République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8702
Projet de loi de Mme et MM. Gabriel Barrillier, Hugues Hiltpold, Jacques Jeannerat, Jacques Follonier, Pierre Kunz, Jean-Marc Odier, Pierre Froidevaux, John Dupraz, Marie-Françoise De Tassigny modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (Question d'actualité)
PL 8728
Projet de loi de Mme et MM. Bernard Lescaze, Stéphanie Ruegsegger, Michel Halpérin, Pierre Schifferli modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (interpellation urgente orale)

Préconsultation

Le président. Madame Bolay, vous avez la parole...

Mme Loly Bolay . Monsieur le président, je renonce !

Des voix. Bravo !

Le président. Monsieur Pagani, vous avez la parole...

M. Rémy Pagani (AdG). Bien évidemment, comme vient de le dire en aparté Mme Brunschwig Graf, on ne peut pas me demander de renoncer, puisque je suis un de ceux qui utilisent cet outil qu'est l'interpellation urgente, outil qui me paraît essentiel. Une fois n'est pas coutume, je serai d'accord avec M. Blanc, qui dit que la question n'est pas de changer le règlement, mais de faire en sorte que nous soyons plus synthétiques dans nos débats et que nous trouvions les causes des dysfonctionnements, qui n'ont rien à voir avec notre règlement.

En ce qui concerne les interpellations urgentes, je dirai qu'il est de notre devoir de voter les budgets et les comptes, une fois par année, de proposer et de voter un certain nombre de projets de lois, mais qu'il est aussi de notre devoir de contrôler ce que fait l'administration et le gouvernement. En l'occurrence, les interpellations orales sont là pour cela, pour permettre au quotidien à tous les députés de poser des questions en fonction des informations qu'ils détiennent du fait qu'ils sont les élus des citoyens, qui leur posent des questions et qui se posent des questions. De ce point de vue là, nous trouvons totalement anachronique de supprimer ce droit élémentaire de contrôle sur le gouvernement et sur l'administration, d'autant plus que ce projet de loi - je ne sais pas si les auteurs ont bien mesuré la portée de leur texte - supprimerait le droit de s'exprimer oralement pour les députés mais le laisserait au Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat aurait ainsi la possibilité de dire, non pas tout et n'importe quoi... (Rires et exclamations.)...mais pourrait s'exprimer selon ses intérêts du moment. Aujourd'hui déjà, nous déposons des interpellations écrites - il y en a quatre ou cinq sur nos bureaux - que personne ne peut lire, si ce n'est la presse et nous-mêmes. Dans le public, personne ne sait ce dont il est question et seul le Conseil d'Etat peut, publiquement devant la télévision, devant la presse, y répondre de manière orale. Il y a là une inversion des droits.

Nous sommes, nous députés, garants du bon fonctionnement de l'Etat et à ce titre nous avons le droit de nous exprimer oralement. Demain, si l'on suivait les auteurs de ce projet de loi, ce serait uniquement le Conseil d'Etat qui aurait la possibilité de s'exprimer oralement dans ce parlement sur les questions d'actualité. Il y a là une remise en cause historique du fonctionnement de notre parlement qui doit être sérieusement discutée en commission et, à notre avis, purement et simplement rejetée. Soit on met tout le monde sur pied d'égalité, c'est-à-dire qu'on impose au Conseil d'Etat de répondre de manière écrite, soit on maintient la pratique actuelle qui veut que les questions d'actualité soient posées de manière orale.

Il y a encore un autre problème que soulevait M. Blanc, c'est celui de notre logorrhée. A cet égard, la vraie question, qui s'était d'ailleurs posée au début de la législature précédente, c'est que les projets de lois proposés à notre parlement devraient - si les députés faisaient leur travail correctement, si nous avions la possibilité de travailler en concertation avec le service du Grand Conseil - être soumis à des juristes compétents. Si certains députés de la majorité - je fais souvent l'expérience de ce genre de chose - soumettaient à d'autres députés compétents les projets de lois qu'ils déposent et notamment celui-ci, on n'aurait pas, dans ce parlement comme en commission, à faire un important travail juridique, en raison de l'incompétence de certains, qui se croient tout permis en déposant, par exemple, des amendements de dernière minute, juridiquement infondés. C'est dire qu'il y a aussi des critiques à faire en ce qui concerne la rédaction des projets de lois.

M. Alain Charbonnier (S). Pour répondre à M. Pagani, je dirai que nous avons pris les devants en commission des droits politiques grâce à un projet de loi de M. Jean-Michel Gros sur les secrétaires de commission, qui effectivement devraient avoir une formation juridique pour nous aider à présenter en plénière des projets plus élaborés, suscitant moins de problèmes. Ce projet a été voté en commission et M. Pagani ne semble pas au courant: c'est un peu dommage et c'est peut-être aussi un exemple de mauvais fonctionnement de notre parlement, d'information qui ne circule pas très bien au sein de notre Conseil.

Concernant les interpellations urgentes, nous avons déjà eu un gros débat le 29 novembre 2001, il y a un peu moins d'une année, lors du traitement du projet de loi 8620. Sans être trop long, je voudrais rappeler quelques prises de position des députés radicaux à l'époque, sachant que c'est le groupe radical qui a déposé ce projet-ci. Je cite: «Le groupe radical pense que l'interpellation urgente est un outil démocratique indispensable pour obtenir des réponses satisfaisantes sur des sujets d'actualité brûlante.» Ou encore: «Il n'est pas juste de l'occulter comme étant un outil démocratique de seconde zone.» Ou encore: «Vu la lenteur des travaux parlementaires, l'interpellation urgente permet d'aller directement au fait et d'obtenir une réponse.» Un autre membre du même parti toujours: «Le Grand Conseil est l'expression populaire, nous agissons par délégation du pouvoir du peuple; je trouve donc qu'il serait regrettable qu'on vilipende et qu'on amenuise cette forme d'intervention, car c'est réduire l'expression populaire.»

Trois mois après, que fait ce même parti? Il dépose le projet de loi 8702 transformant complètement les interpellations urgentes, qui deviendraient des questions écrites. Cela paraît quand même un peu étonnant. Dans ce projet, la question d'actualité est écrite et n'est pas lue; d'autre part, le Conseil d'Etat n'est pas obligé d'y répondre directement par oral, comme il a été dit tout à l'heure, mais il peut le faire par écrit et dans un délai non précisé. Il est donc à parier que, suivant la question, on pourra toujours attendre la réponse: elle risque de venir aux calendes grecques...

Il y a certainement des points à améliorer, comme l'ont dit tous les intervenants avant moi, à commencer par le fait que chacun et certains en particulier devraient avoir un peu plus de cohérence. Le groupe socialiste n'est toutefois pas favorable à la suppression des interpellations urgentes, car ce serait un déficit démocratique important. Notre Conseil doit rester une autorité de proximité, et la possibilité de poser des questions d'actualité directement et oralement à l'autorité exécutive est un moyen indiscutable. Par contre, il faudrait peut-être mieux définir la notion d'actualité ou d'urgence, qui n'est pas toujours respectée lors des nombreuses questions adressées par les députés au Conseil d'Etat. Je pense entre autres à celle, pas plus tard qu'hier, de Mme Hagmann concernant le 1er Août: je n'ai pas du tout vu l'urgence de cette interpellation.

M. Luc Barthassat (PDC). Concernant ces projets de lois, ainsi que le précédent et les suivants, qui seront tous renvoyés à la commission des droits politiques que j'ai le bonheur de présider, je ne vais pas m'exprimer sur leur contenu cet après-midi, car la commission des droits politiques s'en est déjà autosaisie, mais sans avoir voté quoi que ce soit, comme la procédure nous le permet. D'ailleurs, Monsieur Charbonnier, Monsieur Vanek et Madame Roth-Bernasconi, vous faites partie de la commission: ce que vous avez dit aujourd'hui vous nous l'avez déjà dit en commission; on va renvoyer ces projets de lois et vous allez nous le redire encore une fois; enfin, d'ici qu'on ait voté et nommé des rapporteurs, vous nous le direz une troisième fois. Alors, s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, renvoyons ces projets en commission le plus vite possible, sans faire un débat fleuve et sans entrer trop dans les détails, de façon que nous puissions continuer nos travaux en commission, pour le bien de nos débats et du parlement.

M. Bernard Lescaze (R). Comme je ne suis pas membre - pour mon bonheur aussi, Monsieur Barthassat - de la commission des droits politiques, j'aimerais simplement dire à M. Charbonnier qu'il vient de faire la démonstration que ces projets de lois sont nécessaires et utiles. La plupart des questions d'actualité peuvent être posées par écrit et peuvent recevoir une réponse par écrit: cela nous fera gagner du temps pour aborder l'essentiel en séance plénière. C'est du reste pourquoi le projet de loi 8728 prévoit qu'il n'y ait qu'une interpellation orale urgente par groupe, de façon à ce que cette interpellation orale urgente soit, elle, magnifiée, les groupes parlementaires devant choisir quelle est l'interpellation urgente qu'ils souhaitent développer. Cette question est très importante si vous voulez accélérer nos débats. Je dirais d'ailleurs que l'ensemble des interventions qui viennent d'être faites montrent que la suppression, en tout cas pour les projets de lois du Conseil d'Etat, du tour de préconsultation est également une nécessité. Si nous voulons travailler de façon efficace, il faut absolument réformer notre comportement d'abord, mais le règlement du Grand Conseil aussi. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite que vous fassiez bon accueil à ces deux projets de lois qui sont - je pense que M. le député Charbonnier a été à l'école primaire et sait lire - complètement, différents et complémentaires, et non pas contradictoires.

M. Pierre Vanek (AdG). Je m'exprimerai sur le projet de loi 8728 que M. Lescaze vient d'évoquer en défendant ce rationnement des interpellations urgentes, projet qui propose de n'en autoriser qu'une par groupe parlementaire. Mesdames et Messieurs les députés, toute cette logorrhée, paradoxale puisqu'elle vise précisément à réduire la possibilité de parler dans ce Grand Conseil, néglige différents aspects.

Premièrement, l'exercice de l'expression orale n'est pas, contrairement à ce que vient de dire M. Lescaze, équivalent à l'expression écrite. Si tel était le cas, nous pourrions supprimer ce parlement pour créer une Chambre qui correspondrait par e-mail, ou Dieu sait quoi, où on ne parlerait plus. Ce sont des exercices de nature différente et je tiens à défendre la possibilité de l'expression orale dans ce parlement. C'est aussi une question de droits démocratiques.

Deuxièmement, il y a une illusion à penser qu'en serrant la vis ici le problème ne se reportera pas ailleurs. Il est évident que, si vous supprimez les interpellations urgentes, vous aurez une pléthore de demandes d'interpellations ordinaires, qui prendront la place des interpellations urgentes et qui prendront plus de temps.

Ensuite, ce projet de loi 8728 institue quelque chose de saugrenu, soit un rationnement de la possibilité de déposer des objets parlementaires. Après la limitation à une interpellation urgente par groupe, à quand la proposition, selon le même raisonnement, de n'accepter qu'une résolution, ou qu'une motion, ou qu'un projet de loi par groupe et par session? Prendre le chemin du rationnement de l'utilisation des objets parlementaires est absurde et inacceptable. J'en veux d'ailleurs pour preuve le fait que, pour un débat où nous sommes déjà rationnés, soit le tour de préconsultation où il n'y a effectivement qu'un député par groupe qui peut s'exprimer, on vient avec un nouveau projet de loi visant à supprimer purement ce tour de préconsultation.

En l'occurrence, il s'agit vraiment d'une démarche constante visant à empêcher ce parlement et ses membres de parler. Or, ce n'est pas la solution: la solution, comme d'aucuns l'ont dit sur plusieurs bancs, est de préparer des projets mieux ficelés, de savoir - du point de vue de la majorité essentiellement puisque c'est elle qui peut faire passer les projets - se concentrer sur l'essentiel et d'être capables en bons démocrates d'accepter que la minorité vienne contester, et contester avec vigueur et souvent à répétition, un certain nombre de projets que vous essayez de faire passer devant ce parlement.

Les projets de lois 8702 et 8728 sont renvoyés à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.