de manifestations communales, vivre et partager leurs traditions, leurs coutumes, leur culture. En ce sens, nous demanderons que ces deux pétitions soient déposées sur le bureau du Grand Conseil. (Applaudissements.)
M. Christian Frey (S). L'une des raisons pour déposer ces deux pétitions sur le bureau du Grand Conseil est que, comme on l'a constaté à la commission des pétitions, les migrants arrivent parfois en famille, parfois tout seuls, parfois en couple. L'Hospice général et le département de M. Poggia font du mieux qu'ils peuvent pour accueillir ces personnes, ce qui relève de notre devoir. A partir de là, on ne choisit pas et personne n'a été trompé sur le contenu. On nous dit qu'on pensait recevoir des familles avec des petits enfants, qu'on avait collecté des habits et puis voilà qu'on nous met des hommes célibataires. Mais enfin, c'est comme ça que les gens arrivent et il faut faire au mieux pour les accueillir.
Maintenant, j'ai un peu de peine à comprendre ce qui se dit parce que M. le conseiller d'Etat Poggia lui-même, élu MCG, nous a dit qu'il ne fallait pas donner suite à ce genre de pétitions. Pourquoi ? Eh bien parce qu'elles éveillent de faux espoirs: on les renvoie au Conseil d'Etat et les pétitionnaires s'imaginent qu'elles vont aboutir à une interdiction. Or le département n'a pas le choix, il s'agit d'accueillir ces personnes en fonction de nos obligations. C'est donc difficile à comprendre et on va probablement donner de faux espoirs. La commission des pétitions, dans laquelle je siège, chaque fois que le département ou l'Hospice général voudra loger des personnes dans un abri PC - ce qui n'est pas génial, on est d'accord, mais quand même mieux que rien surtout à l'approche de l'hiver - va donc recevoir une pétition ?! Et si on l'a fait pour les deux premières, il faudra chaque fois la renvoyer au Conseil d'Etat qui ne saura qu'en faire puisqu'il ne peut faire autrement qu'accueillir ces personnes ?! C'est l'une des raisons pour lesquelles, et je m'associe tout à fait à ce qui a été dit par les rapporteurs minoritaires, il faut déposer ces deux pétitions sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Danièle Magnin pour vingt secondes.
Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Monsieur le président. Quant à moi, je voudrais simplement signaler que la pétition rédigée par le MCG ne contient pas un seul mot qui soit contraire à la morale ou à la bienséance, il n'y a rien de raciste dans nos propos. Ensuite, j'ajouterai que les autorités ont le pouvoir de choisir quels réfugiés elles placent à tel endroit. Nous ne sommes pas contre le principe d'accueillir des migrants...
Le président. C'est terminé, Madame la députée.
Mme Danièle Magnin. Pardon ?
Le président. C'est terminé.
Mme Danièle Magnin. Eh bien merci ! (Rires. Remarque.) Alors je demande le vote nominal...
Le président. Merci, Madame. Je donne la parole...
Mme Danièle Magnin. J'ai demandé le vote nominal, Monsieur le président !
Le président. Oui, ce sera pris en compte au moment du vote, merci. Je donne la parole à Mme Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, un député disait tout à l'heure qu'il n'est pas interdit de se poser des questions et que, de ce point de vue là, on devrait examiner ces pétitions et leur donner une suite favorable. Il se trouve qu'il n'y a pas de question formulée dans ces deux pétitions mais plutôt un certain nombre d'affirmations et notamment d'amalgames de mauvais aloi voire d'éléments qui diabolisent la population des requérants d'asile, ce qui nous paraît inacceptable. On a beaucoup parlé des inquiétudes de la population face à cette problématique. Il se trouve que je suis l'un des membres de cette population meyrinoise et que j'ai habité à proximité de l'école Bellavista pendant très longtemps, notamment à l'époque de la crise des Balkans où on y logeait des requérants d'asile; aujourd'hui, je loge près du centre de Feuillasse et je peux vous assurer que dans mon entourage - et je suis relativement bien insérée à Meyrin - je n'ai pas entendu d'inquiétude s'exprimer à propos de cette situation, je n'ai entendu personne évoquer ce problème. Sans doute est-ce le cas dans certains cercles - je ne tiens pas à renier les inquiétudes de ceux qui se sont exprimés au travers de ces pétitions - mais j'affirme pour ma part que ce n'est pas la préoccupation de la population de Meyrin, qu'elle ne partage pas ces inquiétudes.
Si le propre de ces pétitions est de poser un certain nombre de questions ou en tout cas de soulever des problématiques, j'aimerais juste vous citer un extrait du rapport figurant à la page 15 s'agissant des rapports de police. A la question «existe-t-il des statistiques à ce propos ?», c'est-à-dire sur les problèmes de sécurité aux alentours des écoles et des lieux d'hébergement des requérants d'asile, «M. Girod répond par la négative et mentionne que le seul rapport est celui de la police qui remarque qu'il n'y aucune augmentation des incivilités ou des crimes à proximité des centres de requérants, que ceux-ci soient sous des écoles ou pas.» Cela répond en partie à l'une des inquiétudes formulée dans ce document et relayée par les groupes qui soutiennent ces pétitions. On nous dit qu'il ne faut pas faire preuve d'angélisme; mais il n'y a pas d'angélisme ! L'Hospice général a pris des mesures, c'est également indiqué dans ce même rapport de commission, on nous dit que les autorités s'en préoccupent et ont mis en oeuvre un certain nombre de moyens afin de mobiliser les associations locales précisément pour intégrer cette population, alors qu'on ne vienne pas nous dire que rien n'est fait !
Le président. Il vous reste trente secondes.
Mme Jocelyne Haller. Par conséquent, il nous paraît plus qu'opportun de déposer ces pétitions sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie de votre attention. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Eric Stauffer pour une minute trente.
M. Eric Stauffer (HP). Merci, Monsieur le président. On a entendu beaucoup de choses: c'est la faute de la Confédération, c'est la faute de l'Europe, ils ne font rien... Mais enfin, nous sommes le parlement genevois et nous devons trouver des solutions genevoises. Je tiens à dire en préambule qu'au sein du gouvernement il y a les grands courageux et il y a les autres. Première chose que vous devez savoir: qui choisit les lieux ? Ce n'est pas le conseiller d'Etat Mauro Poggia; en l'occurrence, ce lieu a été choisi par le département de M. Maudet. Et que demande-t-on à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia ? D'accueillir les réfugiés. On lui a donc désigné et imposé une école, il n'a d'autre choix que de l'accepter vu le peu d'endroits où on peut loger les migrants. Mon avis personnel est que les réfugiés dans une école, ça doit être non. Ça doit être non, mais il appartient à ces grands courageux...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Eric Stauffer. Je conclus ! Il appartient à ces grands courageux du Conseil d'Etat de se retrousser les manches. Vous avez Antonio Hodgers, responsable de l'aménagement, vous avez M. Dal Busco, responsable de l'entretien des bâtiments: à eux de trouver des superficies pour y créer des centres pour réfugiés dignes à l'écart de la population qui a de légitimes interrogations, et tout le monde y trouvera son compte. En conclusion, j'invite...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. ...le Conseil d'Etat à bien réfléchir à cette question et, personnellement, je lui renverrai ces deux pétitions; charge à lui ensuite de trouver les solutions.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient à Mme la députée Sophie Forster Carbonnier, à qui il reste deux minutes trente.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, beaucoup d'entre vous se sont faits les porte-parole de la population. Face à une inquiétude exprimée par les citoyens, nous avons deux possibilités: soit décider d'informer la population, de lui expliquer comment les choses se passent avec une argumentation reposant sur des faits, à savoir qu'aucune augmentation d'incivilités, d'attaques ou de malversations n'a été constatée autour des centres de requérants d'asile, soit adopter une autre attitude qui est de souffler sur les braises. C'est ce qu'une partie de ce parlement essaie de faire: souffler sur les braises, ce qui est un procédé extrêmement dangereux. Notre devoir en tant qu'élus est de rassurer les gens, de les informer, de leur citer des faits et de leur donner confiance dans la conduite des autorités et dans la responsabilité des collectivités. A l'heure actuelle, il existe déjà des abris au sein d'écoles et cela ne pose aucun problème.
Ces pétitions laissent sous-entendre que parce qu'il s'agit de jeunes hommes, nos enfants seraient en danger; honnêtement, Mesdames et Messieurs les députés, pouvez-vous me citer un seul cas d'enfants mis en danger dans ces circonstances ? Quand, durant ces dernières années, avons-nous parlé de pédophilie s'agissant des réfugiés ? Jamais ! Aujourd'hui, il n'est plus temps de souffler sur les braises, il est temps de faire preuve d'humanisme, de nous rappeler nos ressources et nos racines genevoises. Notre canton abrite la Croix-Rouge, le CICR, le HCR, nous pouvons montrer l'exemple, nous pouvons montrer que l'accueil est possible à Genève et la population peut tout à fait le comprendre si on le lui explique bien. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite solennellement à ne pas entrer en matière sur ces deux pétitions - cela serait en effet donner de faux espoirs à des personnes - et plutôt à soutenir l'Hospice général dans son travail, à lui donner davantage de moyens pour encadrer les requérants d'asile, pour qu'ils puissent ensuite s'intégrer en Suisse et participer plus dignement à la vie de notre pays. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Girardet, je suis navré mais vous n'avez plus de temps de parole. Je cède à présent le micro au rapporteur de deuxième minorité. Trente secondes, Monsieur Baud !
M. Olivier Baud (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je suis plutôt satisfait d'entendre la représentante du PLR évoquer la haine qu'elle décèle à la lecture de ces deux textes car c'est bien de ça qu'il s'agit. Prenez la pétition 1971 intitulée «NON à 50 jeunes hommes migrants sous l'école Bellavista !»: on y lit en gros que si on ne refuse pas ces 50 hommes, eh bien que va-t-il arriver ? Ce sera - je lis le texte de la pétition - «[...] ignorer que, tous les jours, on peut lire dans la presse que des jeunes femmes et enfants sont violés par des migrants notamment en Allemagne, en Suède, mais aussi à Calais». Cet amalgame n'est pas acceptable !
J'entends bien la représentante du PLR quand elle dit qu'il ne faut pas exacerber ou susciter l'inquiétude mais plutôt la prendre en compte. Cependant, nous ne devons pas non plus accepter sans autre ce type de textes, Mesdames et Messieurs les députés, parce que ce sont justement eux qui...
Le président. C'est fini, Monsieur le député.
M. Olivier Baud. ...exacerbent la haine et la peur de l'autre ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Monsieur Girardet, je répète que vous n'avez plus de temps de parole. Celle-ci va pour trente secondes à la rapporteure de première minorité, Mme Nicole Valiquer Grecuccio.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Je reprendrai mes propos de tout à l'heure en insistant sur le fait que, comme l'a relevé le conseiller d'Etat Mauro Poggia, plus ces populations seront stigmatisées, plus les mèches de bombe à retardement seront attisées. Ne pas faire d'angélisme, c'est savoir se rassembler autour de valeurs communes, et j'ose espérer que les valeurs d'accueil et d'ouverture qui ont fait le socle culturel de notre pays pourront être partagées ici.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je remercie les pétitionnaires d'avoir apporté leur pierre à l'édifice d'une réflexion objective et désintéressée sur le sujet de la migration. Evidemment, je dis cela avec ironie parce que j'entends d'aucuns dans ce parlement nous dire que leur préoccupation est que l'on ne place surtout pas de demandeurs d'asile dans des abris. Vous vous méprenez, Mesdames et Messieurs: ce n'est pas une crainte de leur part, c'est simplement de l'humanisme qui s'exprime à travers ces pétitions, on souhaite trouver d'autres solutions pour ces personnes que des abris PC. En cela, vous remportez naturellement toute mon adhésion.
Pourtant, à la lecture de ces pétitions, certains termes me choquent. Je cite: «Vu les problèmes engendrés par ce genre de placements et les graves agressions dont ont été victimes de jeunes femmes ou des enfants, comme les médias nous le révèlent [...]» ou encore: «Selon les statistiques officielles de la criminalité à Genève, Meyrin est chaque année dans le peloton de tête des communes les plus criminogènes. [...] C'est ignorer qu'en Allemagne, suite aux agressions massives, sauvages et planifiées de jeunes femmes blanches lors du Nouvel An, près d'un millier de plaintes ont été enregistrées et Mme Angela Merkel elle-même, face à cet effroyable constat, a dû reconnaître que le nombre d'infractions commises par les jeunes migrants était particulièrement élevé, mais qu'il fallait l'accepter !» Voilà, Mesdames et Messieurs, la motivation des pétitionnaires, voilà avec quels arguments ils sont allés recueillir des signatures auprès des citoyens.
Je vous dirai que la problématique est réelle et qu'il ne s'agit pas de mépriser une inquiétude sans doute avérée au sein de la population. Vous devez savoir que le Conseil d'Etat, unanime, cherche des solutions: il a mis en place une task force, il a partiellement déclenché le dispositif Osiris afin d'individualiser l'ensemble des lieux susceptibles d'accueillir des réfugiés mais aussi créer de nouveaux hébergements, et des projets sont en cours partout dans le canton. Pourtant, je n'entends à longueur de semaine que: «Pas ici ! Pas ici ! Pas ici !» Je souhaiterais parfois entendre: «Ici, il y a une place !» Mais non, nous ne l'entendons pas. Les communes considèrent chacune qu'il y a des problèmes, que ceux-ci seraient certainement moindres ailleurs et qu'il faut donc aller chercher autre part.
Alors je ne vous dis pas que la solution dont on parle ici est idéale; elle ne l'est tellement pas que nous avons décidé que les abris situés sous des écoles ne devaient représenter que l'ultime alternative au cas où véritablement nous n'aurions pas d'autres lieux d'hébergement, elle ne l'est tellement pas que cet abri sous l'école Bellavista, qui devait être occupé en juin, ne l'est toujours pas aujourd'hui. Nous disposons de trois abris qui sont prêts mais demeurent inoccupés, et j'espère sincèrement qu'ils le resteront longtemps parce que cela signifierait que moins d'immigrés arrivent chez nous, même s'il ne faut pas se voiler la face: ils sont là, ils traversent la Méditerranée, et ceux qui ont écouté l'actualité aujourd'hui encore le savent, ils meurent toujours par centaines - cette problématique doit évidemment être réglée sur le plan international.
Nous cherchons donc activement d'autres solutions, et les terrains ou bâtiments potentiellement utilisables sont identifiés par différents services: l'office cantonal de la population et des migrations pour les abris, l'office des bâtiments pour les bâtiments, le département de l'aménagement pour les terrains. Chacun tente de dénicher des endroits pour héberger les réfugiés, soit des bâtiments qui peuvent être aménagés, soit des terrains qui peuvent recevoir des habitations modulables. Vous en avez certainement entendu parler encore récemment, on évoque un camping sur lequel on pourrait installer quelques mobile homes - il s'agit en fait d'habitations modulables, on n'utilise pas le terme de mobile homes - et la seule chose que je lis dans les journaux, c'est que c'est scandaleux parce que ces gens auront des toilettes alors que toutes les personnes qui séjournent dans ce camping n'en ont peut-être pas.
A un moment donné, je pense qu'il faut essayer d'avoir une vision solidaire, et pas seulement vis-à-vis des personnes qui viennent chez nous et dont le nombre est évidemment totalement étranger à notre pouvoir puisque ce sont 5,9% qui nous sont attribués, que Genève doit prendre en charge. Je suis souvent au front dans ce domaine puisque je suis responsable de l'hébergement et je peux vous dire que jamais je ne refuse une invitation, qu'elle provienne d'associations locales, de Conseils administratifs ou de Conseils municipaux. Il faut expliquer, il faut rassurer mais il est vrai que l'on ne rassure vraiment que par le constat de notre mise en confrontation avec cette situation qui, on vous l'a dit, n'est de toute évidence pas celle que l'on vous décrit ici. Les vrais enjeux sont ceux de l'intégration et nous devons oeuvrer ensemble pour que ces personnes se sentent non pas accueillies à bras ouverts mais tout du moins pas haïes, ainsi que ces pétitions pourraient le laisser entendre, car ce sont avec des propos aussi extrêmes que l'on fait le lit du radicalisme contre lequel nous devons combattre de front. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant passer au scrutin. Tout à l'heure, nous avons été saisis d'une demande de vote nominal par Mme la députée Danièle Magnin; êtes-vous soutenue, Madame ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, c'est le cas. Mesdames et Messieurs, avant de commencer, je vous explique la procédure de vote afin qu'elle soit bien claire pour tout le monde: vous allez vous prononcer de façon distincte sur chacune des deux pétitions. Dans un premier temps, je vous soumettrai le renvoi au Conseil d'Etat; si le suffrage est négatif, je mettrai aux voix le dépôt sur le bureau du Grand Conseil; si celui est également refusé, la pétition sera automatiquement considérée comme classée. Est-ce bien clair pour chacun d'entre vous ? (Remarques.) Parfait. Nous commençons avec la P 1969-A.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1969 au Conseil d'Etat) sont rejetées par 58 non contre 32 oui (vote nominal).
Mises aux voix, les conclusions des trois minorités de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1969 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 50 oui contre 34 non et 4 abstentions (vote nominal).
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1971 au Conseil d'Etat) sont rejetées par 58 non contre 30 oui (vote nominal).
Mises aux voix, les conclusions des trois minorités de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1971 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées par 40 non contre 39 oui et 10 abstentions (vote nominal).
La pétition 1971 est donc classée.
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous revenons à notre ordre du jour ordinaire et nous abordons le PL 11388-B en catégorie II, quarante minutes. Monsieur Alberto Velasco, rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, comme vous le savez, ce projet de loi a déjà été renvoyé à deux reprises en commission, c'est donc la seconde fois... (Brouhaha.)
Le président. Excusez-moi, Monsieur... Un peu de silence, s'il vous plaît ! (Un instant s'écoule.) Poursuivez, Monsieur Velasco.
M. Alberto Velasco. Merci, Monsieur le président ! Je reprends: comme vous le savez, chers collègues, c'est la seconde fois que ce projet de loi nous revient en plénière. De quoi est-il question ? Bien que les Conseils municipaux soient des délibératifs et que, à ce titre, ils soient dotés de certaines prérogatives législatives comme le fait de pouvoir présenter des règlements, bien que la plénière de ces entités délègue justement à des commissions la possibilité d'étudier ces objets et, parfois même, les projets de budgets, la seule chose que les commissions ont à faire est de procéder à des auditions et de rendre ensuite un rapport, mais sans la possibilité de dire s'il s'agit exactement du budget voulu ou d'offrir à la plénière un choix de modifications. Or ceux qui siégeaient en Ville de Genève à l'époque se souviendront que nous avions eu un avis de droit du professeur Tanquerel qui démontrait que c'est là une compétence que les communes pourraient s'octroyer.
La majorité nous dit que cette disposition n'est pas nécessaire pour de nombreuses communes; soit ! Mais c'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement visant à rendre cette possibilité potestative, c'est-à-dire que les communes qui le désirent peuvent la mettre en pratique tandis que les autres n'y sont pas obligées. Faut-il priver les grandes communes, qui réalisent un travail assez conséquent, de cette option ? Nous disons que non ! En fait, il y a eu deux amendements: celui que je viens d'évoquer et un autre qui demande que lors du renvoi d'un projet étudié et amendé, le rapport soit accompagné du projet originel déposé par le Conseil administratif. Voilà, Mesdames et Messieurs, je répète qu'il s'agit d'un élément potestatif, il n'y aurait aucune obligation. Par contre, cela donne la possibilité aux communes qui le souhaitent de prévoir cette disposition.
Pour conclure, je dois admettre qu'en tant qu'élu de gauche et au vu de la majorité actuelle en Ville de Genève, je serais plutôt enclin à demander le contraire mais je vous recommande tout de même de voter dans mon sens, Mesdames et Messieurs, parce que je trouve intéressant que les élus qui passent des heures et des heures en commission puissent déposer des amendements et indiquer ce qu'ils veulent exactement comme budget. Merci !
Mme Simone de Montmollin (PLR), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs, chers collègues députés, c'est en qualité de rapporteure de minorité cette fois-ci que je vais m'exprimer sur cette proposition visant à introduire au niveau communal une pratique en vigueur aux niveaux cantonal et fédéral. Je vais vous expliquer pourquoi la minorité rejette cette proposition: nous estimons que cette modification, considérée comme mineure par certains, représente en réalité un changement de paradigme qui ne va pas dans le sens d'une meilleure lisibilité ni d'un meilleur fonctionnement des institutions, et ce pour quatre raisons.
Tout d'abord, il s'agit d'un renversement de compétences qui va générer un bouleversement du processus de discussion au sein des instances démocratiques communales. Faut-il rappeler ici qu'à l'échelle communale on parle de compétence délibérative des Conseils municipaux et que c'est aux exécutifs que le canton, via son département présidentiel, délègue les tâches d'administrer la commune et de soumettre au Conseil municipal les projets destinés à être débattus, notamment le budget ? Que la haute surveillance sur l'exécutif communal est assurée par le canton et non par le Conseil municipal, au contraire du Grand Conseil qui, lui, exerce une surveillance sur le Conseil d'Etat ? Il n'y a pas de symétrie à rechercher entre le fonctionnement à l'échelle communale et celui à l'échelle cantonale, quelle que soit la taille des Conseils.
Deuxièmement, en imaginant valoriser le travail des conseillers municipaux, on va au contraire dévaloriser celui des maires et des adjoints respectivement des conseillers administratifs. En effet, quel intérêt pour eux de participer aux commissions pour expliquer, renseigner, chercher des solutions tenant compte de tous les impératifs si, in fine, ils se retrouvent à devoir déposer des amendements destinés à être votés en plénière et ainsi discuter de leurs propres propositions ? Alors que les communes peinent à trouver du personnel politique, il y a mieux comme encouragement.
Par ailleurs, la minorité estime qu'au lieu de faire gagner du temps, ce nouveau fonctionnement va à l'inverse être générateur de complications inutiles. Prenons le cas du budget, puisqu'il est cité en exemple: toutes les commissions spécialisées du Conseil municipal pourront faire leurs modifications, et ces propositions seront soumises directement au vote du Conseil municipal. Quid de la consolidation de toutes ces propositions et des décisions contradictoires qui ne manqueront pas d'en découler ?
Enfin, la loi doit être la même pour tout le monde; le caractère facultatif de celle-ci va conduire à des disparités de fonctionnement entre les communes, rendant le travail de surveillance d'autant plus complexe voire aléatoire et coûteux. Alors qu'actuellement on encourage l'intercommunalité, que de nouveaux modes de collaboration à travers les communautés de communes sont mis en place, il n'est pas souhaitable d'introduire des régimes différenciés dans les mécanismes décisionnels communaux; loin de là, il faut plutôt favoriser une harmonisation.
En conclusion, le PLR est d'avis qu'une réforme des processus qui touche l'ensemble des prérogatives du Conseil municipal, c'est-à-dire toutes les fonctions délibératives, avec des conséquences sur celles de l'exécutif ne saurait se traiter au coup par coup à la faveur de majorités fluctuantes et pour régler des différends vécus par certaines grandes communes uniquement. C'est un édifice complexe que notre démocratie à trois niveaux - Confédération, cantons et communes - et modifier une pratique n'est jamais anodin. Pour notre part, nous ne défendons pas une démocratie à la carte, et c'est la raison pour laquelle nous en restons à notre position initiale qui consiste à rejeter cette proposition. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame le rapporteur. Je passe la parole à M. le député Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Le rapport entre les délibératifs municipaux et les exécutifs est fortement, fortement, fortement biaisé en faveur de ceux-ci. Quelle que soit l'amitié que j'éprouve pour les exécutifs en général et les communaux en particulier, j'estime qu'il faut basculer un peu ce rapport de force en direction des délibératifs municipaux. Par le passé, quand j'étais député sous la bannière de l'Alliance de gauche, nous avions fait dans cette enceinte une proposition permettant aux Conseils municipaux des communes de voter des règlements de portée générale. Avant, seuls les exécutifs pouvaient adopter des règlements tandis que les Conseils municipaux pouvaient se prononcer sur le budget - et encore ! - ainsi que sur quelques autres choses, mais ils étaient vraiment considérés comme mineurs et sous tutelle des exécutifs. A l'époque, on avait auditionné l'ACG - je me rappelle que Daniel Mouchet en était le président - dont les représentants sont venus nous dire précisément ce que la rapporteuse de minorité nous dit ici, à savoir que ça ne va pas du tout, que ça va bouleverser tous les équilibres, que ça va être détestable. Il y a eu unanimité de tous les exécutifs représentés à l'ACG pour refuser cette proposition révolutionnaire défendue par l'Alliance de gauche selon laquelle les Conseils municipaux ont le droit de voter des règlements municipaux. Non, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas sérieux !
Ici, il s'agit d'un tout petit mouvement dans le même sens: on considère que les Conseils municipaux travaillent sérieusement et que quand une commission discute un projet et l'amende, celui-ci revient en plénum ainsi qu'amendé en commission ! D'ailleurs, la Ville de Genève avait adopté une modification de son règlement dans ce sens et, puisqu'on parle des tutelles d'exécutifs, le Conseil d'Etat a cassé ce règlement en considérant que ça n'allait pas, qu'il fallait une base légale et qu'il n'était pas raisonnable que le Conseil municipal de la Ville de Genève fasse semblant d'être un parlement dans cette salle et que les rapporteurs reviennent de commission en présentant l'état des travaux tel qu'il avait été atteint en commission. On avait donc dû faire marche arrière, puis ce projet de loi a été déposé.
On parle tout de même d'un petit renforcement des compétences des Conseils municipaux et plus largement de celles des communes puisqu'on laisse à ces dernières le loisir de s'organiser, soit en préservant la tradition antérieure, soit en introduisant cette nouveauté fort peu révolutionnaire consistant à dire qu'on n'est pas obligés de refaire en plénum tous les travaux effectués en commission. Ainsi, cette modification législative extrêmement modeste - puisque, je le répète, elle n'introduit qu'une possibilité pour les communes de pratiquer cette nouveauté - représente une augmentation de l'autonomie communale, c'est potentiellement une petite touche consistant à rendre plus efficace le travail des Conseils municipaux et à considérer que leur travail est sérieux, qu'ils ne font pas semblant de s'agiter dans leur coin et que, en dernière instance, ce ne sont pas les exécutifs qui décident.
D'aucuns ont invoqué la majorité actuelle en Ville de Genève; non, ce n'est pas comme ça qu'il faut raisonner ! Sur le fond, institutionnellement, je suis pour ma part favorable...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. Oui, oui, je termine ! ...à ce qu'on permette ne serait-ce qu'au Conseil municipal de la Ville de Genève de ne pas se livrer à des simagrées en commission sans aucune importance ni aucun poids mais que les rapporteurs qui s'expriment dans cette salle puissent présenter l'état des débats, que ça serve de point de départ à un échange...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député !
M. Pierre Vanek. ...au sein de l'assemblée délibérative. C'est en effet terminé, je vous remercie de le confirmer !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député... (Commentaires hors micro de M. Pierre Vanek. Le président rit.)
Une voix. Qu'est-ce qu'il y a ?
Le président. Je cède la parole à Mme la députée Irène Buche.
Mme Irène Buche (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste était favorable au projet de loi initial et l'est toujours. Cela étant, il estime que le texte issu des travaux de commission est un bon compromis - il s'agissait d'ailleurs d'une proposition du professeur Tanquerel - qui devrait satisfaire l'ensemble des communes puisque celles qui le souhaitent maintiendront le système actuel tandis que celles qui préfèrent en changer pourront le faire. Cette manière de procéder tombe sous le coup du bon sens et permettra en particulier d'éviter que le travail de commission soit entièrement à refaire en plénière tout en facilitant les travaux. J'aimerais relever que l'Association des communes genevoises est d'accord avec le projet de loi tel qu'issu de commission et qu'il n'y a donc pas de raison de s'y opposer puisque aucune commune ne sera obligée de changer de système si elle ne le désire pas. Aussi le groupe socialiste vous invite-t-il à accepter ce projet de loi.
M. Yves de Matteis (Ve). Je vais être assez bref car beaucoup de choses ont déjà été dites. J'ai entendu de la part de certains députés qu'il s'agissait d'une modification de pratique, d'un bouleversement, d'un changement de paradigme, comme si les communes n'avaient jamais vécu cette situation consistant à pouvoir déposer des amendements. Par le plus grand des hasards, il se trouve que j'ai moi-même été conseiller municipal en Ville de Genève et que j'ai pu pratiquer les deux formules: les premiers temps, on pouvait modifier des motions ainsi que le budget dans les commissions spécialisées, ces modifications étaient ensuite relayées en plénière où elles étaient votées et on pouvait encore apporter d'autres changements.
Les années suivantes, j'ai expérimenté le procédé inverse, c'est-à-dire que chaque fois qu'on pensait à des modifications dans les différentes commissions, qu'elles soient budgétaires ou portent sur le contenu d'une motion, il fallait les déposer à nouveau en plénière. En gros, cela a été dit de manière sans doute plus subtile par mes préopinants, c'est du travail de singe: on fait deux fois les mêmes choses et on perd énormément de temps, surtout en plénière, à rediscuter, refaire un débat qui a déjà eu lieu en commission. Pour cette raison, les Verts vont évidemment appuyer ce projet de loi.
D'aucuns ont dit que cette méthode ne s'appliquerait qu'en Ville de Genève; c'est tout à fait faux. Lors de l'examen en commission, on a appris que la pratique dans certaines petites communes était exactement la même, à savoir que les motions voire le budget pouvaient subir des amendements en commission. La seule différence entre les commissions de la Ville de Genève et celles de certaines communes, c'est que dans celles-ci les magistrats étaient présents lors de l'examen des motions et du budget et pouvaient reprendre directement ces modifications à leur compte sans que cela soit relayé en plénière. En Ville de Genève, il était évidemment beaucoup plus pratique de débattre en plénière d'objets déjà discutés et modifiés en commission afin d'éviter d'avoir à effectuer le travail deux fois. En un mot comme en cent, nous allons naturellement soutenir ce projet de loi qui est tout simplement frappé au coin du bon sens.
M. François Lance (PDC). Le groupe démocrate-chrétien votera finalement cette proposition de modification de la loi sur l'administration des communes bien qu'il ne soit pas pleinement convaincu de son utilité dans le fonctionnement des Conseils municipaux de la très grande majorité des communes genevoises. Après plusieurs allers-retours de ce projet de loi, que ce soit en commission ou en séance plénière, et les multiples auditions concédées, les débats qui ont suivi ont permis de démontrer que l'ultime amendement proposé représente une sortie honorable donnant la possibilité aux communes, en particulier à la Ville de Genève, de modifier leur règlement en fonction des spécificités de fonctionnement de leur Conseil municipal respectif.
Selon le règlement adopté, cela donnera la possibilité aux Conseils municipaux d'amender en commission les projets proposés par les magistrats, ce qui n'est pas le cas actuellement, tout en conservant dans le rapport présenté en plénière la version initiale de l'exécutif. En votant ce projet de loi, le groupe démocrate-chrétien espère que cette modification contribuera à améliorer le fonctionnement du Conseil municipal de la Ville de Genève et permettra à certaines autres communes de se mettre en conformité avec la loi.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, la raison qui m'a amené à déposer ce projet de loi est extrêmement simple et nécessite un tout petit historique: pendant des lustres, pendant plusieurs décennies, c'était la pratique en vigueur, tout simplement ! D'ailleurs, la LAC n'a pas changé, pas une seule virgule n'a été modifiée. La seule chose qui a changé, c'est le départ à la retraite de l'ancien directeur du service de surveillance des communes, à qui cette pratique paraissait tout à fait compatible avec la LAC actuelle - qui n'a pas changé, je le répète. Un nouveau directeur arrive et avec lui une nouvelle pratique juridique, et c'est finalement ça qui pose un certain nombre de problèmes. Tout ce qui a été fait pendant quelques décennies est subitement devenu prétendument illégal, malgré les tentatives d'instaurer un règlement municipal pour revenir à l'ancienne formule ainsi qu'elle a été pratiquée de manière quasi constante dans différentes communes sans même que la surveillance des communes ne s'en aperçoive - elle avait sans doute les yeux rivés exclusivement sur la Ville de Genève. En tout cas jusqu'en 2003 où j'ai siégé dans ce parlement - et j'y suis de nouveau aujourd'hui - personne ne nous a fait la moindre remarque et c'était parfaitement compatible avec la LAC.
Cela étant dit, je pense que cette modification est nécessaire. Pourquoi ? D'abord parce que c'est une simplification, quoi qu'on puisse en dire: il faut se rendre compte que si on doit recommencer en plénière tout le travail réalisé en commission, celui-ci n'a plus tellement de sens ! Il faut aussi un peu valoriser le travail des conseillers municipaux en commission comme est valorisé ici, même si ce n'est pas tout à fait comparable, celui des députés commissaires. Si ceux-ci ne pouvaient rien modifier en commission et qu'on devait chaque fois revenir sur les amendements en plénière, je vous laisse imaginer la durée des débats que nous aurions ici ! Mais surtout, il faut se dire que le débat en commission revient ensuite en plénière, où chacun peut encore demander de revenir en arrière, et si le Conseil administratif ou le maire et les adjoints ne sont pas satisfaits du travail, ils peuvent revenir dessus en plénière. Ce projet de loi amène donc une simplification et évite aux élus municipaux de devoir recommencer tout le travail avec des dizaines voire davantage d'amendements que déposent les commissaires en séance plénière. C'est également une forme de respect pour le travail des conseillers municipaux. Voilà, ce projet n'a pas d'autre ambition.
La première version qui avait été déposée avait un avantage, c'était de clarifier la situation de la LAC, et toutes les communes y étaient soumises. Or à ce moment-là, on a entendu la critique suivante: «Il ne faut pas que ça devienne obligatoire pour tout le monde.» Et aujourd'hui, les mêmes opposants nous disent: «Mais vous comprenez, maintenant, avec votre disposition qui n'est qu'une possibilité, vous créez une inégalité entre les communes qui vont l'appliquer et celles qui ne vont pas le faire.» A un moment donné, il faut choisir: c'est l'un ou l'autre ! Soit on applique cette règle pour toutes les communes, soit on accepte que ça ne peut être qu'une possibilité pour celles qui le veulent, et dans les grandes communes, Mesdames et Messieurs les députés, je vous assure que c'est nécessaire. C'est nécessaire ! Qu'on ne vienne pas nous dire non plus que les Conseils municipaux...
Le président. Il vous reste trente secondes.
M. Daniel Sormanni. J'ai tout de suite terminé ! ...ne sont que des délibératifs ! Tout à l'heure, mon collègue M. Vanek a évoqué les règlements municipaux de portée générale; qu'on ne s'y trompe pas: ces règlements de portée générale sont des actes juridiques et, par conséquent, les délibératifs produisent bien de temps en temps - très peu de règlements sont en effet promulgués de la part des municipaux - des actes juridiques, et c'est bel et bien là où je veux en venir: ça se rapproche...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Daniel Sormanni. ...de très près du travail du parlement cantonal. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter cette disposition, cette très légère modification de la LAC, et je vous en remercie par avance.
M. Gabriel Barrillier (PLR). Chers collègues, j'aimerais d'emblée préciser que si l'Association des communes genevoises avait pris position sur la première version du projet de loi, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, elle n'a pas été consultée sur l'amendement, c'est-à-dire sur la liberté qui serait laissée à chaque commune de se doter d'un règlement individuel ! Je me permets de citer ici l'ancienne maire des maires, présidente de l'Association des communes genevoises, qui relevait que le texte risquait d'introduire des pratiques diversifiées et «[...] de déséquilibrer le système institutionnel en compliquant les débats et en générant une confusion de compétences entre les différents organes communaux».
Je ne suis pas magistrat et je ne l'ai jamais été, mais ce que j'ai compris s'agissant du fonctionnement de nos communes, c'est qu'il existe une sorte de navettage constructif entre le Conseil municipal et l'exécutif, que ce soit le Conseil administratif ou le maire. De ce navettage constructif naissent des solutions pragmatiques qui sont non pas apolitiques mais qui permettent toutefois de régler des problèmes pratiques... (Brouhaha.) ...au sein des communes. Chers collègues, l'écrasante majorité des communes de ce canton sont de petites communes, et le système actuel fonctionne très bien. (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
M. Gabriel Barrillier. Le PLR ne partage pas la vision des auteurs de ce projet de loi et estime au contraire que cette approche va immanquablement conduire à politiser et prolonger inutilement les décisions sur des questions pratiques et de gestion quotidienne. (Brouhaha.)
Des voix. Chut ! (Le président agite la cloche.)
M. Gabriel Barrillier. Or, chers collègues, on sait très bien - vous l'avez vu durant une législature - que près d'un tiers des conseillers municipaux abandonnent leur mandat et démissionnent en cours de route. Pourquoi ? Parce qu'ils sont affolés, écrasés par la longueur et le volume des travaux. La proposition que vous faites là risque d'aggraver cette situation et rendra plus difficile encore l'exercice de ce mandat. En fait, chers collègues, les forces politiques qui ont déposé ce projet de loi manifestent une sorte de méfiance à l'égard des magistrats, et c'est là une vision que le PLR ne partage pas. Par conséquent, nous refuserons ce projet de loi.
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à la rapporteure de minorité, Mme Simone de Montmollin, pour trente secondes.
Mme Simone de Montmollin (PLR), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Je suis un peu perplexe quand j'entends dire qu'il y a actuellement un rapport biaisé en faveur de l'exécutif et je nourris dès lors des doutes quant au sérieux des motivations des auteurs. S'il s'agit de tenter un putsch sur les exécutifs ou d'aspirer à davantage de pouvoir alors qu'on parle de structures communales qui doivent trouver le consensus, eh bien cela confirme mon avis: on ne peut pas faciliter ce type de comportement et il faut refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la rapporteure. Monsieur Velasco, vous disposez encore d'une minute.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Oui, merci, Monsieur le président. M. Barrillier prétend que l'écrasante majorité des communes sont de petites communes; mais, Monsieur Barrillier, l'écrasante majorité de la population vit dans les grandes communes dont les budgets sont conséquents et méritent d'être étudiés. Par ailleurs, il est faux de dire que ce procédé alourdit les travaux: par deux fois, il a été utilisé en Ville de Genève... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...avant que le service de surveillance des communes ne la rappelle à l'ordre, par deux fois la durée des travaux a été divisée de moitié ! Je m'excuse mais on a vu la différence ! Enfin, je le répète, cette méthode favorise les partis représentés, c'est une expérience qui a été faite. Mesdames et Messieurs, je crois...
Le président. C'est terminé, Monsieur.
M. Alberto Velasco. ...qu'il faut cesser d'infantiliser nos communes et leur donner les pouvoirs qu'elles méritent. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de voter sur l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11388 est adopté en premier débat par 67 oui contre 23 non.
La loi 11388 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 11388 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 67 oui contre 23 non.
Premier débat
Le président. Nous continuons avec le PL 11421-A, en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole à Mme le rapporteur de majorité Danièle Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Nous nous trouvons devant le cas très simple d'une loi cantonale donnant une forme de mise en application d'un article du code des obligations qui permet aux employés d'avoir du temps disponible soit pour exercer un mandat politique soit pour accomplir des obligations militaires, en plus de la maladie. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) C'est déjà très largement codifié au plan fédéral: des règlements prévoient la durée pendant laquelle un employeur est supposé couvrir les absences pour problèmes de santé ou pour autres motifs. Dans la loi qui nous est proposée aujourd'hui, on demande tout simplement que les personnes employées puissent avoir la liberté d'exercer un mandat politique. Cela ne va bien sûr pas sans cautèles, ce n'est bien sûr pas une liberté donnée pour faire ce que l'on veut au titre du mandat politique, mais cela permet de s'adresser à son employeur pour exercer ses droits.
Nous nous sommes aperçus durant les auditions que les différentes régies publiques, et en tout cas le grand Etat, avaient déjà des règles pour compenser. On voit que les SIG donnent aux élus 24 jours par an, les TPG 21 jours, les HUG 15 jours, pour qu'ils puissent exercer leurs mandats en toute liberté. Il y a bien entendu des compensations: on ne peut pas gagner à la fois son salaire et des jetons de présence; mais quelque chose est prévu. Cette loi va donner la possibilité aux employés... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qu'ils le soient de l'Etat, des communes ou simplement dans le privé, d'exercer leur mandat avec plus de facilité et sans devoir plaider leur cause. Je vous engage à voter ce texte.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de minorité. Chers collègues, en introduction, peut-être une petite remarque: le nom de ce projet de loi est «Garantir les droits démocratiques fondamentaux», or le texte n'aborde pas du tout cette question, il aborde de façon précise la thématique des relations de travail entre un employé député et son employeur. L'article proposé est très simple: «Le droit de siéger est garanti et l'employeur a l'obligation de libérer l'élu pour accomplir son mandat.» (Brouhaha.)
Le président. Monsieur le député, excusez-moi. Mesdames et Messieurs, je sais qu'il fait très chaud, mais ce brouhaha continu est assez pénible pour tout le monde ! Je souhaiterais n'entendre que le froufrou des éventails, si c'est possible. Monsieur le député Pierre Conne, poursuivez.
M. Pierre Conne. Merci, Monsieur le président. C'était donc là ma première remarque. Deuxième remarque: ce projet de loi concerne la LRGC, la loi portant règlement du Grand Conseil. Or, cette loi n'a absolument aucune compétence pour régler les relations de travail. Pour le domaine public, au niveau du canton, les relations de travail sont réglées par la LPAC, la loi sur l'administration cantonale. Là se pose le premier problème, Monsieur le président: la LPAC est de même niveau que la LRGC. En introduisant une disposition réglant les relations de travail dans la LRGC alors que celles-ci sont déjà réglées dans la LPAC, et ces deux lois étant de même niveau, on crée, Mesdames et Messieurs, une insécurité juridique ! Cette loi ne sera donc simplement pas applicable tant qu'une jurisprudence ou un tribunal n'aura pas décrété l'une ou l'autre des deux lois comme «lex specialis», instaurant ainsi une hiérarchie des normes.
Toujours sur cette question des relations de travail, pour le domaine public donc, on l'a vu, il s'agit de la LPAC; pour le domaine privé, c'est le code des obligations. Mesdames et Messieurs, le code des obligations étant du droit supérieur, il prime de toute façon à la fois sur la LRGC et sur la LPAC. Cette question des relations de travail entre un employé député et son employeur est réglée par le code des obligations. De ce fait-là, ce nouvel article créerait une inégalité de traitement entre les employés du secteur public et ceux du secteur privé; ce n'est pas acceptable.
La troisième remarque, Mesdames et Messieurs, c'est qu'en introduisant cette disposition dans la LRGC - disposition qui dit, je répète: «Le droit de siéger est garanti et l'employeur a l'obligation de libérer l'élu pour accomplir son mandat» - on ne s'adresse qu'aux députés: on crée donc une inégalité de traitement entre les élus, car seuls les élus cantonaux bénéficieraient de cette disposition, alors que les élus communaux et fédéraux n'en bénéficieraient pas. Il en résulterait donc une autre inégalité de traitement.
Je n'ai abordé que la question de forme, je n'ai pas abordé la question de fond pour le moment. Si, Mesdames et Messieurs, ce Grand Conseil estime qu'il est important de légiférer pour régler les relations de travail entre les employés élus à tous les échelons - communal, cantonal et fédéral - et leurs employeurs, considérant que la législation actuelle ne suffit pas, alors, Mesdames et Messieurs, il faut que ce projet de loi soit entièrement revu. Je demande à ce stade qu'il soit renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Je passe la parole à Mme le rapporteur de majorité, sur ce renvoi.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. A titre personnel, je ne m'y oppose pas, mais je ne sais pas ce que mon groupe va décider.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, je vais vous faire voter sur le renvoi de ce projet de loi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11421 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est adopté par 57 oui contre 16 non.
Premier débat
Le président. Pour l'objet suivant, nous sommes en catégorie II, quarante minutes. M. Edouard Cuendet, le rapporteur de majorité, est remplacé par M. Murat Julian Alder, à qui je passe la parole. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
M. Murat Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je vous prie tout d'abord d'excuser notre estimé collègue Edouard Cuendet, que je vais tenter de remplacer ici dans sa fonction de rapporteur de majorité. De quoi s'agit-il ? La commission législative a été consultée à propos d'un projet de loi déposé par quatre députés, dont le premier signataire a été consulté par la commission. Après avoir consulté ce premier signataire, la commission a consulté le sautier du Grand Conseil. Il est apparu à nos yeux qu'il n'était pas nécessaire de consulter davantage, étant donné que l'éminent jurisconsulte qui a rédigé ce projet de loi avait visiblement failli à son devoir de consulter d'autres personnes, puisque seuls trois membres de son groupe, dont une autre jurisconsulte, ont été associés à la procédure de consultation qui a débouché sur ce projet de loi concernant la consultation.
Maintenant, blague à part, de quoi s'agit-il sur le fond ? Nous connaissons tous ici la passion du député Cyril Mizrahi pour la démocratie participative, très chère également à une femme politique française dont la «bravitude» avait jadis royalement fait rire dans toutes les chaumières de la francophonie. En substance, il s'agit, Mesdames et Messieurs, de donner - c'est écrit à l'article 4 - la possibilité à tout un chacun, à toute personne, à toute association, de s'immiscer dans le processus législatif et de donner son point de vue, alors même que des personnes ont été élues à cet effet. Je salue cette volonté des auteurs du texte de consulter largement les personnes lorsqu'elles sont touchées par un projet de loi, mais cela se fait déjà: par le Conseil d'Etat quand il élabore lui-même un projet de loi, et au sein de notre parlement, car lorsque nous sommes saisis d'un objet, il est fréquent que nous procédions à des auditions, d'ailleurs bien davantage que nécessaire, puisqu'il n'est pas tout à fait à exclure que dans certaines commissions, malheureusement, on aime solliciter des auditions pour pouvoir en quelque sorte fabriquer un ordre du jour et ainsi avoir la garantie d'un nombre suffisant de séances pour les semaines à venir, et donc garantir, pardonnez-moi l'expression anglaise, un «cash-flow» en jetons de présence. Je ne peux que déplorer cette manière de faire. S'il s'agit de l'ériger en système, je le déplorerais encore plus, raison pour laquelle, avec la majorité de la commission législative, je vous invite à écarter d'un revers de main ce projet de loi et à ne pas entrer en matière. Je vous remercie de votre attention.
M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs, chers collègues, peut-être que je vais être moins fin humoriste que mon préopinant, Murat Julian Alder; je pense que le sujet est sérieux. Suite à un traitement en commission qui n'a pas été très sérieux, il faut le dire, j'aimerais indiquer un certain nombre d'éléments. Tout d'abord, s'agissant de la forme, je trouve assez piquant - et je peine à percevoir la cohérence au niveau politique - d'entendre M. Murat Julian Alder, un peu plus tôt dans la journée, au sujet du PL 11415 sur l'Hospice général, nous dire que la majorité de la commission serait passée en force. Ici, on s'aperçoit que visiblement, quand le PLR est dans la majorité, ça ne le gêne absolument en rien de passer en force; dans ce cas précis, c'est véritablement ce qui a été fait, sans aucune vergogne. J'ai aussi entendu - et cela a failli me réjouir, il faut bien le dire - Mme Fontanet déclarer que par rapport à l'installation d'abris pour requérants d'asile, il fallait consulter. J'en ai déduit, mais peut-être abusivement, je ne sais pas, que le PLR aime bien consulter, en fait, sauf quand il est sûr de sa majorité et peut dès lors passer en force.
Cela étant dit, j'en viens au fond. De quoi s'agit-il ? La constitution comporte un article 110 qui prévoit une procédure de consultation; on a également les articles 11 et 135 qui concernent plus spécifiquement les communes. Dans un rapport, le RD 1032 - je crois qu'on doit d'ailleurs se prononcer aujourd'hui sur ce rapport - le Conseil d'Etat reconnaît - c'est l'un des mérites de ce rapport, je le reconnais, moi aussi - qu'il faut légiférer pour la mise en oeuvre de cet article 110 afin d'établir des règles en matière de procédure de consultation. Je rappelle aussi qu'à propos du PL 11458, dont on a eu à traiter récemment, le Conseil d'Etat nous a expliqué qu'il fallait diminuer le nombre de commissions officielles pour privilégier d'autres formes de consultation, notamment la consultation écrite. Or, on a là une occasion, pour la mise en oeuvre de l'article 110 de la constitution, d'avoir justement davantage de consultations écrites. Le Conseil d'Etat reconnaît la nécessité de légiférer, mais il n'a rien fait, et ce qui est dommage, c'est que la commission ait décidé dans sa majorité de simplement ne pas étudier ce projet, sans même avoir entendu le Conseil d'Etat à son propos et surtout sur ses intentions en matière de mise en oeuvre de l'article 110. Il est frappant de constater que la majorité de la commission, qui s'est exprimée contre ce projet de loi, s'est opposée aux auditions en commission, mais s'oppose aussi à l'idée de consultation écrite. On voit bien que ce qui se passe pour la forme est également ce qui est prôné pour le fond. En fait, pour la majorité, la question n'est pas tant de savoir s'il faut consulter par écrit ou s'il faut faire des auditions - ç'aurait été un débat légitime: la majorité ne souhaite pas parler de la question et désire simplement le moins de consultation possible.
Or, que propose ce texte ? On peut discuter des solutions proposées, mais ce projet de loi n'est en rien excessif. Il propose simplement un peu de transparence en matière de consultation. Au niveau fédéral, il y a un site qui regroupe toutes les procédures de consultation sur des actes législatifs fédéraux. N'importe quel citoyen suisse, ou même habitant, peut se prononcer dans ces procédures de consultation qui sont dites ouvertes. Il ne s'agit pas ici d'une lubie royale française...
Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.
M. Cyril Mizrahi. ...mais simplement - j'en viens à ma conclusion, Monsieur le président - d'une tradition suisse qui fonctionne, qui a fait ses preuves. Je pense qu'on pourrait au minimum en discuter avant d'écarter la chose d'un revers de main. Cette proposition est somme toute raisonnable, elle ne va pas toucher une majorité des projets de lois votés dans ce parlement; elle touchera essentiellement ceux...
Le président. Vous passez sur le temps du groupe.
M. Cyril Mizrahi. Merci, Monsieur le président. ...ceux qui sont déposés par le Conseil d'Etat et qui sont de nature générale. Evidemment, toutes les lois de crédit ne sont pas concernées, lois de crédit qui représentent la majorité - certainement 60% à 70% - des projets de lois déposés chaque année par le Conseil d'Etat.
En conclusion, Monsieur le président, il s'agit ici d'une solution pragmatique, dont on peut certes discuter; mais la commission n'a pas voulu tenir cette discussion, sa majorité en tout cas. Ce que je propose aujourd'hui, Monsieur le président, chères et chers collègues, c'est que nous demandions à la commission de faire ce travail et au moins de procéder à l'audition du président du Conseil d'Etat pour connaître les intentions du Conseil d'Etat quant à la mise en oeuvre de cette disposition. Autrement dit, Monsieur le président, je propose que nous renvoyions cet objet à la commission législative. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Monsieur le rapporteur de majorité, sur le renvoi ?
M. Murat Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Je vous remercie, Monsieur le président. C'est assez piquant, je trouve, de demander le renvoi en commission pour entendre le président du Conseil d'Etat, tout en voulant rejeter le rapport du Conseil d'Etat sur la mise en oeuvre de la nouvelle constitution; il y a là quelque chose d'assez contradictoire. Comme l'a relevé le rapporteur de minorité, le Conseil d'Etat lui-même a reconnu qu'il fallait mettre en oeuvre l'article 110 de la constitution, de sorte qu'il n'apparaît absolument pas nécessaire d'entendre le Conseil d'Etat sur ce projet de loi en particulier. Le cas échéant, le Conseil d'Etat pourra lui-même proposer les modifications législatives qu'il estime nécessaires.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11566 à la commission législative est adopté par 47 oui contre 39 non et 1 abstention.
Premier débat
Le président. Nous abordons le point suivant en catégorie II, quarante minutes. Madame le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
Mme Frédérique Perler (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil a consacré deux séances à cet objet. Elle a examiné ce projet de loi avec toute la diligence requise, et la majorité en a conclu qu'au fond, le dispositif qui existe déjà sur le plan fédéral et dans la jurisprudence suffisait amplement et qu'il n'y avait pas nécessité d'imposer à travers ce projet de loi que le Conseil d'Etat ne s'exprime plus avant les votations sur les objets qui peuvent le concerner. La commission a estimé que ce projet de loi imposait trop de restrictions. L'Union démocratique du centre le précise dans son rapport de minorité, ce texte est la résultante de plusieurs débordements qui pourraient être évités par l'adoption de ce projet de loi, ce que la majorité n'a pas voulu entendre en l'occurrence. De plus, Mesdames et Messieurs les députés, en votant ce projet de loi, on empêchera le Conseil d'Etat de s'exprimer sur les votations. J'en veux pour preuve que nous avons reçu ces derniers jours nos enveloppes de vote pour le 25 septembre; tous les débats commencent à battre leur plein, on invite à ces débats autant les membres du Conseil fédéral que ceux de notre exécutif cantonal, afin d'éclairer la population... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et qu'elle puisse se faire une opinion. En ce sens, empêcher le Conseil d'Etat précisément de s'exprimer ne relève pas d'une attitude de bon sens. Je vous remercie.
M. Bernhard Riedweg (UDC), rapporteur de minorité. Ce que demande l'Union démocratique du centre dans son rapport de minorité, c'est que les conseillers d'Etat et les cadres supérieurs de l'administration cantonale ainsi que les exécutifs communaux ne se prononcent pas et n'apparaissent plus dans les médias ainsi que les réseaux sociaux pour publier des commentaires politiques lorsque le matériel de vote a été envoyé. Durant ces quatre semaines précédant la votation, ces politiciens et hauts fonctionnaires doivent s'abstenir de mener campagne. Il s'agit d'une question d'équité, car les partis qui n'ont pas ou peu de moyens financiers ou qui n'ont pas de représentant au Conseil d'Etat... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...ne sont ainsi pas défavorisés. Par contre, en dehors des périodes précédant les votations, le gouvernement a bien évidemment le devoir d'intervenir librement dans le débat politique le cas échéant. Ainsi, les électeurs et électrices se font leur propre opinion sur l'objet soumis en votation et exercent leur volonté librement, sans subir une influence directe durant la période de votation qui débute par la réception des bulletins de vote jusqu'au dimanche de la fermeture des locaux de vote inclus.
De plus en plus, l'exécutif cantonal a tendance à s'immiscer dans les campagnes de votation en s'exprimant dans les médias alors que les électeurs et électrices ont déjà reçu les bulletins de vote à domicile. De plus en plus, les membres de l'exécutif cantonal apparaissent à titre privé et individuellement dans les encarts publicitaires et des affiches que financent quelques groupements et divers comités. Cette manière d'agir peut fausser la formation de la volonté des électeurs. Je donne un exemple: la campagne en vue de la votation du 9 février 2014 où plusieurs membres du Conseil d'Etat avaient prêté leur image dans de très nombreuses annonces publicitaires, financées par des tiers et parues dans les principaux journaux genevois et romands. La jurisprudence tant du Tribunal administratif que du Tribunal fédéral exige de l'autorité politique qu'elle prenne beaucoup de recul lors d'une campagne de votation et évite ainsi de faire de la propagande. Une seule exception est admise: si des informations inexactes sont publiées, le Conseil d'Etat peut rectifier ces informations. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) L'Union démocratique du centre vous demande de bien vouloir voter l'entrée en matière ainsi que l'amendement qui vous sera présenté. Merci, Monsieur le président.
M. Pierre Vanek (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, tout ce qui est demandé par ce projet de loi fort modeste, que la majorité de la commission n'a pas voulu accepter - on aurait pu en effet l'améliorer, l'amender, mais il n'y a pas eu de vote d'entrée en matière - c'est une réserve du Conseil d'Etat pendant trois semaines avant une votation. Or, le Conseil d'Etat a un «input» régulier sur les objets de vote, un «input» sur les travaux parlementaires, peut s'exprimer, il a la haute main sur l'avis des autorités présenté dans la brochure adressée à l'ensemble des ménages du canton. Ce qu'on demande - enfin, je ne suis pas auteur de ce texte, ce que demandent les auteurs de ce projet de loi, c'est que le Conseil d'Etat ne persiste pas à vouloir, en cas de votation, ferrailler jusqu'au bout pour arracher une décision. A un moment, il faut savoir poser le bébé, faire confiance au peuple, laisser les partis s'exprimer. Le Conseil d'Etat - mais qui sont ces sept... J'allais dire ces sept bonshommes, mais il y a une dame ! Ce sont quand même les représentants de partis politiques qui existent, ont des moyens et peuvent par ailleurs, durant cette période, participer à un échange, à un débat politique ! Il n'y a donc aucune raison que ce projet de loi soit présenté comme un problème. Dans le rapport, M. Longchamp indique que si un conseiller d'Etat s'implique en politique, c'est pour porter un projet, une vision, etc.; il n'y a pas de raison qu'ils doivent se taire précisément pendant les périodes de votations. Mais, bon Dieu, ça ne peut pas faire de mal à la population que durant un petit moment, sur certains sujets, les conseillers d'Etat se taisent ! Ils ont abondamment, abondamment, abondamment l'occasion de s'exprimer à d'autres périodes. A contrario, ça peut en effet faire du mal si les conseillers d'Etat s'expriment: comme le dit François Longchamp dans ce rapport, c'est en tant que porteur d'un projet, d'une vision - en dernière instance, en tant que militant - qu'ils s'expriment à ce moment-là. Or, ce n'est pas ça qu'il faut à ce moment-là, parce qu'il peut y avoir une confusion dans l'engagement. Je pense à l'engagement de notre ami... Comment s'appelle-t-il, le conseiller d'Etat chargé de la police ?
Une voix. Maudet !
M. Pierre Vanek. Ah, Maudet, oui, Pierre Maudet ! (Rires. Commentaires.) ...sur la LPol ! Le vote a été arraché à quoi ? Cinquante voix favorables ? Avec un engagement du conseiller d'Etat qui avait sa bobine sur des brochures, des tracts et des machins, ce qui créait une confusion entre l'auteur du message - qui était l'auteur de ces messages en faveur de la LPol ? Le militant du parti qui soutenait ce projet politique, cette vision, ou le conseiller d'Etat en charge du département en question ? Il y a quand même un problème. La demande consistant à dire que les conseillers d'Etat doivent faire preuve d'une certaine réserve... Alors on peut discuter des termes du projet et des dispositions, on pourrait les infléchir. Mais précisément, ce que la majorité qui a refusé l'entrée en matière a voulu, c'est ne pas discuter de ce projet et ne pas nous permettre, le cas échéant, de l'améliorer et de le corriger. Mesdames et Messieurs, je soutiens ce projet, et je trouve que la majorité irréfléchie qui a refusé l'entrée en matière devrait changer d'opinion. Je demanderai que ce projet retourne en commission... (Rires.) ...pour qu'on fasse le travail qui a été dénié. J'aurais quelques propositions pour affiner un peu...
Le président. Il faut terminer, Monsieur le député !
M. Pierre Vanek. ...les dispositions... (Commentaires.) ...mais faisons-le en commission plutôt qu'ici, ce d'autant que mon temps de parole...
Le président. C'est fini, Monsieur le député !
M. Pierre Vanek. ...est, comme vous avez la gentillesse de me l'indiquer, entièrement écoulé. (Rires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un renvoi en commission. Je passe donc la parole au rapporteur de minorité, M. Bernhard Riedweg.
M. Bernhard Riedweg (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Non, je pense qu'il est mieux que nous votions maintenant l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame le rapporteur de majorité ? (Remarque.) Pas de déclaration, parfait. Je mets aux voix cette demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11573 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 52 non contre 15 oui.
Le président. Nous poursuivons notre débat. Je passe la parole à M. le député Gabriel Barrillier.
M. Gabriel Barrillier (PLR). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, la question de savoir si les magistrats peuvent défendre et participer... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...à une campagne avant une votation est récurrente. J'ai - c'est peut-être là le privilège des anciens ! - nous avons voté sur le plan national, en 2008, et refusé une initiative, de l'UDC, d'ailleurs - je regarde le rapporteur de minorité - intitulée «Pas de participation gouvernementale lors de...» ou quelque chose de similaire, j'ai regardé ça très rapidement, mais c'était là le sujet: pas de participation gouvernementale lors d'une votation sur une initiative. Cette initiative a été largement refusée par le peuple. Ça illustre le fait que cette problématique est soulevée... quand ? Sans doute lorsque des initiants ou des référendaires perdent la votation. Ils se plaignent et crient au loup. Le PLR estime qu'à tous les niveaux des institutions, les magistrats doivent avoir la possibilité de défendre leur politique, de donner un cap. On ne peut pas les museler, ils ont une responsabilité, surtout lorsqu'il s'agit d'une responsabilité collégiale. La liberté d'expression, chers collègues, ne saurait être retirée à un membre d'un exécutif qui exprime une position qui, comme je l'ai dit, est collégiale, surtout depuis que la plupart des projets sont quasi systématiquement combattus par référendum. En vertu de la séparation des pouvoirs - eh oui - l'exécutif doit avoir la possibilité, comme je l'ai déjà martelé, de défendre son point de vue. On ne peut pas le museler, comme le peuple suisse, je l'ai dit tout à l'heure, à une écrasante majorité, a refusé sur le plan national une initiative qui d'ailleurs provenait d'un parti, l'UDC, qui a déposé ce projet de loi. Pour toutes ces raisons, le PLR va refuser ce texte qui exprime, je suis désolé de vous le dire, une défiance récurrente et viscérale à l'égard des autorités, à quelque niveau que ce soit. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, le débat démocratique est inhérent à la vie politique, intimement lié à la vie parlementaire et à celle des exécutifs. Dans ce sens, le Conseil d'Etat doit pouvoir s'impliquer dans la formation de l'opinion de la population. Nos campagnes sont courtes, elles démarrent très souvent au moment même où l'on reçoit le matériel de vote, c'est-à-dire trois ou quatre semaines avant la votation. Priver le Conseil d'Etat de toute expression au moment même où le débat a lieu est un non-sens évident. Priver trois semaines avant, c'est priver tout court. Toutefois, et nous tenons à le préciser ici, la liberté d'expression ne signifie pas forcément la sur-communication. Nous attendons dès lors du Conseil d'Etat une certaine retenue, une certaine sobriété aussi, loin de l'omniprésence sur les réseaux sociaux qui a animé par exemple la dernière votation. La réserve et la modération devraient naturellement être des valeurs intrinsèques au statut d'un conseiller d'Etat. Cela étant dit, je vous invite toutes et tous à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Il est piquant de relever, comme l'a dit M. Barrillier, que ce projet de loi émane d'un parti qui a déjà déposé au plan national une initiative dont le titre exact était: «Souveraineté du peuple sans propagande gouvernementale». Elle a bel et bien été rejetée, en 2008, à plus de 85% à Genève. Il me semblait pourtant avoir entendu de ce parti que rien n'était supérieur à la volonté du peuple, qu'il fallait la respecter, etc. Nous pouvons donc constater que c'est surtout valable quand ça arrange le parti qui a déposé ce projet de loi. Ce serait intéressant de débattre avant les votations d'un objet, qui, à la place de «Pour une libre formation de l'opinion publique sans propagande du Conseil d'Etat», pourrait avoir pour titre «Pour une libre formation de l'opinion publique sans propagande du tout», en imaginant qu'à partir du moment où la population a reçu son bulletin de vote, elle serait libre de se renseigner sans qu'il y ait de propagande ni des partis, ni du Conseil d'Etat, ni de personne, ni non plus sur les réseaux sociaux, et de réellement laisser la population se forger toute seule sa propre opinion. Mais ne museler qu'une partie des concernés par la votation semble amener - on l'a mentionné - un problème évident d'équité. Le gouvernement, genevois en l'occurrence, a certains intérêts. Concernant les votations fédérales, il a été relevé la présence de l'opinion du Conseil d'Etat dans le débat sur l'initiative sur l'immigration de masse: je pense que le peuple genevois attend de son gouvernement qu'il défende les intérêts de Genève dans des votations qui concernent très fortement notre canton. Il paraît donc vraiment non seulement contre-productif sur le plan du débat démocratique, mais bel et bien des intérêts de Genève, de museler une partie de ses autorités. Par conséquent, vous l'aurez compris, le parti démocrate-chrétien vous encourage à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés - vu tout ce que j'ai entendu, je ne vais peut-être pas ajouter le «chers collègues», parce que vous allez dire que je tombe dans l'angélisme et la séduction - voilà exactement, dans les propos de Mme Hirsch et d'autres, la manière dont on trompe les gens, dont on déforme le sujet et dont on le porte sur un point qu'il ne concerne pas. Vous me permettrez donc de rectifier, sans que j'aie aucune illusion sur l'issue de la votation; mais ça doit au moins être dit. J'aime bien, Madame Hirsch, quand vous affirmez...
Le président. Adressez-vous à la présidence, Monsieur le député.
M. Patrick Lussi. ...que l'UDC refuse la votation populaire. Peut-être, mais je rappellerai que bien souvent, nos décisions populaires sont combattues par les tribunaux suite à des recours. Alors à ce sujet, si l'initiative populaire a peut-être été refusée, l'arrêt du Tribunal fédéral 114 Ia 427 considère que l'apparition du Conseil d'Etat ou de ses membres à titre privé - à titre pri-vé ! on parle bien du titre privé !... Et on parle dans ce projet de loi du mercenariat que les conseillers d'Etat offrent à de grands groupes financiers en prêtant leur image pour donner un message politique contre l'initiative. Vous me direz, à quel moment dans ce projet de loi empêche-t-on nos hommes politiques de se prononcer tout au long de la vie politique normale ? Ce n'est pas le cas. En fait, Mesdames et Messieurs, vous me permettrez d'avoir ce petit mot: s'agissant de ce projet de loi et de ceux qui s'en font les ardents opposants, soi-disant vertueux, eh bien c'est exactement le paradigme de nos sociétés que vous cherchez à changer. Insidieusement, vous voulez nous amener vers une démocratie représentative, puisque le peuple, selon beaucoup d'entre vous, ne sait pas voter et vote faux. Seuls ceux que vous avez prétendument choisis et inscrits sur les listes auront le droit de vie et de mort sur chacun, et la démocratie directe ou semi-directe, caractérisée par les droits de référendum et d'initiative, qui lui sont propres et sont tellement aimés et enviés dans d'autres pays de l'Europe, à laquelle vous voulez adhérer, vous voulez nous l'enlever. Eh bien, vous nous permettrez de mener toujours ces combats d'arrière-garde, et même si ça vous déplaît, Mesdames et Messieurs les députés, je vous dirai que ce texte est plus que censé, que l'UDC a quelques longueurs d'avance sur les autres et qu'un jour, nous y viendrons vraiment. Je vous invite donc à accepter ce projet de loi. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas vous surprendre en vous disant qu'au parti socialiste, nous aimons bien les lois - d'ailleurs, on nous le reproche parfois - mais nous aimons les lois qui affranchissent et non les lois qui musellent. En l'occurrence, nous estimons qu'il n'y a pas de nécessité de légiférer, contrairement à ce qu'a dit mon collègue Pierre Vanek: il ne s'agit pas de discuter du placement de la virgule, nous estimons qu'il n'a pas été constaté d'abus de la possibilité pour le gouvernement de donner son avis. Après, si des conseillers d'Etat estiment utile de se répandre sur Facebook tant et plus, je ne pense pas qu'il faille adopter une loi ad hoc pour régler ce problème, si faire se peut. C'est dire si nous estimons que légiférer en la matière n'est pas nécessaire. Au parti socialiste, nous sommes très attachés aux droits démocratiques, nous sommes très attachés aux droits populaires, à faciliter ces droits, mais nous ne sommes pas favorables, par contre, à un musellement du gouvernement. Nous estimons que le gouvernement n'est pas un arbitre, il est un acteur qui doit pouvoir s'exprimer, bien sûr avec une certaine retenue, sans doute, c'est souhaitable, mais il doit pouvoir s'exprimer comme d'autres acteurs; c'est utile à la formation de l'opinion. Quand j'entends Mme Hirsch évoquer l'idée que finalement, on pourrait museler tout le monde, je trouve cela inquiétant, franchement. Comment peut-on avoir un processus de formation de l'opinion - c'est un terme qu'on chérit en Suisse - si les acteurs de la vie politique ne sont pas autorisés à s'exprimer ? Ça me semble une vision vraiment très restrictive de la liberté d'expression. Evidemment qu'il peut y avoir un problème d'égalité des armes dans une campagne de votations. Mais à ce moment-là, il ne faut pas s'attaquer au fait que le gouvernement puisse s'exprimer, mais à la question du financement des partis politiques, à celle du financement des campagnes. A Genève, nous avons posé un certain nombre de jalons quant à la transparence et au financement, qui n'existent pas ailleurs en Suisse. Cela forme un garant d'un meilleur équilibre, d'une plus grande égalité des armes; bien sûr, ce sont des pas encore timides et nous souhaiterions aller plus loin, mais ce n'est pas l'objet du texte qui nous est soumis aujourd'hui, que nous vous invitons à refuser. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Est-ce que les rapporteurs souhaitent s'exprimer ? (Remarque.) Monsieur Bernhard Riedweg, il vous reste une minute.
M. Bernhard Riedweg (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous serions d'accord avec l'intervention des conseillers d'Etat si tous les partis étaient représentés au Conseil d'Etat. Ce n'est pas le cas pour deux partis de cet hémicycle. Merci, Monsieur le président.
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, si nous sommes toutes et tous dans cette salle élus au gouvernement ou au parlement, c'est que nous aimons la politique; c'est que nous aimons le débat, nous aimons convaincre, indiquer un cap, fixer une direction, nous aimons voter des lois, nous aimons nous impliquer dans la vie publique. Monsieur Vanek, je croyais que nous avions cette passion commune de la politique. Quel est ce monde dans lequel les élus du peuple seraient priés de se taire au moment précis où un débat politique se noue sur tel ou tel sujet au sein de la démocratie suisse, l'une des démocraties les plus fécondes qui soient, qui permet de débattre par le biais des initiatives populaires, par le biais des référendums, à dates régulières, sur à peu près tous les sujets sur lesquels le peuple souhaite s'exprimer ? Mesdames et Messieurs, ce n'est pas notre vision de la politique, ça ne doit pas l'être; nous devons aimer le débat, nous devons aller au-devant de nos concitoyens pour pouvoir justement produire ces débats, les animer, et nos concitoyennes et concitoyens sont largement assez adultes pour se forger des opinions sages sur tous les sujets, à propos desquels nous avons le devoir de respecter les positions du peuple une fois qu'il a tranché.
Monsieur Lussi, vous appeliez au respect du peuple. Regardons le résultat de votre initiative qui visait très exactement à museler le Conseil fédéral dans les campagnes de votations fédérales: à 85%, le peuple genevois a dit non à cette idée. Respecter le peuple, c'est précisément dire aujourd'hui que ce projet de loi est contraire à une opinion du peuple récemment exprimée, qui veut que les élus politiques puissent justement faire de la politique. Allons encore plus loin: on peut museler les membres du gouvernement, mais pourquoi pas les députés, finalement ? Pourquoi ne vous musellerait-on pas vous aussi ? Vous influez aussi sur l'opinion ! Alors merci, et prière de se taire pendant les mois qui précèdent des votations ! Mais on laissera la parole à qui, Monsieur Lussi ? A ceux qui auront les moyens d'envoyer des tous-ménages, parce qu'ils sont riches, à l'ensemble de la population suisse pour expliquer - alors qu'on est un ancien conseiller fédéral - ce que l'actuel Conseil fédéral devrait faire ? (Applaudissements.) Non, Monsieur, ce n'est pas ainsi qu'on doit pratiquer la politique; la politique, c'est aimer le débat, c'est aller au-devant des concitoyens. Je me réjouis de vous voir peut-être le 17 septembre... C'est bien cela, Madame Roy ? ...à Carouge, à un stand de mon parti auquel je me rends très régulièrement, avant chaque votation, pour rencontrer des citoyens qui me racontent mille histoires, avec qui j'échange, que parfois peut-être je convaincs, parfois pas, peu importe - c'est ça, la richesse de la vie sociale, la richesse de la politique, et c'est là ce qu'on doit défendre. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à aimer la politique, c'est-à-dire à refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 11573 est rejeté en premier débat par 57 non contre 26 oui et 5 abstentions.
Premier débat
Le président. Pour l'objet suivant de l'ordre du jour, le rapporteur de minorité, M. Michel Amaudruz, est remplacé par M. le député Bernhard Riedweg. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. On pourrait comprendre la dynamique et la volonté des signataires de ce texte, lorsqu'on voit notamment la volonté contenue dans un des précédents projets de lois, le PL 11421, qui, justement, visait à revenir sur une modification réglementaire - celle qui portait sur l'exercice d'un mandat électif - et proposait de corriger ce règlement en complétant la loi. On peut comprendre la volonté d'instaurer un droit de veto au sein du parlement, avec un tiers des députés pour le demander et deux tiers pour l'accepter et permettre d'opposer un veto à un règlement du Conseil d'Etat. Malheureusement pour les signataires de ce projet de loi, des instruments existent aujourd'hui, les instruments d'une démocratie qui fonctionne, avec un pouvoir législatif, le parlement, et en parallèle un pouvoir exécutif, le Conseil d'Etat. Les moyens existent. Tout d'abord, il existe la primauté du droit: en effet, un règlement découle d'une loi, il ne peut pas y avoir de règlement sans loi. Par conséquent, il doit respecter la loi; s'il est contraire à celle-ci, un recours est tout à fait possible, d'autant plus qu'il existe maintenant dans le canton de Genève une cour constitutionnelle, l'organe adéquat pour un tel recours. Si un règlement découle d'une loi et qu'il y a, je dirais, le sentiment que ce règlement ne respecte pas cette loi, au-delà du recours existe aussi la possibilité de modifier la loi. Là encore, le parlement peut le faire, là encore, le parlement n'a pas besoin d'avoir un tiers des députés pour effectuer cette protestation: il suffit d'un seul et unique député pour déposer un projet de loi. Enfin, je le mentionnais, des objets législatifs permettent de modifier un règlement de façon directe ou indirecte: le projet de loi est un moyen que l'on peut qualifier de direct; des motions ou résolutions peuvent aussi modifier un règlement de manière indirecte.
Par conséquent, aussi pour préserver, ou en tout cas améliorer le bon fonctionnement de notre parlement - et je vous félicite, Monsieur le président, de ce que notre parlement semble mieux fonctionner, bien qu'on voie toujours un grand nombre de renvois en commission, d'allers-retours avec les commissions, ce qu'on peut déplorer, je pense - pour le bon fonctionnement de notre démocratie, donc, il n'est pas forcément nécessaire d'instaurer un droit de veto en plus de toutes les possibilités d'opposition que le canton de Genève possède en grand nombre, notamment en comparaison avec le canton de Vaud, où il n'existe même pas la possibilité de formuler des projets de lois détaillés comme nous l'avons à Genève. Il existe donc beaucoup de moyens pour permettre la modification d'un règlement si le corps législatif n'en est pas satisfait, c'est pourquoi la majorité de la commission vous invite à refuser ce projet de loi.
M. Bernhard Riedweg (UDC), rapporteur de minorité ad interim. Avec ce projet de loi, le Grand Conseil souhaite contrôler les règlements que le Conseil d'Etat promulgue. Un règlement peut être modifié par le Conseil d'Etat sans qu'il s'en réfère au Grand Conseil, ce qui n'est pas le cas d'un projet de loi pour lequel le Grand Conseil se prononce car il dispose de cette compétence. En d'autres termes, le Conseil d'Etat pourrait tenter d'obtenir ce qu'il veut au travers d'un règlement alors même que le Grand Conseil aurait refusé ses propositions. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Avec ce projet de loi tel que soumis à la commission des droits politiques, 30 députés peuvent faire opposition à un règlement adopté par le Conseil d'Etat; lorsque l'opposition est confirmée par la majorité des deux tiers des députés présents, le règlement est renvoyé au Conseil d'Etat.
De plus en plus, on constate des écarts importants entre les actes législatifs du Conseil d'Etat et la volonté des parlementaires. Afin d'augmenter les chances d'adoption d'un projet de loi, le Conseil d'Etat tend à inscrire au préalable dans le règlement des éléments politiquement litigieux. Le Grand Conseil a la possibilité de corriger la loi sur certains points lorsqu'il estime que le Conseil d'Etat ne respecte pas les conditions de la délégation législative. Pour assurer le respect de sa volonté, le Grand Conseil peut adopter des lois contenant des détails pour se défendre des risques découlant d'une trop grande liberté de jugement accordée au Conseil d'Etat.
L'introduction d'un droit de veto du Grand Conseil sur les règlements du Conseil d'Etat renforcera la garantie que ceux-ci respectent l'esprit et la lettre de la loi. En effet, le législatif que nous sommes pourrait voter une loi vide et tout serait «fourgué» dans le règlement par l'exécutif. Ce projet de loi octroie un nouvel instrument au Grand Conseil afin de s'assurer que le Conseil d'Etat respecte sa volonté et celle du peuple qu'il représente. Les droits démocratiques des citoyens et des citoyennes en sortiront renforcés puisque les risques que la volonté populaire soit trahie... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...voire bafouée seront diminués. Mesdames et Messieurs les députés, l'Union démocratique du centre vous demande de bien vouloir accepter l'entrée en matière de ce projet de loi puis de le voter ainsi qu'amendé à la page 10 du rapport de minorité qui vous est soumis. Merci, Monsieur le président.
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, le groupe PLR s'opposera évidemment à ce projet de loi parce que l'énoncé de la loi consacre le droit de veto. Or le terme veto signifie «je m'oppose», et je pense qu'il n'est pas du tout dans notre fonction de législateur de nous opposer à l'action du gouvernement que nous voulons justement cadrer en votant des lois. Dès lors que l'on se positionne de cette manière-là, on s'immisce dans l'action du gouvernement et on fait fi de la séparation des pouvoirs. Je vous rappelle que notre rôle est de légiférer tandis que l'exécutif agit dans le cadre des lois votées et que le contrôle de l'application des lois se fait par le pouvoir judiciaire. Ce sont de grands principes auxquels nous ne devons pas déroger. S'agissant du contrôle de l'action du gouvernement, c'est tout à fait autre chose et, là, les instruments en place sont déjà largement suffisants.
Maintenant, concernant le rapport de minorité, j'aimerais attirer votre attention sur l'amendement que le groupe UDC voulait proposer, dont voici la seconde partie: «[...] Lorsque l'opposition est confirmée par la majorité absolue des députés présents au Grand Conseil, le règlement est renvoyé au Conseil d'Etat.» On ne parle plus de majorité des deux tiers mais de majorité absolue, donc on voit bien qu'il y a une réelle intention du groupe UDC d'utiliser tous les moyens à disposition pour paralyser l'action gouvernementale. Pour le groupe PLR, ce comportement politique est totalement inadmissible, et je vous invite donc à refuser ce projet de loi. Merci.
M. Pierre Vanek (EAG). Oui, le projet de loi qui a été déposé pose toutes sortes de problèmes. La volonté de brider l'action du gouvernement, d'opposer un veto à ceci ou cela est certes parfaitement légitime, comme il est parfaitement légitime de se méfier des règlements d'un Conseil d'Etat qui pourrait avoir la tentation d'y glisser des éléments devant plutôt figurer dans une loi et ainsi d'éviter la sanction populaire; mais que notre dispositif institutionnel comporte déjà un droit de veto, qui est le principal et qu'il s'agit de défendre, celui du peuple via le référendum. Or précisément en matière de règlements, on échappe à celui-ci.
La formulation de la disposition telle que la proposent les auteurs, c'est-à-dire 30 députés au Grand Conseil pour faire opposition à un règlement puis une confirmation de ce veto par une majorité des deux tiers pour le renvoyer au Conseil d'Etat, pose un grand problème. Pourquoi cette majorité qualifiée des deux tiers pour barrer la route à un règlement alors qu'une majorité simple permet de voter un projet de loi qui bride les velléités discutables que pourrait avoir le gouvernement, avec l'avantage que celui-ci est soumis à un débat public, dans lequel les conseillers d'Etat pourront s'exprimer jusqu'à la dernière minute afin d'assouvir leur passion de l'expression politicienne, et que le peuple se prononce ensuite ? Le projet de loi proposé ne fonctionne pas de manière satisfaisante mais le député d'Ensemble à Gauche présent en commission a tout de même voté son entrée en matière pour marquer le fait qu'il y a un réel problème avec les règlements du Conseil d'Etat et leur contrôle par celui-ci.
Le rapporteur - c'est M. Riedweg qui remplace Michel Amaudruz dans cette affaire - défend maintenant un amendement qui corrige quelque peu le texte de loi initial. Je crains que la correction ne soit pas suffisante pour emporter mon adhésion ou celle de mon groupe; si je ne m'étais pas fait moucher tout à l'heure en proposant le renvoi en commission de l'un de vos projets pour tenter de continuer à en discuter et l'améliorer, je le proposerais à nouveau mais je vais m'abstenir de le faire - vous prenez vos responsabilités. En l'état, Mesdames et Messieurs, nous n'entrerons pas en matière sur ce projet de loi, même s'il soulève une problématique réelle et qu'un certain nombre de questions pertinentes auraient pu trouver leur réponse dans le travail de la commission qui n'a pas eu lieu.
M. Stéphane Florey (UDC). Tous les groupes ici présents ont, à un moment ou à un autre, été totalement insatisfaits des décisions prises par voie réglementaire. Vous pouvez chercher aussi loin que vous voudrez, on pourrait citer toutes sortes d'exemples - la liste serait trop longue pour que je les énumère maintenant - qui prouvent qu'une fois ou l'autre, chacun ici s'est indigné parce que des dispositions avaient été modifiées par voie réglementaire. Je citerai juste un exemple, l'un des derniers en date, à savoir la problématique du quatorzième salaire: le Grand Conseil avait refusé l'octroi de celui-ci, et qu'a fait le gouvernement ? Il s'est arrangé pour faire passer la disposition par voie réglementaire en dépit de l'opinion de notre parlement !
Voilà pourquoi la disposition nous semble importante, et M. Romain de Sainte Marie se trompe totalement lorsqu'il dit que des outils législatifs existent, c'est parfaitement faux. Vous ne pouvez pas modifier un règlement par projet de loi; le seul moyen qu'on ait à disposition est la motion, et vous savez très bien - vous transmettrez, Monsieur le président - ce que fait le gouvernement des motions: dans 99% des cas, il s'assied dessus, donc vous pouvez lui renvoyer toutes les motions que vous voulez pour modifier un règlement, il en fera ce qu'il veut bien puisque c'est justement la voie réglementaire qu'il choisit dans la plupart des cas pour s'opposer aux décisions du Grand Conseil. C'est bien ce qui est regrettable dans cette affaire, c'est qu'il s'agit finalement d'un déni de la volonté du Grand Conseil.
Maintenant, pourquoi la majorité des deux tiers ? Je vous invite à relire la LRGC - ou à la lire tout court, pour certains d'entre vous, parce que je suis convaincu que bon nombre de députés ici présents n'ont jamais ouvert cette loi et que la plupart ne prennent même pas connaissance des projets de lois qui leur sont soumis ! Alors pour une fois dans votre vie de député, allez lire la LRGC de A à Z et vous vous rendrez compte que la condition d'obtention d'une majorité des deux tiers figure dans de nombreuses dispositions. Dernier exemple en date: l'introduction du référendum facultatif avec l'ajout d'un article selon la loi sur... (Un instant s'écoule.) Bon, j'ai oublié le nom de la loi mais enfin c'est une disposition dont l'acceptation est régie par la majorité des deux tiers, donc il n'y a rien d'exceptionnel là-dedans. Vous ferez ce que vous voudrez de ce projet de loi, mais ne venez surtout pas pleurnicher la prochaine fois que le gouvernement roulera le Grand Conseil dans la farine en modifiant des dispositions réglementaires contre notre avis.
Une voix. Bravo !
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Monsieur le président, j'aimerais que vous rassuriez tant le rapporteur de minorité que M. Florey: le Conseil d'Etat ne peut pas promulguer un règlement contraire à la loi, ainsi que vient de le dire M. Florey, ce n'est pas possible ! Ce projet de loi propose que 30 députés puissent dire qu'ils ne veulent pas de tel ou tel règlement et que ce soit adopté aux deux tiers. Or la meilleure manière de s'opposer à un règlement du Conseil d'Etat est de rédiger une loi contraire au règlement du Conseil d'Etat qui, si elle est acceptée par la majorité simple de notre Grand Conseil, sera supérieure au règlement ! Il me semble que notre parlement dispose de tous les moyens nécessaires pour s'opposer à un règlement du Conseil d'Etat avec la possibilité de déposer un projet de loi et non pas simplement une motion, Monsieur Florey !
Honnêtement, ce projet de loi est inutile et rend de surcroît les choses très confuses car il permet au Grand Conseil de se mêler de quelque chose qui, en termes de compétences, appartient au Conseil d'Etat sans utiliser les compétences qui lui sont théoriquement propres. Faisons notre travail - des projets de lois, des motions pour d'autres choses - et laissons le Conseil d'Etat faire le sien avec les règlements. Monsieur le président, le parti démocrate-chrétien n'entrera pas en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Frédérique Perler (Ve). A l'instar d'autres partis, les Verts n'entreront pas en matière sur ce projet de loi. J'aimerais brièvement rappeler, même si le rapporteur de majorité M. de Sainte Marie l'a déjà fait, qu'un règlement découle d'une loi: le législatif vote une loi et l'exécutif, c'est-à-dire le Conseil d'Etat, la met en application. Certes, un règlement du Conseil d'Etat peut nous déplaire, même fortement, et j'en veux pour preuve le PL 11421 que nous avons renvoyé en commission tout à l'heure et qui garantit, selon son titre, les droits démocratiques fondamentaux: M. Vanek ne s'est pas privé de déposer un projet de loi sur un article de règlement qui ne lui plaisait pas ! Notre Grand Conseil - c'est une question de respect de l'équilibre des pouvoirs - a la possibilité, si un règlement ou une partie d'un règlement ne lui convient pas ou qu'il est contraire à l'esprit de la loi, d'élaborer un projet de loi et d'examiner cette question, cela relève de notre compétence.
Par ailleurs, les Verts considèrent que voter un tel projet de loi reviendrait à ouvrir la porte à des oppositions multiples et variées sur les règlements. Vous imaginez bien, Mesdames et Messieurs, qu'une telle systématique entraînerait la paralysie non seulement du travail de l'exécutif mais également de l'ordre du jour de notre parlement ! Approuver ce projet de loi, c'est délibérément semer la confusion la plus totale entre les pouvoirs législatif et exécutif. Par conséquent, je le répète, nous refuserons ce projet de loi.
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, cher Monsieur Florey - vous transmettrez, Monsieur le président - oui, il m'arrive effectivement d'être en désaccord avec le Conseil d'Etat, même relativement souvent, il m'arrive parfois même d'être en désaccord avec des décisions de justice, mais ce n'est pas pour autant que je vais faire la justice à la place des juges ! De la même manière, ce n'est pas pour autant que je vais rédiger des règlements à la place du Conseil d'Etat.
J'étais par exemple en désaccord - et mon groupe avec moi - s'agissant de la suppression de l'aide au paiement de l'assurance-maladie - les fameux 40 F; eh bien nous avons déposé un projet de loi et certains nous ont reproché de nous mêler de ce qui se trouve dans le règlement. Non ! On peut, par un projet de loi, décider qu'une question est de rang législatif et si une majorité nous suit, ce qui n'était pas le cas en l'occurrence - et j'accepte cette règle démocratique - on a la possibilité de forcer en dernier lieu le Conseil d'Etat à adapter son règlement. C'est un privilège des législateurs, de vous, Monsieur Florey, de moi, de nous toutes et tous ici.
De même, lorsqu'une décision de justice ne nous convient pas, on a la possibilité de modifier la loi - sous réserve bien évidemment de la force contraignante du droit supérieur. Ensuite, si le gouvernement ne fait pas son travail et que le désaccord n'est pas d'ordre politique mais juridique, on peut, dans les trente jours, saisir la chambre constitutionnelle d'un recours abstrait contre le règlement pris dans son ensemble ou encore saisir les tribunaux lors de décisions d'application de ces règlements et, à cette occasion, les tribunaux ont encore la possibilité d'énoncer qu'un règlement est illégal.
En substance, c'est une question de séparation des pouvoirs qui est un corollaire de l'Etat de droit et nous, parti socialiste, ne sommes pas favorables à la démocratie d'assemblée, nous ne sommes pas non plus favorables à ce que le parlement s'octroie d'autres rôles que celui qui est le sien, qui est noble et qui anime notre passion dont le président du Conseil d'Etat parlait tout à l'heure, celle de légiférer. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Est-ce que le rapporteur de minorité souhaite s'exprimer ? (Remarque.) Il vous reste une minute trente. (Remarque.) Non ? D'accord, et vous, Monsieur le rapporteur de majorité ? (Remarque.) Non plus, je vous remercie et cède alors la parole au président du Conseil d'Etat, M. François Longchamp.
M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup d'entre vous ont rappelé les principes élémentaires du droit qui veulent que les organes parlementaires votent des lois, c'est-à-dire des normes générales et abstraites, et que les règlements d'application relèvent de la compétence des gouvernements. Ceux qui seraient insatisfaits du contenu d'un règlement peuvent soit donner des degrés de précision plus importants aux lois afin d'éviter des interprétations qui leur seraient contraires soit, s'ils estiment qu'un règlement est contraire au dispositif même de la loi, saisir la justice pour faire valoir leurs arguments - celle-ci est d'ailleurs saisie régulièrement pour ce genre de situation. Je vous rappelle qu'en matière de droits politiques la moitié des recours en Suisse émanent du canton de Genève, ce qui démontre manifestement une certaine fécondité en la matière et garantit que les droits sont respectés. Je vous invite donc à refuser l'entrée en matière de ce projet de loi et à en rester aux principes élémentaires du droit qui ont cours dans nos démocraties depuis des décennies voire des siècles, ce qui est fort bien ainsi.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir vous prononcer sur l'entrée en matière de ce texte.
Mis aux voix, le projet de loi 11588 est rejeté en premier débat par 54 non contre 21 oui et 7 abstentions.
Le projet de loi 11807 est retiré par ses auteurs.
Le président. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs, et vous octroie généreusement une pause jusqu'à 17h.
La séance est levée à 16h30.