République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1376-A
Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier la pétition concernant le cycle d'apprentissage à l'école du Mail
Rapport de Mme Ariane Wisard (Ve)

Débat

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve), rapporteuse. Cela sera très court. (Brouhaha.)Mesdames et Messieurs les députés, la pétition que nous avons traitée à la commission de l'enseignement a été soutenue par cent une signatures, dont la plupart proviennent des parents d'élèves de l'école du Mail. Cette pétition demande le maintien des degrés élémentaires dans cette école.

Il y a environ six ans, l'école du Mail a été aménagée pour pouvoir accueillir des enfants de quatre à sept ans. Le préau ainsi que les locaux ont été adaptés et mis aux normes pour les petits. En 2001, l'inspecteur en place élabore un projet prévoyant que l'école du Mail n'accueillera plus les classes de degrés élémentaires. Ce projet devient réalité lors de la rentrée 2001-2002: les vingt-six élèves inscrits en première enfantine manquent à l'appel, car ils ont été déplacés dans d'autres écoles du quartier. Les enseignants de l'école, soutenus par les parents, réagissent vivement; ils ne trouvent cependant pas l'écoute nécessaire de la part de la direction de l'enseignement. Il est dès lors décidé d'adresser la présente pétition au Grand Conseil. Les arguments développés par les pétitionnaires lors de leurs auditions afin que les petits restent dans l'école sont les suivants: en premier lieu, les pétitionnaires ont évoqué un regroupement familial qui facilite les déplacements des parents et responsabilisent les aînés face aux plus jeunes. Ils ont également invoqué des motifs sociaux, les petits jouant un rôle pacificateur au sein d'une école. Par ailleurs, la présence des parents des plus jeunes à la sortie de l'école constitue une surveillance des lieux appréciée de tous.

Sans la réaction des enseignants et des parents, l'école aurait pu se vider de ses degrés élémentaires en trois ans. Lors de la séance de la commission, M. Salamin, directeur de l'enseignement primaire, nous a certifié que la suppression des degrés élémentaires n'était qu'une hypothèse de travail élaborée par un inspecteur n'étant plus aujourd'hui en activité dans ce secteur. Il manque pourtant bel et bien un degré à l'école du Mail, et ceci pour les sept ans à venir. Cette absence n'ira pas sans provoquer certains problèmes. Imaginons par exemple qu'un enfant double ou saute une classe: il devra dès lors changer d'école pour intégrer le bon degré !

Si une majorité de la commission de l'enseignement a été d'avis de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, c'est pour donner un signal clair: il est essentiel de développer une réelle concertation entre les différents partenaires de l'école, à savoir la direction, les enseignants et les parents. Il s'agit de mettre en place une communication large et efficace. L'ensemble de ces mesures contribuera grandement à éviter le renouvellement de ces situations de crise. C'est pourquoi la majorité de la commission vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

Mme Janine Hagmann (L). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai bien écouté le rapport de Mme Wisard; je souhaite cependant apporter une vue quelque peu différente au sujet de cette pétition. Je rappelle que cette pétition a été envoyée à la direction de l'enseignement primaire et à la Ville de Genève en janvier, car il s'agit du moment où les inspecteurs commencent à prévoir la manière dont se fera la rentrée de septembre. Dans un souci d'organisation normale, les concertations se font entre la commune, qui doit mettre des locaux à disposition, les associations de parents, qui font part de leurs avis, et la direction de l'enseignement primaire, qui doit respecter certaines normes. Dès lors, que s'est-il passé ? Il est vrai qu'à ce moment-là, c'était un inspecteur remplaçant qui assumait la gestion de l'école et les inspecteurs sont des êtres humains qui peuvent être malades ! Je signale à ce propos que Mme Wisard a parlé d'une succession de remplacements, ce qui n'est pas tout à fait exact. Il faut par ailleurs préciser que la suppression des degrés élémentaires ne constituait qu'une hypothèse de travail. C'est donc uniquement sur la base de cette hypothèse que la pétition a été lancée par une mère d'élève, dont le mari est par ailleurs conseiller municipal en Ville de Genève - cette personne connaissait donc bien tous les rouages du système. Or, la situation est rentrée dans l'ordre depuis, puisque toutes les demandes formulées ont été respectées.

Je souhaite que vous preniez conscience que la concertation est certes positive, mais que la cogestion est impossible. Il faut bien, à un moment donné, prendre des décisions. Or, qui est habilité à prendre ces décisions, sinon l'inspecteur ? A mes yeux, il est donc totalement inutile d'envoyer cette pétition irrelevante, nulle et non avenue, au Conseil d'Etat. Je vous propose donc, Mesdames et Messieurs les députés, son dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

Une voix. Bravo !

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Il me semble important d'ajouter que la situation n'est pas aussi simple qu'on pourrait le croire. Nous avons en effet constaté que le DIP avait fait des projets coûteux d'accueil des classes enfantines pour recevoir davantage d'enfants avant de changer d'avis - certainement pour de bonnes raisons - ce qui a déstabilisé tant les enfants que les parents. Cela s'est par ailleurs également traduit en un coût pour les contribuables. Même si les inspecteurs ont de bonnes raisons de procéder à des nouveaux aménagements, leur changement d'avis ont, au bout du compte, un certain prix. Ainsi, même s'il s'avère mauvais, ce choix a été fait, et c'est au DIP de l'assumer, et non aux familles.

M. Thierry Apothéloz (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne reviendrai bien entendu pas sur l'excellent rapport établi par notre collègue députée Ariane Wisard, ni sur les commentaires qu'elle vient d'établir quant aux circonstances qui ont amené les pétitionnaires à formuler cette pétition.

Il me paraît cependant important de relever deux éléments. Le premier point concerne un sujet qui nous tient à coeur et dont les parents nous informent régulièrement: il s'agit de la difficulté pour ces derniers à se faire entendre dans un système scolaire compliqué et difficilement atteignable. Nous sommes d'accord avec la remarque de Mme Hagmann, quant à la nécessité de respecter la hiérarchie, et nous ne nous attendons certes pas à ce que les parents fassent de la cogestion avec le département de l'instruction publique. Je trouverais néanmoins important que le département de l'instruction publique puisse encourager les parents à avoir une voix dans la bonne marche d'une école. Peut-être faudrait-t-il réfléchir à la manière d'intégrer les parents encore davantage non seulement dans le fonctionnement d'une école, mais également au niveau de l'inspectorat.

Je n'ignore pas que ces problématiques font grandement réagir Mme la présidente du département. Je reste cependant convaincu que, si nous souhaitons travailler sur des thèmes tels que ceux de la violence ou de l'insertion, il faudra à un moment donné entendre les parents, et ceci à partir d'un concept qui reste encore à créer. Nous restons d'ailleurs à votre entière disposition pour vous y aider.

J'en ai fini avec mes quelques commentaires, Monsieur le président.

Le président. La parole est à Mme la conseillère d'Etat Brunschwig Graf, après quoi nous voterons, d'abord sur le renvoi au Conseil d'Etat, ensuite - si le renvoi au Conseil d'Etat n'est pas accepté - sur le dépôt. Madame Brunschwig Graf, vous avez la parole.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Tout en m'efforçant de respecter les horaires du président, j'aimerais en premier lieu vous remercier du grand intérêt que vous portez non seulement à cette école, mais à cette magnifique organisation scolaire qu'est l'enseignement primaire - dont vous savez qu'il touche tout de même 34 000 élèves ! Cette organisation s'effectue sur plus de 1200 localisations différentes et selon les critères chers à cette institution certainement, mais surtout à notre population: une école à deux pas de chez soi et, si possible, une école dans laquelle les petits camarades évoluent dans la même classe et au même moment. Vous pouvez donc me renvoyer cette pétition si vous le souhaitez, mais soyez prêts à en accueillir d'autres. Les courriers que j'ai déjà reçus cette année, avant même d'avoir commencé à décrire les prémices de la rentrée future, m'inclinent à penser que l'on est loin d'avoir résolu tous les ennuis. C'est ainsi que la commune de Choulex m'écrit déjà pour me faire savoir que l'hypothèse d'envoyer ses élèves, qui ont fait cinq ans dans ce magnifique village, à Vandoeuvres pour leur dernière année représente une sainte horreur ! (Brouhaha.)J'ai également reçu une lettre du magistrat de la Ville, qui m'informe de son intention de fermer l'école Bertrand. Dès lors, certains courriers circulent déjà de manière préventive pour m'expliquer pourquoi les petits élèves X et Y feraient mieux d'aller à tel endroit plutôt qu'à tel autre.

Je vais vous décrire l'ordre dans lequel nous procédons dans le cadre de l'organisation de l'enseignement primaire: nous sommes en premier lieu astreints à des obligations légales, soit une école par commune. Il n'est donc pas possible d'en fermer, ce qui est très bien, car je serais de toute façon opposée aux fermetures d'écoles. Deuxièmement, nous essayons de respecter les écoles complètes. Troisièmement, nous nous efforçons, dans la mesure du possible, de réunir les fratries dans une même école. Quatrièmement, nous faisons en sorte que les élèves puissent suivre un parcours correct. Cinquièmement, nous essayons d'éviter l'entassement d'élèves, surtout dans des écoles assez lourdes. Je vous rappelle que l'école du Mail se trouve, comme d'autres écoles, dans un quartier populaire important. Il peut en outre arriver que, dans l'organisation d'une rentrée, comme l'a rappelé l'inspecteur Schorer ou plutôt M. Salamin, on évoque des hypothèses. J'ai donc demandé cette année que l'on procède quelque peu différemment, et que l'on montre l'entier des décisions dans les arbitrages. Il demeure cependant exclu, Mesdames et Messieurs les députés, d'arriver dans tous les cas à un consensus: il y aura forcément, à certains moments, divergence de vues, désirs contraires et arbitrages. On peut certes améliorer l'information, mais vous ne pouvez pas me demander à la fois de gérer au mieux les effectifs pour éviter tout gaspillage et les locaux pour ne pas avoir à reconstruire - car construire grand permet aussi d'aménager dans la durée: il peut en effet, à certains moments, y avoir moins d'élèves dans un quartier pour cause de déménagements puis, quelques années plus tard, les élèves peuvent fort bien revenir et les locaux doivent dès lors être réutilisés.

Renvoyez-moi donc la pétition si vous le souhaitez, mais ne croyez pas une seconde que cela résoudra les réclamations des uns et des autres. Je m'engage en revanche à agir de manière transparente et à m'efforcer de résoudre un maximum de problèmes.

Je conclurai par le mot suivant: il peut arriver que ceux qui formulent une demande à un moment donné vous demandent exactement le contraire deux ans plus tard - et pour d'excellentes raisons, par ailleurs. Alors bon vent à la prochaine rentrée et, avec vous, Mesdames et Messieurs les députés, je suis certaine que l'on fera mieux encore ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous procédons en premier lieu au vote du renvoi au Conseil d'Etat selon la proposition de la majorité de la commission. Si ce renvoi n'est pas suivi, nous voterons le dépôt.

Je suis obligé de vous demander de voter par main levée, car pour l'instant le vote électronique ne marche pas. Nous compterons très attentivement.

Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'enseignement (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont rejetées par 30 non contre 25 oui.

Mise aux voix, la proposition de déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement est adoptée.