République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8759
Projet de loi du Conseil d'Etat abrogeant la loi concernant le centre d'information familiale et de régulation des naissances (J 5 05)

Préconsultation

Le président. Comme il s'agit d'une prise en considération, vous avez droit à 5 minutes par groupe, un intervenant par groupe.

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). Notre groupe a été le seul à demander le débat de préconsultation pour cet objet qui est devant le Grand Conseil depuis plusieurs sessions. Il est tout de même important - et je suis contente de voir que d'autres groupes le veulent également - de s'exprimer à ce sujet en débat de préconsultation.

Avec l'explication d'un transfert administratif du CIFERN aux HUG, on nous propose purement et simplement d'abolir, en fait, la loi concernant le centre d'information familiale et de régulation des naissances. Ce n'est pas quelque chose d'anodin. Si l'on peut tout à fait comprendre un rattachement administratif aux HUG, je rappelle ici que ceux-ci sont, depuis leur fusion, organisés en départements médicaux. Le CIFERN serait donc rattaché à un département médical et, ainsi, soumis à une autorité médicale. Si, pour l'instant, la direction du CIFERN n'est pas représentée par un médecin, rien ne nous garantit que cela ne le sera pas à l'avenir. C'est d'autant plus important que l'on supprime, par l'abrogation de la loi sur la régulation des naissances, la légitimité, l'existence même de ce centre. Je rappelle que ce centre a pour but d'informer le public sur toutes les questions médicales, sociales, psychologiques concernant la conception et la naissance, ainsi que celles se rapportant au développement de la famille. Cela concerne la santé sexuelle et procréative. Ce ne sont donc pas des maladies et cela ne nécessite pas forcément des prescriptions médicales. Quand c'est le cas, ce peut être pour la pilule d'urgence. C'est d'ailleurs l'un des arguments avancés pour dire que le CIFERN est devenu un centre prescripteur. Ce n'est pas devenu un centre prescripteur parce que, de toute façon, les prescriptions sont rédigées par des médecins de la Maternité. C'est donc une erreur que de dire que le centre est un organe prescripteur! Il faut aussi rappeler que ce centre est gratuit, ce qui ne serait plus le cas dans le cadre des HUG.

Il y a plus important encore, c'est que cette loi, que l'on veut abroger, est soumise à la loi fédérale sur les centres de consultation de grossesse. Cette loi fédérale précise que les cantons doivent mettre sur pied ces centres d'information sociale et éducative, qu'ils doivent être gratuits, ce qui ne serait plus le cas à l'Hôpital cantonal. Il y a aussi le problème de la formation donnée aux conseillers conjugaux dans ces centres de formation.

Tout cela sera, bien sûr, discuté en commission, mais je rends attentif ce Grand Conseil qu'il suffirait simplement d'amender la loi sur le centre d'information et de régulation des naissances en lui donnant un rattachement administratif aux HUG, mais de ne surtout pas supprimer son existence.

M. Jacques Follonier (R). C'est avec un certain étonnement que nous avons pris note du projet du Conseil d'Etat concernant le CIFERN. Il est vrai que le planning familial n'a, pour nous, rien à voir avec une structure hospitalière et qu'il doit rester à disposition de la population, ce qui n'est pas forcément le cas lorsqu'on doit ouvrir la porte de l'hôpital.

Je vous rappelle pour mémoire que ce projet de loi a été conçu sur le base de la prescription de la pilule du lendemain. Or, vous n'êtes pas sans savoir que les pharmaciens ont la possibilité depuis plusieurs mois de distribuer la pilule du lendemain, ceci sans prescription médicale, sous la condition bien sûr d'un compte-rendu très précis, d'un protocole qu'ils appliquent dans toutes les pharmacies genevoises depuis plusieurs semaines avec toute la rigueur et toute l'efficacité nécessaires.

Je suis dès lors un peu étonné de voir cet état de fait, d'autant plus lorsque je lis qu'il se justifiait, dans la mesure où le CIFERN peut désomais être assimilé à un centre prescripteur, de le rattacher à un service clinique des HUG. J'ose espérer qu'il n'est pas dans la volonté du Conseil d'Etat de rattacher les pharmaciens et de les assimiler aux HUG ! Dès lors, je comprends mal le sens de ce projet de loi.

Par ailleurs, il m'est relativement désagréable de voir qu'un projet de loi, présenté ainsi, l'est en nous expliquant que les postes, le personnel, ainsi que l'équipement informatique ont d'ores et déjà été transférés aux HUG depuis le 1er janvier 2002. C'est pratiquement nous demander de cautionner quelque chose qui est déjà réalisé, ce qui me gêne profondément. Dès lors, le groupe radical se réjouit d'examiner ce projet de loi à la commission de la santé, où nous ne manquerons pas de le remettre à sa juste place.

M. Albert Rodrik (S). Le projet de loi que l'on nous propose là est la conséquence logique, automatique et formelle d'une option prise dans les deux derniers mois de son mandat par le précédent chef du département de l'action sociale et de la santé. Cette loi ou pas cette loi, créer des services, modifier des services, rattacher des services étant de la compétence exclusive du Conseil d'Etat, il a d'ores et déjà fait modifier en novembre 2001 le règlement d'organisation de l'administration cantonale, nommément son article 9 consacré au DASS, il a chamboulé les rubriques du budget depuis le 1er janvier 2002 et a intégré ce service en médecine communautaire. Ce qui est probablement le moins mauvais rattachement que l'on puisse imaginer.

Néanmoins, vous avez bien lu l'exposé des motifs qui explique très clairement ce qu'est le CIFERN, il s'agit d'un service au carrefour de l'action sociale et de la santé publique, un service d'accueil, un service d'orientation, un service de conseil, et non d'un service hospitalier.

Un des prétextes a été évoqué par notre collègue Follonier, mais un autre était le fait que l'on a besoin de prescriptions. Je vous signale, Mesdames et Messieurs les députés que le CIFERN, depuis sa création, a toujours orienté vers le corps médical la plupart des personnes qui le sollicitaient, parce que les problèmes qu'elles posaient relevaient de la compétence des médecins. Ceci était le cas même lorsque le chef nominal de ce service était un professeur de médecine et, aussi, lorsqu'il a cessé de l'être pour devenir très justement un conseiller.

Je regrette, Mesdames et Messieurs les députés, que l'on ait attendu sept mois pour pouvoir aller en commission. Cela n'a pas dépendu de nous. C'est un problème grave que nous devons étudier, car il y a, pour le groupe socialiste, une erreur conceptuelle dans le fait de noyer ce service dans l'Hôpital universitaire. Et cela ne relève pas des effets de plénum!

Sous peine de dire que la médecine communautaire n'est pas l'hôpital, nous ne comprenons pas ce rattachement, même si, je le répète encore une fois, c'est le moins mauvais rattachement que l'on puisse imaginer. Le CIFERN a sa place à la direction générale de la santé et nous serons extrêmement attentifs aux explications de cette fusion.

Tout ne peut pas passer par une restructuration afin de pouvoir dire dans un rapport annuel: «Coupé-collé, j'ai enlevé ce service, je l'ai réduit, le l'ai reconstitué». Nous voudrions que le concept même soit reconsidéré. Ces lois font partie d'un stock de lois des années 60 et 70, qui sont désuètes parce qu'elles ne servaient à l'époque qu'à créer des services, mais aussi à associer le Grand Conseil à des options importantes. La mission du CIFERN n'est pas tributaire de cette loi. Mais, Mesdames et Messieurs, ce que notre collègue Follonier a dit à propos du fait accompli ne peut pas être escamoté.

Nous serons donc extrêmement attentifs à ce que l'on nous dit, mais nous serons aussi, Monsieur le conseiller d'Etat, attentifs à autre chose. Vous connaissez les débuts ambigus, difficiles, de la médecine communautaire. Nous aurons aussi soin de vous demander, dans la grande échéance du 1er octobre 2003, où beaucoup de choses, dans le département de médecine interne, sont destinées à se modifier par des relèves importantes de personnel, ce que deviendra la médecine communautaire, quel est son avenir et, dans la foulée, avec la médecine communautaire quel avenir préparons-nous au CIFERN ? Mais encore une fois, le CIFERN, pour nous, au carrefour d'une politique sociale et d'une politique de santé publique, était parfaitement bien à la direction générale de la santé. Vous n'y pouvez rien, je le concède, mais nous nous réjouissons de vous entendre !

M. Claude Aubert (L). Mon intervention sera brève. Elle peut se résumer en un «In memoriam». Comme cela a été relevé, le Conseil d'Etat a pris la décision, le 5 septembre 2001, de transférer le CIFERN aux Hôpitaux universitaires. On apprend ensuite que tout le monde a été transféré le 1er janvier 2002. Vous savez que les médecins peuvent délivrer des certificats médicaux rétroactifs, mais en aucun cas antidatés. Par conséquent, le vote de ce soir, ou le renvoi en commission, est probablement un vote rétroactif. Dans ces conditions-là, on se demande si l'on n'est pas plutôt dans la zone ubuesque de la différence entre un certain nombre de réalités qui se côtoient et s'entrecroisent ici.

M. Guy Mettan (PDC). Je crois que beaucoup de choses ont déjà été dites et je ne vais pas les répéter, notamment par M. le député Rodrik, qui a bien résumé la situation. On peut relever deux choses importantes concernant ce projet. Premièrement, tout le monde ici est attaché à la bonne marche du centre d'information familiale et de régulation des naissances, c'est un facteur autour duquel nous pouvons tous nous retrouver. Dès lors, l'idée de rattacher ce centre aux HUG n'est pas une idée aussi farfelue qu'il peut paraître puisque les hôpitaux connaissent quand même une fréquentation très importante de la part de la population. Il n'est donc pas insensé de mettre un tel centre près d'un lieu où une part très appréciable de la population a coutume de se rendre. C'est un élément important.

Deuxième chose: comme le transfert a déjà été fait, en renvoyant ce projet de loi en commission, on pourra juger de l'efficacité de ce transfert sur pièce puisque l'on pourra déjà disposer des résultats concrets de ce changement.

Je vous propose donc de renvoyer ce projet en commission afin de pouvoir juger sur pièce.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je ne pensais pas, effectivement, être ébouriffé par un tollé aussi positif à l'accueil de ce projet de loi. Néanmoins, permettez-moi une ou deux observations avant que nous en discutions tranquillement en commission.

Tout d'abord, Monsieur Follonier, pour vous dire que vous me faites un mauvais procès. Si votre parlement a mis neuf mois pour faire la première consultation de ce projet - il aurait peut-être d'ailleurs eu le mérite de consulter le CIFERN - cela aurait permis d'éviter d'attendre aussi longtemps. Mais le 15 juin de l'année dernière, lorsque ce projet vous a été soumis, la vente de la pilule du lendemain n'était pas encore autorisée dans les pharmacies. Ceci date du 15 novembre 2002. Il est vrai qu'une partie de l'argumentaire de ce projet de loi a perdu de sa pertinence grâce à son traitement...

Une voix. Tardif !

M. Pierre-François Unger. ...tardif, dirons-nous, en tout cas non prématuré !

Cela étant dit, la vraie discussion tournera autour de ce que votre parlement entend faire du département de médecine communautaire. Le député Rodrik l'a parfaitement relevé, l'enjeu est là. Voulons-nous d'une médecine communautaire qui ressemble à l'ancienne policlinique de médecine et qui ne s'occupe que d'un certain nombre de patients dont personne ne veut s'occuper ? Ou bien voulons-nous lui donner cette dynamique ? C'est une dynamique de l'intersection entre les aspects sociaux et les aspects médicaux d'un certain nombre de populations qui ont un accès difficile au système de soins. Je veux parler de l'unité mobile qui s'occupe d'un certain nombre de clandestins. Je veux parler des soins aux requérants. Je veux parler du CIFERN qui touche une population qui n'a pas forcément les mêmes obstacles sociaux, mais qui a des obstacles sociaux d'une autre nature, les obstacles sociaux du jeune âge, de l'adolescence ou de la postadolescence face aux problèmes que représentent la contraception ou la conception. L'enjeu sera là.

Je me réjouis d'en discuter avec vous. Il est vrai que j'avais été mis devant une forme de fait accompli et que j'ai eu l'honnêteté de vous dire que ce dernier imposait l'abrogation d'une loi existante. Je n'entends pas enlever une des prérogatives du CIFERN, mais j'entends discuter avec vous de ce que vous voulez faire de ce département de médecine communautaire qui, après des débuts balbutiants, se montre être un outil extrêmement utile pour faire se coordonner ces intersections des difficultés sociales les plus grandes et des problèmes de santé les plus lourds. Nous en discuterons en commission et vous prendrez la décision que vous jugerez utile à l'égard de ce projet.

Le président. Je rappelle à M. Unger qu'il n'est pas, comme le disait le président Queuille, de problème politique qu'une absence de solution ne parvienne à résoudre !

Ce projet est renvoyé à la commission de la santé.