République et canton de Genève

Grand Conseil

R 318
4. a) Proposition de résolution de Mme et MM. Nelly Guichard, Philippe Schaller, Pierre-François Unger, Bénédict Fontanet, Pierre Marti, Olivier Lorenzini et Jean-Claude Genecand relative à l'augmentation annoncée des primes d'assurance-maladie. ( )R318
R 321
b) Proposition de résolution de Mmes et MM. Fabienne Blanc-Kühn, Nicole Castioni-Jaquet, Liliane Charrière Urben, Micheline Calmy-Rey, Sylvie Châtelain, Alexandra Gobet, Mireille Gossauer-Zurcher, Elisabeth Reusse-Decrey, Christine Sayegh, Claire Torracinta-Pache, Pierre-Alain Champod, Jean-François Courvoisier, Dominique Hausser, René Longet et Laurent Moutinot concernant l'assurance-maladie. ( )R321
R 320
c) Proposition de résolution (du Conseil d'Etat) du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale à propos de la loi fédérale sur l'assurance-maladie. ( )R320

(R 318)

rÉsolution

relative à l'augmentation annoncée des primes d'assurance-maladie

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- l'annonce d'une augmentation massive des primes d'assurance-maladie pour 1997 (entre 5% et 32%);

- que rien ne justifie une aussi lourde augmentation, si l'on se réfère notamment au blocage des prix des journées en hôpital et des prestations ambulatoires pour les soins à domicile;

- qu'aucune justification comptable n'est apportée à l'appui de cette éventuelle augmentation;

- que les citoyens genevois sont déjà soumis à des hausses de toute sorte;

- qu'une augmentation des primes aura des conséquences dramatiques sur de nombreuses familles,

invite le Conseil d'Etat

- à intervenir immédiatement auprès des autorités fédérales pour prévenir et empêcher une hausse des cotisations assurance-maladie;

- à exiger des caisses-maladie concernées toutes les justifications et les explications utiles quant aux primes déjà très élevées payées par les habitants de notre canton;

- à prendre toutes les mesures sur le plan cantonal, dans sa compétence, pour prévenir et empêcher de telles hausses.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Lors de la votation du 4 décembre 1994 relative à l'adoption de la nouvelle loi sur l'assurance-maladie (LAMal), les Genevois ont été trompés par le Conseil fédéral, qui leur avait assuré qu'eu égard aux dispositions légales adoptées par le Grand Conseil, la LAMal serait indolore et sans effet sur leurs primes.

Près de deux ans plus tard, force est de constater que les primes ont augmenté de façon considérable, mettant de nombreux assurés dans une situation qui tend parfois à la précarité.

Aujourd'hui, en sus de l'augmentation de l'an passé, certaines caisses veulent augmenter une nouvelle fois leurs primes, et ce, pour certaines d'entre elles, jusqu'à 30% et plus !

Une telle attitude est aussi injustifiable qu'intolérable.

On se rappellera que l'an passé, certaines caisses avaient été contraintes de revoir à la baisse leurs prétentions.

Leur appétit d'aujourd'hui est d'autant plus incompréhensible et choquant, lorsque l'on sait que le coût de certaines prestations médico-pharmaceutiques a été bloqué (forfait hospitalier, soins à domicile, rémunération des prestataires, augmentation du nombre de médicaments qui ne sont plus pris en charge, etc.).

Il est donc urgent que le Conseil d'Etat intervienne par tous les moyens à sa disposition pour empêcher les hausses annoncées.

On peut enfin regretter que, dans le cadre de notre système de santé, l'utilisateur (payeur !) soit le grand oublié des négociations et tractations entre les différents acteurs de ce même système.

Peut-être faudrait-il envisager la mise en place d'un organe consultatif cantonal, dans lequel les usagers du système de soins seraient représentés et leurs légitimes préoccupations, prises en compte.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir réserver un accueil favorable à la présente résolution.

(R 321)

proposition de rÉsolution

concernant l'assurance-maladie

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

-- l'augmentation insupportable des primes d'assurance-maladie pour une proportion de plus en plus importante de la population (en particulier du canton de Genève);

- l'absence de justification pour cette augmentation;

- en 1996, une utilisation partielle des subsides fédéraux définis àl'article 106 de la LAMal,

invite le Conseil fédéral

- à prendre un arrêté fédéral urgent visant à

- utiliser la totalité des subsides non alloués en 1996 pour réduire les primes d'assurance,

- suspendre l'article 61, alinéa 2, de la LAMal,

-- introduire des primes de cotisations calculées sur la base des capacités financières des contribuables.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La population tout entière s'émeut de l'augmentation des primes d'assurance-maladie.

La démarche du Conseil d'Etat de même que la proposition du groupe démocrate chrétien visent à permettre un meilleur contrôle des assurances et c'est louable. Il nous semble cependant que ces mesures n'auront qu'un modeste effet et qu'il est temps d'aller plus loin et c'est le but de ce projet de résolution que nous vous soumettons.

Nous ne nous étendrons pas sur les constats qui vous sont connus.

La première mesure que nous proposons vise tout d'abord à utiliser les 430 millions de francs sur les 1 830 millions de francs de subsides pour 1996 qui n'ont pas été utilisés. Ceux-ci devraient servir par exemple et pour le moins à compenser les risques élevés (personnes âgées, pathologies lourdes, familles nombreuses…), permettant ainsi de limiter les coûts à la charge des assurances.

La deuxième mesure consiste à renforcer la solidarité nationale en suspendant l'article 61, alinéa 2, de la LAMal qui dit en substance:

«L'assureur peut échelonner les montants des primes à payer par ses assurés s'il est prouvé que les coûts diffèrent selon les cantons et les régions. Le lieu de résidence de l'assuré est déterminant. Il ne peut y avoir plus de trois échelonnements par canton.»

La troisième mesure vise également à renforcer la solidarité entre les citoyens sur la base de leur capacité financière. Elle permettra ainsi de mieux répartir le poids des primes en ne suivant plus une logique du tout ou rien telle qu'instaurée par la LAMal. On est en effet passé d'un principe de subventions (qui avait ses défauts il est vrai) à un système de subsides qui finalement ne résout pas les problèmes, mais qui, au contraire, place de plus en plus de familles en situation difficile. Plutôt que d'aider, elle entraîne de fait vers la pauvreté.

Le parti socialiste genevois (PSG) est certain que le Conseil fédéral traitera cette résolution avec diligence et mettra tout en oeuvre pour rendre ces propositions effectives. Cependant, pour ne rien négliger, le PSG se mobilisera pour que le prochain congrès du parti socialiste suisse qui aura lieu en novembre prochain à Davos se prononce sur le lancement d'une initiative fédérale permettant de renforcer la solidarité tant sur le plan national qu'entre les personnes, assurant ainsi des coûts de prestations de soins et de santé supportables pour tous.

Seules les actions au niveau fédéral auront un impact, l'assurance étant de son ressort, les cantons n'ayant que peu ou pas de compétences, mais par contre devant assurer des prestations de soins et de santé de qualité.

Ce sont les raisons pour lesquelles nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir cette résolution.

(R 320)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les Chambres fédérales ont adopté, le 18 mars 1994, une nouvelle loi sur l'assurance-maladie destinée à remplacer celle de 1911, au terme de longues péripéties et de plusieurs échecs populaires.

Cette nouvelle loi était supposée, entre autres, donner aux cantons, aux assureurs et aux prestataires de soins, des moyens en vue de contenir les coûts de la santé.

Le 4 décembre 1994, le peuple suisse approuvait ce texte avec l'espoir de parvenir effectivement à contenir cette progression et également à élargir la palette de prestations, singulièrement restreinte à teneur de la loi de 1911.

Les artisans de cette loi avaient indiqué pendant la campagne que, grâce en particulier à un système de concurrence entre les caisses-maladie, l'on connaîtrait la vérité des coûts et on les maîtriserait.

La date d'entrée en vigueur de cette loi a été fixée au 1er janvier 1996, l'année 1995 étant utilisée à mettre au point les instruments d'exécution, c'est-à-dire un certain nombre d'ordonnances.

Celles-ci ont été rédigées en grande hâte: les consultations ont été menées tambour battant.

Les derniers textes d'exécution étaient connus dans leurs libellés définitifs à fin septembre 1995, les uns et les autres disposant de 3 mois pour assurer l'exécution d'un texte complexe, constituant une importante rupture avec le passé.

Si, à un moment ou à un autre, l'application de cette loi atteint un rythme de croisière, les historiens diront si le législateur fédéral a trouvé les instruments adéquats pour limiter les coûts de la santé. Ce que le peuple suisse constate et a constaté immédiatement - singulièrement les habitants de Genève et de Vaud - c'est la spirale vertigineuse pour 1996 et 1997 des primes.

En dépit de l'énorme effort financier consenti par le biais des subsides, l'accroissement des primes d'assurance-maladie est en train de déséquilibrer le budget d'une grande majorité de nos concitoyens, sans explication et sans justification plausibles.

Dans le canton de Genève, des efforts importants ont été consentis pour contenir cet accroissement. Selon les statistiques des caisses-maladie (voir concordat des assureurs-maladie suisses, Actuel, septembre 1996), la hausse de la consommation médicale est, à Genève, de 1995 à 1996, de +2,8% alors que la moyenne suisse est de +4,1%.

C'est là que se pose l'adéquation du contrôle par l'OFAS du fonctionnement des caisses-maladie (respect de la loi, des ordonnances et des directives, examen des comptes et des réserves, etc.).

En raison de subventions cantonales versées depuis de nombreuses années, le canton de Genève a l'habitude d'exercer ce contrôle.

Dès l'entrée en vigueur de la loi fédérale, nous avons émis des doutes quant à la capacité de quelques fonctionnaires fédéraux travaillant à Berne d'effectuer un contrôle satisfaisant des comptes des caisses-maladie actives dans 26 cantons.

C'est la raison pour laquelle le Grand Conseil est appelé à exercer le droit d'initiative cantonale, au sens de l'article 93, alinéa 2, de la Constitution fédérale, pour demander aux Chambres fédérales l'adjonction de nouvelles dispositions à la LAMal afin de permettre au Conseil fédéral de déléguer aux cantons qui en font la demande, et qui en ont les moyens, le contrôle des caisses situées sur leur territoire, quitte à ce que la décision formelle puisse être celle de l'OFAS nanti par le canton du résultat d'un contrôle effectif et probant.

Au bénéfice de ces explications, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de décider d'exercer le droit d'initiative du canton auprès des Chambres fédérales.

Débat

M. Philippe Schaller (PDC). Trop, c'est trop ! L'augmentation des primes d'assurance-maladie est insupportable pour bon nombre de citoyens de ce canton. D'ailleurs, le monde politique genevois se mobilise à ce sujet, proposant trois résolutions, respectivement celle du parti démocrate-chrétien que nous avons déposée au début septembre, celle du Conseil d'Etat et celle du parti socialiste.

Ces trois propositions de résolutions concernent le problème de l'augmentation des primes. Nous voulons que l'OFAS exerce une surveillance adéquate, que soit justifiée auprès du canton de Genève l'augmentation des primes d'assurance-maladie et que ce dernier dispose d'un droit de contrôle sur les comptes des caisses maladie. La résolution du parti socialiste demande que les subsides fédéraux restants et non alloués soient utilisés et que soit créé un nouveau système de distribution des subsides fédéraux. Je souhaite que le débat sur ces résolutions apporte les éclaircissements que nous attendons.

Il est aisé de prendre les caisses maladie et l'OFAS pour des boucs émissaires en les accusant de mauvaise gestion et de n'avoir pas exercé un contrôle systématique. La distribution des subsides fédéraux peut être revue, mais elle n'empêchera pas une nouvelle hausse des cotisations.

Notre réflexion doit bien plus porter sur les coûts de la médecine et non pas seulement sur les primes d'assurance. En effet, les indicateurs montrent que ces coûts continueront à augmenter. Il suffit de penser à quelques paramètres, comme le vieillissement de la population, le suréquipement, les exigences de confort et les progrès de la médecine qui seront encore considérables.

Seule la maîtrise des coûts de la médecine permettra de maintenir une assurance basée sur la solidarité et sans compromettre un système fondé sur l'universalité et l'uniformité. Mesdames et Messieurs les députés, notre responsabilité politique et démocratique est en jeu. Le canton de Genève est celui qui dépense le plus en matière de santé. Il est donc impératif qu'un large débat sur la santé soit lancé dans ce canton. Une définition claire des prestations médicales est nécessaire, ainsi que des principaux facteurs à l'origine de l'augmentation des dépenses. Il convient de définir la responsabilité des différents acteurs. Si une rationalisation démocratique ne peut pas être mise en place rapidement, les risques d'une médecine à deux vitesses, ou d'un rationnement quantitatif sont inéluctables.

Nous devons être courageux et avoir quelques idées. Or je regrette de constater que la collaboration Vaud/Genève accouche d'une souris, alors que nous savons - certains experts l'ayant démontré - qu'il faut fermer un certain nombre de facultés de médecine en Suisse.

Non seulement il faut avoir une volonté politique mais les consciences doivent être réveillées. Nous devons être convaincus, et nous ne le sommes pas assez. Le patient assuré-électeur doit agir de manière cohérente. C'est là que le bât blesse, car, par son vote, il sanctionne toute volonté d'économies de la part du politique. En tant que politiques, nous n'agissons que par des objectifs à court terme basés sur des compromis ne bousculant que peu les acteurs en présence. Sachons donc accepter, humblement, une certaine responsabilité dans l'augmentation des coûts de la santé. Il n'y a pas de miracle : il faudra trancher la question et faire des choix douloureux sans compromettre, bien entendu, les résultats thérapeutiques, la prévention et les progrès médicaux. Il y a urgence !

Dans un état fédératif, la difficulté est d'agir localement, car les règles fédérales ne répondent pas forcément aux problèmes cantonaux. Or il est aisé pour les cantons d'outre-Sarine de dire aux Genevois de se responsabiliser et de faire des économies. Mais vous savez que, selon le tissu social, les problèmes sont différents d'un canton à l'autre. Dans ce canton, nous ne pourrons agir efficacement que si nous avons les moyens de limiter l'offre, de modifier le mode de rémunération des fournisseurs de soins, d'instaurer des mécanismes régulateurs et de revoir le rôle de la faculté de médecine.

Il est paradoxal de constater que la maîtrise des coûts de la santé ne se fait pas facilement au détriment de la qualité des soins. En fait, ce sont les actes inappropriés et de mauvaise qualité qui coûtent cher, et, malheureusement, la croyance collective s'imagine que plus on a recours au système des soins et plus la santé s'améliore. La carence affective et le malaise en général coûtent cher aujourd'hui; nos comportements à risque aussi, ainsi que l'utopie stupide et dangereuse du droit à la santé.

Toutes ces questions ne seront pas résolues par le biais du système de santé, mais bien plutôt par celui de l'éducation, par la promotion de la santé au sens général et, surtout, par la prévention sociale.

Le droit à recevoir des soins est légitime pour tous. Nos décisions doivent être fermes et convaincantes et ce n'est pas en accusant l'un ou l'autre des acteurs que l'on résoudra le problème de la collectivité. Il faut faire des choix et informer le patient afin qu'il soit autonome, car il s'agit de sa santé !

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Etant donné les dernières nouvelles du front de la guerre des primes d'assurance-maladie, nous ne pouvons qu'approuver cette résolution. Mais, à part le plaisir et le réconfort que nous procure l'expression publique de notre indignation, cette dernière ne résoudra pas les choses. Ce n'est d'ailleurs pas un reproche !

Sur le plan cantonal, à part la proposition du Conseil d'Etat que nous soutenons et une répartition plus judicieuse des subsides fédéraux que nous défendons, notre possibilité d'action est très limitée. De toute manière, il ne s'agit que de remèdes permettant de faire passer la douleur, mais impuissants à éliminer la cause du mal.

D'un côté, on a remplacé le système de subventionnement aux caisses par des subsides aux assurés, ce qui nous a privés du contrôle sur les caisses maladie, et, de l'autre, nous n'avons pas trouvé le moyen de résoudre le problème du coût des soins, tant les causes en sont complexes. Pour tenter de mieux résoudre les problèmes, le parti socialiste a déposé un projet de résolution, dont mes collègues vous parleront tout à l'heure.

Le temps est peut-être venu de considérer les choses sous un angle neuf et de repenser à d'anciennes propositions, rejetées à l'époque par une majorité de la population, et qui, aujourd'hui, recevraient peut-être un écho plus favorable. Je pense à la proposition de calculer les cotisations en fonction du revenu et à celle de créer des caisses publiques d'assurance-maladie. Pourquoi pas une assurance nationale du genre de la CNA ? Mais il est certain que le système actuel des caisses privées et leur financement ne répond plus aux besoins de la population et qu'il a montré ses limites. Peut-être fallait-il en arriver à de telles extrémités pour qu'enfin se dégage une volonté de repenser complètement notre système de sécurité sociale, en tout cas, en ce qui concerne le financement de l'assurance-maladie ?

En attendant, et, bien que ce soit sans illusion, nous vous proposons d'accepter cette proposition de résolution.

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Le groupe des Verts acceptera le renvoi de ces trois propositions de résolutions pour les mêmes motifs que ceux exprimés par M. Schaller, entre autres.

Ces propositions de résolutions, en raison de la rapidité avec laquelle elles ont été déposées, peuvent paraître opportunistes d'un point de vue politique. Toutefois, elles se justifient pleinement par les discussions que nous avons eues, tant dans ce Grand Conseil qu'en commission des affaires sociales et sur la place publique.

Au vu des nouvelles annonces d'augmentation des primes d'assurance-maladie, la proposition du Conseil d'Etat répondant à une demande légitime de la part de certains cantons de surveiller eux-mêmes les caisses maladie pratiquant sur le territoire est excellente, car, à ce jour, il n'est pas permis aux autorités des cantons de vérifier le bien-fondé de ces augmentations.

Même si la proposition du parti socialiste d'introduire des primes de cotisations calculées sur la base des capacités financières des contribuables est illégale au plan genevois, elle est complètement justifiée même si elle peut être apparentée ici à une forme de politique politicienne.

Nous rappelons que ces propositions de résolutions ne doivent pas nous faire oublier les éléments en jeu en matière de coûts de la santé dans ce canton. Ce dernier s'est partiellement retiré du jeu au moment où il est passé du système des subventions aux caisses maladie au système des subsides aux personnes. L'attitude des usagers a déjà été mentionnée. Il est vrai que nous devons réfléchir au droit aux prestations relatives à la santé, afin d'éviter d'avoir à prendre des mesures plus dures.

La trop forte densité médicale et le suréquipement en instruments médicaux de ce canton sont connus depuis fort longtemps, mais ce sujet est tabou en raison de réticences corporatistes. Il faut beaucoup de temps pour formuler ces problèmes au plan politique. La rigueur de la gestion des caisses maladie est mise en cause dans les textes qui nous sont soumis.

Au-delà des soucis financiers relatifs au système de santé, le sentiment de la population genevoise sur le fait d'être en bonne santé est subjectif et un large débat s'impose à ce sujet.

M. Dominique Hausser (S). M. Schaller a développé toute une série d'arguments concernant les prestations de soins et la nécessité de contrôler leur qualité et leur quantité. Nous soutiendrons la résolution du parti démocrate-chrétien qui nous permettra de réfléchir et celle du Conseil d'Etat qui institue un système de contrôle du fonctionnement des caisses maladie genevoises par les services d'une administration cantonale.

La nouvelle loi sur l'assurance-maladie a apporté beaucoup d'améliorations, car elle rend l'assurance obligatoire et permet l'offre de primes indépendantes de l'âge des assurés. Cependant, les ordonnances d'application sont particulièrement restrictives. Si, à l'époque, le parti socialiste avait apporté son soutien à cette loi, et non seulement à l'initiative de l'USS et du PS votée simultanément, il est extrêmement déçu, aujourd'hui, de la manière dont cette loi est appliquée.

En ce qui concerne le projet de résolution du parti socialiste, je développerai quelques arguments autour des trois invites que nous souhaitons faire figurer dans l'arrêté fédéral urgent que le Conseil fédéral devra élaborer.

Selon l'article 65, alinéa 2, de la LAMal, les subsides annuels de la Confédération et des cantons doivent, en principe, être versés intégralement. Or, ce «en principe» représente un premier problème. Selon l'article 66, alinéa 3, de la même loi, le Conseil fédéral fixe la part qui revient à chaque canton d'après sa population résidante et sa capacité financière. Il peut aussi prendre en considération la prime moyenne pour l'assurance obligatoire des soins de chaque canton. Or, le Conseil fédéral n'a pas pris en considération cette prime moyenne pour 1996. Il le fera pour 1997, mais déjà une dizaine de cantons ont déposé une initiative cantonale et contestent cette décision. Certains cantons n'ont pas apporté le soutien qu'ils auraient dû apporter en regard de cette loi. La Confédération n'a pas versé la totalité des subsides. En effet, pour 1996, plus de 430 millions restent non dépensés par la Confédération sur la somme de 1,83 milliard.

La loi sur l'assurance-maladie stipule qu'il est possible d'offrir une compensation des risques. En effet, les assureurs dont l'effectif des personnes âgées et des femmes est inférieur à la moyenne versent une compensation à ceux dont l'effectif est supérieur à cette moyenne. Cette procédure est gérée par une institution commune définie dans la LAMal. Il est possible de verser la somme non dépensée par la Confédération, afin de réduire le montant des primes pour 1997. Cela fait l'objet de notre première invite. A ce sujet, une initiative parlementaire a été déposée par le conseiller national tessinois et socialiste Cavalli, et l'appui de ce Grand Conseil ne peut être qu'un atout supplémentaire.

Notre deuxième invite est plus délicate à réaliser au plan politique. Mais il est temps que le fédéralisme quelque peu obtus de certains cantons cesse. L'assurance-maladie dépend strictement de la compétence fédérale; les cantons ne sont que des exécutants. La résolution du Conseil d'Etat vise à améliorer le contrôle des caisses maladie tout en restant sous la haute surveillance du Conseil fédéral. Dès lors, il nous semble logique que le système des primes soit établi au niveau national et que la solidarité aussi s'exprime à ce niveau. Il importera alors de mieux comprendre le pourquoi du comment de la disparité des coûts des prestations de soins, l'offre et la demande et les différences au niveau de la demande entre les différents cantons. La réalisation d'un plan directeur de planification sanitaire par le Conseil d'Etat, voté par ce parlement voilà dix-huit mois, nous offrira des indications importantes pour répondre à toutes ces questions.

La troisième invite vise à faire évoluer l'assurance-maladie vers une sécurité sociale et à permettre à chacun de bénéficier du droit aux prestations de soins et de santé, indépendamment de ses capacités contributives, car cette nouvelle loi fait porter la plus lourde charge aux contribuables de la classe moyenne.

Nous assistons - ce débat en est un symbole - aux derniers soubresauts d'un système d'assurance-maladie dépassé qui ne peut évoluer que vers un système de sécurité sociale solidaire par une participation accrue de chacun, selon ses propres capacités.

C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste souhaite que vous souteniez également sa résolution.

Le président. Monsieur le député, votre intervention me fais penser que nous pourrions traiter les propositions de résolutions des partis démocrate-chrétien, socialiste et du Conseil d'Etat en un seul point.

M. Dominique Hausser. Monsieur le président, je pensais que c'était déjà le cas.

Le président. On peut considérer que ça l'est. Nous voterons en trois votes séparés. (M. Dupraz intervient. Rires.)

Une voix. Tu veux te faire remarquer Dupraz, ou bien ?

Le président. Je vous en réserve une que je vous dirai tout à l'heure, Monsieur le député !

M. Bénédict Fontanet (PDC). Je suis navré d'interrompre le dialogue entre le député Dupraz et le président du Grand Conseil, mais je suis certain qu'ils sauront le prolonger tout à l'heure.

En matière d'assurance-maladie, force est de constater que l'on nous a menti. Lorsque Mme Dreifuss avait été interrogée sur les conséquences éventuelles de la nouvelle loi sur l'assurance-maladie pour les assurés genevois, elle avait dit qu'elle serait indolore et sans effet sur les primes, compte tenu du système que notre Grand Conseil avait voté un an auparavant.

En fait d'évolution indolore, les primes ont subi une hausse de 42% en deux ans. C'est inadmissible et totalement insupportable pour bon nombre d'assurés de notre canton !

Une fois encore, ne vous en déplaise, Monsieur Dupraz, les Genevois ont l'impression d'être les «cochons de payeurs» !

M. Jean-Claude Genecand. Oh, comme tu parles !

M. Bénédict Fontanet. Il faut bien que, de temps en temps, je m'encanaille, Monsieur Genecand ! (Rires.) Notre consommation de médicaments étant trop importante, nous nous retrouvons à payer une prime très largement supérieure à celle des Appenzellois qui trouvent scandaleux que les Genevois consomment tant de produits pharmaceutiques.

Je tiens à préciser que je n'ai rien contre les Appenzellois, mais nos chers Confédérés ont tendance à oublier que Genève est très largement déficitaire par rapport à ce qu'elle paie à la Confédération, toutes contributions comprises, que ce soit au plan social ou au plan des impôts; ces montants sont bien supérieurs à ce qu'elle reçoit. Que nos amis de Suisse alémanique regardent de quelle façon leurs propres budgets sont subventionnés avant de dire que nous coûtons cher !

La situation est tout aussi insupportable au niveau de la solidarité confédérale. En effet, un certain nombre de cantons veulent bien être solidaires de notre cause dans la mesure où ils sont gagnants. Leur situation est compréhensible, mais les ménages et les familles genevois ne peuvent pas payer une telle charge en matière d'assurance-maladie. C'est intolérable !

On peut disserter longuement sur les coûts de la santé, et M. Schaller a fait toute une série d'observations extrêmement intéressantes au plan technique. Pour ma part, je serais bien incapable d'en faire autant, mais nous devons voter la résolution que notre parti politique propose à vos suffrages, ce soir, en soutien à toutes les Genevoises et les Genevois qui se retrouvent dans une situation extrêmement difficile suite à ces hausses de cotisations d'assurance-maladie, et également la résolution du Conseil d'Etat.

Les hausses que veulent nous infliger les caisses maladie sont inacceptables, mais ce qui l'est plus encore - et nos gazettes favorites n'ont pas manqué de le remarquer - est qu'elles ne sont pas à même d'expliquer les raisons de ces hausses ! C'est assez fort de café ! Cette attitude est scandaleuse, et mérite d'être stigmatisée. C'est pourquoi nous vous remercions, d'ores et déjà, de bien vouloir renvoyer la résolution que nous proposons à vos suffrages au Conseil d'Etat.

M. Olivier Vaucher (L). En l'absence de mon collègue Gardiol, j'interviendrai en son nom pour soutenir entièrement la proposition de résolution du Conseil d'Etat et - chose étrange - celle du PDC, pour une fois.

En présentant la nouvelle LAMal, le Conseil fédéral et singulièrement Mme Ruth Dreifuss ont non seulement trompé le peuple mais, comme nous pouvons le lire quotidiennement dans la presse, introduit une immense pagaille dans tout le pays. Le département fédéral compétent a laissé pourrir la situation et s'est montré incapable d'anticiper les événements.

En outre, je me permets de rappeler une autre conséquence, tout à fait néfaste de l'entrée en vigueur non seulement de la LAMal mais de la loi cantonale sur l'assurance-maladie. Il s'agit de la disparition des contrats collectifs d'assurance-maladie, qui avaient été conclus par les partenaires sociaux dans plusieurs branches de l'économie et qui permettaient non seulement d'offrir des primes et des prestations supportables, souvent pour des travailleurs au revenu modeste, mais aussi de conduire une véritable politique de prévention et de gestion de la santé.

C'était le cas dans les métiers de la construction qui ont fait oeuvre de pionniers en la matière. Or, depuis l'entrée en vigueur des deux lois fédérale et cantonale, il n'est plus possible de gérer collectivement les frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation.

En conséquence, les primes ont explosé. Mais ce qui est plus grave est qu'il n'est plus possible de percevoir la prime par l'employeur via les caisses de compensation. Dès lors, chaque travailleur assuré est livré à lui-même et, bien souvent, il ne lui est pas possible de s'y retrouver dans le maquis et l'anarchie des offres provenant des caisses maladie et des institutions d'assurance.

En fait, alors que l'objectif de la suppression des contrats collectifs était d'introduire plus de solidarité, il se passe le contraire. La suppression du système de couverture collective se fait au détriment des travailleurs et des assurés dans des branches économiques qui subissent de plein fouet la récession.

Il s'agit d'une solidarité à contresens qui réduit le revenu disponible en raison des hausses substantielles de primes qu'elle a induites. En réalité, avec l'introduction de ces deux lois, on a miné les solidarités sociales à l'intérieur de certaines catégories socioprofessionnelles. Je le regrette vivement et souhaite que le canton utilise toutes les compétences qui lui restent pour faire marche arrière, permettant ainsi aux partenaires sociaux qui le souhaitent de conclure à nouveau des contrats collectifs; frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation, de façon à maîtriser les coûts des prestations.

M. Gilles Godinat (AdG). Effectivement, Monsieur Schaller, nous ne sommes pas là pour trouver les boucs émissaires ! Toutefois, il faut bien reconnaître que les caisses maladie portent une grande responsabilité dans l'augmentation des primes aux assurés.

De plus, les propositions de résolutions qui nous sont soumises ce soir nous font l'effet d'un emplâtre sur une jambe de bois. Nous les soutenons, bien entendu, mais il faut en voir les limites.

Nous voulons un meilleur contrôle de la gestion des caisses maladie. Par ce biais, nous économiserons peut-être un peu d'argent sur l'ensemble des frais dépensés dans le système des soins. Aujourd'hui, il me paraît beaucoup plus important que la maîtrise des coûts de la santé soit soutenue par une volonté politique cohérente autour de laquelle se concertent les différents acteurs.

En ce qui concerne le financement, il convient de rappeler que la Suisse est un îlot entouré de pays qui sont tous passés au régime du financement en fonction des capacités financières, soit du revenu de chaque assuré. Nous sommes les seuls, au milieu de l'Europe, à conserver le système du financement par tête, à savoir que chaque habitant a, par principe, la même prime d'assurance, selon l'assurance à laquelle il appartient. La solidarité est donc inégale, puisque ceux qui ont un revenu élevé paient les mêmes cotisations que ceux qui ont des revenus moyens, pour une même caisse maladie.

La correction voulue par la LAMal, soit le système des subsides plutôt que celui des subventions, fait qu'une partie de la population est protégée. Mais on a vu le résultat : la concurrence entre les cantons ! Toutes les négociations sur la clé de répartition - qui ont fait passer probablement quelques nuits difficiles à Mme Dreifuss ! - révèlent cet état de fait. L'introduction de mécanismes de marché dans la santé conduit à des contradictions inexorables.

Lorsque la concurrence des caisses maladie se fait au niveau du financement, les plus grandes caisses maladie dominent le marché national. Elles exercent une pression énorme sur le système d'assurances et tiennent ainsi le couteau par le manche ! Est-ce vraiment ce que vous voulez ? La responsabilité du système de santé d'un pays concerne toute la population, raison pour laquelle notre groupe soutiendra l'idée de caisse maladie cantonale publique, idée proposée par Mme Torracinta-Pache, et qui reflète probablement la position des socialistes. C'est la seule possibilité d'exercer un réel contrôle de l'augmentation des primes.

Il est inutile de dramatiser la situation liée à l'augmentation des coûts, car nous sommes dans la moyenne européenne si nous comparons l'évolution des dépenses de santé en Europe. Mais il est vrai que, en vingt ou vingt-cinq ans, le taux des coûts de la santé a augmenté de 6,5% à environ 9,5% du produit intérieur brut dans les pays européens. Nous ne sommes pas aux Etats-Unis où le taux est passé à 14%. Toutefois, si vous avez l'intention de nous proposer ce modèle, nous aurons quelques difficultés à vous suivre !

Une série de propositions ont été faites sur les moyens de maîtriser les coûts de la santé. Le réseau de soins est une bonne proposition. Les coûts médicaux doivent être plafonnés au niveau national, et il convient d'introduire des clauses de besoins pour les équipements de haute technologie. Une gestion hospitalière proche des besoins des patients et les soins à domicile sont une bonne réponse à la cohérence d'une politique cantonale en matière de santé. Tous ces éléments peuvent améliorer les coûts. Toutefois, en ce qui concerne les explosions des primes d'assurance-maladie, un simple contrôle de gestion des caisses ne résoudra rien, car c'est une petite goutte d'eau dans un océan.

M. Pierre Froidevaux (R). Tels des gens de cour, nous nous mettons tous à solliciter la Confédération afin que nos assureurs maladie ne poursuivent pas davantage la ponction de nos porte-monnaie. Quant à celui de la santé, il se viderait maintenant plus rapidement qu'il ne se remplirait. Sur le fond, comme sur la forme, notre groupe soutient globalement la démarche. Mais nous pouvons déjà tous nous douter de la réponse de nos autorités qui sera empreinte d'un traditionnel fatalisme.

En effet, la réforme essentielle de la LAMA en LAMal - est-il encore nécessaire de le rappeler - est d'introduire la vérité des coûts. Les prestations ne sont plus subventionnées, mais les personnes à capacités moindres reçoivent des subsides fédéraux pour obtenir ces mêmes prestations. Cela maintient l'égalité des soins pour tous, tout en établissant les coûts réels des différentes prestations. Cette réforme du financement de la santé devrait apporter la clarté nécessaire tant au plan économique que politique. Théoriquement, nous sommes sur le seuil du contrôle des coûts de la santé.

Or, tout augmente !

Faut-il incriminer le laxisme des caisses maladie, l'incurie de la LAMal, l'irresponsabilité des citoyens ou encore la rapacité des prestataires de soins ?

Faisons d'abord un constat indubitable. Nous dépensons aujourd'hui pour notre santé de demain. Le financement de nos désirs est garanti via les assureurs; ceux-ci s'y adaptent en faisant grimper les prix, ce qui apparente le système économique à un système purement spéculatif. Une remise en cause quelconque d'une prestation, telle que les échographies, introduit la notion d'une médecine à deux vitesses, puisque certains pourront y recourir et d'autres pas. Le phénomène d'augmentation des coûts est donc indubitable, grâce au système des assurances-maladie... avec le soutien et, même parfois, la volonté du pouvoir politique.

Cette ascension des prix est d'autant plus certaine que la LAMal a introduit le financement de nouvelles prestations appelées «médico-sociales», comme celui des services des soins à domicile ou des établissements médico-sociaux.

Ce nouveau financement du social par nos assurances-maladie, devenues obligatoires, ressemble à un impôt insolite contre lequel il n'y a pas de référendum possible. Ainsi, nous développons le secteur de la perception privée, qui se satisfait de sa quote-part à la manière des questeurs romains. A quand le rétablissement de la taille, de la gabelle ou de la dîme pour le financement du social ?

C'est donc avec un fatalisme tout fédéral que je vous propose d'adresser la résolution 318 à nos autorités, résolution qui s'adresse à tous les décideurs politiques, soit à nous-mêmes. Bien évidemment, nous soutenons la résolution 320 qui n'enlève pas la moindre prérogative fédérale, et ne fait qu'améliorer la souveraineté cantonale et, de ce fait, nos relations avec nos administrés.

La résolution socialiste est tout de même un peu démagogique, puisqu'elle prétend apporter des solutions irréalistes. Le peuple a spécifiquement refusé la fiscalisation des cotisations lors de l'introduction de la LAMal. Les autres AFU proposés dans vos invites redéfinissent la notion de solidarité confédérale. Ces arguments pourraient, au contraire, être retournés contre Genève, à lire, à voir ou à entendre les récents débats aux Chambres sur ce sujet.

Il m'apparaît donc plus judicieux, pour la sérénité des débats nécessaires aux Chambres, de refuser cette entrée en matière.

M. Jean Spielmann (AdG). Sur les bancs de ceux qui, à l'époque, avaient fait approuver la nouvelle loi sur l'assurance-maladie, la LAMal, j'ai entendu dire que cette dernière minait la solidarité et qu'elle posait un véritable problème de société.

Tout d'abord, il convient de reprendre à votre compte un certain nombre de responsabilités, car il ne suffit pas d'adresser des critiques à Berne, mais il faut avoir le courage politique de vos décisions. Je m'adresse aux députés assis sur les bancs socialistes jusqu'à ceux qui me font face, soit les libéraux, et qui ont fait approuver une nouvelle loi par le peuple, dont on pouvait prévoir les conséquences, que d'ailleurs nous avions énumérées dans cette enceinte. On ne peut pas tenter d'appliquer les lois du marché dans le domaine de la santé et en dénoncer les conséquences, ensuite, dans ce parlement.

A partir du moment où, même la conseillère fédérale Ruth Dreifuss dit que les citoyens doivent apprendre à faire leur marché dans le domaine des assurances sociales, il convient de parler de ce marché et d'entrer en matière sur un certain nombre de paramètres. On a dit que la LAMal n'entraînerait aucun inconvénient majeur sauf celui de son financement et la suppression d'une certaine solidarité. Par contre, nous avions parlé des revers de cette loi. Or le recours à des assurances complémentaires pour les femmes et la hausse des primes d'assurance mettant des milliers de familles dans l'embarras en est un.

Cette loi doit être revue de fond en comble. A partir du moment où la démarche se fait sur la base du montant des primes à payer par les cantons, il convient aussi de parler de chiffres. Dans ce canton, près de deux cent quarante mille personnes sont assurées auprès de caisses maladie. La plus importante d'entre elles compte cinquante-sept mille membres, tandis que la moins importante en compte six. Elles ont pratiquement toutes des sièges à l'extérieur.

Les disparités au niveau des cotisations sont énormes, allant de 190 F à 385 F pour les mêmes prestations. Ces chiffres provenant des statistiques de l'OFAS sont connus de tous. Ces méthodes de calculs sont fiables. Je rappelle que deux cent vingt personnes travaillent pour l'OFAS; les chiffres statistiques sont extrêmement précis et les cas extrêmement détaillés. On y trouve le nombre de caisses maladie, le nombre d'assurés, les taux de couverture de chaque assuré pour notre canton et les autres régions. Il faut savoir que la proportion entre le nombre d'assurés et le nombre de personnes ayant recours à un acte médical est largement supérieur à 60% dans ce canton, alors qu'ailleurs, il est parfois inférieur à 40%.

D'après les statistiques, le coût moyen d'un acte médical à Genève est de 3 200 F; il est de 1 630 F à Lucerne et de 1 700 F à Zoug, par exemple. Le prix double à Genève et les utilisateurs subissent. A Genève, le prix moyen des cotisations s'échelonne entre 190 F et 385 F pour une assurance de base comprenant le risque accident. Dans d'autres cantons, il est de 130 F, tandis que la moyenne nationale se monte à près de 200 F. Ces chiffres reflètent la réalité.

Il en résulte que, d'après les statistiques de l'OFAS, une simple grippe coûte 150 F à Genève, alors que la moyenne suisse se situe à moins de 80 F. Les coûts hospitaliers de la moyenne nationale s'élèvent à moins de 400 F, tandis que la moyenne genevoise s'élève à plus de 1 800 F. Voilà les prix que vous avez instaurés à Genève en appliquant la loi du marché aux caisses maladie. Aujourd'hui, les assurés doivent payer ! Il convient d'ores et déjà de débattre sur la base des prix réels que pratiquent les assurances.

A ce stade, permettez-moi de faire quelques observations :

Premièrement, il a été fait allusion à des publications de chiffres sur le coût des actes médicaux. Hier, un grand journal chiffrait ces coûts. Tous ces calculs sont basés sur des sondages qui datent de 1991, d'après lesquels on a fait des pronostics. Par contre, les chiffres de l'OFAS publiés cette semaine forment une statistique extrêmement détaillée à partir de toutes les caisses et de tous les actes médicaux de 1994. Aujourd'hui, certains mettent en doute la justesse de ces calculs. On se demande pourquoi, étant donné le sérieux avec lequel ils ont été faits ! Comment le Conseil d'Etat entend-il s'y prendre pour faire un meilleur calcul des coûts que les spécialistes de l'OFAS ?

Le prix de 3 200 F par acte médical à Genève est nettement supérieur à la moyenne nationale dont le montant s'élève à un peu plus de 2 000 F. Il y a aussi la qualité des prestations et les coûts administratifs de l'ensemble des caisses. On a parlé de comparaisons au plan international. Les coûts administratifs de gestion de la santé publique et, notamment, ceux des caisses maladie sont deux fois plus élevés en Suisse qu'en Allemagne. Tout cela arrive par le biais de cette nouvelle loi sur l'assurance-maladie.

Vous ne pouvez pas tromper le peuple, le faire voter sur une nouvelle loi et, ensuite, en dénoncer les conséquences en vous déchargeant sur le Conseil fédéral de la responsabilité des décisions que vous avez prises concernant la politique de la santé et la mise en place d'une structure pour les assurances sociales.

Je suis content que, sur les bancs d'en face, on parle de contributions dans le domaine social, de solidarité confédérale et entre les assurés. Dans une économie saine, le domaine de la santé doit être le plus efficace, le moins coûteux et le moins compliqué possible. Or, avec la mise sur pied de la LAMal, vous empruntez les voies contraires.

Quelles sont les solutions ? Solidarité entre les cantons et nouveau mode de financement. Comme il a été dit tout à l'heure, des centaines de millions de francs n'ont pas été utilisés en subsides fédéraux en raison des dispositions de la LAMal. En effet, certains cantons ne sont pas en mesure d'appliquer correctement les coûts de la santé et d'analyser la réalité des faits.

Je reviens sur la notion de marché en prenant un exemple : lorsqu'un commerçant décide de développer des activités, il assure son financement soit en capitalisant lui-même, soit auprès des banques moyennant un intérêt. Les caisses maladie augmentent les primes d'assurance-maladie sans savoir quelles en seront les conséquences. Les dispositions prises faussent tout calcul. En effet, l'estimation réelle des coûts pendant une année est impossible. En effet, la décision de choisir librement sa caisse maladie a entraîné la perte de quelque soixante mille assurés en trois mois pour la plus importante des caisses maladie genevoises. Aujourd'hui, elle en compte au maximum cinquante-sept mille. Ces faits sont incontournables et montrent bien que le système doit être complètement revu.

Le problème de fond concerne le montant des cotisations. On doit promouvoir davantage de solidarité pour sortir de cette situation.

Sur les bancs d'en face, d'aucuns nous disent qu'ils veulent «refaire les calculs». On demande aux caisses de présenter leurs comptes, mais la loi étant entrée en vigueur le 1er janvier 1996, il faut au moins un exercice comptable pour se rendre compte de la réalité des faits. La plupart des caisses maladie capitalisent entre 40 et 50% de réserve. Or on estime que ce n'est pas suffisant et on augmentera ce montant de 12 à 20% l'an prochain.

On nous propose des palliatifs ou des solutions comme celle préconisée dans la résolution du parti socialiste : une assurance sociale au niveau national. Bien entendu, on peut toujours augmenter la TVA à 15% pour financer les assurances sociales. Pour notre part, nous avons d'autres propositions à formuler, comme celle du système de sécurité sociale. Il faut mettre en place un dispositif plus efficace, plus approprié, et prendre des mesures pour réduire les coûts de la santé et normaliser les coûts genevois.

Je désire que les médecins ne se contentent pas de s'exprimer, mais qu'ils abaissent le montant des factures. En effet, les chiffres publiés par l'OFAS démontrent que les actes médicaux sont deux à trois fois plus élevés à Genève que dans les autres cantons. Si les prix de base ne changent pas, il est inutile de refaire le calcul des coûts, les assurés seront toujours les payeurs du coût élevé des prestations. Il faut changer de système !

Nous proposons une nouvelle initiative, soit la manière selon laquelle les montants des cotisations doivent être rétribués par les différents assurés. Dans un deuxième temps, il conviendra de revoir tout le système des caisses maladie. Il est certain que nous arriverons à l'élaboration d'un système de sécurité sociale qui prenne en compte aussi bien les soins de la santé que ceux de la maternité et les assurances sociales telles que AVS, AI et toutes les autres. On ne pourra pas se permettre le luxe d'avoir quarante administrations gérant les caisses maladie à Genève, autant pour le deuxième pilier et plus encore pour les autres systèmes de santé.

On s'enfonce dans un cul-de-sac. Apprendre aux gens à faire le marché, soit, mais il serait plus judicieux de mettre sur pied un système où les coûts administratifs sont réduits, afin de rendre les soins pour la santé plus efficaces et moins chers pour qu'ils soient adaptés à la réalité économique de ce pays. Je désire que l'on m'explique pourquoi ces différences existent.

Le président. Monsieur le député, vous parlez depuis douze minutes !

M. Jean Spielmann. ...Oui, je sais que lorsque je parle, cela dérange !

Le président. Non, cela ne dérange pas !

M. Jean Spielmann. Si, mais je suis là pour vous déranger...

Le président. Mais non, mais non !

M. Jean Spielmann. Si je n'étais pas là, personne ne le dirait, puisque tous les partis de ce Grand Conseil ont fait approuver la LAMal par le peuple et crient : «Au voleur» ! Regardez-vous dans un miroir !

Des voix. Ah !

M. Pierre-Alain Champod (S). Le moins que l'on puisse dire est que cette nouvelle loi sur l'assurance-maladie ne donne pas entière satisfaction. Comme le disait le député Godinat, un des problèmes réside dans le fait que l'on a pensé, à tort, pouvoir réguler les coûts de la santé par le biais de l'économie de marché.

Si les coûts de la santé ont fortement augmenté depuis les années 90, en regard du produit intérieur brut, il faut reconnaître que, jusqu'à cette date, ils étaient restés relativement stables. D'ailleurs, les coûts de la santé augmentent en même temps que la situation économique se dégrade. Il est vrai que de nombreux chômeurs, à cause de leur mal-être lié au fait d'être privés d'emploi, ont tendance à faire une surconsommation au niveau médical. Comme le disait le député Schaller, pour maîtriser les coûts de la santé, il ne suffit pas d'intervenir uniquement dans le domaine de la médecine, mais également sur les conditions de vie des gens.

Par rapport à la proposition de résolution du parti socialiste, M. Froidevaux disait que le peuple avait déjà tranché la question des cotisations proportionnelles aux revenus. L'initiative de l'USS et du PS, que nous avons soutenue ainsi que la LAMal, a été refusée par le peuple. Toutefois, je ne suis pas certain que le résultat de ce vote serait le même aujourd'hui.

Notre proposition se veut offensive et vise à trouver des solutions à court terme, car, à long terme, si on veut maîtriser les coûts de la santé, il faudra maîtriser l'offre des soins et instaurer un système de cotisations tenant compte des revenus des assurés. Notre proposition de résolution fait appel à la solidarité confédérale dans l'assurance-maladie; c'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article 61, alinéa 2, de la LAMal.

Il est vrai que chaque canton a une consommation différente des soins médicaux. Genève possède un hôpital universitaire, ce qui a des répercussions sur les coûts de la santé. Les cantons qui n'ont pas d'équipement universitaire ne refusent pas, en général, les soins de médecins formés dans d'autres cantons, ni les traitements dont la recherche a été financée par d'autres cantons, comme celui de Genève.

La hausse des cotisations d'assurance-maladie a atteint à Genève un taux insupportable pour de nombreuses familles. Pour prendre l'exemple d'une famille formée d'un couple et de deux ou trois enfants, la charge que représentent les primes d'assurance-maladie est équivalente à celle du loyer, ce qui n'était pas le cas il y a cinq ou dix ans en arrière.

M. Christian Grobet (AdG). Pour revenir sur la question des cotisations, tout le monde sait que la médecine coûte cher et la Suisse est le dernier pays en Europe qui ne connaît pas un système de contributions aux frais d'assurance-maladie proportionnelles au revenu.

Il y a plusieurs décennies que la revendication de financer l'assurance-maladie de la même manière que l'AVS est apparue, soit par des contributions paritaires, proportionnelles au revenu, système que tout le monde estime équitable pour l'AVS et l'assurance-invalidité, mais qui, malheureusement, a toujours été refusé par la majorité politique de ce pays qui a été jusqu'à opposer, lors de la votation populaire évoquée tout à l'heure, la LAMal comme contre-projet à l'initiative lancée par l'USS et le PSS. Dans de pareilles conditions, on comprend que cette initiative ne soit pas passée. Cet exemple est typique de la malhonnêteté qui règne au niveau des votations populaires, soit de profiter de la promulgation d'une loi pour éluder un objet sur lequel on aurait dû voter séparément. M. Champod a raison de déclarer que si cette question avait fait l'objet d'un vote distinct, le vote populaire aurait peut-être été différent.

Le problème de la hausse des cotisations, dont souffre surtout la partie la moins aisée de la population, ne concerne pas uniquement les caisses maladie. Bien qu'elle soit un peu simpliste, nous voterons la résolution qui nous est proposée. Les caisses d'assurance-maladie sont, pour la plupart, des mutuelles à but non lucratif, qui ne tentent pas de s'enrichir sur le dos des malades, mais ne font que répercuter les coûts de la santé sur les cotisations.

Force est de constater que les coûts de la santé sont particulièrement élevés à Genève. Il conviendrait de s'atteler plus résolument à trouver des solutions aux coûts de la santé, plutôt que de faire «porter le chapeau» aux caisses maladie. Mais c'est peut-être plus difficile, Monsieur le président du Conseil d'Etat !

Nous proposons un complément à cette résolution. D'abord, je désire souligner un fait exceptionnel que vous connaissez, Monsieur Guy-Olivier Segond, puisque je vous ai remis le texte d'un postulat que j'ai déposé à la session des Chambres fédérales du mois de mars et qui a été accepté par le Conseil fédéral. Pour une fois qu'un postulat de la gauche est accepté par le Conseil fédéral, il faut le dire !

Par le biais de ce postulat, je demandais, ni plus ni moins, que le Conseil fédéral, chargé de compléter l'ordonnance sur l'assurance-maladie, prévoie, dans le cadre du pouvoir de surveillance attribué au Conseil fédéral, en vertu de l'article 21 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, que l'autorité cantonale de subventionnement dispose des mêmes pouvoirs d'investigation que l'Office fédéral des assurances sociales et signale à cet office toute anomalie qu'elle aurait constaté, notamment, en matière de primes des assurés et des coûts de fournisseurs de prestations.

En fait, il n'est pas nécessaire de modifier la loi. On pourrait, par un complément de l'ordonnance fédérale, qui est de la compétence du Conseil fédéral, donner des pouvoirs aux cantons. J'ai remis à M. Segond le texte de ce postulat. Je ne sais pas si le Conseil d'Etat a demandé au Conseil fédéral s'il comptait concrétiser les bonnes intentions exprimées dans ce postulat, mais le Conseil d'Etat aurait pu exploiter cette piste depuis quelques mois en tapant sur le même clou que les parlementaires, puisque vous évoquiez, tout à l'heure, la collaboration qui doit exister entre le canton et les représentants du peuple genevois siégeant à Berne.

En ce qui concerne les coûts de la santé, nous avons déposé une motion visant à développer la prévention, sur laquelle vous n'avez pas voulu entrer en matière, Mesdames et Messieurs les députés des bancs d'en face. Si on veut réduire les coûts de la santé, il convient de mener au quotidien une saine politique de prévention. Des efforts importants doivent être accomplis dans ce domaine. Une véritable politique de prévention, au sens large du terme, et d'éducation à la santé pourrait réduire sensiblement les coûts des prestations.

D'autre part, nous désirons connaître les coûts des prestations à Genève par rapport à ceux des autres cantons. Nous avons tout lieu de croire que les prix unitaires, notamment au niveau des prestations médicales et autres et des hôpitaux privés, sont nettement plus élevés à Genève qu'ailleurs. Il serait bon que le Conseil d'Etat nous renseigne à ce sujet.

Par voie de conséquence, nous déposons un amendement destiné à compléter la résolution du parti démocrate-chrétien sur la question des cotisations par une quatrième invite au Conseil d'Etat :

« - à présenter un rapport au Grand Conseil

- fournissant une comparaison des coûts des prestations prises en charge par l'assurance-maladie à Genève par rapport aux autres cantons suisses;

- proposant des mesures, notamment sur le plan de la prévention, dans le but de maîtriser et si possible de réduire les coûts de la médecine à Genève, y compris au niveau des tarifs des prestations.»

C'est l'occasion de rappeler que le Conseil d'Etat doit présenter un plan sur la politique hospitalière. A ce sujet, nous avions proposé une autre motion visant à prévenir des dépenses inconsidérées au niveau des hôpitaux privés, et vous n'aviez pas non plus voulu l'accepter.

Il faut être cohérent. On ne peut pas, à la fois, protester contre les augmentations des cotisations d'assurance-maladie et ne pas prendre les mesures nécessaires pour lutter, à la source, contre l'augmentation des coûts de la santé, particulièrement élevés à Genève, par rapport à ceux des autres cantons.

M. Philippe Schaller (PDC). Je désire faire quelques corrections à l'attention de M. Spielmann. En effet, vous avez fait un amalgame de chiffres et de principes qui ne me semble pas être le reflet de la réalité.

Tout d'abord, vous avez dit que la LAMal est responsable de l'augmentation des coûts. En fait, la LAMal a apporté une amélioration par rapport à ce que nous aurions pu connaître notamment concernant la désolidarisation. La LAMal n'est pas responsable de l'augmentation des coûts de la santé; elle n'a été qu'un révélateur. Ceux qui ont pris la responsabilité de voter la LAMal ont voulu une assurance sociale et solidaire. Certains n'en voulaient pas, préférant prolonger une situation où les bons risques restaient favorables. La LAMal n'est pas responsable du problème de l'augmentation des coûts.

En second lieu, vous avez parlé d'efficience. D'un côté, vous voulez plus d'efficience dans les soins médicaux et, de l'autre, vous parlez de planification et d'étatisation. Or vous savez bien que les pays limitrophes cherchent à introduire un peu plus de concurrence dans le système d'assurance, de manière que ce dernier soit plus efficient.

Je ne pense pas qu'en Suisse - et la LAMal ne l'a pas développé - nous nous trouvions dans une économie de marché pure et dure. Il existe un certain nombre de garde-fous et on ne peut pas dire que l'assurance-maladie évolue vers une économie de marché. Tout au plus cherche-t-elle à inciter les nouveaux acteurs à être plus efficients, à mieux utiliser les ressources disponibles.

En cela, il vaut peut-être mieux attendre certains effets qui se révéleront positifs à la longue et permettront des économies de par la planification et l'obligation qu'ont les cantons d'instaurer un certain nombre de dispositions. La volonté de mettre un peu de concurrence entre les différents prestateurs et d'informer le patient doit permettre au patient de devenir acteur et de faire des choix sur la gestion de sa santé, de déterminer ce qu'il désire en termes de soins : quelle caisse maladie pour quel type de services ?

La France possède un système d'assurances sociales au prorata du salaire. Les journaux dénoncent tous les jours les problèmes du système de la sécurité sociale française qui n'est plus une assurance sociale. Le ticket modérateur qui a dû être mis en place est catastrophique pour une grande part de la population, notamment pour les plus pauvres. Nous ne voulons pas d'un tel système, mais d'une assurance responsable, efficiente et socialement supportable.

Que l'on revoie le mode de financement, soit ! Il est vrai que le système des subsides n'est satisfaisant ni au plan administratif ni au plan des résultats. Il faut donc continuer à travailler avec la LAMal et modifier ces distorsions. Mais changer de fond en comble pour le fait de changer ne me paraît pas être la bonne solution. Personne n'a encore trouvé la pierre philosophale !

M. Guy-Olivier Segond, président du Conseil d'Etat. Vous savez tous que ce qui se passe actuellement dans le domaine de l'assurance-maladie est un phénomène grave : les nouvelles cotisations 1997 plongent des milliers de familles dans de grandes difficultés financières. Il est certain que si ces hausses continuelles se poursuivent, d'ici quelques années, on aura changé de système et introduit, probablement par une votation populaire, le système de la cotisation proportionnelle à la capacité contributive du citoyen.

Cela étant, il est vrai - et plusieurs d'entre vous l'ont relevé - que les coûts de la santé sont élevés à Genève : ce sont les plus hauts de Suisse. A cela on trouve de nombreuses explications bien connues : le fait du milieu urbain, d'une communauté ayant un bon niveau de vie, de formation, connaissant une forte densité médicale et possédant des hôpitaux universitaires qui sont simultanément des hôpitaux généraux.

Ces coûts ont toujours été élevés; par contre, il est certain qu'ils n'ont pas pu augmenter de 40% en vingt-quatre mois : c'est impossible ! L'OFAS explique cette hausse par trois motifs qui sont autant de contrevérités. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat s'est fâché. L'OFAS explique cette hausse de 40% sur deux ans par l'extension des soins à domicile, par le report des coûts hospitaliers sur les caisses maladie et par l'augmentation de la consommation médicale à Genève. Pourquoi cela est-il faux ?

Le tarif des prestations des soins à domicile n'est jamais entré en vigueur : le tarif 1996, dès sa publication, a été attaqué par des recours que le Conseil fédéral, en dix mois, n'a pas trouvé le temps de trancher. Le tarif 1996 des soins hospitaliers n'est jamais entré en vigueur pour le même motif ! Les tarifs de 1996 des soins ambulatoires, la médecine de ville, ne sont jamais entrés en vigueur : ceux de 1995 sont appliqués !

Les statistiques suisses des caisses maladie à propos du canton de Genève, publiées en septembre 1996 dans la revue du Concordat, montrent que la hausse de la consommation médicale est de 2,8% à Genève, soit inférieure à la moyenne suisse qui est de 4,1%.

Par ailleurs, le Conseil d'Etat, occupé au contrôle des comptes 1994 des caisses maladie exerçant sur le territoire du canton de Genève, examinés en détail par l'inspection des finances, n'a pas pu, à ce jour, accepter les comptes de dix caisses maladie sur trente, en raison de graves erreurs comptables.

Monsieur Grobet, je me souviens bien du postulat que vous m'avez remis et qui a été accepté par le Conseil fédéral. Le Conseil d'Etat est intervenu à plusieurs reprises, oralement et par écrit, auprès de la conseillère fédérale Ruth Dreifuss et du Conseil fédéral, pour leur demander de lui déléguer la surveillance des comptes des caisses maladie que l'administration cantonale a exercée à satisfaction pendant vingt ans.

Le Département fédéral de l'intérieur, comme le Conseil fédéral, a toujours refusé, par une interprétation stricte de la lettre de la loi, de déléguer cette surveillance, même si elle s'était exercée sous la haute autorité de l'OFAS. La dernière lettre de Mme Dreifuss le refusant date du 4 octobre.

Tout comme le Conseil d'Etat dans une précédente législature - ce dernier avait essayé d'obtenir du Conseil fédéral la cantonalisation de la procédure d'asile, et, n'ayant pas réussi, avait finalement saisi l'Assemblée fédérale - nous avons décidé de suivre la même procédure, de saisir l'Assemblée fédérale par le biais d'une initiative cantonale, de demander une modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie de manière à permettre à la Confédération de déléguer aux cantons qui le peuvent et le veulent le contrôle des caisses maladie.

Cela étant - plusieurs d'entre vous l'ont remarqué - si l'on veut maîtriser les coûts de la santé, il ne suffit pas d'assurer un bon contrôle de la gestion comptable des caisses : il faut instaurer d'autres mesures. Vous savez que certaines de ces mesures ont déjà été prises ces dernières années : nous avons réussi à faire en sorte que le budget des hôpitaux, dans son évolution sur cinq ans, soit inférieur à l'évolution du coût de la vie. Et nous avons décrété un moratoire sur la construction des établissements médico-sociaux pour empêcher l'ouverture de nouveaux lieux.

D'autres mesures seront discutées et peut-être décidées dans cette enceinte ces prochains mois, lorsque le Conseil d'Etat vous saisira de son rapport sur les principes généraux de la planification sanitaire et, en particulier, de dispositifs tels que le carnet de santé ou les clauses du besoin.

Le Grand Conseil a demandé un avis de droit sur ce dernier point. Nous vous le rendrons : vous verrez que, en tout cas, il est nuancé pour savoir s'il est possible d'introduire une clause du besoin pour les cabinets médicaux - selon les experts consultés, c'est impossible - ou si l'on doit se limiter à une clause du besoin pour des équipements coûteux, tels que les scanners ou les IRM.

Dans l'immédiat, la question la plus importante est celle du calcul des primes. Comment se fait-il que l'OFAS puisse annoncer une augmentation de 12%, alors que les statistiques nationales des caisses maladie montrent, à Genève, une hausse de la consommation de plus de 2,8% ? C'est la raison pour laquelle nous désirons continuer à exercer ce contrôle que nous avons exercé durant ces vingt dernières années et, pour la dernière fois, sur les comptes 1994 des caisses maladie.

Je vous prie de bien vouloir accepter, en discussion immédiate, Monsieur le président, la résolution qui vous a été proposée par le Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

R 318

Le président. L'amendement de M. Grobet consiste à compléter cette proposition de résolution par une quatrième invite au Conseil d'Etat :

« - à présenter un rapport au Grand Conseil

- fournissant une comparaison des coûts des prestations prises en charge par l'assurance-maladie à Genève par rapport aux autres cantons suisses;

- proposant des mesures, notamment sur le plan de la prévention, dans le but de maîtriser et si possible de réduire les coûts de la médecine à Genève, y compris au niveau des tarifs des prestations.»

M. Philippe Schaller (PDC). Notre résolution a pour but d'interpeller le Conseil fédéral. Or, Monsieur Grobet, vous désirez y faire figurer d'autres propositions; ce que je comprends très bien. En effet, il est important que le Conseil d'Etat nous fournisse des explications quant aux tarifs, à l'augmentation de la consommation des soins médicaux, et sur un certain nombre de statistiques, dont nous pourrions discuter en commission. Mais notre résolution doit être transmise au Conseil fédéral, alors je ne suis pas d'accord d'y ajouter cette proposition d'amendement.

Des voix. Bravo !

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Schaller, soit il s'agit d'un mauvais prétexte ou alors l'habitude, une fois de plus, de certains d'entre vous de donner leur accord, puis de le retirer pour des raisons formelles. Monsieur Schaller, relisez simplement le texte qui nous est soumis ! Il est tout à fait faux de dire que ce texte s'adresse au Conseil fédéral. Nous avons tous le texte imprimé de la résolution 318. Le président a dit que nous débattions de la résolution 318...

Le président. C'est exact !

M. Christian Grobet. ...et non pas d'un autre texte, Monsieur Schaller. Cette résolution, que vous avez sous les yeux, est imprimée et ne s'adresse pas au Conseil fédéral, mais au Conseil d'Etat. Elle demande diverses choses au Conseil d'Etat, comme d'entreprendre une démarche auprès des autorités fédérales, mais également auprès des caisses maladie, et de prendre toutes les mesures nécessaires au plan cantonal pour prévenir et empêcher de telles hausses.

Pour empêcher les augmentations - ce à quoi nous souscrivons totalement - il est important que nous connaissions parfaitement la situation et que nous ayons une comparaison des coûts entre Genève et les autres cantons. D'après la presse et les informations que nous détenons, il paraît que les coûts de la santé, à Genève, sont les plus élevés de Suisse. Cela mérite des explications précises. Il nous paraît important que le Conseil d'Etat réfléchisse aux mesures à prendre pour réduire ces coûts de la santé à Genève.

Alors, Monsieur Schaller, si vous voulez être cohérent avec les invites de votre propre résolution, vous comprendrez que nous demandons simplement des précisions par deux demandes complémentaires. Nous ne comprenons pas les raisons de votre refus.

M. Philippe Schaller (PDC). Je pensais que nous discutions de la résolution au Conseil fédéral, mais puisqu'il s'agit de l'invite au Conseil d'Etat, alors il n'y a aucun problème pour la compléter avec votre amendement, cela dans le but de maîtriser les dépenses de santé dans ce canton.

Le président. Nous votons donc sur l'amendement du député Grobet.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Cet amendement est adopté par 43 oui contre 39 non.

Mise aux voix, cette résolution ainsi amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

rÉsolution

relative à l'augmentation annoncée des primes d'assurance-maladie

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- l'annonce d'une augmentation massive des primes d'assurance-maladie pour 1997 (entre 5% et 32%);

- que rien ne justifie une aussi lourde augmentation, si l'on se réfère notamment au blocage des prix des journées en hôpital et des prestations ambulatoires pour les soins à domicile;

- qu'aucune justification comptable n'est apportée à l'appui de cette éventuelle augmentation;

- que les citoyens genevois sont déjà soumis à des hausses de toute sorte;

- qu'une augmentation des primes aura des conséquences dramatiques sur de nombreuses familles,

invite le Conseil d'Etat

- à intervenir immédiatement auprès des autorités fédérales pour prévenir et empêcher une hausse des cotisations assurance-maladie;

- à exiger des caisses-maladie concernées toutes les justifications et les explications utiles quant aux primes déjà très élevées payées par les habitants de notre canton;

- à prendre toutes les mesures sur le plan cantonal, dans sa compétence, pour prévenir et empêcher de telles hausses;

- à présenter un rapport au Grand Conseil

- fournissant une comparaison des coûts des prestations prises en charge par l'assurance-maladie à Genève par rapport aux autres cantons suisses;

- proposant des mesures, notamment sur le plan de la prévention, dans le but de maîtriser et si possible réduire les coûts de la médecine à Genève, y compris au niveau des tarifs des prestations.

R 321

Mise aux voix, cette proposition de résolution est rejetée.

R 320

Mise aux voix, cette résolution est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

rÉsolution

du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçantle droit d'initiative cantonale à propos de la loi fédéralesur l'assurance-maladie

LE GRAND CONSEIL,

vu

- l'article 93, alinéa 2, de la Constitution fédérale,

- l'article 156 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève,

- la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (RS 832.10), plus particulièrement son article 21 instituant un système de contrôle du fonctionnement des caisses-maladie confié respectivement au Conseil fédéral et à l'office fédéral des assurances sociales (ci-après: OFAS);

considérant que

- sur la base de ces contrôles ou de ce qui en tient lieu, les assureurs-maladie fixent les primes de l'année à venir;

- la loi sur l'assurance-maladie était supposée instituer des mécanismes pour contrôler l'explosion des coûts de la santé mais qu'elle entraîne en réalité une explosion des primes;

- le niveau de toutes les primes commence à atteindre des niveaux insupportables pour la très grande majorité de la population en dépit de l'aide apportée sous forme de subsides aux assurés à ressources modestes,

DEMANDE À L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE

d'introduire dans la loi fédérale sur l'assurance-maladie (RS 832.10) les nouvelles dispositions suivantes:

Art. 21, al. 3 (nouveau, les alinéas 3 à 6 anciens

devenant les alinéas 4 à 7)

3 Le Conseil fédéral peut déléguer la surveillance des caisses-maladie pratiquant sur leur territoire aux cantons qui en font la demande et apportent la preuve qu'ils sont à même d'exercer cette surveillance. Celle-ci concerne le respect de la loi, de ses ordonnances, des directives et instructions de l'office fédéral des assurances sociales (OFAS) et de l'office fédéral des assurances privées.

Art. 60, al. 5 (nouveau)

5 Le Conseil fédéral peut décider, d'entente avec les cantons, que des services d'une administration cantonale procèdent, sous la direction de l'office fédéral et à son intention, à un contrôle des comptes et des primes des caisses-maladie exerçant leurs activités sur le territoire des cantons concernés.