République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7474
17. Projet de loi de Mmes et MM. Fabienne Blanc-Kühn, Liliane Charrière Urben, Mireille Gossauer-Zurcher, Fabienne Bugnon, David Hiler, Max Schneider, Jacques Boesch, Erica Deuber-Pauli, Roger Beer et Michèle Wavre sur la formation continue des adultes. ( )PL7474

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

Principe

L'Etat encourage la formation continue des adultes dans tous les domaines d'activités. A cette fin il favorise l'acquisition de connaissances de base, y compris la culture générale, et de connaissances professionnelles qualifiées, le développement des possibilités de perfectionnement et de recyclage professionnel, ainsi que l'acquisition de nouvelles formations.

Art. 2

Droit

Toute personne majeure, n'ayant pas atteint l'âge donnant droit à l'AVS, qui a travaillé plus d'un an à Genève, a droit à la formation continue, quel que soit son niveau de formation de base.

Art. 3

Formation

La formation continue est dispensée par des établissements d'enseignement publics ou privés sans but lucratif, notamment par des cours organisés par des associations professionnelles.

Art. 4

Obligation

Tout établissement d'enseignement public post-obligatoire dispense, dans les domaines d'enseignement qui sont les siens, un enseignement de formation continue pour adultes, accessible aux personnes actives profession-nellement ou à la recherche d'un emploi.

Art. 5

Qualité

L'Etat veille à ce que toutes les collectivités ou établissements d'enseignement publics ou privés, qui participent à la formation continue des adultes et perçoivent à cette fin une aide directe ou indirecte des pouvoirs publics, offrent des cours et activités de formation de bonne qualité.

Art. 6

Moyens

1 L'Etat encourage la formation continue par des subventions, des exonérations de taxe, des allocations, des prêts, des remboursements de frais et subsides, des chèques annuels de formation continue, ainsi que par des actions de promotion de la formation continue. Il appuie les entreprises et les associations professionnelles qui mettent sur pied des projets de formation continue.

2 En outre l'Etat encourage les partenaires sociaux à convenir de congés payés permettant aux salariés de participer à la formation continue pendant les jours ouvrables.

Art. 7

Certification

L'Etat institue un système de certification de la formation continue par unités capitalisables, afin que les personnes qui font l'effort de l'acquérir puisse s'en prévaloir et qu'elle permette l'obtention des certificats et diplômes prévus par la loi.

Art. 8

Conseil central interprofessionnel

1 L'Etat favorise la collaboration de tous les partenaires naturels de la formation continue:

a) office d'orientation et de formation professionnelle;

b) direction de l'enseignement post-obligatoire;

c) associations professionnelles de salariés et d'em-ployeurs;

d) institutions d'enseignement d'utilité publique.

2 A cette fin le conseil central interprofessionnel est chargé de donner des avis sur toutes les questions d'orientation, de formation, de perfectionnement profes-sionnel et de formation continue des adultes. En outre les compétences du conseil central interprofessionnel sont étendues à l'ensemble des professions, y compris celles relevant de la santé, de l'éducation, du travail social, de l'agriculture, de la science, des arts et de la culture.

Art. 9

Information

L'Etat favorise le développement de la formation continue en informant largement et efficacement la population sur toutes les possibilités de formation et sur les mesures d'encouragement à la formation continue des adultes.

Art. 10

Budget extraordinaire en cas de chômage élevé

Lorsque le taux de chômage atteint 4%, l'Etat accentue fortement son effort de soutien à la formation continue en allouant au conseil central interprofessionnel un montant extraordinaire équivalant au budget annuel du Fonds en faveur du perfectionnement professionnel. Ce montant extraordinaire est destiné à organiser des actions de grande ampleur de développement de la formation continue.

Art. 11

Modifications à une autre loi (C 2 1)

La loi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens, du 21 juin 1985, est modifiée comme suit:

Art. 3 (nouvelle teneur)

Délégation

Par délégation du département, l'office d'orientation et de formation professionnelle (ci-après office) institue un service du perfectionnement professionnel chargé, en collaboration avec les services du département de l'instruction poublique, soit en particulier le service de la formation continue de l'université, la direction générale de l'enseignement secondaire et les directions des écoles concernées, de l'application des dispositions de la présente loi.

Art. 46 A (nouveau)

Cours collectifs pour personnes sans formation professionnelle

L'Ecole professionnelle organise gratuitement, à la demande des associations professionnelles, des cours collectifs de préparation aux examens permettant l'obtention d'un certificat fédéral de capacité selon l'article 41, alinéa 1, de la loi fédérale.

Art. 75, al. 2 (nouvelle teneur)

2 L'office développe des stratégies d'information larges et efficaces permettant à toute la population concernée d'être informée sur les moyens et mesures à disposition. Il tient à jour une documentation à cet effet et la diffuse au moyen de supports adéquats accessibles à l'ensemble de la population.

Art. 86, 1re phase, (nouvelle teneur)       lettres j et k (nouvelles)

Mesures

Le département prend, d'entente avec les associations professionnelles d'employeurs et de travailleurs (ci-après associations professionnelles), le conseil central inter-professionnel et les commissions d'apprentissage, toutes les mesures utiles pour permettre aux majeurs comme aux mineurs de recevoir une formation de base, y compris la culture générale, un perfectionnement professionnel et une formation continue, compte tenu de leurs aptitudes professionnelles et de leurs intentions, notamment:

j) il favorise et encourage la formation continue des adultes, en octroyant à toute personne qui le demande un chèque annuel de formation;

k) il met en oeuvre un système d'évaluation et de bilan personnels.

Art. 87, al. 1, lettre d (nouvelle)

d) à participer financièrement à des actions de promotion de la formation continue afin d'encourager la population à se former et à se perfectionner professionnellement.

Art. 115, al. 1 (nouvelle teneur)

Généralités

1 En vue d'encourager le perfectionnement professionnel au sens de l'article 86, l'office accorde des exonérations et remboursements de taxes, des prêts, des allocations, ainsi que des chèques annuels de formation.

Art. 116, al. 1, lettre d (nouvelle)

d) à des personnes désirant approfondir leurs connaissances pour une période de formation continue.

Section 5 B (nouvelle)

Chèque annuel de formation

Art. 119 G (nouveau)

Chèque annuel de formation

1 Le chèque annuel de formation correspond au coût de 40 heures de cours de formation continue pour le bénéficiaire. Les cours doivent être dispensés par une institution d'enseignement publique ou privée sans but lucratif.

2 Le chèque annuel de formation est accordé par l'office à toute personne majeure qui n'a pas atteint l'âge donnant droit à l'AVS et qui a travaillé une année au moins à Genève.

3 Le chèque annuel de formation est cumulable d'une année à l'autre, pendant trois ans au maximum.

Art. 135, al. 2, lettre a (nouvelle teneur)

2 Le Conseil central interprofessionnel comprend:

a) des membres siégeant de droit, avec voie consultative, soit le directeur général de l'office, le directeur général de l'enseignement secondaire, le recteur de l'université, le directeur de l'office de la promotion économique, le directeur de l'office cantonal de la statistique, ou leurs suppléants qui peuvent se faire accompagner de collaborateurs concernés par l'ordre du jour.

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'initiative populaire cantonale «Pour l'emploi, contre l'exclusion», déposée en octobre 1994, comprenait, à son chapitre 4, un certain nombre de propositions visant à «développer une formation accessible à tous» (annexe 1). Pour l'essentiel, l'initiative demandait que la formation continue des adultes fasse l'objet d'une véritable «offensive» de la part de l'Etat, tant pour favoriser la réinsertion des personnes au chômage que pour assurer une qualification ou une requalification de la main d'oeuvre-existante (voir argumentaire de l'initiative sur ce point, annexe 2).

Les lacunes de la législation actuelle

Le rejet de l'initiative par le Grand Conseil a conduit les syndicats à se pencher eux-mêmes sur la législation existante pour examiner quelles modifications ils pourraient proposer pour atteindre tout de même le but qu'ils s'étaient fixé. Cet examen s'est révélé fort instructif:

- d'une part, les bases légales concernant la formation continue sont éparpillées dans toute une série de lois et règlements, touchant soit au perfectionnement professionnel, soit à l'encouragement aux études; une vision claire et unifiée de la politique de l'Etat en la matière n'existe pas;

- d'autre part, la conception et les moyens définis aujourd'hui par la législation relèvent d'une vision «étroite» de la formation continue; il s'agit presque exclusivement de formations s'ajoutant à la formation de base (brevets, maîtrises, autres «perfectionnements» professionnels), alors que les besoins actuels des adultes relèvent autant de l'acquisition d'une formation de base (soit qu'elle manque, soit qu'un recyclage devienne indispensable) que du «perfectionnement»;

- enfin, diverses expériences menées actuellement par les syndicats (cours collectifs de préparation au CFC selon l'article 41 LEP, chèque français pour étrangers, alphabétisation, cours pour chômeurs) conduisent à mettre le doigt sur les lacunes de la législation actuelle (notamment en matière de formation non professionnelle de base, qui constitue toutefois un «pré-requis» indispensable à celle-ci).

Les besoins de la population active

Le caractère lacunaire et limitatif de la législation actuelle ressort d'autant plus si on le met en regard de quelques constats récents sur les besoins de la population active en matière de formation des adultes dont nous citerons quelques-uns:

- Dans son «analyse des causes de l'augmentation actuelle du chômage en Suisse et à Genève» (septembre 1993), le professeur Yves Flückiger relève notamment que, dans notre canton, un des facteurs structurels du chômage élevé «doit être sans doute lié au niveau de qualifications relativement faible de la main-d'oeuvre étrangère» (p. 90). Pour y remédier, il est évident que la formation continue doit englober des éléments de «remise à niveau» (y compris en matière de culture générale) aujourd'hui exclus de la législation.

- Dans son rapport sur la formation continue à Genève, de novembre 1994, le conseil de l'éducation continue des adultes relevait que le système actuel conduit à ce que les utilisateurs de la formation continue soient en quasi-totalité des personnes déjà formées, tandis que les moins qualifiées ou non qualifiées demeurent absentes d'un processus dont ils ont pourtant éminemment besoin.

- Les résultats de l'enquête sur la formation continue réalisée par l'office fédéral de la statistique et publiés en octobre 1995 constate que «plus des deux tiers des actifs occupés ne se sont pas perfectionnés sur le plan professionnel et n'ont bénéficié d'aucun soutien dans ce domaine de la part de l'employeur (...). Cela semble une énorme carence». Il ressort aussi de l'enquête que les non-qualifiés, les femmes et les salariés des petites entreprises n'ont que très peu accès à la formation continue. Dès lors, «au nom du droit pour toutes et tous à la formation professionnelle et au perfectionnement, il faut développer une offensive en matière de qualification».

- Dans son récent rapport (février 1996) sur la formation continue, le conseil économique et social plaide, lui aussi, pour un élargissement de la notion de formation continue au-delà de la seule conception du «perfectionnement professionnel» et pour la mise en place de moyens (unités capitalisables notamment) adaptés aux populations non qualifées. Les trois composantes du CES (patronat, syndicat, «tiers-Etat») ont adopté ce rapport à l'unanimité.

Pour une loi générale sur la formation continue

Au vu de ces constats et analyses, nous souhaitons concrétiser les intentions de l'initiative syndicale en matière de formation par un projet de loi générale sur la formation continue, dont l'objectif est triple. Il s'agit par ce moyen de:

- marquer clairement une volonté politique de faire de la formation continue des adultes une préoccupation majeure et spécifique pour prévenir le chômage et répondre aux besoins nouveaux de qualification de la population active; à l'instar de ce qui s'est fait au niveau fédéral, cela permettrait de lancer une véritable «offensive» cantonale en la matière;

- définir un champ législatif homogène et pertinent en matière de formation continue, permettant aussi d'adopter une définition large de celle-ci et regroupant «sous le même toit», pour les adultes, ce qui concerne la formation de base, la formation professionnelle et les études;

- combler les lacunes existantes de la législation en vigueur.

Dans cet esprit, nous proposons ce projet de loi générale accompagné de quelques propositions de modifications de lois existantes. Il appartiendra au Conseil d'Etat de faire en sorte que les modifications réglementaires permettent d'introduire la formation continue concernant, notamment, l'Ecole supérieure de commerce, du Centre d'enseignement professionel, technique et artisanal, de l'Ecole supérieure d'art visuel, du Centre horticole de Lullier; ainsi que le chèque annuel de formation dans le règlement d'application de la loi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens. Signalons, pour terminer, que le canton de Berne possède déjà une législation similaire (loi, ordonnance et règlement).

Nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs, les député-e-s, de faire bon accueil à ce projet de loi.

ANNEXE I

ANNEXE II

Page 12

Préconsultation

Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Ce projet de loi - est-il nécessaire de le rappeler ? - est le deuxième à être déposé en vue de concrétiser l'initiative 105, invalidée par ce Grand Conseil.

La définition de la formation continue mérite d'être élargie. Par formation continue, nous sous-entendons l'existence, au préalable, d'une formation de base. Nous excluons donc la possibilité de formation continue pour des personnes non qualifiées. Celles-ci sont doublement pénalisées pour n'avoir pas eu accès à la formation de base, d'une part, et pour ne pas pouvoir entrer dans le processus de la formation continue, d'autre part.

La notion de formation continue ne doit donc plus être entendue au seul sens de «perfectionnement professionnel», mais comme englobant aussi la culture générale permettant d'accéder à une formation de base.

De toute évidence, la situation actuelle du marché de l'emploi nécessite une offensive de la part de l'Etat en matière de formation, plus particulièrement au niveau de la formation continue des adultes. En effet, pour la majorité des personnes actives, la période de formation se termine à l'obtention d'un certificat fédéral de capacité ou d'une maturité. Mais les besoins ne s'arrêtent pas là ! Ce constat a déjà été fait tant par les associations regroupant les salariés que par les associations regroupant les employeurs. Différentes études, émanant d'autres milieux, aboutissent à la même constatation.

Deux tiers des actifs, en 1995, ne se sont pas perfectionnés et n'ont bénéficié d'aucun soutien de la part de leur employeur. Autre phénomène intéressant : lorsque la formation continue est utilisée, elle l'est par des personnes déjà qualifiées.

En outre, le niveau de qualification relativement faible de la main-d'oeuvre étrangère - notamment les femmes et les salariés de petites entreprises qui ont difficilement accès à la formation continue - est un des facteurs structurels du chômage élevé à Genève. La formation continue doit donc intégrer la remise à niveau en incluant la culture générale, et cela est l'aspect nouveau que nous vous proposons.

Bien sûr, des efforts ont déjà été entrepris en faveur de la formation professionnelle des personnes non qualifiées, notamment par l'application de l'article 41 de la loi fédérale sur la formation professionnelle.

Mais qu'en est-il de la majorité des personnes actives ayant un certificat perçu comme un but en soi ? L'obtention d'un certificat fédéral de capacité ou d'une maturité représente une étape avant la vie professionnelle. Les méthodes et les techniques changent à la vitesse grand V. Il est demandé aux travailleuses et aux travailleurs de se préparer à de grands changements technologiques. Nous devons leur en donner les moyens.

Ce but peut être atteint par une véritable offensive cantonale en matière de formation continue.

Ce constat de nécessité de réactualisation de la formation est admis aussi bien par les associations professionnelles syndicales que par les associations patronales.

Les personnes qui ont un emploi ont quelques possibilités de perfectionnement professionnel, en recourant notamment au Fonds en faveur de la formation et du perfectionnement professionnels, communément appelé FFPP. Mais seules les associations professionnelles sont autorisées à recourir à ce fonds. L'accès au FFPP est ainsi réservé aux secteurs organisés, tant du côté des travailleurs que du côté des employeurs.

Qu'en est-il des secteurs non conventionnés, des secteurs non organisés ? L'expérience montre que tant la question de la formation de base que celle du perfectionnement professionnel se posent d'une manière aiguë dans ces milieux-là.

C'est ainsi que des salariés, ayant pourtant eu une activité professionnelle régulière pendant de nombreuses années, n'ont plus accès au marché de l'emploi, leur formation, sinon leur expérience professionnelle, n'étant plus reconnue ou certifiée.

Cela démontre bien que la formation continue est indispensable durant la période d'activité, et vous connaissez, Mesdames et Messieurs les députés, les difficultés des chômeuses et chômeurs à se réinsérer s'ils n'ont pas la possibilité de bénéficier d'une formation de base ou d'une mise à niveau.

Ce projet de loi donnera à l'Etat les moyens d'intégrer la formation continue dans le cadre de la formation de base, de la formation professionnelle et des études, pour la rendre accessible à toutes et tous.

Par conséquent, nous vous recommandons de réserver un bon accueil à ce projet de loi et de le renvoyer en commission.

M. Jean-Claude Genecand (PDC). Notre groupe soutient ce projet de loi avec quelques réserves. Il est vrai que la législation en matière de formation continue est propre au système suisse, c'est-à-dire très éparpillée. Est-ce un mal ? Je l'ignore, n'étant pas sûr que le centralisme soit plus efficace.

Mais il faut bien avouer que la formation duale a été le parent pauvre de l'instruction. La démocratisation des études, qui a marqué les trente dernières années, a permis à un grand nombre d'élèves d'accéder à des études supérieures. Dans le même temps, la formation des apprentis n'a reçu que des miettes, comparativement aux dépenses consenties en faveur de l'instruction publique.

Dans la majorité des cas, ce sont les corps de métier qui ont pris en main la formation des apprentis, leur perfectionnement et, dans certains cas, la formation continue. C'est dire que ce qui a été mis en place depuis des décades a l'avantage de partir d'une expérience pratique, mais représente aussi l'inconvénient du poids des ans qui génère une certaine inertie dans l'évolution de la formation. Un exemple : dans ma profession, une révision du règlement de l'apprentissage a nécessité quatre ans d'étude. Malgré cela, il s'est trouvé des sections suisses allemandes pour refuser des ajustements marginaux.

Sans être révolutionnaire, ce projet de loi a l'ambition d'élargir la formation continue. C'est heureux, car le maintien de notre patrimoine professionnel en dépend. Mais la loi n'insuffle pas automatiquement l'esprit. Pour en cueillir les fruits, il faut deux conditions : adapter les méthodes pédagogiques aux milieux auxquels elles s'adressent, d'une part, et vaincre l'inertie des personnes actives qui ne se sentent pas concernées par la formation continue, d'autre part.

Notre expérience démontre qu'il n'est pas aisé de «remuer» les gens. Nous avons une excellente école professionnelle, renommée au-delà de nos frontières nationales, et dont les cours d'une ou de plusieurs journées, offerts tant aux patrons qu'aux employés, ne sont guère suivis. Nous sommes pratiquement obligés de «racoler» les gens pour qu'ils consentent à sacrifier quelques heures à leur formation !

C'est un problème qui touche la plupart des métiers artisanaux, mais pas uniquement. On m'a parlé d'un récent colloque sur la gestion organisé à l'intention des cadres des TPG. Il a fallu contraindre un certain nombre de personnes à y assister, pendant leur temps de travail, afin que le cours puisse avoir lieu !

C'est pourquoi l'article 6 portant sur les congés payés n'est pas la panacée; il aura beaucoup de peine à passer la rampe !

En tout état de cause, ce projet mérite une étude approfondie qui ne se limite pas au seul cadre juridique. Prenons le temps d'examiner son contenu, à savoir son approche pédagogique, pour atteindre ceux dont le déficit en formation est vraiment notoire.

Mme Michèle Wavre (R). Il existe à Genève une tradition séculaire d'instruction datant d'avant la Réforme. Les chefs successifs du DIP ont largement fait honneur à cette réputation pédagogique en déployant, depuis des décennies, des efforts considérables dans ce domaine. Mme Brunschwig Graf fait de même aujourd'hui.

On comprend donc bien, dans ce canton, la nécessité et l'intérêt d'une solide formation, tant pour les employés que pour les employeurs. Mais il se trouve toujours des gens qui passent au travers des mailles du filet et qui arrivent sur le marché du travail sans formation, ou presque. Plus que d'autres, ils risquent des déconvenues professionnelles ou le chômage.

Le projet de loi présenté ici leur permettra de se recycler, de se perfectionner ou, tout simplement, de se former. Notre groupe, comme la plupart des gens sensés, attache une grande importance à la formation professionnelle qui est la clé de l'avenir.

Il soutient donc ce projet tout en demandant à ce que l'on veille attentivement au coût des mesures proposées et à leur financement, qui ne devrait pas provenir uniquement de l'Etat. Tous les partenaires économiques sont intéressés à une meilleure formation des salariés. Du reste, bien des grandes entreprises l'assurent déjà elles-mêmes à leurs employés.

Pour qu'un plus grand nombre de salariés et d'entreprises bénéficient de cet avantage, le groupe radical vous demande de renvoyer ce projet de loi à la commission de l'enseignement.

M. Bernard Annen (L). Le parti libéral entend affirmer ici toute l'importance qu'il accorde à la formation continue et au perfectionnement professionnel.

Néanmoins, la lecture de ce projet de loi nous laisse songeurs quant à la portée que ses auteurs entendent lui accorder.

Je me suis réjoui d'entendre Mme Blanc-Kühn reconnaître l'effort considérable fourni, dans ce sens, par notre canton.

Pour avoir participé à nombre de séances traitant de la formation professionnelle, tant sur le plan suisse que romand, j'entends dire ici, très fermement, que Genève est, de loin, la plus avancée dans ce domaine comme dans d'autres, d'ailleurs.

Faut-il entendre par là qu'il n'y a plus rien à faire ? Je ne le crois pas. Mais pour aller aussi loin que nous le proposent nos collègues, il faudra d'abord nous rendre en commission.

Le FFPP, le Fonds pour la formation et le perfectionnement professionnels, cité par Mme Blanc-Kühn, est déjà financé par l'ensemble des employeurs, Monsieur Genecand, à raison de centaines de milliers de francs, sinon des millions...

Mme Fabienne Blanc-Kühn. 6 millions !

M. Bernard Annen. Merci, Madame Blanc-Kühn ! C'est dire l'effort fourni, aujourd'hui, par les entreprises en faveur de la formation continue ! L'Etat participe également à cet effort, puisqu'il est employeur. Les partenaires sociaux, eux aussi, font un effort particulier par le biais du Conseil central interprofessionnel. J'y reviendrai tout à l'heure.

L'effort est donc fait, et il doit être reconnu. Mais il y a plus encore : l'Université ouvrière de Genève, suivie et gérée par les syndicats, mais également aidée par les associations professionnelles, est active dans ce domaine. Elle reçoit notamment les étrangers qui viennent à Genève avec peu ou pas de formation. La structure existe donc. Il faut peut-être l'améliorer et la renforcer.

En revanche, je me demande si la portée réelle de ce projet de loi a été vraiment étudiée. En effet, l'article 2 institue un droit à la formation continue, un droit accordé à toute personne, étrangère ou non, ayant travaillé plus d'une année dans notre canton. C'est dire que quinze ou vingt mille frontaliers pourraient réclamer une formation continue. Notre canton sera-t-il obligé de la financer pour pallier les lacunes de nos voisins français ? Cette question devra être posée en commission.

En lisant ce projet, je me suis demandé si nous avions affaire à une nouvelle proposition d'étatisation. Ce n'était pas le cas. Aussi ai-je cherché un article stipulant l'étatisation du CCI, le Conseil central interprofessionnel; je n'en ai pas trouvé. En revanche, le projet «sacre» le CCI qui, cumulant tous les pouvoirs, devient un Etat en tant que tel. Son président deviendra nécessairement le chef de cet Etat. Et qui est à la tête, aujourd'hui, du CCI ? C'est notre amie et collègue Fabienne Blanc-Kühn !

Maintenant, je comprends pourquoi elle s'est tant attachée à la rédaction de ce projet de loi. Je plaisante, évidemment !

Néanmoins, j'entends répéter que le parti libéral veillera toujours à soutenir la formation continue, moyennant les restrictions que j'ai énoncées.

Si nous acceptons le renvoi de ce projet en commission, c'est pour faire ressortir l'état de la situation actuelle, comparativement à ce qui se fait ailleurs, et pour féliciter l'Etat et le département de l'instruction publique de leur action et de leur conviction en matière de formation continue.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. C'est en com-mission que seront évidemment débattus les différents articles de ce projet de loi.

Bien que succincte, une législation sur la formation continue existe déjà. Elle est intégrée à la loi sur l'instruction publique, à son titre IV, lequel définit la formation continue au-delà des qualifications et du perfectionnement professionnels.

Pour plaisanter, je dirai que les auteurs du projet de loi semblent ignorer cette législation, à l'instar de M. Grobet qui est intervenu sur le même sujet, lors d'une précédente séance. Il est vrai que les impondérables de l'impression ont fait que ce titre ne figure pas dans la table des matières du volume des lois. Ceci explique peut-être cela !

Je vous rends attentifs à l'article 8 souligné de ce projet de loi, dont la teneur est : «L'Etat favorise la collaboration de tous les partenaires naturels de la formation continue». Suit l'énumération desdits partenaires, parmi lesquels figurent les partenaires sociaux : «associations professionnelles de salariés et d'employeurs».

Si j'ai un regret, aujourd'hui, c'est celui de n'avoir pas été saisie d'un projet de loi préalablement discuté, par ces mêmes partenaires sociaux, parce que c'est avec eux que, l'année durant, l'on met sur pied, au sein du Conseil central interprofessionnel - que l'on souhaite modifier - toute une série d'actions en faveur du perfectionnement professionnel et de la formation continue.

C'est mon regret. En effet, les complications surgissent toujours quand il s'agit de mettre les gens d'accord.

J'attire l'attention des auteurs sur un deuxième point. Nous avons une Constitution fédérale, une constitution cantonale et une loi sur les finances. Les trois nous contraignent à justifier la couverture des dépenses engagées.

J'attends donc avec intérêt les propositions de financement des auteurs du projet de loi, lors des travaux en commission. Je suis curieuse d'apprendre comment ils entendent financer, à hauteur de plusieurs millions, la participation de l'Etat à ce projet.

Ce projet est renvoyé à la commission de l'enseignement et de l'éducation.