Séance du
jeudi 3 décembre 2020 à
14h
2e
législature -
3e
année -
7e
session -
40e
séance
La séance est ouverte à 14h, sous la présidence de M. François Lefort, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Serge Dal Busco, Mauro Poggia, Antonio Hodgers et Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat, Pierre Maudet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Antoine Barde, Jean Batou, Christian Bavarel, Beatriz de Candolle, Emmanuel Deonna, Adrien Genecand, Alessandra Oriolo, Charles Selleger, Adrienne Sordet, Vincent Subilia, Salika Wenger et Raymond Wicky, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Glenna Baillon-Lopez, Pierre Bayenet, Sophie Desbiolles, Joëlle Fiss, Patrick Malek-Asghar, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier, Helena Rigotti et Esther Schaufelberger.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons reçu plusieurs demandes de modifications de l'ordre du jour. Je rappelle qu'elles doivent toutes être votées à la majorité des deux tiers. Pour commencer, le Bureau et la commission de l'économie nous proposent l'ajout et l'urgence sur le PL 12804-A «autorisant l'ouverture de certains commerces et services en cas d'état de nécessité déclaré ou de pandémie».
M. Jean Romain. On n'entend rien !
Le président. C'est curieux, parce que mon micro est ouvert. Si M. Jean Romain, assis au troisième rang, n'entend rien, est-ce que M. Baertschi, qui se trouve au dernier rang, entend quelque chose ? (Remarque.) Voilà, alors Monsieur Romain, si tout là-haut M. Baertschi m'entend parfaitement, cela devrait être votre cas aussi. Je reprends la procédure de vote.
Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour du rapport PL 12804-A est adopté par 64 oui contre 2 non et 1 abstention (majorité des deux tiers atteinte).
Mis aux voix, le traitement en urgence du rapport PL 12804-A est adopté par 56 oui contre 13 non (majorité des deux tiers atteinte).
Le président. Cet objet figurera sur la liste des urgences, à la suite de celles acceptées la semaine dernière. Nous passons à la requête suivante du Bureau et de la commission de l'économie: l'ajout et l'urgence sur le PL 12810-A «sur l'aide financière extraordinaire de l'Etat destinée aux entreprises en complément aux cas de rigueur définis par la loi fédérale COVID-19 du 25 septembre 2020».
Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour du rapport PL 12810-A est adopté par 71 oui contre 4 non (majorité des deux tiers atteinte).
Mis aux voix, le traitement en urgence du rapport PL 12810-A est adopté par 67 oui contre 5 non (majorité des deux tiers atteinte).
Le président. Ce rapport figurera également sur la liste des urgences. Nous sommes saisis d'une dernière proposition conjointe du Bureau et de la commission de l'économie, à savoir l'ajout et l'urgence sur le PL 12812-A «sur l'aide financière extraordinaire de l'Etat destinée aux commerces contraints à la fermeture dans le cadre de la crise sanitaire du coronavirus (COVID-19)».
Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour du rapport PL 12812-A est adopté par 72 oui (unanimité des votants) (majorité des deux tiers atteinte).
Mis aux voix, le traitement en urgence du rapport PL 12812-A est adopté par 75 oui (unanimité des votants) (majorité des deux tiers atteinte).
Le président. Nous traiterons ce point à la suite des autres urgences. Le Bureau nous demande encore l'ajout, la discussion immédiate et l'urgence sur le PL 12836 «permettant de soutenir les organismes privés à but non lucratif oeuvrant en faveur des personnes en situation de précarité en lien avec la crise sanitaire de la COVID-19».
Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour du projet de loi 12836 est adopté par 74 oui et 1 abstention (majorité des deux tiers atteinte).
Mise aux voix, la discussion immédiate du projet de loi 12836 est adoptée par 74 oui et 2 abstentions (majorité des deux tiers atteinte).
Mis aux voix, le traitement en urgence du projet de loi 12836 est adopté par 76 oui et 3 abstentions (majorité des deux tiers atteinte).
Le président. Ce projet de loi figurera sur la liste des urgences. Ensuite, le Conseil d'Etat propose l'ajout à l'ordre du jour du PL 12837 «accordant une indemnité extraordinaire à la Fondation Genève Tourisme & Congrès pour les années 2021 et 2022 dans le cadre des mesures liées à la crise sanitaire du coronavirus (COVID-19)». Si vous acceptez cet ajout, Mesdames et Messieurs, il sera renvoyé à la commission de l'économie.
Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour du projet de loi 12837 est adopté par 81 oui et 1 abstention (majorité des deux tiers atteinte).
Le président. Ce texte est donc renvoyé à la commission de l'économie. Le Conseil d'Etat nous demande encore l'ajout du PL 12838 «modifiant la loi sur le tourisme» pour un renvoi à la commission de l'économie également.
Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour du projet de loi 12838 est adopté par 80 oui (unanimité des votants) (majorité des deux tiers atteinte).
Le président. Cet objet est donc renvoyé à la commission de l'économie. Enfin, le gouvernement souhaite l'ajout et le traitement en urgence de la M 2704-A «Impact du COVID-19 sur les démarches administratives et fiscales: soutenons nos administrés et nos entreprises !». Pour mémoire, il s'agit d'une proposition de motion que nous avons votée la semaine passée.
Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour du rapport du Conseil d'Etat M 2704-A est adopté par 79 oui et 1 abstention (majorité des deux tiers atteinte).
Mis aux voix, le traitement en urgence du rapport du Conseil d'Etat M 2704-A est adopté par 74 oui et 1 abstention (majorité des deux tiers atteinte).
Le président. Ce rapport figurera sur la liste des urgences. La parole est sollicitée par M. le député Pierre Eckert.
M. Pierre Eckert. Non, non, je n'ai pas demandé la parole. Je renonce, Monsieur le président.
Le président. Vous renoncez, d'accord.
Correspondance
Le président. L'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil vous a été envoyé par messagerie. Cet énoncé figurera au Mémorial.
Courrier du Syndicat des Services Publics relatif à la situation aux HUG (C-3967)
Le président. La parole est à M. Jean Burgermeister.
M. Jean Burgermeister (EAG). Je vous remercie infiniment, Monsieur le président, et je propose la lecture du courrier 3967 rédigé par le Syndicat des services publics concernant la situation aux HUG.
Le président. Bien, merci. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, alors je cède le micro à M. Jean-Luc Forni, deuxième vice-président, pour la lecture de ce courrier 3967.
Annonces et dépôts
Néant.
Premier débat
Le président. Nous arrivons maintenant aux objets liés au budget, le premier étant le PL 11471-2-B que nous traitons en catégorie II, quarante minutes. Est-ce que les rapporteurs souhaitent s'exprimer ? Je ne vois pas M. Velasco, rapporteur de majorité... Monsieur Sormanni, rapporteur de minorité, je vous donne la parole.
M. Daniel Sormanni (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président... (Commentaires.) J'y vais ? Oui, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est peut-être utile de rappeler que ce projet de loi, qui date d'il y a très longtemps, émanait à l'origine du PLR. Lors de la séance plénière du 13 octobre 2016, ses représentants l'avaient retiré et je l'avais repris au nom du MCG. Il a ensuite été longuement étudié à la commission de l'énergie, il a fait plusieurs allers-retours entre la plénière et la commission.
Le but de ce texte est de définir comment le «résultat de gestion», entre guillemets, c'est-à-dire le bénéfice des Services industriels, est réparti, quels intérêts sont versés à leurs propriétaires, à savoir l'Etat, la Ville de Genève et les autres communes, qui aujourd'hui touchent un intérêt de 5%. Dans le contexte des taux d'intérêt extrêmement bas, voire négatifs, de la Banque nationale, 5%, c'est complètement iconoclaste. L'idée est de modifier le mode de rémunération de l'Etat et des communes, de limiter le prélèvement d'une part du bénéfice des SIG pour rémunérer ces acteurs.
Comme je l'ai dit, le projet de loi a été longuement étudié en commission, et il se trouve que dans l'intervalle est intervenue une modification de la LOIDP, la loi sur l'organisation des institutions de droit public, qui donne au Conseil d'Etat l'autorisation de prélever - c'est l'article 35, alinéa 2 - une partie du résultat de gestion des Services industriels; en théorie, le gouvernement pourrait même en prélever le 100%. Pour un certain nombre de députés, une toute petite minorité de la commission de l'énergie, il nous semble totalement inadéquat de donner cette compétence au Conseil d'Etat, nous voulons la transférer au Grand Conseil et limiter au quart du bénéfice le prélèvement possible pour rémunérer les propriétaires des Services industriels. Par conséquent, nous estimons tout à fait juste de soutenir ce projet de loi de façon à maintenir les prérogatives du parlement.
Je rappelle par ailleurs que suite à une autre modification de la LOIDP il y a peu de temps, la présentation du budget des Services industriels aux députés avait été supprimée, cette possibilité ayant été réservée au Conseil d'Etat. Grâce à un projet de loi de plusieurs députés, de M. Vanek et de moi-même notamment, notre prérogative avait été maintenue, et ce projet de loi part du même principe: il s'agit finalement de maintenir les compétences du Grand Conseil et surtout de limiter les possibilités de prélever le résultat de gestion des Services industriels. Il faut laisser aux SIG toute latitude d'utiliser leur bénéfice pour leur trésorerie, soit pour diminuer leur endettement, soit pour financer leurs importants investissements, notamment dans la géothermie. En conséquence, Mesdames et Messieurs, la minorité vous invite à entrer en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur. La parole va maintenant à M. Grégoire Carasso, qui remplace M. Alberto Velasco comme rapporteur de majorité.
M. Grégoire Carasso (S), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Chères et chers collègues, à la volée, j'ai le plaisir de vous faire part de la position de la majorité de la commission sur ce projet de loi MCG qui, comme le rapporteur de minorité l'a brillamment mis en évidence, a occupé la commission de l'énergie pendant de nombreuses années, les travaux s'étant achevés l'an dernier. La position de la majorité de la commission est la suivante, c'est celle du refus de ce projet de loi, essentiellement pour deux raisons que je vais vous exposer, Monsieur le président, chers collègues.
Tout d'abord, cette loi est en passe de devenir sans objet, le rapporteur de minorité l'a relevé, à la faveur de l'entrée en vigueur prochaine de la LOIDP qui donne toute latitude au Conseil d'Etat de ponctionner, quoi que l'on en pense sur le fond, les bénéfices des SIG. En commission, et cela figure dans le rapport, le président du Conseil d'Etat de l'époque, Antonio Hodgers, soulignait que dans tous les cas de figure, le modus vivendi prévoyait un prélèvement de 25% du bénéfice lorsqu'il se produit. Pour une partie de la majorité de la commission, ce projet de loi du MCG est donc sans objet.
Ensuite, pour une autre partie de la majorité - les votes se rejoignent - il y a un problème plus fondamental quant au fait de tabler sur un revenu plus ou moins fixe, sur une proportion du bénéfice des Services industriels de Genève: cela pourrait engendrer un biais de fonctionnement; c'est la position défendue en commission notamment par les commissaires socialistes. Je m'explique: si la régie publique réalise durablement des bénéfices, c'est tout bonnement et simplement, Monsieur le président, que ses tarifs sont trop élevés. Il s'agit d'une institution publique qui n'a pas pour vocation de faire du rendement. Par conséquent, dans une telle situation, il conviendrait non pas de venir nourrir le budget de l'Etat, mais au contraire de baisser les tarifs, ce qui bénéficierait à tout un chacun. Voilà, Mesdames et Messieurs, dans les grandes lignes, la position de la majorité qui, en conclusion, vous invite à refuser ce projet de loi MCG. (Applaudissements.)
M. Alexis Barbey (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, n'hésitons pas à le dire: les SIG représentent un joyau de la couronne du canton. Avec l'aéroport, c'est la seule participation qui lui rapporte de l'argent. Il est hautement probable que Cointrin ne puisse malheureusement pas demeurer dans cette catégorie; les Services industriels resteraient donc les seuls contributeurs nets au budget de l'Etat. Les SIG sont aux avant-postes de la lutte climatique et des programmes d'économies d'énergie que le canton souhaite mener à bien. Rappelons qu'ils ont investi en 2019 pas moins de 218 millions, entre autres dans des projets majeurs comme GeniLac, les Cheneviers IV, le photovoltaïque et la géothermie. Dans cette somme, il faut aussi inclure l'amélioration de l'eau potable, du traitement des eaux usées, de la distribution d'électricité et j'en passe.
Que nous propose le PL 11471-2 ? Il vise à modifier la répartition des bénéfices des SIG, comme cela a déjà été dit. Dans la situation actuelle, les SIG rémunèrent au taux de 5% leur dotation en capital, ce qui représente une ponction de 10 millions de francs sur leurs bénéfices. En commission, nous avons choisi d'étudier une base bénéficiaire de 60 millions de francs par année. Le texte prévoit qu'à travers une convention d'objectifs, 25% des bénéfices, soit environ 15 millions, soient redistribués à l'avenir. On assisterait ainsi à une augmentation de 50% du prélèvement sur les SIG, qui passerait de 10 à 15 millions de francs.
Certains pensent, la larme à l'oeil, que les communes et le canton ont bien besoin de cet apport pour financer leurs projets, particulièrement dans les temps troublés que nous traversons et au moment où le canton met la dernière main à son plan directeur de l'énergie. Mais que nous montre l'examen factuel de la situation ? Dans les faits, il existe déjà un fonds d'énergie pour les collectivités publiques, pour lequel les SIG cotisent 4 millions de francs par année et qui n'a été utilisé l'année dernière qu'à hauteur de 1,1 million. Le solde de ce fonds est de 47,6 millions. Les communes et le canton feraient donc bien de chercher l'argent là où il se trouve déjà à leur disposition.
Mesdames et Messieurs, les Services industriels de Genève sont une société bien gérée. Cela n'a pas toujours été le cas et c'est pourquoi le PLR, au départ, avait déposé le premier projet de loi. Or ces dernières années, les SIG ont su couper leurs investissements hasardeux dans les éoliennes, rétablir leurs comptes et recapitaliser leur caisse de pension. Il ne faudrait pas pénaliser un bon élève pour ses bons résultats. Aujourd'hui, on peut dire que les mieux à même d'affecter les bénéfices qu'ils génèrent sont les Services industriels eux-mêmes. C'est ainsi qu'on servira au mieux le plan directeur de l'énergie et les ambitieux objectifs que le canton prévoit de nous dévoiler bientôt.
Mesdames et Messieurs, les Genevois ne veulent pas déshabiller Paul pour habiller Jean, ils ne veulent pas non plus laisser tailler le joyau SIG pour tenter de raviver l'éclat de la couronne cantonale. En conséquence, le PLR vous suggère de refuser le projet de loi 11471-2. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Claude Bocquet (PDC). Ce projet de loi a suivi un parcours long et tortueux, et il est grand temps de le voter. Comme cela a été dit, il propose que 25% du bénéfice des SIG au maximum soit attribué aux collectivités publiques propriétaires et que 75% reviennent aux SIG afin d'être affectés au financement de leurs investissements ou au remboursement de leur dette. Pour rappel, les collectivités publiques propriétaires sont pour 50% l'Etat, pour 30% la Ville de Genève et pour 15% les autres communes au pro rata de la population.
Le texte permettra d'une part aux communes d'augmenter leurs investissements dans l'assainissement des bâtiments et dans d'autres projets énergétiques, d'autre part au Grand Conseil d'avoir son mot à dire, puisque la LOIDP, qui vient d'entrer en vigueur, donne la compétence au Conseil d'Etat de libérer plus de 50% du bénéfice opérationnel des SIG. Cela donnera la possibilité au parlement d'intervenir.
Nous soutenons également l'amendement qui sera proposé à l'article 28, alinéa 9, Mesdames et Messieurs, et pour ces raisons, le PDC... enfin, le Centre - on dit le Centre, maintenant - vous invite à accepter ce projet de loi ainsi que son amendement. Merci. (Commentaires.) Ça ne fait rien, moi j'ai décidé que c'est le Centre !
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, comme cela a été dit, ce projet de loi a été déposé avant l'entrée en vigueur de la fameuse LOIDP, la loi sur l'organisation des institutions de droit public; les travaux ont donc été suspendus, puis repris par la suite. Le choix auquel nous faisons face maintenant, c'est soit d'accepter la procédure existante, c'est-à-dire de se conformer à la LOIDP qui donne toute latitude au Conseil d'Etat de demander une contribution aux SIG à travers le contrat de prestations - il s'agit d'une prérogative du gouvernement... A ma connaissance et selon la LOIDP, celui-ci ne pourrait pas ponctionner jusqu'à 100% du bénéfice, mais plutôt jusqu'à 50%. A ce sujet, la commission est parvenue à un compromis - nous avons discuté longuement - qui prévoit de plafonner la rétribution des collectivités publiques à 25%. Il nous paraît important de laisser 75% aux SIG de façon à ce qu'ils puissent investir dans les divers domaines évoqués par le député Barbey, c'est essentiel à nos yeux.
Voilà, donc nous avons maintenant le choix: soit laisser le Conseil d'Etat déterminer la répartition du résultat, soit la fixer dans la loi. Une majorité des Verts préfère la seconde option de façon à laisser un maximum de latitude aux SIG pour leurs investissements. Comme cela a été mentionné aussi, si ce parlement décide d'entrer en matière sur le projet de loi, je proposerai un amendement consistant à utiliser les 25% cédés aux collectivités publiques pour des projets environnementaux ou énergétiques. Je reviendrai peut-être sur cet argumentaire le moment voulu, si l'entrée en matière est acceptée. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG). Ce texte, en effet, était initialement un projet prédateur du PLR qui voulait, pour les raisons qui étaient les siennes à l'époque, piquer la moitié du bénéfice des Services industriels, violant évidemment l'autonomie de cette institution de droit public qu'il salue par ailleurs. Il y a eu une infinité de travaux pendant des années et des années avec un amendement général du Conseil d'Etat et toute sorte de choses. En dernière instance, le projet de loi a été refusé en commission par une majorité relative, un bloc PLR-PS avec pour argument, du côté des socialistes, qu'il ne faut pas toucher au bénéfice des Services industriels, ne rien prélever pour les collectivités publiques, mais plutôt baisser les tarifs.
Or c'est ignorer le fait qu'il est raisonnable que les Services industriels réalisent un certain nombre de bénéfices pour faire face aux investissements massifs qu'il y a lieu d'opérer en matière de développement d'énergies renouvelables, d'économies d'énergie, de politique énergétique en général. Dans ces conditions, c'est un problème d'avoir comme obsession simplement de baisser les tarifs.
J'ai entendu le représentant du PLR dire qu'il faut laisser l'argent aux SIG parce que c'est un joyau de la couronne très bien gouverné et qu'ils doivent décider eux-mêmes de l'affectation de leurs bénéfices. Le problème, c'est qu'en l'état, la LOIDP ne stipule pas cela: à travers son article 35, alinéa 2 - je crois que Daniel Sormanni l'a indiqué - la LOIDP livre pieds et poings liés l'intégralité du bénéfice des Services industriels à la merci du Conseil d'Etat et sans contrôle parlementaire aucun, ce qui pose trois problèmes.
D'abord, nous avons travaillé, Sormanni l'a dit, à rétablir la situation du contrôle parlementaire, il y a ensuite le fait que les actionnaires que sont les communes et la Ville de Genève sont potentiellement spoliés par le droit légal que le Conseil d'Etat aurait de leur piquer l'intégralité du bénéfice, et enfin il y a le problème des investissements pour une politique nouvelle, pour un départ nouveau des Services industriels qui est indispensable. De ce point de vue là, Mesdames et Messieurs, je vous propose de suivre le rapporteur de minorité et de refuser les conclusions de la majorité un peu incongrue et relative composée du bloc PLR-PS.
M. Daniel Sormanni (MCG), rapporteur de minorité. J'aimerais souligner que la LOIDP ne va pas entrer en vigueur prochainement, elle est entrée en vigueur au mois de mai 2018 ! Par conséquent, elle donne d'ores et déjà au Conseil d'Etat la compétence de prélever l'entier du bénéfice - enfin, du résultat de gestion, pour être précis - des Services industriels.
Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe.
M. Daniel Sormanni. Oui, merci. Il est judicieux de maintenir un contrôle parlementaire, et c'est finalement là l'objectif du projet de loi. Cela limiterait l'éventuelle ponction du résultat de gestion des Services industriels à 25%; mais c'est en échange de la suppression de la contribution de 5% sur les parts des propriétaires des SIG, ce qui représente 5 millions, et non 10 millions, comme indiqué tout à l'heure par le PLR.
Au final, ce n'est pas une mauvaise opération pour les Services industriels, puisqu'ils conservent l'essentiel de leur bénéfice opérationnel, et ils en ont besoin pour les investissements massifs qu'ils sont en train de faire - que le Conseil d'Etat leur demande de faire, que ce parlement leur demande de faire ! - dans la géothermie. Si on prélève leur bénéfice, ils n'auront plus cette possibilité, et avec les comptes que nous avons en ce moment en raison du covid, j'ai la plus grande crainte que le Conseil d'Etat vienne se servir. Un contrôle parlementaire est donc nécessaire.
Il faut enfin rappeler que les tarifs de l'électricité à Genève ne sont pas les plus chers de Suisse, bien au contraire, je crois même qu'ils figurent parmi les plus bas. De toute manière, les Services industriels n'ont pas la marge de manoeuvre pour baisser ces tarifs jusqu'à ne plus réaliser de bénéfices, ce serait une erreur puisque tout cela est contrôlé par Berne, un certain nombre de dispositions empêchent des variations trop importantes du prix de l'électricité facturé aux clients. En conséquence, Mesdames et Messieurs, il faut absolument entrer en matière sur ce projet de loi si on veut que le Grand Conseil conserve ses prérogatives s'agissant du fonctionnement des Services industriels, et je vous invite à le faire. Merci.
Le président. Je vous remercie. La parole revient à M. Jacques Blondin pour deux minutes cinquante.
M. Jacques Blondin (PDC). Merci, Monsieur le président. Ma remarque s'adresse à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet, qui évoquera sans doute le sujet tout à l'heure. Il s'agit d'un débat en lien avec le budget, bien évidemment, et dans les lois connexes au budget, il y a une disposition qui concerne les SIG. Il serait ainsi utile de nous rappeler les conséquences d'un oui ou d'un non sur le budget que nous serons amenés à discuter juste après. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je profite de cette prise de parole du PDC pour transmettre à ce groupe une véhémente protestation de la part de l'un de vos collègues de l'Union démocratique du centre, qui vous dénie tout droit à vous appeler «le Centre» dans cette enceinte. Je suppose que c'est une question de propriété intellectuelle que je vous prie de régler entre vous. La parole est maintenant à M. le député Pierre Eckert.
M. Pierre Eckert (Ve). Oui, merci, Monsieur le président. J'ai oublié de le faire tout à l'heure, Mesdames et Messieurs, mais je ne résiste pas à l'envie de vous lire un extrait du rapport de majorité: «Le choix de la commission se voulant un compromis, dans la situation difficile que rencontrent les finances des collectivités publiques» - on ne le niera pas - «mais aussi économiquement raisonnable, afin de permettre aux SIG de répondre plus facilement aux importants défis qui les attendent, la majorité de la commission» - qui est devenue la minorité - «vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le projet de loi 11471-2 tel que sorti des travaux de commission.» Même le rapport de majorité vous recommande d'accepter le projet de loi !
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cela fait quatre ans, je crois, que nous débattons de ce projet de loi et aujourd'hui, en vous écoutant, je me rends compte que nous discutons alors que nous sommes tous d'accord sur le fond. Le compromis qui consiste à ce que les SIG gardent 75% de leur résultat d'exploitation et en rendent 25% aux collectivités publiques, en proportion de leurs parts au capital - Monsieur Vanek, la justice a tranché - soit 55% pour l'Etat et 45% pour les communes, eh bien tout le monde défend cette position, Mesdames et Messieurs. Il est quand même surprenant que nous ayons passé des heures à débattre en commission, avec quatre passages en plénière, alors que tout le monde est d'accord !
La répartition telle que convenue actuellement avec les SIG et prévue dans le contrat de prestations est celle du compromis évoqué: les SIG gardent 75% de leur résultat, pourquoi ? Parce que ceux-ci sont appelés à effectuer des tâches dites d'intérêt public comme le programme éco21, le déploiement des réseaux thermiques structurants, le programme de géothermie, éco21 pour les déchets, des tâches qui viennent renforcer, soutenir et parfois même suppléer l'action de l'Etat, des tâches qui représentent un engagement de 65 millions de francs par année. Il est donc important que cette entreprise, contrairement à la répartition 50/50 prévue pour l'aéroport, puisse garder une part prépondérante de ses résultats, parce qu'elle les réinvestit dans des tâches d'intérêt public que nous défendons tous en matière d'économies d'énergie, en matière de développement des ressources renouvelables indigènes, en matière, et c'est nouveau, d'augmentation du recyclage des déchets.
Maintenant, ce qui sépare la majorité de la minorité, si j'ai bien compris, c'est la question suivante: faut-il inscrire cet accord dans la loi sur l'organisation des SIG, accord qui est aujourd'hui celui du Conseil d'Etat avec le conseil d'administration ? Cette liberté ou pas donnée aux SIG et au Conseil d'Etat vous appartient, mais il est quand même cocasse que des députés qui, il y a quoi, deux ou trois ans, ont adopté la LOIDP s'émeuvent aujourd'hui que cette même LOIDP donne la compétence au Conseil d'Etat de s'entendre avec ses régies pour fixer les parts de rétribution.
Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat peut vivre avec toutes les solutions, vous êtes souverains, mais un peu de cohérence, s'il vous plaît ! Si la LOIDP est incongrue, modifiez-la, mais ne créez pas une exception pour les SIG alors que, comme cela a été souligné par le député Barbey, c'est plus ou moins la seule institution qui réalise encore un bénéfice et donc pour laquelle l'article 35 de la LOIDP s'applique. L'article 35 de la LOIDP s'applique pour une seule régie, et on crée une exception pour cette régie dans une autre loi ! Sincèrement, c'est une incongruité législative.
Aussi, de deux choses l'une: soit vous refusez le projet de loi ce soir, on clôt enfin ces quatre ans de débat et le Conseil d'Etat s'engage à appliquer la répartition 25/75 qui a été rappelée par M. Sormanni, ce qui représente 15 millions de francs par année versés par les SIG aux collectivités publiques dans les proportions de 55% à l'Etat et 45% aux communes, soit vous entrez en matière sur ce projet de loi, étant entendu que celui-ci a quatre ans, est obsolète pour la plupart de ses articles, donc ne peut pas être appliqué tel quel. Dès lors, le Conseil d'Etat devra venir avec un amendement général, et je crois savoir qu'il y a des sous-amendements, donc cela équivaut à un cinquième renvoi en commission, Mesdames et Messieurs les députés.
Sur le fond, tout le monde est d'accord, peut-être est-il temps que nous accordions nos violons sur la forme. Le Conseil d'Etat trouve plus simple que vous rejetiez ce projet de loi; il peut vivre avec l'idée d'inscrire dans la loi la répartition 25/75, parce qu'il n'a pas d'opposition à formuler à ce sujet, mais je pense qu'il est temps d'aller vers la simplicité. On citait tout à l'heure l'efficacité des SIG, je pense que nous pourrions en faire preuve également au niveau de nos institutions.
Le président. Je vous remercie...
M. Antonio Hodgers. Pardon, Monsieur le président, j'ai oublié de répondre à la dernière remarque sur l'impact budgétaire. Comme tout le monde préconise une répartition 25/75, le Conseil d'Etat déposera un amendement au budget - que vous votiez ce projet de loi ou non, que vous le renvoyiez en commission ou non, puisque le résultat est le même - dans lequel figureront les conséquences de cette nouvelle répartition. Il est intéressant d'observer que cet amendement sera exactement le même que vous votiez ou non ce projet de loi, ce qui confirme encore une fois que les deux camps disent la même chose.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 11471-2 est rejeté en premier débat par 54 non contre 30 oui et 1 abstention.
Premier débat
Le président. Nous poursuivons avec les points liés PL 12245-A et PL 11847-A que nous traitons en catégorie II, cinquante minutes. Je cède la parole à M. Edouard Cuendet.
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ces projets de lois introduisent tous deux une allocation de premier emploi, dite APE, mais sous des formes différentes. Il y a d'une part la version ultra-élitiste de M. de Sainte Marie - si on m'avait dit un jour que je critiquerais une loi élitiste ! - qui réserve cette allocation aux personnes ayant touché des indemnités suite à leur inscription au chômage à la fin d'un parcours de formation - et j'insiste sur ce point. Cette mesure, qui vise uniquement les jeunes, ne peut être instaurée qu'au sein d'entreprises privées. Sa durée est de trois ans au maximum avec une participation étatique au paiement du salaire de 60% la première année, de 40% la deuxième année et de 20% la dernière année. Il s'agit donc de la proposition de M. Romain de Sainte Marie qui, on le voit, vise surtout les universitaires venant d'obtenir leur licence.
D'autre part, il y a la version du Conseil d'Etat qui prévoit aussi une allocation de premier emploi, mais pour soutenir l'engagement de chômeurs âgés de plus de 18 ans et de moins de 30 ans révolus s'ils trouvent un premier travail et à condition qu'ils soient au bénéfice d'une allocation d'initiation au travail, soit une AIT qui est un dispositif de droit fédéral. En fait, ce projet de loi consiste à prolonger la perception de l'AIT jusqu'à une durée globale de six mois avec une participation au salaire jusqu'à concurrence de 60% pendant ce laps de temps. A noter que sont exclus les domaines d'activité dans lesquels des stages sont obligatoires pour l'obtention du titre professionnel.
Si l'on compare les deux textes, le premier, celui de M. de Sainte Marie, vise surtout les universitaires ayant décroché un diplôme et prévoit une durée extrêmement longue; il est peu ciblé en fonction de l'employabilité. Celui du Conseil d'Etat, de son côté, est plus ciblé: sa durée est limitée et il s'additionne à un dispositif fédéral. Il est intéressant de relever que la commission de l'économie a mené de nombreuses auditions et, fait rare, il y a eu une unanimité parmi les personnes entendues pour s'opposer à ces deux objets.
Nous avons d'abord reçu la CGAS qui a estimé qu'il est hors de question de subventionner les affreux entrepreneurs, elle s'oppose donc aux projets en soulignant qu'il vaudrait mieux traiter le mal à la racine et proposer des mesures pour les demandeurs d'emploi sans formation. Après la CGAS, nous avons auditionné les milieux patronaux par le biais de l'UAPG qui n'a pas dit la même chose, bien évidemment, mais qui a jugé ces mesures inadéquates, parce qu'elles risqueraient d'opposer deux catégories, à savoir les chômeurs jeunes et les chômeurs plus âgés, et pourraient avoir comme effet pervers que les entreprises attendent la fin du délai de chômage pour embaucher les jeunes - ce qui, de nouveau, favoriserait les chômeurs en fin de droit jeunes par rapport aux chômeurs âgés. Il y aurait ainsi une distorsion de concurrence sur le marché du travail très désavantageuse pour les demandeurs d'emploi âgés.
Ensuite, nous avons entendu le professeur Giovanni Ferro-Luzzi, qui est directeur de... de... Je vais vous donner son titre exact... directeur de... Je vais trouver ! (L'orateur feuillette le rapport.) Voilà: directeur de l'Institut de recherche appliquée en économie et gestion, l'IREG. C'était très intéressant: M. Ferro-Luzzi a annoncé que l'Etat aurait meilleur temps de cibler une population précise sur une durée plus longue plutôt que de saupoudrer des catégories de personnes qui trouvent aisément un emploi. Selon lui, il faudrait que le jeune sans formation achevée soit encadré plus longuement afin que les ressources soient attribuées à ceux qui en ont le plus besoin. Ainsi, de son point de vue, partagé par la plupart des auditionnés, il ne faudrait pas venir en aide aux jeunes qui ont réussi un cursus, mais plutôt à ceux qui sont plus précaires et qui n'ont pas obtenu de diplôme.
Cela a donné lieu à une étude sociologique sur la formation à Genève, et c'est là le point...
Le président. Vous parlez sur le temps du groupe.
M. Edouard Cuendet. Oui, merci. ...c'est là le point principal: la formation à Genève n'est pas forcément adéquate, car on y favorise considérablement les études universitaires au détriment de l'apprentissage dual. En effet, le pourcentage d'apprentis dans notre canton est beaucoup plus bas que dans le reste de la Suisse. Cet aspect a été mis en avant par M. Gilles Miserez, directeur général de l'OFPC, lors de son audition: il a souligné que les deux projets créeraient une concurrence entre le secteur bénéficiant des aides et celui de l'apprentissage, les apprentis étant exclus des dispositifs; M. Miserez estime qu'il faut au contraire encourager la voie duale qui est un peu sous-estimée à Genève. Cette belle unité entre tous les auditionnés a amené une large majorité de la commission à rejeter ces deux projets de lois, Mesdames et Messieurs, et je vous invite à faire de même. Merci. (Applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je remercie le rapporteur de majorité pour ses explications et le rappel du contenu des deux projets de lois, même si on peut qualifier son analyse de subjective en ce qui concerne l'effet des mesures proposées. Je commencerai par un constat préalable, un constat malheureux, à savoir que la commission et le conseiller d'Etat chargé de l'emploi n'ont pas réussi à trouver de compromis entre les deux textes, d'une part celui déposé par le parti socialiste instaurant une allocation de premier emploi, d'autre part celui du Conseil d'Etat introduisant le même mécanisme, mais de façon différente.
S'agissant du PL 12245 du Conseil d'Etat, je débuterai par là, le problème est le suivant: l'aide est beaucoup trop faible pour avoir une réelle incidence sur l'insertion professionnelle des jeunes. En effet, il s'agit de prolonger la durée de l'allocation d'initiation au travail de six mois au maximum avec une prise en charge du salaire. C'est un pas en avant, un petit pas en avant, mais largement insuffisant pour agir significativement sur la question du chômage des jeunes. Aujourd'hui, la problématique qui touche les jeunes au moment de leur arrivée sur le marché de l'emploi est notamment liée aux stages. Vous savez que le parti socialiste s'est énormément intéressé au sujet, même plus qu'intéressé puisqu'il a déposé des projets de lois pour interdire ce qu'on appelle les stages sauvages. Ce n'est pas le parti socialiste qui les qualifie ainsi, mais l'OCIRT: il s'agit de stages qui n'entrent pas dans le cadre soit de programmes reconnus de formation, c'est-à-dire valorisés par des crédits, soit de programmes de réinsertion socioprofessionnelle. L'OCIRT avait chiffré la proportion de ces stages qualifiés de sauvages à 80%.
Ce qui se passe, c'est qu'en entrant sur le marché de l'emploi, un jeune diplômé ou une jeune diplômée ne va pas trouver directement de poste. Je ne parle même pas d'un contrat à durée indéterminée, mais juste d'un contrat à durée déterminée; non, il obtiendra un stage plus ou moins rémunéré, ce qui est parfaitement illégal, pendant six mois, puis se retrouvera à nouveau au chômage pendant six mois, effectuera un nouveau stage, rémunéré ou non ou très faiblement, et s'il a vraiment peu de chance et ne trouve rien d'autre dans les trois ans, il tombera inévitablement à l'aide sociale. Voilà le problème que l'on rencontre actuellement sur le marché du travail, il suffit d'ouvrir les journaux ou de consulter les offres d'emploi sur internet pour s'en rendre compte: on demande aux jeunes une expérience professionnelle de trois à cinq ans. C'est le serpent qui se mord la queue, parce qu'une personne qui sort de formation ne bénéficie pas de trois à cinq années de métier. Elle doit donc passer par la case que je viens de décrire, c'est-à-dire des stages plus ou moins rémunérés qui créent une véritable précarité, on l'oblige à entamer sa vie professionnelle de la sorte.
Le projet de loi du parti socialiste, qui avait été déposé avant celui du Conseil d'Etat, vise précisément à compléter le soutien financier pendant cette période-là. Alors on peut tout de suite faire une parenthèse et se féliciter de l'acceptation par le peuple de l'initiative pour un salaire minimum qui apporte une définition des stages, ce qui est une bonne chose et vient combler un vide juridique, et on espère que ce problème sera résolu grâce à des contrôles suffisants qui permettront d'interdire la pratique des stages.
Le projet de loi des socialistes, je le disais, cherche à contrer cette période de précarité après un cursus de formation et propose une allocation de premier emploi à celles et ceux qui ne trouvent pas de première place. Pourquoi sur une période de trois ans ? Eh bien justement pour répondre aux attentes des employeurs qui ne veulent plus former les gens comme autrefois. Je ne parle pas de former au sens de la formation professionnelle - il s'agit là d'un autre enjeu au sujet duquel je partage les préoccupations, à savoir qu'il faut renforcer la formation professionnelle dans notre canton - mais de former les jeunes diplômés qui précisément ne disposent pas d'une formation professionnelle, qui n'ont pas nécessairement d'expérience dans le monde du travail. L'allocation de premier emploi leur permet d'acquérir cette expérience durant trois ans grâce à un coup de pouce, à une impulsion, à une aide financière.
Bon, on pourrait discuter du rôle de l'aide financière, c'est un vaste débat, notamment en ce qui concerne les apprentissages. Ce qu'on observe, au final, c'est qu'en période de crise, cette mesure de soutien est utile. J'en veux pour preuve les actions déployées pour encourager l'apprentissage: l'une d'entre elles consiste justement en une incitation pécuniaire pour les entreprises qui forment des apprentis. Les différentes communes ayant appliqué ce dispositif ont eu des retours positifs.
Le président. Vous passez sur le temps du groupe.
M. Romain de Sainte Marie. Je vous remercie, Monsieur le président. Il est donc possible que les employeurs accueillent positivement ce mécanisme et que cela permette d'insérer plus facilement les personnes sur le marché de l'emploi.
J'aimerais insister sur le fait que le texte du parti socialiste n'est absolument pas élitiste, il se fait simplement l'écho d'un constat relevé par la Cour des comptes dans l'un de ses rapports il y a quelques années, à savoir que les chômeuses et chômeurs en fin de droit sont de plus en plus jeunes et de mieux en mieux formés. Ce n'est pas une illusion, mais bel et bien une réalité face à laquelle nous devons agir. Si la stratégie du PLR, tout comme en matière de formation professionnelle où il s'oppose à l'ensemble des projets pour créer des places d'apprentissage, est de rejeter toute proposition permettant d'améliorer l'insertion professionnelle des jeunes alors qu'il s'agit d'un réel écueil, alors il fait preuve d'attentisme, il pense à tort qu'il n'y a aucun problème sur le marché de l'emploi; ce n'est pas l'approche du parti socialiste qui, lui, estime que l'Etat doit jouer un rôle actif et oeuvrer à l'insertion professionnelle des jeunes.
Quant à la vision de M. Cuendet - vous transmettrez, Monsieur le président - sur l'impact de ces mesures suite à la présentation du professeur Giovanni Ferro-Luzzi, eh bien je n'en ai pas la même lecture. Si on consulte la littérature sur les politiques publiques d'insertion et de réinsertion professionnelles, on note différents éléments, notamment dans les pays scandinaves, qui montrent que ces dispositifs ont des conséquences positives. Je lis un extrait du document remis par M. Ferro-Luzzi: «Dans un survol de la littérature, une étude du BIT [...] suggère que pour les jeunes chômeurs de longue durée, les subsides à l'emploi suffisamment longs (jusqu'à 2 ans)» - on ne parle pas des six petits mois proposés par le Conseil d'Etat, mais bel et bien de deux ans - «et substantiels (jusqu'à 50% du coût salarial) produisent des effets bénéfiques sur leur insertion en Europe.»
C'est écrit noir sur blanc, et si je remercie le rapporteur de majorité d'avoir inséré l'annexe dans le rapport, ses propos et son analyse sont en revanche complètement faux. En effet, Giovanni Ferro-Luzzi nous a indiqué que les pays scandinaves développent des mesures d'insertion professionnelle qui sont efficaces, qui produisent des effets, qui fonctionnent selon le mode de l'incitation financière et qui tablent sur une certaine durée. Six mois, c'est beaucoup trop court; prétendre vouloir améliorer l'insertion professionnelle avec une aide sur six mois constituerait un pur effet d'annonce. Non, il faut se donner les moyens nécessaires, et seul un système d'au moins deux ou trois ans, comme mentionné par le professeur Ferro-Luzzi, serait efficace pour lutter contre le chômage des jeunes, comme cela se pratique dans le reste de l'Europe et notamment en Scandinavie. Voilà les raisons pour lesquelles le groupe socialiste vous invite à accepter son projet de loi instaurant une allocation de premier emploi digne de ce nom et à refuser celui présenté par le Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, il est tout de même étonnant de constater qu'une majorité des députés ne veulent pas donner de moyens supplémentaires, ponctuels et limités dans le temps, à nos jeunes ! Notre jeunesse, notre avenir, celles et ceux qui restent à la maison parce qu'ils n'ont pas de profession et ne peuvent pas acquérir de logement - qui dit pas de travail dit pas de salaire - celles et ceux qui restent à la maison et prennent de la place au sein du cocon familial. Il est important pour ces personnes de trouver un premier emploi, de vivre une première expérience professionnelle concrète.
Ce n'est pas le cas aujourd'hui, et notre collègue Romain de Sainte Marie a évoqué cette question: les employeurs proposent des stages, bien souvent non rémunérés, avec de fausses promesses d'embauches à la clé, ils profitent d'une main-d'oeuvre qualifiée, en tout cas académiquement, et en bénéficient gratuitement, ça ne leur coûte pas un franc; ensuite, après six mois, ils rejettent leur stagiaire pour en prendre un nouveau. C'est scandaleux, et le Mouvement Citoyens Genevois ne peut pas tolérer ça, nous trouvons honteux d'en arriver là.
Il est bon de préciser que le projet de loi 12245 s'applique exclusivement à nos jeunes touchant des indemnités de chômage, âgés de 18 à 30 ans et au bénéfice d'une formation achevée, donc on n'offre pas n'importe quoi à n'importe qui; ce sont des jeunes qui sont au chômage, qui ont une formation qualifiée, certifiée, terminée et qui sont à la recherche d'un premier emploi. C'est important de le souligner, on omet souvent de le rappeler.
Une grande majorité des partis politiques ayant refusé le projet de loi avaient pourtant largement plébiscité la RFFA. Pour rappel, il s'agissait de permettre aux entreprises de bénéficier d'allégements fiscaux. Mais il y avait une contrepartie, je vous rappelle que nos sociétés s'étaient engagées à privilégier la formation de notre jeunesse. Ce texte les amène dans cette direction; aux employeurs maintenant de répondre présent et d'assumer les promesses en échange desquelles le peuple et la majorité des partis ici, à l'exception de la gauche, ont accepté qu'ils paient moins d'impôts: qu'ils embauchent nos jeunes, qu'ils les forment, parce que la jeunesse représente la relève sur notre marché de l'emploi.
J'ai entendu M. Cuendet faire référence aux auditions de la CGAS et de l'UAPG. Les représentants de la CGAS ont dit qu'ils ne voulaient pas de ce dispositif parce qu'il allait créer des nantis. Bon, il est sûr que la CGAS n'apporte aucune solution pour que nos jeunes trouvent du travail, elle préfère aller toquer à la porte d'à côté, chez nos amis français où la main-d'oeuvre est nettement meilleur marché, pas forcément mieux qualifiée, ça arrange tout le monde de payer moins cher des gens déjà formés de l'autre côté de la frontière plutôt que de former notre jeunesse. C'est la politique de la CGAS, ce n'est pas la nôtre. Quant à l'UAPG, je n'entrerai pas en matière, ils sont un peu dans la même dynamique: à part critiquer, ils ne proposent rien.
Par contre, l'OFPC a dit une chose intéressante, à savoir qu'ils ne voulaient pas soutenir ce type d'initiative sous prétexte que ça prétériterait leurs propres projets. Eh bien je suis désolé, mais l'OFPC devrait peut-être se remettre en question, parce que leurs projets ne fonctionnent pas, leurs propositions ne fonctionnent pas. Pour ma part, je trouve qu'il est toujours judicieux d'offrir une vision différente, d'apporter une pierre de plus à l'édifice de la formation, notamment pour aider nos jeunes à trouver un emploi demain. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à soutenir le projet de loi 12245. Merci.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi 12245 s'applique exclusivement à des jeunes au chômage entre 18 et 30 ans et au bénéfice d'un parcours de formation achevé. Il s'agit d'un coup de pouce ponctuel et limité dans le temps pour leur permettre d'obtenir un premier emploi. L'allocation versée serait de 60% du salaire durant six mois, d'un budget maximum de 1,5 million par année et concernerait environ cent jeunes. Certes, il existe déjà plusieurs mesures en faveur des personnes au chômage, mais il est évident que les demandeurs d'emploi jeunes et formés doivent également être soutenus.
A Genève, les mesures proposées pour faciliter l'insertion et le retour à l'emploi sont largement justifiables. D'abord, le taux de chômage en septembre de l'année dernière s'élevait à 10,8% selon les critères du BIT, un taux supérieur à celui de la France voisine où, durant cette même période, il se montait à 6,9%. A noter que les revenus en France voisine sont trois fois plus bas que ceux de Genève. En plus du dumping salarial, il existe maintenant un dumping de formation, ce qui nécessite que nous offrions un coup de main à nos jeunes. Ensuite, la formation professionnelle duale est insuffisamment encouragée dans notre canton; d'ailleurs, le nombre de Genevois choisissant cette voie après la scolarité est trois fois moins élevé que dans certains autres cantons. De plus, presque 50% de ces formations ont lieu dans des écoles spécialisées, et non au sein des entreprises.
Par ailleurs, les jeunes genevois formés dans les écoles professionnelles sont nombreux et il est primordial qu'ils puissent rapidement acquérir une expérience professionnelle. Or nos sociétés ont un réservoir de recrutement énorme, ce qui favorise dans certains cas l'engagement de collaborateurs déjà formés et déjà expérimentés. Le projet de loi prévoit uniquement une incitation; les indemnités mensuelles versées durant les six mois ne dépasseraient en aucun cas le montant payé par le chômage. Ce dispositif ne constitue pas un oreiller de paresse, il n'est pas question de favoriser la case chômage.
Lors des discussions en commission, les divisions ont essentiellement porté sur des sujets tels que l'efficacité, la suffisance, la durée de l'aide et le type d'approche, par exemple une adaptation des marchés publics pour favoriser les entreprises formatrices. Mais l'immense majorité s'est toutefois accordée pour dire que l'entrée dans la vie professionnelle de nos jeunes est primordiale. Le second élément sur lequel tout le monde est d'accord, c'est que le coût de cette aide - je parle toujours du projet du Conseil d'Etat - est extrêmement modeste.
Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, je vous recommande de soutenir le PL 12245 déposé par le Conseil d'Etat. Quant à l'autre projet, c'est-à-dire le PL 11847, l'assistance est trop longue et, de notre point de vue, il est beaucoup trop dispendieux; nous vous proposons donc de le refuser. Merci de votre attention.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche refusera catégoriquement ces deux projets de lois qui lui semblent particulièrement contre nature. Il faut rappeler les faits: il s'agit de payer les employeurs pour engager des jeunes formés. Une assistance, cela a été souligné tout à l'heure par M. Cuendet, que les patrons eux-mêmes ne demandent pas !
En réalité, c'est une manière de ne reconnaître ni la valeur du travail fourni par les travailleurs - puisque celui-ci en soi ne justifie même pas un revenu, il faudrait que l'Etat y contribue encore - ni la valeur de la formation. On considère en effet qu'un jeune diplômé, dont il est admis qu'il est sans expérience de terrain mais qu'il dispose tout de même d'une formation, et alors que le salaire d'engagement sert précisément à combler ce déficit - et il est entendu que c'est durant les premiers mois du parcours professionnel qu'il acquiert l'expérience qui sera bénéfique à l'entreprise - ne suffit pas et on demande soudain à l'Etat de payer cette partie de l'obtention d'expérience qui relève d'ordinaire de la responsabilité de la société.
En ce qui concerne le texte du Conseil d'Etat, il y a quelque chose d'un peu abscons... Enfin, un peu ! Disons plutôt: il y a quelque chose de vraiment abscons. La mesure proposée par ce projet de loi 12245 consiste en une aide de l'Etat pour de jeunes chômeurs au bénéfice d'une allocation d'initiation au travail. Qu'est-ce qu'une allocation d'initiation au travail ? C'est un dispositif fédéral dont peut bénéficier un chômeur à partir du moment où il a obtenu un contrat de travail à durée indéterminée, ce sont des indemnités qui apportent un soutien à son salaire. Le Conseil d'Etat suggère de compléter cette subvention, de prendre en charge une partie de la rétribution, de prolonger cette période. Mais, pour reprendre une expression que j'ai utilisée en commission, c'est une assurance ceinture et bretelles, c'est un effet d'aubaine pour les patrons qui pourrait les amener à conseiller au jeune formé et sans emploi de passer d'abord par la case chômage pour être certains de toucher les allocations. Cela n'a aucun sens !
Je le répète: cela remet en question le bien-fondé du travail accompli par le salarié, cela remet en cause la validité de la formation. Si réellement les personnes qui sortent d'un cursus de formation ne sont pas à la hauteur des exigences professionnelles, alors c'est la formation qu'il faut revoir, mais il ne s'agit pas de verser une prestation supplémentaire aux employeurs pour les convaincre de bien vouloir accepter d'engager de jeunes travailleurs.
Pour nous, ces deux projets n'ont aucun sens, ils visent à côté de la cible, notamment parce qu'ils s'adressent à des jeunes formés. Or le véritable problème des jeunes qui ne trouvent pas d'emploi aujourd'hui, c'est plutôt celui de l'absence de formation. Si vous aviez imaginé un dispositif permettant de favoriser les formations en emploi et qu'on voulait à la rigueur soutenir les entreprises prêtes à jouer le jeu, pourquoi pas, nous aurions pu réfléchir à une solution de ce type; mais un système où l'Etat paie les patrons pour engager des collaborateurs, non, notre groupe y est résolument opposé. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole échoit à M. Serge Hiltpold pour trois minutes cinquante.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Je suis assez d'accord avec les propos de Mme Haller. La première chose qui m'est venue à l'esprit en commission, c'est l'absurdité de devoir passer par la case chômage pour obtenir un soutien. Il me semble complètement paradoxal, lorsqu'on cherche un emploi, de devoir passer par la case chômage afin d'être aidé.
La réflexion de base, il me semble, concerne le processus de formation, le choix de la formation, la qualité de la formation. Mme Haller l'a indiqué: soit on dispose de cursus de qualité, on y croit, on prend nos responsabilités et il n'y a pas besoin d'accompagnement, soit il faut revoir tout le processus de formation. Et là, il y a une interrogation sincère à formuler par rapport à la formation professionnelle, notamment la formation duale et la voie HES. Comme on l'a vu, un parcours HES traditionnel passe généralement par un apprentissage dual, une maturité professionnelle, une haute école, c'est le chemin classique.
Or que se passe-t-il aujourd'hui ? Souvent, des gens suivent une maturité gymnasiale, puis font une année de stage qui va soi-disant compenser quatre ans de formation professionnelle, pour finalement entrer dans une HES. Il faut réfléchir à cette question, c'est-à-dire que le processus des HES doit vraiment développer et améliorer la formation initiale, et ne pas surestimer les capacités de personnes qui peuvent aller à l'université mais choisissent la voie des hautes écoles. A mon avis, il s'agit là d'un point central dans la discussion.
Je répondrai rapidement à M. de Sainte Marie qui qualifie le PLR d'attentiste: je ne sais pas s'il a formé beaucoup d'apprentis dans sa vie, mais en ce qui nous concerne, nous en formons généralement deux par année depuis bientôt cent ans, donc je pense que le compte est vite fait, Monsieur de Sainte Marie !
L'élément principal, en réalité, c'est que les employeurs ne demandent pas du tout cette mesure ! Nous ne demandons pas du tout cette mesure, parce que nous croyons dans le processus de formation, notamment duale, parce que nous évoluons: les ordonnances sur l'apprentissage se développent, il y a la formation continue, des brevets professionnels, des maîtrises professionnelles, des écoles supérieures, et nous sommes parties prenantes de ces changements !
C'est vraiment le capital de l'entreprise, on ne doit pas se faire payer pour former des gens, et ça rejoint la réflexion que j'ai menée dernièrement sur l'obligation de ne pas licencier, on est exactement dans le même état d'esprit: quand vous avez formé quelqu'un qui est dans votre société, qui représente un capital humain, un savoir-faire, des connaissances et de la transmission, vous n'allez pas le licencier ! De la même manière, on ne demande pas de l'aide pour former quelqu'un ! Nous nous rejoignons, nous devons juste être droits dans nos bottes et garder une ligne directrice.
Maintenant, il faut véritablement que ces formations et évolutions se fassent en lien avec l'économie, et je ne parle pas que de la formation initiale. L'enjeu qui va nous conduire ces prochaines années, ces prochaines décennies, c'est celui de la transition professionnelle, de l'accompagnement professionnel: on part avec une formation de base qui va évoluer avec de nouvelles technologies, avec de nouvelles façons de procéder, et je crois que la relève et la transition professionnelle font partie de la vie de l'entreprise et de ses salariés.
En résumé, pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, le PLR vous invite à refuser les deux projets de lois, et nous prions les entreprises de prendre leurs responsabilités en ce qui concerne la formation, de s'investir dans la formation. De grâce, n'instaurons pas d'intervention étatique pour financer des sociétés qui doivent assumer leur rôle, et Dieu sait s'il y a des rôles à assumer; il est rare que nous venions demander quelque chose à l'Etat, et là ce sont des choses que nous pouvons assumer et que nous assumons avec plaisir. Merci.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Le PLR, Ensemble à Gauche, le PDC, les Verts s'opposent à l'allocation de premier emploi. La belle alliance, la fine équipe ! (Exclamations.) Une belle alliance qui n'entend pas aider nos jeunes à trouver un premier emploi alors que les Genevois galèrent, en particulier les jeunes et les plus de cinquante ans. Plutôt que d'embaucher ces personnes, plutôt que de les soutenir, plutôt que de trouver des solutions pour les sortir de la difficulté, on préfère engager des frontaliers, c'est moins cher.
On se trouve là face à une sainte alliance entre la gauche et la droite, entre les syndicats et les patrons: le PLR ne veut pas encourager les jeunes travailleurs, c'est clair; en parallèle, c'est le contraire, Ensemble à Gauche ne veut pas subventionner les patrons, et c'est ainsi qu'on ne fait rien. Bien sûr qu'on fait juste si on ne fait rien ! Le problème, c'est que de nombreux jeunes vont se retrouver dans la plus grande adversité, tout ça à cause de quoi ? A cause d'une sainte alliance PLR, Ensemble à Gauche, PDC, Verts qui rejette ces projets de lois, qui s'oppose à tout changement parce que c'est beaucoup plus simple de ne rien faire, de parler, de laisser les gens dans leurs soucis et d'embaucher des frontaliers ! Merci, Monsieur le président.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, nos formations sont parfois considérées par les employeurs comme insuffisantes pour amener à un engagement immédiat. Aujourd'hui, un patron peut trouver exactement le profil qu'il recherche à un coût très abordable, surtout lorsqu'il n'y a pas de convention collective ou de contrat type de travail. Par conséquent, plutôt que de tabler sur un jeune sans expérience, certaines entreprises préfèrent quelqu'un qui a cinq ou dix ans de métier, elles ne sont pas prêtes à prendre le risque d'engager une personne sortant de formation. D'autres, en revanche, acceptent de prendre ce risque et parient sur le fait qu'un jeune pourra plus facilement s'intégrer dans leur société, ce d'autant plus s'il a déjà effectué des stages en entreprise ou s'il a obtenu un CFC en formation duale, formation qui permet d'être confronté immédiatement au monde du travail.
Même les partenaires sociaux se sont montrés sceptiques, c'est le moins que l'on puisse dire, vis-à-vis de ces deux projets de lois: pour la CGAS, il s'agit de ne pas faire de cadeaux supplémentaires aux entreprises compte tenu de l'acceptation de la RFFA, tandis que l'UAPG regrette que les textes ne prévoient que des mesures financières sans aborder les raisons profondes du chômage des jeunes.
La situation des jeunes est relativement bonne sur le marché du travail suisse. Nous avons l'un des taux de chômage, au sens du Bureau international du travail, les plus bas par rapport aux pays de l'Union européenne. Le risque est certes plus élevé pour les jeunes, mais avec une durée moins longue que pour d'autres catégories d'âge. Il y a toutefois un problème spécifique dans la transition entre le monde de la formation et celui du travail: cette transition s'avère parfois difficile en raison d'exigences plus élevées et de contraintes horaires plus difficiles à gérer. Les jeunes peuvent souffrir d'un manque d'expérience professionnelle, mais pas seulement: peut-être que certains sont un peu en inadéquation par rapport au marché de l'emploi, d'autres ont des attentes trop importantes ou disproportionnées. Les causes sont multiples, et il faudrait se pencher plus précisément sur les raisons pour lesquelles certains jeunes restent durablement au chômage.
Les deux projets de lois ne s'attaquent pas directement aux causes profondes. De manière globale, il faudrait se concentrer sur l'origine du chômage des jeunes plutôt que de proposer une subvention au salaire. (Brouhaha.) J'aimerais que du côté d'Ensemble à Gauche, on soit un peu plus tranquille, s'il vous plaît ! Le canton a déployé de nombreux efforts, notamment dans le cadre de CAP Formations et de FO18. D'importants dispositifs ont été mis en place pour répondre au problème des jeunes sans formation, sans bagage, lesquels ont vraiment besoin d'un encadrement particulier. Il serait intéressant de connaître le bilan de ces mesures à moyen terme; celles-ci sont complétées par des initiatives privées et s'ajoutent à tout ce qui est proposé par l'assurance-chômage.
Le PL 11847 n'est pas assez ciblé, puisqu'il prévoit une allocation sans déterminer de limite d'âge et sur une durée très longue, ce qui pourrait avoir un effet pervers et conduire certains employeurs à attendre l'arrivée des personnes en fin de droit pour les engager; cela pénaliserait par ailleurs les entreprises qui seraient prêtes à jouer le jeu et à embaucher des jeunes sans formation. Il y a également un certain nombre d'éléments flous dans ce projet de loi dont la portée est beaucoup trop large.
Le PL 12245 du Conseil d'Etat, quant à lui, est plus ciblé: il s'adresse à des jeunes au bénéfice d'une AIT avec des limites d'âge plus précises - de 18 à 30 ans - et vise une catégorie précaire. On peut toutefois s'interroger quant à la pertinence de l'AIT, celle-ci devant être complétée par une autre mesure. Il faudrait pouvoir disposer d'une vision globale de la situation des jeunes précarisés et à risque de chômage dans le canton de Genève, déterminer quel est leur profil et quelles sont les causes profondes de ce chômage. Enfin, comme il existe une multitude de dispositifs, il serait intéressant, avant d'introduire de nouvelles mesures, d'obtenir une analyse de leur efficience pour pouvoir mieux les cibler.
La philosophie des deux projets de lois est totalement différente: l'un base son argumentaire sur la problématique du premier emploi alors que l'autre propose une aide au démarrage plus courte, sur une période limitée. Le groupe démocrate-chrétien n'entrera en matière ni sur le PL 11847 ni sur le PL 12245. Je vous remercie.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, de façon liminaire, permettez-moi d'indiquer que je récuse le vocable «nos jeunes». Les jeunes ne nous appartiennent pas, ils sont totalement indépendants. C'est comme si on disait «nos vieux», «nos quadragénaires» ! Je rappelle que l'ensemble des personnes, qu'elles soient jeunes ou plus âgées, sont représentées dans ce parlement et disposent d'un droit égal à la parole. (Applaudissements.)
Cela étant, la question du chômage des jeunes doit être prise au sérieux. Comme l'a dit le député Guinchard, il convient d'abord de réaliser un bon diagnostic: s'agit-il d'une orientation ratée, d'une formation déficiente, de passerelles insuffisantes entre la formation et le monde professionnel ? Ou encore, comme cela a été relevé, d'exigences exagérées des employeurs qui, la plupart du temps, demandent une expérience de plusieurs années lors de mises au concours ?
Les deux projets de lois que nous considérons ici ont pour objectif de favoriser l'accès à un premier emploi grâce à des moyens financiers, plus spécifiquement une allocation de premier emploi. Si l'intention est louable, les moyens proposés sont discutables dans les deux textes et, comme mon collègue de Sainte Marie, je regrette qu'on n'ait pas trouvé de compromis entre les deux.
Le projet de loi 12245 du Conseil d'Etat vise à prolonger jusqu'à six mois un mécanisme fédéral qui a déjà été évoqué, à savoir l'AIT, et le projet de loi 11847 prévoit l'introduction d'une allocation de premier emploi réservée aux chômeurs et chômeuses ayant touché des indemnités suite à leur inscription au chômage à la fin de leur formation. Voilà encore quelque chose que l'on peut regretter: pourquoi faut-il passer par la case chômage avant de bénéficier d'une telle mesure ?
Les deux objets créent une inégalité de traitement entre les jeunes de 18 à 30 ans, plus particulièrement vis-à-vis de celles et ceux qui n'ont pas achevé de parcours de formation, et il y en a beaucoup. Cet aspect n'est pas du tout pris en compte dans le projet du Conseil d'Etat qui prévoit à son article 38A, alinéa 4: «Le premier emploi est la première activité salariée après l'achèvement d'un parcours de formation.» Il s'agit là d'un paramètre qui n'a pas été relevé par les personnes qui se sont exprimées avant moi. Or il est extrêmement important que les jeunes sans formation puissent aussi trouver un travail, parce qu'ils vont justement se former dans le cadre professionnel. Il serait tout à fait inéquitable que les employeurs préfèrent des jeunes qui ont achevé un parcours de formation et n'embauchent pas ceux qui peuvent être formés sans avoir terminé de cursus.
A cet égard, je reprends volontiers l'argument qui consiste à dire que si le personnel est habituellement peu rétribué en début d'emploi, c'est justement pour que les entreprises mettent les moyens nécessaires pour lui offrir une formation adéquate. Nous reconnaissons qu'une formation ne doit pas être seulement utilitaire et qu'il convient de «faire ses humanités», comme on dit. Une fois que l'on a appris à apprendre, il est possible de se projeter dans plusieurs types d'activité, même celle de député ! Mais la transition vers une activité rémunérée est parfois tortueuse et jalonnée de différents essais.
En fait, on constate que tous ces soutiens conditionnels sont compliqués, administrativement lourds et souvent inéquitables. C'est la raison pour laquelle nous allons refuser ces deux projets de lois qui ont chacun leurs complications. Du point de vue des Verts, la solution passerait plutôt par un revenu inconditionnel, par exemple le RBI qui permettrait aux gens, le coeur léger, de trouver l'occupation de leurs rêves. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Jocelyne Haller, à vous la parole pour une minute treize.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais revenir, par souci de clarté, sur certains propos tenus par des membres du MCG. A M. Cerutti qui faisait référence à la RFFA et qui nous a tout de même accordé le crédit de nous y être opposés, je rappelle que le projet de loi qu'il va voter aujourd'hui est non seulement une manière de prendre acte du fait qu'un certain nombre de grandes entreprises tirent des bénéfices mirifiques de l'opération RFFA, mais qu'on s'apprête en plus, par le biais d'une subvention de l'Etat, à payer les sociétés pour qu'elles engagent de jeunes travailleurs.
Quant à M. Baertschi qui soutient que nous ne faisons rien, je lui rafraîchis la mémoire: nous avions déposé un projet de loi il y a quelques années pour un changement de paradigme en matière de chômage et de création d'emplois, et je n'ai pas le souvenir qu'il l'ait accepté, pas plus qu'il n'a soutenu d'ailleurs d'autres de nos initiatives pour aider les travailleurs et mettre en oeuvre un type de traitement du chômage différent dans ce canton. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. François Baertschi pour trois minutes vingt-trois.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. J'ai bien compris mon préopinant Vert: il faut sauver la planète, mais surtout, surtout ne pas aider les jeunes domiciliés à Genève, parce que selon lui, j'imagine, ils n'en valent pas la peine. C'est très clair, c'est se moquer de l'électorat Vert qui est un électorat jeune, c'est un peu une manière de... Pour ma part, si j'étais un jeune électeur écologiste, je me sentirais trompé par ce parti, par la politique qu'il mène au quotidien.
Quant à ce que propose Ensemble à Gauche, c'est toujours de l'assistanat à haute dose, c'est une stratégie qui ne nous mène nulle part; on voit où ça a conduit beaucoup de pays, c'est-à-dire au désastre économique, à la misère sociale et aux pires solutions de notre histoire. Merci.
Le président. Je vous remercie. La parole est à M. Daniel Sormanni pour deux minutes trente.
M. Daniel Sormanni (MCG). Oui, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je suis vraiment effaré par ce que j'entends aujourd'hui ! En fait, on refuse de donner un coup de pouce à des jeunes qui sortent - ou pas - de formation, dont certains sont même issus de l'université, d'autres d'apprentissages ou de hautes écoles, des jeunes qui n'arrivent pas à s'insérer sur le marché du travail et à démarrer une activité, parce qu'on demande toujours de l'expérience par-ci, de l'expérience par-là. Fatalement, au départ, on n'en a pas, donc c'est extrêmement difficile.
Et ce n'est pas l'aide sociale qui va régler le problème, ce n'est pas le RBI qui va régler le problème. Le RBI est un sujet de discussion en soi, mais cela ne va pas aider les jeunes à trouver un poste. Bon, admettons qu'il existe: ils vont toucher le RBI et puis quoi, ils vont continuer à se tourner les pouces ? Non, on veut que les gens aient un emploi, et s'il y a des difficultés au niveau des formations, eh bien il faut en discuter et adapter les cursus en fonction des besoins de l'économie, mais pas seulement. Evidemment, l'université ne délivre pas de formations pratiques, donc nombreux sont les jeunes licenciés qui doivent passer par une phase où ils continuent à se former avec le bagage qu'ils ont acquis, ils ont besoin de ce coup de main pour s'inscrire dans la société, pour tout simplement gagner leur vie.
Il faut commencer par une étape, et je crois à cet égard que le projet de loi du Conseil d'Etat représente une bonne proposition. Otons-nous de la tête cette idée: «Oh, mon Dieu, quelle horreur, on va donner de l'argent aux entreprises pour qu'elles engagent des jeunes !» C'est une position idéologique insupportable, ce n'est pas comme ça qu'on fera avancer la société. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter ce projet de loi. Merci.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Dans un monde idéal, il ne faudrait évidemment pas aider des jeunes formés, des jeunes qui ont envie de travailler. Mais Genève connaît le taux de chômage le plus élevé de Suisse, également en ce qui concerne les jeunes. En plus de détenir ce triste record, notre canton a encore quelques particularités, notamment deux que je citerai ici. D'une part, l'Etat de Genève forme beaucoup d'apprentis, ce qui est évidemment très bien, mais après la formation, une fois que l'apprenti a obtenu son diplôme, il ne peut pas rester à l'Etat de Genève. D'autre part, Genève forme beaucoup, beaucoup trop peu d'apprentis, dont la moitié proviennent en outre d'écoles professionnelles à plein temps. Pour ces deux raisons, il est absolument indispensable qu'on encourage les jeunes pourvus d'un diplôme à entrer dans la vie professionnelle.
Maintenant, j'aimerais répondre au parti socialiste qui regrette l'absence de compromis entre les deux textes. Le projet de loi du département propose une aide très modeste d'une durée de six mois, mais à laquelle il faut ajouter l'allocation d'initiation au travail, la fameuse AIT; au final, nous arrivons tout de même à un soutien conséquent qui s'étend jusqu'à onze mois. Le groupe socialiste, quant à lui, présente une mesure qui irait jusqu'à deux ans, soit vingt-quatre mois, avec un engagement financier un peu plus important. Je pense qu'un bon compromis consisterait à voter le projet de loi du Conseil d'Etat et à refuser celui des socialistes. Au nom des jeunes, de certains jeunes - une minorité, certes - qui bénéficient d'une formation et qui sont au chômage, merci ! Ils ont vraiment besoin de notre aide, merci pour eux.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat est consterné par certains propos qu'il entend ici. Il est question de nos jeunes entre 18 et 30 ans qui ont accompli une formation certifiée et qui se voient répondre au quotidien qu'ils ne sont pas engagés parce qu'on recherche quelqu'un avec expérience; ils ont les connaissances, la formation, mais pas l'expérience. Or on peut trouver sur le marché de l'emploi européen des personnes qui accepteront de travailler pour le même salaire que nos jeunes à la sortie de leur formation, mais qui disposent d'une expérience de cinq ou dix ans.
Le projet de loi du Conseil d'Etat qui vous est soumis ici vise simplement à donner à nos jeunes une arme supplémentaire pour obtenir précisément cette expérience qui leur manque et qui, malheureusement, constitue souvent un obstacle infranchissable pour mettre le pied à l'étrier. Mesdames et Messieurs les députés, entre août 2019 et août 2020, suite aux conséquences de l'épidémie, le chômage de nos jeunes a augmenté de 57%. Ce qui était une nécessité l'année dernière est aujourd'hui devenu une obligation impérative: nous devons permettre à nos jeunes d'acquérir cette arme supplémentaire !
Certains considèrent que ce projet de loi ne va pas assez loin - c'est la position de la gauche - d'autres qu'il va trop loin, que les entreprises doivent faire leur travail - c'est le point de vue de la droite. On peut dès lors conclure qu'il s'agit d'un projet équilibré, ce d'autant qu'il prévoit un bilan après deux ans qui nous permettra d'apprécier les conséquences du dispositif et, le cas échéant, de l'ajuster à la hausse ou à la baisse. Mais non, vous ne nous donnez même pas ce moyen après avoir voté des dizaines de millions pour nos entreprises, vous n'êtes pas capables, à budget constant, de donner un coup de pouce à nos jeunes ! Je ne peux pas y croire, Mesdames et Messieurs les députés !
Du côté d'Ensemble à Gauche - mais c'est un discours que l'on retrouve aussi parmi les syndicats - il n'y a pas de concurrence avec l'Union européenne ou, s'il y en a une, elle sera réglée par le salaire minimum; nous verrons, Mesdames et Messieurs, nous verrons si ce salaire minimum mettra effectivement l'ensemble des salariés sur un pied d'égalité ou si le dumping salarial ne sera pas remplacé par un dumping de compétences, c'est-à-dire que nos employeurs vont peut-être choisir des personnes plus compétentes, quitte à les payer un peu plus de 4000 francs par mois. Nous verrons, des indicateurs seront posés, nous observerons si cette mesure ne va pas aller précisément à l'encontre de son but.
Quoi qu'il en soit, ce que je constate, c'est qu'Ensemble à Gauche règle les problèmes de chômage par l'aide sociale. Je rappelle que des projets de lois avaient été déposés par le Conseil d'Etat pour des rentes-pont dont on parle maintenant au niveau fédéral, des projets de lois rejetés par la gauche qui avait présenté un autre projet, malheureusement lui aussi rejeté - je dis «malheureusement», car il n'y aura au final aucune solution à cette question bien réelle - lequel consistait à verser l'aide sociale à nos chômeurs seniors qui ne retrouvent pas de travail.
Du côté de la droite, j'ai entendu le PLR nous dire: que les entreprises assument leurs responsabilités; vous retiendrez cette phrase, Mesdames et Messieurs, dans la bouche de députés de droite: que les entreprises assument leurs responsabilités. Qu'est-ce que cela signifie ? Qu'elles engagent nos jeunes, puisque c'est leur devoir. Le font-elles ? Insuffisamment ! Insuffisamment, preuve que ce projet de loi a démontré sa nécessité.
Quant aux Verts qui ont également refusé ce projet de loi, ils souhaiteraient remplacer le dispositif par un revenu de base inconditionnel afin que l'on puisse rechercher un emploi - je cite - «le coeur léger». Non, Mesdames et Messieurs: quand on est jeune et que l'on achève sa formation, ce n'est pas le coeur léger que l'on cherche un premier emploi, c'est la boule au ventre ! Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous procédons au vote sur ces deux objets.
Mis aux voix, le projet de loi 12245 est rejeté en premier débat par 50 non contre 23 oui et 17 abstentions.
Mis aux voix, le projet de loi 11847 est rejeté en premier débat par 74 non contre 18 oui et 1 abstention.
Premier débat
Le président. L'objet que nous traitons maintenant est classé en catégorie II, trente minutes. Monsieur Serge Hiltpold, en tant que rapporteur de majorité, voulez-vous prendre la parole ?
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité. Oui, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi sur la suspension de l'augmentation annuelle due aux membres du personnel de l'Etat qu'on appelle communément annuité est un objet récurrent que l'on traite lors de chaque discussion sur le budget. Ce débat est évidemment passionné: il suscite ou remet en cause des accords, il provoque des grèves et des négociations.
Cette année, les partis gouvernementaux ont discuté de cette augmentation due automatiquement au personnel de l'Etat dans un cadre global. L'année dernière, l'accord budgétaire avait été trouvé sans augmentation des postes, puis on en avait voté un certain nombre à la commission des finances, des postes dits au front. Cette année, dans un accord global, on a décidé à une majorité très large de faire cet arbitrage: c'est ce qui est demandé, de manière politique, au parlement. La discussion entre les syndicats ou les représentants de la fonction publique et le Conseil d'Etat qui est l'employeur est forcément biaisée, puisque le parlement a cette compétence d'accorder l'annuité ou pas. A titre personnel, je pense qu'il serait plus sage que le Conseil d'Etat ait les mains plus libres afin de négocier avec le personnel, mais ça, ça doit faire l'objet d'une autre discussion !
La majorité est partie de deux constats. Le premier est que les membres de la commission des finances, rejoints par le plénum, ne voulaient objectivement pas baisser les salaires de la fonction publique. Ce premier constat a fait l'unanimité. Le deuxième constat d'une partie du parlement était la volonté de ne pas augmenter les salaires non plus. Ensuite s'est posée la question sincère sur les secteurs davantage placés au front que d'autres: est-ce qu'on avait la possibilité d'accorder une prime ou une gratification à certains collaborateurs ? On s'est aperçu que ce système était presque impossible à mettre en oeuvre. C'est une interrogation pour les années futures et la révision du statut de la fonction publique et de sa rémunération - dans le privé, on peut donner une prime, mais on ne peut pas le faire à l'Etat. Clairement, une réflexion doit animer nos débats, pour donner la capacité à l'employeur d'être plus objectif et aussi d'adapter la rémunération de certains secteurs. Ces sujets avaient été abordés lors des discussions sur le projet SCORE qui a été abandonné.
Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe.
M. Serge Hiltpold. La fonction publique doit aussi être plus dynamique; cela fera l'objet d'une réflexion ultérieure.
Je vais parler brièvement de l'amendement, parce que le groupe Ensemble à Gauche - qui attribue tous les maux et tous les problèmes que nous avons à la réforme de la fiscalité des entreprises - en a déposé un entre-temps. Je le rappelle, cette réforme a été votée par le peuple. Au nom de l'accord que nous avons trouvé, je vous demanderai de bien vouloir refuser l'amendement d'Ensemble à Gauche et de soutenir ce projet de loi.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de minorité. Les revenus des travailleuses et des travailleurs du grand Etat sont définitivement devenus une variable d'ajustement: pour ce gouvernement d'abord et ensuite pour la majorité qui s'annonce visiblement dans ce Grand Conseil. C'est illustré ici avec cet accord très large, cette belle alliance qui se dessine, pour reprendre les mots de tout à l'heure du député François Baertschi: une fine équipe s'apprête à sabrer les salaires de la fonction publique ! Ça faisait partie d'un plan plus large proposé par le Conseil d'Etat dans le cadre de son plan financier quadriennal, qui listait toute une série de mesures frontales contre les salaires: la baisse de 1%, la hausse de la part salariale des cotisations à la CPEG, le non-versement de l'annuité une année sur deux, la non-indexation des salaires. A l'arrivée, certains salariés de l'Etat auraient vu leurs revenus diminuer de presque 10% d'ici 2024 ! Vous l'avez vu, la volonté de la droite est très claire: elle veut abandonner cette annuité due et inscrite dans la loi, que l'Etat doit payer, légalement, non pas au mérite, non pas en fonction de la situation de ses finances; ça fait partie du contrat que l'Etat passe avec ses employés.
Ensuite, le PLR a toujours prétendu que c'était un mauvais système: en commission, on a même vu un député PLR qui disait que l'annuité n'était pas du tout due, que c'est à nous de la verser ou non selon le mérite de la fonction publique. Il invoquait comme preuve de cette contre-vérité le fait que cette annuité n'était la plupart du temps pas versée par le Grand Conseil ou qu'en tout cas le Conseil d'Etat proposait de ne pas la verser.
Pour justifier cette nouvelle attaque contre les salariés, le Conseil d'Etat a fait une opposition dramatique entre le public et le privé, disant que le secteur public devait aussi faire un effort de solidarité face à la crise puisqu'il était, après tout, privilégié. Mesdames et Messieurs les députés, une telle opposition entre salariés publics et salariés privés, en particulier en période de crise, est absolument terrifiante et irresponsable de la part du gouvernement, de la part de l'employeur. L'effort solidaire, précisément, les employés de la fonction publique l'ont fait ! Ils et elles l'ont fait tous les jours sur leur lieu de travail ! Ce sont des gens qui étaient au front, en première ligne, contre la crise sanitaire et contre la crise sociale. Ce sont les personnes qui travaillent dans les hôpitaux universitaires auxquelles nous refusons l'annuité ! Ce sont aussi celles et ceux de l'IMAD, ce sont celles et ceux de l'Hospice général: tous ces gens qui au quotidien se battent contre la crise sociale et sanitaire. Eh bien, voilà les remerciements ! Ce Grand Conseil s'apprête à sabrer les salaires de personnes applaudies par la population !
Le président. Vous parlez sur le temps du groupe.
M. Jean Burgermeister. En pleine crise sociale et économique, l'urgence est précisément de défendre les revenus de la population et non pas de les dégrader. Dès lors, je regrette sincèrement cet accord qui se fait sur le dos des salariés, d'autant plus que le PS et les Verts vont entériner l'idée que l'annuité n'est pas due; ils vont entériner l'idée que les salaires sont une variable d'ajustement et que c'est aux salariés de résorber les déficits de l'Etat. C'est la raison de l'opposition d'Ensemble à Gauche, qui a déposé cet amendement. Contrairement à ce que me dit M. Hiltpold, nous ne considérons pas que la RFFA est responsable de tous les maux: par exemple, elle n'a pas causé la pandémie, il faut le reconnaître ! Néanmoins, Mesdames et Messieurs, l'imputation partielle de l'impôt sur le bénéfice à l'impôt sur le capital à 25% est la première étape. L'imputation sera totale en 2024, normalement, et elle coûtera à l'Etat de Genève - selon les prévisions du département des finances - plus de 147 millions de francs: c'est presque deux fois le chiffre annoncé par le Conseil d'Etat au moment de la votation ! C'est presque trois fois les économies qui seraient effectuées ici en supprimant les annuités des salariés !
Mesdames et Messieurs, j'ai déposé cet amendement sans trop croire qu'il serait accepté, mais sait-on jamais ! Je souhaite montrer qu'il y a d'autres solutions: il n'est pas obligatoire de s'en prendre aux salariés en période de crise pour résorber les déficits. Il est possible aussi de demander aux entreprises un effort solidaire; ça aurait d'autant plus de sens que les entreprises concernées par l'impôt sur le bénéfice sont précisément celles qui vont bien ! Elles participeraient ainsi à un effort solidaire pour financer les entreprises en difficulté, que nous allons devoir financer en 2021. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, Ensemble à Gauche vous invite à accepter cet amendement. Si l'amendement est accepté, nous voterons évidemment le projet de loi. Dans le cas contraire, ce sera un refus catégorique. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Olivier Baud, vous avez la parole pour une minute.
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, je n'ai pas entendu combien de temps j'ai, excusez-moi !
Le président. Une minute.
M. Olivier Baud. Merci. Mesdames et Messieurs les députés, de 1993 à 2020, en vingt-huit ans, l'annuité a été versée normalement treize fois. Donc, quinze fois - plus d'une fois sur deux - elle a fait l'objet de mesures d'économies. Soit elle a été complètement supprimée, soit elle a été amputée de diverses manières. En 1999, 2000, 2001, 2004, 2006, 2007 et 2008, elle a été décalée de six mois, par exemple. Si cela avait été le cas cette année, cela ferait quand même une économie de près de 30 millions de francs, qui correspond aux nouveaux postes du budget.
Mais personne ici ne cautionne véritablement ça: c'est un dysfonctionnement qui dure depuis près de trente ans, un manque de respect des lois et surtout un mépris pour le personnel ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il y a toujours une mauvaise excuse pour sabrer les salaires, mais vous devez comprendre que les salariées et les salariés de la fonction publique disent: non, ça suffit ! Et ils font grève pour exprimer leur mécontentement devant le manque de gratitude de l'employeur.
Il est facile d'applaudir le personnel soignant, tant que cela ne coûte rien ! Mais traduire concrètement une forme de reconnaissance face à l'engagement des fonctionnaires durant cette crise sanitaire, accorder une prime covid par exemple, comme l'ont fait d'autres cantons, cela semble plus difficile...
Le président. Merci !
M. Olivier Baud. Mesdames et Messieurs les députés, l'augmentation annuelle est due - j'insiste sur ce mot - et je demande le vote nominal. La fonction publique vous regarde, Mesdames et Messieurs les députés ! (Exclamations.) Ayez la présence d'esprit de dire non à ce projet de loi et oui au respect du personnel de l'Etat et du secteur subventionné ! (Applaudissements.)
Le président. Etes-vous soutenu pour le vote nominal ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes. La parole est maintenant à M. le député Boris Calame.
M. Boris Calame (Ve). Monsieur le président, chères et chers collègues, le renoncement n'est pas obligatoirement un bon choix; toutefois, il faut parfois savoir renoncer. Au regard de la situation sanitaire, sociale et économique liée à la crise majeure que nous vivons, il est indispensable que l'Etat puisse fonctionner au mieux avec un budget connu et validé par notre parlement lors de son traitement.
Envisager un exercice 2021 qui se déroulerait sous le régime des douzièmes provisionnels n'est en aucun cas une bonne solution pour accompagner sereinement les autorités et les administrés dans cette situation, avec les incertitudes que nous connaissons. Pour assurer une majorité au vote final du budget 2021, les Verts se devaient d'assumer leurs responsabilités en trouvant un accord avec une majorité qualifiée.
Dans la situation que nous connaissons, avec un budget 2021 annoncé avec un déficit de plus de 800 millions de francs, le principe de l'addition au budget des nouveaux postes et de l'annuité n'étant pas à même de réunir une majorité qualifiée, il a fallu faire des concessions de part et d'autre. Après des discussions nourries au sein du groupe des Verts, mais aussi avec les autres partis gouvernementaux, nous avons choisi de prioriser les postes pour assurer le bon fonctionnement de l'Etat, plutôt que les annuités 2021.
Il faut se rappeler encore que cette année 2020 a été et est encore particulièrement difficile pour le plus grand nombre des administrés. Les soutiens supplémentaires apportés aux personnes, entreprises et institutions de la république nous mèneront sans doute à un déficit de l'ordre de 1 milliard de francs aux comptes 2021.
Nous, les Verts, aurions préféré le «et» plutôt que le «ou». La réalité politique de notre parlement ne nous a pas laissé le choix. Nous vous invitons dès lors, chères et chers collègues, à voter ce projet de loi de suspension de l'annuité 2021.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, à la question de savoir si l'on soutient la fonction publique, la réponse est oui; celle-ci a effectivement été mise lourdement à contribution. A ce titre, nous la remercions et nous restons très attentifs aux moyens mis à sa disposition. Quant à savoir si le Conseil d'Etat a les mains libres, la réponse est non, et il n'a pas la tâche facile: l'annuité faisant partie de la loi, comment voulez-vous que le Conseil d'Etat négocie ? Les syndicats savent bien que c'est le parlement qui décidera, qui tranchera. D'ailleurs, ils sont bien présents dans cette salle, Mesdames et Messieurs, et ils savent comment il faut intervenir - à tout moment ! Nous devons absolument changer la loi pour donner ces compétences au Conseil d'Etat; cela lui permettra non seulement de sortir du dialogue, mais aussi de négocier véritablement avec la fonction publique pour nous présenter un budget qui soit le plus proche de la réalité du terrain.
La situation actuelle ne laisse pas entrevoir une sortie de crise avant un certain nombre d'années. C'est pourquoi il nous semble important aujourd'hui de prendre une décision avec sagesse et de savoir remettre au lendemain ce qu'on n'arrive pas à faire aujourd'hui. Le parti démocrate-chrétien soutiendra ce projet de loi sans l'amendement proposé.
M. Eric Leyvraz (UDC). Monsieur le président, l'UDC a unanimement refusé la baisse de salaire de 1% pour les fonctionnaires. Par contre, elle soutient ce projet de loi qui demande la suspension de l'annuité pour 2021.
Quand une grande partie de la population se retrouve en RHT - quand tout va bien - et voit son salaire fortement diminué, il paraît malvenu d'accepter l'annuité qui correspond en fait à une augmentation de salaire pour une fonction publique qui a touché 100% de son traitement. Il est quand même dommage que ce soit au Grand Conseil et non pas au Conseil d'Etat de décider du sort de ce projet de loi et de passer pour le méchant. L'UDC le votera, sans amendement, car nous sommes dans une situation des plus particulières.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Murat-Julian Alder, vous avez la parole pour deux minutes vingt.
M. Murat-Julian Alder (PLR). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous vivons une grave crise sanitaire, économique et sociale. A cette crise, nous ne voulons en aucun cas ajouter une dimension institutionnelle. Nous ne pouvons pas, cette année, dans de telles circonstances, nous permettre le luxe d'avoir recours au régime des douzièmes provisoires. C'est dans ce contexte exceptionnel que les partis gouvernementaux se sont mis d'accord sur un budget de crise pour l'année 2021; comme dans tout accord, il a fallu faire des compromis et chaque parti a dû renoncer à certaines de ses prétentions. Cet accord comprend la suspension de l'annuité pour l'année prochaine. L'heure n'est ni aux querelles idéologiques ni aux discours clientélistes de certains, c'est pourquoi le groupe PLR vous invite à approuver ce projet de loi et à refuser l'amendement du groupe Ensemble à Gauche.
M. François Baertschi (MCG). Monsieur le président, le MCG se mobilise depuis des années pour défendre les acquis sociaux du privé et du public. Le MCG aurait préféré une demi-annuité pour l'année 2021: c'était un juste arbitrage entre le respect des mécanismes salariaux et la situation exceptionnelle que nous traversons. Malheureusement, aucune majorité n'était possible sur cette base, c'est pourquoi le MCG s'est rallié à la proposition du Conseil d'Etat qui prévoit dans son plan quadriennal l'absence d'annuité en 2021 et une annuité pleine en 2022. C'est pourquoi nous acceptons exceptionnellement, à cause de la crise sanitaire, la suppression sur une seule année du mécanisme salarial, étant entendu que l'annuité sera rétablie en 2022.
Cette suspension est atténuée par l'annulation de la baisse des salaires de 1% prévue initialement par le Conseil d'Etat - il aurait été inacceptable de s'attaquer aux revenus acquis. Vu la situation exceptionnelle et l'accord global des partis gouvernementaux de toutes tendances, pareille mesure peut être suivie par le MCG, même si c'est à regret.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Jean Burgermeister, je suis désolé, il n'y a plus de temps de parole ni pour vous ni pour le groupe Ensemble à Gauche ! Monsieur Pfeffer, vous avez la parole pour deux minutes.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Le problème majeur de ces annuités est l'absence d'un lien entre leur octroi et la performance réalisée au travail. Surtout, il y a absence de lien entre employés et employeur: cet ajustement linéaire est inscrit dans la loi, il est négocié par les fonctionnaires avec le Conseil d'Etat et, finalement, il est voté par le Grand Conseil. Ce système est insatisfaisant. A cause de la grave crise actuelle, il serait raisonnable que cette annuité soit suspendue pour cette année.
Encore une fois, ce concept est très discutable et il est probablement certain que les syndicats demanderont aux tribunaux de se prononcer sur la décision que nous allons prendre maintenant: comme cela a déjà été le cas, notre décision sera alors cassée par les tribunaux !
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame la députée Françoise Sapin, vous avez la parole pour une minute trente.
Mme Françoise Sapin (MCG). Merci, Monsieur le président. Je voulais revenir sur l'amendement d'Ensemble à Gauche. La RFFA a été votée et acceptée par le peuple le 19 mai 2019 et elle est entrée en vigueur le 1er janvier 2020. C'est très irrespectueux vis-à-vis des électeurs que de remettre en cause ce vote du peuple et c'est se moquer des institutions. Pour cette raison, le MCG vous demande de refuser cet amendement.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme la conseillère d'Etat... Ah non ! A M. Patrick Saudan, au dernier moment ! Je vous passe la parole pour une minute trente.
M. Patrick Saudan (HP). Merci, Monsieur le président, ce sera amplement suffisant. Je tenais à saluer l'esprit de compromis qui a animé mes collègues des partis gouvernementaux pour arriver à ce projet de loi. Je pense que la fonction publique sera beaucoup mieux préservée avec un tel état d'esprit. Je fais juste encore un petit rappel: dans les années 30, c'est un gouvernement socialiste, celui de Léon Nicole, qui a dû baisser les salaires - de 10% - suite à trois années de blocages et de guérilla incessante entre les partis de droite et de gauche et à cause de la mainmise de l'Etat fédéral ! Parvenir à maintenir une politique institutionnelle sage avec un esprit de compromis est une très bonne chose et je remercie mes collègues pour cela.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat souhaite vous remercier pour l'acceptation qui se dessine. La suspension de l'annuité 2021 ne doit pas être comprise comme un manque de reconnaissance vis-à-vis des collaboratrices et collaborateurs: bien au contraire, le Conseil d'Etat a eu l'occasion de l'exprimer, nous sommes très reconnaissants pour le travail accompli au cours de cette année extrêmement difficile.
Nous aurons l'occasion d'en discuter un peu plus tard aujourd'hui, cette suspension de l'annuité permet la création de plus de 600 nouveaux postes en 2021... Rien n'est changé, respirez tous ! Une très grande partie de ces postes concerne des auxiliaires aux HUG pour une période courte et déterminée.
Mesdames et Messieurs les députés, la problématique que nous avons avec un groupe d'extrême gauche est la suivante: non seulement ce groupe n'est jamais satisfait du nombre de postes inscrits au budget, mais il s'oppose en plus à toute baisse de l'annuité. Dans la situation que nous vivons aujourd'hui, on ne peut pas avoir tout et on doit faire des choix ! Les partis gouvernementaux ont dans ce sens suivi le choix du Conseil d'Etat: qu'ils en soient remerciés, dans cette période de crise sanitaire, dans cette période de tension forte.
J'aimerais encore souligner que le groupe d'extrême gauche - pour faire pression évidemment - a soulevé la question des soignants: ces soignants qu'effectivement nous avons toutes et tous applaudis se retrouveraient aujourd'hui oubliés. Mesdames et Messieurs les députés, les entités autonomes ont un rôle d'employeur et, en cette qualité d'employeur, elles peuvent allouer des primes, contrairement au petit Etat. Ces entités peuvent allouer des primes et des congés particuliers. J'ai confiance que cela sera fait, parce que ces entités ont justement reconnu le rôle de leurs collaboratrices et collaborateurs.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, je recommande de ne pas entrer en matière sur l'amendement déposé par le groupe Ensemble à Gauche; on voit bien la tournure que prendront les débats et on voit bien le but ici poursuivi. Malheureusement, aucun dispositif ne nous permet de nous opposer à la transformation d'un projet de loi sur la suspension de l'annuité en un projet de loi sur la fiscalité. C'est comme ça ! Toutefois, je compte sur le bon sens de ce parlement pour ne pas revenir par ce biais-là sur une loi adoptée très largement par le peuple et, faut-il le rappeler, non pas seulement par le peuple cantonal, mais aussi par le peuple fédéral, n'en déplaise à certains ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous procédons au vote d'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 12780 est adopté en premier débat par 78 oui contre 7 non et 3 abstentions.
Deuxième débat
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement général déposé par M. Jean Burgermeister pour le groupe Ensemble à Gauche, dont le but est de remplacer l'entier du texte voté en commission. Le voici:
«Titre (modification)
Projet de loi modifiant la loi sur l'imposition des personnes morales (LIPM), du 23 septembre 1994 (Suspension de la RFFA)
Art. 1 (souligné) Modifications
La loi sur l'imposition des personnes morales (LIPM), du 23 septembre 1994, est modifiée comme suit:
Art. 36A Réduction de l'impôt sur le capital
L'impôt sur le capital, calculé selon les dispositions des articles 33 à 36, est réduit du montant de l'impôt sur le bénéfice calculé selon les articles 20, 21 et 25 à hauteur de:
- 8500 francs la première année;
- 8500 francs la deuxième année;
- 25% pour la troisième année;
- 50% pour la quatrième année;
- 75% pour la cinquième année;
- Puis à 100%.
L'année de référence correspond à l'année d'entrée en vigueur de la loi 12006 du 19 mai 2019.
Art. 2 (souligné) Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2021.»
Mis aux voix, cet amendement général est rejeté par 75 non contre 11 oui et 4 abstentions.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 4.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12780 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 76 oui contre 10 non et 3 abstentions (vote nominal).
Premier débat
Le président. A présent, Mesdames et Messieurs les députés, nous nous lançons dans le traitement du budget 2021, soit le PL 12779-A. Le rapport de majorité est de M. Jacques Blondin, celui de minorité de M. Jean Burgermeister. Pour le premier débat, une enveloppe de sept minutes est à disposition de chaque rapporteur, des groupes et du Conseil d'Etat. Le vote de prise en considération suivra ce premier débat que j'ouvre dès maintenant. La parole est donc à M. Jacques Blondin.
M. Jacques Blondin (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous aurez constaté que le débat a déjà commencé avec les prises de position que nous venons d'entendre sur le précédent objet. Je vais quand même vous présenter le rapport de majorité sur ce projet de loi spécifique. Je me fais un plaisir de commencer en remerciant l'ensemble des collaborateurs et collaboratrices de tous les départements qui nous ont assistés dans nos travaux, aussi bien le département des finances que les autres lors des auditions. Leurs compétences et leur disponibilité ont été appréciées à leur juste valeur. J'associe bien évidemment l'entier du Conseil d'Etat et plus particulièrement Mme Fontanet, chargée des finances.
Je reviens au 23 septembre 2020, jour où le Conseil d'Etat nous a présenté le projet de budget 2021. A ce moment-là, celui-ci prévoyait un excédent de charges, c'est-à-dire un déficit, de 501,3 millions et des investissements nets de 714,5 millions. Il nous a été rappelé que ce budget s'inscrit dans le contexte très particulier d'une crise sanitaire sans précédent, accompagnée d'une crise économique et sociale; une crise qui intervient après la mise en oeuvre de trois réformes majeures votées en 2019. L'ensemble de ces réformes - RFFA, IN 170, CPEG - grèvent le budget 2021 de 631 millions. Dans ces circonstances exceptionnelles, le Conseil d'Etat nous a indiqué avoir procédé à des choix formalisés sous forme de projets qui devaient encore être traités par le Grand Conseil, mais qui étaient déjà inscrits dans le budget.
La commission des finances leur a réservé un accueil des plus réservés, voire a infligé un verdict de non-entrée en matière à certains d'entre eux. En ce qui concerne la réduction temporaire de 1% du traitement de la fonction publique pour une économie de 30 millions de francs, la totalité des partis ont très rapidement émis des réserves: unanimes, les commissaires ont fait part de leur intention de ne pas entrer en matière, ce qui a conduit le Conseil d'Etat à retirer son texte.
S'agissant de l'écrêtage sur les communes à hauteur de 44 millions de francs, suite aux discussions avec le gouvernement, la commission des finances a dans un premier temps gelé le projet de loi, puis l'a refusé. Cependant, il est clairement attendu de l'Association des communes genevoises une entrée en matière avec la délégation du Conseil d'Etat pour trouver, sur le budget 2022, les prestations faisant l'objet des prochaines négociations.
Quant à la nouvelle évaluation fiscale des immeubles, pour 105 millions de francs, le projet de loi a été soumis à la commission fiscale qui l'a inscrit à son ordre du jour; une éventuelle prise en compte de ses délibérations et propositions ne se fera pas avant 2022, voire 2023. Pour finir, le texte sur l'écart entre les taux d'intérêt fiscaux différenciés, à hauteur de 24 millions de francs, n'a pas trouvé grâce aux yeux de la commission fiscale qui l'a refusé, tandis que la modification de la loi sur l'organisation des SIG pour 16 millions de francs vient d'être traitée par notre assemblée.
Suite aux décisions relatives aux lois connexes et à divers amendements du Conseil d'Etat, le déficit du projet de budget est passé de 501,3 millions à 764 millions, auxquels il faut encore ajouter les 44 millions de la loi écrêtage refusée. Les partis gouvernementaux - le MCG, le PLR, le PDC, les Verts et les socialistes - conscients de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouvent le canton de Genève et sa population en pleine crise du covid-19, avec les conséquences sanitaires, sociales et économiques que l'on connaît, désireux de ne pas y ajouter une crise institutionnelle en ayant recours aux douzièmes provisoires - ce qui, à coup sûr, serait anxiogène pour les entreprises et la population et mettrait le Conseil d'Etat dans une situation difficile, la gestion du ménage de l'Etat devenant ingérable avec la pandémie, dont on ne connaît pas encore l'issue ni les conséquences financières - se sont concertés afin de se mettre d'accord sur les conditions qui permettraient de conclure un pacte gouvernemental conduisant à l'acceptation du projet de budget 2021.
En considérant le sort réservé aux projets de lois connexes précédemment mentionnés, les négociations se sont focalisées sur deux points fondamentaux: la suspension de l'annuité 2021, à hauteur de 55 millions de francs, qui vient de faire l'objet de délibérations, et l'attribution de tous les nouveaux postes demandés pour 2021, soit 353 ETP - inclus 67 pour la cellule covid - pour environ 30 millions de francs. Après d'intenses pourparlers, les partis gouvernementaux sont parvenus à signer un accord historique par lequel ils acceptaient le projet de budget issu des travaux de commission pour autant que ces deux points soient strictement respectés. Cet accord prévoit aussi l'engagement de ces mêmes partis gouvernementaux à se mettre à la table des négociations afin de préparer, dès janvier 2021 déjà, le projet de budget 2022. Celui-ci devra inévitablement inclure des mesures structurelles afin de réduire le déficit, lequel ne devra pas dépasser les 325 millions de francs si on veut respecter les conditions actuelles liées au frein au déficit et sachant que la réserve conjoncturelle pourrait être épuisée.
Le montant final du déficit budgétaire 2021 se décompose comme suit: pour le budget de fonctionnement, des revenus de 8,52 milliards, des charges de 9,36 milliards et un excédent de charges de 839,65 millions - c'est le montant présenté à vos suffrages avant les délibérations. Le budget d'investissement, lui, reste fort heureusement à son niveau initial de 714,52 millions.
Mesdames et Messieurs, le covid-19 est passé par là, et la crise économique qui lui est liée entraîne progressivement dans son sillage une crise sanitaire et sociale dont les effets ne peuvent pas être estimés avec précision à ce jour. Malgré la prolongation partielle des RHT jusqu'à la fin de l'année 2020, une partie non négligeable de la population a vu ses revenus se réduire, ce qui fragilise un grand nombre de personnes et engendre un recours accru aux prestations sociales. Une partie de l'activité économique est à l'arrêt, et pour les entreprises et commerces concernés, les conséquences sont actuellement difficiles à cerner autrement que par le constat que cela sera très difficile et que certains vont probablement rester sur le carreau.
La majorité de la commission vous demande d'accepter le budget 2021 tel que présenté, Mesdames et Messieurs les députés. Cette majorité, et c'est historique avec un tel budget, est constituée de tous les partis gouvernementaux. C'est évidemment un mauvais budget au regard de l'ampleur du déficit, mais un bon budget au vu de la situation exceptionnelle que nous vivons; c'est surtout une volonté ferme d'éviter une crise institutionnelle en donnant les moyens au Conseil d'Etat de nous mener à bon port en 2021; enfin, c'est un pari sur l'avenir afin de sortir Genève de ses déficits chroniques. La majorité vous remercie d'accepter le PL 12779-A.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de minorité. Le rapporteur de majorité, M. Blondin, nous a expliqué tout à l'heure qu'il s'agissait là d'un budget de crise. Mais, à mon sens, c'est précisément là le problème: ce budget n'est pas un budget de crise, c'est un budget en parfait décalage avec la situation que nous vivons aujourd'hui. Nous sommes en pleine crise majeure, une crise historique qui a d'abord mis en lumière les manquements dans les services publics et qui maintenant accélère massivement le processus de paupérisation de couches toujours plus larges de la population, d'un côté, et de l'autre, de concentration des richesses, qui continuent à croître à une vitesse folle.
Or, avec ce budget, le Conseil d'Etat et la grande majorité de ce parlement ne répondent pas du tout à cette rupture sociale. En réalité, à part quelques postes temporaires d'auxiliaires dans la cellule des HUG pour le dépistage et le traçage du covid, ce qui est évidemment élémentaire et que personne ne remet en question, ce budget n'intègre pas du tout la situation de crise dans laquelle nous nous trouvons, n'intègre pas du tout les répercussions de la crise sanitaire, notamment sur le système de santé publique, n'intègre pas du tout l'explosion de la pauvreté, la hausse des personnes au chômage ou bénéficiant de l'aide sociale. Rien, rien n'est prévu pour répondre à ces besoins urgents et vitaux en pleine crise.
Plus tard, nous entendrons tour à tour les représentants des différents partis gouvernementaux nous expliquer qu'ils ont pris la responsabilité de signer un accord et de voter le budget, qu'il est de notre responsabilité d'éviter une crise institutionnelle. Mais notre responsabilité, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas de nous mettre d'accord sur un projet abstrait sans contenu social; notre responsabilité, c'est de répondre aux besoins des citoyens, en particulier à l'urgence de la crise. Et puis s'il y a eu un accord sacré allant du PS au PLR, il s'agit d'un accord de partis politiques qui, dès le début, a mis de côté les représentants des salariés. En effet, le Cartel intersyndical a été mis hors jeu par le Conseil d'Etat avant même les négociations avec les différents partis, de manière aussi incompréhensible qu'irresponsable.
C'est pourtant le Conseil d'Etat qui a ouvert les hostilités et mis le feu aux poudres en présentant toute une batterie de mesures contre les salaires de la fonction publique, ce qui ne pouvait que susciter la mobilisation, et elle a été importante. Il s'agit donc d'un accord conclu en secret, d'un coup de poignard dans le dos, je pense qu'on peut le dire, envers les salariés qui se sont mobilisés pour défendre leurs conditions de travail et leurs revenus, et je regrette vivement que la gauche se soit livrée à ce petit jeu.
Vous l'avez compris, Mesdames et Messieurs, nous refuserons ce projet de budget. Pour conclure, j'aimerais citer les mots de celui qui était à l'époque le président du Conseil d'Etat, M. Antonio Hodgers, et qui au moment de la présentation du projet de budget nous a dit pour clore: «S'il y a une chose à retenir de cette présentation, Mesdames et Messieurs, une seule chose à retenir, c'est que les charges ont été maîtrisées par rapport aux années précédentes.» Voilà la conclusion tirée par le gouvernement du budget. Eh bien en ce qui nous concerne, Mesdames et Messieurs, nous ne pensons pas qu'en pleine crise, la priorité soit de contenir les charges ! De fait, ce voeu pieux a fait long feu, puisque la crise a encore empiré et que le déficit s'est élargi.
Disons-le encore une fois: le canton a les moyens de mener une autre politique, y compris en versant la totalité des salaires dus aux fonctionnaires, malgré ce que vient de décider ce Grand Conseil, et en développant les prestations à la population. Mesdames et Messieurs, nous vivons dans un canton extraordinairement riche, et les plus fortunés continuent à très bien s'en sortir, à accumuler des richesses qui croissent à des taux extraordinairement élevés alors que, parallèlement, la plus grande part de la population ne détient aucune fortune. Cet écart, ce fossé social qui se creuse, eh bien il restera sans réponse de la part du parlement si nous votons ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Eric Leyvraz (UDC). En introduction, j'indique que l'UDC n'a pas déposé de rapport de minorité, car étant seul commissaire de mon parti et président de la commission des finances, il aurait été peu élégant de ma part d'en présenter un. En septembre, l'UDC avait accepté l'entrée en matière sur ce budget déficitaire de 501 millions pour pouvoir discuter et proposer son point de vue en commission. Elle a de suite manifesté sa mauvaise humeur face au manque de réalisme du Conseil d'Etat, qui savait très bien que les projets de lois déjà inscrits dans les économies budgétaires ne seraient pas acceptés ou étaient si problématiques qu'ils ne pourraient pas être votés en 2021. Le chiffre à annoncer devait être proche des 700 millions. Le Conseil d'Etat a la loi pour lui, mais ce n'est pas de cette manière que l'on traite de façon honnête la population et que l'on rétablira la confiance entre le législatif et l'exécutif. De plus, il fallait bien peu de psychologie pour proposer une baisse de 1% des salaires de la fonction publique.
Maintenant, nous nous trouvons devant un budget déficitaire de 840 millions, chiffre qui va encore s'envoler avec toutes les dépenses covid que nous aurons à voter, hélas. Ce déficit colossal fait frémir. Avec une perte dans les comptes 2020 déjà estimée à plus de 750 millions, l'Etat de Genève fait face à une situation très préoccupante. Il ne peut plus tirer sur la corde de l'impôt, sa pression fiscale est au maximum, la dette s'envole et avec les 5,2 milliards dus à la caisse de pension, une véritable dette que l'Etat inscrit cependant en pied de bilan, ce qui est totalement contraire aux normes comptables, on arrive tranquillement à 18 ou 19 milliards de dette; joli, large record suisse pour une population de 500 000 habitants ! Ici c'est Genève, comme dirait un collègue...
La population ne comprend pas la gravité de la situation et que si un citoyen déménage, il n'emporte pas avec lui une partie de la dette. L'Etat vit au-dessus de ses moyens, car une dette finit toujours par se payer; si ce n'était pas le cas, cela se saurait depuis longtemps et les Etats feraient marcher sans cesse la planche à billets. Et croire que les banques pourront toujours prêter à l'Etat est une vue de l'esprit, elles ont aussi des limites à ne pas dépasser.
Le Conseil d'Etat va tout faire pour repousser le frein au déficit qui doit s'appliquer à partir de 13,3 milliards; l'UDC luttera avec force pour refuser ce subterfuge. Notre canton arrive à la fin des possibilités de dépenses sans compter. La baisse des rentrées fiscales va être plus sévère que l'annonce de septembre, les faillites vont se multiplier dans l'hôtellerie et la restauration, l'événementiel est en débâcle. Malgré cette situation catastrophique, les partis gouvernementaux se lient pour accepter ce budget avec 353 ETP supplémentaires. Et la droite au pouvoir depuis longtemps, en tout cas sur le papier, porte une lourde responsabilité dans cette quasi-faillite financière.
Difficile de reprocher à l'UDC cette situation. Depuis son entrée au Grand Conseil en 2001, elle n'a cessé de dénoncer cette fuite en avant, de refuser des budgets toujours plus importants pour nourrir un Etat beaucoup trop gros, lequel enfle chaque année de façon disproportionnée: 3500 fonctionnaires de plus en dix ans, soit une hausse de 20% dans le petit Etat, et ce alors que la population n'a augmenté que de 10%. Sans mesures drastiques et douloureuses, nous finirons avec une crise aux conséquences dramatiques.
Pour couper cette spirale infernale d'un Etat toujours plus obèse, prêt à emprunter pour faire tourner la machine, ce qui est le début de la fin, le Conseil d'Etat devrait montrer un courage exceptionnel dont il ne fait malheureusement pas preuve. Le courage serait de demander l'abolition du statut de fonctionnaire; les nombreux cantons suisses allemands qui l'ont adoptée s'en montrent très satisfaits: souplesse, facilité de se séparer de mauvais éléments, motivation accrue pour ceux qui accomplissent - et c'est la plupart d'entre eux - consciencieusement leurs tâches. Le courage serait de réduire la voilure de l'Etat. Prenons l'Etat et les communes, car la répartition des tâches est différente selon les cantons: à Zurich, la fonction publique coûte 35% de moins par tête d'habitant qu'à Genève ! Une réorganisation profonde s'impose, et le Conseil d'Etat doit privilégier les tâches régaliennes: éducation, santé, sécurité. Chaque subvention doit être remise en question, étudiée dans les détails, comme le fait le Conseil national, et supprimée si elle n'est pas absolument nécessaire.
Avec les dizaines de millions que nous dépensons pour l'informatique, les programmes pour rendre l'administration numérique et performante, on continue à augmenter les emplois. Avec toutes ces avancées technologiques, il est faux de dire qu'une population plus nombreuse induit automatiquement plus de postes étatiques. Pourquoi ce qui est possible dans les autres cantons est-il impensable à Genève ? Les administrations doivent être transversales, organiser des échanges d'un service à l'autre en cas de nécessité, diminuer l'absentéisme qui se transforme en droit quand une simple dispute avec son supérieur entraîne un congé maladie. Que de potentielles économies en personnel !
De plus, il n'est pas sain que le parlement comporte un tiers de députés rattachés à la fonction publique; toute demande d'amélioration de fonctionnement rencontre peu d'espoir de succès. Une réflexion profonde s'impose face à ce problème. Rappelons qu'avant 1998, un fonctionnaire ne pouvait pas siéger au Grand Conseil. On ne peut pas être à la fois juge et partie ! Pitoyable et irrationnel canton: d'un côté chantre du modernisme et du numérique, de l'autre vivant encore au temps des diligences avec 45 communes pour une si petite communauté, grand donneur de leçons au monde, mais incapable de régler un problème lancinant et coûteux, celui d'avoir pratiquement deux administrations parallèles, la Ville et le canton. C'est une crise financière sans issue qui s'annonce, et nous risquons de finir comme en 1934 sous la tutelle de la Confédération. Nous pourrons alors changer la devise de la république: «Post tenebras patatras» !
Vous l'aurez compris, ce budget est ficelé par les partis gouvernementaux sans possibilité d'ajustement, donc pour nous, il sera inutile de faire des heures de débat. L'UDC n'est pas satisfaite et refusera l'entrée en matière, sans espoir évidemment, ainsi que le vote final. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous stoppons ici et reprendrons le premier débat sur le budget à 17h.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de l'économie.
Ce projet de loi est renvoyé sans débat à la commission de l'économie.
Le président. Je vous retrouve à 17h pour la suite de nos travaux.
La séance est levée à 16h40.