République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9366-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les augmentations annuelles dues aux membres du personnel de l'Etat ainsi que sur la progression de la prime de fidélité (B 5 17)
Rapport de majorité de M. Pierre Weiss (L)
Rapport de première minorité de M. Souhail Mouhanna (AdG)
Rapport de deuxième minorité de M. Alberto Velasco (S)

Premier débat

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Nous soutenons entièrement, en ce qui nous concerne, les propositions du Conseil d'Etat.

M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de première minorité. C'est la huitième fois que le Conseil d'Etat s'en prend aux mécanismes salariaux figurant dans la loi sur les traitements. Comment voulez-vous que - avec une autorité patronale qui, plus d'une fois sur deux, transgresse le contrat que l'Etat a avec ses employés - le personnel soit motivé et respectueux de l'autorité qui ne respecte jamais ses propres engagements ? Lorsque l'on dit que la fonction publique a des niveaux de revenus supérieurs à d'autres revenus ou à d'autres revenus dans d'autres cantons, et que, par conséquent, il faudra faire payer les membres du personnel, c'est la même que lorsque les représentants de droite disent que les handicapés ou les personnes au bénéfice de l'aide sociale sont trop riches parce qu'ils sont un peu mieux traités à Genève qu'ailleurs. Cela signifie que la référence est systématiquement faite à ce qui se trouve en dessous, par le biais du nivellement par le bas. Cela s'appelle la régression sociale.

On a dit que la seule possibilité de redresser les finances publiques est de prendre au personnel. On a pratiqué cela pendant des années, durant les années nonante. Les chiffres du département des finances disaient, en 1998-99, que pendant les cinq années qui ont suivi 1993, ce sont 2,3 milliards de francs qui ont été économisés sur la masse salariale. Pendant la même période, des déficits de 450 à plus de 500 millions ont été enregistrés. Par conséquent, l'argument selon lequel prendre au personnel est le seul moyen de redresser les finances est complètement faux. On nous dit que si cela n'avait pas été fait, des déficits bien supérieurs auraient été faits. Qui dirigeait l'Etat, pendant toutes ces années ?

J'entends souvent certains députés de droite affirmer qu'une réforme doit être faite parce que trop de personnes sont à l'Etat et que cela améliorerait la situation financière. Même certains membres de l'Alternative nous ont interpellés pour nous demander si nous pensions qu'il fallait réformer l'Etat et pour savoir quelles étaient nos propositions à ce sujet. J'aimerais rappeler que la nomination des fonctionnaires, à l'Etat, relève de l'autorité du Conseil d'Etat et des secteurs qui ont reçu sa délégation. Le Conseil d'Etat n'est pas le représentant de la gauche, comme vous le savez. Les chefs de service sont nommés par des femmes et des hommes politiques qui appartiennent au camp de l'Entente, en particulier. Nous dire que des modifications sont à faire et attaquer la gauche par rapport à cela, c'est imiter le scénario de certains films policiers dans lequel le coupable est un membre de la famille. C'est vous qui êtes responsables de ce qui se passe à l'Etat. Je donnerai encore un exemple.

Lorsque nous nous battions contre cet «espèce de machin», qu'on appelle aujourd'hui la Haute école spécialisée de Suisse romande, qui n'a été fabriqué que pour livrer la formation professionnelle au profit et au marché, nous rappelions que cela ne correspondrait qu'à un accroissement de la bureaucratie et une diminution de la démocratie au niveau de la formation. Aujourd'hui, la structure bureaucratique est dirigée, à Genève, par une trentaine de personnes qui ont des bureaux bien plus grands que les salles de classe dont nous disposons pour 45 à 50 élèves et par d'autres qui se trouvent à Delémont avec toutes sortes de niveaux jusqu'à la Confédération. C'est bien vous qui avez voulu cette structure, pas nous. Vous nous reprochez de ne pas faire de propositions, mais c'est vous qui créez les problèmes !

Mesdames et Messieurs les députés, lorsque vous supprimez 0,5%, ce n'est pas pour diminuer cette bureaucratie. Vous donnez à cette même bureaucratie le pouvoir de couper dans les effectifs du personnel, que ce soit au niveau de l'éducation, de la santé ou du social. Ne racontez pas n'importe quoi !

Vous essayez systématiquement de faire en sorte que vos erreurs - pour ne pas dire vos fautes - soient mises sur le compte de vos adversaires, qui se sont toujours battus pour que l'Etat fonctionne dans les meilleures conditions possibles, au profit de la population et pour assurer des prestations de qualité. Comment assurer des prestations de qualité alors que vous dénigrez systématiquement le personnel; alors que le Conseil d'Etat s'en prend à ses conditions de travail et de salaire ?

La présidente. Monsieur le rapporteur, il vous faut terminer.

M. Souhail Mouhanna. Cela relève d'une politique de démotivation et d'attaque contre l'Etat social et les conditions de travail des travailleurs. Nous ne pouvons pas l'accepter et c'est la raison pour laquelle nous serons fermement opposés à toute atteinte aux conditions de travail et de salaire du personnel.

La présidente. Merci d'avoir tenu votre engagement, Monsieur le rapporteur.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité ad interim. Comme nous l'avons déjà dit lors du débat concernant l'entrée en matière du budget, il n'est pas logique de s'attaquer à la fonction publique, année après année. La nouvelle attaque de cette année prévoit une ponction d'environ 80 millions de francs. Cela nous semble excessif. En effet, depuis les années nonante, on cumule une contribution de cette fonction publique au rétablissement des dépenses publiques de 1,5 milliard environ. Je pense que leur contribution est largement suffisante.

Par ailleurs, ces différentes ponctions et diminutions de leurs rétributions contribuent à la démoralisation de la fonction publique. Il s'est produit un certain nombre de démissions de cadres de la fonction publique, qui devraient nous interpeller, car c'est le signe que la motivation nécessaire n'est plus. De bonnes conditions de travail se vérifient aussi - vous êtes d'accord avec cela, Messieurs les libéraux - par le biais d'une juste rétribution. (L'orateur est interpellé.)Vous étiez même pour le salaire au mérite et vous êtes les premiers à dire que l'on ne peut pas demander aux gens de s'investir dans leur mission s'ils ne sont pas correctement payés. Or vous vous attaquez justement à leur salaire. Cela est contradictoire. Il faut donc que vous nous expliquiez pourquoi vous appuyez donc une telle baisse sur leur pouvoir d'achat. En outre, cette baisse de pouvoir d'achat va à l'encontre d'une incitation à la consommation ou d'un redémarrage de l'économie, puisque ce sont plusieurs millions qui sont retirés du marché de la consommation. Or la fonction publique représente tout de même un certain nombre de citoyens qui consomment.

Je tiens à dire que le nombre de personnes employées à l'Etat a déjà diminué entre 1992 et 1997. Vous aviez déjà, à cette époque, redimensionné l'Etat. Non contents de ce redimensionnement, vous persistez encore dans cette politique, avec laquelle nous ne pouvons évidemment pas être d'accord, comme cela a été mentionné dans notre rapport.

Par conséquent, le groupe socialiste votera la non-entrée en matière de ce projet de loi.

M. Christian Bavarel (Ve). Voilà de nouveau une mesure d'économie qui me semble quelque peu particulière: on parle de suppression des annuités pour des fonctionnaires. Qu'est-ce que cela veut dire, sur qui sommes-nous en train de taper ? En réalité, il y a des gens qui ont entre 15 et 18 ans de métier, qui sont arrivés au bout de leurs annuités et pour lesquels rien ne changera. En revanche, la personne qui vient d'être engagée verra son salaire ne pas bouger. On lui dit que ce sera ainsi pour une année, puis après ce sera pour deux, puis trois années, puis, ensuite, on enlèvera la mesure. Et la personne qui est engagée après se retrouve au même niveau que celle qui a trois ans d'expérience. Celui qui a été «puni» de ces trois années - on ne sait d'ailleurs pas pour quelle autre raison que celle d'avoir été engagé au mauvais moment - traînera cela pendant toute sa carrière.

On fera donc des économies sur le dos d'une petite partie de fonctionnaires, sur l'ensemble de leur carrière, jusqu'à ce qu'ils arrivent en bout de classe, et vous trouvez que cette mesure est juste et qu'elle représente un bon moyen de faire des économies. Je ne comprends pas quel signal vous voulez donner à la fonction publique par le biais de cette mesure.

Vous faites, de manière très partielle, des économies sur une petite catégorie des gens. Par cette mesure, vous avez décidé de punir les nouveaux engagés. Je trouve que votre mesure est spécialement injuste.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. En tant que rapporteur de majorité, je ne sais pas si mon collègue rapporteur de deuxième minorité souhaite prendre la parole, je la lui laisse et m'exprimerai en dernier, en tant que rapporteur de majorité...

La présidente. Nous n'allons pas faire de débats de préséance, Monsieur Pierre Weiss, vous étiez inscrit en premier, je vous donne la parole.

M. Pierre Weiss. Quoi que cela soit contraire aux usages, je m'exprimerai en premier.

D'abord pour dire que ce projet de loi justifie, à lui seul, notre projet de loi sur la fonction publique, parce qu'il montre bien combien sont pervers les mécanismes salariaux, puisqu'ils pénalisent les jeunes collaborateurs de la fonction publique: leur progression, en terme d'annuités, est bloquée, alors que ceux qui sont en fin de carrière, comme certains qui sont assis dans cette salle, ne sont pas eux-mêmes touchés.

Deuxièmement, j'ai dit d'emblée que nous soutenions ce projet de loi et nous soutenons le Conseil d'Etat précisément lorsqu'il propose des mesures d'économies. Ce projet de loi en est une. La raison pour laquelle nous le voterons, tient dans le fait qu'il permet des économies de l'ordre de 44 millions de francs.

Troisièmement, nous avons le choix entre engager de nouveaux collaborateurs et suspendre certains mécanismes - et c'est un dilemme douloureux - ou bien, ne pas engager de nouveaux collaborateurs et ne pas suspendre certains mécanismes. Nous préférons que l'Etat puisse s'adapter et, par conséquent, il faut bien se rendre compte qu'il doit parfois engager et parfois, j'allais dire «dégager», notamment, et ce sera mon quatrième point, lorsque GE-Pilote aura permis de voir quelles sont les missions essentielles de l'Etat.

M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de première minorité. Je comprends bien pourquoi M. Weiss voulait parler en dernier: il savait qu'il allait encore aligner quelques mensonges... (Manifestation dans la salle.)...et il voulait que personne ne puisse lui répondre.

Monsieur Weiss, votre manière de considérer les choses est incroyable. Vous dites que ce système est injuste, dans la mesure où il pénalise une catégorie de gens, alors que des gens, ici présents, qui seraient en fin de carrière, ne seraient pas touchés par lui. Mais, Monsieur Weiss, c'est justement vous qui pénalisez les gens qui se trouvent dans la catégorie que vous citez. C'est vous qui êtes en train de voter la suppression de la progression des annuités de la prime de fidélité. C'est systématiquement ce que vous faites: vous mettez la faute sur les autres. Ce sont vos décisions, c'est votre politique qui en sont la cause.

Vous dites que vous préféreriez investir dans les effectifs, mais ce que vous cherchez à dire c'est plutôt que les travailleurs de la fonction publique paient les travailleurs de la fonction publique. Vous cherchez encore et toujours à faire plus de cadeaux à ceux qui tirent profit de leur présence à Genève, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure. Les travailleurs de la fonction publique ou d'ailleurs sont la richesse de Genève.

Mesdames et Messieurs les députés, il est inadmissible que, chaque fois qu'il y a une difficulté budgétaire, on s'en prenne au personnel. En ce qui concerne la Banque cantonale, par exemple, c'est à la fonction publique de payer. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Lorsque l'on baisse les impôts de 12% pour les riches, c'est la fonction publique qui doit «combler le trou». Les travailleurs de la fonction publique, les enseignantes et enseignants, les infirmiers et infirmières, les policiers et policières, les secrétaires n'ont pas un travail moins honorable que le vôtre et ils méritent leur salaire, qu'ils défendront.

Nous défendrons aussi le salaire des travailleurs, qu'ils soient dans le secteur public ou privé. Quant au statut, Monsieur Weiss, que vous voulez abolir, vous n'avez qu'un seul but: livrer l'Etat aux affairistes que vous représentez ici. (Exclamations.)

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. J'aimerais dire à mon collègue M. Weiss qu'il pratique un certain darwinisme social puisqu'il nous propose de remplacer les fonctionnaires les plus anciens par des fonctionnaires plus jeunes, parce qu'ils coûtent moins cher. C'est vrai, ils coûtent beaucoup moins cher, mais vous faites là une ségrégation qui est désobligeante. Je regrette que vous ayez employé le terme «dégager» en ce qui concerne les emplois de la fonction publique.

Pour assurer les conditions-cadre, nécessaires au développement de notre économie, il faut que nous ayons une fonction publique qui soit à la hauteur, en nombre et en qualité. Or, il n'est pas possible d'assurer cela avec des salaires qui ne sont pas adéquats.

La présidente. Nous allons procéder au vote de la prise en considération du projet de loi 9366-A. Celles et ceux qui acceptent la prise en considération voteront oui, les autres voteront non ou s'abstiendront.

Mis aux voix à l'appel nominal, ce projet de loi est adopté par 44 oui contre 35 non.

Appel nominal

La loi 9366 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9366 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 44 oui contre 35 non.