République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8969-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Stéphanie Ruegsegger, Jean Rémy Roulet, Claude Blanc, Claude Marcet, Thomas Büchi, Gilles Desplanches, Janine Hagmann, Jacques Jeannerat modifiant la loi sur l'imposition des personnes morales (D 3 15) (Adaptation aux modifications introduites par la LF du 10 octobre 1997 sur la réforme de l'imposition des sociétés : transfert de participations à l'étranger, extension de la réduction pour participations aux bénéfices en capital, clarification de la notion de société auxiliaire)

Premier débat

M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur. Monsieur le président, je vous remercie infiniment d'avoir lu le titre de ce projet de loi; vous avez pu constater la complexité du problème. Votre attention doit être grande, puisque ce projet de loi sera soumis au vote populaire.

La commission fiscale a étudié ce projet de loi, nous l'avons appelé affectueusement «projet de loi aspirine», tellement... (L'orateur est interpellé.)Evidemment pas pour vous, Madame la présidente ! Mais, pour les députés, le sujet était si ardu que nous avons dû pratiquement médicaliser la commission pour pouvoir essayer de tout comprendre...

Le rapport est assez complet. J'espère, en tant que rapporteur, avoir répondu techniquement à toutes les interrogations. Il s'agit en résumé d'empêcher une triple, voire multiple imposition qui pouvait encore subsister pour des cas particulier, donc de mettre la loi genevoise en conformité avec la loi d'harmonisation de l'imposition directe des personnes morales.

Il faut savoir que ce projet de loi a déjà été mis en pratique avec la majorité de gauche et avec Mme Calmy-Rey - il n'avait suscité à cette époque aucune opposition. Il n'y a donc même pas d'étude potentielle sur la modification de l'assiette fiscale qui pourrait être prise en compte par le Grand Conseil. Le seul problème réel de ce projet de loi, c'est l'obligation que nous avons, en raison de l'initiative 112 acceptée par le peuple, de soumettre à ce dernier tous les projets de loi de ce type. Toute la difficulté est de rendre compréhensible un projet qui techniquement est déjà très difficile.

Présidence de Mme Janine Hagmann, deuxième vice-présidente

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Je suis très frustrée de ne pas avoir pu expliquer dans son essence et sa substance ce projet de loi, que nous avons qualifié de «projet de loi aspirine» en commission fiscale... M. Froidevaux s'en est chargé, et cela me soulage un peu parce que c'était effectivement un projet de loi extrêmement technique, mais qui n'apporte en fait pas grand-chose par rapport à la pratique actuelle. Il se borne à codifier cette pratique et à permettre au canton de Genève de s'aligner sur l'ensemble des autres cantons suisses qui ont utilisé une disposition du droit fédéral, évitant les multiples impositions.

Ce projet de loi ne va pas changer grand-chose, il permettra simplement au droit genevois d'être en conformité avec l'ensemble des pratiques cantonales et avec ce que lui permet de faire le droit fédéral. Nous vous proposons donc d'accepter ce projet, technique avant tout. Il est néanmoins nécessaire dans la mesure où nous pouvons être ainsi plus au net, plus au clair avec notre législation.

M. Pierre Guérini (S). Le PL 8969 a été qualifié par certains, à juste titre, de «projet de loi aspirine» - ce produit est adapté pour permettre une étude attentive de ce projet d'une complexité technique certaine.

Avoir l'esprit clair grâce à l'aspirine permet de dégager deux choses. Premièrement une particularité genevoise: notre canton est en effet le dernier à adapter une partie de sa législation fiscale à un droit supérieur. Deuxièmement, il convient de s'interroger pour savoir pourquoi ce projet de loi émane de députés établis à la demande des milieux économiques et non d'un projet de loi du Conseil d'Etat.

Si l'incidence fiscale de ce projet de loi est, à l'heure actuelle, pratiquement nulle, elle ne l'était pas lorsque la loi fédérale sur la réforme des sociétés est entrée en vigueur il y a sept ans. C'est à cette époque qu'aurait dû avoir lieu le débat politique relatif à ce projet de loi. Celui-ci permet aussi de codifier une pratique de l'administration fiscale qui applique déjà les conséquences de cette loi fédérale de 1997.

Il nous a été expliqué que cette manière de pratiquer était destinée à éviter un tourisme fiscal de la part des sociétés, tourisme qui serait bien entendu défavorable à Genève. Mais voilà, instaurer une pratique administrative au lieu d'appliquer une loi va à l'encontre du bon sens. Ce n'est sain ni pour l'administration concernée, ni pour les administrés. On ne peut donc qu'inviter le Conseil d'Etat à être plus rapide et percutant dans ses réactions lorsque des modifications du droit supérieur interviennent avec des conséquences prévisibles au niveau de la pratique administrative du canton.

Enfin, on nous a expliqué en long et en large, avec force tableaux et schémas à l'appui, qu'il ne s'agissait que de supprimer une strathe d'imposition qui n'avait pas ou plus sa raison d'être et qu'il fallait revoir un phénomène de surimposition préjudiciable à l'installation de sociétés à Genève. Je n'en suis malheureusement pas convaincu... Cette modification de loi impliquant une perte de rentrées fiscales sans compensation et vu l'état de nos finances, le groupe socialiste s'est abstenu en commission et s'abstiendra en plénière. (Brouhaha.)

La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député, et j'aimerais que les groupes qui discutent dans la salle aillent le faire ailleurs !

Mme Michèle Künzler (Ve). Comme les socialistes, les Verts s'abstiendront. Il est exact qu'il s'agit d'un débat complexe... (Brouhaha. La présidente sonne la cloche.)Mais nous regrettons qu'il n'y ait pas eu une discussion politique au moment même où la décision a été prise. C'est cela que nous regrettons ! En fait, de fil en aiguille, une modification de la loi fédérale s'est propagée au niveau des cantons et, finalement, on vient déposer un projet de loi pour codifier une pratique qui existe déjà. Nulle part il n'y a eu une réelle décision. C'est regrettable ! Nous n'avons jamais pu vérifier si, effectivement, la triple imposition - ou la double imposition, selon comment on la comprend - était plus ou moins juste. En réalité, on ne fait que courir derrière les autres cantons qui ont déjà pris leur décision.

Il est vrai qu'actuellement cela ne changera rien aux rentrées fiscales, mais peut-être que quelque chose aurait pu changer si l'on était intervenu il y a quatre ou cinq ans.

C'est pourquoi je vous invite à vous abstenir: dans ce contexte, je ne vois pas très bien ce que l'on pourrait faire d'autre.

Le président. Merci, Madame Künzler. Je le répète: je prie MM. Schmied, Weiss et Mettan d'aller parler ailleurs... Tout ce bruit est désagréable pour le député qui s'exprime.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Merci aux députés qui partent à la buvette...

Je comprends bien l'intervention de Mme Künzler lorsqu'elle dit qu'il est désagréable de devoir constater une pratique en vigueur alors que la législation n'a pas été adaptée. Ce type d'intervention me rappelle un peu le pasteur qui fait un sermon aux ouailles présentes en regrettant toutes celles qui ne sont pas là... En définitive, la mise à jour de cette loi permet au dernier canton suisse qui ne l'avait pas effectuée d'avoir une base légale pour sa pratique. J'ai trouvé particulièrement désagréable de mettre l'administration fiscale dans une situation où elle n'avait pas les normes légales pour appliquer ce qu'elle avait été autorisée à faire depuis des années.

Je n'interviendrai pas sur le fond, si ce n'est pour dire qu'effectivement les pratiques actuelles n'entraînent pas de perte fiscale au sens réel du terme ou, du moins, pas de perte fiscale qui viendrait aggraver le déficit de l'Etat. Je voudrais pourtant vous dire que, selon ma vision des choses, une administration doit pouvoir s'appuyer sur des bases légales; elle doit pouvoir en tout temps savoir que sa pratique est constante et qu'elle ne relève pas d'assentiments tacites. C'est la raison pour laquelle j'ai choisi de faire en sorte que, politiquement, le projet de loi vous soit soumis. Il sera également soumis au vote populaire, avec les risques que cela comporte, mais aussi avec la transparence que vous réclamez souvent.

C'est pourquoi je vous demande de voter ce projet de loi qui permet à notre administration d'asseoir sa pratique sur des normes légales partagées par vingt-cinq autres cantons et demi-cantons.

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Le président. Nous allons nous prononcer sur la prise en considération de ce projet de loi. Le vote électronique est lancé.

La loi 8969 est adoptée en premier débat par 45 oui contre 8 non et 18 abstentions.

La loi 8969 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 8969 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 37 oui contre 8 non et 21 abstentions.