République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1208
10. Proposition de motion de Mme et MM. Geneviève Mottet-Durand, Jean-Claude Dessuet, Jean-Pierre Gardiol et Bernard Annen concernant l'octroi d'une carte TPG gratuite aux chômeurs. ( )M1208

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

- que l'assurance-chômage a notamment pour but la réinsertion professionnelle des personnes au chômage ;

- que celles-ci doivent, pour des raisons d'ordre psychologique autant qu'économique, retrouver au plus vite un emploi ;

- que les transports en commun sont vides durant les heures creuses ;

- que les TPG, qui perçoivent une subvention annuelle de l'Etat d'environ 120 millions de francs, ne supporteraient pas de frais supplémentaires en permettant l'utilisation gratuite desdits transports en commun, pendant ces heures creuses, aux personnes au chômage complet,

invite le Conseil d'Etat

- à étudier l'octroi d'un abonnement TPG, gratuit, aux personnes au chômage. Cet abonnement, nominatif, serait attribué et renouvelé mensuellement contre présentation de justificatifs. Sa validité porterait sur tout le réseau TPG, les jours ouvrables, durant les périodes creuses(9 h-11 h 30 et 14 h 30-16 h 30).

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le chômage est un fléau qui touche toutes les catégories sociales, tous les milieux, toutes les familles.

Tant la Confédération que le canton ont mis en place divers systèmes afin d'aider les personnes au chômage complet.

Il est impératif qu'elles ne deviennent pas - et ne se considèrent pas - des parias.

Pour cela, il convient de les aider à retrouver, au plus vite, un véritable emploi. Les divers textes législatifs insistent, au reste, sur l'obligation de ceux qui perçoivent des prestations de chômage, de rechercher un travail ; encore faut-il qu'ils ne soient pas découragés - ils le sont suffisamment par ailleurs - par le coût des déplacements en TPG.

Or, on constate que durant les heures creuses des jours ouvrables, soit environ de 08 h 30 à 11 h 30 et de 14 h 30 à 16 h 30, les transports en commun sont (quasiment) vides. Le fait que ces places inoccupées puissent être utilisées gratuitement par des chômeurs n'augmenterait en rien les charges des TPG, étant entendu qu'un léger manque à gagner est indéniable. Comme, en outre, l'Etat verse une subvention annuelle d'environ 120 millions de francs aux TPG, il est bien normal que ceux-ci participent à la défense de l'économie cantonale.

Pourquoi pas par l'octroi d'une carte TPG nominative gratuite permettant aux chômeurs de sortir de chez eux afin d'aller chercher un emploi ?

Aidons les personnes bénéficiant des indemnités fédérales au titre de la LACI du 25 juin 1982, ou bien, après avoir épuisé leur droit à ces indemnités fédérales, des prestations complémentaires cantonales au titre de la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983, soit encore celles en fin de droit fédéral et cantonal qui reçoivent un revenu minimum cantonal d'aide sociale.

Nous laissons le soin au Conseil d'Etat d'apprécier si cette aide doit être limitée ou non. Par exemple, il y aura lieu d'exclure de cette mesure les chômeurs ayant obtenu :

- soit un encouragement pour une activité indépendante (indemnités spécifiques, LACI article 71 a et suivants) ;

- soit une allocation de retour en emploi puisqu'ils perçoivent un salaire de leur employeur (LMC, article 30 et suivants).

Une différence, nous semble-t-il, existe en effet par rapport aux bénéficiaires soit d'un stage professionnel de réinsertion ou d'une occupation temporaire qui doivent poursuivre leurs recherches d'emploi (RLMC, respectivement articles 30 et 49), soit du revenu minimal cantonal d'aide sociale, astreints à la même condition (Loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit, article 12).

Au vu de ce qui précède, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à réserver un bon accueil à cette motion et à l'envoyer au Conseil d'Etat.

Débat

M. Bernard Annen (L). Mesdames et Messieurs les députés, avant d'essayer de vous convaincre, j'ai dû avant tout convaincre le groupe des libéraux !

C'est un double constat qui les a convaincus. Un constat de rationalisation, d'abord : il faut se rendre compte que les TPG ne sont pas pleins pendant un certain nombre d'heures; il y a encore de la place à utiliser !

Deuxième constat : notre Conseil d'Etat donne une subvention de plus de 120 000 millions - y compris les amortissements - aux TPG.

Il était donc facile de franchir le pas en liant la rationalisation et l'aide accordée pour pouvoir, à notre tour, donner un petit coup de pouce à une catégorie de nos concitoyens directement touchés par le chômage.

Certes, j'ai déjà entendu certaines phrases et je m'attends à certains qualificatifs ! M. Lescaze se régalera peut-être en nous traitant de démagogues, d'hypocrites, nous accusant de faire un coup de pub pour nous donner bonne conscience. Peu importe ! Ces quolibets me laisseront complètement froid, pourvu que le résultat soit là.

Et celles et ceux qui refuseront cette motion ne pourront être à mes yeux que des doctrinaires ou des revanchards.

M. René Ecuyer (AdG). Notre groupe accueille favorablement et avec intérêt la motion proposée, du moment qu'elle va dans le sens d'une politique d'encouragement à l'utilisation des transports publics.

Par contre, nous allons vous suggérer un amendement qui consiste à supprimer, dans la dernière phrase de l'invite, les termes : «...durant les périodes creuses (9 h-11 h 30 et 14 h 30 - 16 h 30).»

Ce n'est pas sérieux ! Cela créerait des citoyens-voyageurs de seconde classe qui payeraient à 6 h et non à 4 h ! Et comment faire respecter ce genre de restrictions ? Nous ne pouvons pas accepter ce principe et sommes pour la levée du couvre-feu !

M. Pierre-Alain Champod (S). Le groupe socialiste a été pour le moins surpris en lisant le contenu de cette motion.

Première surprise : en décembre dernier les motionnaires soutenaient l'AFU sur le chômage, affirmant que les chômeurs pouvaient supporter une réduction de 3% de leurs revenus. Or 3% sur un revenu d'environ 2 800 F représentent l'équivalent d'un abonnement de bus. Nous sommes tout de même satisfaits de constater qu'aujourd'hui les libéraux reconnaissent que les chômeurs ont un revenu modeste, puisqu'ils proposent de leur octroyer une aide.

Deuxième surprise : alors que le discours libéral prône l'aide ciblée, dans ce cas-là, ils sont d'accord d'offrir un abonnement de bus même aux chômeurs dont le conjoint a un revenu annuel de plus de 97 200 F.

Troisième surprise : les libéraux sont prêts à accorder un abonnement TPG à seize mille chômeurs, ou vingt mille si l'on considère l'ensemble des demandeurs d'emploi inscrits à l'office cantonal de l'emploi et non seulement ceux qui sont indemnisés par la caisse de chômage. Cela représente tout de même une dépense d'environ 14 à 16 millions, selon le groupe pris en considération.

Le groupe libéral demande bien sûr aux TPG d'offrir cette prestation gratuitement, alors que, par exemple, l'Etat paie pour les personnes au bénéfice de l'OCPA qui reçoivent un abonnement.

La quatrième surprise est une mauvaise surprise : les libéraux inventent une nouvelle catégorie d'usagers des TPG. Ceux qui ne peuvent utiliser les transports publics qu'à certaines heures de la journée. Cette discrimination est choquante et inadmissible. Ainsi rédigée, le groupe socialiste ne peut pas accepter cette motion. En revanche, si l'amendement proposé par M. Ecuyer est adopté par ce Grand Conseil, nous l'accepterons.

Mesdames, Messieurs les libéraux, soit vous accordez la gratuité des TPG aux chômeurs soit vous ne l'accordez pas ! Mais vous ne créez pas de statut discriminatoire ! En présentant cette motion, vous n'êtes pas crédibles : vous prétendez vous préoccuper des difficultés financières des chômeurs après avoir soutenu, voilà six mois, une diminution de prestations à ces mêmes chômeurs. Je suis sûr que dans les mois à venir les libéraux vont soutenir des propositions qui seront faites à Berne visant à diminuer les prestations accordées aux chômeurs.

Il est préférable que chacun ait de quoi vivre, payer son logement, sa nourriture et ses transports, plutôt que d'octroyer des aides telles qu'un abonnement TPG au rabais après avoir restreint les revenus.

M. Bernard Clerc (AdG). Vous me permettrez - une fois n'est pas coutume - d'être un peu en désaccord avec mon propre groupe.

Le parti libéral préfère la charité à la justice sociale, c'est son droit et cela fait partie de ses orientations, mais, évidemment, je n'y souscris pas.

M. Champod l'a rappelé, le parti libéral était favorable à une baisse des indemnités versées aux chômeurs correspondant grosso modo au prix d'un abonnement TPG mensuel. Lors des discussions sur le revenu minimum des chômeurs en fin de droit, ce parti a refusé nos amendements destinés à relever ce revenu au-delà des normes d'assistance. Et lorsque nous avons débattu de l'emploi temporaire, ce même parti a fixé un plafonnement aux salaires de ces emplois.

Il est, bien sûr, beaucoup plus confortable et agréable de proposer par la suite une motion pour offrir un abonnement TPG à ces pauvres chômeurs... Cela nécessitera des justificatifs, des contrôles, une augmentation des tâches administratives, toutes formes de «prestations» de l'Etat qui ne nous semblent pas particulièrement productives.

Mais, surtout, nous allons dans le sens d'une stigmatisation des pauvres; à ce propos, j'aimerais évoquer un souvenir personnel, Mesdames et Messieurs les libéraux. Dans mon enfance, je faisais partie des bénéficiaires des magasins à prix réduits de la Ville de Genève...

Une voix. Moi aussi !

M. Bernard Clerc. Je ne suis donc pas le seul dans cette assemblée ! Je ne connais pas les sentiments des autres bénéficiaires, personnellement, je préfère pouvoir gagner correctement ma vie, sans avoir besoin de me rendre dans ces magasins pour pauvres.

Mesdames et Messieurs les députés, chacun doit avoir droit à un revenu qui lui permette de vivre décemment et d'assurer l'ensemble de ses besoins, y compris ses frais de transport. Je m'abstiendrai sur cette motion.

M. Bernard Lescaze (R). Pour ma part, je ne m'abstiendrai pas et je voterai contre cette motion qui sent la démagogie à plein nez !

Il n'y a pas deux heures, on venait plaider ici avec force en faveur d'une baisse des impôts. Maintenant, on veut une augmentation des dépenses ! On se plaignait des déficits grandissants et on demandait plus d'austérité. Maintenant, on veut tout à coup ouvrir les robinets. Cela n'est pas particulièrement réaliste.

Mesdames et Messieurs les députés libéraux, vous voulez aider une catégorie défavorisée, mais avez-vous songé que la catégorie la plus défavorisée de la population est celle des mères de famille monoparentale, parfois d'origine étrangère, qui travaillent durement quarante heures par semaine ou plus ? Pour ces femmes qui se heurtent à de sérieuses difficultés économiques, vous n'avez rien proposé !

Vous étiez contre les allocations familiales pour indépendants. Maintenant, vous proposez de nouvelles prestations, certes modestes, mais assorties d'une discrimination incroyable, justement relevée par plusieurs des préopinants. Ainsi, les bénéficiaires de votre cadeau ne pourraient utiliser les transports publics qu'à certaines heures. Peut-être devraient-ils, pour être plus rapidement repérés et éviter les contrôles administratifs, porter un petit badge, rouge, vert...

Une voix. Jaune !

M. Bernard Lescaze. Ou jaune, bien entendu ! Je laissais quelqu'un d'autre le signaler.

Ce genre de motion n'a véritablement rien à faire dans un Grand Conseil qui se veut malgré tout ouvert aux besoins de la population, mais conscient des difficultés actuelles de notre Etat.

Il ne s'agit ni d'ironie ni de sarcasmes. C'est la stupéfaction de voir des députés appartenant à un parti connu pour sa rigueur manquer à la fois de rigueur, de réflexion et de solidité. Que vouliez-vous ? Nous faire voter contre votre motion pour pouvoir vous vanter d'avoir voulu faire quelque chose pour les chômeurs, alors que nous, nous nous y refusons... Oui, nous refusons, car vous essayez en réalité de nous tendre un piège, mais nous n'y tomberons pas ! (Applaudissements.)

M. David Hiler (Ve). Beaucoup de choses sensées ont déjà été dites soit par le député Bernard Clerc...

Une voix. Une fois n'est pas coutume !

M. David Hiler. ...soit, une fois n'est pas coutume également, par Bernard Lescaze. (Rires.)

Une voix. Comme historien, tu ne vaux pas plus !

M. David Hiler. Pas moins non plus ! (Brouhaha.)

En revanche, la question suivante est importante : pour quelle raison accorderait-on un tarif préférentiel ? A l'évidence, à cause du montant du revenu. On peut souhaiter que la question ne se pose pas, mais nous admettrons qu'elle se pose aujourd'hui, car l'étiquette «chômeur», à elle seule, ne nous dit rien.

Les propos de Bernard Lescaze étaient parfaitement exacts, il faut en être conscient : dans ce canton, beaucoup de gens travaillant à temps partiel ou à plein temps ont des revenus inférieurs à ceux de certains chômeurs...

M. John Dupraz. Les paysans, par exemple !

M. David Hiler. Monsieur Dupraz, si vous voulez vraiment un abonnement pour votre famille - si celui offert par le Grand Conseil ne vous suffit pas - nous sortirons notre porte-monnaie !

Le président. Vous vous adressez à l'assemblée, Monsieur le député !

M. David Hiler. Mais je m'adresse à l'assemblée par le biais de M. Dupraz qui en est un représentant qualifié ! (Rires.)

Cette question est vraiment importante, car la catégorie «chômeur» ne nous donne a priori aucune indication sur le revenu. Elle indique seulement la propension à un revenu inférieur, et non que l'ensemble des gens appartenant à ce statut n'aient pas les revenus nécessaires pour l'achat d'un abonnement. Au contraire, la plupart en ont heureusement les moyens grâce à notre assurance-chômage qui tient la route, dans son ensemble, mais ce n'est certes pas dû aux efforts des motionnaires.

Il est nécessaire de poser ces questions qui reviendront au sujet des tarifs AVS. Avec la généralisation du deuxième pilier, une partie de la population âgée aura des revenus très confortables, c'est enregistré statistiquement dans de nombreux pays. Les notions discriminantes, «âge», «ne travaillant pas» ou «monoparental», ne donneront pas d'information. Il faudra donc bien se mettre à réfléchir à d'autres manières d'apporter de l'aide à ceux qui en ont besoin.

En conséquence, nous vous proposons de renvoyer cette motion en commission...

Une voix. De grâce !

M. David Hiler. En tout cas pas à la commission des transports ! Oui, c'est la commission de grâce pour le fond, mais pour la forme, il s'agit bien de la commission de l'économie ou de la commission sociale si nous voulons élargir le débat.

Bernard Lescaze a posé la vraie question. Nous devons être moins paresseux dans la définition des critères, considérer qu'il existe déjà un système global d'aide sociale, et choisir de donner de manière générale l'aide nécessaire à ceux qui en ont besoin.

Pour conclure, il est préférable de disposer d'un revenu minimum d'existence permettant aux gens d'acheter leur carte à plein tarif, et de supprimer l'ensemble des faveurs, sauf celles traditionnellement destinées aux enfants...

Le président. Et aux députés !

M. Albert Rodrik (S). Il y a dans cette motion deux mots clés. Le premier, «chômeur», a été bien traité, en particulier par notre chef de groupe. C'est du deuxième, des «TPG», que j'aimerais parler.

A mon avis, il y a là une trouvaille pour casser les reins des TPG, entreprise publique, qui a de grands frais d'investissement. Mais ça ne fait pas bien dans le tableau qu'une entreprise publique ait de bonnes finances et se tienne bien... Peut-être au bénéfice du «tout bagnole» au sujet duquel on ne cesse d'exprimer des regrets.

Dans cette affaire, il ne faut pas oublier qu'on joue avec la santé financière des TPG. J'aimerais dire très amicalement à nos amis libéraux que si je vote le renvoi en commission, c'est bien par discipline. En plus de ce que les préopinants ont dit sur les chômeurs, cette atteinte au bon fonctionnement d'une entreprise publique ne me plaît pas beaucoup.

M. Bernard Annen (L). Je vous avais annoncé la couleur ! (Exclamations.)

Une voix. Quelle couleur ?

M. Bernard Annen. Si M. Rodrik est d'avis que seuls les chômeurs peuvent sauver l'avenir financier des TPG, il me fait vraiment du souci. Il a dû se tromper de débat !

Je me réjouis des propos tenus et d'en débattre en commission. Néanmoins, je suis frappé qu'une proposition finalement minime puisse provoquer une telle animosité et des réactions aussi virulentes... (Remarque.) Je ne crois pas, Monsieur, que vous ayez le monopole en la matière !

Je ne supporte pas la mauvaise foi. Notre collègue Lescaze en a donné la meilleure image... (Brouhaha.)

Des voix. Bravo !

M. Bernard Annen. Je veux bien y associer M. Hiler, puisqu'il lui a donné raison. Selon lui, il s'agirait de coût, or justement il n'y en a pas. Pour qu'il y ait un coût, il devrait y avoir augmentation du nombre de motrices et de bus. Or c'est exactement le contraire, puisque nous proposons simplement de rentabiliser les bus et les trams pendant les heures creuses. (Brouhaha.)

Vous parlez de discrimination concernant ces heures, là aussi vous vous trompez. L'idée est de permettre, tout en faisant un petit signe à un certain nombre de nos concitoyens au chômage... (Brouhaha.) N'oubliez pas, Monsieur Lescaze, que ceux qui veulent démolir cette motion attaquent directement des personnes qui se trouvent dans une situation que je n'envie pas !

En conséquence, il n'est pas utile d'aller chercher du travail à midi ou après 18 h. Nous allions deux choses : la possibilité de se présenter chez un employeur et de rentabiliser les TPG. C'est une petite amélioration - je reconnais volontiers qu'elle pourrait aller plus loin - destinée à augmenter les possibilités de trouver du travail... (Commentaires.) C'est vrai qu'à un moment donné, sur les bancs des radicaux, la dose d'alcool permet ce genre d'interruptions... Vous ne me perturberez pas, puisqu'en définitive... (Remarque.) Mais vous êtes pareil, Monsieur Hausser !

Mesdames et Messieurs les députés, même si on vous donne des boutons, essayez de réfléchir ! Lorsqu'on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage. Certains parmi vous l'ont !

Je prends acte, dans ce débat, avec amertume, qu'un libéral est empêché de faire une proposition sociale par le seul fait qu'il est libéral. Triste mentalité !

M. Claude Blanc (PDC). Je ne voulais pas intervenir dans ce débat, mais après avoir entendu tous les préopinants, de quelque bord qu'ils soient, faire semblant de prendre au sérieux cette proposition, j'ai compris qu'il y avait un problème.

Mes amis libéraux - je considère les quatre signataires comme des amis - ne sont pas sérieux; d'ailleurs ils me l'ont dit ! (Rires.) Je m'étonne de vous voir faire un tel effort de dialectique pour instaurer le dialogue, car il n'y a pas de dialogue; c'est une simple provocation. Vous avez épuisé votre salive et votre art oratoire en vain.

M. Annen a voulu provoquer; face à cette provocation, il n'y a qu'un mot d'ordre : se taire ! (Rires.)

Mme Magdalena Filipowski (AdG). Naguère, au parti écologiste, j'assistais aux discussions concernant la gratuité des transports publics pour toute la population genevoise. J'appartenais à ceux qui soutenaient une proposition n'ayant jamais pris corps; je me le rappelle, aujourd'hui.

Les élus du peuple ici présents, en possession d'un abonnement TPG, discutent de la possibilité d'en accorder un aux chômeurs. Ça commence par deux extrémités de la population et, si nous nous en occupons sérieusement, cela pourra peut-être un jour déboucher sur une gratuité. Gratuité que nous préconisons aussi pour les musées ou le parascolaire.

Dans ce sens-là, je soutiens la motion, amendée selon la proposition de l'Alliance de gauche, évidemment, car si les chômeurs devaient utiliser les TPG à certaines heures seulement afin de les rentabiliser, il faudrait les payer... (Brouhaha.) Autrefois, dans la civilisation grecque, on payait les citoyens pour assister aux spectacles.

Il faudra par ailleurs se soucier sérieusement de la santé des TPG et les financer correctement. C'est tout un travail d'avenir.

M. Bernard Annen (L). Une phrase, Mesdames et Messieurs les députés, à l'intention de mon ex-ami... (Rires.) ...M. Blanc : préservez-moi de mes amis, je me charge de mes ennemis !

Je réfute en tout cas le terme de provocation; je n'accepte pas cette terminologie. J'espère que les paroles ont dépassé la pensée de mon ex-ami. Sinon, je devrais admettre qu'il ne connaît pas la signification de ces deux termes : provocation et ami !

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Nous sommes en train d'assister à un débat passionnant, avec des retours de manivelle... (Brouhaha.)

Le président. Un peu de silence, Mesdames et Messieurs les députés ! Veuillez écouter les propos de notre conseiller d'Etat bien-aimé ! (Rires.)

M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président ! C'est vrai, ce débat est passionnant ! (Rires.) C'est vraiment intéressant d'entendre ces réactions contradictoires qui fusent !

Comme conseiller d'Etat responsable de l'emploi et, par conséquent, des chômeurs, j'accueille très volontiers cette proposition si généreuse, mais pas telle qu'elle est formulée, pour les raisons évoquées tout à l'heure. Cela mérite un certain nombre d'éclaircissements et peut-être de modifications. Celle qui vient d'être proposée ne suffira pas à faire voter cette motion.

On ne peut pas limiter aux seuls chômeurs la définition de bénéficiaires, puisque des gens ont des revenus encore inférieurs : ce sont les demandeurs d'emploi régulièrement inscrits dans le cadre de la législation fédérale, ce sont les personnes bénéficiant des mesures cantonales ou du revenu minimum cantonal d'aide sociale.

Comme l'a précisé le député David Hiler, une couche de la population est encore plus défavorisée. Si l'on décide d'une telle action, il faut définir premièrement tous ceux qui pourraient y avoir droit. Le deuxième point étant l'aspect financier évoqué par M. Rodrik.

Après analyse de ces deux éléments, il serait bon de renvoyer cette motion en commission pour faire le point après le débat de ce soir. Sous réserve de la position du département de justice et police en charge des transports et des TPG, je suggère à ce conseil de renvoyer cette proposition à la commission de l'économie.

M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Vous savez, Monsieur le député Annen, en quelle haute estime je vous tiens. Mais je vous le dis tout net: je ne vous ai jamais vu si peu convaincant, parce que si peu convaincu de votre propre proposition !

Premier point : il existe un contrat de prestations entre l'Etat et les TPG et, par hypothèse, il faudrait attendre le prochain pour discuter d'une proposition de ce type.

Deuxième point : vous ne pouvez pas dire : «Il n'y a qu'à...» Vous êtes forcément dans l'incapacité de préciser comment contrôler une proposition aussi farfelue. Par ailleurs, si vous inscrivez le montant de l'opération à la charge des TPG, il faudra revoir à la hausse la subvention. Cela revient à dire que c'est à la politique des transports que vous vous attaquez, comme M. Rodrik l'a signalé.

Troisième point, enfin - et surtout : Monsieur l'orfèvre en matière budgétaire, dans quelques jours seulement, nous discuterons du budget 99. Je vous entends déjà entonner avec votre enthousiasme habituel le couplet des frais de fonctionnement et le second couplet où il est question de toucher aux prestations excessives de l'Etat. Je vous le dis comme je le pense : il s'agira d'être cohérent avec vous-même ! Dans cette perspective, je vous annonce déjà que vous allez souffrir des céphalées les plus tenaces et les plus violentes.

Mais, en ce début de coupe du monde de football, on peut facilement s'exercer au shoot dans cette enceinte, c'est du moins mon sentiment personnel ! (Rires.)

Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette proposition de motion en commission est rejetée.

Le président. Je mets aux voix un amendement déposé par Mme Engelberts que vous avez tous reçu, modifiant l'invite comme suit :

«à étudier l'octroi d'un abonnement TPG, gratuit, aux personnes au chômage. Cet abonnement, nominatif, est inclus dans les prestations affectées et renouvelé mensuellement contre présentation de justificatifs. Sa validité porterait sur tout le réseau TPG les jours ouvrables.»

Monsieur Annen, vous demandez la parole, mais nous sommes en vote... Je vous la donne à titre tout à fait exceptionnel étant donné que vous êtes l'un des auteurs de la motion.

Une voix. Cette géniale motion !

Le président. De cette géniale motion ! (Rires.)

M. Bernard Annen (L). Si M. Blanc veut lancer des invectives, je peux le comprendre, mais je ne peux pas accepter celle du président du Conseil d'Etat. Je ne l'accepte pas, mais je retire notre motion. (Rires.)

Le Grand Conseil prend acte du retrait de cette proposition de motion.

Le président. Nous parvenons au terme... (Brouhaha.)

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Vous vous êtes engagé, Monsieur le président, à faire voter la résolution sur le Sahara.

Le président. Vous avez raison, Madame la député, nous parvenons... au terme du point 22 ! (Rires.) Vous comprenez, je voulais profiter de la période creuse de la nuit pour vous faire, à votre tour, profiter de la gratuité des transports publics !