République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1391
10. Proposition de motion de Mmes et MM. Dolorès Loly Bolay, Jean-François Courvoisier, Fabienne Bugnon, Nicole Castioni-Jaquet, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Louiza Mottaz, Marie-Françoise de Tassigny et Pierre Marti concernant la publicité pornographique. ( )M1391

EXPOSÉ DES MOTIFS

Cette motion ne cherche pas à entraver la liberté de la publicité et du commerce, mais seulement à faire appliquer la loi.

En effet, dans de nombreux magasins de tabac, stations services ou grandes surfaces, les responsables semblent ne pas connaître ou ignorent l'application de l'article 197 du Code pénal qui stipule : « celui qui aura offert, montré, rendu accessibles à une personne de moins de 16 ans ou mis à sa disposition des écrits, enregistrements sonores ou visuels, images ou autres objets pornographiques ou des représentations pornographiques, ou les aura diffusés à la radio ou à la télévision, sera puni de l'emprisonnement ou de l'amende.

Celui qui aura exposé ou montré en public des objets ou des représentations ou les aura offerts à une personne qui n'en voulait pas, sera puni de l'amende. Le tenancier d'un kiosque ou d'une vidéothèque doit prendre les précautions voulues pour que ses articles de pornographie douce ne soient ni accessibles ni même visibles pour des mineurs de moins de 18 ans (ATF 117.457.117.463).

A plusieurs reprises, des mamans ont été très embarrassées de répondre aux questions de leurs enfants concernant des images pornographiques très suggestives exposées dans ces commerces.

Il est de lors inacceptable que des enfants, souvent très jeunes, soient ainsi confrontés à une pornographie d'adultes, parfois très choquante.

C'est pourquoi, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à cette motion.

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Débat

Mme Dolorès Loly Bolay (HP). Que les choses soient claires : nous ne voulons être ni des moralistes ni des vertueux et encore moins nous attaquer à la liberté de commerce ! Ce que nous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que la loi soit appliquée !

D'ailleurs, vous l'aurez constaté, cette motion est courte et succincte. Elle invite le Conseil d'Etat à faire appliquer dans les faits l'article 197 du code pénal, qui dit : «Celui qui aura offert, montré, rendu accessible à une personne de moins de 16 ans des images ou autres objets pornographiques ou des représentations pornographiques, sera puni de l'emprisonnement ou de l'amende.»

Je tiens encore à lire la jurisprudence du Tribunal fédéral sur ce point précisant que celui qui exploite un kiosque ou une vidéothèque doit prendre les précautions voulues pour que ses articles de pornographie ne soient ni accessibles ni même visibles par les mineurs. Je tiens à vous dire qu'il ne s'agit pas seulement de photos d'hommes ou de femmes tout nus mais principalement d'images représentant des actes d'ordre sexuel.

Mesdames et Messieurs les députés, est-il normal que des enfants souvent très jeunes soient confrontés à la pornographie ? Est-il normal de tout banaliser et de tout normaliser ? Des parents de jeunes enfants nous ont contactés, de guerre lasse, parce qu'ils se sont vus éconduits par le département de justice et police auquel ils s'étaient adressés. Ils ont donc décidé de demander aux parlementaires de les aider à faire en sorte que la loi soit appliquée. Et, pour ma part, je trouve pour le moins choquant de devoir déposer des motions pour que les lois que nous avons votées soient appliquées et respectées.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.  

M. Jean-François Courvoisier (S). J'ai eu l'idée de cette motion, il a deux ans environ. Je me suis en effet trouvé dans un garage où, pendant que l'on faisait la queue pour payer l'essence, il fallait défiler devant un nombre incalculable de cassettes à caractère pornographique, avec des vues très suggestives... Il y avait devant moi une maman avec son enfant - il avait peut-être 6 ans - qui lui a demandé : «Maman, qu'est-ce qu'elles font ?». Sa mère, très gênée, l'a embarqué en lui disant que c'était des bêtises et qu'il ne fallait pas qu'il s'en inquiète. L'enfant insistait et voulait revenir en arrière... J'ai tout de même été un peu choqué de cette affaire...

Le lendemain j'en ai parlé à notre collègue, Mme Juliette Buffat, pour lui demander quel était son avis en tant que psychiatre. Elle m'a répondu que cela n'avait pas d'influence néfaste sur les enfants, parce qu'ils oublient les choses dès qu'ils ne les voient plus. Même si cela est vrai, montrer des images aussi dégradantes de la femme me choque beaucoup. Je ne m'attaque pas à la vente du matériel pornographique... Un psychologue allemand m'a même dit que c'était un bienfait, parce que cela évitait beaucoup de délits sexuels... Pour ma part, je ne suis ni policier ni psychiatre pour me rendre compte si c'est vrai, mais je pense toutefois que ce matériel doit être affiché à l'abri de la vue des enfants en bas âge, soit haut placé, soit derrière des rideaux, soit dans des magasins spécialisés. C'est d'ailleurs ce qui est prévu par la loi.

C'est pourquoi je vous demande de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat, et je vous en remercie. 

Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Selon la Convention des droits de l'enfant, il nous est demandé de protéger l'enfant dans son environnement physique et moral. Or, la pornographie met en péril cet environnement. En effet, est-il souhaitable qu'un enfant découvre d'une manière spontanée des représentations pornographiques, sans comprendre leur signification ni pouvoir juger de l'aspect extraordinaire ? La réponse est catégoriquement : non ! Il est en effet déjà suffisamment complexe et sensible d'expliquer aux jeunes enfants les relations hommes/femmes...

L'objectif de cette motion n'est pas de jouer aux prudes, mais de préserver les enfants d'un contexte inutilement exposé pour des raisons mercantiles.

C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. 

M. Michel Halpérin (L). Inutile de vous dire que je suis assez satisfait personnellement de découvrir qu'on s'intéresse enfin dans ce Grand Conseil à ce qui peut perturber nos jeunes générations, à ce qui peut les effaroucher, quitte même, Madame Bolay, à prendre le risque d'un discours à vague connotation moralisatrice... Pour une fois que ce n'est pas moi qui tiens ce discours ici, je peux vous dire que je bois du petit lait !

Le danger est-il aussi grand que vous le décrivez ? Je n'en sais rien, Monsieur Courvoisier ! Votre exemple est probablement juste. Quant aux magasins de journaux, trouve-t-on véritablement exposées à côté des stands de bonbons des images pornographiques et non pas purement plastiques ? Je n'en sais rien ! Il y a des images purement plastiques, je veux dire par là des photographies de nus, qui ornent les murs et les avenues de la République depuis toujours et dont nous ne nous sommes pas effarouchés... Par conséquent, il faudra - je l'espère - que nous fassions preuve d'un peu de discernement dans l'application des textes que vous réclamez à cor et à cri, ce dont je vous félicite.

J'espère également que vous ferez preuve de la même vigilance lorsqu'il s'agira de soumettre nos pauvres enfants à d'autres spectacles dégradants comme ceux de la violence ou ceux des encouragements voire de la compréhension à la violence ou à toutes sortes de formes de déviances sociales, qui en étonnent plus d'un dans la République mais qu'habituellement vous saluez par des applaudissements. (Applaudissements.)

Mme Martine Brunschwig Graf. Je crois pouvoir dire au nom du Conseil d'Etat - en nombre, vous pouvez le constater... - que nous allons recevoir cette motion et vous répondre dans les délais prescrits en intégrant toutes vos interventions, y compris d'ailleurs celle du député Halpérin. Il est vrai en effet que la problématique que vous soulevez dans cette motion n'est pas la seule et qu'il convient de l'étudier sous un angle un peu plus large. 

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1391)concernant la publicité pornographique