République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1127-A
12. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la proposition de motion de MM. Christian Ferrazino, Christian Grobet, Pierre Meyll et Gilles Godinat sur la politique d'utilisation des zones industrielles. ( -) M1127
 Mémorial 1997 : Développée, 4665. Renvoi en commission, 4672.
Rapport de M. Alain Etienne (S), commission d'aménagement du canton

La proposition de motion 1127 sur la politique d'utilisation des zones industrielles, déposée le 4 mars 1997, a été envoyée à la Commission de l'aménagement du canton le 13 juin 1997. Cette dernière l'a traitée lors de sa séance du 8 septembre 1999 sous la présidence de M. Hervé Dessimoz, en présence de M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat, chef du DAEL, de M. Gilles Gardet, directeur et urbaniste cantonal et de M. Bruno Beurret, architecte.

Rappel

Les motionnaires considèrent que les petites et moyennes entreprises du secteur secondaire, tout particulièrement les entreprises artisanales, doivent pouvoir bénéficier de terrains et locaux industriels et artisanaux bon marché.

De plus, en raison de la pénurie de terrains et de locaux industriels à des prix abordables, il conviendrait de veiller à ne pas brader ces terrains à des entreprises exerçant d'autres activités qui ne correspondent pas à la destination de la zone.

Les dérogations accordées dans les zones industrielles ou artisanales à des activités étrangères à ces zones ne sont pas concevables.

Par exemple, est-il admissible que des terrains et locaux industriels et artisanaux soient mis à disposition pour des expositions de voitures d'occasion comme sur le terrain de Verntissa à Vernier ?

Ainsi, la motion invite le Conseil d'Etat à présenter un rapport portant sur les trois points suivants :

les dérogations accordées dans les zones industrielles et artisanales au profit d'activités qui ne répondent manifestement pas aux normes de ces zones ;

les réserves de terrain et locaux dont disposent l'Etat et les collectivités publiques (notamment les communes et la FIPA) pour des activités industrielles et artisanales ;

la politique qu'il entend poursuivre pour mettre à disposition ou faire bénéficier les entreprises du secteur secondaire, tout particulièrement les petites entreprises et les artisans, de terrains et locaux bon marché.

Discussion

D'entrée, le chef du département commente cette motion. Concernant la 1re invite (l'inventaire des dérogations accordées), cela représente un travail considérable, surtout si la demande s'étend depuis la création des zones industrielles. Concernant la 2e invite (l'inventaire des réserves de terrain et locaux), un rapport sur cette question est possible. Concernant la 3e invite, elle paraît large et nécessite de la part des auteurs de la motion quelques précisions sur ce qu'ils désirent connaître.

Le président Dessimoz précise que l'on peut se prononcer sur les invites, les renvoyer au Conseil d'Etat qui fera rapport au Grand Conseil. Les motionnaires pourront à cette occasion s'exprimer.

Position des motionnaires :

Les zones industrielles ne doivent pas être accaparées par des entreprises commerciales comme cela a été le cas avec Pfister et Obirama. Il s'agit de savoir combien de dérogations ont été accordées depuis 10 ans et combien de terrains sont disponibles actuellement.

Un député de l'AdG demande que l'Etat crée une bourse des terrains industriels d'accès facile. Il serait plus juste que tout le monde soit traité sur le même pied d'égalité en matière d'information concernant la disponibilité des terrains.

M. Moutinot rappelle qu'il existe déjà une bourse des terrains industriels. Cette bourse repose sur une base volontaire des terrains disponibles.

Un député libéral se demande pourquoi les motionnaires veulent cibler aussi étroitement les entrepreneurs en quête de terrains. Il y a des acteurs qui ont une forte influence sur l'économie de notre canton et qui rencontrent de grandes difficultés à trouver des terrains répondant à leur besoin. Les auteurs de la motion ne semblent pas se préoccuper de ceux-là. Il s'agirait de s'occuper de l'ensemble des entreprises !

Suite à la discussion, M. Moutinot demande que la 1re invite soit supprimée. Un commissaire propose que le rapport concernant les dérogations ne porte que sur les 7 dernières années. Un autre commissaire propose de remonter au 1er janvier 1995, époque des événements qui ont suscité l'élaboration de cette motion.

Le président Dessimoz met au vote la proposition de supprimer la 1re invite. Cette proposition est acceptée par 8 oui (3 L, 2 R, 2 DC, 1 Ve) et 7 non (3 S, 1 Ve, 3 AdG).

A l'issue des travaux, la motion est acceptée avec les deux invites restantes non modifiées par 10 oui (3 S, 2 Ve, 3 AdG, 2 DC), 4 non (2 L, 2 R) et une abstention libérale.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous recommande donc de voter cette motion et de l'envoyer ainsi amendée au Conseil d'Etat.

Débat

M. Rémy Pagani (AdG). Nous avons proposé cette motion, car il y a - c'est le moins que l'on puisse dire - peu de transparence s'agissant des zones industrielles, notamment sur les dérogations qui ont été accordées «en veux-tu, en voilà» durant ces dernières années... Nous aurions donc aimé avoir un bilan de ces dérogations, d'une part, et, d'autre part, un état général de nos zones industrielles pour préserver un minimum de conditions-cadres correctes pour les petites et moyennes entreprises de ce canton.

L'autre objectif de cette motion était de permettre à l'Etat de recenser l'ensemble de ses terrains, et, le cas échéant, de mettre sur Internet une sorte de bourse à disposition, qui soit consultable rapidement par tout un chacun. Cela permettrait une meilleure fluidité de l'information, qui était et qui est encore aujourd'hui réservée à un certain nombre de fonctionnaires qui ont en quelque sorte leur chasse gardée.

La commission nous a suivis pour deux de nos propositions sur les trois. La troisième proposition a fait l'objet d'un long débat pour savoir s'il fallait étendre les recherches aux dix dernières années. Mais M. Moutinot a expliqué qu'il était très difficile de faire le bilan des dérogations accordées durant les dix dernières années et que c'était un travail considérable. C'est pourquoi la commission, à une voix près, a retiré cette invite.

Au vu des discussions qui ont eu lieu entre-temps, je vous propose de réintroduire cette invite, mais modifiée comme suit :

«- les dérogations accordées depuis quatre années dans les zones industrielles et artisanales au profit d'activités qui ne répondent manifestement pas aux normes de ces zones;»

Nous avons en effet fait la part des choses : nous avons considéré que le fait de faire ces recherches sur quatre années - deux années sous l'ancienne majorité et deux sous la nouvelle - nous donnerait peut-être une indication quant à la politique menée actuellement dans notre canton. Comme M. Barro le dirait : c'est «consensuel» !

Notre groupe propose de rajouter une troisième invite, telle que je l'ai modifiée, et de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat. 

Le président. Monsieur Pagani, si vous avez un amendement à nous fournir, veuillez nous le faire parvenir rapidement, je vous prie.

Dans l'intervalle, je passe la parole à M. Koechlin.

M. René Koechlin (L). La première lecture de cette motion nous paraît ne pas poser beaucoup de difficultés, et nous pourrions nous laisser aller à la soutenir... Mais, tout de même, son caractère discriminatoire nous dérange !

Des zones industrielles ont effectivement été créées pour un certain nombre d'activités, mais on constate aujourd'hui qu'elles sont partiellement inadaptées à la demande réelle, immédiate.

Premier constat : vouloir, par une motion ou par tout autre moyen, limiter l'utilisation de ces zones industrielles - pourtant passablement sollicitées - aux seules entreprises du secteur secondaire stricto sensu, de surcroît de petite taille et, si possible, des artisans, c'est vraiment vouloir limiter à la portion congrue l'usage des zones industrielles, alors qu'elles ont été conçues pour le plus grand nombre possible d'entreprises et pour, si faire se peut, contribuer à promouvoir la prospérité de ce canton...

Nous connaissons bien les difficultés rencontrées par les entreprises, petites ou grandes, quel que soit leur type, qu'elles soient productrices du secteur secondaire ou qu'elles appartiennent au tertiaire voire au quaternaire, peu importe. On s'aperçoit, spécialement lorsque l'on tente d'aider des entreprises à s'implanter à Genève, qu'elles sont confrontées à de nombreuses difficultés et que, finalement, la capacité d'accueil est terriblement limitée et souvent incompatible avec les besoins exprimés. Alors, accroître ces difficultés en ne permettant l'accès aux zones industrielles qu'à certaines entreprises, sous prétexte qu'elles sont petites, que ce sont des artisans et qu'elles appartiennent uniquement au secteur secondaire, nous paraît inadmissible !

C'est la raison pour laquelle en fin de compte, en dépit des apparences, nous ne pouvons pas, en ce qui nous concerne, soutenir une telle motion.

M. Laurent Moutinot. La motion initiale demandait un rapport au Conseil d'Etat sur trois objets. Il n'y a aucun problème pour deux de ces objets. Il est parfaitement normal et légitime que le Conseil d'Etat vous réponde sur la situation des réserves de terrains dont nous disposons en zone industrielle et artisanale. Il n'y a pas non plus, évidemment, le moindre obstacle à vous présenter un rapport sur la politique que nous entendons mener en matière de zone industrielle.

Le débat - l'amendement de M. Pagani le montre - porte sur le fait de fournir un rapport sur les dérogations accordées dans les zones industrielles. J'ai effectivement dit en commission que le département avait beaucoup de travail et qu'il n'était pas censé se pencher sur un travail aussi considérable : faire une liste exhaustive des dérogations accordées sans limitation dans le temps. Nous avons ensuite discuté pour savoir s'il fallait fixer cette limite à dix ans, cinq ans, etc.

Alors, pour ma part, je suis prêt, et cela est normal, à répondre des dérogations que j'ai accordées personnellement. Par conséquent, si vous souhaitez un rapport sur les dérogations accordées depuis le début de la législature, je vous le fournirai, parce que cela relève de ma responsabilité et que vous avez le droit de me critiquer sur mes actions. Par contre et s'agissant des législatures antérieures, je me suis bien promis de ne jamais critiquer aucun de mes prédécesseurs quel qu'il soit, et je considère qu'un travail de recherche sur les dérogations accordées dans le passé pourrait fort judicieusement trouver sa place à la faculté d'histoire de notre excellente université... Je refuse quant à moi que des fonctionnaires qui ont déjà passablement de travail se livrent à cette étude de bénédictins ! 

M. Bernard Clerc (AdG). Monsieur Moutinot, votre réponse à la proposition d'amendement de mon collègue Pagani est plutôt curieuse... On ne vous demande pas de critiquer vos prédécesseurs, pas plus qu'on ne vous demande de les couvrir, d'ailleurs ! On vous demande simplement de nous faire un état des lieux dans un délai raisonnable, qui permette d'avoir une évaluation sur les dérogations fournies en zone industrielle. Nous sommes assez grands, Monsieur Moutinot, pour juger si ces dérogations étaient justifiées ou non, et nous n'avons pas besoin de votre bénédiction ! 

Le président. Je mets aux voix l'amendement de M. Pagani qui consiste à ajouter une nouvelle invite à cette motion, je cite :

«- les dérogations accordées depuis quatre années dans les zones industrielles et artisanales au profit d'activités qui ne répondent manifestement pas aux normes de ces zones;»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1127)

sur la politique d'utilisation des zones industrielles

vu les très graves difficultés auxquelles le secteur secondaire genevois est actuellement confronté;

attendu que ce secteur est frappé plus durement par la crise en raison de l'importance que revêt le coût de la main-d'oeuvre comme facteur de production des biens produits dans notre pays, sans parler du niveau élevé du franc suisse qui rend la compétitivité des produits suisses très difficile pour nos entreprises;

qu'il est par conséquent primordial que celles-ci et les nouvelles entreprises du secteur secondaire puissent bénéficier de terrains et locaux industriels et artisanaux bon marché pour compenser partiellement les inégalités auxquelles elles sont confrontées par l'ouverture des marchés;

que les petites et moyennes entreprises, tout particulièrement les entreprises artisanales, qui constituent un élément important de notre économie, éprouvent beaucoup de difficultés à trouver des terrains et locaux bon marché leur permettant de déployer leurs activités;

qu'en raison de la pénurie de terrains et de locaux industriels bon marché, il convient de veiller à ce que les terrains et locaux affectés à des activités industrielles et artisanales ne soient pas bradés ni mis à disposition d'entreprises poursuivant d'autres activités offrant un meilleur rendement et leur permettant de payer les charges foncières ordinaires pour leurs besoins en terrains ou locaux;

que cela est particulièrement vrai pour les locaux libérés par des entreprises en cessation d'activités et qui ont été construits il y a un certain temps, qui sont souvent totalement amortis et qui peuvent être reloués très bon marché (par rapport aux locaux vides de construction récente) pour autant qu'ils ne soient pas accaparés par des entreprises à haut rendement qui font monter les prix de location;

que, dans ces conditions, les dérogations accordées dans les zones industrielles ou artisanales à des activités étrangères à ces zones ne sont pas compréhensibles;

que des terrains et locaux industriels et artisanaux sont, en effet, mis à disposition ou convoités pour des expositions de voitures qui sont le type d'utilisation de terrains à exclure en zone industrielle (voir APA 12629, zone industrielle du Bois-de-Bay, APA 12717 au chemin de la Marbrerie sur un terrain de la FIPA, requête 94697 pour une halle d'exposition de voitures sur le terrain industriel de Verntissa, à Vernier) ou pour des activités relevant de la vente de détail (requête 94727 portant sur l'affectation de deux étages d'un bâtiment industriel dans la ZODIM pour un centre commercial, requête 94728 pour un parking à la rue Boissonnas dans la zone de la FIPA, etc.),

invite le Conseil d'Etat

à lui présenter un rapport sur:

- les réserves de terrain et locaux dont disposent l'Etat et les collectivités publiques (notamment les communes et la FIPA) pour des activités industrielles et artisanales;

- la politique qu'il entend poursuivre pour mettre à disposition ou faire bénéficier les entreprises du secteur secondaire, tout particulièrement les petites entreprises et les artisans, de terrains et locaux bon marché.