République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7469
22. Projet de loi de MM. Pierre-François Unger, Bénédict Fontanet et Olivier Lorenzini modifiant la loi instituant un Conseil supérieur de la magistrature (E 4 1) et la loi concernant le traitement et la retraite des magistrats du pouvoir judiciaire (E 4 3). ( )PL7469

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi instituant un Conseil supérieur de la magistrature, du 27 juin 1942 (E 4 1), est modifiée comme suit:

Art. 6, lettre d (nouvelle)

Le conseil peut décider de proposer au Conseil d'Etat:

d)

de supprimer ou réduire l'indemnité prévue à l'article 15, alinéa 1, de la loi concernant le traitement et la retraite des magistrats du pouvoir judiciaire, du 26 novembre 1920, si le magistrat s'est rendu coupable d'une faute grave dans l'exercice de sa charge, ou s'il a, par son comportement, porté gravement atteinte à la dignité de la magistrature.

Art. 2

La loi concernant le traitement et la retraite des magistrats du pouvoir judiciaire, du 26 novembre 1920 (E 4 3), est modifiée comme suit:

Art. 15, al. 1 (nouvelle teneur) al. 3 (nouveau)

1 Le magistrat dont le mandat n'est pas renouvelé ou dont la charge est supprimée, a droit, s'il ne bénéficie pas d'une pension, à une indemnité égale à 2 mois de traitement par année de magistrature; les fractions d'années sont calculées proportionnellement.

3 N'a pas droit à toute ou partie de l'indemnité prévue à l'alinéa 1 le magistrat ayant été l'objet d'une mesure prise par le Conseil d'Etat conformément à l'article 6, lettre d, de la loi instituant un Conseil supérieur de la magistrature, du 27 juin 1942.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La présente démarche s'inspire des circonstances ayant entouré les élections judiciaires du 21 avril dernier: alors que l'ensemble des formations politiques représentées au Grand Conseil étaient arrivées à une solution d'accord qui permettait d'éviter des élections ouvertes, celles-ci ont dû malgré cela être organisées pour la juridiction de l'Instruction, au sein de laquelle un magistrat sortant, non représenté par son propre parti compte tenu de ses insuffisances notoires, avait fait liste séparée contre les 15 candidats officiels.

Or, l'une des causes invoquées a été la nécessité pour ce magistrat de se présenter et de n'être, le cas échéant, pas réélu afin de pouvoir bénéficier de l'indemnité actuellement prévue par l'article 15, alinéa 1, de la loi concernant le traitement et la retraite des magistrats du pouvoir judiciaire (ci-après LTRM) qui - en l'occurrence - avoisinait les 420 000 F; en ajoutant à ce montant le coût occasionné par la mise sur pied d'une élection (près d'un demi-million de francs), on ne manque pas d'être choqué par la facture à régler par notre République et canton de Genève...

Ce projet de loi a pour but de maintenir le principe de l'indemnité en cas de départ d'un magistrat du pouvoir judiciaire avant 18 ans de services, tout en palliant deux aspects «pervers» du système actuellement en place: d'un côté l'obligation pour le magistrat sortant de provoquer une élection et de la perdre pour toucher une indemnité de départ (par hypothèse méritée), de l'autre la possibilité pour un magistrat n'ayant pas donné satisfaction de bénéficier de ladite indemnité.

Le premier inconvénient se corrige aisément par la suppression de l'incise «bien qu'il ait fait acte de candidature» de l'actuel article 15, alinéa 1 LTRM. Ainsi, tout magistrat n'ayant pas occupé des charges judiciaires pendant 18 années (voir article 10, alinéa 1, LTRM) et qui décide - une fois parvenu à la fin de son mandat - de ne pas en solliciter le renouvellement, touchera désormais l'indemnité prévue par l'article 15, alinéa 1, LTRM, sans avoir à provoquer une élection. Il en ira de même en cas de non-réélection (l'expression «dont le mandat n'est pas renouvelé» recoupant les deux hypothèses). A relever qu'en cela le système prévalant pour les magistrats du pouvoir judiciaire se rapproche désormais de celui mis en avant par la loi concernant le traitement et la retraite des conseillers d'Etat et du chancelier d'Etat (B 1 3, article 6, alinéa 1). Il s'en distingue toutefois en ce que - contrairement au conseiller d'Etat - le magistrat du pouvoir judiciaire démissionnant en cours de mandat n'a toujours pas droit à l'indemnité.

Le deuxième inconvénient pose la question de savoir quel serait l'organe habilité à décider que tel ou tel magistrat doit voir son droit à l'indemnité réduit voire supprimé, et des critères à mettre en oeuvre pour prendre cette décision.

L'interpartis judiciaire, élément de coordination nécessaire entre les différentes formations politiques, demeurera inéluctablement libre d'émettre ses recommandations quant à l'opportunité ou non de présenter tel ou tel magistrat sur les listes des candidats à une élection judiciaire. En revanche, il ne saurait en aucun cas être question pour cet organe factuel (purement politique) de proposer la suppression ou la réduction de l'indemnité prévue par l'article 15 LTRM. Cette compétence doit revenir au Conseil supérieur de la magistrature, organe de surveillance des magistrats de l'ordre judiciaire institué comme tel par la loi instituant un Conseil supérieur de la magistrature (ci-après LCSM).

Quant aux critères à utiliser, nous suggérons de reprendre ceux déjà mis en place par le législateur s'agissant des conditions dans lesquelles le Conseil supérieur de la magistrature peut décider de proposer au Conseil d'Etat de priver un magistrat de son traitement pour une période n'excédant pas six mois, à savoir la «faute grave dans l'exercice de sa charge», ou le comportement portant «gravement atteinte à la dignité de la magistrature» (article 6, lettre a, LCSM).

Cette prérogative (nouvelle) du Conseil supérieur de la magistrature, prévoyant la possibilité de proposer au Conseil d'Etat la réduction voire la suppression de l'indemnité dont le principe est prévu par l'article 15, alinéa 1, LTRM, découlera de l'article 6, lettre d, LCSM (nouveau), auquel l'article 15, alinéa 3, LTRM (nouveau) renverra expressément.

Ces mesures sont les premières qui nous semblent devoir être prises à la suite du récent épisode des élections judiciaires de cette année. Elles ne nous dispensent cependant pas d'une réflexion plus large sur les divers enseignements à tirer de ces événements: ainsi en est-il du fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature (de toute évidence non satisfaisant à l'heure actuelle), de la publicité qu'il conviendrait de donner à ses décisions, voire aussi du mode d'élection des magistrats du pouvoir judiciaire.

Ce sont là, Mesdames et Messieurs les députés, les considérations qui tendent à éclairer et à motiver ce projet de loi, et en vertu desquelles nous espérons que ce dernier sera accueilli favorablement.

Préconsultation

M. Pierre-François Unger (PDC). Par fair-play, compte tenu de l'impératif de traiter la résolution du «Courrier» ce soir, nous avions pris la décision de ne pas prendre la parole; si M. Hausser avait la gentillesse de faire de même, nous pourrions parler de ce projet à la commission législative ou à la commission judiciaire.

Le président. Monsieur Hausser, êtes-vous d'accord ?

M. Dominique Hausser (S). Ce projet de loi, comme tous ceux que nous avons traités jusqu'à maintenant, est d'importance. Par conséquent, il me semble particulièrement dommageable de ne pas s'exprimer en préconsultation. (Brouhaha.)

Mesdames et Messieurs les députés, laissez-moi aller jusqu'au bout de ma proposition ! Plutôt que de renvoyer ce projet de loi directement en commission, plaçons-le au début de l'ordre du jour de la semaine prochaine, afin de pouvoir nous exprimer.

M. Bénédict Fontanet (PDC). Je ne comprends pas votre intervention. Ce projet va être renvoyé en commission. Vous avez des représentants à la commission judiciaire. Nous n'en discuterons point. D'ailleurs, il n'y a pas lieu d'en faire un «fromage» ni un vaste débat. Ce projet de loi résulte des élections judiciaires, comme d'autres. Il fait partie d'une suite logique. On en débattra en commission. Je crois qu'il y a assez de points à traiter à l'ordre du jour durant la session de juin.

Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire.

Présidence de Mme Christine Sayegh, première vice-présidente