République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1339
11. Proposition de motion de Mmes et MM. Jean Rémy Roulet, Janine Berberat, Olivier Vaucher, Hubert Dethurens, Nelly Guichard, Jean-Marc Odier, Roger Beer et Hervé Dessimoz concernant l'approvisionnement en énergie électrique du canton de Genève. ( )M1339

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le but de cette motion est de demander au Conseil d'Etat la plus grande transparence possible concernant les options que les Services industriels de Genève auront à prendre ces prochains mois pour assurer la distribution d'énergie électrique dans notre canton. L'ouverture du marché de l'électricité est programmée. Ses contours ont été dessinés par le Conseil fédéral dans son message de juillet 1999. Il prévoit une ouverture graduelle à la concurrence d'ici les six prochaines années. Or, le marché de l'électricité n'a pas attendu ce message pour entreprendre de profondes restructurations. Ainsi, au mois de juillet de l'année dernière, EOS annonçait au cours d'une conférence de presse un vaste plan de restructuration qui devait ramener la production de son électricité du prix de revient de 6 à 8 centimes actuels à 4 centimes. Cette restructuration amenait EOS à procéder à des amortissements extraordinaires afin de baisser les charges financières. En outre, EOS décidait de se séparer de sa société informatique Elca, de vendre ses participations dans le nucléaire et dans la société de télécommunications Diax et enfin de fermer l'usine thermique de Chavalon. Cette restructuration a permis de procéder à un amortissement exceptionnel de 350 millions de francs et un remboursement de la dette à long terme de 460 millions de francs.

Malgré toutes ces mesures, M. Georges Blum, président d'EOS, a annoncé fin janvier sa décision de remettre son mandat, n'ayant pu obtenir de tous les actionnaires d'EOS une garantie de soutien financier afin de poursuivre la restructuration de cette société et d'achever son désendettement. Cette situation de crise met en lumière le dilemme dans lequel se trouvent les actionnaires d'EOS (Services industriels de Genève 22,7 %, Services industriels de Lausanne 19,7 %, Romande Energie 27,2 %, Entreprise électrique fribourgeoise 14,9 % et Forces motrices neuchâteloises 5,9 %, autres 9,6 %), dilemme qui peut se résumer ainsi : si EOS fait du profit, c'est qu'EOS vend son électricité cher. Or, les clients de ses actionnaires exigent et obtiendront de l'électricité bon marché. Les actionnaires d'EOS doivent-ils dès lors soutenir leur société de production d'énergie électrique ou doivent-ils négocier des achats d'énergie avec d'autres fournisseurs meilleur marché ?

Les consommateurs d'électricité genevois, petits ou grands, industriels ou pas, ont donc le droit d'avoir des éléments de réponse de la part de leurs autorités sur ces questions stratégiques fondamentales d'approvisionnement d'électricité.

Au bénéfice de ce qui précède, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver bon accueil à notre projet de motion.

Débat

M. Jean Rémy Roulet (L). Je vais essayer d'être plus bref que lors de mon intervention de tout à l'heure.

Le but de cette motion est simple et limpide, je l'espère : il s'agit d'être tenus au courant par le Conseil d'Etat des options que les Services industriels de Genève devront prendre concernant l'approvisionnement énergétique du canton face à l'ouverture du marché de l'électricité. Je vous suggère de lire les invites de cette motion qui sont assez claires sur ce point.

Voilà, Monsieur le président, c'est tout ce que j'ai à dire sur ce sujet.

M. Alberto Velasco (S). Je suis tout de même étonné par cette motion pour les raisons suivantes :

Il y a quelque temps déjà, nous avions voté une motion présentée par le groupe socialiste qui demandait une étude d'impact précisément sur ce type de problèmes. Et le groupe libéral, entre autres, avait refusé notre motion... Or, votre motion va dans le même sens... Je ne comprends donc pas très bien son utilité ! A la limite, vous devriez retirer votre motion, puisque vous n'étiez pas d'accord avec la nôtre !

Cela dit, nous n'allons pas réagir comme vous ! Votre motion soulève toutefois un point intéressant, je veux parler de l'approvisionnement et des coûts de cet approvisionnement. J'aimerais bien pour ma part que l'on étudie les problèmes d'externalité, pas seulement du point de vue des fournisseurs ou du point de vue des consommateurs, mais des deux points de vue. En effet, il y a aussi des problèmes relatifs aux INA, etc.

Le groupe socialiste ne refusera donc pas cette motion, mais par contre il désire qu'elle soit renvoyée en commission de l'énergie et des Services industriels de Genève. 

M. Pierre Vanek (AdG). Je n'ai pas grand-chose à ajouter... Je soutiens le renvoi de cette motion à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève pour qu'elle y soit traitée et que des réponses y soient apportées le plus rapidement possible, dans le cadre des débats qui sont déjà en cours à propos de la motion du parti socialiste qui a été renvoyée en commission et qui parle des conséquences de la libéralisation. 

M. John Dupraz (R). A propos de la libéralisation du marché de l'électricité qui est en arrière fond de cette motion, il faut tout de même rappeler à ce parlement que, dans le principe de la libéralisation, c'est le consommateur qui choisit son producteur.

Les Services industriels de Genève joueront le rôle de prestataires de services qui devront fournir l'électricité et acheminer le type de courant choisi par le client. Alors, je ne vois pas comment vous voulez vérifier la fiabilité de la production romande ! EOS existera-t-elle encore ? Si les mêmes qui réclament des prix de l'énergie compétitifs refusent la taxe sur les énergies non renouvelables pour financer les INA, eh bien, vous pourrez dire adieu à EOS ! Elle sera rachetée par EDF ou une compagnie étrangère qui, elle, se gardera l'énergie renouvelable et vous fournira de l'énergie nucléaire !

Pour ma part, je veux bien qu'on fasse des motions invitant le Conseil d'Etat à faire des études et à informer, mais il ne peut pas faire connaître ce qu'il ne connaît pas... (Exclamations.) Je le répète, ce sont les consommateurs qui choisiront les fournisseurs, et, ma foi, les Services industriels de Genève devront s'adapter aux besoins des clients ! 

M. Robert Cramer. Monsieur Dupraz, lorsque vous lisez le mot «approvisionnement» dans cette motion vous ne devez pas comprendre «transport» mais bien plutôt «fourniture d'énergie»... En effet, il est évident que les Services industriels de Genève, pour ce qui est du territoire de ce canton, conserveront le monopole du transport de l'énergie !

En revanche, comme vous l'avez relevé, tel n'est pas le cas en matière de fourniture d'énergie. Et je peux comprendre que certains députés de ce Grand Conseil se demandent ce qu'il va advenir des installations de production d'énergie des Services industriels de Genève situées dans le canton, de même que je peux comprendre que certains députés de ce Grand Conseil se demandent ce qu'il va advenir des installations de production d'énergie que possède EOS, société dont, vous le savez bien, Genève et les Services industriels de Genève en particulier sont un actionnaire important - le deuxième.

Ces questions sont légitimes et importantes. Je pourrai d'ailleurs vous fournir certains éléments de réponse. Il ne s'agit bien sûr pas pour celui qui se trouvera demain dans un marché libéralisé d'attendre pour voir ce qui se passera ; il s'agit d'anticiper et de préparer cette très vraisemblable future libéralisation. Comment s'y prépare-t-on ? Tout d'abord, en se musclant, c'est-à-dire en essayant d'amortir au maximum les biens que l'on a : c'est très précisément la politique menée tout à la fois par les Services industriels de Genève et par EOS ! Et vous verrez que le magnifique ouvrage que nous avons à Genève, le barrage du quai du Seujet, qui réussit, performance pour une installation hydraulique, à produire de l'électricité d'origine hydraulique presque aussi chère que celle d'origine photovoltaïque - cela le distingue de tout ouvrage de ce type en Europe et peut-être même dans le monde ! - a été en grande partie amorti, à hauteur de plus de 70 millions, par les Services industriels de Genève à l'occasion de leur dernier exercice. C'est ce que vous découvrirez en lisant le compte rendu des Services industriels de Genève qui sera à votre disposition dès la prochaine séance du Grand Conseil.

Autre façon de se préparer, Monsieur Dupraz - je constate que vous suivez ce débat avec passion ! - c'est de faire la promotion du produit que l'on a. Or, le produit que nous avons aussi bien à EOS qu'aux Services industriels de Genève, c'est de l'énergie hydraulique - énergie d'origine renouvelable, énergie bleue. C'est cette énergie dont il faut montrer les qualités aux clients potentiels : les qualités en matière de prix, en matière de durabilité et les qualités, bien sûr, environnementales.

Il y a encore bien d'autres choses dans les stratégies respectives d'EOS et des Services industriels de Genève. Cela vaut tout à fait la peine d'en parler. Je pourrai répondre à cette motion, si vous le désirez, directement par une réponse écrite du Conseil d'Etat, mais son renvoi en commission pourrait effectivement avoir un sens, dans la mesure où cela vous permettra également d'entendre les responsables des Services industriels de Genève ou d'EOS qui sont chargés de mettre en place cette politique. En tout cas, les questions posées par les motionnaires me semblent tout à fait pertinentes. 

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève.