République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 639
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le projet genevois de vote électronique

Débat

M. François Thion (S). J'aimerais simplement souligner que le projet genevois de vote électronique a figuré - c'est dit dans le rapport - en excellente position dans plusieurs concours internationaux. Genève, cette fois-ci, est en avance. Genève a d'ailleurs participé à un programme avec la Confédération et deux autres cantons - Zurich et Neuchâtel - qui ont testé ce vote électronique durant les années 2001 à 2005. On a organisé ici 8 scrutins par vote électronique et, semble-t-il, ils se sont extrêmement bien déroulés.

Le vote électronique, le vote par internet, ne va pas remplacer les anciens moyens de voter. Le local de vote, de moins en moins fréquenté, et le vote par correspondance, lequel a déjà fait progresser la participation de ces dernières années, existeront toujours. Le vote par internet peut être un complément qui, je pense, attirera surtout les jeunes. On sait que dans les différentes votations, le taux de participation des jeunes n'est pas très fort, et les expériences faites avec internet montrent que ce taux de participation augmente. Je pense donc que c'est très positif et qu'il faut continuer ces expériences.

On sait que d'autres pays d'Europe tentent aussi le vote par internet. Il est dit dans le rapport, c'est tout à fait intéressant, que parmi les Suisses de l'étranger - 480 000 compatriotes vivent à l'extérieur de notre pays - il n'y en a que 95 000 qui sont enregistrés comme électeurs. Je pense que cela doit être un peu compliqué pour eux de participer à la vie politique de notre pays et peut-être qu'avec internet on pourrait améliorer la participation de ces Suissesses et Suisses de l'étranger.

Du point de vue de la sécurité, il est clair qu'il faut que l'anonymat soit préservé. On a fait beaucoup d'expériences dans le domaine et cela a bien fonctionné. C'est un système assez sûr. Maintenant, il faut voir ce que va nous réserver l'avenir. Peut-être pourra-t-on étendre ce vote à l'ensemble de la population et plus tard - pourquoi pas ? - les moyens techniques permettront-ils de signer des initiatives et des référendums par internet ? Je vous garantis que, quand il faut aller chercher les signatures dans la rue, ce n'est pas facile en ce moment. Et quand on est un parti minoritaire comme nous le sommes ici, je peux vous dire que l'on se réjouit de pouvoir un jour, peut-être, faire signer des initiatives et des référendums par internet.

M. Pierre Weiss (L). J'aimerais intervenir sur deux points, mais tout d'abord, j'aimerais exprimer mon accord avec mon préopinant sur une chose: il est difficile, non seulement pour le parti socialiste mais pour d'autres partis aussi, de recueillir des signatures dans la rue. Mais, vous savez fort bien qu'à vaincre sans gloire... Qu'à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.

Le premier point, c'est que dans le rapport que le Conseil d'Etat a soumis à notre attention, ce dernier fait preuve d'optimisme - je ne dis pas d'angélisme, mais bien d'optimisme - à un double égard: l'inviolabilité et la question des tests entrepris pour vérifier la sécurité du système de vote par internet.

Lors de la précédente législature, un certain nombre d'entre nous, des députés de tous les partis, ont été invités à entendre des explications données par des spécialistes en informatique extérieurs aux sociétés qui ont travaillé pour l'Etat de Genève, employés par des sociétés spécialisées dans la sécurité des systèmes bancaires. Ces spécialistes nous ont fait état de leur scepticisme quant à l'inviolabilité du système choisi par l'Etat de Genève et nous ont fait part de la nécessité de soumettre le système en question à une expertise réellement indépendante. J'espère me faire ici l'interprète d'une large majorité de ce parlement en disant combien il est important que l'adoption d'une nouvelle technologie se fasse non seulement avec l'acquiescement de spécialistes internes en matière de sécurité informatique, mais aussi avec celui de spécialistes externes.

Ma deuxième réserve concerne la technologie en question et sa facilité d'utilisation. Dans notre société, il y a une tendance à la rapidité des choix et, parfois - je n'aimerais pas utiliser le terme de zapping, car je déteste ces anglicismes, mais enfin - on a une propension à changer rapidement, et probablement sans motivation réelle, de parti, d'opinion, et cela de façon presque aléatoire.

De ce point de vue, la technique de vote par internet pourrait, si elle n'est pas accompagnée d'un certain nombre - je ne dirais pas de difficultés - de cautèles dans son utilisation par les citoyens, faciliter des choix que ceux-ci pourraient avoir à regretter, ou, en tout cas, qu'ils n'auraient pas faits avec une réflexion suffisante. Je ne préconise évidemment pas que l'on se rende dans des locaux électoraux éloignés de 15 kilomètres à genoux pour bien éprouver la peau de son anatomie, mais il me semble que l'on a déjà fait un grand pas dans la suppression des obstacles avec le vote par correspondance - et gratuit ! - ce que l'on peut au passage regretter à double titre, car cela supprime la dépense, l'effort du citoyen, et cela grève les finances de l'Etat à hauteur d'un demi million. De plus, je crois que nous avons été assez loin avec cette technologie. Aujourd'hui, devons-nous vraiment être des expérimentateurs avant tous les cantons suisses ? Je ne le crois pas. Je crois que nous devons attendre qu'une majorité de cantons se joigne à cette expérience. Il faut faire preuve de prudence. Je répète donc mon scepticisme, car c'est le message que j'essaie de vous transmettre et j'espère y avoir réussi.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat RD 639.