République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1205-A
7. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier la proposition de motion de MM. Chaïm Nissim, Roger Beer, Jean-Pierre Restellini, Hervé Dessimoz, Rémy Pagani et Jean-Claude Vaudroz sur les dysfonctionnements informatiques de l'Etat. ( -) M1205
 Mémorial 1998 : Développée, 2004. Renvoi en commission, 2041.
Rapport de M. Chaïm Nissim (Ve), commission des finances

La motion 1205 a été déposée le 6 avril 1998, suite à la publication de plusieurs rapports officiels alarmants sur les dysfonctionnements informatiques de l'Etat. La presse, elle aussi, se faisait l'écho de l'inquiétude populaire sur ce sujet sensible, qui concerne aussi bien la gestion que l'administration de l'appareil d'Etat. Les députés signataires de cette motion « coup de gueule » demandaient un rapport, qui devait faire toute la lumière sur l'état des lieux, et proposer des solutions. Des citations tirées du rapport Mumenthaler, sur l'informatique de l'Hôtel des finances, constituaient l'ossature de l'exposé des motifs. (voir la motion d'origine en annexe 1).

Cette motion 1205 a été renvoyée en Commission des finances lors de notre séance d'avril 1998. La Commission des finances, découragée par avance devant l'immensité du travail à accomplir pour mieux cerner les complexités du sujet, a nommé une sous-commission, qui a travaillé pendant une année pour comprendre d'abord les problèmes qui se posaient, et s'informer sur les solutions possibles, avec les fonctionnaires du CTI.

La sous-commission était présidée par M. Dominique Hausser, elle a travaillé en bonne harmonie avec les fonctionnaires, notamment MM. Warynski, Zanni (administrateur délégué du CTI, centre des technologies de l'information), Baumgartner (contrôleur de gestion indépendant), Convers (projet an 2000), Marois (de l'OSI, structure informatique de l'administration des finances), Mercier (DCD, délégué au comité directeur), Loron (directeur, n'a pu assister aux séances des 6 derniers mois pour raison de maladie).

Huit séances de 2 heures eurent lieu, au cours desquelles nous avons pu étudier les structures administratives et organisationnelles et les systèmes informatiques de l'Etat de Genève. Notre commission a travaillé avec les responsables du projet an 2000 (pour lequel un budget de 48 mios a été voté, dont 18 pour l'administration fiscale), elle a reçu régulièrement des tableaux de bord, qui lui permettaient de suivre l'avancement des projets de réforme.

1. L'origine des problèmes

Depuis une vingtaine d'années les différents services de l'Etat se sont informatisés sans aucune coordination entre eux. Personne n'avait de vision d'ensemble, ni sur les ressources humaines, ni sur les systèmes informatiques. Si bien que des systèmes incompatibles entre eux équipaient des bureaux voisins, parfois même à l'intérieur d'un même département. Le meilleur exemple était l'existence des 7 systèmes de messagerie incompatibles dans les différents services de l'Etat.

De plus, les systèmes existants ne fonctionnaient pas toujours à satisfaction, parce que les utilisateurs ne comprenaient pas toujours le langage des informaticiens, et vice-versa. C'est ainsi que l'administration fiscale, par exemple, s'est dotée au cours des années de 3 systèmes (Unisys, Magic et IAO, qui ne fonctionnaient pas ensemble ni séparément, et qui étaient lourds, chers et peu fiables).

Face à cette situation « capharnaumesque », il y a 4 ans, le Conseil d'Etat a nommé un de ses membres, Martine Brunschwig Graf, à la tête d'une nouvelle structure - le CTI - qui devait réussir, du moins était-ce le plan, à fédérer ces systèmes disparates, à faire progressivement la réforme symphonie, un nom évocateur d'harmonie et de collaborations.

Aujourd'hui on peut dire que l'informatique de l'Etat emploie 300 personnes, qu'elle coûte 67 mios en fonctionnement, - dont 29 en salaires - et les sommes suivantes au budget des investissements 99 :

-  projet an 2000 : 16 mios

-  projet réforme AFC : 10 mios

-  budgets d'investissements courants : 12.8 mios

NB : Dans les 67 mios de fonctionnement il y a aussi des frais de téléphone, de télécomms, - 13.5 mios - qui ne sont pas de l'informatique à proprement parler. De plus, avec 67 millions au fonctionnement, l'Etat de Genève dépense un peu plus de 1 % de son budget pour l'informatique, ce qui est plutôt peu en comparaison avec d'autres grandes institutions privées, les banques par exemple.

2. Les propositions de solutions

Depuis 4 ans et le début de la réforme symphonie, les réorganisations furent nombreuses, et toutes ne furent pas couronnées de succès. La création du CTI ne suffit pas, à elle seule, à garantir l'adoption par tous des mêmes normes et standards. Il manque à l'informatique de l'Etat un chef, ce problème est récurrent depuis 4 ans. Au départ, il y a 2 ans, furent créés le CETI et le CDTI (Centres d'exploitation et de développement respectivement). Mais les chefs de ces deux entités, MM. Loron et Roch, se détestaient et ne pouvaient en aucune manière travailler ensemble. M. Zanni fut donc nommé pour essayer de les faire collaborer dans une structure unique, le CTI. Six mois plus tard, MM. Roch et Zanni ont démissionné, M. Loron a disparu pour raison de maladie. Le problème du manque d'un chef est plus criant que jamais.

De plus, la délicate question de la répartition des responsabilités - des ressources humaines et des financements - entre les départements et le CTI n'a jamais été tranchée. Que faut-il centraliser ? L'ensemble des ressources ou bien seulement l'essentiel, les normes et standards communs ? Comment éviter les deux écueils, celui de la centralisation excessive, qui vide les départements de toute compétence informatique, de toute maîtrise de leurs propres projets, et qui crée un Etat dans l'Etat avec un CTI lourd et inefficient, et celui des châteaux forts féodaux, le système trop décentralisé qui prévalait jusqu'ici, avec des systèmes incompatibles entre eux qui de surcroît entraînent une augmentation des dépenses ?

Le CTI, n'ayant jamais eu de chef, n'a jamais pu prendre la moindre décision stratégique.

Cependant, même sans chef ni direction commune acceptée par tous, tout ne va pas de travers dans l'informatique de l'Etat, loin de là :

La sous-commission a pu identifier avec plaisir certains succès :

- La création de l'OSI, structure informatique du Département des finances, 7 personnes dirigées par M. Stéphane Marois, a permis de commencer à redresser les dysfonctionnements criants de cette administration. Le système IAO a été abandonné, le système Unisys a été revitalisé, stabilisé et sécurisé, un début de communication entre systèmes a été réalisé, qui devrait permettre à terme par exemple au registre foncier de pouvoir communiquer la liste des propriétaires de villas au service des rôles, pour pouvoir les taxer au titre de l'impôt immobilier. (un exemple parmi tant d'autres de problèmes de communication inter-systèmes).

- Le projet an 2000 ne va pas trop mal, M. Convers et ses collègues se débrouillent malgré certaines angoisses, le dernier tableau de bord est plutôt positif, je vous laisse le regarder à l'annexe 2.

Les applications sont testées les unes après les autres, les projets de réécriture de certaines applications avancent, le projet est visible sur internet, on devrait y arriver !

- Les projets PC 2000 et SE32 qui visent à harmoniser les stations de travail de l'Etat sont en cours mais risquent de ne pas aboutir avant l'an 2000, là aussi des priorités et des choix clairs devraient être faits.

- La division R/T, (réseaux/ télécomms) une petite division dirigée par M. Gilliéron a décidé toute seule de normes et standards (ils ont choisi IP, le standard de l'Internet, excellent choix), elle a câblé l'ensemble des réseaux genevois et commence à compatibiliser ses fonctions avec les réseaux vaudois, un exemple de succès qui devait être mentionné dans ce rapport.

Certes, l'annexe 3 vous montre que pour l'ensemble du CTI, les choses ne vont pas encore bien. Il manque un chef, il manque une direction commune, une définition claire des répartitions des ressources entre les départements et le CTI, une définition claire du rôle du CTI. Il manque aussi beaucoup de travail d'harmonisation, à accomplir progressivement.

Les utilisateurs se plaignent des prestations du CTI. Depuis que les informaticiens ont été sortis des départements ces plaintes se font plus vives, pour partie on peut l'expliquer psychologiquement, il est plus facile de se plaindre à l'extérieur qu'à l'intérieur. Mais pour partie il faut reconnaître que les structures choisies sont inadéquates.

(NB sur ce point : Les utilisateurs se plaignent beaucoup des services rendus par le CTI, parce qu'ils ne doivent pas payer ces prestations. Le rapporteur travaille depuis 15 ans en clientèle privée, et mes clients lorsqu'ils recoivent certains devis renoncent spontanément à certaines améliorations demandées, simplement parce que ces améliorations leur coûteraient trop cher. Les services de l'Etat, n'ayant jamais eu à gérer une enveloppe et leurs responsabilités, ont parfois l'impression que tout étant gratuit pourquoi pas demander le maximum ? Sur ce point comme sur bien d'autres, une gestion décentralisée par enveloppes, contrats de prestations intelligents, comptabilité analytique et centres de coûts permettrait de réorganiser l'Etat et de mieux le gérer).

Mais revenons à nos structures du CTI, dont je disais qu'elles étaient inadéquates : en effet, si la mise en commun de certaines ressources humaines peut parfois aboutir à une meilleure répartition des ressources, il faut reconnaître que parfois aussi la constitution d'une organisation trop lourde pour être gérée par un seul homme aboutit au contraire à un titanic, à un Etat dans l'Etat, artificiellement rattaché à la Chancellerie. Le juste milieu n'a pas encore été trouvé, la Commission des finances penchait nettement pour une répartition plus décentralisée, avec comme noyau central un CTI amaigri, assez fort pour imposer des normes et standards communs, mais pas trop fort pour laisser aux ressources « métiers » des départements une gestion décentralisée.

Cette nécessaire réorganisation du CTI, cette possible disparition du CATI, cette nécessité de trouver un chef, est du ressort du Conseil d'Etat et non du Parlement. Le Parlement ne peut que suggérer des pistes à étudier. La Commission des finances suggère ainsi au Conseil d'Etat d'entreprendre cette nécessaire réorganisation en partant du bas, c'est à dire des informaticiens de base. Leur parler, leur demander comment ils voient les choses, avant de chercher à leur imposer une réorganisation depuis le haut. Certains sont bons, d'autres moins, comme partout, mais de toutes façons ils sont les mieux placés pour connaître la réalité, et le futur chef serait bien inspiré de commencer par leur parler, à chacun, de commencer par les écouter, ce qui n'a pas suffisamment été fait jusqu'ici.

3. La motion 1205, réécrite

Suite à toutes ces heures de travail, la sous-commission, (MM. Vaudroz, Hausser, Beer, Ducrest et le rapporteur) décida de récrire la motion 1205, de fond en comble. De motion « coup de gueule » qu'elle était au départ, elle devint une motion beaucoup plus constructive, qui devrait permettre au Conseil d'Etat d'entreprendre les réformes encore nécessaires, et surtout de mieux définir les responsabilités.

Proposition de motion(1205)

sur l'avenir de l'informatique de l'Etat

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:

Les rapports alarmants publiés sur les dysfonctionnements informatiques, structurels et organisationnels de l'Etat de Genève, en particulier mais pas seulement au Département des finances

L'urgence incontournable des problèmes liés au passage à l'an 2000

invite le Conseil d'Etat

à préciser dans un rapport annuel compréhensible et clair l'état des lieux de l'informatique de l'Etat.

à proposer, dans le même rapport, des solutions, notamment la liste des protocoles et des moyens de communication communs, (livre blanc, projet fédération, rapport de l'ICF sur le CTI)

à améliorer progressivement la communicabilité entre les services et l'ouverture de ceux-ci sur le monde extérieur (internet). Le rapport comprendra également un échéancier et des coûts prévisionnels sur 4 ans, pour l'ensemble de l'informatique de l'Etat de Genève.

A définir clairement une répartition des tâches entre le CTI et les départements. (Qui maîtrise les ressources financières, les ressources humaines, qui définit les priorités, quelle relation clients-fournisseurs ?)

4. Discussions à la Commission des finances

La Commission des finances, en plénière, a examiné la motion 1205 récrite, telle qu'elle apparaît ci-dessus, et l'a acceptée à l'unanimité; pour une fois les clivages gauche-droite, devant l'urgence, s'estompant.

La discussion sur les 4 invites fut nourrie, je veux la retranscrire le mieux possible dans ce rapport, cette transcription servira d'exposé des motifs à la motion reformulée :

Dominique Hausser : Je me demande si la sous-commission informatique ne devrait pas faire partie de la future Commission de gestion, plutôt que de la Commission des finances ? Puisque le CTI rencontre surtout des problèmes de gestion ?

Bernard Clerc : Je n'ai pas pu participer à la sous-commission, mais je n'en pense pas moins : A quoi sert le CTI ? Pourquoi certains départements ont-ils été obligés de se battre pour garder des ressources humaines indispensables, on a tout centralisé et puis on est revenus en arrière, parce que ça ne marchait pas !

David Hiler : Quel est le rôle du CTI ? Est-ce un organe exécutif ou un organe de contrôle ? Il me semble que personne ne sait ? Peut-être parce qu'il manque un chef, justement ?

Chaïm Nissim : Oui il faut redéfinir les tâches et la répartition des responsabilités. C'est là le sens de la 4e invite. Nous ne pouvons pas le faire nous, législatif, c'est là une tâche de l'administration. (tout le monde semble d'accord sur ce point).

Dominique Hausser : Je me demande à quoi sert le CATI (Conseil d'administration des technologies de l'information) ?

Pierre Ducrest : Le gros problème c'est de rétablir la confiance, les utilisateurs n'ont plus confiance, le public et les députés non plus. On avait avant la création du CTI des chapelles rivales, avec des roitelets. On assiste maintenant à la création d'un empire monolithique, le CTI. Entre ces 2 écueils extrêmes il doit exister un juste milieu, c'est là le sens de notre motion, forcer le Conseil d'Etat à définir ce juste milieu.

David Hiler : On parle beaucoup des améliorations à l'AFC, personne ne parle des systèmes qui ont bien marché depuis le début, tel celui du SITG (système d'information du territoire), qui est génial !

Micheline Calmy-Rey : Il est plus facile de concevoir un seul système autonome qu'une vaste organisation comme celle de l'AFC. Avec l'échec d'IAO on a compris qu'on ne pouvait pas imposer un système à des professionnels par-dessus leur tête et sans comprendre leurs besoins de métier. C'est le sens de la création de l'OSI, structure informatique de l'AFC, qui a pour rôle de dialoguer avec le CTI pour obtenir les ressources nécessaires.

Par ailleurs, la présidente nous informe que l'explication des différences de plusieurs dizaines de millions entre les différentes comptabilités de l'Etat était en bonne voie de résolution, le juge Heyer, chargé de l'enquête, a pu retrouver les documents manquants, l'affaire semble en de bonnes mains.

5. Conclusion (provisoire)

Tout au long de nos travaux, j'observais M. Claude Blanc. Réfractaire s'il en fut à l'informatique; il a même rendu son portable au service du Grand Conseil, disant à qui veut l'entendre qu'il le reprendrait « lorsque ça marcherait ». Il reçoit depuis ses convocations et ses PV par la poste. M. Claude Blanc s'est toujours abstenu lors de tous les votes de crédits informatiques, en disant qu'il n'y comprenait rien, et en suggérant finement que même ceux qui prétendent y comprendre quelque chose se font en fait des illusions.

Allait-il pour la première fois voter cette motion ? Si oui, cela signifierait à mes yeux qu'il y a encore un espoir, que la commission unanime attend vraiment des améliorations, et qu'elle sait définir dans quelle direction il faut aller et ce qu'il faut améliorer. Si non, cela signifierait que nous faisions du verbiage, des mots creux, comme hélas trop souvent en politique. Claude Blanc a voté les invites, et moi je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à en faire de même et à renvoyer la présente motion revisitée au Conseil d'Etat.

ANNEXE

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition présentée par les députés:MM. Chaïm Nissim, Roger Beer, Jean-Pierre Restellini, Hervé Dessimoz, Rémy Pagani et Jean-Claude Vaudroz

Date de dépôt: 6 avril 1998Messagerie

M 1205

Proposition de motionsur les dysfonctionnements informatiques de l'Etat

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

- le récent rapport d'expertise sur l'informatique de l'administration fiscale, datant de septembre 97 mais publié en mars 98, qui révèle des disfonctionnements très graves ;

- l'échec avéré de la réforme symphonie, qui a coûté très cher et n'a servi à rien ;

- le fait que tout informaticien auquel on parle d'un problème informatique vous proposera aussitôt une solution … informatique, si possible très chère et longue à mettre en application ;

- le fait que les 300 programmeurs de l'Etat se sont souvent construit des châteaux-forts, entourés de fossés profonds, des petits royaumes dont ils sont les seuls maîtres et qui ne peuvent communiquer avec les royaumes voisins ;

- le fait qu'il faut aujourd'hui casser ces cloisonnements, en adoptant des normes et protocoles communs à tous les services, et ouverts sur le monde extérieur ;

invite le Conseil d'Etat

- à préciser l'état des lieux de l'informatique de l'Etat ;

- à publier celui-ci dans un langage compréhensible par les députés et le public ;

- à proposer des solutions dans un rapport, avec des protocoles et des moyens de communication communs, et à améliorer progressivement la communicabilité entre les services et l'ouverture de ceux-ci sur le monde extérieur (internet). Le rapport comprendra également un échéancier et des coûts prévisionnels sur 5 ans.

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Débat

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je me casse la tête depuis quatre ans sur ces problèmes de l'informatique de l'Etat et plus je bosse, plus j'en apprends, plus je deviens modeste !

La première constatation que je voudrais faire, c'est que le problème de l'informatique de l'Etat n'est pas un de nos classiques problèmes gauche-droite, où nous pourrions vous accuser, comme nous le faisons d'habitude, de tout vouloir privatiser, et où vous pourriez nous accuser, comme vous le faites d'habitude, de tout vouloir bloquer par des recours. Ce problème-là n'a rien à voir avec des recours, ou des privatisations ; il ne se situe pas dans ce champ de réflexion. C'est un nouveau problème, dans lequel nos têtes de turc traditionnelles gauche-droite n'ont pas lieu d'être. Cela dit, je voudrais vous donner six pistes de réflexion, qui recoupent plus ou moins les quatre invites de la motion issue de la commission des finances.

Première piste. Depuis le début de la réforme commencée il y a quatre ans par le Conseil d'Etat, réforme qui s'appelait Symphonie à l'époque, les dysfonctionnements ont été en s'aggravant. A titre d'exemple de cette aggravation, je pourrais retenir l'enquête de satisfaction rédigée par les maîtres d'ouvrage; mais ce n'est pas une très bonne enquête, elle n'a pas de côté évolutif. Je préfère donc retenir un avis qui nous a été donné hier en commission des finances, et qui provient de la Conférence des maîtres d'ouvrage. Je vous lirai deux paragraphes de cet avis : «Au niveau général, il ressort de l'avis des maîtres d'ouvrage que la qualité des prestations est significativement inférieure à celle dont ils bénéficiaient avant la réforme. La situation s'est encore détériorée et les résultats de notre consultation sont plus proches des commentaires généralement plus négatifs que les réponses aux questions... [...] Par ailleurs, la décision du CTI de ne plus respecter les conventions de prestations passées entre les maîtres d'ouvrage et le CTI laisse présumer - et la tendance ne semble pas s'inverser - qu'une dégradation de la situation est encore prévisible dans le futur.»

Ce rapport nous a été distribué hier en commission des finances. Il émane du Conseil d'Etat et vous reconnaîtrez avec moi qu'il est inquiétant... (Commentaires.) Oui, c'est effectivement ce que mon collègue Claude Blanc disait depuis longtemps, et cela me rend malade quand je lis de tels rapports !

Deuxième piste. Les utilisateurs ne sont pas assez formés, ils ont trop souvent tendance à voir l'informatique comme de la magie. Etant donné qu'ils ne maîtrisent pas bien l'outil, qu'ils ne sont souvent pas capables de discerner d'où vient la panne, si elle vient de leur disque dur local, d'un serveur ou d'un serveur Internet, ils appellent quelquefois le CTI pour toutes sortes de bonnes et de mauvaises raisons. Il y a donc un vrai problème de formation des utilisateurs. Il faut plus de super-utilisateurs dans les services et des super-utilisateurs mieux formés.

Troisième piste. Les problèmes de l'informatique de l'Etat sont inextricablement liés aux problèmes administratifs. Il est impossible de réformer l'un sans réformer l'autre et on touche là au gros problème qui est récurrent, à savoir celui de la réforme de l'Etat, du poids des habitudes, de l'incompétence, des résistances des réformés, de la bêtise aussi des réformateurs, de leur manque d'écoute, de leur manque de vrai dialogue.

Quatrième piste. La présidente du CATI a effectivement essayé depuis deux ans de casser les baronnies, ces petits royaumes qui s'étaient constitués dans les services informatiques et qui ne se parlaient pas. En sortant tous les informaticiens des services, en créant le CTI, elle a initié un premier mouvement utile, à savoir la création d'une structure transversale ; mais en même temps elle a créé un Titanic ingérable : 300 informaticiens, sans chef pour le gérer ! Le CTI est devenu un Etat, paralysé et incompétent, dans l'Etat de Genève. Il s'agit donc maintenant de trouver un chef d'orchestre à cet Etat dans l'Etat, de redistribuer certains informaticiens dans les services, là où on en a besoin, tout en veillant à ce que tous respectent les normes et standards de compatibilité - qui n'ont d'ailleurs toujours pas été choisis. Quatre ans après le début de la réforme Symphonie, nous n'avons toujours pas vu ce petit livre blanc des normes et standards de l'informatique de l'Etat : c'est à mon avis un des grands échecs de cette réforme.

Certes, un service comme celui de M. Gilliéron - la division réseaux/télécomms - a défini, tout seul, des normes et standards pour cette division. C'est très bien et je l'en félicite, mais il n'y a pas de normes et standards définis globalement pour l'ensemble du CTI, notamment pour les bases de données. Pour résoudre cette question, le Conseil d'Etat doit trouver un chef pour le CTI. Je sais que Mme Brunschwig Graf a commencé à chercher ce chef, mais cela fait quatre ans qu'elle aurait dû le chercher, au début de la réforme. Il nous faut en l'occurrence un chef qui ait du poil..., qui ait assez de connaissances pour imposer des normes et standards, pour réorganiser les divisions et pour discerner l'ampleur des réformes à entreprendre.

Ensuite, piste No 5, il faut que le Conseil d'Etat fasse son boulot : définir les priorités, gérer les moyens et les ressources à disposition, discerner l'essentiel de l'accessoire. Il faut qu'il sache répartir les ressources du CTI, les moyens financiers et humains. Il faut qu'avec l'appui technique des directeurs du CTI il sache qui doit travailler dans les départements et qui doit rester dans la structure centrale. Si cette structure centrale, par hypothèse, ne comprenait plus qu'une cinquantaine de personnes, ce ne serait pas la peine de tout déménager dans le nouveau bâtiment des Acacias : on pourrait très bien déménager uniquement la structure centrale et répartir les autres informaticiens dans les départements respectifs. Là aussi, il faut que le Conseil d'Etat comprenne le jargon des informaticiens et que les informaticiens sachent parler le français ! Mon expérience m'apprend que c'est malheureusement assez rare... Voilà le sens de la quatrième invite de la motion que nous voulons renvoyer au Conseil d'Etat.

Dernière piste. Nous avons créé, avec le CTI, une première structure transversale au sein d'une administration trop souvent fossilisée en départements qui s'ignorent. Or, cette nouvelle structure ne fonctionne pas bien, pour toutes les raisons que j'ai analysées tout à l'heure. Il faut donc continuer, lui trouver un chef, répartir les responsabilités entre les départements, le Conseil d'Etat et le CTI. Le Grand Conseil, lui, n'a que deux rôles dans cette symphonie : voter les crédits et servir de courroie de transmission avec la population. Et là, franchement, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, j'ai l'impression que nous n'avons pas trop mal fait notre travail, depuis le début de cette réforme, mais que de votre côté vous vous êtes un peu empêtrés dans les querelles de chapelles entre services, dans vos cloisons interdépartementales, dans votre manque de connaissances techniques. Le Grand Conseil et la population attendent maintenant de vous des réponses aux quatre invites que nous formulons dans notre motion, ou tout au moins des débuts de réponses. 

M. Rémy Pagani (AdG). Après lecture de ce rapport et malgré les explications de M. Nissim, nous ne pensons pas que la solution aux problèmes du CTI et de l'informatique en général passe par la nomination d'un chef, ni par l'invite à «améliorer progressivement la communicabilité», ou encore à «définir clairement une répartition des tâches entre le CTI et les départements». En l'état, nous sommes insatisfaits de ce rapport et de cette motion et nous tenons à le dire haut et fort !

Je vous rappelle qu'à l'époque la volonté du Conseil d'Etat, d'ailleurs tout à fait légitime, était de supprimer, ou en tout cas de combattre les fiefs informatiques qui existaient dans certains services, en regroupant l'informatique dans un service qui aurait, ô miracle, pu résoudre l'ensemble des problèmes informatiques de l'Etat. Quatre ans ont passé, quatre ans pour en arriver à se dire que, toutes proportions gardées, on aurait pu maintenir un certain nombre de personnes à l'intérieur des services pour qu'elles fassent simplement ce qu'elles faisaient auparavant : la maintenance ! J'en veux pour preuve la gabegie qui règne - pour prendre un exemple qui me vient à l'esprit - au service du tuteur général, où des ordinateurs sont posés sur les bureaux des assistants sociaux ou des comptables, mais ne sont pas branchés, et cela depuis une année, voire deux ans. Ce n'est pas la nomination d'un chef qui va résoudre ce problème de maintenance !

Aujourd'hui, on nous dit qu'il suffit de nommer un chef et d'améliorer la communicabilité entre les informaticiens... On croit rêver ! En fait, le problème réel qui se pose, c'est de tenir compte des besoins des services - notamment de l'administration fiscale - de répondre à ces besoins et de faire marcher les machines qui ont été achetées, avant qu'elles soient désuètes ! En l'occurrence, c'est ce qu'on vient de nous dire au service du tuteur général : ces machines, qui n'ont jamais été branchées, sont aujourd'hui désuètes et il faut les remplacer par un nouveau système, de nouveaux ordinateurs qu'on va aller chercher à Neuchâtel. Il y a là une gabegie qui continue, voilà pourquoi nous tenons à dire haut et fort que nous sommes insatisfaits de ce rapport. Nous allons voter la motion, car elle ne mange pas de pain, mais nous estimons déplorable le travail qui a été fait et déplorable la manière dont est gérée la problématique de l'informatique à l'Etat. 

M. Pierre Ducrest (L). Nous reparlons donc d'informatique ! Chaque fois que nous abordons ce sujet dans ce parlement, nous entendons dire que la machine ne fonctionne pas et c'est vrai : il faut reconnaître qu'elle fonctionne mal.

On peut évidemment refaire l'historique de l'informatique de l'Etat. Si l'on se reporte vingt ans en arrière, on constate que les balbutiements étaient les mêmes pour les entreprises privées et que les choix qui ont été faits, s'ils ont peut-être été malheureux à l'Etat, l'ont aussi été dans beaucoup d'entreprises privées. Mais voilà, la différence, c'est que les entreprises privées doivent fonctionner pour assurer leur survie ! L'Etat devrait faire de même. Il essaie tant bien que mal, notamment à l'AFC, pour laquelle notre parlement a voté récemment une somme de 18,2 millions en vue d'améliorer les systèmes informatiques, qui sont primordiaux dans ce service, puisque c'est grâce aux impôts que l'Etat peut en grande partie fonctionner.

Cette motion est intéressante, car elle soulève différents problèmes, mais beaucoup de réponses ont déjà été données dans le cadre de la sous-commission informatique des finances. Treize questions avaient été posées ; certaines n'étaient plus d'actualité, d'autres ont trouvé des réponses. Et si nous n'avons pas toutes les réponses, il faut regretter ici que la commission n'ait pas daigné auditionner Mme Brunschwig, qui chapeaute le tout, car nous aurions pu avoir, Monsieur le rapporteur, des réponses au poil..., au poil qui se hérisse chez les députés de temps en temps ! Cette audition n'a pas eu lieu, c'est regrettable, car nous aurions pu avoir, à part les questions soulevées par cette motion, certaines réponses immédiates sur ce qui allait être fait.

Ce soir, il faut renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, car une de ses invites est primordiale, à savoir celle qui dit en substance que le Conseil d'Etat sera chargé de faire un rapport annuel sur l'informatique de l'Etat, de sorte que les députés qui dans le futur devront encore voter des crédits sachent où passe l'argent ! 

M. Roger Beer (R). Bien sûr, comme l'a dit M. Ducrest, lorsque nous parlons informatique le débat est très difficile dans ce Grand Conseil. Il y a d'une part les personnes qui, par principe, trouvent que l'informatique ne marche pas, et il faut avouer que certains éléments dont on parle alimentent cette opinion. Puis, il y a les autres, plus positifs, qui essaient de donner un coup de main à l'administration pour que les choses avancent...

M. Claude Blanc. Un coup de pied !

M. Roger Beer. Je ne sais pas à qui il faut donner un coup de pied, Monsieur Blanc !

Il est vrai qu'au début cette motion était extrêmement provocatrice. Les travaux de la commission, contrairement à ce que dit M. Pagani, ont été extrêmement instructifs et positifs. Monsieur Pagani, je comprends bien que vous les trouvez nuls, déplorables, mais ce que je regrette, c'est que votre délégué à la sous-commission ne soit jamais venu aux séances ! Alors, soit il ne comprend rien à l'informatique, soit cela ne l'intéresse pas, soit vous aviez préparé votre discours avant... Quoi qu'il en soit, c'est évidemment dommage !

Je vous avouerai que je ne suis en tout cas pas informaticien, mais c'est justement pour cette raison que nous devons nous renseigner. A cet égard, nous avons fait du bon travail en commission et je dois dire que le rapport de M. Nissim et son long exposé préliminaire relatent parfaitement l'ambiance dans la sous-commission. Nous sommes effectivement dans une situation difficile, due au passé, à l'époque où certaines personnes ont été nommées, où l'informatique a totalement dépassé le monde politique et où des gens - parlez de baronnie, on pourrait parler de roitelets - ont fait ce qu'ils pensaient être bien. Chacun l'a fait dans son coin, sans aucune coordination et les directions étaient peut-être erronées. Aujourd'hui, il s'agit de corriger cette situation. Nous arrivons à cette constatation sans doute un peu tardivement, nous y arrivons au moment où se pose en outre la problématique de l'an 2000. Mais finalement c'est le seul constat qu'on puisse faire, on ne peut que constater ce qui s'est fait ces dix dernières années, tout ce que cela a déjà coûté, ainsi que le fait que nous avons dû voter encore 50 millions l'année dernière.

Cela dit, j'ai effectivement l'impression qu'une volonté politique se dessine pour nommer un chef, pour avoir une idée très précise de ce qui se passera, pour savoir, avant d'écouter toutes les demandes des fonctionnaires, où le Conseil d'Etat veut aller et à quoi doit correspondre l'informatique de l'Etat. Je suis donc optimiste, même si cela nous coûtera encore de l'argent, bien sûr. Je vous rappelle que, lorsque le Grand Conseil et notamment son Bureau ont décidé d'informatiser les cent députés, dans leur immense diversité, il a fallu six mois pour que le projet soit compris, accepté, voté et entre en vigueur. Aujourd'hui, après une année et demie, 85% à 90% des députés utilisent les outils informatiques mis à disposition. C'est bien la preuve que, lorsqu'une volonté claire existe, que la mission est claire, on atteint les objectifs. Cela a marché avec l'informatique des députés, je suis persuadé que cela doit marcher avec l'informatique de l'Etat.

C'est pour cette raison que le groupe radical suivra les invites de cette motion revisitée, comme le dit M. Nissim. Nous espérons avoir très rapidement un rapport clair sur ces différentes questions de la part du Conseil d'Etat. 

Mme Marianne Grobet-Wellner (S). Le groupe socialiste salue l'esprit constructif de la motion revisitée. L'informatique est l'outil de travail de l'ensemble de l'administration, sous forme de bureautique, base de données et communication. Après des années de bagarre, nous avons aujourd'hui un peu plus de transparence, indispensable pour pouvoir résoudre les problèmes.

Cela dit, la centralisation totale n'est pas non plus la réponse aux petits fiefs incontrôlés avec absence de perspectives. Comme M. Pagani, je suis également très sceptique sur le fait que la solution est à trouver dans la nomination d'un grand chef. Elle serait peut-être dans la nomination d'un coordinateur, ou d'un chef d'orchestre comme l'a dit M. Nissim. Il faudrait une informatique de proximité, coordonnée avec le CTI, comme par exemple celle de l'AFC. C'est la raison pour laquelle nous soutenons cette motion revisitée. 

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur. En deux mots, je voudrais répondre à M. Ducrest qui disait que la sous-commission n'avait jamais invité Mme Brunschwig. Il faut dire, Monsieur Ducrest, que, pendant les six mois où nous avons travaillé, Mme Brunschwig n'a jamais demandé à être entendue. Elle l'a effectivement demandé, par la voix de M. Taschini, après la fin de nos travaux, mais c'était malheureusement trop tard - il y a eu là un petit problème de messagerie... Quoi qu'il en soit, elle n'a jamais été entendue, c'est un fait et je le regrette comme vous.

Je constate toutefois que ce matin, au moment où le Grand Conseil discute des orientations à prendre pour l'informatique de l'Etat, Mme Brunschwig, présidente du CATI, est absente. La représentante du Conseil d'Etat est Mme Micheline Calmy-Rey, qui a créé son propre service informatique - l'OSI - dont nous apprenions avant-hier en commission des finances que ses informaticiens ne participent même plus aux réunions du CATI, ce qui pose un autre problème. Cela pour dire, Monsieur Ducrest, qu'un des problèmes essentiels, à mon avis, est que le Conseil d'Etat ne suit pas ce dossier dans son entier. Il délègue à une conseillère d'Etat le soin de s'occuper de ces problèmes et c'est absolument insuffisant. Il faudrait justement, là aussi, une structure transversale, que l'ensemble du Conseil d'Etat prenne la peine de s'informer sur ces problèmes qui sont essentiels et que l'ensemble du Conseil d'Etat prenne des décisions, et pas seulement Mme Brunschwig. 

M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Effectivement, l'informatique est un domaine difficile, d'autant plus difficile qu'il doit s'intégrer dans une entité, l'Etat, qui est une grosse machine. Cela dit, je suis étonné qu'on puisse mélanger deux choses distinctes. D'une part, il y a ce que l'on pourrait appeler l'outil, la machine, qui fonctionne très bien et ne pose pratiquement aucun problème. D'autre part, il y a les utilisateurs et les structures qui eux posent certains problèmes. Je crois qu'il ne faut pas confondre les deux choses, d'autant qu'aujourd'hui, sans informatique, nous serions dans un chaos total. Maintenant, la situation est effectivement difficile et j'aimerais ici remercier M. Nissim pour son rapport et les explications qu'il vient de nous donner, qui me semblent très positifs et constructifs, contrairement aux dires de M. Pagani. En l'occurrence, je relève que l'Alliance de gauche n'était pas présente aux séances de commission et, si je comprends vos propos, Monsieur Pagani, je vous suggère de venir aux séances, ce qui vous permettra de suivre les travaux et les débats !

J'aimerais quand même rappeler que par le passé l'informatique de l'Etat était véritablement chaotique, qu'elle était complètement décentralisée, que chacun avait sa politique d'achat, sa politique d'outils, sa politique de réseau, et qu'on se trouvait devant un grand patchwork qui empêchait évidemment la communication entre services, entre départements. Il y a eu ensuite une première démarche, qui me semble tout à fait positive, consistant à tenter de centraliser. Alors, on est peut-être allé trop loin dans la centralisation, puisque le CTI est maintenant une immense machine qui représente plus de 300 informaticiens. Et on sait que les informaticiens sont comme les architectes ou les avocats : chacun a son idée et, avant que tout le monde soit d'accord, un certain temps s'écoule et cela peut créer également le chaos ! Mais, en tout cas, en sous-commission nous avons pu constater qu'il y a énormément de compétences au sein de l'Etat, M. Nissim l'a rappelé à propos de la division télécomms par exemple. Nous avons auditionné M. Gilliéron et il est vrai que les compétences existent, qu'elles sont indiscutables.

Je crois que l'immense avantage de cette centralisation a été de définir effectivement une stratégie commune, de mettre en place une politique commune, permettant que tout le monde tire à la même corde sur un plan stratégique. On le voit par exemple dans la politique d'achat du matériel informatique, qui fonctionne très bien. Par contre, cette centralisation a un gros inconvénient, c'est que le CTI est une immense machine un peu à l'écart de la problématique de terrain, qui manque de proximité avec l'utilisateur. C'est un constat que nous avons tous fait et le rapport qui nous a été communiqué lors de la dernière séance de la sous-commission montre que les maîtres d'ouvrage avaient clairement défini le mal, à savoir un manque de proximité entre ce fameux CTI, cette grosse machine, et l'utilisateur. Il y a donc une solution intermédiaire à trouver aujourd'hui, une solution qui passera probablement toujours par une vision stratégique de l'ensemble de la politique informatique de l'Etat, et là je rejoins M. Nissim. Il parle d'un administrateur ou d'un chef ; quant à moi je pense qu'il faut un patron de l'informatique et qu'on arrivera ainsi à prendre de véritables décisions, à avancer. Il faudra également rester à l'écoute des maîtres d'ouvrage - car ce sont eux qui sont sur le terrain, dans les différents départements - tout en décentralisant une partie de ces informaticiens dans les différents départements pour qu'ils soient proches des applicatifs.

Je crois qu'on aboutira ainsi à terme à plus d'efficacité. Simplement, cela ne peut pas se faire instantanément car, encore une fois, c'est une immense machine. Mais ce système fonctionne très bien au niveau du département des finances et de l'administration fiscale : il y a là un maître d'ouvrage particulièrement efficace, que nous avons rencontré à plusieurs reprises, une équipe qui paraît aussi efficace et les choses avancent. Il n'y a donc pas de raison que les autres départements ne puissent aller dans le même sens et c'est pourquoi le parti démocrate-chrétien appuie cette proposition de motion. Il soutient l'informatisation de l'Etat, y compris M. Blanc qui, même s'il hoche la tête, est tout à fait d'accord avec la position de son groupe ! Nous sommes certains qu'avec les réponses que nous donnera le Conseil d'Etat nous pourrons avancer dans la bonne direction. 

M. Christian Brunier (S). Lorsque nous voulons améliorer un service, nous devons commencer par avoir de la pondération et éviter d'insulter tout le monde ! En déclarant que c'est la gabegie totale, on ne fait vraiment pas preuve de pondération et on ne reconnaît pas les bons côtés - il y en a, certains les ont relevés - de l'informatique de l'Etat. Je pense à l'informatisation du Grand Conseil, ou à ce qui se passe actuellement au niveau des informatiques publiques au sein du SITG : je crois que ce sont là des bons points et il faut les souligner. Nous devons motiver les gens et ce n'est pas en condamnant unanimement et violemment l'informatique de l'Etat que le Grand Conseil va motiver les informaticiennes et informaticiens de l'Etat.

Maintenant, il y a aussi un certain nombre de dysfonctionnements et il ne faut pas les nier non plus. Ces dysfonctionnements ont deux sources majeures. Une source, inhérente à l'informatique d'aujourd'hui et qui n'a rien à voir avec le privé ou le public - le privé connaît le même problème. Les architectures informatiques sont de plus en plus complexes et de moins en moins fiables ; on améliore la technologie mais la fiabilité baisse. Là, l'Etat ne fait pas exception et nous aurons de la peine à trouver une solution purement destinée à l'Etat. Par contre, à la deuxième source de dysfonctionnements que sont les luttes de personnes, nous avons un certain nombre de moyens à opposer. Des pistes ont été citées. Je ne crois pas qu'il faille un patron ou un chef : il faudrait plutôt un fédérateur, un dynamiseur, quelqu'un qui redonne confiance aux informaticiennes et informaticiens de l'Etat. Reste à savoir si on peut trouver cette personne miracle et si on peut la payer, parce que les personnes miracles en informatique qui ont l'âme de leader coûtent aujourd'hui excessivement cher, trop cher, le marché est très tendu et ce ne sera pas facile de trouver la personne idéale pour ce poste.

Par ailleurs, il y a bien entendu une révision de l'organisation à faire. L'informatique était complètement décentralisée - je caricature un peu - nous en sommes venus à une informatique totalement centralisée. Il est certain qu'idéalement il faudrait centraliser l'informatique transversale, qui intéresse tous les services, et décentraliser tout ce qui est opérationnel, particulier dans chaque département. Ce n'est pas facile à faire et cela demande une grande coordination et donc une entente entre les différents acteurs de l'informatique de l'Etat.

Maintenant, une troisième piste, que nous avons peu évoquée ou pas du tout évoquée, est la clé des moyens. Il s'agit d'établir à l'intérieur de l'Etat des rapports clients-fournisseurs entre les départements et l'informatique. A cet égard, je pense que les moyens financiers liés aux projets informatiques devraient être décentralisés dans les départements, que la direction des projets devrait aussi être décentralisée dans les départements et qu'un rapport client-fournisseur entre les informaticiens et les départements devrait s'établir. Mais là, je crois qu'on s'attaque à un autre genre de baronnies, qui ne sont pas celles qui existent au sein de l'informatique de l'Etat mais bien au sein du Conseil d'Etat ! 

Mme Micheline Calmy-Rey. Je voudrais commencer en excusant l'absence de ma collègue Martine Brunschwig Graf, qui est la cheffe de l'informatique de l'Etat de Genève, retenue aujourd'hui à Porrentruy.

Cela étant, je réponds au nom du Conseil d'Etat. Je réponds, d'une part parce que le département des finances a un certain nombre de responsabilités en matière informatique - entre autres depuis que vous avez voté un crédit de 18 millions pour l'informatique de l'AFC - et qu'il dispose d'applications stratégiques pour l'Etat de Genève, en particulier les applications concernant l'administration fiscale cantonale, le service des paies, la comptabilité générale, le budget de l'Etat. D'autre part, parce que le département des finances a un intérêt à ce que l'informatique de l'Etat fonctionne bien et à ce que ses relations avec le centre des technologies de l'information soient bonnes.

Le département des finances et l'administration fiscale cantonale en particulier ont été confrontés, vous le savez, à des dysfonctionnements informatiques majeurs. Je vous avoue avoir connu certains moments d'angoisse face à l'ampleur des problèmes à résoudre et surtout devant les conséquences possibles de ces dysfonctionnements, en particulier sur les recettes fiscales. Des applications disparates, vieilles, qui ne communiquaient pas entre elles, des fichiers peu fiables, des incidents fréquents, pas d'informaticiens maison pour aider les gens de métier à prendre des décisions, toutes les ressources humaines ayant été centralisées au centre des technologies de l'information : voilà le premier problème auquel nous avons été confrontés. A cet égard, notre démarche a été double et je pense intéressant de la relater ici, puisque M. le rapporteur a bien voulu dire qu'un certain nombre de progrès avaient été faits du côté de l'administration fiscale. Ces pistes peuvent être intéressantes pour vous.

Notre démarche a donc été double : sur le plan métier, nous nous sommes efforcés de nous donner l'appui nécessaire pour définir nos besoins et pour renforcer notre capacité de décision. Sur le plan structurel, nous avons tenté et nous tentons toujours d'organiser de façon correcte, raisonnable et efficace les relations avec le CTI. Ces constats de nécessité nous ont conduits à créer un service, organisation et systèmes d'information, au sein du département des finances, directement rattaché à la présidence du département.

La première tâche de ce service a été une tâche qui n'a pas été évoquée jusqu'ici de façon explicite, à savoir l'assistance à la maîtrise d'ouvrage : aider à l'expression des besoins métier, savoir quels sont les besoins des utilisateurs de l'informatique, les organiser, suivre les projets, assurer le contrôle de la gestion informatique. Pour ce faire, l'administration fiscale cantonale s'est engagée dans une voie nouvelle qui est la voie de la démarche participative. Nous avons passé d'un management hiérarchique à un management participatif, par projet, basé sur la coopération, sur le partage des compétences, sur les relations et la formalisation de ces relations entre les services et entre les personnes, dans le but de décloisonner les services, dans le but de limiter très précisément les projets afin de pouvoir les suivre et les évaluer en fin de course. Cette organisation fonctionnelle repose sur des processus ; c'est quelque chose de neuf qui pour l'instant fonctionne bien. Les résultats sont positifs, non sans mal, non sans difficultés, mais cela fonctionne bien et permet en tout cas l'expression des motivations et des besoins de la part des utilisateurs.

L'autre objectif donné au service porte sur le dialogue avec le CTI, thème que vous avez tous abordé jusqu'ici. Il s'est agi pour nous de nous assurer la détention des moyens financiers - que le Grand Conseil a accordés à l'administration fiscale grâce au vote des 18 millions auquel j'ai fait allusion tout à l'heure - mais il s'est agi aussi de nous assurer la maîtrise des ressources humaines : clairement, le rattachement fonctionnel au département des finances des informaticiens qui travaillent sur les projets du département, pendant la durée d'exécution des projets, le but étant de s'assurer de mener à terme les projets avec les gens compétents, avec les ressources nécessaires et à notre rythme. Ce rattachement fonctionnel des ressources informatiques nous permettra de travailler avec le CTI, comme avec toutes les sociétés de prestations. Le client, c'est-à-dire nous, avons la garantie du résultat ; le fournisseur sait quelles sont les prestations qu'il doit fournir au client, sait dans quel délai et à quel prix ces prestations sont mises à disposition. Pour formaliser cette démarche, nous mettons au point des plans assurance qualité qui régleront nos relations avec le CTI. Ces plans d'assurance qualité sont prévus pour l'administration fiscale cantonale, pour les projets de l'OP, service des paies, pour la comptabilité générale et le budget, c'est-à-dire pour des services stratégiques pour l'Etat de Genève.

En conclusion, il y a donc un certain nombre de pistes possibles, qu'il s'agit d'inventorier. D'une façon générale, je dirai que l'organisation informatique est relativement récente, en tout cas sa centralisation est relativement récente, qu'effectivement elle s'est heurtée à certaines réticences, à certains problèmes, mais que les structures se mettent gentiment en place aujourd'hui, qu'elles se stabilisent et que certains services fonctionnent très bien, ils ont été cités. Il faut donc encourager les gens de ces services et non les démoraliser en disant que tout va mal. Aujourd'hui, des priorités sont définies par le CTI. Je suis consciente et nous sommes conscients au sein du Conseil d'Etat qu'il reste encore beaucoup de chemin à parcourir et dans ce sens je voudrais remercier la sous-commission informatique pour le travail qu'elle a fait, car les questions qu'elle pose au Conseil d'Etat nous permettront de faire le point et de nous engager éventuellement, en répondant à ces questions, dans des voies quelque peu différentes, voire nouvelles. 

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1205)

sur l'avenir de l'informatique de l'Etat

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:

Les rapports alarmants publiés sur les dysfonctionnements informatiques, structurels et organisationnels de l'Etat de Genève, en particulier mais pas seulement au département des finances

L'urgence incontournable des problèmes liés au passage à l'an 2000

invite le Conseil d'Etat

à préciser dans un rapport annuel compréhensible et clair l'état des lieux de l'informatique de l'état.

à proposer, dans le même rapport, des solutions, notamment la liste des protocoles et des moyens de communication communs, (livre blanc, projet fédération, rapport de l'ICF sur le CTI)

à améliorer progressivement la communicabilité entre les services et l'ouverture de ceux-ci sur le monde extérieur (internet). Le rapport comprendra également un échéancier et des coûts prévisionnels sur 4 ans, pour l'ensemble de l'informatique de l'état de Genève.

à définir clairement une répartition des tâches entre le CTI et les départements. (Qui maîtrise les ressources financières, les ressources humaines, qui définit les priorités, quelle relation clients-fournisseurs ?)

 

Le président. Nous passons maintenant, comme nous l'avons décidé, aux interpellations 2012, 2009, 2010 et 2013 concernant les squatters.