République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 462
Rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil (1re année de la législature 2001 - 2005)
Rapport de Mme Anita Cuénod (AdG)

Débat

Mme Anita Cuénod (AdG), rapporteuse. Je ne l'avais pas jusqu'à présent, je la prends maintenant, Monsieur le président.

Le président. Bien, alors la parole est à M. le député Pagani.

Mme Anita Cuénod. Mais non ! Vous permettez, Monsieur le président ? Est-ce que vous écoutez ce que je dis ? Vous entendez ce que je dis ? Je répète: je n'avais pas la parole, le micro n'était pas allumé quand vous m'avez...

Le président. Je n'entends pas ce que vous dites, allumez votre micro je vous prie ! (Agitation.)

Mme Anita Cuénod. Merci, Monsieur le président. Maintenant je suppose que vous m'entendez, ce qui n'était pas le cas précédemment.

Mesdames et Messieurs les députés, je vais... ça siffle... (Le micro siffle.)Je vais vous faire un petit résumé du contenu de la centaine de pages que certains n'auront pas eu le temps ou le courage de lire. Cette centaine de pages évoque les travaux de la commission des visiteurs officiels durant la première année de la présente législature. Vous savez que cette commission s'efforce depuis plusieurs années de se doter des instruments les plus utiles pour l'aider à l'accomplissement de sa tâche qui, je le rappelle pour ceux qui l'ignorent, est d'examiner les conditions de détention dans tous les lieux de privation de liberté, en vertu du droit pénal ou administratif, situés dans le canton ou dans les établissements concordataires.

La commission a évidemment fait toutes les visites réglementaires: elle s'est rendue à deux reprises à Champ-Dollon, une fois à La Clairière, et elle a visité divers établissements concordataires en Suisse romande. Elle a, de plus, auditionné plusieurs personnes. L'élément important de cette année aura été le fil conducteur de son travail, soit l'insistance sur une méthodologie particulière: la commission s'est en effet dotée de protocoles pour les visites de prison, afin que le résultat de ces visites soit à chaque fois examiné sous un angle similaire et que les mêmes objets soient considérés. Cette commission a également constitué cette année, avec l'aide du Conseil d'Etat, une commission d'experts, qui l'a accompagnée par deux fois l'année passée et une fois déjà au début de cette année - mais cela sera le sujet du rapport de la deuxième année. L'accompagnement par ces experts a été extrêmement enrichissant.

Ce rapport comprend donc la description de ces visites ainsi que les recommandations de cette commission dans ce qu'elle a pu constater d'important ou d'urgent. Je vous ferai juste une synthèse sur les points importants auxquels il s'agit de remédier. Je ne peux à cet égard que regretter l'absence du Conseil d'Etat, ainsi que le bruit dans lequel je suis obligée de parler. Monsieur le président, êtes-vous certain qu'aborder ce sujet à cinq minutes de la pause soit une bonne idée ? Vous voyez bien qu'il n'y a personne !

Le président. Ecoutez, Madame, Si vous le voulez bien, nous continuons ce débat, car il y a beaucoup d'interpellations.

Mme Anita Cuénod. Je continue volontiers, et j'espère qu'il y a aura quand même quelques oreilles attentives ! (Brouhaha.)

Les recommandations de cette commission s'adressent évidemment pour la plupart à l'office pénitentiaire. Elles concernent en premier lieu le SAPEM, service d'application des peines et mesures, qui doit impérativement concrétiser sur le plan législatif ou réglementaire l'ensemble des procédures et des directives qui régissent l'exécution des peines prononcées par les tribunaux genevois. Lors de nos visites dans les pénitenciers, nous avons été extrêmement souvent - beaucoup trop souvent - questionnés sur cette problématique, et nous savons qu'il y a lieu d'améliorer ces procédures.

Les grands travaux sont également un sujet de préoccupation, entre autres dans la prison de Champ-Dollon, où nous savons que des travaux de maintenance et de sécurité ont extrêmement tardé à démarrer - je sais que certains sont sur le point de démarrer, mais cela prendra beaucoup de temps. La commission aimerait rendre le DAEL et son président attentifs à l'importance que revêt l'état de cette prison préventive; il faut visiter ce lieu pour se rendre compte des besoins évidents d'aménagements, de maintenance et de rafraîchissement et prendre conscience qu'il ne faut pas attendre davantage, notamment concernant les mineurs. Nous ne pouvons nous empêcher d'établir un lien entre la situation d'il y a deux semaines - lorsque nous étions à Champ-Dollon, vingt-sept mineurs étaient détenus là-bas et nous savions qu'il devait en arriver encore six - et la lenteur que prend le démarrage de la nouvelle Clairière, dite «Claplus». Un simple calcul montre que, La Clairière actuelle comportant seize places et les deux-tiers de ces places étant - en tout cas pour l'instant et très régulièrement - consacrées à l'observation, les mineurs envoyés par le tribunal de la jeunesse ne peuvent aller qu'à Champ-Dollon. Il s'agit donc, Monsieur le président du département, de vous alerter sur cette urgence. Le tout constitue une chaîne: nous savons très bien que si Claplus a du retard, c'est parce que Pinchat a du retard ! Or, il s'agit d'une situation très urgente; nous tenons donc à ce que vous fassiez en sorte que ces travaux débutent le plus vite possible. (Brouhaha.)

Le président. Vous avez terminé ?

Mme Anita Cuénod. Non, Monsieur, je n'ai pas terminé !

Le président. Alors veuillez conclure, s'il vous plaît.

Mme Anita Cuénod. Nous avons également fait des visites systématiques dans tous les violons - ou quasiment tous les violons - des postes de police genevois. Nous avons constaté qu'aucun d'entre eux n'est aux normes européennes: ni eau courante, ni lumière naturelle, ni air naturel. Nous souhaitons donc que les prochaines cellules de détention qui vont être construites dans le nouveau centre de la gare Cornavin respectent ces normes. Nous avons aussi été alertés quant aux cellules d'attente du palais de justice: il nous semble que ces cellules peuvent servir à faire attendre quelqu'un tout au plus quinze minutes, car il s'agit de cagibis encore plus petits qu'une cabine de w.-c.. Or, il faut savoir qu'une personne y a été oubliée l'année dernière pendant quasiment toute une journée !

J'ai terminé, Monsieur le président.

M. Rémy Pagani (AdG). Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, je me demande si je vais pouvoir faire mon intervention en une minute. Mais enfin, allons-y, puisque le président en a décidé ainsi !

Je m'étonne en premier lieu de l'absence de Mme Spoerri. Je relève la présence de M. Moutinot concernant les travaux difficiles de La Clairière, mais toujours est-il que Mmes Spoerri et Brunschwig Graf ne sont pas là. Ce rapport soulève par ailleurs un véritable problème, à savoir le traitement de la jeunesse déviante. C'est pourquoi je trouve déplorable qu'on traite une fois de plus cet important problème en fin de séance, juste avant le souper.

J'aimerais citer quelques décisions prises il y a de cela quatre ans pour que les normes européennes soient appliquées à la jeunesse de ce canton, notamment la décision relative à l'abolition de la promiscuité entre des jeunes de douze à dix-huit ans et des adultes à la prison de Champ-Dollon. Comme le rapport de la commission des visiteurs de prison le prouve, vingt-sept, voire trente enfants sont actuellement en permanence à Champ-Dollon et, je vous le répète une nouvelle fois, ils ne se trouvent pas dans la meilleure aile du bâtiment puisqu'ils sont mis à l'isolement avec des personnes encore plus déviantes qu'eux, notamment des pédophiles. Il est important d'insister sur ce point.

Nous avions prévu d'améliorer les conditions d'accueil à La Clairière, ce qui a donné lieu au projet «Claplus». Ce projet n'a malheureusement pas abouti à ce jour, alors que cela devrait être le cas. Pire encore, alors qu'il avait été décidé, dans ce parlement, de mettre des éducateurs à disposition des jeunes pour éviter de les laisser végéter dans les cellules à Champ-Dollon et pour poursuivre un travail d'éducation avec eux, même si quatre éducateurs sont effectivement à Champ-Dollon, on met maintenant des gardiens de prison à La Clairière ! Or, il s'agit à mon sens de développer des procédures éducatives, et ces mesures - y compris répressives - doivent être à la charge d'éducateurs, et non de gardiens de prison.

Si la jeunesse d'aujourd'hui n'est pas nécessairement plus perturbée et perturbante qu'il y a une quinzaine d'années, toujours est-il qu'il existait il y a une quinzaine d'années des procédures très précises qui permettaient de mettre le holà à toute une série de possibilités, notamment des possibilités d'émeutes à l'intérieur de ces bâtiments. Ces procédures ne sont pas respectées aujourd'hui, ce qui est l'une des causes de ce glissement déplorable qui consiste à faire d'un lieu d'éducation, même s'il est fermé, un lieu d'enfermement par la présence de gardiens de prison. Ceci est un premier point.

Le deuxième point qui doit également être relevé concerne la fermeture des lieux éducatifs, des foyers d'éducation, qui fait qu'aujourd'hui onze des seize places de La Clairière sont mises à disposition pour l'évaluation éducative des enfants, alors que ces évaluations devraient être faites dans d'autres lieux. Nous avions déjà mis le doigt sur ce problème en interpellant Mme Brunschwig Graf il y a de cela quatre ans. Or, rien n'a été fait. Il faut impérativement ouvrir aujourd'hui des foyers éducatifs pour qu'en cas de trop-plein à La Clairière, les enfants puissent être placés dans ces foyers d'évaluation sociale - fermés, bien entendu. Il y a là un manque cruel; on a cru bon de fermer toute une série de foyers dans les années 90 pour cause de restriction budgétaire, ce dont la jeunesse actuelle fait malheureusement les frais aujourd'hui.

Le troisième point concerne l'aptitude judiciaire de certains de nos juges, notamment à la chambre des tutelles et au tribunal de la jeunesse, qui trouvent beaucoup plus simple de mettre nos enfants en prison afin de s'en débarrasser pendant quelque temps alors que, je le rappelle, le tribunal de la jeunesse avait précédemment une pratique différente grâce à la perspicacité et à la mansuétude d'un certain nombre de juges qui n'existent plus aujourd'hui. Il y a là un travail gouvernemental à mener pour faire en sorte que les juges ne trouvent pas de moyen facilité pour mettre immédiatement quelqu'un, par exemple un jeune, en prison, alors que d'autres mesures éducatives - notamment des mesures d'utilité publique - pourraient être prises.

Nous estimons donc qu'il y a un manque sur ces trois points. Cela fait trois ans que nous revenons sur ce problème, et nous insistons, car nous sommes en infraction avec la loi européenne de la protection de l'enfance, à laquelle nous avons souscrit. Je crois qu'il est important que le gouvernement - malheureusement, seul M. Moutinot est présent pour recevoir ces critiques - (Le président agite la cloche.) ...se saisisse de ce problème et y mette bon ordre une fois pour toutes.

Le président. Le sujet suscitant visiblement les réactions d'un certain nombre d'orateurs, nous interrompons ce débat, que nous reprendrons à la séance de 20 h 30.