Séance du jeudi 3 décembre 2020 à 14h
2e législature - 3e année - 7e session - 40e séance

PL 12245-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi en matière de chômage (LMC) (J 2 20) (Allocation de premier emploi)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 27 et 28 août 2020.
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (PLR)
Rapport de première minorité de M. Thierry Cerutti (MCG)
Rapport de deuxième minorité de M. André Pfeffer (UDC)
Rapport de troisième minorité de M. Romain de Sainte Marie (S)
PL 11847-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Romain de Sainte Marie, Jean-Charles Rielle, Roger Deneys, Isabelle Brunier, Salima Moyard, Christian Frey, Thomas Wenger, Nicole Valiquer Grecuccio, Cyril Mizrahi, Lydia Schneider Hausser modifiant la loi en matière de chômage (LMC) (J 2 20) (Introduction d'une allocation de premier emploi pour les jeunes)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 27 et 28 août 2020.
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (PLR)
Rapport de minorité de M. Romain de Sainte Marie (S)

Premier débat

Le président. Nous poursuivons avec les points liés PL 12245-A et PL 11847-A que nous traitons en catégorie II, cinquante minutes. Je cède la parole à M. Edouard Cuendet.

M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ces projets de lois introduisent tous deux une allocation de premier emploi, dite APE, mais sous des formes différentes. Il y a d'une part la version ultra-élitiste de M. de Sainte Marie - si on m'avait dit un jour que je critiquerais une loi élitiste ! - qui réserve cette allocation aux personnes ayant touché des indemnités suite à leur inscription au chômage à la fin d'un parcours de formation - et j'insiste sur ce point. Cette mesure, qui vise uniquement les jeunes, ne peut être instaurée qu'au sein d'entreprises privées. Sa durée est de trois ans au maximum avec une participation étatique au paiement du salaire de 60% la première année, de 40% la deuxième année et de 20% la dernière année. Il s'agit donc de la proposition de M. Romain de Sainte Marie qui, on le voit, vise surtout les universitaires venant d'obtenir leur licence.

D'autre part, il y a la version du Conseil d'Etat qui prévoit aussi une allocation de premier emploi, mais pour soutenir l'engagement de chômeurs âgés de plus de 18 ans et de moins de 30 ans révolus s'ils trouvent un premier travail et à condition qu'ils soient au bénéfice d'une allocation d'initiation au travail, soit une AIT qui est un dispositif de droit fédéral. En fait, ce projet de loi consiste à prolonger la perception de l'AIT jusqu'à une durée globale de six mois avec une participation au salaire jusqu'à concurrence de 60% pendant ce laps de temps. A noter que sont exclus les domaines d'activité dans lesquels des stages sont obligatoires pour l'obtention du titre professionnel.

Si l'on compare les deux textes, le premier, celui de M. de Sainte Marie, vise surtout les universitaires ayant décroché un diplôme et prévoit une durée extrêmement longue; il est peu ciblé en fonction de l'employabilité. Celui du Conseil d'Etat, de son côté, est plus ciblé: sa durée est limitée et il s'additionne à un dispositif fédéral. Il est intéressant de relever que la commission de l'économie a mené de nombreuses auditions et, fait rare, il y a eu une unanimité parmi les personnes entendues pour s'opposer à ces deux objets.

Nous avons d'abord reçu la CGAS qui a estimé qu'il est hors de question de subventionner les affreux entrepreneurs, elle s'oppose donc aux projets en soulignant qu'il vaudrait mieux traiter le mal à la racine et proposer des mesures pour les demandeurs d'emploi sans formation. Après la CGAS, nous avons auditionné les milieux patronaux par le biais de l'UAPG qui n'a pas dit la même chose, bien évidemment, mais qui a jugé ces mesures inadéquates, parce qu'elles risqueraient d'opposer deux catégories, à savoir les chômeurs jeunes et les chômeurs plus âgés, et pourraient avoir comme effet pervers que les entreprises attendent la fin du délai de chômage pour embaucher les jeunes - ce qui, de nouveau, favoriserait les chômeurs en fin de droit jeunes par rapport aux chômeurs âgés. Il y aurait ainsi une distorsion de concurrence sur le marché du travail très désavantageuse pour les demandeurs d'emploi âgés.

Ensuite, nous avons entendu le professeur Giovanni Ferro-Luzzi, qui est directeur de... de... Je vais vous donner son titre exact... directeur de... Je vais trouver ! (L'orateur feuillette le rapport.) Voilà: directeur de l'Institut de recherche appliquée en économie et gestion, l'IREG. C'était très intéressant: M. Ferro-Luzzi a annoncé que l'Etat aurait meilleur temps de cibler une population précise sur une durée plus longue plutôt que de saupoudrer des catégories de personnes qui trouvent aisément un emploi. Selon lui, il faudrait que le jeune sans formation achevée soit encadré plus longuement afin que les ressources soient attribuées à ceux qui en ont le plus besoin. Ainsi, de son point de vue, partagé par la plupart des auditionnés, il ne faudrait pas venir en aide aux jeunes qui ont réussi un cursus, mais plutôt à ceux qui sont plus précaires et qui n'ont pas obtenu de diplôme.

Cela a donné lieu à une étude sociologique sur la formation à Genève, et c'est là le point...

Le président. Vous parlez sur le temps du groupe.

M. Edouard Cuendet. Oui, merci. ...c'est là le point principal: la formation à Genève n'est pas forcément adéquate, car on y favorise considérablement les études universitaires au détriment de l'apprentissage dual. En effet, le pourcentage d'apprentis dans notre canton est beaucoup plus bas que dans le reste de la Suisse. Cet aspect a été mis en avant par M. Gilles Miserez, directeur général de l'OFPC, lors de son audition: il a souligné que les deux projets créeraient une concurrence entre le secteur bénéficiant des aides et celui de l'apprentissage, les apprentis étant exclus des dispositifs; M. Miserez estime qu'il faut au contraire encourager la voie duale qui est un peu sous-estimée à Genève. Cette belle unité entre tous les auditionnés a amené une large majorité de la commission à rejeter ces deux projets de lois, Mesdames et Messieurs, et je vous invite à faire de même. Merci. (Applaudissements.)

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je remercie le rapporteur de majorité pour ses explications et le rappel du contenu des deux projets de lois, même si on peut qualifier son analyse de subjective en ce qui concerne l'effet des mesures proposées. Je commencerai par un constat préalable, un constat malheureux, à savoir que la commission et le conseiller d'Etat chargé de l'emploi n'ont pas réussi à trouver de compromis entre les deux textes, d'une part celui déposé par le parti socialiste instaurant une allocation de premier emploi, d'autre part celui du Conseil d'Etat introduisant le même mécanisme, mais de façon différente.

S'agissant du PL 12245 du Conseil d'Etat, je débuterai par là, le problème est le suivant: l'aide est beaucoup trop faible pour avoir une réelle incidence sur l'insertion professionnelle des jeunes. En effet, il s'agit de prolonger la durée de l'allocation d'initiation au travail de six mois au maximum avec une prise en charge du salaire. C'est un pas en avant, un petit pas en avant, mais largement insuffisant pour agir significativement sur la question du chômage des jeunes. Aujourd'hui, la problématique qui touche les jeunes au moment de leur arrivée sur le marché de l'emploi est notamment liée aux stages. Vous savez que le parti socialiste s'est énormément intéressé au sujet, même plus qu'intéressé puisqu'il a déposé des projets de lois pour interdire ce qu'on appelle les stages sauvages. Ce n'est pas le parti socialiste qui les qualifie ainsi, mais l'OCIRT: il s'agit de stages qui n'entrent pas dans le cadre soit de programmes reconnus de formation, c'est-à-dire valorisés par des crédits, soit de programmes de réinsertion socioprofessionnelle. L'OCIRT avait chiffré la proportion de ces stages qualifiés de sauvages à 80%.

Ce qui se passe, c'est qu'en entrant sur le marché de l'emploi, un jeune diplômé ou une jeune diplômée ne va pas trouver directement de poste. Je ne parle même pas d'un contrat à durée indéterminée, mais juste d'un contrat à durée déterminée; non, il obtiendra un stage plus ou moins rémunéré, ce qui est parfaitement illégal, pendant six mois, puis se retrouvera à nouveau au chômage pendant six mois, effectuera un nouveau stage, rémunéré ou non ou très faiblement, et s'il a vraiment peu de chance et ne trouve rien d'autre dans les trois ans, il tombera inévitablement à l'aide sociale. Voilà le problème que l'on rencontre actuellement sur le marché du travail, il suffit d'ouvrir les journaux ou de consulter les offres d'emploi sur internet pour s'en rendre compte: on demande aux jeunes une expérience professionnelle de trois à cinq ans. C'est le serpent qui se mord la queue, parce qu'une personne qui sort de formation ne bénéficie pas de trois à cinq années de métier. Elle doit donc passer par la case que je viens de décrire, c'est-à-dire des stages plus ou moins rémunérés qui créent une véritable précarité, on l'oblige à entamer sa vie professionnelle de la sorte.

Le projet de loi du parti socialiste, qui avait été déposé avant celui du Conseil d'Etat, vise précisément à compléter le soutien financier pendant cette période-là. Alors on peut tout de suite faire une parenthèse et se féliciter de l'acceptation par le peuple de l'initiative pour un salaire minimum qui apporte une définition des stages, ce qui est une bonne chose et vient combler un vide juridique, et on espère que ce problème sera résolu grâce à des contrôles suffisants qui permettront d'interdire la pratique des stages.

Le projet de loi des socialistes, je le disais, cherche à contrer cette période de précarité après un cursus de formation et propose une allocation de premier emploi à celles et ceux qui ne trouvent pas de première place. Pourquoi sur une période de trois ans ? Eh bien justement pour répondre aux attentes des employeurs qui ne veulent plus former les gens comme autrefois. Je ne parle pas de former au sens de la formation professionnelle - il s'agit là d'un autre enjeu au sujet duquel je partage les préoccupations, à savoir qu'il faut renforcer la formation professionnelle dans notre canton - mais de former les jeunes diplômés qui précisément ne disposent pas d'une formation professionnelle, qui n'ont pas nécessairement d'expérience dans le monde du travail. L'allocation de premier emploi leur permet d'acquérir cette expérience durant trois ans grâce à un coup de pouce, à une impulsion, à une aide financière.

Bon, on pourrait discuter du rôle de l'aide financière, c'est un vaste débat, notamment en ce qui concerne les apprentissages. Ce qu'on observe, au final, c'est qu'en période de crise, cette mesure de soutien est utile. J'en veux pour preuve les actions déployées pour encourager l'apprentissage: l'une d'entre elles consiste justement en une incitation pécuniaire pour les entreprises qui forment des apprentis. Les différentes communes ayant appliqué ce dispositif ont eu des retours positifs.

Le président. Vous passez sur le temps du groupe.

M. Romain de Sainte Marie. Je vous remercie, Monsieur le président. Il est donc possible que les employeurs accueillent positivement ce mécanisme et que cela permette d'insérer plus facilement les personnes sur le marché de l'emploi.

J'aimerais insister sur le fait que le texte du parti socialiste n'est absolument pas élitiste, il se fait simplement l'écho d'un constat relevé par la Cour des comptes dans l'un de ses rapports il y a quelques années, à savoir que les chômeuses et chômeurs en fin de droit sont de plus en plus jeunes et de mieux en mieux formés. Ce n'est pas une illusion, mais bel et bien une réalité face à laquelle nous devons agir. Si la stratégie du PLR, tout comme en matière de formation professionnelle où il s'oppose à l'ensemble des projets pour créer des places d'apprentissage, est de rejeter toute proposition permettant d'améliorer l'insertion professionnelle des jeunes alors qu'il s'agit d'un réel écueil, alors il fait preuve d'attentisme, il pense à tort qu'il n'y a aucun problème sur le marché de l'emploi; ce n'est pas l'approche du parti socialiste qui, lui, estime que l'Etat doit jouer un rôle actif et oeuvrer à l'insertion professionnelle des jeunes.

Quant à la vision de M. Cuendet - vous transmettrez, Monsieur le président - sur l'impact de ces mesures suite à la présentation du professeur Giovanni Ferro-Luzzi, eh bien je n'en ai pas la même lecture. Si on consulte la littérature sur les politiques publiques d'insertion et de réinsertion professionnelles, on note différents éléments, notamment dans les pays scandinaves, qui montrent que ces dispositifs ont des conséquences positives. Je lis un extrait du document remis par M. Ferro-Luzzi: «Dans un survol de la littérature, une étude du BIT [...] suggère que pour les jeunes chômeurs de longue durée, les subsides à l'emploi suffisamment longs (jusqu'à 2 ans)» - on ne parle pas des six petits mois proposés par le Conseil d'Etat, mais bel et bien de deux ans - «et substantiels (jusqu'à 50% du coût salarial) produisent des effets bénéfiques sur leur insertion en Europe.»

C'est écrit noir sur blanc, et si je remercie le rapporteur de majorité d'avoir inséré l'annexe dans le rapport, ses propos et son analyse sont en revanche complètement faux. En effet, Giovanni Ferro-Luzzi nous a indiqué que les pays scandinaves développent des mesures d'insertion professionnelle qui sont efficaces, qui produisent des effets, qui fonctionnent selon le mode de l'incitation financière et qui tablent sur une certaine durée. Six mois, c'est beaucoup trop court; prétendre vouloir améliorer l'insertion professionnelle avec une aide sur six mois constituerait un pur effet d'annonce. Non, il faut se donner les moyens nécessaires, et seul un système d'au moins deux ou trois ans, comme mentionné par le professeur Ferro-Luzzi, serait efficace pour lutter contre le chômage des jeunes, comme cela se pratique dans le reste de l'Europe et notamment en Scandinavie. Voilà les raisons pour lesquelles le groupe socialiste vous invite à accepter son projet de loi instaurant une allocation de premier emploi digne de ce nom et à refuser celui présenté par le Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, il est tout de même étonnant de constater qu'une majorité des députés ne veulent pas donner de moyens supplémentaires, ponctuels et limités dans le temps, à nos jeunes ! Notre jeunesse, notre avenir, celles et ceux qui restent à la maison parce qu'ils n'ont pas de profession et ne peuvent pas acquérir de logement - qui dit pas de travail dit pas de salaire - celles et ceux qui restent à la maison et prennent de la place au sein du cocon familial. Il est important pour ces personnes de trouver un premier emploi, de vivre une première expérience professionnelle concrète.

Ce n'est pas le cas aujourd'hui, et notre collègue Romain de Sainte Marie a évoqué cette question: les employeurs proposent des stages, bien souvent non rémunérés, avec de fausses promesses d'embauches à la clé, ils profitent d'une main-d'oeuvre qualifiée, en tout cas académiquement, et en bénéficient gratuitement, ça ne leur coûte pas un franc; ensuite, après six mois, ils rejettent leur stagiaire pour en prendre un nouveau. C'est scandaleux, et le Mouvement Citoyens Genevois ne peut pas tolérer ça, nous trouvons honteux d'en arriver là.

Il est bon de préciser que le projet de loi 12245 s'applique exclusivement à nos jeunes touchant des indemnités de chômage, âgés de 18 à 30 ans et au bénéfice d'une formation achevée, donc on n'offre pas n'importe quoi à n'importe qui; ce sont des jeunes qui sont au chômage, qui ont une formation qualifiée, certifiée, terminée et qui sont à la recherche d'un premier emploi. C'est important de le souligner, on omet souvent de le rappeler.

Une grande majorité des partis politiques ayant refusé le projet de loi avaient pourtant largement plébiscité la RFFA. Pour rappel, il s'agissait de permettre aux entreprises de bénéficier d'allégements fiscaux. Mais il y avait une contrepartie, je vous rappelle que nos sociétés s'étaient engagées à privilégier la formation de notre jeunesse. Ce texte les amène dans cette direction; aux employeurs maintenant de répondre présent et d'assumer les promesses en échange desquelles le peuple et la majorité des partis ici, à l'exception de la gauche, ont accepté qu'ils paient moins d'impôts: qu'ils embauchent nos jeunes, qu'ils les forment, parce que la jeunesse représente la relève sur notre marché de l'emploi.

J'ai entendu M. Cuendet faire référence aux auditions de la CGAS et de l'UAPG. Les représentants de la CGAS ont dit qu'ils ne voulaient pas de ce dispositif parce qu'il allait créer des nantis. Bon, il est sûr que la CGAS n'apporte aucune solution pour que nos jeunes trouvent du travail, elle préfère aller toquer à la porte d'à côté, chez nos amis français où la main-d'oeuvre est nettement meilleur marché, pas forcément mieux qualifiée, ça arrange tout le monde de payer moins cher des gens déjà formés de l'autre côté de la frontière plutôt que de former notre jeunesse. C'est la politique de la CGAS, ce n'est pas la nôtre. Quant à l'UAPG, je n'entrerai pas en matière, ils sont un peu dans la même dynamique: à part critiquer, ils ne proposent rien.

Par contre, l'OFPC a dit une chose intéressante, à savoir qu'ils ne voulaient pas soutenir ce type d'initiative sous prétexte que ça prétériterait leurs propres projets. Eh bien je suis désolé, mais l'OFPC devrait peut-être se remettre en question, parce que leurs projets ne fonctionnent pas, leurs propositions ne fonctionnent pas. Pour ma part, je trouve qu'il est toujours judicieux d'offrir une vision différente, d'apporter une pierre de plus à l'édifice de la formation, notamment pour aider nos jeunes à trouver un emploi demain. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à soutenir le projet de loi 12245. Merci.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi 12245 s'applique exclusivement à des jeunes au chômage entre 18 et 30 ans et au bénéfice d'un parcours de formation achevé. Il s'agit d'un coup de pouce ponctuel et limité dans le temps pour leur permettre d'obtenir un premier emploi. L'allocation versée serait de 60% du salaire durant six mois, d'un budget maximum de 1,5 million par année et concernerait environ cent jeunes. Certes, il existe déjà plusieurs mesures en faveur des personnes au chômage, mais il est évident que les demandeurs d'emploi jeunes et formés doivent également être soutenus.

A Genève, les mesures proposées pour faciliter l'insertion et le retour à l'emploi sont largement justifiables. D'abord, le taux de chômage en septembre de l'année dernière s'élevait à 10,8% selon les critères du BIT, un taux supérieur à celui de la France voisine où, durant cette même période, il se montait à 6,9%. A noter que les revenus en France voisine sont trois fois plus bas que ceux de Genève. En plus du dumping salarial, il existe maintenant un dumping de formation, ce qui nécessite que nous offrions un coup de main à nos jeunes. Ensuite, la formation professionnelle duale est insuffisamment encouragée dans notre canton; d'ailleurs, le nombre de Genevois choisissant cette voie après la scolarité est trois fois moins élevé que dans certains autres cantons. De plus, presque 50% de ces formations ont lieu dans des écoles spécialisées, et non au sein des entreprises.

Par ailleurs, les jeunes genevois formés dans les écoles professionnelles sont nombreux et il est primordial qu'ils puissent rapidement acquérir une expérience professionnelle. Or nos sociétés ont un réservoir de recrutement énorme, ce qui favorise dans certains cas l'engagement de collaborateurs déjà formés et déjà expérimentés. Le projet de loi prévoit uniquement une incitation; les indemnités mensuelles versées durant les six mois ne dépasseraient en aucun cas le montant payé par le chômage. Ce dispositif ne constitue pas un oreiller de paresse, il n'est pas question de favoriser la case chômage.

Lors des discussions en commission, les divisions ont essentiellement porté sur des sujets tels que l'efficacité, la suffisance, la durée de l'aide et le type d'approche, par exemple une adaptation des marchés publics pour favoriser les entreprises formatrices. Mais l'immense majorité s'est toutefois accordée pour dire que l'entrée dans la vie professionnelle de nos jeunes est primordiale. Le second élément sur lequel tout le monde est d'accord, c'est que le coût de cette aide - je parle toujours du projet du Conseil d'Etat - est extrêmement modeste.

Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, je vous recommande de soutenir le PL 12245 déposé par le Conseil d'Etat. Quant à l'autre projet, c'est-à-dire le PL 11847, l'assistance est trop longue et, de notre point de vue, il est beaucoup trop dispendieux; nous vous proposons donc de le refuser. Merci de votre attention.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche refusera catégoriquement ces deux projets de lois qui lui semblent particulièrement contre nature. Il faut rappeler les faits: il s'agit de payer les employeurs pour engager des jeunes formés. Une assistance, cela a été souligné tout à l'heure par M. Cuendet, que les patrons eux-mêmes ne demandent pas !

En réalité, c'est une manière de ne reconnaître ni la valeur du travail fourni par les travailleurs - puisque celui-ci en soi ne justifie même pas un revenu, il faudrait que l'Etat y contribue encore - ni la valeur de la formation. On considère en effet qu'un jeune diplômé, dont il est admis qu'il est sans expérience de terrain mais qu'il dispose tout de même d'une formation, et alors que le salaire d'engagement sert précisément à combler ce déficit - et il est entendu que c'est durant les premiers mois du parcours professionnel qu'il acquiert l'expérience qui sera bénéfique à l'entreprise - ne suffit pas et on demande soudain à l'Etat de payer cette partie de l'obtention d'expérience qui relève d'ordinaire de la responsabilité de la société.

En ce qui concerne le texte du Conseil d'Etat, il y a quelque chose d'un peu abscons... Enfin, un peu ! Disons plutôt: il y a quelque chose de vraiment abscons. La mesure proposée par ce projet de loi 12245 consiste en une aide de l'Etat pour de jeunes chômeurs au bénéfice d'une allocation d'initiation au travail. Qu'est-ce qu'une allocation d'initiation au travail ? C'est un dispositif fédéral dont peut bénéficier un chômeur à partir du moment où il a obtenu un contrat de travail à durée indéterminée, ce sont des indemnités qui apportent un soutien à son salaire. Le Conseil d'Etat suggère de compléter cette subvention, de prendre en charge une partie de la rétribution, de prolonger cette période. Mais, pour reprendre une expression que j'ai utilisée en commission, c'est une assurance ceinture et bretelles, c'est un effet d'aubaine pour les patrons qui pourrait les amener à conseiller au jeune formé et sans emploi de passer d'abord par la case chômage pour être certains de toucher les allocations. Cela n'a aucun sens !

Je le répète: cela remet en question le bien-fondé du travail accompli par le salarié, cela remet en cause la validité de la formation. Si réellement les personnes qui sortent d'un cursus de formation ne sont pas à la hauteur des exigences professionnelles, alors c'est la formation qu'il faut revoir, mais il ne s'agit pas de verser une prestation supplémentaire aux employeurs pour les convaincre de bien vouloir accepter d'engager de jeunes travailleurs.

Pour nous, ces deux projets n'ont aucun sens, ils visent à côté de la cible, notamment parce qu'ils s'adressent à des jeunes formés. Or le véritable problème des jeunes qui ne trouvent pas d'emploi aujourd'hui, c'est plutôt celui de l'absence de formation. Si vous aviez imaginé un dispositif permettant de favoriser les formations en emploi et qu'on voulait à la rigueur soutenir les entreprises prêtes à jouer le jeu, pourquoi pas, nous aurions pu réfléchir à une solution de ce type; mais un système où l'Etat paie les patrons pour engager des collaborateurs, non, notre groupe y est résolument opposé. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole échoit à M. Serge Hiltpold pour trois minutes cinquante.

M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Je suis assez d'accord avec les propos de Mme Haller. La première chose qui m'est venue à l'esprit en commission, c'est l'absurdité de devoir passer par la case chômage pour obtenir un soutien. Il me semble complètement paradoxal, lorsqu'on cherche un emploi, de devoir passer par la case chômage afin d'être aidé.

La réflexion de base, il me semble, concerne le processus de formation, le choix de la formation, la qualité de la formation. Mme Haller l'a indiqué: soit on dispose de cursus de qualité, on y croit, on prend nos responsabilités et il n'y a pas besoin d'accompagnement, soit il faut revoir tout le processus de formation. Et là, il y a une interrogation sincère à formuler par rapport à la formation professionnelle, notamment la formation duale et la voie HES. Comme on l'a vu, un parcours HES traditionnel passe généralement par un apprentissage dual, une maturité professionnelle, une haute école, c'est le chemin classique.

Or que se passe-t-il aujourd'hui ? Souvent, des gens suivent une maturité gymnasiale, puis font une année de stage qui va soi-disant compenser quatre ans de formation professionnelle, pour finalement entrer dans une HES. Il faut réfléchir à cette question, c'est-à-dire que le processus des HES doit vraiment développer et améliorer la formation initiale, et ne pas surestimer les capacités de personnes qui peuvent aller à l'université mais choisissent la voie des hautes écoles. A mon avis, il s'agit là d'un point central dans la discussion.

Je répondrai rapidement à M. de Sainte Marie qui qualifie le PLR d'attentiste: je ne sais pas s'il a formé beaucoup d'apprentis dans sa vie, mais en ce qui nous concerne, nous en formons généralement deux par année depuis bientôt cent ans, donc je pense que le compte est vite fait, Monsieur de Sainte Marie !

L'élément principal, en réalité, c'est que les employeurs ne demandent pas du tout cette mesure ! Nous ne demandons pas du tout cette mesure, parce que nous croyons dans le processus de formation, notamment duale, parce que nous évoluons: les ordonnances sur l'apprentissage se développent, il y a la formation continue, des brevets professionnels, des maîtrises professionnelles, des écoles supérieures, et nous sommes parties prenantes de ces changements !

C'est vraiment le capital de l'entreprise, on ne doit pas se faire payer pour former des gens, et ça rejoint la réflexion que j'ai menée dernièrement sur l'obligation de ne pas licencier, on est exactement dans le même état d'esprit: quand vous avez formé quelqu'un qui est dans votre société, qui représente un capital humain, un savoir-faire, des connaissances et de la transmission, vous n'allez pas le licencier ! De la même manière, on ne demande pas de l'aide pour former quelqu'un ! Nous nous rejoignons, nous devons juste être droits dans nos bottes et garder une ligne directrice.

Maintenant, il faut véritablement que ces formations et évolutions se fassent en lien avec l'économie, et je ne parle pas que de la formation initiale. L'enjeu qui va nous conduire ces prochaines années, ces prochaines décennies, c'est celui de la transition professionnelle, de l'accompagnement professionnel: on part avec une formation de base qui va évoluer avec de nouvelles technologies, avec de nouvelles façons de procéder, et je crois que la relève et la transition professionnelle font partie de la vie de l'entreprise et de ses salariés.

En résumé, pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, le PLR vous invite à refuser les deux projets de lois, et nous prions les entreprises de prendre leurs responsabilités en ce qui concerne la formation, de s'investir dans la formation. De grâce, n'instaurons pas d'intervention étatique pour financer des sociétés qui doivent assumer leur rôle, et Dieu sait s'il y a des rôles à assumer; il est rare que nous venions demander quelque chose à l'Etat, et là ce sont des choses que nous pouvons assumer et que nous assumons avec plaisir. Merci.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Le PLR, Ensemble à Gauche, le PDC, les Verts s'opposent à l'allocation de premier emploi. La belle alliance, la fine équipe ! (Exclamations.) Une belle alliance qui n'entend pas aider nos jeunes à trouver un premier emploi alors que les Genevois galèrent, en particulier les jeunes et les plus de cinquante ans. Plutôt que d'embaucher ces personnes, plutôt que de les soutenir, plutôt que de trouver des solutions pour les sortir de la difficulté, on préfère engager des frontaliers, c'est moins cher.

On se trouve là face à une sainte alliance entre la gauche et la droite, entre les syndicats et les patrons: le PLR ne veut pas encourager les jeunes travailleurs, c'est clair; en parallèle, c'est le contraire, Ensemble à Gauche ne veut pas subventionner les patrons, et c'est ainsi qu'on ne fait rien. Bien sûr qu'on fait juste si on ne fait rien ! Le problème, c'est que de nombreux jeunes vont se retrouver dans la plus grande adversité, tout ça à cause de quoi ? A cause d'une sainte alliance PLR, Ensemble à Gauche, PDC, Verts qui rejette ces projets de lois, qui s'oppose à tout changement parce que c'est beaucoup plus simple de ne rien faire, de parler, de laisser les gens dans leurs soucis et d'embaucher des frontaliers ! Merci, Monsieur le président.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, nos formations sont parfois considérées par les employeurs comme insuffisantes pour amener à un engagement immédiat. Aujourd'hui, un patron peut trouver exactement le profil qu'il recherche à un coût très abordable, surtout lorsqu'il n'y a pas de convention collective ou de contrat type de travail. Par conséquent, plutôt que de tabler sur un jeune sans expérience, certaines entreprises préfèrent quelqu'un qui a cinq ou dix ans de métier, elles ne sont pas prêtes à prendre le risque d'engager une personne sortant de formation. D'autres, en revanche, acceptent de prendre ce risque et parient sur le fait qu'un jeune pourra plus facilement s'intégrer dans leur société, ce d'autant plus s'il a déjà effectué des stages en entreprise ou s'il a obtenu un CFC en formation duale, formation qui permet d'être confronté immédiatement au monde du travail.

Même les partenaires sociaux se sont montrés sceptiques, c'est le moins que l'on puisse dire, vis-à-vis de ces deux projets de lois: pour la CGAS, il s'agit de ne pas faire de cadeaux supplémentaires aux entreprises compte tenu de l'acceptation de la RFFA, tandis que l'UAPG regrette que les textes ne prévoient que des mesures financières sans aborder les raisons profondes du chômage des jeunes.

La situation des jeunes est relativement bonne sur le marché du travail suisse. Nous avons l'un des taux de chômage, au sens du Bureau international du travail, les plus bas par rapport aux pays de l'Union européenne. Le risque est certes plus élevé pour les jeunes, mais avec une durée moins longue que pour d'autres catégories d'âge. Il y a toutefois un problème spécifique dans la transition entre le monde de la formation et celui du travail: cette transition s'avère parfois difficile en raison d'exigences plus élevées et de contraintes horaires plus difficiles à gérer. Les jeunes peuvent souffrir d'un manque d'expérience professionnelle, mais pas seulement: peut-être que certains sont un peu en inadéquation par rapport au marché de l'emploi, d'autres ont des attentes trop importantes ou disproportionnées. Les causes sont multiples, et il faudrait se pencher plus précisément sur les raisons pour lesquelles certains jeunes restent durablement au chômage.

Les deux projets de lois ne s'attaquent pas directement aux causes profondes. De manière globale, il faudrait se concentrer sur l'origine du chômage des jeunes plutôt que de proposer une subvention au salaire. (Brouhaha.) J'aimerais que du côté d'Ensemble à Gauche, on soit un peu plus tranquille, s'il vous plaît ! Le canton a déployé de nombreux efforts, notamment dans le cadre de CAP Formations et de FO18. D'importants dispositifs ont été mis en place pour répondre au problème des jeunes sans formation, sans bagage, lesquels ont vraiment besoin d'un encadrement particulier. Il serait intéressant de connaître le bilan de ces mesures à moyen terme; celles-ci sont complétées par des initiatives privées et s'ajoutent à tout ce qui est proposé par l'assurance-chômage.

Le PL 11847 n'est pas assez ciblé, puisqu'il prévoit une allocation sans déterminer de limite d'âge et sur une durée très longue, ce qui pourrait avoir un effet pervers et conduire certains employeurs à attendre l'arrivée des personnes en fin de droit pour les engager; cela pénaliserait par ailleurs les entreprises qui seraient prêtes à jouer le jeu et à embaucher des jeunes sans formation. Il y a également un certain nombre d'éléments flous dans ce projet de loi dont la portée est beaucoup trop large.

Le PL 12245 du Conseil d'Etat, quant à lui, est plus ciblé: il s'adresse à des jeunes au bénéfice d'une AIT avec des limites d'âge plus précises - de 18 à 30 ans - et vise une catégorie précaire. On peut toutefois s'interroger quant à la pertinence de l'AIT, celle-ci devant être complétée par une autre mesure. Il faudrait pouvoir disposer d'une vision globale de la situation des jeunes précarisés et à risque de chômage dans le canton de Genève, déterminer quel est leur profil et quelles sont les causes profondes de ce chômage. Enfin, comme il existe une multitude de dispositifs, il serait intéressant, avant d'introduire de nouvelles mesures, d'obtenir une analyse de leur efficience pour pouvoir mieux les cibler.

La philosophie des deux projets de lois est totalement différente: l'un base son argumentaire sur la problématique du premier emploi alors que l'autre propose une aide au démarrage plus courte, sur une période limitée. Le groupe démocrate-chrétien n'entrera en matière ni sur le PL 11847 ni sur le PL 12245. Je vous remercie.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, de façon liminaire, permettez-moi d'indiquer que je récuse le vocable «nos jeunes». Les jeunes ne nous appartiennent pas, ils sont totalement indépendants. C'est comme si on disait «nos vieux», «nos quadragénaires» ! Je rappelle que l'ensemble des personnes, qu'elles soient jeunes ou plus âgées, sont représentées dans ce parlement et disposent d'un droit égal à la parole. (Applaudissements.)

Cela étant, la question du chômage des jeunes doit être prise au sérieux. Comme l'a dit le député Guinchard, il convient d'abord de réaliser un bon diagnostic: s'agit-il d'une orientation ratée, d'une formation déficiente, de passerelles insuffisantes entre la formation et le monde professionnel ? Ou encore, comme cela a été relevé, d'exigences exagérées des employeurs qui, la plupart du temps, demandent une expérience de plusieurs années lors de mises au concours ?

Les deux projets de lois que nous considérons ici ont pour objectif de favoriser l'accès à un premier emploi grâce à des moyens financiers, plus spécifiquement une allocation de premier emploi. Si l'intention est louable, les moyens proposés sont discutables dans les deux textes et, comme mon collègue de Sainte Marie, je regrette qu'on n'ait pas trouvé de compromis entre les deux.

Le projet de loi 12245 du Conseil d'Etat vise à prolonger jusqu'à six mois un mécanisme fédéral qui a déjà été évoqué, à savoir l'AIT, et le projet de loi 11847 prévoit l'introduction d'une allocation de premier emploi réservée aux chômeurs et chômeuses ayant touché des indemnités suite à leur inscription au chômage à la fin de leur formation. Voilà encore quelque chose que l'on peut regretter: pourquoi faut-il passer par la case chômage avant de bénéficier d'une telle mesure ?

Les deux objets créent une inégalité de traitement entre les jeunes de 18 à 30 ans, plus particulièrement vis-à-vis de celles et ceux qui n'ont pas achevé de parcours de formation, et il y en a beaucoup. Cet aspect n'est pas du tout pris en compte dans le projet du Conseil d'Etat qui prévoit à son article 38A, alinéa 4: «Le premier emploi est la première activité salariée après l'achèvement d'un parcours de formation.» Il s'agit là d'un paramètre qui n'a pas été relevé par les personnes qui se sont exprimées avant moi. Or il est extrêmement important que les jeunes sans formation puissent aussi trouver un travail, parce qu'ils vont justement se former dans le cadre professionnel. Il serait tout à fait inéquitable que les employeurs préfèrent des jeunes qui ont achevé un parcours de formation et n'embauchent pas ceux qui peuvent être formés sans avoir terminé de cursus.

A cet égard, je reprends volontiers l'argument qui consiste à dire que si le personnel est habituellement peu rétribué en début d'emploi, c'est justement pour que les entreprises mettent les moyens nécessaires pour lui offrir une formation adéquate. Nous reconnaissons qu'une formation ne doit pas être seulement utilitaire et qu'il convient de «faire ses humanités», comme on dit. Une fois que l'on a appris à apprendre, il est possible de se projeter dans plusieurs types d'activité, même celle de député ! Mais la transition vers une activité rémunérée est parfois tortueuse et jalonnée de différents essais.

En fait, on constate que tous ces soutiens conditionnels sont compliqués, administrativement lourds et souvent inéquitables. C'est la raison pour laquelle nous allons refuser ces deux projets de lois qui ont chacun leurs complications. Du point de vue des Verts, la solution passerait plutôt par un revenu inconditionnel, par exemple le RBI qui permettrait aux gens, le coeur léger, de trouver l'occupation de leurs rêves. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Jocelyne Haller, à vous la parole pour une minute treize.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais revenir, par souci de clarté, sur certains propos tenus par des membres du MCG. A M. Cerutti qui faisait référence à la RFFA et qui nous a tout de même accordé le crédit de nous y être opposés, je rappelle que le projet de loi qu'il va voter aujourd'hui est non seulement une manière de prendre acte du fait qu'un certain nombre de grandes entreprises tirent des bénéfices mirifiques de l'opération RFFA, mais qu'on s'apprête en plus, par le biais d'une subvention de l'Etat, à payer les sociétés pour qu'elles engagent de jeunes travailleurs.

Quant à M. Baertschi qui soutient que nous ne faisons rien, je lui rafraîchis la mémoire: nous avions déposé un projet de loi il y a quelques années pour un changement de paradigme en matière de chômage et de création d'emplois, et je n'ai pas le souvenir qu'il l'ait accepté, pas plus qu'il n'a soutenu d'ailleurs d'autres de nos initiatives pour aider les travailleurs et mettre en oeuvre un type de traitement du chômage différent dans ce canton. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci. Je passe la parole à M. François Baertschi pour trois minutes vingt-trois.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. J'ai bien compris mon préopinant Vert: il faut sauver la planète, mais surtout, surtout ne pas aider les jeunes domiciliés à Genève, parce que selon lui, j'imagine, ils n'en valent pas la peine. C'est très clair, c'est se moquer de l'électorat Vert qui est un électorat jeune, c'est un peu une manière de... Pour ma part, si j'étais un jeune électeur écologiste, je me sentirais trompé par ce parti, par la politique qu'il mène au quotidien.

Quant à ce que propose Ensemble à Gauche, c'est toujours de l'assistanat à haute dose, c'est une stratégie qui ne nous mène nulle part; on voit où ça a conduit beaucoup de pays, c'est-à-dire au désastre économique, à la misère sociale et aux pires solutions de notre histoire. Merci.

Le président. Je vous remercie. La parole est à M. Daniel Sormanni pour deux minutes trente.

M. Daniel Sormanni (MCG). Oui, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je suis vraiment effaré par ce que j'entends aujourd'hui ! En fait, on refuse de donner un coup de pouce à des jeunes qui sortent - ou pas - de formation, dont certains sont même issus de l'université, d'autres d'apprentissages ou de hautes écoles, des jeunes qui n'arrivent pas à s'insérer sur le marché du travail et à démarrer une activité, parce qu'on demande toujours de l'expérience par-ci, de l'expérience par-là. Fatalement, au départ, on n'en a pas, donc c'est extrêmement difficile.

Et ce n'est pas l'aide sociale qui va régler le problème, ce n'est pas le RBI qui va régler le problème. Le RBI est un sujet de discussion en soi, mais cela ne va pas aider les jeunes à trouver un poste. Bon, admettons qu'il existe: ils vont toucher le RBI et puis quoi, ils vont continuer à se tourner les pouces ? Non, on veut que les gens aient un emploi, et s'il y a des difficultés au niveau des formations, eh bien il faut en discuter et adapter les cursus en fonction des besoins de l'économie, mais pas seulement. Evidemment, l'université ne délivre pas de formations pratiques, donc nombreux sont les jeunes licenciés qui doivent passer par une phase où ils continuent à se former avec le bagage qu'ils ont acquis, ils ont besoin de ce coup de main pour s'inscrire dans la société, pour tout simplement gagner leur vie.

Il faut commencer par une étape, et je crois à cet égard que le projet de loi du Conseil d'Etat représente une bonne proposition. Otons-nous de la tête cette idée: «Oh, mon Dieu, quelle horreur, on va donner de l'argent aux entreprises pour qu'elles engagent des jeunes !» C'est une position idéologique insupportable, ce n'est pas comme ça qu'on fera avancer la société. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter ce projet de loi. Merci.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Dans un monde idéal, il ne faudrait évidemment pas aider des jeunes formés, des jeunes qui ont envie de travailler. Mais Genève connaît le taux de chômage le plus élevé de Suisse, également en ce qui concerne les jeunes. En plus de détenir ce triste record, notre canton a encore quelques particularités, notamment deux que je citerai ici. D'une part, l'Etat de Genève forme beaucoup d'apprentis, ce qui est évidemment très bien, mais après la formation, une fois que l'apprenti a obtenu son diplôme, il ne peut pas rester à l'Etat de Genève. D'autre part, Genève forme beaucoup, beaucoup trop peu d'apprentis, dont la moitié proviennent en outre d'écoles professionnelles à plein temps. Pour ces deux raisons, il est absolument indispensable qu'on encourage les jeunes pourvus d'un diplôme à entrer dans la vie professionnelle.

Maintenant, j'aimerais répondre au parti socialiste qui regrette l'absence de compromis entre les deux textes. Le projet de loi du département propose une aide très modeste d'une durée de six mois, mais à laquelle il faut ajouter l'allocation d'initiation au travail, la fameuse AIT; au final, nous arrivons tout de même à un soutien conséquent qui s'étend jusqu'à onze mois. Le groupe socialiste, quant à lui, présente une mesure qui irait jusqu'à deux ans, soit vingt-quatre mois, avec un engagement financier un peu plus important. Je pense qu'un bon compromis consisterait à voter le projet de loi du Conseil d'Etat et à refuser celui des socialistes. Au nom des jeunes, de certains jeunes - une minorité, certes - qui bénéficient d'une formation et qui sont au chômage, merci ! Ils ont vraiment besoin de notre aide, merci pour eux.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat est consterné par certains propos qu'il entend ici. Il est question de nos jeunes entre 18 et 30 ans qui ont accompli une formation certifiée et qui se voient répondre au quotidien qu'ils ne sont pas engagés parce qu'on recherche quelqu'un avec expérience; ils ont les connaissances, la formation, mais pas l'expérience. Or on peut trouver sur le marché de l'emploi européen des personnes qui accepteront de travailler pour le même salaire que nos jeunes à la sortie de leur formation, mais qui disposent d'une expérience de cinq ou dix ans.

Le projet de loi du Conseil d'Etat qui vous est soumis ici vise simplement à donner à nos jeunes une arme supplémentaire pour obtenir précisément cette expérience qui leur manque et qui, malheureusement, constitue souvent un obstacle infranchissable pour mettre le pied à l'étrier. Mesdames et Messieurs les députés, entre août 2019 et août 2020, suite aux conséquences de l'épidémie, le chômage de nos jeunes a augmenté de 57%. Ce qui était une nécessité l'année dernière est aujourd'hui devenu une obligation impérative: nous devons permettre à nos jeunes d'acquérir cette arme supplémentaire !

Certains considèrent que ce projet de loi ne va pas assez loin - c'est la position de la gauche - d'autres qu'il va trop loin, que les entreprises doivent faire leur travail - c'est le point de vue de la droite. On peut dès lors conclure qu'il s'agit d'un projet équilibré, ce d'autant qu'il prévoit un bilan après deux ans qui nous permettra d'apprécier les conséquences du dispositif et, le cas échéant, de l'ajuster à la hausse ou à la baisse. Mais non, vous ne nous donnez même pas ce moyen après avoir voté des dizaines de millions pour nos entreprises, vous n'êtes pas capables, à budget constant, de donner un coup de pouce à nos jeunes ! Je ne peux pas y croire, Mesdames et Messieurs les députés !

Du côté d'Ensemble à Gauche - mais c'est un discours que l'on retrouve aussi parmi les syndicats - il n'y a pas de concurrence avec l'Union européenne ou, s'il y en a une, elle sera réglée par le salaire minimum; nous verrons, Mesdames et Messieurs, nous verrons si ce salaire minimum mettra effectivement l'ensemble des salariés sur un pied d'égalité ou si le dumping salarial ne sera pas remplacé par un dumping de compétences, c'est-à-dire que nos employeurs vont peut-être choisir des personnes plus compétentes, quitte à les payer un peu plus de 4000 francs par mois. Nous verrons, des indicateurs seront posés, nous observerons si cette mesure ne va pas aller précisément à l'encontre de son but.

Quoi qu'il en soit, ce que je constate, c'est qu'Ensemble à Gauche règle les problèmes de chômage par l'aide sociale. Je rappelle que des projets de lois avaient été déposés par le Conseil d'Etat pour des rentes-pont dont on parle maintenant au niveau fédéral, des projets de lois rejetés par la gauche qui avait présenté un autre projet, malheureusement lui aussi rejeté - je dis «malheureusement», car il n'y aura au final aucune solution à cette question bien réelle - lequel consistait à verser l'aide sociale à nos chômeurs seniors qui ne retrouvent pas de travail.

Du côté de la droite, j'ai entendu le PLR nous dire: que les entreprises assument leurs responsabilités; vous retiendrez cette phrase, Mesdames et Messieurs, dans la bouche de députés de droite: que les entreprises assument leurs responsabilités. Qu'est-ce que cela signifie ? Qu'elles engagent nos jeunes, puisque c'est leur devoir. Le font-elles ? Insuffisamment ! Insuffisamment, preuve que ce projet de loi a démontré sa nécessité.

Quant aux Verts qui ont également refusé ce projet de loi, ils souhaiteraient remplacer le dispositif par un revenu de base inconditionnel afin que l'on puisse rechercher un emploi - je cite - «le coeur léger». Non, Mesdames et Messieurs: quand on est jeune et que l'on achève sa formation, ce n'est pas le coeur léger que l'on cherche un premier emploi, c'est la boule au ventre ! Merci.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous procédons au vote sur ces deux objets.

Mis aux voix, le projet de loi 12245 est rejeté en premier débat par 50 non contre 23 oui et 17 abstentions.

Mis aux voix, le projet de loi 11847 est rejeté en premier débat par 74 non contre 18 oui et 1 abstention.