République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 693
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur l'application de la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) (LTaxis H 1 30) et de son règlement d'exécution (RTaxis H 1 30.01)

Débat

M. Eric Stauffer (MCG). Encore une fois, le rapport que nous rend le Conseil d'Etat n'est pas satisfaisant. Monsieur Barrillier, vous pouvez taxer le MCG de populiste, car si faire du populisme c'est défendre les intérêts des habitants de Genève, je revendique ce titre haut et fort ! (Brouhaha.)

Maintenant, j'aimerais juste qu'on revienne un peu sur la loi concernant les taxis qui a eu le don d'irriter ce parlement. Je dois dire qu'à la lecture de ce rapport je suis extrêmement choqué ! Pour deux raisons: la première, c'est que notre conseiller d'Etat M. Pierre-François Unger, lors d'une session en plénière il y a quelques mois... (Protestations.) ... a déclaré ici, devant ce parlement, et au public que la loi L H 1 30 était contraire au droit supérieur. Cela a été dit, la loi que vous avez votée, Mesdames et Messieurs les députés, est illégale. (Brouhaha.) Deuxièmement, cette loi, que vous le sachiez, discrimine énormément une grande partie de ces PME que nous essayons justement de défendre envers et contre tous.

Néanmoins, quand je lis, au chapitre des procédures contentieuses, qu'il y a aujourd'hui 434 rapports de dénonciation - c'est-à-dire que ces taxis bleus qui essaient de travailler et qui utilisent les voies de bus se sont systématiquement vu verbaliser... (Brouhaha.) Alors 434 rapports - et encore - faites-moi confiance, la réalité est bien plus désastreuse ! Il y a en outre 64 procédures de droit d'être entendu et 60 sanctions administratives. Tout cela, Mesdames et Messieurs, est bloqué au Tribunal de police parce que, justement, notre conseiller d'Etat a déclaré que cette loi était en désaccord avec le droit supérieur, donc illégale !

Quand je lis dans ce rapport que certains ont donné instruction - puisque apparemment les mesures dissuasives des contraventions apparaissent illégales, la loi étant elle-même illégale - de faire des contrôles systématiques sur les taxis bleus lorsqu'ils ont des clients, et tout ça au préjudice de ces derniers qui doivent attendre que la gendarmerie ait fini ses contrôles, est-ce vraiment l'image que nous voulons donner de la Genève internationale ?! (Brouhaha.) Je vous rappelle que lorsque des touristes viennent à Genève, le premier contact qu'ils ont avec notre ville c'est avec les taxis. Or vous avez fait de ce métier une profession de sinistrés... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ... et ce n'est pas tolérable dans un Etat de droit !

Alors je vous demande, Mesdames et Messieurs, de renvoyer ce rapport à la commission des transports ou au Conseil d'Etat, pour que l'un ou l'autre vienne déclarer par écrit que la loi H 1 30 est illégale, contraire au droit supérieur, et qu'il faut la suspendre jusqu'à plus ample informé.

Je conclurai en disant que la situation actuelle a favorisé certaines entreprises dénommées «garages» qui ont complètement vérolé cette profession et qui sont en train de paupériser leurs employés, dont un certain nombre est d'ailleurs à l'Hospice général pour des compléments de salaire.

Je vous demande aussi, dans la future loi que nous serons très prochainement appelés à remettre sur pied, d'introduire le quittancier électronique pour que toutes ces fraudes cessent et que nous puissions donner finalement une image positive de la Genève internationale, puisque je vous rappelle que le taxi constitue le premier contact qu'un étranger a en arrivant à Genève.

Je vous remercie donc de suivre l'une ou l'autre des propositions que je viens de faire et j'aimerais juste que M. le conseiller d'Etat Pierre-François Unger puisse dire publiquement - au cas où certains ne l'auraient pas entendu - que cette loi est contraire au droit supérieur.

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Mon intervention sera brève car je vais simplement demander que ce rapport soit renvoyé en commission des transports. Nous avons passé de longs mois à étudier la loi qui est en vigueur actuellement et je pense que ce rapport - sur une loi qui, j'en suis persuadée, a plus de valeur que M. Stauffer ne veut bien le dire - mérite réflexion.

M. Philippe Guénat (UDC). Mon collègue Stauffer dit vouloir parler au nom des touristes. Moi, en tant qu'hôtelier, le tourisme, j'en vis. Je ne vais pas polémiquer là-dessus, mais je dirai simplement que cette loi est bonne, nécessaire et que nous la demandons dans le milieu de l'hôtellerie et de la restauration, car il y a trop d'abus. Si elle n'est pas parfaite, renvoyons-la en commission pour qu'elle soit améliorée, mais nous avons besoin d'un cadre. Merci.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je vais immédiatement apaiser le député Stauffer en lui disant que, comme d'habitude, il a raison et que, comme d'habitude, le rapport du Conseil d'Etat est insatisfaisant. Toutefois, ce dernier a été rédigé à la demande du parlement, par la loi même qu'il a votée, et moi aussi je le trouve insatisfaisant parce que j'aurais bien aimé pouvoir vous dire que tout allait bien ! Mais ce n'est pas le cas.

Premièrement - et je vous fais là un deuxième plaisir - cette loi comprend des dispositions qui sont contraires au droit supérieur. Il y a la loi fédérale, la loi sur le marché intérieur, et les accords bilatéraux - j'ai compris que ceux-là vous intéressaient moins. (Rires.) Tout de même, cela fait deux éléments de droit supérieur auxquels cette loi déroge, mais pas dans son intégralité !

Rien n'est embouteillé au Tribunal de police, d'ailleurs les recours sur les amendes que l'on a infligées sont partis au Tribunal administratif, qui a confirmé les décisions du Conseil d'Etat. Les recours ont eu lieu au Tribunal fédéral et il n'y a pas un jour, puisque c'est devenu en quelque sorte une petite épidémie de contester les amendes infligées, sans que je n'aie la satisfaction de pouvoir lire du Tribunal fédéral que le Tribunal administratif confirme la décision du Conseil d'Etat. C'est donc la bonne décision et il met à la charge du recourant un certain nombre de frais, ce qui dénote dans l'attitude du Tribunal fédéral qu'il pensait que le recours pouvait avoir des caractères téméraires, sans quoi c'est une justice gratuite qui s'applique habituellement.

Il faudra refaire cette loi, c'est évident. Les grands axes ont déjà été discutés au niveau de notre Conseil d'Etat et je peux vous les donner. Il faudra convenir d'un service public de taxis, visant à améliorer la mobilité à Genève pour les utilisateurs, notamment pour nos hôtes étrangers, mais pas exclusivement, puisque ce sont en gros 4,5 millions de courses qui ont lieu chaque année. Vraisemblablement, pour que cela fonctionne, nous serons amenés à convaincre les différentes centrales de n'en former plus qu'une, comme cela avait été le cas pour les ambulances. Ce service public devra pouvoir disposer d'un certain nombre d'avantages importants si l'on veut qu'il contribue à améliorer la mobilité, mais, à cet égard, il aura aussi des contraintes, notamment qu'on trouve des taxis quand on en cherche - parce que ce n'est pas tout à fait la règle actuellement - et que ces taxis soient reconnaissables. A ce propos, je vous rappelle que le Tribunal fédéral avait parfaitement confirmé l'idée que ceux-ci devaient avoir une couleur unique et n'avait pas manifesté d'états d'âme particuliers quant au fait qu'elle fût jaune.

Vous voyez donc que tout cela avance. Il faudra que l'on concentre encore un peu l'esprit «service public» d'un certain nombre de taxis. Pour le reste, et pour autant que le Conseil d'Etat confirme le texte une fois qu'il l'aura sous les yeux - parce que ce dernier n'est pas encore écrit - on a très envie de dire aux gens qui se prévalent de la libre concurrence qu'ils l'appliquent ! Qu'ils l'appliquent dans les bouchons, à la vitesse où les embouteillages le permettent, dans le confort que l'on peut avoir dans la limousine qui vous offre le bouchon en prime, et si possible à des tarifs acceptables.

Notre préoccupation, c'est que le territoire de l'agglomération franco-valdo-genevoise puisse être desservi par une brigade de taxis de service public qui rende réellement un service public. Pour le reste, la concurrence se fera: les meilleurs resteront et les autres, malheureusement, s'en iront.

Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat RD 693 à la commission des transports est adopté par 38 oui contre 9 non.