République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8190
8. a) Projet de loi de Mmes et M. Elisabeth Reusse-Decrey, Alexandra Gobet, Albert Rodrik et Christine Sayegh d'application de la loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions (pour que le commerce des armes soit régi par la loi). ( )PL8190
R 416
b) Proposition de résolution de Mmes Elisabeth Reusse-Decrey, Alexandra Gobet, Christine Sayegh et Françoise Schenk-Gottret contre la libéralisation du commerce des armes entre particuliers et pour un marquage fiable des armes (initiative cantonale). ( )R416

Projet de loid'application de la loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions

(pour que le commerce des armes soit régi par la loi)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Art. 1 Conseil d'Etat

1 Le Conseil d'Etat est l'autorité supérieure de surveillance.

2 Il édicte les dispositions relatives aux tâches cantonales d'exécution et les communique aux autorités fédérales.

Art. 2 Département

1 Le département de justice et police et des transports (ci-après : le département) est chargé de l'application du droit fédéral et cantonal en matière d'armes, d'accessoires d'armes et de munitions.

2 Il organise, seul ou en collaboration avec d'autres cantons, les examens pour la patente de commerce d'armes et ceux pour le permis de port d'arme. Le département désigne les experts officiels compétents pour l'organisation de ces examens.

3 Il est chargé de statuer, par l'intermédiaire de son service des autorisations et patentes, en matière de patente de commerce d'armes.

Art. 3 Police cantonale

1 La police cantonale est, sauf disposition contraire de la présente loi, l'autorité cantonale compétente au sens de la législation fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions.

2 Elle est notamment compétente pour :

Art. 4 Agents de sécurité privés

1 Les agents de sécurité privés peuvent être armés dans l'exercice de leur profession s'ils sont au bénéfice d'un permis de port d'arme délivré par les autorités de police.

2 Le permis de port d'arme est délivré ou renouvelé à condition que l'agent de sécurité privé requérant :

3 Le permis de port d'arme est valable au maximum 1 année, sous réserve de renouvellement.

4 Le département compétent veille, par des contrôles réguliers, mais au minimum chaque 6 mois, à ce que les employés armés des agences de sécurité privées soient bien au bénéfice d'un permis de port d'arme et qu'ils fassent partie du personnel fixe de l'entreprise.

Art. 5 Délégation de compétences

Le chef de la police cantonale peut déléguer tout ou partie de ses compétences à l'un de ses subordonnés.

Art. 6 Voies de recours

Les décisions des résultats des examens pour la patente de commerce d'armes ou pour le permis de port d'arme, ainsi que les décisions prises par la police cantonale peuvent faire l'objet d'un recours auprès du département, puis contre les décisions de ce dernier au Tribunal administratif, conformément à l'article 8, alinéa 3, de la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le présent projet de loi vise deux buts. Il s'agit d'une part de faire entrer dans une loi l'application cantonale de la législation fédérale sur les armes qui figure actuellement dans un simple règlement. Il s'agit ensuite de prévoir des dispositions particulières lors de l'octroi d'un permis de port d'arme à des agents de sécurité privés, compte tenu de la spécificité de cette profession et de l'abrogation récente de la loi sur la profession d'agent de sécurité privé votée par notre Grand Conseil.

Peu avant l'entrée en vigueur le 1er janvier 1999 de la loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions, le Conseil d'Etat a adopté en décembre 1998 un règlement d'application de la loi fédérale. La décision d'utiliser cette voie pour légiférer sur les prérogatives cantonales réservées par la loi fédérale est surprenante. Même si elles sont limitées en la matière, il nous paraît essentiel que les prérogatives cantonales et leurs modifications se trouvent dans une loi, et soient donc soumises au débat parlementaire et au référendum facultatif. Au surplus, le commerce des armes ne peut être comparé à un quelconque autre commerce.

Quant au contenu de cette loi d'application, nous pensons que des dispositions spéciales doivent être prévues pour les agents de sécurité privés comme cela était le cas auparavant. Alors que cette profession connaît un développement rapide, des problèmes importants se posent au niveau de la formation et des conditions de travail des employés, problèmes qui nous inquiètent compte tenu de la mission très particulière que les agents accomplissent et de la responsabilité liée au port d'une arme.

Actuellement, l'octroi d'un permis de port d'arme dépend de la loi fédérale sur les armes qui impose trois conditions.

Loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions (514.54), article 27, alinéa 1.

Le requérant doit remplir les conditions d'octroi du permis d'acquisition d'arme.

Il doit rendre vraisemblable le besoin d'une arme pour se protéger ou pour protéger des tiers ou des choses contre un danger tangible.

Il doit avoir passé un examen attestant de la capacité à manier une arme et à connaître les dispositions légales en matière d'utilisation d'armes.

Le port d'arme est donc accordé uniquement aux personnes qui justifient d'un besoin avéré. A Genève, selon le règlement d'application, c'est la police cantonale qui est l'autorité compétente pour statuer en la matière

Règlement d'application de la loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions (I 2 18.02), article 3, alinéa 2, lettre d.

Il y a peu de temps encore, des conditions particulières s'ajoutaient lors de l'octroi du port d'arme à des agents de sécurité privés. En effet, la loi cantonale sur la profession d'agent de sécurité fixait trois exigences : que le requérant soit domicilié en Suisse ; qu'il puisse être appelé, dans l'exercice de sa profession, à remplir des missions comportant un risque particulier ; et qu'il justifie de ses capacités en matière de maniement des armes et de tir. Un article du règlement stipulait en outre que le permis de port d'arme était délivré uniquement à des agents de sécurité privés au bénéfice d'une autorisation d'exploiter, d'un accord pour opérer sur le territoire genevois ou d'une autorisation d'engagement.

Or ces conditions spécifiques ne sont plus d'actualité depuis l'adhésion du canton de Genève au concordat intercantonal sur les entreprises de sécurité et l'abrogation de la loi sur les agents de sécurité privés. Si nous nous félicitons de l'adoption à ce concordat qui s'est appuyé sur la législation genevoise sur bien des points lors de sa préparation, nous pensons que les exigences relatives au port d'arme pour les agents de sécurité privés sont indispensables et devraient même être renforcées.

Tant la législation fédérale

Loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions (514.54), article 27, alinéa 3.

Concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996, article 3.

Concrètement, nous considérons que les agents de sécurité devraient répondre à cinq conditions pour obtenir le permis de port d'arme :

être domiciliés en Suisse ;

justifier d'un contrat de travail fixe auprès d'une agence de sécurité privée, d'une entreprise ou d'un particulier ;

pouvoir être appelés, dans l'exercice de leur profession, à remplir des missions comportant un risque particulier ;

justifier du suivi de cours approfondis sur la gestion et la maîtrise du stress dans des situations complexes et difficiles;

justifier de capacités en matière de maniement des armes et de tir.

Par rapport à l'ancienne loi, deux nouveautés apparaissent. Tout d'abord, il est demandé à l'agent de sécurité de faire la preuve qu'il bénéficie d'un emploi fixe. En tant qu'agent de sécurité, on peut être un employé fixe, un auxiliaire ou un travailleur sur appel. Il nous paraît essentiel de tenir compte de ces différents statuts. Nous pensons que le port d'une arme est une lourde responsabilité et que seules les personnes au bénéfice d'un emploi fixe devraient pouvoir en disposer. La stabilité de l'emploi est un facteur très important qui renforce la garantie qu'exige le port d'une arme. Cette condition aurait en outre l'avantage d'inciter les agences de sécurité privées à offrir des emplois fixes à leurs employés.

En outre, en l'absence d'une formation reconnue menant à cette profession, et compte tenu de la lourde responsabilité qui repose sur les agents armés, il nous paraît nécessaire d'exiger des compétences minimales en termes de gestion et de maîtrise du stress dans des situations complexes et difficiles. Cette formation fait partie du bagage de tout policier et il est indispensable, du point de vue de la sécurité publique, d'exiger une base minimale des agents de sécurité privés armés.

Enfin, le dernier complément apporté est que le département compétent veille, par des contrôles réguliers, mais au minimum chaque six mois, à ce que les employés armés des agences de sécurité privées soient bien au bénéfice d'un permis de port d'arme. En effet, des employés, notamment des auxiliaires, auraient déjà porté des armes sans pour autant y être dûment autorisés. Or, il s'agit d'un domaine où n'avons pas le droit de laisser la moindre place à l'improvisation. C'est pourquoi le département doit être très vigilant et procéder à des contrôles stricts et réguliers.

Compte tenu de ce qui précède, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à faire bon accueil à ce projet de loi.

Proposition de résolutioncontre la libéralisation du commerce des armes entre particuliers et pour un marquage fiable des armes (initiative cantonale)

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'entrée en vigueur le 1er janvier 1999 de la loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions du 20 juin 1997, et de l'ordonnance sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions du 21 décembre 1998, a rendu caduc le concordat intercantonal sur le commerce des armes et des munitions auquel avait adhéré le canton de Genève en 1972.

Ce concordat intercantonal n'a en effet plus de raison d'être dans la mesure où la loi fédérale a été édictée afin de remplacer des législations cantonales jusqu'alors disparates. Le règlement d'application de la nouvelle loi fédérale, adopté par le Conseil d'Etat en décembre 98, prévoit d'ailleurs en son article 6 l'abrogation du règlement d'exécution du concordat.

Formellement, la loi fixant l'adhésion du canton de Genève au concordat intercantonal sur le commerce des armes et des munitions doit encore être abrogée par notre Grand Conseil avec le vote d'un projet de loi déposé en janvier 1999 par le Conseil d'Etat et qui a été renvoyé pour examen à la commission judiciaire.

Comme nous avons déjà pu l'exprimer, l'abrogation du concordat en vigueur ne nous pose pas de problèmes sur la forme, car il est caduc. En revanche, cette démarche nous dérange davantage sur le fond, car le concordat est remplacé par une loi fédérale beaucoup plus permissive, notamment en ce qui concerne le commerce des armes entre particuliers.

L'article 10 du concordat prévoyait en effet une réserve pour « les prescriptions plus rigoureuses édictées par les cantons ». Le canton de Genève avait ainsi adopté une ligne de conduite plus sévère et plus restrictive qu'ailleurs, à notre satisfaction. Cette politique avait d'ailleurs valu en son temps à notre canton un recours au Tribunal fédéral de la part de l'organisation Pro Tell, recours d'ailleurs perdu pour la petite histoire.

Ainsi, le canton de Genève avait édicté des règles strictes sur le commerce des armes entre particuliers. L'acheteur d'une arme était obligé d'adresser une demande de permis d'achat auprès de la police cantonale, qui après une enquête interne (notamment sur les antécédents et la santé mentale de la personne) statuait sur l'octroi du permis d'achat. Toute transaction était donc notifiée et contrôlée par la police cantonale.

La loi fédérale a malheureusement nivelé par le bas les législations cantonales dans ce domaine contre l'avis des professionnels de la branche (policiers, armuriers) qui n'ont malheureusement pas été suffisamment consultés et écoutés. Désormais, la vente d'armes entre particuliers est soumise à la signature d'un contrat entre les parties contractantes, sans que la police ne soit informée et ne procède à une enquête.

En fait, on demande simplement au vendeur particulier de s'assurer :

que l'acheteur a plus de 18 ans révolus ;

que l'acheteur n'est pas interdit ;

qu'il n'y a pas lieu de craindre que l'acheteur utilise l'arme d'une manière dangereuse pour lui-même ou pour autrui ;

que l'acheteur ne soit pas enregistré au casier judiciaire pour un acte dénotant un caractère violent ou pour la commission répétée de crimes ou de délits, tant que l'inscription n'a pas été radiée.

La situation est paradoxale, car on demande au vendeur de vérifier la crédibilité de l'acheteur sans lui en donner les moyens. En effet, si l'identité et le casier judiciaire de l'acheteur peuvent être contrôlés, il n'en est pas de même de ses antécédents et de sa santé mentale. Alors que la police cantonale procédait à une enquête interne, avec des informations beaucoup plus larges que les infractions recensées dans le casier judiciaire, ces informations ne peuvent pas être transmises aux particuliers, car elles sont protégées par le secret de fonction ! Une personne avec des troubles mentaux mais dont le casier judiciaire est vierge peut donc acquérir désormais une arme en toute légalité, alors que la police serait intervenue à temps sous l'ancien système.

Le système est d'autant plus absurde que l'achat d'une arme chez un armurier est encore soumise à l'octroi d'un permis d'acquisition par la police cantonale ! En effet, la vente par un commerçant agréé, qui par ses compétences et son expérience constitue un bon filet de prévention pour éviter que n'importe qui n'acquiert une arme, est plus contraignante que l'achat auprès de son voisin !

De plus, la révision de la législation pose un problème grave au niveau de la sécurité publique. En effet, les transactions entre particuliers n'étant plus notifiées auprès des services de police, ces derniers n'auront désormais plus les moyens de suivre le cheminement des armes. La police va donc perdre peu à peu le contrôle de la possession d'armes à Genève et en Suisse, alors qu'il s'agissait d'un garde-fou important contre leur usage illicite. Qui oserait encore dire dans ces conditions que cette loi fédérale ne pose pas de problèmes ?

Cette libéralisation du commerce des armes entre particuliers est d'autant plus surprenante qu'elle va tout à fait à contre-courant de l'évolution observée dans d'autres pays. On peut citer en particulier le Canada qui, fort des expériences douloureuses accumulées dans un cadre légal permissif, a renforcé sa législation avec l'entrée en vigueur en décembre 98 d'une loi sur les armes à feu. Cette loi établit un programme de permis pour les propriétaires d'armes à feu et un programme d'enregistrement d'armes à feu.

Loi et règlement concernant les armes à feu et certaines autres armes (http://www.cfc-ccaf.gc.ca/Default-fr.html)

Le Canada a ainsi mis en place un système d'enregistrement et de marquage (attribution d'un NEAF - Numéro d'enregistrement d'armes à feu - gravé sur l'arme si le numéro de série n'est pas suffisant) qui leur permet de garder sous contrôle les armes en circulation, l'activité illégale étant sévèrement réprimée. De plus, toute cession d'arme est soumise, sous peine d'amende, à l'approbation d'un contrôleur des armes à feu qui attribue une autorisation de cession et un certificat d'enregistrement.

Les autorités canadiennes sont en effet arrivées à la conclusion

Dix raisons pour l'enregistrement des armes à feu (http://www.cfc-ccaf.gc.ca/general_public/reasons/default-fr.html)

Au niveau international, de nombreuses voix prennent en exemple le modèle canadien et proposent d'étendre ce système afin de mettre en place un registre international des armes sous l'égide par exemple des Nations Unies. Il est donc très étonnant de constater que la Suisse prend au même moment le contre-pied de ces initiatives en diminuant le contrôle du commerce des armes entre particuliers.

La situation actuelle est donc très problématique. En raison d'une loi fédérale bâclée et irréfléchie, notre canton se voit dans l'obligation d'assouplir sa législation, avec les conséquences graves que cela pourrait engendrer à terme. Dans un contexte de pression sociale forte, l'accès facilité aux armes peut contribuer à favoriser la montée et l'usage de la violence. A Genève, canton frontière et ville internationale, cela pourrait également favoriser le commerce des armes.

Par conséquent, nous demandons aux Autorités fédérales de réviser la loi sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions, en renforçant les dispositions relatives au commerce d'armes entre particuliers ou en permettant aux cantons de le faire, et en instaurant un marquage fiable et systématique des armes à feu en circulation sur le territoire suisse.

Nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un bon accueil à cette résolution.

Préconsultation

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Notre pays affirme vouloir s'engager dans l'élaboration d'une convention internationale restreignant le commerce et le trafic des armes légères, mais en même temps il libéralise et facilite le commerce de ces mêmes armes légères sur son propre territoire...

Il y a pour le moins - avouez-le ! - un défaut de cohérence entre le discours que nous tenons et la pratique que nous nous autorisons. Il y a pour le moins une contradiction entre l'image que nous voulons donner de nous-mêmes et la réalité. Notre pays, notre canton, siège de conférences de paix, siège de la lutte contre la prolifération des armes nucléaires autant que des mines antipersonnel, sont un pays et un canton où le commerce des armes vient d'être facilité et libéralisé par une loi fédérale, où ce que l'on affirme vouloir interdire au niveau international est permis aux particuliers, où des citoyens peuvent discrètement faire ce que les diplomates recommandent d'interdire !

Nous entendons dire d'un peu partout, par des voix plus ou moins officielles, que le recours à la violence armée se banalise ; que des délits qui se commettaient autrefois sans armes se commettent aujourd'hui, la plupart du temps, en recourant à des armes ; que l'on surprend de plus en plus de jeunes avec des armes de plus en plus dangereuses.

Cette banalisation de l'usage des armes est à mettre en relation avec celle de leur commerce. Certes, la difficulté de se procurer légalement une arme n'a jamais été insurmontable pour certains, mais elle est et reste encore un frein à leur acquisition et, donc, un obstacle à leur usage.

Rappelons ici que le fait de posséder une arme multiplie par cinq le risque de se suicider et par trois le risque d'agresser un proche. Voilà la raison pour laquelle nous souhaitons que la loi fédérale soit révisée le plus rapidement possible et rendue plus sévère, à l'instar de ce que font aujourd'hui la plupart des pays dits «développés».

A l'appui de ce que je viens de dire, je vous donne un exemple tout récent. Avec la nouvelle loi suisse, un armurier peut vendre son arme à peu près à n'importe qui et ce n'importe qui peut la revendre où il veut et quand il veut, sans contrôle. Aux Etats-Unis, le mois dernier, on a légiféré exactement dans le sens inverse. Les armes sont même marquées de manière à reconnaître l'armurier qui les a vendues. Et lorsqu'on retrouve trop souvent des armes issues d'un même armurier dans des attaques à main armée ou dans des crimes, cet armurier se voit retirer sa patente... C'est dire si l'évolution dans notre pays va à l'encontre et du bon sens et de la sécurité !

Venons-en maintenant aux agents de sécurité privés. Nous ne pouvons pas nous résigner à voir déambuler dans les rues et sur les chemins de notre République ces milices armées, composées d'individus à l'uniforme plus ou moins ressemblant à celui de la police et à qui sont de plus en plus souvent confiées des tâches qui relèvent, au sens et dans l'esprit de la loi, de corps organisés par l'Etat. Le secteur public, la sécurité publique, est et doit rester sous la responsabilité des services publics et le décalage qui se dessine entre certaines régions du canton capables de se payer leur propre police privée et d'autres régions n'est non seulement pas acceptable mais, à terme, vraisemblablement dangereux.

La sécurité est une tâche hautement sensible et dont l'Etat doit impérativement rester maître. Que dire dès lors de cette prolifération de mandats à des personnes armées, non assermentées, patrouillant très souvent toutes seules et dont on ne sait rien de leur capacité à gérer une arme, en particulier en situation de stress, alors que les agents municipaux, assermentés, ne sont pas armés suite à un choix du Grand Conseil - et c'est bien ainsi !

Enfin, au cours de l'élaboration de cette motion, nous avons découvert des conditions de travail dans certaines agences qui non seulement ne sont pas faites pour nous rassurer, dès lors qu'on parle d'individus armés, mais qui plus est sont inacceptables de la part d'un employeur. Nous aurons l'occasion d'y revenir tout à l'heure.

Vous nous connaissez, nous ne nourrissons pas toujours un amour inconditionnel pour la force publique, mais nous considérons cependant que mieux vaut un policier qu'un vigile, mieux vaut une force publique qu'une milice privée ! Et si vigiles et miliciens privés il y a, mieux vaut qu'ils soient le moins armés possible, puisque, hélas, la loi fédérale le leur permet ! Et cela doit se faire en tous les cas sous un contrôle extrêmement strict, et ce sont les raisons de notre projet de loi.

J'aimerais dire en conclusion qu'au-delà des arguments que je viens de développer, il y a également dans ces trois projets une volonté de désarmer dont il est question ici.

Genève parle de désarmement. Elle peut commencer à son niveau, au plus proche de sa propre réalité sociale, à désarmer elle-même ! C'est affaire de sécurité publique bien sûr, mais c'est aussi affaire de valeur. C'est de la politique, mais c'est également de l'éthique. Nul ne doute de la capacité de Genève à tenir des discours sur la paix et sur le désarmement. Il reste à notre Grand Conseil, dans la limite de ses moyens, à prouver que nous sommes aussi capables de faire en petit, à notre niveau, ce que nous demandons aux autres de faire en grand. 

M. Jean-Pierre Restellini (Ve). Monsieur le président, je vous prie de m'excuser mais avant de prendre la parole j'aurais besoin que vous me précisiez si nous traitons maintenant uniquement des points 33 et 42 ou si nous traitons en même temps le point 39 comme l'intervention de Mme Reusse-Decrey le laisse penser...

Le président. Non, Monsieur le député, nous traitons le point 33 et le point 42 exclusivement !

M. Jean-Pierre Restellini. Bien, nous traiterons donc le point 39 plus tard... Je vous remercie de cette précision !

Mesdames et Messieurs les députés, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de vous faire un long discours pour décrire la position de notre groupe sur ces deux objets relatifs aux armes.

Il est de notoriété publique que les Verts - à un niveau européen, du reste - n'ont jamais vraiment eu beaucoup d'affinités avec tous les fanatiques de la mitraille et de la poudre noire des chasseurs jusqu'aux marchands de canons, en passant par toute une série de Rambo de différents calibres...

Chaque mois, ou presque, la presse internationale nous relate tel ou tel drame effroyable, en relation directe avec un commerce des armes sans contrôle et, partant, avec leur utilisation complètement débridée. Le danger, Mesdames et Messieurs les députés, est tout simplement patent. Dans notre esprit il est par conséquent indispensable d'avoir au minimum des lois claires sur l'acquisition des armes dans notre pays. Et j'irai même personnellement beaucoup plus loin : il faut tout faire pour limiter au maximum la détention d'armes par des particuliers, notamment des armes à feu.

Alors, il faut effectivement commencer par dénoncer les aberrations de l'actuelle et nouvelle loi fédérale sur les armes et tout particulièrement les dispositions qui régissent le commerce de ces armes de particulier à particulier. Elles sont tout simplement inacceptables, puisqu'elles permettent aujourd'hui à n'importe qui de faire l'acquisition d'une arme à feu.

Et à ce propos, je voudrais vous dire que, dans le cadre de mes activités de médecin à domicile, il m'arrive aujourd'hui, et ce de plus en plus souvent, de constater que tel ou tel patient est en possession d'un revolver ou d'un fusil, alors que manifestement son état psychique n'est pas compatible avec la détention d'une arme.

En conclusion, il faut donc rapidement et par tous les moyens renforcer notre législation au niveau cantonal, mais à notre avis de préférence plutôt à un niveau fédéral, car comme chacun le sait les frontières cantonales sont fort mal gardées...  

M. John Dupraz (R). Je crois que ces deux projets soulèvent une problématique importante... On peut donc souscrire aux préoccupations des préopinants et des auteurs de ces interventions parlementaires.

En ce qui concerne la proposition de résolution, je dirai qu'il n'y a pas si longtemps que cela que les Chambres fédérales ont révisé la loi sur les armes... Des groupes de pression très forts, notamment Pro Tell, avaient même brandi la menace d'un référendum, mais, pour finir, nous avons trouvé des solutions qui convenaient aux uns et aux autres. Cela dit, je souscris aux préoccupations qui ont été formulées et à l'invite qui est faite aux autorités fédérales. Mais si sa formulation reste telle quelle, j'ai bien peur qu'elle fasse l'objet, une fois de plus, d'un classement vertical par les Chambres fédérales...

Il serait donc utile d'examiner en commission la meilleure manière de la formuler, avec plus de précision, pour qu'elle soit mieux prise en compte. Cette remarque a d'ailleurs été faite à propos de la résolution 420 qui a été renvoyée hier à la commission législative. Il me semble donc que dans ce cas nous devrions renvoyer ces deux projets en commission pour affiner le texte. Je vous assure que j'imagine très bien la réaction des élus fédéraux à la lecture d'un tel texte, si nous ne le modifions pas, étant donné que la loi vient d'être révisée... Ils se demanderont pourquoi les Genevois viennent encore leur casser les pieds avec une telle invite. Cela risque bien de se terminer, comme je l'ai déjà dit, par un classement vertical. Ce que j'en dis c'est dans l'intérêt de l'objectif que vous poursuivez. Si vous voulez malgré tout envoyer le texte tel quel à Berne, j'ai bien peur que cela ne serve à rien du tout ! 

M. Luc Gilly (AdG). Bonjour ! (Exclamations.) J'aimerais simplement remercier le parti socialiste d'avoir déposé le projet de loi au niveau cantonal et cette résolution.

Je ne sais pas ce que M. Dupraz, lui qui a la science infuse paraît-il, pourra faire pour nous aider à mieux formuler cette résolution, mais j'espère que nous arriverons à quelque chose de clair...

Ce projet de loi relève du bon sens le plus évident, face à la problématique du port d'arme et des contrôles. Mais c'est spécialement sur l'article 4 de cette loi que je voudrais insister. En effet, le personnel des agents de sécurité privés est en constante augmentation. Les agents de cette nouvelle police parallèle se comportent parfois comme de piteux Rambo à l'image des lamentables séries TV américaines... De plus, ils roulent à une vitesse presque toujours excessive dans les rues de Genève et ce sans raison justifiée. Cette attitude nous fait frémir par rapport à l'utilisation des armes qui pourrait en être faite dans certaines situations.

Il ne s'agit pas de refuser le port d'arme, mais de l'accepter seulement pour celles et ceux qui ont un contrat de travail fixe. C'est le minimum et le maximum que nous pouvons autoriser pour ce nouveau genre de travail en croissance constante dans le pays et dans le canton. Il est donc normal que ces personnes soient réellement capables de manier des armes, de tirer, de se maîtriser, de juger rapidement et lucidement les situations délicates qui peuvent se présenter à eux. Des cours sérieux allant dans ce sens sont évidemment plus que nécessaires. Récemment, l'exemple du policier genevois impliqué personnellement dans le fameux drame des Tranchées, faisant un mort et un blessé grave, doit rendre le responsable de la police encore plus attentif à ses effectifs et, surtout, aux effectifs des polices parallèles.

Les travailleurs sur appel ou auxiliaires ne pourront donc plus être armés, et c'est tant mieux... L'improvisation ne peut être de mise et des contrôles sévères et réguliers doivent être mis en place immédiatement. Ces obligations doivent être saluées et soutenues, puisque la législation fédérale et le concordat intercantonal en prévoient les dispositions pour les cantons qui en feront la demande. Il est évident que l'Alliance de gauche soutient ce projet de loi.

Quant à la résolution, je ne veux pas revenir sur tout ce qui a été dit à ce sujet. C'est une vraie mascarade : il est incompréhensible de voir que les autorités fédérales facilitent l'acquisition d'armes sans effectuer aucun contrôle sérieux ! Ceux qui vendent des armes ou qui se livrent au trafic des armes peuvent demander des renseignements que les armuriers eux-mêmes ne sont pas en droit de demander ! Il y a donc une grande lacune en la matière, et j'espère que les travaux de commission nous permettront de nous pencher sur ce problème. En effet, les tentatives d'assassinat avec des armes à feu sont de plus en plus fréquentes, car ces armes sont vraiment accessibles à tout un chacun. Alors que toutes les législations européennes, canadienne et américaine - enfin - sont en train de resserrer la vis à ce sujet en mettant en place des contrôles et des marquages accrus, la Suisse libéralise ce commerce... Il ne s'agit pas d'un commerce de cacahuètes mais d'un commerce d'armes, je le rappelle !

En conséquence, il faut traiter cette résolution avec le plus grand sérieux.

Le président. Je prie ceux qui discutent au fond de la salle de bien vouloir le faire ailleurs ! Je m'adresse à vous en particulier, Monsieur Lescaze !

Mme Dolorès Loly Bolay (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, l'Alliance de gauche, comme vient de le dire Luc Gilly, partage amplement les préoccupations des auteurs et du projet de loi et de la résolution.

Plus précisément, ce qui nous inquiète dans cette loi fédérale ce sont les articles 9 et 10. Je vous lis le premier alinéa de l'article 9 : «Les personnes qui acquièrent une arme ou un élément essentiel d'arme auprès d'un particulier n'ont pas besoin de permis.» C'est dire que c'est la porte ouverte à toutes les dérives ! Cette loi fédérale est beaucoup trop permissive, et, comme l'a dit Mme Reusse-Decrey, elle doit être révisée au plus vite.

Je ne veux pas intervenir sur le fond du problème, car Mme Reusse-Decrey et M. Restellini l'ont fait amplement. Je me contenterai de dire que nous applaudissons la démarche qui a été faite en déposant ce projet de loi et cette résolution, que nous voterons, bien sûr. 

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). J'aimerais revenir sur les propos de M. Dupraz qui n'est malheureusement pas là...

Une voix. Mais si, il est là !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey. ...à propos du renvoi de la résolution en commission. Monsieur Dupraz, c'est non ! Je ne sais pas ce que vous faites lorsque vous êtes à Berne, mais si vous suiviez les travaux vous sauriez que la Suisse s'est tellement fait critiquer avec cette nouvelle loi que des juristes sont déjà en train de travailler à sa révision... En effet, la Suisse va exactement, comme je l'ai dit, à l'encontre du bon sens et de la sécurité... Les Etats-Unis ont légiféré dans le sens inverse, les Canadiens aussi, il y a à peine deux mois... Et la Suisse est en train de réfléchir et prévoit de modifier cette loi. Je pense que cette résolution vient au contraire bien à propos pour encourager ces travaux !

Mon deuxième argument est que je vois mal ce qu'on peut ajouter ou retirer à cette résolution. Elle demande que le commerce entre particuliers soit mieux surveillé et qu'il fasse l'objet de prescriptions plus rigoureuses. Je crois qu'on ne va pas pouvoir dire autre chose que cela, parce que c'est exactement ce qu'on veut. Quant au fait d'instaurer un marquage fiable et systématique des armes, la Suisse est à la pointe de la recherche dans ce domaine. Elle est en train de faire des démonstrations sur les processus qu'elle a mis au point, dans le cadre du contrôle de toutes les armes légères au niveau du monde entier, pour qu'on retrouve sur un certain nombre de terrains où ont lieu les conflits la provenance des armes. La Suisse, je le répète, est à la pointe dans ce domaine, alors je ne crois pas que le fait de lui demander de le faire sur son propre territoire puisse heurter ses principes politiques...

Nous refusons donc le renvoi de cette résolution en commission judiciaire, et nous demandons son vote immédiat. 

M. Luc Gilly (AdG). J'ai peut-être été un peu vite en besogne en prêtant un peu trop d'attention à M. Dupraz...

Je me rallie à l'avis de Mme Reusse. Les Pro Tell et autres mitrailleurs ont intérêt à retirer leurs propositions de libre circulation des armes ! 

M. Laurent Moutinot. Comme cela a été dit, depuis le 1er janvier 1999, l'acquisition d'une arme à un particulier n'est plus soumise à autorisation. La police genevoise déplore évidemment vivement cette nouveauté, parce que de la sorte elle ne peut plus savoir à qui appartiennent les armes qui sont vendues initialement par des marchands qui, eux, doivent annoncer les ventes.

La police comme le Conseil d'Etat sont par conséquent d'avis que la résolution qui vous est soumise va dans la bonne direction. Le Conseil d'Etat appuie donc cette résolution. S'agissant de la question du marquage des armes, en revanche, il apparaît aux services de police qu'il est inutile d'avoir un marquage supplémentaire parce que toute arme sort avec un numéro de série sur les pièces principales de l'arme et, aux dires de ces mêmes services de police - je ne suis pas un spécialiste en la matière, vous le savez - ces numéros de série sont déjà parfaitement suffisants. On ne voit dès lors pas très bien ce qu'on pourrait y rajouter.

Enfin, comme il s'agit d'un élément mineur et que l'élément majeur consiste à contrôler soit par le biais de la modification de la loi fédérale soit par l'obtention, dans le cadre de la loi fédérale, d'une compétence cantonale pour revenir à l'ancien système qui prévalait à Genève et qui donnait satisfaction, le Conseil d'Etat accueille favorablement cette résolution.

En ce qui concerne le projet de loi, j'attire en revanche votre attention sur le fait que ledit projet de loi anticipe en quelque sorte un peu les résultats positifs attendus de la résolution. Il n'est par conséquent pas certain - mais ça, vous aurez tout loisir de l'examiner en commission - que l'ensemble des dispositions prévues, quand bien même certaines sont parfaitement souhaitables, soient compatibles avec le droit fédéral...

En ce qui concerne le contrôle périodique des permis, dont il conviendra également de discuter en commission, vous êtes conscients que six à sept cents permis sont distribués à des agents de sécurité et qu'un contrôle annuel paraît être une tâche administrative excessive.

Mais enfin, ces questions pourront être discutées en commission en espérant précisément que le cadre fédéral obligatoire permette d'aller le plus loin possible dans le sens voulu par les auteurs du projet de loi.  

PL 8190

Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.

R 416

Le président. Une demande de renvoi à la commission législative de la résolution 416 a été formulée. Est-elle maintenue ? (M. Dupraz fait non de la tête.) M. Dupraz la retire ! Bien, je soumets donc cette résolution à votre approbation.

Mise aux voix, cette résolution est adoptée. Elle est renvoyée aux autorités fédérales.

Elle est ainsi conçue :

Résolution(416)contre la libéralisation du commerce des armes entre particuliers et pour un marquage fiable des armes (initiative cantonale)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

l'entrée en vigueur le 1er janvier 1999 de la nouvelle loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions ;

l'adoption par le Conseil d'Etat le 21 décembre 1998 d'un règlement d'application de la loi fédérale dont l'article 6 abroge le règlement d'exécution du concordat intercantonal sur le commerce des armes et des munitions du 20 décembre 1972 ;

le projet de loi du Conseil d'Etat du 28 janvier 1999 visant à abroger la loi concernant le concordat intercantonal sur le commerce des armes et des munitions ;

la libéralisation du commerce des armes entre particuliers à Genève en raison de l'entrée en vigueur de la loi fédérale qui remplace le concordat intercantonal qui permettait aux cantons d'édicter des prescriptions plus rigoureuses ;

la volonté manifestée au niveau international de renforcer le commerce des armes et l'entrée en vigueur en décembre 1998 au Canada d'une loi sur les armes à feu qui établit un programme de permis pour les propriétaires d'armes à feu et un programme d'enregistrement d'armes à feu ;

la situation particulière de Genève en tant que canton frontière et ville internationale ;

invite les Autorités fédérales :

à réviser la loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions :

en renforçant les dispositions relatives au commerce des armes entre particuliers ou en octroyant la compétence aux cantons d'adopter des prescriptions plus rigoureuses sur le commerce des armes entre particuliers ;

en instaurant un marquage fiable et systématique des armes à feu en circulation sur le territoire suisse.