République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7241-A
11. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale (création d'une base légale permettant le prélèvement d'un émolument en cas de rejet d'un recours dans le domaine de l'entraide internationale en matière pénale) (E 3 3). ( -) PL7241
Mémorial 1995 : Projet, 2496. Commission, 2497.
Rapport de Mme Fabienne Bugnon (Ve), commission judiciaire

Le projet de loi cité en titre est une proposition du Conseil d'Etat déposée le 3 mai 1995 et renvoyée par le Grand Conseil à la commission judiciaire.

La commission l'a étudié en date du 8 février 1996, sous la présidence de notre collègue Bernard Lescaze, en présence de M. Nicolas Bolle, secrétaire adjoint du département de justice et police et des transports.

Ce projet a pour objet de permettre le prélèvement d'un émolument en cas de rejet d'un recours dans le domaine de l'entraide internationale en matière pénale.

En l'état actuel, la loi ne permet pas de prélever des émoluments en cas de rejet d'un recours dans ce domaine. Les recours sont nombreux et l'exposé des motifs précise: «Les personnes physiques et morales recourantes sont fréquemment étrangères au canton et il s'agit souvent de plaideurs parfaitement à même de supporter financièrement les conséquences d'une démarche qui s'avérerait infondée.»

Le Conseil d'Etat complétera l'article 10 du règlement fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale, au cas où le projet serait accepté.

Le dépôt de ce projet a suscité une réaction de la part de l'Ordre des avocats (lettre en annexe) et des juges de la Chambre d'accusation (audition).

Lettre de l'ordre des avocats du 22 septembre 1995

L'ordre des avocats exprime dans un premier temps ses regrets quant à la teneur de l'exposé des motifs accompagnant le projet de loi, notamment en ce qui concerne la notion de «justice rentable».

Le conseil de l'Ordre estime ensuite qu'un émolument ne doit pas requérir une volonté d'effet dissuasif, ni avoir pour but la sanction déguisée dès lors que le seul échec d'une démarche judiciaire infondée doit rester le déboutement.

De plus, le simple fait que cet émolument ne soit pas quantifié dans la proposition de loi incite l'Ordre à émettre des réserves.

Le conseil de l'Ordre des avocats sous la signature de son bâtonnier, Me Pascal Maurer, conclut en ne s'opposant pas radicalement au projet de loi, mais en estimant que ce projet ne s'inscrit pas dans une juste philosophie de la justice, qu'il risque d'attenter pour partie au libre accès de la justice et qu'il consacre une inégalité de traitement entre les parties à la procédure d'entraide.

Audition de M. Christian Reymond, juge à la Chambre d'accusation

L'initiative de ce projet de loi vient de la Chambre d'accusation, les juges estimant inégal le fait qu'il existe des émoluments pour les recours contre les décisions de classement du procureur général, qui concernent souvent des petites affaires, alors qu'il n'en existe pas pour des affaires d'entraide internationale, qui concernent souvent des affaires portant sur plusieurs dizaines de millions de francs.

M. Reymond précise que ces émoluments n'ont pas un but dissuasif et qu'il ne pense pas qu'ils vont freiner la recourite.

Il précise qu'en 1995, il y a eu 189 recours, que beaucoup de ces recours sont dilatoires et qu'ils concernent généralement les grosses affaires, les petites donnant rarement lieu à des recours.

L'émolument prévu est de 100 F à 20 000 F.

M. Reymond répond aux différentes questions, que le seul but visé est de pallier une inégalité de traitement.

Discussion de la commission et conclusions

Les commissaires partagent l'avis de l'Ordre des avocats au sujet de l'exposé des motifs, avis également exprimé par le juge Reymond. Il n'est en effet pas souhaitable de proposer une modification «de nature à augmenter les recettes de l'Etat» lorsque l'on fait référence à la justice. Elle doit en tout temps rester accessible à tout un chacun et son exercice ne doit pas avoir pour but de permettre des recettes financières.

D'autre part, le fait que cet émolument ne soit pas chiffré est gênant, la fourchette proposée par le juge Reymond (entre 100 F et 20 000 F) n'est pas très précise.

Certains commissaires pensent que si l'on veut procéder à une égalité de traitement, il n'est pas indispensable de la faire dans ce sens. On pourrait supprimer tous les émoluments dans tous les cas de recours.

D'autres pensent que cet émolument pourrait avoir un effet dissuasif dans le cas de certains gouvernements étrangers qui ne pourraient recourir faute de moyens suffisants.

Il est rappelé que cet émolument ne sera pas une obligation, les modifications proposées contenant la notion de «pouvoir» et non «devoir».

Votes de la commission

Entrée en matière: 7 oui (1 PDC, 2 AdG, 1 Ve, 2 R, 1 S);

 2 abstentions (L).

Modification de l'article 33, alinéa 3 (nouveau)

Art. 33, al. 3 (nouveau)

3 Lorsque le recours est rejeté, le recourant peut être condamné aux frais de l'Etat.

Cet article est accepté par 6 oui (2 AdG, 1 Ve, 2 R, 1 PDC);

 3 abstentions (2 L, 1 S).

Modification de l'article 45, alinéa 3 (nouveau)

Art. 45, al. 3 (nouveau)

3 Lorsque le recours est rejeté, le recourant peut être condamné aux frais de l'Etat.

Cet article est accepté par 6 oui (2 AdG, 1 Ve, 2 R, 1 PDC);

 3 abstentions (2 L, 1 S).

Le projet de loi 7241 est accepté dans son ensemble par 6 oui (2 AdG, 1 Ve, 2 R, 1 PDC), et 3 abstentions (2 L,1 S).

Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir l'adopter tel qu'il ressort des travaux de la commission judiciaire.

Annexe : lettre de l'Ordre des avocats de Genève, du 22 septembre 1995.

ANNEXE

page 7

page 8

Premier débat

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

(PL 7241)

LOI

modifiant la loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale

(Création d'une base légale permettant le prélèvement d'un émolument en cas de rejet d'un recours dans le domaine de l'entraide internationale en matière pénale)

(E 3 3)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, du 14 mars 1975, est modifiée comme suit:

Art. 33, al. 3 (nouveau)

3 Lorsque le recours est rejeté, le recourant peut être condamné aux frais de l'Etat.

Art. 45, al. 3 (nouveau)

3 Lorsque le recours est rejeté, le recourant peut être condamné aux frais de l'Etat.