République et canton de Genève

Grand Conseil

M 939-B
28. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mme et MM. Sylvia Leuenberger, Roger Beer, Dominique Belli, Chaïm Nissim et Robert Cramer concernant les CFC et la couche d'ozone. ( -) M939
 Mémorial 1994 : Développée, 4251. Renvoi en commission, 4255.
 Mémorial 1995 : Rapport, 4352. Adoptée, 4356.

(M 939)

MOTION

concernant les CFC et la couche d'ozone

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- que le problème de l'amincissement de la couche d'ozone stratosphérique devient de plus en plus aigu, en Europe également;

- qu'une étude détaillée, parue dans le bulletin de l'office fédéral de la santé publique, fait état d'une dégradation de 2% tous les 10 ans de la couche d'ozone, entraînant une augmentation de 26% des cancers cutanés d'ici l'an 2000;

- que le département de l'action sociale et de la santé a pris les devants en publiant une petite brochure, «Mon enfant au soleil», pour prévenir les problèmes de cancers de la peau qui peuvent résulter d'une exposition trop importante aux UVB;

- qu'en Nouvelle-Zélande, pays où le problème est le plus aigu, on en est à tatouer le mufle des vaches pour leur éviter le cancer, et à recommander aux enfants de ne pas sortir plus de 20 minutes par jour (Temps présent: «L'arnaque des vieux frigos»);

- qu'en Allemagne le recyclage des CFC 11 et 12 (les plus nocifs, ils durent 250 ans) est interdit (à cause des fuites toujours possibles), seule leur destruction immédiate étant une solution véritablement écologique;

- que la Ville de Lausanne a déjà suivi l'exemple allemand,

invite le Conseil d'Etat

à étudier la possibilité pour Genève d'incinérer les CFC plutôt que de les recycler.

Suite à une émission de la Télévison suisse romande «Temps présent», consacré à l'élimination des anciens réfrigérateurs, de nombreux milieux s'inquiétèrent de la fiabilité des filières de récupération et du devenir des CFC récupérés, notamment à Genève.

Dans son rapport du 21 août 1995, la commission de l'environnement et de l'agriculture s'est longuement penchée sur la problématique de l'appauvrissement de la couche d'ozone sous l'effet de substances telles que les CFC. Voici néanmoins quelques éléments de rappel.

1. La problématique des substances appauvrissant la couche d'ozoneet le protocole de Montréal

Depuis le début des années 70, la concentration moyenne d'ozone stratosphérique au-dessus de l'Europe a diminué de 5% en été et de 10% en hiver et au printemps, laissant passer de 7 à 15% de rayons UV en plus (source: OFEFP).

La communauté scientifique a aussitôt lancé un avertissement indiquant que les quantités énormes de CFC et autres gaz de synthèse émis dans l'atmosphère (plus d'un million de tonnes par année) en étaient la cause.

En 1987, à Montréal, 25 Etats se mettent d'accord sur les prescriptions minimales relatives aux substances dégradant la couche d'ozone. Ce protocole, dit de Montréal, prévoit l'arrêt total de la production de CFC d'ici l'an 2000. Il a été ratifié à ce jour par 157 Etats et a été renforcé à deux reprises, en 1990 et en 1992.

En Suisse, l'importation et la consommation de CFC sont réglementées par l'ordonnance sur les substances dangereuses pour l'environnement (Osubst) et sont interdites d'utilisation dans la plupart des cas. Entre 1986 et 1995, les importations suisses de ces substances ont diminué de 95%.

2. La récupération des réfrigérateurs en Suisse

Depuis le 1er janvier 1996, la fabrication, l'importation ou la vente d'appareils frigorifiques contenant des CFC sont interdites.

Les réfrigérateurs fabriqués avant 1994 renferment pour la plupart des CFC, comme fluide réfrigérant et comme isolant dans les mousses synthétiques; 3,5 à 4 millions de frigos sont aujourd'hui en fonction dans notre pays et le taux de renouvellement est d'environ 250 000 par an. Ces appareils peuvent être utilisés tant qu'ils fonctionnent correctement. Hors d'usage, ils suivent actuellement la filière mise en place sur une base volontaire par les milieux professionnels concernés, coordonnée par la Fondation pour la gestion et la récupération des déchets en Suisse (S.EN.S).

La S.EN.S estime à 60% le taux de recyclage actuel des réfrigérateurs. Un certain nombre d'anciens réfrigérateurs sont exportés, d'autres sont probablement conservés dans les ménages, bien qu'ils soient hors d'usage. Ils pourraient donc réapparaître dans le circuit des déchets. Fin 1996, plus de 800 000 vignettes avaient été vendues depuis l'introduction du système, en novembre 1991.

Huit entreprises sont agréées pour la récupération des réfrigérateurs, dont six sont équipées pour procéder à l'extraction des CFC. Les CFC sont contenus pour un tiers dans le fluide réfrigérant et pour deux tiers dans les mousses d'isolation. La S.EN.S garantit une récupération des CFC de 90% en moyenne.

Le montant de la vignette s'élève actuellement à 75 F avec la TVA, montant qui couvre les frais de traitement, de transport et de manutention, à partir d'un poste de collecte du réseau (270 en Suisse).

Les nouveaux réfrigérateurs, sans CFC, devront également subir un traitement spécial lorsqu'ils seront hors d'usage. Ils renferment en effetdes gaz (ammoniac, butane ou propane) qui rendent leur élimination délicate (risques d'explosion). Un système de reprise adéquat est donc en préparation.

3. L'élimination des CFC

Il est vrai qu'au départ une partie des CFC récupérés étaient recyclés et utilisés pour des installations industrielles déjà existantes. Depuis l'automne 1995, le CFC R12 récupéré lors de la première phase du traitement, fluide réfrigérant, aini que le CFC R11, extrait de la mouse d'isolation, sont détruits dans les incinérateurs de Novartis à Bâle et des Cheneviers à Genève.

En 1996, quelque 50 tonnes de CFC ont été incinérées dans le four rotatif de l'usine des Cheneviers dans une phase test, avec mesure des émissions par le service de l'écotoxicologue cantonal. Le traitement des CFC, en phase d'exploitation normale, se poursuit actuellement à l'usine des Cheneviers, où quelques aménagements modestes ont été effectués pour faciliter cette opération.

4. Conclusion

Aujourd'hui nous avons l'assurance que les CFC contenus dans les appareils frigorifiques munis de la vignette sont détruits dans des installations d'incinération adéquates par le biais de la filière mise en place par la S.EN.S, et ce, dans toute la Suisse.

Une étude très complète des performances d'incinération et des conditions thermiques du four rotatif, no 4, avait été menée à chef. En particulier, il a été montré que les composés aromatiques chlorés étaient détruits à plus de 99,996%. Il était impossible de les détecter dans les émissions gazeuses. Par contre, les imbrûlés se retrouvaient dans les boues générées par le lavage des fumées en quantités inférieures ou égales à 2 ppb. Ces performances remarquables ont été présentées à la Conférence mondiale sur les déchets toxiques tenue à Budapest en octobre 1987, où ils ont été admis par la communauté internationale.

C'est sur cette base que 50 tonnes de CFC ont été incinérées à l'usine des Cheneviers en 1998, en phase expérimentale. Grâce aux quelques aménagements réalisés au niveau de l'installation, le traitement des CFC se poursuit actuellement dans le four rotatif. Les conditions d'incinération font l'objet de mesures supplémentaires afin de s'assurer que les normes les plus sévères en la matière soient bien respectées.

Par ailleurs, la nouvelle ordonnance sur la reprise et l'élimination des appareils électriques et électroniques (OREA), dont la procédure de consultation vient de se terminer, rendra obligatoires la reprise et l'élimination des réfrigérateurs (organisée jusqu'ci sur une base volontaire) et réglementera précisément les modalités d'exportation.

Débat

M. Chaïm Nissim (Ve). En préambule, je dirai que je suis assez content de ce deuxième rapport du Conseil d'Etat.

Nous avons déposé notre motion il y a bien longtemps - trois ans ou quatre ans. A cette époque, on nous traitait presque de fous lorsque nous disions qu'il fallait brûler dorénavant tous les CFC et qu'il fallait arrêter de les recycler. On nous répondait que cela coûterait beaucoup trop cher, que les moyens techniques étaient inexistants, que les Cheneviers n'étaient pas équipés... Que ne nous a-t-on pas répondu ! Mais nous avons insisté sur l'importance de protéger la couche d'ozone. Effectivement, trois ans plus tard, le Conseil d'Etat - j'en suis très content et très satisfait personnellement - se rend compte de cette réalité, que cela se fait en Allemagne, et même à Lausanne. Il a donc été décidé de brûler tous les CFC, ce qui est une bonne chose pour la couche d'ozone.

Il reste certainement encore des CFC qui ne sont malheureusement pas brûlés, car ils échappent à notre vigilance. Néanmoins, un grand pas a été effectué. Je suis très content d'être passé du statut de fou, il y a quelques années, au statut de monsieur respectable, dont les desiderata sont respectés. Ce n'est pas mal.

M. Régis de Battista (S). Je ferai juste deux remarques sur ce rapport du Conseil d'Etat dont certains points méritent d'être soulignés.

M. Chaïm Nissim en a souligné quelques-uns. En effet, c'est un travail de longue haleine du monde associatif qui a essayé de conscientiser la population et surtout le Conseil d'Etat sur ce sujet. Arriver à une telle solution après ces nombreuses années d'efforts mérite en effet que l'on félicite les motionnaires et le Conseil d'Etat.

Par contre, je trouve qu'il est plus qu'important, surtout dans la période économique difficile que nous connaissons, de toujours rester sur le qui-vive et de faire attention à ne pas créer de nouveaux dérapages écologiques, dans la logique de la promotion économique de notre époque. J'espère que le nouveau département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie sera spécialement sensible à ce problème.

M. Rémy Pagani (AdG). J'ai moi-même été surpris du bien-fondé de ce rapport. En lisant entre les lignes je n'étais pas tout à fait persuadé que les entreprises qui nettoient actuellement nos habits - pas les miens, puisque j'ai décidé depuis un certain nombre d'années de ne plus les faire nettoyer avec des produits chimiques - n'utilisent plus de CFC.

L'entreprise Baechler, il y a deux ans, utilisait encore des CFC recyclés en provenance de nos frigos. Je n'ai pas trouvé, dans ce rapport, d'explication assez précise sur ce point. Je sais aussi qu'un certain nombre d'entreprises de nettoyage à sec achètent encore des CFC en Suisse pour faire fonctionner leurs machines. Je trouverais donc intéressant d'avoir un complément à ce rapport donnant des précisions sur la situation actuelle.

M. Chaïm Nissim (Ve). M. Pagani a évoqué l'entreprise Baechler. J'aimerais bien que les faits qu'il dénonce et que j'ignorais soient vérifiés. Il n'est pour autant pas question de renvoyer à nouveau ce rapport au Conseil d'Etat pour cela, mais je compte sur mon ami Robert Cramer pour effectuer cette vérification.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. A la lecture de ce rapport, vous aurez constaté qu'à Genève, depuis 1995 déjà, on détruit les CFC et que nous avons des installations extrêmement performantes, puisque d'après les tests qui ont été faits cette destruction est efficace, pour autant que l'on puisse en juger, à 99,996%. Les tests ont été faits sur des produits plus toxiques que les CFC. C'est donc dire que le taux d'efficacité en la matière est pratiquement absolu.

En réalité, le problème est que nous n'avons pas la garantie que tous les frigos qui contiennent des CFC terminent leur vie aux Cheneviers. Il est possible que quelques-uns terminent leur vie dans la nature. Il s'agit notamment des frigos pour lesquels les utilisateurs n'ont pas acheté la vignette nécessaire qui coûte 75 F. Aujourd'hui, le problème ne se pose plus, car les frigidaires qui sont vendus ne contiennent plus de CFC. Il concerne seulement les anciens appareils, qui, lorsqu'ils sont découverts dans la nature par des promeneurs, doivent être récupérés par des entreprises. Ce problème est donc difficilement gérable.

Cela dit, je vous propose d'accepter le rapport du Conseil d'Etat. Quant à la question posée par M. Pagani, je demanderai les informations nécessaires. Si vous le voulez, Monsieur le député, je vous les transmettrai soit directement soit à l'occasion d'une interpellation que vous pourriez faire, ce qui me donnerait l'occasion de vous répondre publiquement.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.