République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8828-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal) (J 3 05)
Rapport de majorité de Mme Laurence Fehlmann Rielle (S)
Rapport de minorité de Mme Jocelyne Haller (AdG)

Premier débat

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de majorité. Je voudrais d'abord rappeler l'objectif de ce projet de loi. Il s'agit en fait de supprimer l'automaticité des subsides au titre de l'assurance-maladie de base. Cela concerne les personnes qui disposent d'une certaine fortune et qui reçoivent, malgré leur situation, un subside pour leurs primes de base de l'assurance-maladie.

C'est ainsi que ce projet de loi a été familièrement appelé «le projet des millionnaires». Cette difficulté de définir qui a droit à un subside et qui n'y a pas droit provient, entre autres, de l'absence d'une limite de revenus déterminant le droit à des prestations sociales dont on a parlé à plusieurs reprises au cours de cet après-midi. Il faut bien préciser qu'il ne s'agit pas de supprimer le droit aux allocations mais de mieux répartir ces dernières en fonction de la situation réelle des personnes. Le retrait des allocations indues permettrait à l'Etat de dégager, par année, environ 500 millions de francs qui pourraient être réaffectés à des personnes plus nécessiteuses.

Plusieurs auditions ont été organisées par la commission, parmi lesquelles celle de Mme Haller, qui a mis en évidence les disparités importantes qui sont induites par l'effet de seuil: certaines personnes, à ressources identiques, voient leurs cotisations d'assurance-maladie prises en charge, alors que, pour d'autres, ce n'est pas le cas.

Au cours de ces travaux, le DASS a proposé quelques amendements. Si certains sont purement techniques, il y en a un qui consiste en la mise en conformité avec le droit fédéral et concerne les subsides qui sont versés aux personnes bénéficiaires de l'OCPA. Ceux-ci seront désormais alignés sur la prime moyenne cantonale. C'est d'ailleurs cet amendement qui a fait l'objet du rapport de minorité de Mme Haller, et qui porte sur l'article 22 alinéa 6.

En fait, même si je ne partage pas la plupart des griefs qu'émet la rapporteuse de minorité à l'égard de cette obligation de s'aligner sur la prime moyenne cantonale, je suis tout de même d'accord avec elle sur un point: le fait d'obliger les personnes à changer de caisse a quand même une certaine limite, et c'est un peu un emplâtre sur une jambe de bois, il faut bien l'avouer. A terme, c'est bien vers une caisse unique que l'on devrait se diriger, ainsi que vers des primes qui soient calculées en fonction du revenu et non pas sur des primes uniques - comme c'est le cas actuellement.

Pour l'heure, nous ne devons pas perdre de vue l'objectif principal de ce projet de loi. Il consiste à empêcher des personnes, qui ont une certaine fortune, de percevoir des subsides, alors que d'autres y auraient droit et ne peuvent en avoir, d'une part; et il consiste également à mettre ce projet de loi cantonal en conformité avec le droit fédéral, d'autre part.

Je vous demanderai donc d'accueillir ce projet de loi tel qu'il est issu de la commission des affaires sociales.

Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse de minorité. Je crois que la première chose qu'il me revient de dire c'est que je regrette véritablement que le département ait cru bon d'ajouter, dans la dernière ligne droite de nos travaux, cette proposition d'introduire la limite de la prime moyenne cantonale. Sans cet élément, nous aurions adhéré sans réserve au projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, parce que nous adhérons formellement - et j'insiste sur ce point - à l'intention de corriger cet automatisme qui fait que des personnes qui ne sont manifestement pas dans le besoin bénéficient d'une aide pour couvrir leurs cotisations d'assurance-maladie.

En revanche, nous ne sommes absolument pas d'accord sur le fait d'imposer cette limite à d'autres personnes qui sont relativement démunies, puisqu'elles se trouvent dans des systèmes d'aides sociales. En outre nous estimons que, si l'intention est d'encourager un certain mouvement ou des transits d'assurés d'une caisse à une autre, ou de caisses chères vers des caisses bon marché, ce n'est pas par cette manière-là que nous y parviendrons. Je souhaiterais ajouter, en complément à mon rapport, quelques éléments.

En ce qui concerne l'exigence d'appliquer la limite de la prime moyenne cantonale, de la part de la Confédération, il apparaît que cette exigence ne vaille que pour le calcul des prestations complémentaires fédérales, les PCF, dont il faut quand même relever, paradoxalement, qu'elles sont financées à 90% par le canton. Par ailleurs, et en ce qui concerne le montant du subside total à l'assurance-maladie, cette exigence n'a pas de caractère contraignant, puisqu'en ce qui concerne l'OCPA les prestations complémentaires fédérales sont complétées par des prestations complémentaires cantonales, et qu'à ce moment-là, cela relève uniquement de la décision du canton. Ainsi, il appartient au canton, et à lui seul, de déterminer s'il estime nécessaire de couvrir le montant intégral de la cotisation de base dans le calcul qui sert à déterminer le droit aux prestations complémentaires cantonales. Financée exclusivement par des fonds cantonaux, le même raisonnement s'applique également à l'assistance publique.

Les transferts d'assurés d'une caisse à l'autre créent une agitation et une confusion qui n'en valent pas la chandelle, et qui vont finalement à l'encontre du but recherché. Depuis deux ou trois ans, les assurés sont engagés à opter pour des caisses meilleur marché, et les services sociaux ont, sur recommandation du SAM, pour consigne d'encourager les personnes subsidiées à changer de caisse maladie en faveur de caisses plus abordables. Or l'effet constaté est sans ambiguïté. Les caisses les moins chères sont conduites à augmenter notablement leurs cotisations, ce qui amène les assurés à devoir renouveler cette opération l'année suivante, ou, tout au moins, à brève échéance. Prenons donc l'exemple de la caisse maladie de la FTMH, qui figurait l'an dernier parmi les deux caisses les moins chères, et qui se retrouve, cette année, au-dessus de la moyenne cantonale. Ainsi, toutes les personnes qui ont transité l'année dernière vers cette caisse afin d'échapper à leur ancienne caisse trop onéreuse, doivent à nouveau changer de caisse. Prenons également l'exemple de la Philos, qui se trouvait être, l'an dernier, la deuxième caisse abordable. Cette année, Philos, bien qu'ayant augmenté ses cotisations, reste pour les adultes en dessous du seuil fatidique de la prime moyenne cantonale. Pour les enfants, en revanche, elle se trouve à 1,50 F au-dessus de cette norme. Que faire ? Ne changer que la filiation des enfants et avoir deux caisses comme interlocuteur pour la famille ? Rester dans la même caisse et faire face à la facturation de 1,50 F fois le nombre d'enfants, c'est-à-dire 3 ou 4,50 F par mois ? Cela ne coûtera-t-il pas plus cher, pour la caisse, de facturer ces montants que de les encaisser ? Et comment seront gérés les contentieux pour des différentiels aussi dérisoires ? Cela vaut-il vraiment la peine d'encourir des risques de suspension de prestations ou de compensation ? Le projet de loi 8828-A prévoyant par ailleurs que les montants excédant la prime moyenne cantonale ne pourront faire l'objet de demandes de remboursement, au titre de la loi sur les assurés débiteurs, verra-t-on, en cas d'acte de défaut de biens des assurés dont le dossier sera définitivement embourbé, des prestations suspendues pour défaut de sommes dérisoires ?

Pour conclure, la politique de mise en concurrence des caisses maladie pour lutter contre l'augmentation des cotisations n'a, de loin, pas fait ses preuves. A l'inverse, elle semble même avoir contribué à alimenter ce phénomène. C'est d'ailleurs afin d'être mieux à même de juger que j'ai déposé une interpellation écrite à ce propos. Malheureusement, la réponse que M. Unger nous a fait transmettre n'a pas entièrement satisfait à ma curiosité. Si j'ai bien compris la réponse qui m'a été faite, on constate que la concurrence n'est pas réalisée. Les hausses de primes continuent et les changements de caisses maladie ne font pas «mal» - il n'est pas prouvé qu'elles fassent du bien non plus - c'est du moins l'expression qui a été utilisée. De mon point de vue, ce constat reste à démontrer. A cet égard, un tableau montrant la progression du prix des cotisations et leur classement dans l'échelle des prix en question, aurait sans doute été utile pour en juger.

Aussi, je vous appelle, Mesdames et Messieurs les députés, à vous en tenir, jusqu'à être plus amplement informés, à l'incitation formulée dans la loi à opter pour des caisses meilleur marché, à entamer une véritable réflexion sur la pertinence de la mise en concurrence des caisses maladie, à soutenir l'initiative du MPF en faveur d'une caisse maladie unique, et à réserver un bon accueil aux amendements qui vous seront présentés.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

Mme Esther Alder (Ve). C'est vrai que ce projet de loi a un but majeur: celui de supprimer le principe de l'arrosage qui fait qu'environ 400 millionnaires touchent des subsides publics. Au fond, c'était cela qu'il fallait rectifier en premier lieu. C'est vrai que l'on peut s'interroger de savoir pour quelle raison ce projet de loi n'arrive que maintenant, parce que déjà en 2000 la commission d'évaluation des politiques publiques avait mis le doigt sur cette problématique. On est en 2004, cela fait donc plusieurs années que rien n'a été fait sur ce point.

Nous sommes d'accord sur le fait qu'il faille aller plus loin. Nous donnons raison à Mme Haller pour les arguments qu'elle développe dans son rapport de minorité. Cependant nous pensons que ce n'est pas par le biais de ce projet de loi qu'il faille intervenir, mais par le biais du revenu déterminant unique, qui vient d'être renvoyé en commission, pendant cette session.

Nous sommes conscients qu'il y a encore un grand nombre d'injustices, mais je pense qu'il faut traiter ces problèmes ailleurs.

Pour l'instant, nous vous proposons donc d'accepter ce projet de loi.

Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Ce projet de loi vise à lutter contre une injustice - cela a déjà été cité auparavant - selon laquelle des personnes reçoivent des subsides automatiquement alors qu'elles n'y ont absolument pas droit.

Cependant, à travers ce projet de loi, la nécessité de reconnaître le besoin d'une meilleure collaboration entre les services s'exprime, de même que le fait de dénoncer l'effet de seuil qui induit des disparités pénalisantes - privant ainsi les bénéficiaires des subsides auxquels ils auraient droit - ainsi que l'automaticité, comme cela a déjà été dit.

Même si ce projet de loi n'est pas parfait, c'est évident, il apparaît important de voter le rapport de majorité pour le rendre le plus efficace le plus rapidement possible.

C'est pourquoi nous ne voterons pas non plus les amendements.

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

M. Blaise Matthey (L). Genève a un social extrêmement développé. Genève connaît des difficultés financières et doit s'essayer, partout où elle le peut, à mieux cibler ses prestations sociales. C'est précisément le sens du projet de loi dont nous discutons ce soir. Même s'il s'agit d'économies qui peuvent paraître relativement modestes, ce sont des économies, sans que l'on touche à la substance de ce qui est accordé aux gens sous forme de subsides. Nous faisons en sorte de faire ce que nous devrions toujours faire dans le domaine social, à savoir cibler nos prestations sur ceux qui en ont besoin. Ce n'est qu'une partie de l'édifice. Tout le travail que nous ferons sur le revenu déterminant sera, à cet égard, tout à fait crucial. Je suis convaincu que nous pourrons donner une nouvelle dimension au secteur des prestations sociales dans notre canton.

Dans l'intervalle, il s'agit de voter ce projet de loi, sans confondre les objectifs, sans s'imaginer que nous débattons maintenant des projets de caisse unique ou de primes sur le revenu auxquels, vous le savez, le groupe libéral n'est pas favorable.

Il s'agit de voter une loi qui introduit des modifications qui vont dans le sens d'une meilleure justice sociale, et dans le sens d'une meilleure allocation des ressources.

Le groupe libéral votera donc ce projet sans restrictions.

Mme Nicole Lavanchy (AdG). Il me semble très important de préciser à nouveau le point de vue de l'Alliance de gauche, et notamment l'amendement proposé par Mme Haller, car, si cet amendement n'est pas accepté, il y aura des conséquences préjudiciables pour les personnes qui sont vos aînées, ainsi que les personnes les plus démunies de ce canton.

Ce n'est pas avec un amendement que l'on dénaturera l'objectif de la loi qui a été posée ici. Il semble ainsi que la commission n'a pas su comprendre la portée de l'amendement qui est proposé par Mme Haller.

Le fait de s'adapter au niveau de la Confédération en faisant en sorte de ne couvrir que le subside total sur la moyenne cantonale aura des effets qui iront bien au-delà des cinq millions d'économies escomptés. Ces conséquences auront un effet sur des personnes qui sont déjà en difficulté. Je dirai donc que cette loi est dénaturée, dans la mesure où elle va léser ces personnes qui sont déjà les plus défavorisées, alors qu'elle va avantager les personnes les plus riches. Si l'on ajoute encore le subside total moyen, on en arrive à toucher un grand nombre de personnes qui sont déjà dans la précarité.

Mme Haller vous a déjà démontré que la mise en concurrence des caisses est un leurre. Premièrement parce que la plupart des assurés rechignent à changer de caisse, et pour cause ! Les démarches administratives pour changer de caisse sont extrêmement lourdes. Deuxièmement parce qu'il y a des personnes âgées qui sont très attachées à leur caisse maladie. Elles y sont affiliées depuis des années, et changer leur pose un problème de loyauté vis-à-vis de cette caisse. Troisièmement, parce que les assurés s'aperçoivent que la caisse où ils se sont nouvellement assurés se retrouve, l'année suivant leur affiliation, parmi les caisses les plus onéreuses du canton.

Que va-t-il se passer ? Vos aînés et les personnes les plus précarisées ne changeront pas de caisse. Par conséquent, ils devront payer de leur poche la différence qui existe entre la prime moyenne et ce qui est en surplus.

Par ailleurs, bon nombre de ces personnes se font aider par des assistants sociaux, qui vont se trouver dans l'obligation de faire changer la caisse de l'assuré. Cela équivaut à des démarches administratives lourdes, comme je l'ai déjà dit, pour les services sociaux. Vous savez peut-être déjà que la majorité des services sociaux de ce canton sont en surcharge. Ils ont affaire à une pléthore de lois qui les cantonnent de plus en plus dans une fonction administrative, au détriment de l'action préventive et autonomisante qu'ils devraient mener.

Je pense que l'amendement proposé par les membres de gauche amène un plus. Il consiste à ne pas léser les personnes les plus démunies et respecte l'esprit de la loi que vous avez discutée en commission.

Pour ces raisons, j'en appelle, surtout à l'Alternative, à voter l'amendement de Mme Haller.

M. René Ecuyer (AdG). J'ai peur de répéter ce qui vient d'être dit mais... (Manifestation dans la salle.)...mais je vais le dire autrement, parce que vous n'avez pas compris.

Cette histoire de cotisation moyenne, franchement, c'est un peu du bidon, parce que tout le monde sait que les caisses les moins chères deviennent plus chères. On empoisonne la vie des retraités, des gens âgés, à qui l'on dit: «Ecoutez maintenant, vous allez trouver votre assistant social, vous allez écrire et changer de caisse».

On est souvent membre d'une caisse depuis longtemps. Mes parents sont toujours restés dans la même caisse, en partie parce qu'ils avaient affaire aux mêmes personnes.

Je pense, pour ma part, que l'on ne peut qu'appuyer la proposition d'amendement, parce que l'on n'est pas obligés d'embêter les gens âgés, quand on sait que cela ne sert pas à grand-chose.

Monsieur Matthey, en ajoutant cela, on rate la cible. Vous ne visiez pas cela ! Vous visiez à ce que la caisse ne favorise pas les millionnaires. D'accord, mais il ne faut pas embêter les petits pour autant. Envoyer des gens qui ont plus de 80 ans courir les services sociaux pour recommencer, l'année d'après, c'est du bidon ! On sait que cela ne sert à rien.

Il ne faut pas changer de caisse, il faut changer le système d'assurance-maladie.

Je vous invite donc à approuver les amendements qui vous sont proposés et qu'on arrête d'embêter les vieux !

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de majorité. J'aimerais rectifier deux choses, après l'intervention de Mme Lavanchy.

Je l'ai dit auparavant, je pense aussi que le système du changement de caisse a ses limites, néanmoins il faut tout de même stopper certaines exagérations. Le fait de changer de caisse n'est pas aussi lourd sur le plan administratif qu'on veut bien le dire. Les personnes qui sont dans les EMS ou bien celles qui sont suivies par des assistants sociaux sont justement aidées dans ces démarches, il y a même des modèles de lettre - j'en sais quelque chose, je l'ai fait pour plusieurs personnes de ma famille et pour moi-même.

L'autre chose concerne cette prime moyenne cantonale qui serait une source de préjudices pour les personnes les plus démunies. Je crois qu'ici aussi il faut relativiser les choses. Est-ce vraiment à l'Etat de payer la totalité des primes aux caisses qui sont les plus chères, alors qu'il y a des citoyennes et des citoyens qui gagnent assez mal leur vie, qui ne sont pas au niveau des barèmes pour se faire aider et qui doivent aussi faire face à des charges d'assurance-maladie qui sont très lourdes ? Si l'on maintient le système, cela revient en fait à subventionner les excès de certaines assurances-maladie. Je crois qu'il ne faut donc pas exagérer non plus le fait qu'on léserait les personnes les plus défavorisées.

Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse de minorité. Ce projet de loi avait pour objectif de supprimer une injustice. C'est une bonne chose, à laquelle nous étions attachés. Le problème, c'est qu'il en introduit une autre, et à cela, nous ne pouvons consentir. Mme Fehlmann Rielle dit que ces personnes, dont on dit qu'elles sont les plus démunies, ne le sont finalement pas tant que cela; permettez-moi de vous contredire, Madame. S'agissant des bénéficiaires OCPA ou des bénéficiaires de l'aide sociale, je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il ne s'agit pas des personnes les plus démunies. Il ne s'agit pas d'encourager non plus les caisses maladie à pratiquer des cotisations qui soient exagérément élevées. Il s'agit simplement d'éviter de participer nous-mêmes, par ce type de moyens, à l'augmentation des cotisations d'assurance-maladie. En effet, en poussant les bénéficiaires d'aides à changer systématiquement de caisses maladie en faveur d'une caisse moins chère, on provoque des transhumances d'assurés qui induisent des coûts extrêmement importants, en définitive. On peut le vérifier aujourd'hui, nous avons un recul suffisant. Nous avons en effet constaté que les caisses vers lesquelles nous avions orienté les assurés il y a deux ans, trois ans, ont augmenté, et que les personnes ont dû à nouveau changer de caisse.

Si c'est cela que vous voulez, il faut le dire. Mais, à ce moment-là, ne prétendons pas réparer l'injustice d'un côté et en engendrer de l'autre !

Pour nous, ce projet de loi aurait été acceptable moyennant le fait qu'on n'introduise pas cette question. Si vous acceptez les amendements qui vous sont proposés, que vous auriez dû trouver sur votre table, nous pourrons trouver un accord. A défaut, nous ne pourrons que constater nos divergences sur cette question.

M. René Ecuyer (AdG). Juste un mot à Mme Fehlmann Rielle: tous les retraités ne sont pas dans des EMS ! Dans les EMS, bien sûr, un changement de caisse se fait tout seul, ce ne sont même pas les pensionnaires qui le font. C'est le bureau qui fait ce travail. Cependant, la grande majorité des personnes âgées vivent chez elles. Il faut avoir travaillé avec ces gens-là pour savoir quelles sont leurs difficultés face aux problèmes administratifs. C'est une complication pour eux. Et une complication, en plus, qui ne sert pas à grand-chose !

Ecoutez donc la voix de la sagesse ! Laissez tomber cette histoire et votez les amendements présentés par Mme Jocelyne Haller ! Vain Dieu !

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Au fond, tout le débat tourne autour du seul objet querellé, qui est l'application d'une mesure pour financer, chez les subsidiés intégraux, des primes jusqu'à la valeur de la prime moyenne cantonale ou, au contraire, de laisser faire, comme cela a été le cas, jusqu'à maintenant. Alors, peut-être faut-il rappeler deux chiffres qui vous intéresseront, parce qu'ils vous montreront la marge de manoeuvre qu'un effort de cette nature impose - et c'est vrai que c'est un effort, Monsieur Ecuyer.

Il y a 240 millions de subsides d'assurance-maladie distribués par année, à Genève. 120 millions, soit la moitié, sont utilisés pour les subsidiés totaux, qui représentent moins de 20 000 personnes. En conséquence de quoi, l'effort administratif ou transposé à l'administration, dont vous assureriez la médiation comme assistante sociale, Madame Haller, est de nature à soulager considérablement la pression qui s'exerce sur d'autres assurés modestes. Parce qu'en la matière, Madame, et vous le savez bien, nous vivons dans un monde - et on en reparlera avec le revenu déterminant unique - où nous avons l'indécence de ne pas accepter qu'un franc est un franc, que ce franc provienne du revenu d'un travail, d'une rente ou d'une subvention. C'est ainsi que vous priveriez des assistés de moyens, alors même que, peut-être, travaillent-ils et manquent-ils d'un complément de salaire que vous devez leur donner ?

Nous vivons dans un monde qui ne fonctionne pas. Au prix de l'effort, il est vrai, individuel des personnes âgées, pour lesquelles nous devrons apporter l'aide nécessaire - et pour lesquelles, Monsieur Ecuyer, je sais bien que vous le faites déjà - c'est vraiment très modeste que de remplir un formulaire qu'on peut obtenir sur internet, disant que l'on se désaffilie d'une caisse... (L'orateur est interpellé.)Mais on peut aussi l'obtenir auprès de l'Hospice général qui a d'excellents appareils informatiques, ce n'est pas Mme Haller qui me contredira. Je reprends: c'est vraiment très modeste que de remplir un formulaire pour se désaffilier d'une caisse et d'en remplir un autre pour s'affilier à une autre caisse.

Parmi les autres arguments invoqués, j'ai entendu qu'on s'attaquait aux plus démunis. Les personnes âgées sont démunies. Elles sont souvent démunies, parce qu'elles sont seules, plus que parce qu'elles manquent d'argent - bien qu'elles manquent souvent d'argent, aussi. J'aimerais rappeler que le régime des prestations complémentaires cantonales offre à nos personnes âgées - c'est une fierté de notre République et de ce parlement - des revenus de 30% supérieurs à ceux de tous les autres cantons, à l'exception de Zurich et de Bâle. Cela se comprend d'ailleurs, parce que, hélas, la pauvreté, chez les jeunes autant que chez les personnes âgées, se concentre dans la ville. Si nous voulons maintenir ce régime, et ça n'est peut-être pas un régime de faveur, mais c'est un régime généreux - Dieu, merci ! - alors il faut économiser l'argent là où c'est indolore, ce qui est le cas dans ce lieu-là.

Monsieur Ecuyer, vous me touchez toujours lorsque vous prenez la parole, parce que vous avez cette gentille bonhomie à laquelle on a envie d'adhérer. Cependant, vous dites que les assurés sont attachés à leur caisse maladie, parce qu'ils en connaissent les salariés. Avez-vous déjà demandé une feuille maladie à la caisse dans laquelle vous êtes affilié depuis trente ans, vous entendant répondre en suisse allemand par un local situé à Appenzell, ou, le cas échéant, dans l'ex-canton de M. Iselin, à Glaris ? Plus personne ne connaît son correspondant.

Croyez-vous, a contrario, que la caisse maladie est attachée à vous ? Testez simplement le comportement stratégique scandaleux des caisses - que nous avons d'ailleurs démontré et dénoncé auprès du président de la Confédération, l'année dernière - qui, à la simple écoute de la voix des gens qui téléphonent, prétendent des choses fausses, pour les inciter à renoncer à s'assurer lorsqu'ils imaginent qu'ils sont malades. Monsieur, n'ayez pas trop de pitié pour ceux qui vous répondent. Profitez du système, absurde, de la concurrence qu'ils ont eux-mêmes voulue, et l'avenir amènera au bon sens.

Mais cela ressort d'un autre débat.

Le président. Nous sommes arrivés au terme de notre premier débat. Nous allons voter sur la prise en considération de ce projet de loi.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 77 oui (unanimité des votants).

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 10, alinéas 3 et 4, 20, alinéas 1 et 2, 21, alinéa 1, 21, alinéas 2 et 4 (abrogés, l'alinéa 3 devenant l'alinéa 2).

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de l'article 22 alinéa 6, il s'agit de biffer «mais au maximum au montant correspondant à la prime moyenne cantonale fixée par le Département fédéral de l'Intérieur.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 68 non contre 12 oui.

Mis aux voix, l'article 22, alinéa 6, est adopté, de même que les articles 23 et 23A, alinéa 1.

Le président. Il vous est proposé d'abroger l'alinéa 2 de l'article 23A.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 23A, alinéa 2, est adopté.

Le président. Il vous est proposé d'abroger l'alinéa 3 de l'article 23A.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 23A, alinéa 3, est adopté, de même que l'alinéa 4.

Le président. Il vous est proposé d'abroger l'alinéa 5 de l'article 23A.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mis aux voix, l'article 23A, alinéa 5, est adopté.

Mis aux voix, l'article 26 (abrogé) est adopté, de même que les articles 29 à 51, alinéas 2 et 3.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).

Troisième débat

La loi 8828 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 8828 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 66 oui contre 10 non et 2 abstentions.