République et canton de Genève

Grand Conseil

No 40

Vendredi 22 septembre 1995,

soir

Présidence :

Mme Françoise Saudan,présidente

La séance est ouverte à 17 h.

Assistent à la séance : MM. Olivier Vodoz, président du Conseil d'Etat, Jean-Philippe Maitre, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

La présidente donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Guy-Olivier Segond, Claude Haegi, Philippe Joye, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Michel Balestra, Fabienne Blanc-Kühn, Anita Cuénod, Pierre Meyll et Micheline Spoerri, députés.

3. Correspondance.

La présidente. La pétition suivante est parvenue à la présidence :

P 1088
Contre le renvoi de M. Daniel Girma. ( )   P1088

Elle est renvoyée à la commission des pétitions.

4. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

Néant.

c) de propositions de résolutions;

La présidente. Nous vous informons que la proposition de résolution suivante est retirée par ses auteurs :

R 302
de Mmes et MM. Fabienne Bugnon, Gabrielle Maulini-Dreyfus, Sylvia Leuenberger, Anne Briol, Max Schneider, David Hiler, Chaïm Nissim et Andreas Saurer de félicitations à l'intention de l'équipe suisse de football. ( )  R302

Il en est pris acte.

 

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.

IN 105-B
5. Rapport de la commission législative chargée d'étudier la validité de l'initiative populaire «Pour l'emploi, contre l'exclusion». ( -) IN105
Mémorial 1995 : Rapport du Conseil d'Etat, 1033. Renvois en commissions, 1054.
Rapport de M. Laurent Moutinot (S), commission législative

La commission législative s'est réunie les 3 mars, 5 mai et 2 juin 1995, sous la présidence de M. Michel Halpérin, président, pour examiner l'initiative populaire «pour l'emploi, contre l'exclusion».

Conformément au droit d'initiative cantonale populaire, le présent rapport est déposé suffisamment à l'avance pour que le Grand Conseil puisse prendre, conformément à l'article 120 de la loi portant règlement du Grand Conseil, sa décision sur la validité de l'initiative dans le délai de 9 mois dès l'arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative publiée dans la Feuille d'avis officielle du 23 décembre 1994, soit avant le 23 septembre 1995.

Pour qu'une initiative soit recevable, elle doit remplir cinq conditions, soit trois conditions dites de recevabilité formelle:

1. unité de la matière;

2. unité de la forme;

3. unité normative;

et deux conditions dites de recevabilité matérielle, soit :

4. la conformité au droit supérieur;

5. l'exécutabilité.

1. Unité de la matière

L'article 66, alinéa 2, de la constitution genevoise exige que l'initiative populaire respecte l'unité de la matière, c'est-à-dire que ne soit posée au corps électoral qu'une question unique à laquelle il puisse être répondu par «oui» ou «non».

On observe d'emblée que l'initiative 105 comporte un nombre considérable de propositions différentes. L'unité de la matière, comme le rappelle le Conseil d'Etat dans son rapport IN 105-A, du 1er mars 1995, «n'exclut pas qu'une initiative contienne plusieurs propositions. Elles doivent toutefois avoir entre elles un rapport de connexité qui fasse apparaître comme objectivement justifiée la réunion» des diverses propositions qu'elle contient.

Jean-François Aubert, dans son «Traité de droit constitutionnel suisse», édition 1967, arrive à la conclusion «que l'initiative ne doit poursuivrequ'un but bien délimité, mais peut prévoir plusieurs moyens de l'atteindre»(No 379).

La commission a longuement débattu de l'unité de la matière de l'initiative «pour l'emploi, contre l'exclusion». Il est à rappeler que si une initiative ne respecte pas l'unité de la matière, elle doit, conformément à l'article 66, alinéa 2, de la constitution genevoise, être scindée de manière à ce que chaque partie respecte l'unité de la matière. Ce n'est que s'il s'avère impossible de scinder l'initiative que celle-ci doit être déclarée nulle, de même qu'elle peut être déclarée partiellement nulle si certaines parties, une fois l'initiative scindée, respectent l'unité de la matière, et que d'autres ne la respectent pas. En d'autres termes, si une initiative populaire ne respecte pas le principe de l'unité de la matière, le Grand Conseil a l'obligation de la traiter en la scindant. Ainsi, si l'irrespect de certaines conditions de forme entraîne la nullité pure et simple de l'initiative, l'irrespect du principe de l'unité de la matière entraîne la scission.

Certains membres de la commission sont irrités par les initiatives programmatiques, telle l'initiative 105, car ils estiment qu'une initiative complexe pose des problèmes de nature politique et de nature juridique d'autre part; leur irritation trouve cependant sa limite à l'article 66, alinéa 2, de la constitution cantonale, puisque la seule sanction, en cas d'irrespect du principe d'unité de la matière, est la scission de l'initiative en d'autant de parties qu'il est nécessaire.

Il convient enfin de préciser que l'initiative est dite non formulée dès lors qu'elle est conçue en termes généraux et que l'on peut dès lors être plus souple en matière d'application du principe de l'unité de la matière, puisque le législateur devra concrétiser le projet et par conséquent sera en mesure de corriger d'éventuelles imperfections.

Une minorité de la commission était d'avis que l'initiative respectait le principe d'unité de la matière, dès lors que l'initiative 105 est globalement orientée vers la protection de l'emploi et que les nombreuses propositions qu'elle formule tendent à concrétiser ce but unique. La majorité de la commission a cependant décidé que le principe de l'unité de la matière n'était pas respecté, de sorte que la discussion s'est ouverte sur la manière dont il convenait de la scinder. Une première proposition, très pointilliste, proposait la scission en 27 parties, mais elle ne recueillera que deux voix (libérales). Une deuxième proposition de scinder l'initiative en quatre parties ne dégagera pas non plus de majorité et c'est en définitive par trois voix pour, une voix contre et quatre abstentions, que la commission propose au Grand Conseil de scinder l'initiative 105 en trois parties :

1. la favorisation de l'emploi;

2. la lutte contre le chômage;

3. la réforme de la fiscalité.

Il faut relever que l'initiative elle-même a pour titre «pour l'emploi, contre l'exclusion», ce qui correspond aux deux premières parties proposées par la commission, à savoir de favoriser l'emploi et de lutter contre le chômage. Le troisième volet, soit le volet fiscal, mérite un chapitre à lui seul.

2. Unité de la forme

La commission a examiné avec attention si le principe de l'unité de la forme était respecté par l'initiative. En effet, une minorité de la commission était d'avis que l'initiative ne respectait pas l'unité de la forme, estimant par exemple que l'instauration d'une contribution sociale généralisée (point 8) était à ce point précise qu'il s'agissait là d'un projet réalisé de toutes pièces (art. 65 A, ou art. 65 B, de la constitution cantonale), alors que d'autres voeux de l'initiative apparaissent manifestement sous forme de termes généraux. L'exemple de la contribution sociale généralisée a permis de démontrer que l'initiative n'est pas rédigée de toutes pièces, puisque, même sur ce point, cité en exemple par les membres de la commission qui considèrent que l'unité de la forme n'est pas respectée, il a pu être démontré que l'initiative ne propose ni le pourcentage de la contribution sociale généralisée, ni la définition des principaux paramètres à mettre en oeuvre, ni la procédure.

La commission parvient donc à la conclusion que l'initiative est «conçue en termes généraux et susceptible de formulation par une révision de la constitution ou par une loi, ce choix appartenant au Grand Conseil» comme le stipule l'article 65 de la constitution genevoise. Cette décision a été prise par quatre voix (PS, PEG, AdG) contre trois (L, R, PDC), une abstention.

3. Unité normative

L'unité normative, dite aussi unité de genre, exige qu'une initiative soit du niveau législatif ou du niveau constitutionnel, sans mélange des deux. S'agissant toutefois d'un projet présenté en termes généraux, il appartient au Grand Conseil, et conformément à l'article 65 de la constitution, de formuler le projet «par une révision de la constitution ou par une loi».

Aucun problème d'unité normative ne se pose donc en l'espèce et c'est à l'unanimité que la commission a considéré que cette troisième condition était réalisée.

4. Conformité au droit supérieur

La commission a considéré que les nombreuses propositions contenues dans l'initiative 105 devaient faire un examen détaillé quant à la conformité au droit supérieur. Devant l'ampleur de la tâche, la commission a mandaté le professeur Blaise Knapp, qui a rendu un avis de droit à ce sujet le 3 mai 1995.

S'agissant d'une initiative non formulée, elle doit respecter le droit fédéral, voire international. Il n'est en revanche pas nécessaire qu'elle respecte la constitution cantonale, puisqu'elle est précisément susceptible d'être concrétisée par une modification de ladite constitution.

L'avis de droit du professeur Knapp comptant 41 pages, le rapporteur tente l'exercice périlleux d'un résumé rapide: s'agissant d'intervention en politique économique et sociale, le droit cantonal doit d'une part respecter la liberté économique garanti par la constitution fédérale, et d'autre part ne pas empiéter sur des compétences fédérales exclusives dans les matières en cause.

L'article 31 de la constitution fédérale garantit aux citoyens la liberté du commerce et de l'industrie à laquelle des restrictions ne peuvent être apportées que pour peu qu'elles poursuivent un but de police ou de politique sociale, qu'elles respectent le principe de proportionnalité, ainsi quel'égalité de traitement de manière à ne pas fausser la concurrence. Le professeur Knapp rappelle notamment la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 118 1 B, page 249) qui concerne d'ailleurs une espèce genevoise, puisqu'il s'agissait de la LDTR: «selon la jurisprudence les mesures de politique économique prohibées par l'article 31 de la constitution fédérale sont celles qui interviennent dans la libre concurrence pour assurer ou favoriser certaines branches de l'activité lucrative ou certaines formes d'exploitation et qui tendent à diriger l'activité économique selon un certain plan. En revanche, l'article 31 de la constitution fédérale ne s'oppose pas à des mesures dites sociales, ou de politique sociale, qui tendent à procurer du bien-être à l'ensemble ou à une grande partie des citoyens ou à accroître ce bien-être par l'amélioration des conditions de vie, de la santé ou des loisirs. Il en découle que des mesures de politique sociale prises par les cantons, tant qu'elles n'ont pas pour but d'intervenir dans la libre concurrence, sont compatibles avec l'article 31 de la constitution fédérale».

Le respect du principe de l'égalité de traitement doit être particulièrement important dans la politique de subventionnement si l'Etat en mène une en matière économique ou si des restrictions à l'activité économique s'apparentent à du protectionnisme.

Le professeur Knapp passe en revue, outre la jurisprudence du Tribunal fédéral, les opinions des professeurs Gygi, Jean-François Aubert, et Rhinow, constate un accord de la doctrine et de la jurisprudence sur les principes brièvement résumés ci-dessus.

Passant à l'application concrète, le professeur Knapp a jugé quatre points de l'initiative non conformes au droit supérieur et la commission l'a suivi :

Point 5.1

Le programme d'encouragement à la création d'emploi par la réduction du temps de travail, même s'il se concrétise sous la forme de mesures de promotion et non de mesures restrictives, peut entraîner des distorsions de concurrence même si tel n'est pas le but de cette proposition. En effet, l'initiative, sur ce point, favorise délibérément une certaine forme d'organisation des entreprises par rapport à une autre et la majorité de la commission, suivant en cela le professeur Knapp, a considéré que le but social mis en balance avec l'intérêt au respect de la libre concurrence n'était pas prépondérant.

Point 5.2

Pour les mêmes raisons que le point 5.1, dont il est la suite logique, le point 5.2 a été considéré par la majorité de la commission comme non conforme au droit supérieur, soit comme violant de manière injustifiée la liberté économique. En revanche, le point 5.3 est conforme au droit supérieur, dès lors que les collectivités publiques pour leurs propres activités ne sont pas régies par l'article 31 de la constitution fédérale.

Point 11.1

Le point 11.1 de l'initiative donne pour mission à l'office cantonal de l'emploi, notamment, «d'assurer le placement des demandeurs d'emploi dans le respect des conditions de travail définies par les règles usuelles de la profession». Or, l'article 26 alinéa 3, lettre A, de la LSE interdit aux offices de l'emploi de collaborer seulement lorsque l'employeur «offre des salaires et des conditions de travail sensiblement inférieurs aux normes de la profession». L'initiative réclame donc un traitement au niveau des règles usuelles de la profession, alors que la loi fédérale interdit des conditions sensiblement inférieures auxdites normes. S'agissant d'une question de droit fédéral et réglé par lui, la marge d'appréciation cantonale n'est pas telle qu'elle puisse permettre sur ce point de déclarer l'initiative conforme au droit supérieur.

Point 11.2

L'initiative «interdit tout transfert de données ou de ressources vers des entreprises de placements privés et agences de travail temporaire». L'arti-cle 33, alinéa 2, LES, prévoit au contraire que «lors d'exécution de mesures dans ce domaine, les offices du travail s'efforcent d'associer à l'exécution les associations d'employeurs et de travailleurs ainsi que d'autres organisations s'occupant du placement». L'article 55 de l'ordonnance stipule d'ailleurs que «lorsque les autorités dont relève le marché du travail communiquent des données sur les demandeurs d'emploi et les emplois vacants à des placeurs privés ou à des bailleurs de service, elles se conforment aux principes de réciprocité». Il n'est donc dès lors pas possible d'interdire en droit cantonal les échanges d'informations, étant toutefois rappelé que les exigences de droit fédéral entre les différents placeurs privés soumettent la transmission de données à l'exigence du consentement écrit des intéressés. Ce qui est vrai des placeurs privés devrait être également applicable à l'office cantonal de l'emploi, qui ne devrait donc pas transmettre de données à des placeurs privés, sauf accord écrit préalable des intéressés.

Pour tous les autres points, l'avis de droit du professeur Knapp conclut à la compatibilité de l'initiative avec le droit fédéral et la commission législative n'a pas non plus décelé une quelconque violation de ce principe.

L'article 66, alinéa 3, de la constitution genevoise oblige le Grand Conseil à déclarer «partiellement nulle l'initiative dont une partie est manifestement non conforme au droit, si la ou les parties qui subsistent sont en elles mêmes valides». L'initiative comporte 31 propositions et si quatre d'entre elles sont déclarées nulles, il en subsiste 27 qui sont valides en elles-mêmes, de sorte que ces parties qui subsistent sont déclarées valides, car l'invalidation des quatre points rappelés ci-dessus ne justifie pas de déclarer l'initiative nulle en totalité, puisque précisément les parties subsistantes sont elles-mêmes valides.

5. Exécutabilité

L'exécutabilité de l'initiative a posé problème à la commission, certains commissaires considérant que l'ambitieux programme proposé par l'initia-tive 105 n'était exécutable qu'à terme et par la mise en oeuvre de moyens importants. Il n'est pas contestable que l'initiative réclame des efforts importants, mais déclarer inexécutable un programme de lutte contre le chômage revient aussi à baisser les bras devant ce fléau social.

Sur le plan juridique, l'inexécutabilité n'est admise que lorsque l'initiative est manifestement impossible à exécuter, soit dans des cas extrêmes. Albert Camus écrivait: «Les hommes appellent impossibles les tâches qu'ils mettent longtemps à accomplir.» Espérons que la lutte contre le chômage ne devienne pas si longue qu'il faille l'appeler impossible.

C'est ainsi que la commission législative est finalement parvenue à la conclusion que l'initiative était exécutable.

6. Remarques finales

Les débats de la commission ont été ardus et quelquefois même confus, de par la profusion même de la matière. La floraison de propositions de l'initiative 105 a agacé plus d'un commissaire et a entraîné des réactions très nettes de rejet de ce type d'initiatives programmatiques. Le rapporteur se plaît à souligner que plusieurs commissaires qui ont marqué leur aversion à ce type d'initiatives ont fait l'effort d'appliquer strictement les articles 65 et suivants de la constitution genevoise, de sorte qu'à la majorité la commission législative recommande au Grand Conseil:

1. de déclarer nuls les points 5.1, 5.2, 11.1 et 11.2, de l'initiative;

2. de scinder l'initiative en trois volets intitulés :

 a) la favorisation de l'emploi;

 b) la lutte contre le chômage;

 c) la réforme de la fiscalité.

3. de déclarer chacun des trois volets ci-dessus recevable.

Annexe : texte de l'initiative 105.

ANNEXE

Secrétariat du Grand Conseil

IN 105

LANCEMENT D'UNE INITIATIVE

La Communauté genevoise d'action syndicale et le Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs ont lancé l'initiative populaire suivante intitulée « Pour l'emploi, contre l'exclusion », qui a abouti.

1.

Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le  

23 décembre 1994

2.

Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le  

23 mars 1995

3.

Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative, au plus tard le  

23 septembre 1995

4.

Décision du Grand Conseil au sujet de la prise en considération de l'initiative sur la base du rapport de la commission en charge, au plus tard le  

23 juin 1996

INITIATIVE POPULAIRE

«Pour l'emploi, contre l'exclusion»

Genève est confrontée depuis le second semestre de 1990 à un chômage important. Or, depuis cette période, tant au niveau de sa politique économique que du traitement social du chômage, le Conseil d'Etat n'a développé aucune action d'envergure, comme s'il considérait l'augmentation du chômage, et l'exclusion sociale qui en découle, comme une fatalité.

Face à cette attitude de laisser faire, la Communauté genevoise d'action syndicale (CGAS) et le Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (SIT) lancent une initiative visant à contraindre les pouvoirs publics à adopter toutes les mesures adéquates en matière de politique économique et de traitement social du chômage.

A défaut de pouvoir supprimer le chômage par des mesures cantonales, CGAS et SIT se fixent pour objectif de rompre avec le laisser-faire, de créer un nouvel élan économique et social et, enfin, de mettre un terme à l'exclusion sociale qui découle du chômage de longue durée.

Les soussignés, électrices et électeurs dans le canton de Genève, en application des articles 64 et 65 de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 94 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, appuient la présente initiative non formulée, qui a pour but de légiférer dans le sens du texte figurant ci-après:

INITIATIVE POPULAIRE

«Pour l'emploi, contre l'exclusion»

A. Politique économique: créer des emplois, agir de manière anticyclique, réformer la fiscalité

1. Développer une politique économique

Il prend en compte la dimension régionale, la nécessité d'un développement durable et veille à l'amélioration des infrastructures afin de garantir des conditions-cadres attractives: transports (lien avec le réseau TGV, modernisation de l'aéroport), télécommunications, protection de l'environnement, qualité de la vie, formation et perfectionnement pro-fessionnels, logements pour toutes les catégories de résidants.

En tant qu'employeur, il développe une politique visant à maintenir les postes de travail dans la fonction publique pour lutter contre le chômage et préserver les prestations à la population, en concertation avec les syndicats.

1.2   La politique de promotion économique, en lien avec la région, vise particulièrement:

· les entreprises, à haute valeur ajoutée, destinées à l'exportation, notamment: biotechnologie, biomédical, haute technologie, protection de la nature, dépollution, technologie d'information, mécatronique;

· les entreprises de recherche: environement, culturel, santé;

· les entreprises privées et publiques utiles au rôle international de Genève: organisations internationales et humanitaires, tourisme, consultant;

· les emplois de proximité répondant aux besoins sociaux en constante évolution: personnes âgées, garde d'enfants, mais aussi dans les domaines culturels, sportif et associatif.

1.3   Les moyens disponibles s'adressent prioritairement aux PME et aux entreprises coopératives ou qui associent les travailleurs-euses à la gestion: cautionnement, prise en charge partielle des intérêts, allégements fiscaux transparents, aide administrative (recherche de terrains, subventions fédérales, permis de travail, marketing), mise en réseau avec des institutions de recherche (CERN, OMS, universités, EPFL), bonus à la rénovation.

L'Etat veille à ce que la Banque cantonale joue un rôle de soutien à l'activité économique locale et aux emplois ou qu'elle ne s'engage pas dans des projets contribuant à la spéculation.

L'Etat lutte contre la spéculation foncière qui déstabilise les entreprises au détriment de l'emploi.

1.4   L'Etat intègre la dimension régionale dans ses décisions, notamment en:

· s'assurant de la complémentarité des mesures régionales;

· équilibrant les pôles d'habitation et d'activités;

· dynamisant les échanges;

· organisant des réseaux de transports publics efficaces.

1.5   Le suivi et la transparence de la politique économique sont garantis par une structure à créer associant les partenaires sociaux et l'Etat et travaillant avec les banques. Cettre structure est également destinée à convoquer les entreprises qui ont annoncé à l'office cantonal de l'emploi (OCE) leur intention de licencier et à examiner toute mesure alternative aux licen-ciements.

Le Conseil d'Etat informe le Grand Conseil deux fois par an des mesures prises.

2. Agir de manière anticyclique

2.1   L'Etat s'engage dans une politique économique anticyclique de soutien à l'emploi dans les périodes conjoncturelles difficiles par le biais de son budget d'investissement et par la politique de l'emprunt. A cet effet, il constitue des réserves pendant les périodes favorables. Les critères utilisés pour définir une période conjoncturelle sont les différents indicateurs quantitatifs et qualitatifs de l'économie cantonale et des secteurs d'activité économique.

2.2   Les investissements sont prioritairement affectés à des réalisations représentant un caractère d'utilité publique, répondant aux besoins sociaux créateurs d'emplois et favorisant une politique régionale (développement des transports publics, construction de logements sociaux, infrastructures de formation). Ils sont, si possible, combinés avec des investissements privés de manière à dégager un effet multiplicateur de la politique d'investissement public. Les possibilités de mise en place de sociétés mixtes sont étudiées.

3. Réformer une fiscalité qui pénalise l'emploi

La fiscalité cantonale sur les personnes morales est réformée de manière à mettre sur pied un système d'imposition proportionel sur les seuls bénéfices et non pas sur l'intensité du rendement (= rapport bénéfice/capital), qui pénalise actuellement les entreprises à faible capitalisation. Un rééquilibrage en faveur de ces dernières, souvent fortes pourvoyeuses d'emplois, sera rétabli par une pression fiscale accrue sur les entreprises à forte intensité de capital pour un volume total de rentrées fiscales équivalant à celui d'aujourd'hui.

B. Emploi, formation, temps de travail

· permettre à qui le souhaite d'accéder à la formation, assurer une qualification de base aux nombreux-ses salariés-es non qualifiés-es auxquels-les Genève a fait appel jusqu'ici;

· permettre à qui le souhaite d'accéder à la formation continue, promouvoir une requalification ou une qualification supplémentaire pour le personnel moyennement qualifié.

· une «carte de crédit annuel» de formation permettant de suivre des cours professionnellement utiles dans une institution d'utilité publique et équivalant à 40 heures de cours;

· l'accès pour qui le souhaite à un bilan personnel après cinq ans de travail salarié et un an dans la même entreprise;

· une politique d'information de toutes les possibilités de formation;

· la mise sur pied d'une structure d'appui pour la réalisation des projets de formation des acteurs sociaux concernés (entreprises, associations professionnelles...);

· l'organisation à l'intention plus particulièrement du personnel non qualifié, de cours collectifs en vue de la préparation au CFC selon l'article 41 de la loi fédérale sur la formation professionnelle.

Une structure tripartite est mise en place. Elle associe l'office d'orientation et de formation professionnelle (OOFP), l'office de la promotion économique et l'office cantonal de statistique (OCSTAT).

5. Encourager la création d'emplois par la réduction du temps de travail

· affectation prioritaire des gains de productivité à la diminution de l'horaire hebdomadaire du travail;

· maintien de la protection sociale;

· implication des travailleurs-euses de l'entreprise;

· accord des salariés concernés et des partenaires sociaux de la branche.

C. Traitement social du chômage: le chômage sans l'exclusion

6. Mettre un terme à l'exclusion

6.1

· L'Etat a pour tâche de mettre fin à l'exclusion due au chômage de longue durée par le développement des occupations temporaires (OT) utilisables chaque délai-cadre. Celles-ci sont d'une durée de 6 mois et interviennent dès la 1re année de chômage.

· Si le terme des indemnités journalières de la LACI intervient avant la fin du délai-cadre de prestation, une nouvelle OT - dont la durée doit permettre l'ouverture d'un nouveau droit LACI - est proposée.

· Le but de ces mesures est d'éviter tout recours à l'assistance publique pour les chômeurs-euses en fin de droit LACI.

6.2

· L'OT individuelle tient en principe compte des compétences de la personne à qui elle est proposée. Elle peut également faciliter un recyclage. Elle doit, en tout état de cause, viser à augmenter l'aptitude au placement. Pour ce faire, elle est jumelée avec un plan de formation intégré à l'horaire hebdomadaire de travail.

· Les mesures d'OT peuvent être combinées avec des mesures d'allocations d'initiation au travail (AIT) prévues par la LACI.

6.3   L'Etat assure la perte de gain des personnes en OT qui seraient en incapacité de travail.

6.4   Afin de trouver de nouvelles places d'OT, l'Etat crée ou encourage des programmes d'OT collectives dont le caractère d'utilité publique est fondamental; il établit un réseau de collaboration avec les associations et organisations sans but lucratif, les organisations non gouvernementales. Il peut autoriser, sous contrôle des partenaires sociaux, des projets précis d'OT dans le cadre d'entreprises.

L'Etat veille, par le biais d'un contrôle tripartite, à ce que les programmes d'OT collectives ne soient pas en concurrence avec les entreprises, qu'une OT, une AIT ou un stage ne remplacent pas un poste de travail ou que ces placements (stages, IT) ne soient pas des aides déguisées aux entreprises.

6.5   Toute personne au chômage depuis plus de 3 mois s'inscrit, en priorité auprès d'institutions d'utilité publique, pour effectuer un bilan, suivre des cours de techniques de recherche d'emploi (TRE), participer à un club d'emploi, à une entreprise d'entraînement, etc.

7. Réinsérer les sans-emploi

Le fonds genevois de chômage est transformé en fonds destiné à allouer des prestations sur le modèle actuel pour toute personne souhaitant se réinsérer sur le marché du travail et n'ayant pas droit aux indemnités fédérales de chômage.

8. Instaurer une contribution sociale généralisée (CSG)

Pour financer le nouveau programme d'OT, complémentaire à celui prévu aujourd'hui par la loi, et le fonds cantonal de chômage, une contribution sociale généralisée est instituée. Elle est prélevée en pour-cent, sans plafond, sur tous les revenus du capital, du travail et des transferts. Son montant est fixé au vu de l'estimation du coût des mesures envisagées et a un caractère temporaire dépendant des résultats de la lutte contre le chômage.

9. Faciliter le premier emploi

Pour les jeunes qui sont au chômage et à la recherche d'un premier emploi, l'Etat promeut, dès le 4e mois, toutes les mesures de perfectionnement professionnel, d'occupation et de stage. Le but est aussi de donner la première expérience professionnelle sous forme de stage aux jeunes sortant de formation. Ces mesures doivent être compatibles avec des programmes d'occupation à plein temps, de formation ou d'utilité publique, notamment des stages linguistiques, y compris à l'étranger.

10. S'assurer obligatoirement contre la perte de gain

Chaque chômeur-euse est assuré-e obligatoirement contre la perte de gain dans le cadre d'une assurance collective ou privée ou à l'assurance prestations cantonales maternité et maladie (PCMM). Les prestations sont versées sans restriction de risques et sans critère de permis de travail.

11. Réformer l'OCE: doter les services publics d'une nouvelle ambition

11.1   La mission du service public est d'assurer le placement des demandeurs-euses d'emplois dans le respect des conditions de travail définies règles usuelles de la profession.

11.2   Est interdit tout transfert de données ou de ressources vers des entreprises de placement privé et agences de travail temporaire.

11.3   L'Etat a pour tâche de réformer et professionnaliser le service de placement de l'OCE pour le rendre plus efficace. Le personnel est formé systématiquement et en nombre suffisant pour répondre aux normes Ofiamt(1 placeur-euse pour 100 chômeurs-euses) et aux qualités qu'exige le contact avec les chômeurs-euses.

11.4   Cette réforme doit permettre la création de plusieurs antennes polyvalentes et interprofessionnelles de l'OCE de manière à utiliser toutes les ressources de recyclage, de réinsertion et de placement. Les antennes travaillent en lien avec les partenaires sociaux et les bourses de l'emploi paritaires grâce à la création d'un conseil consultatif pour chacune de ces antennes. Le service de l'emploi informe de toutes les possibilités de formation par des documents pour les chômeurs-euses (centre de bilan, TRE, club emploi, etc., accrédités par les organes compétents).

11.5   L'autonomisation des antennes doit permettre la motivation des équipes, l'émulation et de trouver à terme des sources de financement complémentaires (notamment taxes prélevées sur certaines opérations de placement).

Débat

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Tout au long des travaux qui ont guidé l'étude de cette initiative, une question importante s'est posée : faut-il ou non scinder les initiatives ou doit-on les proposer telles quelles au peuple avec le risque qu'il lui soit impossible de répondre par oui ou par non ?

Il est vrai que cette initiative traite d'un important nombre de thèmes qui ont un rapport évident les uns avec les autres. En effet, peut-on parler de politique économique sans parler d'emploi ? Peut-on parler d'emploi sans parler de formation et de temps de travail ? Enfin, peut-on parler de politique économique et d'emploi sans parler de chômage ? La réponse est évidente : ces sujets sont étroitement liés.

Afin de rendre cette initiative plus compréhensible pour la population, j'ai proposé, au nom du groupe écologiste, à la suite d'un certain nombre d'autres propositions, de la scinder en trois volets.

Ces volets sont intitulés, pour le premier : «favorisation de l'emploi», pour le second : «lutte contre le chômage» et, pour le troisième : «réforme de la fiscalité». Cette proposition a reçu l'aval de la majorité. Selon les contacts que nous avons eus en coulisses avec les syndicats, j'ai l'impression que les initiants ne sont pas opposés à cette façon de procéder.

Je dis bien "contacts en coulisses". En effet, j'aimerais rappeler qu'à plusieurs reprises, pendant les travaux de la commission législative, j'ai demandé que la commission auditionne les initiants, mais cette demande était refusée systématiquement.

Je vous propose donc d'accepter cette proposition en votant le rapport de M. Moutinot.

Toutefois, j'aimerais faire une petite remarque sur le 5.1, à propos de la réduction du temps de travail. L'article 5.1 demande que l'Etat encourage les entreprises et les secteurs économiques à mettre sur pied un programme de réduction significatif du temps de travail, visant notamment à maintenir ou à créer des emplois, et à faciliter la formation des travailleurs et des travailleuses.

On a dit que cette proposition pouvait entraîner des distorsions de concurrence et que cela favorisait délibérément une certaine forme d'organisation des entreprises, les unes par rapport aux autres. De ce fait, la majorité de la commission a décidé de déclarer nul le point 5.1 de l'initiative.

Nous pensons, au contraire, que toute mesure d'encouragement à la création d'emplois par le partage du travail est bonne à prendre. J'en profite d'ailleurs pour rappeler à M. Vodoz que nous attendons toujours un certain nombre de réponses au sujet des motions que nous avons déposées sur le partage du travail dans l'administration. Je regrette donc que ce point 5.1 ait été déclaré nul, et je demande à la commission qui aura en charge de traiter cette initiative - je suppose la commission de l'économie - de bien vouloir étudier la possibilité de l'y introduire à nouveau.

Pour le reste, notre groupe soutiendra le rapport de M. Moutinot.

M. Claude Blanc (PDC). Nous nous trouvons, une fois encore, devant une initiative que je qualifierai de «fourre-tout», puisque si l'on retranche d'emblée les points que la commission législative a déclaré irrecevables il en reste encore vingt-sept, susceptibles de générer au moins vingt-sept lois nouvelles, sinon des dispositions constitutionnelles nouvelles.

Notre constitution nous donne le droit - elle nous impose même le devoir - de scinder les initiatives qui ne respectent manifestement pas l'unité de la matière. En voulant traiter, en un seul texte à soumettre au peuple, tous les problèmes économiques et même fiscaux - puisqu'on va même jusqu'à introduire, en passant, la contribution fiscale généralisée - on fait la preuve par l'absurde que les initiatives non formulées de cet acabit ne sont pas viables et ne peuvent être traitées par le Grand Conseil.

Dans l'hypothèse où ce Grand Conseil renverrait ce paquet à la commission de l'économie, il resterait à cette dernière exactement six mois, jour pour jour, pour la traiter. Comment voulez-vous traiter cette bible en six mois ? Ce n'est pas possible ! On arrive maintenant à la démonstration que de tels textes ne peuvent pas être traité selon les dispositions constitutionnelles et légales en vigueur. Il faudrait les changer ou, en tout cas, se donner plus de temps.

Dans tout ce paquet, il y a du bon et du moins bon ! Il y a des choses avec lesquelles nous sommes d'accord, certaines qui sont déjà plus ou moins appliquées, et d'autres qui sont inacceptables. Comment voulez-vous qu'on trie dans toutes ces dispositions ? Comment voulez qu'on prenne tout en bloc et qu'on dise oui ou non ? On devrait dire oui, même à ce que nous ne pouvons pas accepter, ou non, même à ce que nous pourrions admettre. Ce n'est pas possible !

Nous sommes face à un problème fondamental. Il vaut la peine aujourd'hui, puisqu'on nous promet d'autres initiatives du même type, c'est-à-dire "multitextes", de laisser aux initiants le soin de demander au Tribunal fédéral jusqu'où on peut aller. Je ne m'oppose pas à certains postulats de cette initiative, mais je souhaiterais qu'on nous dise comment procéder à leur examen. Or, le seul qui puisse nous le dire, c'est le Tribunal fédéral.

Considérons donc l'ensemble de ces textes comme irrecevable et attendons la décision de la Cour suprême.

M. Michel Halpérin (L). Je voudrais d'abord remercier notre rapporteur de son rapport, reflet succinct mais conforme aux travaux que nous avons eus au sein de la commission.

Je voudrais profiter de cette occasion pour redire ici l'intérêt et le plaisir que je ressens pendant les travaux de la commission législative, car, contrairement à ce que nous faisons ailleurs, dans ce Grand Conseil, il s'agit d'un travail de convergence, dans la mesure où nous cherchons tous des solutions essentiellement juridiques à des problèmes, parfois très trapus, comme c'est notamment le cas de cette initiative.

Je n'ai pas besoin de revenir sur les problèmes formels que nous avons rencontrés, car le rapporteur l'a fait avec un souci de concision dont je lui sais gré. Pour cadrer notre débat, je voudrais rappeler très brièvement, pour ceux qui auraient pu le perdre de vue, le type de problématique auquel nous sommes confrontés du fait des dispositions constitutionnelles s'imposant à nous.

Lorsqu'une initiative est signée par un nombre convenable de signataires, notre constitution et le règlement de notre Grand Conseil nous imposent d'abord un examen de recevabilité qui lui-même est double : celui du Conseil d'Etat et celui de la commission législative. Ces deux examens sont encore complétés par un troisième, celui de notre Grand Conseil dans son plénum.

Par ailleurs, en dehors de ces trois consultations à caractère formel, mais très importantes, puisqu'il s'agit de déterminer la recevabilité d'une initiative, il y a encore, parallèlement, la prise en considération, qui est un examen politique, sous forme de préconsultation. Ensuite, nous pouvons accepter, refuser ou modifier ces initiatives, par le biais d'un contre-projet.

Pour couronner le tout - étant donné que c'est déjà relativement compliqué quand on essaie de le mettre en graphique - nous sommes soumis à des délais impératifs fixés par la constitution, qui nous obligent à soumettre au vote populaire le texte de l'initiative tel qu'il est, si, trente mois après l'aboutissement de la collecte de signatures, il n'y a toujours pas eu de décision formelle du Grand Conseil d'acceptation de l'initiative et, au plus tard, dix-huit mois après une décision sur recevabilité. Nous sommes donc soumis à des délais très coercitifs et nous savons qu'une initiative, sur laquelle nous n'aurions pas tranché ou que nous aurions refusée, devrait être soumise au peuple dans la version que lui ont donné les initiants, si nous dépassons ces délais.

Les sujets qui avaient été examinés sous l'angle de la recevabilité par la commission législative étaient donc ceux de la recevabilité formelle, qui se décompose en plusieurs sous-chapitres, dont chacun représente un intérêt particulier : en premier lieu, l'unité de la matière, l'unité de la forme et l'unité du genre. L'unité de la matière doit dire si le texte est suffisamment un pour qu'on puisse considérer qu'il n'évoque qu'une seule matière. L'unité de la forme pose la question de savoir s'il s'agit d'une initiative formulée ou non. L'unité de genre, s'il s'agit d'une initiative législative ou constitutionnelle.

Puis, il faut encore examiner si l'initiative est conforme au droit supérieur et, enfin, si elle est exécutable. C'est après ce tour d'horizon que le Grand Conseil doit statuer.

Vous avez vu avec quelles hésitations, avec quel type de majorité, la commission législative a statué. Elle a admis, en définitive, la recevabilité, mais il est important de rappeler qu'elle l'a admise par trois voix affirmatives contre une ou deux voix négatives et quatre ou cinq voix abstentionnistes. Ce n'était donc pas "l'enthousiasme à bord", comme vous l'avez compris en lisant le rapport de M. Moutinot.

Pourquoi ce manque d'enthousiasme ? Comme j'ai déjà eu l'occasion de vous l'expliquer à propos d'une autre initiative, nous nous sentons d'abord empruntés devant, tout simplement, la longueur du texte : le texte de l'initiative représente huit pages imprimées !

Vous voyez la difficulté, d'un point de vue pratique, de soumettre aux membres du conseil général la lecture d'un texte de huit pages, en lui demandant de se prononcer par oui ou par non. D'emblée le problème de l'unité de la matière se pose. Sur ce point, la commission législative a été très hésitante : elle a voté à plusieurs reprises et de manière contradictoire.

La constitution, dans son article 66, impose au Grand Conseil de scinder ou de déclarer «partiellement nulle l'initiative qui ne respecte pas l'unité de la matière, selon que ses différentes parties sont en elles-mêmes valides ou non; à défaut, il déclare l'initiative nulle». S'en est suivi un débat à la commission pour savoir en combien de morceaux il faudrait scinder cette initiative qui, de toute évidence, ne remplissait pas globalement le critère d'unité de la matière.

Nous sommes arrivés à la conclusion finale - par trois voix contre une et quatre abstentions - qu'il fallait la scinder en trois parties. Cependant il faut dire la vérité : lorsqu'on analyse, paragraphe après paragraphe, les différentes propositions soumises à notre appréciation, avant celle du peuple, on peut déjà relever trente et une questions différentes.

Si l'on veut pousser l'exercice jusqu'à son terme - certains ont cru que je plaisantais ou que je me livrais à une dialectique par plaisir, ce qui n'est pas le cas - et se demander, catégorie par catégorie, s'il ne faudrait pas subdiviser les questions en sous-questions, simplement parce qu'on ne peut pas mettre dans un même chapeau deux ou trois chapitres différents, on obtient le nombre de trente et une questions, par addition des têtes de chapitres des initiants; et si, à l'intérieur de ces têtes de chapitres, on subdivise encore, on arrive au moins à quarante-cinq questions !

Le problème se résume à ceci : peut-on soumettre au peuple, sous forme de trois grandes questions - puisque c'est à cela qu'aboutit le système de la scission voulue par la commission législative - en réalité quarante-cinq questions différentes ? A mon avis, la réponse ne peut être que négative. J'insiste, parce que j'ai le sentiment que nous arrivons là à un point crucial du fonctionnement de nos institutions.

Vous vous rappelez certainement qu'il y a quelques années les autorités fédérales avaient été très sévèrement tancées par l'opinion publique, parce qu'elles avaient fait voter au peuple, à propos d'un débat d'une haute simplicité, deux questions en une. Fallait-il ou non soumettre au vote populaire, en une seule question, celle du port du casque et celle du port de la ceinture de sécurité ? A l'époque, on avait voté, en une seule fois, sur ces deux questions, et tout le monde avait jugé inadmissible de ne pouvoir répondre que par oui ou non.

Or, aujourd'hui, ce sont quarante-cinq sujets, au moins aussi importants que celui du port du casque ou de la ceinture, qu'on nous demande de traiter en trois réponses. Inévitablement, on nous dira qu'en acceptant une initiative comme celle-ci nous abandonnons le critère de l'unité de la matière, et qu'il faut la subdiviser en quarante-cinq points ou la déclarer nulle. Soumettre un vote aussi complexe par une question aussi simplifiée, c'est tromper l'électorat !

Pour certains des membres de la commission législative, la question du titre posait déjà problème. Rappelez-vous ! C'est une initiative «Pour l'emploi, contre l'exclusion» - ce qui est bien son objectif ultime si on se donne la peine de la lire - mais les titres d'initiatives sont d'abord des slogans. On pourrait aussi bien intituler une initiative : «Pour la vie, contre la mort» ou «Pour être riche et bien portant, plutôt que pauvre et malade» ! Jamais personne ne serait en désaccord avec le titre !

En combinant les deux facteurs, qu'est-ce qui sera immédiatement appréhendé par la population ? Est-on pour l'exclusion ? Naturellement, non ! Est-on pour l'emploi ? Naturellement, oui ! Mais, pour être en accord avec les auteurs de l'initiative, il faut dire oui trois fois, au lieu de quarante-cinq.

Nous faisons véritablement figure de "gringalets intellectuels" ! Nous n'avons pas été capables de venir à bout d'initiatives ou de motions moins compliquées, dont certaines sont actuellement examinées par la commission de l'économie et qui traitent un peu des mêmes sujets. Nous connaissons les difficultés rencontrées par cette commission sur d'autres thèmes, comme, par exemple, l'initiative 104, et voilà que nous aboutissons au parachèvement, à l'apothéose en matière d'initiative, avec ce texte d'une lecture difficile, même pour les députés un peu initiés que nous sommes, à plus forte raison impraticable pour la grande majorité de la population, à supposer même qu'elle se donne la peine de le lire !

Est-il légitime de diviser l'initiative en quarante-cinq questions ? Ne serait-il pas plus normal de la déclarer nulle, étant donné que, cette fois-ci, l'unité de la matière n'est plus véritablement le problème, puisqu'elle est remplacée par l'unité DES matières ? Nous avons, ici, changé de concept !

J'ai lu, aussi attentivement que possible, l'article constitutionnel 66, où l'on nous précise que, si les parties sont en elles-mêmes valides, on peut les accepter en les scindant, sinon il faut déclarer l'initiative nulle. Je me suis donc dit qu'une initiative comportant quarante-cinq points ne peut être destinée à la population, puisque les députés ne peuvent pas en venir à bout.

Je vais vous donner une démonstration par l'absurde. Si nous n'avions pas pu, pour une raison ou pour une autre...

La présidente. Je suis navrée, Monsieur Halpérin, mais vous arrivez au bout de vos dix minutes.

M. Michel Halpérin. Madame la présidente, ou le Grand Conseil m'autorise à poursuivre ou je redemande la parole instantanément !

La présidente. Mesdames et Messieurs, y voyez-vous une objection?

M. Michel Halpérin. Je reconnais que je suis trop long, et je m'en excuse auprès de cette assemblée, mais la matière l'exige !

Je reviens à ma démonstration par l'absurde. Si notre ordre du jour ne nous avait pas permis, cet après-midi, d'examiner cette initiative, en vertu de la constitution, elle aurait été réputée valide dès ce soir. Si nous ne faisons rien, demain, 23 septembre, elle sera acceptée et soumise telle quelle au peuple, alors que nous savons, par le rapport de la commission législative, qu'une partie est déjà décrétée nulle par la commission. C'est le premier problème !

Voyons maintenant le deuxième problème ! Si nous déclarons cette initiative valable, ou si le peuple la vote et que nous devions la formaliser, nous aurions un délai de trente mois, ou de douze mois depuis le vote populaire, pour la concrétiser dans les termes. Une initiative non formulée - bien qu'en l'espèce, certaines parties le soient - doit être concrétisée par notre conseil dans ces délais. Or, vous savez tous, Mesdames et Messieurs les députés, que nous sommes incapables, sur un programme économique aussi ambitieux que celui-ci, de réaliser l'exploit de rédiger des textes légaux conformes à la volonté des initiants, dans un délai aussi court.

Dans l'hypothèse où nous n'invalidons pas cette initiative, il faut que le peuple vote la tête dans un sac, en violation manifeste de l'unité de la matière au profit de l'unité des matières - preuve en est les trois chapitres qu'on vous propose : un chapitre sur le chômage, un sur l'emploi et un sur la fiscalité. Si nous ne voulons pas cela, nous devons la déclarer nulle.

Après beaucoup de réflexions et d'hésitations, parce que toute la jurisprudence fédérale et notre constitution veulent que l'on agisse en faveur du peuple et des initiants, que l'on sauve de cette initiative ce qui peut l'être, j'ai abouti à la conclusion qu'il est impossible de la sauver. Si on le fait il n'y aura plus de limites ! On nous présentera un jour, sous forme d'initiative, l'équivalent de toute notre législation qu'il nous faudra voter !

Nous devons avoir le courage, aujourd'hui - parce que c'en est un - de décréter cette initiative irrecevable, d'une certaine manière contre les textes, mais pour l'esprit des textes. M. Blanc a raison de dire que cette décision suscitera des recours. C'est bien naturel ! Mais alors le Tribunal fédéral nous dira - si cette initiative est néanmoins valable - comment la traiter désormais, parce que nous ne pouvons pas faire cohabiter le traitement d'initiatives comme celle-ci, avec les exigences temporelles qui nous sont imposées par notre constitution. Si cette initiative s'avérait valable, il faudrait modifier la constitution.

Je n'ai pas tout à fait terminé, et je vous prie de m'excuser si je prolonge encore un peu cette demande d'attention. Je veux encore mettre en exergue un autre problème. Les derniers travaux de notre commission se sont situés au mois de mai. Or, il se trouve que le 23 juin, sauf erreur, ce qu'il est convenu d'appeler la nouvelle LACI, la loi sur l'assurance-chômage, a été votée par les assemblées fédérales. Cette nouvelle législation comporte des dispositions, qui, à n'en pas douter, constituent du droit supérieur, que ne connaissait pas le professeur Knapp, quand il nous a rendu sa consultation, et qui est complètement incompatible avec une bonne partie des dispositions de l'initiative. Cette situation n'est pas due à un manque de vigilance de la commission, mais à l'état du droit que les commissaires ne pouvaient pas connaître à ce moment-là.

Je ne voudrais pas aujourd'hui prolonger mon exposé indûment en vous faisant la lecture du détail des problèmes rencontrés du fait de la nouvelle LACI et qui méritent examen. Cependant, nous ne pouvons pas davantage renvoyer l'initiative à la commission législative, parce que, demain matin, l'initiative sera valable si nous ne votons pas le contraire aujourd'hui. Qu'il me suffise donc de vous dire, en l'état de ce débat, qu'au moins cinq points supplémentaires de l'initiative - 6.1 et 6.2, 11.3 à 11.5 - n'ont pas été décrétés nuls par la commission législative, mais devraient l'être, de toute manière, pour motif de non-conformité au droit supérieur.

Pour ma part, je reste convaincu que la commission législative a eu tort d'estimer que l'unité de la forme était respectée. Il ne peut y avoir unité de la forme lorsqu'une partie est rédigée et l'autre pas. A l'évidence, à quelques virgules près peut-être, certaines parties sont entièrement rédigées, alors que d'autres ne le sont pas.

Enfin, le rapporteur nous dit joliment que la commission législative a estimé que cette initiative était "exécutable", à propos de la dernière condition de validité formelle, en s'appuyant sur une citation de Camus, disant en substance que tout ce qui peut se faire dans un temps très lointain est encore exécutable !

En reprenant mon exemple de la temporalité à laquelle nous devons nécessairement nous astreindre, il nous est impossible de concrétiser, dans les délais imposés par la constitution, une initiative de ce genre, si nous en étions requis. Par conséquent, cette impossibilité d'exécution ne vient pas de la nature des choses, ce n'est même pas le fait qu'il s'agisse d'un programme d'économie générale, mais tout simplement la conséquence du fait que le Grand Conseil, dans sa composition actuelle et même en commission, est dans l'incapacité de transformer en lois concrètes une initiative comme celle-ci en respectant les délais constitutionnels.

C'est la raison pour laquelle j'estime cette initiative "inexécutable" et, de surcroît, non conforme à l'unité de la matière et à l'unité de la forme. Je vous demande par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, en vous priant d'excuser cet abus de votre patience, de la déclarer nulle.

M. Bernard Lescaze (R). Vous venez d'assister à une exécution et je crois qu'il n'y a plus grand-chose à dire.

Vous connaissez tous le principe notamment évoqué par le professeur Aubert : «In dubio pro populo». Peut-être certains d'entre vous seraient tentés de l'invoquer à l'encontre des arguments maintenant avancés.

En réalité, si, dans le doute, il faut presque toujours donner la parole au peuple, encore faut-il la lui donner d'une manière intelligente. Il faut respecter l'électeur ! Or, l'initiative, telle qu'elle nous est présentée aujourd'hui, au-delà des arguments juridiques qui viennent d'être évoqués et qui paraissent remarquablement pertinents, ne prend, en outre, pas véritablement l'électeur au sérieux.

Ce que cette initiative «Pour l'emploi, contre l'exclusion» a de mieux, c'est son titre ! Parce que personne, bien évidemment, dans cette enceinte comme ailleurs, n'oserait dire le contraire. Mais lorsqu'on examine sérieusement les huit pages de son texte, on s'aperçoit qu'effectivement l'unité de la matière est quelque peu douteuse - vous relèverez au passage que le préopinant a parlé de l'unité "des" matières. La commission elle-même reconnaît qu'il faudrait procéder à des scissions. Pourquoi alors ne pas parler de "saucissonnage", selon une nouvelle "tactique du salami" ?

On pourrait se croire en présence de ce que l'on appelle une "initiative programmatique". En réalité, il ne s'agit même pas de cela, mais de tout un programme politique, qui ne peut pas être traité distinctement, sinon dans les vingt-sept ou vingt-deux points qui resteraient valables.

Bien que je n'aie pas assisté aux séances de la commission législative, j'ai trouvé que l'unité de genre, l'unité normative, était un peu trop rapidement considérée comme acquise. En effet, un seul article constitutionnel ne permettrait pas, à mon sens, de couvrir tous les points de cette initiative, tant il est évident que certains sont simplement de nature réglementaire, tels qu'une réforme de l'office cantonal de l'emploi; d'autres, par contre, sont vraiment de nature législative.

Au début de mon intervention, j'ai dit qu'il fallait prendre l'électeur au sérieux - je le répète - et ce, pour sauvegarder les droits populaires. On peut vouloir le but - «Pour l'emploi, contre l'exclusion» - sans vouloir certains des moyens avancés dans cette initiative.

Le véritable but d'une initiative non formulée est de laisser les gens compétents choisir les meilleures formules. A l'évidence, la précision du texte, tel qu'il nous est proposé, ne nous laisse pas le choix de ces meilleures formules. Cette initiative prétendument non formulée est, en fait, extrêmement précise sur de nombreuses solutions données, sans possibilité d'agir autrement.

Si l'électeur acceptait de répondre à cette kyrielle de questions par un seul oui, ou un seul non - comme nous l'avons encore vu hier, à propos de la traversée de la rade - cela s'opposerait à notre conception de la démocratie. En cas d'acceptation par le peuple, le Grand Conseil devrait ensuite formuler les multiples points de cette initiative par de trop nombreuses révisions de lois ou, même, par la rédaction d'articles constitutionnels.

Dans ces conditions, à notre avis, il faut en effet avoir le courage de dire que cette initiative, telle qu'elle est présentée, sans tenir compte des buts louables et légitimes qu'elle poursuit, n'est pas valable à la forme, selon les règles de notre Etat de droit.

Y aura-t-il des recours ? Peut-être ! Il faut aussi que cette instance politique qu'est le Grand Conseil sache prendre une décision, accepte l'éventualité des recours et agisse fermement.

L'initiative non formulée telle qu'elle existe en droit suisse ne peut pas être une simple initiative programmatique, recouvrant un programme politique précis. C'est pourquoi mon groupe vous demande de considérer cette initiative comme non valable.

M. Laurent Moutinot (S), rapporteur. Après cette avalanche de critiques, je me demande comment la commission a réussi à considérer cette initiative comme valable ! Je reprends les points soulevés, les uns après les autres.

L'unité de la matière est, de toute évidence, le gros problème de cette initiative. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que nous n'avons pas d'autre choix, au cas où l'unité de la matière ne serait pas respectée, que d'examiner comment scinder cette initiative. Si on peut la scinder, on DOIT le faire. On aboutit, il est vrai, à un résultat qui n'est pas très satisfaisant, mais conforme à la constitution genevoise récente. Je ne suis pas convaincu que, sur ce point-là, elle nous facilite la tâche, mais je vois mal le Grand Conseil, deux ans et demi après l'adoption de ce texte constitutionnel, décider purement et simplement de l'écarter, parce qu'il pose problème pour la première fois.

On n'a pas d'autre choix ! Si on invoque l'argument d'un manque d'unité de la matière, on est obligé de scinder le texte, autant que faire se peut. La scission proposée par la commission est praticable et raisonnable. Je ne crois pas qu'on puisse la mettre à néant.

Si vous voulez arriver à considérer l'initiative comme nulle, il vous faudra alors vous tourner vers les autres vices allégués, notamment la violation de l'unité de la forme, puisqu'une initiative doit être soit rédigée de toutes pièces soit conçue sous forme d'un voeu général.

Lors des discussions de la commission, l'exemple cité pour dire que cette initiative n'était pas rédigée sous forme de voeu mais était précise était celui de la contribution sociale généralisée. J'ai repris cet exemple dans le rapport, pour démontrer que cette initiative n'est pas rédigée, puisque, sur la seule base du texte proposé, il est impossible de savoir comment se fait la taxation, quelles sont les autorités compétentes, ou, même, quelle est l'assiette de l'impôt. Tout cela démontre qu'il y a un voeu, une direction, mais non pas une rédaction qui permette à l'Etat sa mise en oeuvre.

On pourrait aussi s'attaquer à l'exécutabilité. C'est ce que vous avez tenté de faire, Monsieur le président de la commission législative. Je crois que vous confondez deux notions : premièrement, le volume et la capacité de travail des députés - de ce point de vue, cette initiative pose quelques problèmes - et, deuxièmement, l'exécutabilité c'est-à-dire la faisabilité du texte lui-même.

Une initiative serait inexécutable si elle demandait quelque chose qui ne soit matériellement pas réalisable, puisque l'exécutabilité est le pendant de la conformité au droit supérieur. Il faut qu'une initiative soit non seulement conforme au droit supérieur - c'est son exécutabilité juridique - mais aussi que, dans les faits, on puisse la concrétiser. Je ne crois donc pas non plus que, sous cet angle, cette initiative soit irrecevable.

Vous avez dit, Monsieur Blanc, qu'elle était inexécutable, parce qu'on n'avait que six mois pour la traiter. Ce n'est pas tout à fait exact. Le Grand Conseil a jusqu'au 23 juin 1996 pour décider s'il prend cette initiative en considération ou pas. S'il le fait, il a encore douze mois pour concrétiser sa propre prise de position par un contre-projet.

Vous avez dit, Monsieur Lescaze, que vous n'aimiez pas les initiatives programmatiques. C'est un sentiment qui était très répandu dans la commission. Je puis le comprendre sans le partager, mais, une fois encore, notre objectif n'est pas de savoir si notre droit constitutionnel est bon ou pas. On doit l'appliquer, c'est tout ! Les initiatives programmatiques ont peut-être l'avantage d'être plus nuancées et plus intéressantes que celles qui disent simplement oui ou non à une idée complètement abstraite, ou sortie de son contexte.

Je vous rappelle qu'en matière de jurisprudence une initiative genevoise, en l'occurrence «L'énergie, notre affaire», qui était un sacré programme, a trouvé grâce devant le Tribunal fédéral. Il est vrai qu'elle était rédigée. Or, précisément, Monsieur Blanc, comme l'initiative qui nous est présentement soumise n'est pas rédigée, le législateur, au moment où il la mettra en oeuvre, disposera d'une certaine marge. Le problème est donc encore plus simple à résoudre.

Je crois que le seul point sur lequel peut porter le débat est de savoir si on veut réviser la constitution en matière de droit d'initiative, en s'y laissant pousser par un éventuel arrêt du Tribunal fédéral, ou si nous appliquons notre constitution telle qu'elle existe actuellement.

M. Christian Ferrazino (AdG). Certains ont parlé d'exécution, après avoir écouté les différents représentants des partis de l'Entente s'exprimer sur cette initiative.

Exécution il est vrai mais pas seulement de cette initiative, car, derrière ces propos, c'est l'exécution des droits démocratiques qui est en cause, je m'en explique. Monsieur Halpérin, vous nous avez dit votre satisfaction de participer aux travaux de la commission législative. Pourquoi ? Parce que nous y faisons du droit !

Comme chacun le sait, au sein du Grand Conseil nous faisons assez peu de droit, puisque nous faisons surtout de la politique ! Quand M. Halpérin participe à la commission législative et fait du droit, il en ressort un rapport, celui de M. Moutinot, qui est celui de la commission législative, toute occupée à faire du droit. Comme il n'y a pas de rapport de minorité, je pense que ceux qui se sont abstenus trouvaient qu'il n'était pas nécessaire de faire valoir leur opinion, divergente de celle du rapporteur de majorité, puisque, finalement, la conclusion à laquelle LA commission a abouti - la commission qui fait du droit, Monsieur Halpérin, avec le plaisir d'ailleurs que procure cette activité aux membres qui y participent ! - est la suivante : cette initiative, en tant que telle peut recevoir notre aval, si on la divise en trois grands paragraphes.

Après avoir travaillé de très nombreuses séances - parce que ce n'est pas tombé du ciel ! - comme le rapporteur l'explique, après les doutes et les hésitations de chacun et après avoir mûrement réfléchi l'ensemble des incidences possibles, cette commission a finalement décidé de présenter l'initiative en votation populaire, toujours dans le respect du fameux principe, rappelé par M. Lescaze : «In dubio pro populo».

Il faut respecter la volonté populaire. Il ne nous appartient pas d'en décider autrement. Quand nous sommes en séance plénière, nous faisons de la politique - il est vrai que, pour certains, c'est sous le couvert d'un discours juridique, parce que le message est peut-être plus facile à faire passer.

On nous dit que, finalement, on ne veut plus de cette initiative ! Et M. Blanc rajoute que les initiants vont comprendre qu'ils sont allés trop loin et qu'il faut les laisser recourir au Tribunal fédéral ! Mesdames et Messieurs des partis de l'Entente vous essayez de susciter des recours. C'est une nouvelle attitude ! J'avais cru comprendre que votre position était un peu différente. (Protestations.)

Cela étant, Monsieur Blanc, déclarer irrecevable une initiative qui propose un programme de lutte contre le chômage me paraît assez extraordinaire ! Ne pas avoir d'autre solution à proposer à ce Grand Conseil que de vous lever pour dire que, finalement et tout bien réfléchi, il faut les laisser recourir au Tribunal fédéral, parce que pas grand-chose n'est proposé, ne me semble pas très brillant ! Voilà donc tout ce que vous pouvez donner comme réponse à une initiative qui propose un programme complet contre le chômage, avec la situation que connaît Genève !

Sous le couvert de prétendus arguments juridiques, on a même entendu M. Halpérin nous dire que si jamais nous devions la concrétiser nous aurions un travail énorme, eu égard au catalogue important des initiants ! Oui, Monsieur, il faut peut-être remonter ses manches pour trouver des solutions, quand on veut s'atteler au problème du chômage et lutter contre ce fléau !

Vous avez évoqué dans votre intervention, Monsieur Halpérin, la LACI, la nouvelle loi adoptée par les Chambres fédérales en disant que, lorsque les initiants ont lancé leur initiative - c'est vrai, c'est un argument subtil ! - la LACI n'avait pas encore été adoptée, et qu'ils ne pouvaient donc pas en avoir connaissance. Mais vous ne nous avez donné aucun élément concret nous montrant qu'il y aurait une contradiction entre les propositions contenues dans cette initiative et les nouvelles dispositions votées par le Parlement fédéral.

Même si vous aviez raison et que, d'aventure, il y avait des difficultés d'application entre cette initiative cantonale et la LACI, M. Moutinot vous a rappelé tout à l'heure que nous étions en présence d'une initiative non formulée. Par conséquent, nous serons en mesure de corriger d'éventuelles imperfections du texte au regard du droit fédéral, dont nous devons respecter la teneur. Votre argument pourrait être valable si nous étions saisis d'une initiative formulée. Comme, précisément, nous avons une marge de manoeuvre, voire une obligation de la concrétiser, en cas d'accord de la population, nous devons le faire dans le respect et du droit cantonal et du droit fédéral supérieur.

Au regard des différentes interventions qui viennent d'avoir lieu, il s'agit d'un problème éminemment politique, sous le couvert d'arguties juridiques. Ce Grand Conseil veut essayer de museler les droits populaires qui existent dans notre constitution.

Il est bien de donner des arguments très généraux, mais il est parfois préférable de relire la constitution qui nous dit, à l'article 66, alinéa 2 : «Le Grand Conseil scinde ou déclare partiellement nulle l'initiative qui ne respecte pas l'unité de la matière». Si nous devions parvenir à la conclusion que l'unité de la matière n'est pas respectée, ce que nous contestons catégoriquement, nous devrions scinder cette initiative. C'est la seule décision que nous pourrions prendre, et nous ne pourrions pas déclarer cette initiative nulle ou irrecevable.

M. Halpérin a parlé de quarante-cinq propositions. En commission, les commissaires libéraux parlaient de vingt-sept points au départ, puis de quatorze et, pour finir, de trois chapitres. Mais pourquoi les scinder ? Il y a pourtant une corrélation intime entre la lutte contre le chômage, d'une part, et des mesures qui favorisent l'emploi, d'autre part. Il ne faut pas être grand juriste, Monsieur Blanc, pour le comprendre. Pour nous, l'unité de la matière est totalement respectée entre des mesures visant à favoriser l'emploi et d'autres qui luttent contre le chômage.

Ne soyons pas plus royalistes que le roi ! Les syndicats, d'après ce que j'ai pu comprendre, selon les dires de ma préopinante, sont d'accord avec cette manière de procéder. Soit !

Si le Grand Conseil devait s'écarter des conclusions de la commission législative et déclarer que cette initiative ne respecte pas l'unité de la matière, selon les trois chapitres proposés, il ne devrait pas dire, pour passer à un autre sujet peut-être un peu moins ennuyeux, que c'est nul et qu'il faut les laisser recourir au Tribunal fédéral; il devrait aller au bout de son raisonnement, comme nous avons l'obligation de le faire, et dire en combien de chapitres cette initiative doit être scindée pour respecter l'unité de la matière.

Manifestement, ce n'est pas un travail de plénière. Il a été effectué avec toute l'assiduité requise en commission législative, et nous pouvons faire confiance au rapporteur et le suivre dans ses conclusions. Encore une fois, je remarque qu'il n'y a qu'un rapport, celui de la commission législative, laquelle précisément, Monsieur Halpérin, fait du droit !

M. Michel Halpérin (L). Je suis toujours heureux d'entendre M. Ferrazino, car il est véritablement un orfèvre en la matière lorsqu'il prétend faire du droit tout en parlant de politique et en refaisant du droit à la fin. Son "sandwich de droit à la politique" est absolument digeste, et j'ai eu beaucoup de plaisir à l'écouter.

Vous me dites en substance qu'il faut respecter la constitution. Pour ma part, je vous réponds qu'il n'est pas conforme à la constitution de faire voter au peuple huit pages dactylographiées ou imprimées, sans qu'il puisse comprendre le contenu du message. C'est une question d'interprétation de la constitution.

Puis vous ajoutez, que c'est un scandale, que nous refusons d'entrer en matière sur un projet qui a pour but de lutter contre le chômage et que, en d'autres termes, nous ne voulons pas lutter contre le chômage ! Çà, ce n'est pas du droit, c'est la tranche politique de votre sandwich ! Finalement, vous revenez à la charge en nous expliquant que, de toute manière, il faut scinder que ce soit en quarante-cinq ou en vingt-sept parties !

Je vous dis que nous ne pouvons choisir qu'entre trois possibilités : la déclarer recevable telle quelle, la scinder ou la déclarer nulle.

Vous nous avez dit que cette initiative n'était pas formulée, que cela nous laissait une grande liberté de manoeuvre et que, par conséquent, nous devions nous en servir ! Haut les coeurs et retroussons nos manches !

Je n'ai pas dit que nous n'avions pas le coeur à combattre le chômage : nous l'avons tous ! Nous avons tous commencé à le faire, chacun dans ses commissions de compétence, mais nous n'avons matériellement pas le temps, dans les délais constitutionnels, même en retroussant les manches, d'exécuter cette initiative. Je l'ai dit et je le répète !

A-t-on une marge de manoeuvre ? Je vous donne un exemple, pour illustrer le point de vue de l'exécutabilité et des autres exigences formelles. Le point 10 de cette initiative dit : «Chaque chômeur-euse est assuré-e obligatoirement contre la perte de gain dans le cadre d'une assurance collective ou privée ou à l'assurance prestations cantonales maternité et maladie. Les prestations sont versées sans restriction de risques et sans critère de permis de travail.». Dans ce cas, nous n'avons littéralement pas l'ombre d'une marge de manoeuvre ! On peut rédiger cet article de manière un peu différente, mais ce n'est pas ce que j'appelle la liberté du législateur à l'intérieur d'un texte non formulé. Sur ce point-là, il est tout à fait impossible de vous suivre !

Cette initiative ne respecte pas l'unité de la forme, pas plus que le principe de l'exécutabilité. Les respecterait-elle que nous pourrions alors choisir de la scinder en quarante-cinq ? Rassurez-vous, le rapporteur a été concis, il n'a donc pas éprouvé le besoin de refaire le parcours intégral de nos travaux, même si nous travaillons vite à la commission législative - c'est une de ses qualités appréciables par rapport à d'autres - car nous n'avons eu besoin que de trois séances, au cours desquelles une subdivision en quarante-cinq points a déjà été évoquée.

Nous pouvons décider de diviser ce texte en quarante-cinq points et le faire aujourd'hui, mais nous pouvons aussi soutenir un autre point de vue : quand une initiative a besoin d'être divisée en quarante-cinq pour être recevable, c'est que ni l'unité de la matière, ni l'unité des matières ne sont réellement respectées.

Enfin, je suis prêt à vous donner une longue liste d'explications au sujet de l'incompatibilité entre la LACI et cette initiative, mais je juge inutile d'imposer un discours de plus à cette honorable assemblée, au cas où nous déclarerions nulle cette initiative. Je n'y reviendrai donc que si elle est déclarée valable.

M. Laurent Moutinot (S), rapporteur. D'une part, en relisant le rapport du Conseil d'Etat sur la validité et la prise en considération de l'initiative populaire 105, je constate que, dans les grandes lignes, le Conseil d'Etat est d'accord avec les conclusions de la commission législative. Il ne met notamment en doute ni l'unité de la forme, ni l'unité du genre, ni l'exécutabilité. Il dit, en revanche - et on s'était assez vite mis d'accord sur ce point également - que cette initiative pose un problème d'unité de la matière.

Je vous rappelle, une fois encore que la seule sanction possible, à ce moment-là, est de scinder cette initiative. Le Conseil d'Etat - c'est la remarque politique dans le sandwich juridique - risque de ne pas être suivi, ce soir, par la majorité du parlement.

D'autre part, s'agissant de l'argument de la LACI, il est bien évident que, si une loi fédérale postérieure vient à rendre non conforme au droit supérieur l'un ou l'autre des points de l'initiative, on en tiendra compte dans les travaux. Cela ne pose aucun problème technique.

Vous avez dit, Monsieur Lescaze, qu'à votre avis cette initiative était nulle parce qu'elle ne respectait pas l'unité du genre. Ni le Conseil d'Etat, ni la commission, ni moi-même ne voyons pourquoi. Je vous rappelle que, lorsqu'une initiative doit être concrétisée, elle peut l'être soit sous forme d'une loi soit sous forme d'une révision de la constitution, ce choix appartenant au Grand Conseil. Je ne vois pas où est le problème, à moins que vous n'imaginiez que l'une ou l'autre des demandes de l'initiative soit du domaine strictement réservé de l'exécutif, dans lequel ne peut pas pénétrer le législatif.

Vous dites, Monsieur Halpérin, avoir trouvé le cas typique pour démontrer que l'initiative est rédigée : le point 10. Ce point pose, de manière claire, l'exigence d'une assurance, en laissant, d'ailleurs, la marge entre différents types d'assurance. En revanche, il ne dit rigoureusement rien ni du montant des cotisations, ni des montants assurés, ni des prestations versées, ce qui fait encore beaucoup de choses essentielles à régler pour savoir de quoi il est question. Manifestement, ce n'est pas une rédaction définitive et complète.

Mesdames et Messieurs les députés, j'ai défendu le rapport de la commission. Il est vrai que la majorité à laquelle nous étions parvenus était constituée de diverses majorités fluctuantes, au fur et à mesure de l'évolution de nos travaux. Je persiste à penser qu'à travers toutes les difficultés rencontrées par notre commission nous avons atteint un résultat extrêmement proche de ce que notre constitution cantonale nous impose. Encore que ce ne soit pas le résultat que, à titre personnel et sur le plan politique, je souhaitais ! Mais il me semble que c'est celui auquel nous devons tous nous rallier.

Mme Christine Sayegh (S). L'initiative législative ou constitutionnelle du citoyen est un droit fondamental de notre démocratie.

L'initiative non formulée est un instrument très important, puisqu'il permet à un groupe de citoyens de faire parvenir leurs préoccupations au pouvoir législatif et aux autorités.

Les préoccupations des citoyens sont importantes dans cette initiative 105. Effectivement, nous y distinguons trois sujets, présentés sous la forme d'un long texte fleuve - il est vrai que, dans la refonte du droit d'initiative, on tendait à limiter la longueur des textes - mais il faut croire que les préoccupations des citoyens sont suffisamment importantes, pour générer un texte fleuve !

La constitution nous demande de préserver les droits politiques. Ainsi, en scindant ce texte en trois parties, nous apportons une solution juste et conforme au droit, au problème de l'unité de la matière.

L'unité de la forme, même s'il y a eu quelques hésitations au début des travaux de la commission, ne peut être mise en cause, car aucune des dispositions, même précisément formulées, ne pourrait être directement applicable.

Quant à la conformité au droit supérieur, il est vrai que la question peut se poser, mais elle est relativement simple à résoudre, lorsqu'on est dans le cadre d'une initiative non formulée, puisque cette conformité dépendra de la réponse du législateur.

Notre démocratie directe commande de déclarer cette initiative recevable, de même que nos lois commandent de la sauver pour garantir les droits politiques du citoyen, et la démarche politique conduite pour arriver à une conclusion positive est tout à fait conforme au droit, tant cantonal que fédéral.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Pour éviter une méprise, suite à l'intervention de M. Ferrazino, je précise un point.

Quand j'ai dit que les syndicats étaient d'accord avec le fait de scinder l'initiative en trois, il est bien évident qu'ils ne m'ont pas donné de mandat, mais si je me suis permis de les contacter c'est justement parce que la commission n'a jamais accepté de les recevoir.

Les initiants préfèrent bien évidemment que leur initiative ne soit pas scindée. Dès le moment où l'on dépose une initiative, ce n'est pas pour qu'elle soit "saucissonnée" par la suite.

Je continue à insister lourdement sur cette audition des syndicats, parce qu'un certain nombre de leurs propositions font l'objet de projets de lois qui sont traités par la commission de l'économie. Nous aurions pu, avec eux, arriver à un accord. Je regrette encore, ce soir, que nous n'ayons pas saisi cette possibilité.

Je trouve assez incroyable, au moment où l'on dit que le chômage est le problème le plus important, particulièrement dans notre canton, et alors qu'une initiative présente un catalogue de mesures pour lutter contre ce fléau, que la seule réponse de notre parlement est de déclarer cette initiative nulle. En l'état de nos travaux, le rôle de la commission législative était simplement de donner un préavis - celui qui est dans le rapport de M. Moutinot - adressé à la commission de l'économie.

Maintenant, je pense que c'est à la commission de l'économie de continuer les travaux.

M. Pierre-Alain Champod (S). J'ai l'impression que, dans le refus d'entrer en matière sur cette initiative, ce ne sont pas tant les éléments juridiques que vous invoquez qui sont importants. Ils servent seulement à "habiller" votre refus du programme proposé par les syndicats. Vous êtes fondamentalement contre le programme de politique économique présenté par les syndicats, raison pour laquelle vous lui trouvez toute sorte de défauts juridiques.

De plus, vous dites que le peuple n'est pas à même de comprendre le contenu d'une telle initiative. Il faut quand même relever que cette initiative a été signée par des citoyens qui l'ont fait en toute connaissance de cause. J'ai l'impression, Monsieur Halpérin, que vous avez une vision de l'intelligence de nos citoyens, qui varie d'un jour à l'autre.

En effet, hier, vous nous avez fait un exposé brillant nous expliquant que les citoyens étaient prêts à comprendre toutes les subtilités du vote sur la rade, que le peuple était adulte, etc. Et ce soir, ce même peuple devient particulièrement incompétent pour saisir le sens du programme de lutte contre le chômage des syndicats.

Quand on veut lancer un programme contre le chômage, on ne peut pas proposer une seule mesure. La politique de lutte dans ce domaine est constituée de plusieurs choses : d'une part, le maintien des emplois existants; d'autre part, la revitalisation de l'économie; et, enfin, l'aspect des mesures légales pour protéger les chômeurs. De plus, les syndicats font preuve d'une grande sagesse car, conscients que toutes ces propositions pourraient coûter cher, ils nous proposent des mesures fiscales pour les financer.

Si le volet fiscal n'existait pas, vous nous auriez rétorqué que cette initiative c'est : «Demain, on rase gratis !» On ne peut donc pas reprocher aux syndicats d'avoir voulu faire preuve de cohérence en proposant, à la fois, un programme de lutte contre le chômage et sa couverture financière.

Par ailleurs, comme cela a déjà été dit, il s'agit d'une initiative non formulée. Par conséquent, notre parlement a une marge de manoeuvre pour interpréter les différentes propositions. Même si, selon l'exemple cité par M. Halpérin, qui se référait au point 6 concernant les OT, certains textes ne sont plus compatibles avec la nouvelle LACI, la volonté exprimée par les syndicats sur le but et l'utilité des OT reste d'actualité, quelles que soient les modifications intervenues dans la LACI.

Ce n'est pas la première fois, à Genève, qu'une initiative programmatique déboucherait sur la mise en place d'une politique dans un domaine précis. Dans les années 70, une initiative, comportant aussi de nombreux points sur le problème du logement, a engendré la loi générale sur le logement.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à renvoyer cette initiative à la commission de l'économie qui travaillera à sa concrétisation. Un certain nombre de points font d'ailleurs déjà l'objet de motions, actuellement à l'étude dans cette commission.

La présidente. Monsieur Champod, il s'agit pour nous de nous prononcer sur la recevabilité de l'initiative, qui est déjà pendante à la commission de l'économie pour être examinée au fond.

M. Laurent Moutinot (S), rapporteur. J'ai déjà dit pourquoi, sur le plan juridique, je pensais qu'il était mauvais de ne pas accepter de scinder cette initiative pour la sauver.

J'aimerais attirer votre attention sur une conséquence politique possible. On peut ne pas aimer les initiatives programmatiques, mais en les rejetant on se heurte à deux dangers probablement pires.

Le premier est de favoriser les initiatives démagogiques ou slogans. On peut penser que, pour éviter de les scinder en plusieurs parties, les syndicats nous présentent une initiative qui dirait : l'Etat lutte contre le chômage. Dans ce cas, on ne pourrait rien couper. Il n'est pas souhaitable que le débat politique se limite à des slogans et des affrontements de cette nature, surtout quand le sujet est complexe et mérite quelques nuances.

Second risque, imparable à certains égards : si cette initiative ne passe pas telle quelle, les syndicats sont en mesure de faire signer par leurs troupes vingt-cinq initiatives à la place d'une. Nous n'aurons alors pas d'autre choix que de les traiter dans le délai constitutionnel. Par conséquent, c'est reculer pour mieux sauter que de vouloir renvoyer le bébé à l'expéditeur !

Non seulement il y a un problème constitutionnel, mais je crains que la solution que vous essayez de lui apporter n'en crée d'autres plus importants pour le fonctionnement de notre démocratie.

M. Nicolas Brunschwig (L). En dehors des considérations politiques ou juridiques soulevées par les orateurs, ce soir, il s'agit d'avoir une vision pragmatique des choses.

En tant que citoyens, je crois que nous devrions tous revendiquer le droit de voter sur des sujets clairs et compréhensibles. Très souvent, Mesdames et Messieurs les députés, nous votons sur des sujets techniques et compliqués. Je pense, en particulier, aux sujets fédéraux, dans des domaines où nous sommes loin d'être à l'aise.

C'est sans doute regrettable, mais, au moins, ces sujets nous garantissent l'unité de la matière. A l'aide de quelques explications, en faisant un effort, nous pouvons comprendre sur quoi nous votons.

Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Cette initiative nous met en présence d'une multitude de propositions compliquées, quoi qu'en dise M. Champod. Je me permets de vous lire un simple point : «4.3 Il développe à cet effet la législation et la réglementation, renforce la délégation au perfectionnement professionnel et le service de la formation continue (université) et les charge de mettre sur pied un système de reconnaissance des unités capitalisables et des certifications auxquelles elles permettent d'aboutir, en lien avec les partenaires sociaux.».

Mesdames et Messieurs les députés, je suis membre de ce parlement depuis six ans, je fais partie de la commission de l'économie depuis cette date, commission dans laquelle nous abordons de près ou de loin ces sujets, et je suis incapable de savoir très exactement ce que signifie ce texte. (Manifestation.)

Absolument ! Je n'ai aucune honte à l'avouer !

On pourrait multiplier les exemples à l'infini ! Ce ne sont pas les considérations politiques qui nous ont fait prendre, ce soir, la décision de déclarer l'initiative nulle. Nous avions déjà longuement débattu de la dérive que ce genre de pratiques peut amener au niveau du processus démocratique, si important dans notre pays et qui est un atout que nous devons protéger. Si nous ne mettons plus de garde-fou, cela va tuer le processus démocratique ! Contrairement à ce que vous avez dit, Monsieur Moutinot, cela amènerait une restriction des droits populaires en tant que tels.

Quand vous nous dites, Madame Bugnon, que le problème le plus important, est le chômage - nous en sommes tous convaincus ! - et que, dès lors, il est inadmissible de ne pas accepter une telle initiative, je vous rappelle que vous pouvez reprendre à votre compte toutes ces propositions dans des motions ou des projets de lois, que nous serons très heureux d'étudier. Mais, ne nous dites pas que, si nous nous opposons à cette initiative, nous en renions le fond. Bien évidemment, nous ne serons pas d'accord sur toutes les facettes de cette initiative. Par contre, nous serons toujours prêts à les discuter. (Protestations.)

Finalement, quoi que vous en disiez, l'important pour nous est de garantir à la population, au citoyen, le droit de voter sur les sujets les plus clairs et les plus compréhensibles possible. C'est ce que nous voulons vous faire comprendre, ce soir.

A cet égard, la comparaison avec le vote d'hier sur la traversée de la rade n'est pas judicieuse et vous le savez très bien ! D'ailleurs, les articles des journaux ont reflété en une demi-page la problématique du débat d'hier.

M. Bernard Clerc (AdG). On nous a dit qu'au niveau du titre de l'initiative «Pour l'emploi, contre l'exclusion» tout le monde était d'accord ou, plus précisément, que personne n'oserait dire le contraire. C'est bien là le problème ! Personne n'ose dire le contraire, bien qu'un certain nombre d'acteurs de ce parlement et de la société agissent en sens contraire, car ils détruisent l'emploi et favorisent l'exclusion.

On nous avance un certain nombre d'arguments juridiques pour cacher, en fait, une opposition de fond à une intervention de l'Etat dans la sphère économique. On le voit déjà dans la discussion sur l'initiative 104, dite «La Suisse», où des arguments de ce type sont avancés. Il faut avoir l'honnêteté d'avancer à visage découvert et d'argumenter sur le fond et non pas sur la forme.

On pourrait imaginer une formulation simple : "le droit à l'emploi et à un salaire suffisant garanti". Terminé ! Voilà qui respecterait l'unité de la forme, l'unité de la matière - je vois, Monsieur Halpérin, que vous approuvez - et vous seriez évidemment d'accord sur le fond...

M. Michel Halpérin. C'est autre chose...

M. Bernard Clerc. Ah ! C'est autre chose ! C'est bien ce qui me semblait !

Alors cette initiative poserait un problème tout simple, à l'aube du troisième millénaire : qu'est-ce qu'une société incapable de fournir un emploi et un salaire décents à tout un chacun ?

Vous allez certainement déclarer cette initiative irrecevable et la rejeter. Ce faisant, vous manifesterez clairement votre opposition à une intervention de l'Etat dans la sphère de l'économie. Les initiants et les travailleurs de ce canton doivent en tirer les conclusions qui s'imposent : pour obtenir un certain nombre de choses indispensables, comme, par exemple, le partage du temps de travail, la meilleure voie est la lutte sociale et la grève.

M. Claude Blanc (PDC). Je reviens sur la proposition de la commission de scinder l'initiative en trois. Si on suivait les conclusions de la commission, on poserait trois questions au peuple : l'une, sur la "favorisation" de l'emploi - je ne sais pas si le terme "favorisation" est correct; en tout cas, je ne l'ai pas trouvé dans le dictionnaire ! - la seconde sur la lutte contre le chômage et une dernière sur la réforme de la fiscalité.

Imaginez la réponse des électeurs ! Aux deux premières questions, ils répondraient probablement oui; mais, à la troisième, quand ils sauront ce que signifie la contribution sociale généralisée et l'étendue de son assiette, j'ai bien peur qu'ils ne répondent non, rendant par conséquent les deux autres volets inopérants.

Cela signifie que, même en scindant ce texte, on ne respecte plus l'unité de la matière, parce que la fiscalité en est un complément indispensable. On ne peut pas faire l'un sans l'autre. C'est la quadrature du cercle ! Le mieux serait que les initiants retournent à leurs études et nous présentent quelque chose de plus praticable.

M. Christian Grobet (AdG). A entendre les propos qui viennent encore d'être exprimés, on voit que la majorité de droite de ce Grand Conseil a l'intention d'invalider cette initiative.

Au niveau du fonctionnement de notre démocratie, une telle décision est particulièrement grave. Non seulement il s'agit d'un camouflet invraisemblable à l'égard des partenaires sociaux de ce canton avec lesquels, en d'autres circonstances, vous préconisez le dialogue et la recherche de solutions communes, mais c'est aussi la poursuite d'une politique inaugurée, sur le plan national, par les partis de droite : lorsqu'une initiative les gêne, ils l'invalident !

Par contre, quand l'initiative va dans leur sens et pose des problèmes, comme pour la traversée de la rade, on n'a alors aucun scrupule à en reconnaître la validité. Vous faites preuve à cet égard d'un double langage parfaitement inadmissible, d'autant plus que la volonté de ce Grand Conseil, entérinée par le peuple, il y a deux ou trois ans, sur le droit d'initiative, est claire : lorsque nous sommes saisis d'une initiative populaire, nous avons l'obligation de tout entreprendre pour la sauver.

C'est, du reste, la leçon de droit que nous donnait, voilà déjà plus de quinze ans, le professeur Aubert, quand il avait été consulté sur l'une des initiatives relativement importantes que ce Grand Conseil a eu l'occasion de traiter en son temps, que ce soit l'initiative sur les transports publics ou celle du Rassemblement en faveur d'une politique sociale du logement - il est vrai qu'à l'époque le PDC l'avait appuyée : c'est peut-être pour cela que vous n'étiez pas intervenu dans le même sens, Monsieur Blanc ! - ou encore l'initiative «L'énergie, notre affaire», pour ne citer en exemple que des initiatives aussi longues et complètes que celle qui nous est soumise ce soir.

Je vous renvoie à l'article 66 de la constitution qui est parfaitement clair et nous impose de sauver les initiatives dans la mesure du possible. Or, il est possible de sauver celle-ci !

Pour répondre au fait qu'elle serait soi-disant trop longue et trop complexe, je me permets de vous rappeler l'article 65 A de la constitution, qui permet au citoyen, s'il le désire, de proposer une révision totale de la constitution. Une initiative qui viserait cet objet compterait environ cent ou cent cinquante articles, sur plusieurs dizaines de pages. Du moment que notre constitution nous donne le droit de déposer une initiative pour une révision totale de la constitution, pourquoi en refusez-vous une, dont le thème concerne si directement la vie des citoyens ?

En réalité, certains d'entre vous ont révélé, en dehors de cette enceinte, ce qui les effraie. En effet, cette initiative, qui porte sur les problèmes de l'emploi, va effectivement sensibiliser l'opinion publique et vous avez peur du verdict populaire. C'est cela, la vraie raison !

De plus, vous voulez imposer votre majorité à cette assemblée ! Quand vous dites, Monsieur Brunschwig, que vous êtes prêts à discuter de projets de lois, cela nous fait sourire, parce que nous savons bien que, soit vous les refusez d'entrée de cause, soit vous les faites "dormir" en commission. En réalité, vous n'en voulez pas ! Vous voulez retarder le débat et nous obliger à recourir au Tribunal fédéral.

Une voix. Vous le connaissez bien !

M. Christian Grobet. Je le connais dans une certaine mesure !

Effectivement, je pense que cette initiative est recevable, mais je peux me tromper. On ne sait pas ce que dira le Tribunal fédéral. Pour l'instant, je me rallierai aux propos du professeur Aubert : dans le doute, il faut juger en faveur du peuple et laisser fonctionner la démocratie. Or, vous ne voulez pas qu'elle fonctionne ! C'est cela, la réalité !

M. René Koechlin (L). M. Moutinot disait que si l'on préconisait, au sens très strict, l'unité de la matière, on risquait d'encourager les initiatives slogans. Vous n'éviterez pas cet écueil, Monsieur Moutinot ! Même l'initiative que nous traitons ce soir n'y échappe pas ! Son titre est à lui seul un slogan et rien d'autre !

Quand vous lisez «Pour l'emploi, contre l'exclusion», vous avez envie de dire : «Vaste programme !». Celui-ci est d'ailleurs si vaste que l'initiative se subdivise en quarante-cinq articles. Or, la subdivision ne s'arrête pas à quarante-cinq ! Certains de ces articles comportent déjà quatre phrases qui constituent chacune un programme - un vaste programme ! (Brouhaha.)

Je vous en lis deux exemples, à l'article 1.4 : «équilibrant les pôles d'habitation et d'activités»... (Une voix interrompt l'orateur.)

La présidente. Taisez-vous, Monsieur Nissim, s'il vous plaît !

M. René Koechlin. Or, la problématique de l'équilibre des pôles d'habitation et d'activités, c'est, en résumé, tout l'aménagement du territoire, auquel la commission d'aménagement, semaine après semaine, consacre ses travaux.

Le cas de Reuters était précisément une de ces tentatives d'équilibrage des pôles d'habitation et d'activités. Vous le savez parfaitement ! Et vous savez aussi quel débat cet unique projet a suscité au sein de cette enceinte.

Un autre exemple : «organisant des réseaux de transports publics efficaces». Cette seule phrase a déjà fait l'objet d'une initiative, Mesdames et Messieurs ! Vous savez aussi quelles difficultés nous rencontrons pour la concrétiser ! Or, cet exemple n'est que le quart du quarante-cinquième de l'initiative qui nous est proposée ce soir; et vous prétendez qu'elle est simple à concrétiser. Cela n'est pas sérieux !

Cette initiative est d'une telle complexité qu'elle est irréalisable. Il faut le reconnaître et avoir, dès lors, la sagesse de la déclarer irrecevable.

M. Laurent Moutinot (S), rapporteur. Vous avez raison, Monsieur Koechlin, de dire que cette initiative est complexe. Elle est au niveau de la complexité du problème traité. On ne peut pas présenter des réponses simplistes en la matière.

J'ai beaucoup apprécié la démonstration de M. Blanc, parce qu'il nous a montré pourquoi il y avait unité de la matière. Selon la scission effectuée, on arrive, en effet, à un résultat indésirable. J'étais de cet avis en commission, mais j'étais en minorité; c'est pourquoi je défends la scission aujourd'hui.

Mais je suis content de vous voir aller dans la direction d'une unité de la matière, de ne pas séparer les aspects "sympathiques" de l'initiative avec les aspects financiers. Raison pour laquelle - je le répète - les scissions excessives sont dangereuses. D'ailleurs, la commission s'était sagement limitée à un nombre minimum de scissions.

Puisqu'il n'y a pas de rapporteur de minorité, je me considère toujours comme le porte-parole de la commission, pour vous inviter à la suivre dans ses conclusions.

M. Chaïm Nissim (Ve). M. Koechlin se moquait du fait qu'il y avait un volet transports publics dans cette initiative, en nous expliquant que ce seul point était déjà en soi une initiative.

Je tiens à vous rappeler, Monsieur Koechlin, que notre initiative «L'énergie, notre affaire», qui a été adoptée par ce Grand Conseil et par le peuple, il y a sept ans, voulait traiter l'aspect énergétique in globo, notamment la problématique des transports publics. Vous savez peut-être, Monsieur Koechlin, qu'un bus consomme quatre fois moins d'énergie par kilomètre/passager qu'une voiture. Nous avons donc mis une petite phrase dans notre initiative pour encourager les transports publics, phrase qui n'a fait l'objet d'aucune contestation. Tout le monde a accepté que l'on puisse parler des transports publics dans une initiative traitant d'énergie. Je ne vois donc pas pourquoi on ne pourrait pas aussi en parler dans une initiative sur l'emploi.

M. Pierre Kunz (R). Je voudrais faire quelques remarques qui ne seront pas celles d'un juriste.

Dans nos milieux, Monsieur Grobet, nous reconnaissons les droits fondamentaux du peuple. Rappelez-vous que le peuple suisse a voté, il y a quelques années, sur une initiative qui n'était absolument pas constitutionnelle - à moins que ce ne soit un référendum : c'était la fameuse affaire des FA-18, soumise au peuple, malgré le fait qu'elle ne devait pas l'être. Nous savons, aussi bien que vous, respecter les droits de la population.

M. Clerc nous parle d'honnêteté, bien mal à propos. Il est, en effet, malhonnête, de lancer une initiative qui, en fait, n'en est pas une : c'est une pétition ! Cette pétition est présentée par des gens qui donnent un excellent exemple de la perversion, de l'abus de nos institutions démocratiques. Il est important que ce parlement, une bonne fois, y mette le holà.

Enfin, ne tombons pas dans le piège que nous tend notre collègue Fabienne Bugnon ! Sous prétexte que la commission législative n'est pas tout à fait convaincue, il suffirait, selon elle, que le parlement admette ses conclusions et que les travaux se poursuivent en commission de l'économie. A elle, comme c'est le cas pour l'initiative 104, de trouver des solutions aussi abracadabrantes les unes que les autres, qui nous poseront d'autres problèmes encore - dont, n'étant pas juriste, je ne connais pas la solution. Au pire, nous reviendrons alors devant ce parlement en demandant à nouveau l'invalidation de l'initiative, alors qu'elle avait déjà été reçue. Il faut surtout éviter cela.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. On a affaire incontestablement - et le débat qui vient de se dérouler en est la preuve - à un sujet particulièrement délicat et extraordinairement sérieux, sur un dossier qui pose des problèmes de recevabilité. Quelles que soient les opinions des uns et des autres, on doit en débattre.

Dans son rapport sur la recevabilité de l'initiative populaire 105, le Conseil d'Etat disait : «Nous sommes d'avis que la scission de l'initiative par le Grand Conseil en plusieurs objets soumis au peuple, en raison du non-respect de l'unité de la matière, devrait permettre de la sauver». La question est de savoir si, à l'issue des débats de la commission législative, les conclusions présentées offrent la possibilité de la sauver.

Pour le savoir, il faut essayer de prolonger la réflexion sur plusieurs aspects, juridiques et pratiques, relatifs à un certain nombre de faits nouveaux survenus depuis que la commission législative s'est saisie de ce dossier.

Sur le problème essentiel, celui de l'unité de la matière, on doit se demander - si vous me permettez cette image - s'il s'agit d'une initiative à succursales multiples ou d'une initiative à entreprises multiples ? En d'autres termes, doit-on la considérer comme une initiative à succursales multiples de la même entreprise ? Auquel cas il y aurait unité de la matière ! Ou doit-on y voir une initiative à entreprises multiples, c'est-à-dire des entreprises indépendantes, participant toutes de la même économie, mais ayant des buts sociaux, des objectifs et des méthodes de travail différentes ? En utilisant cette image, je crois qu'on pénètre mieux au coeur du problème de l'unité de la matière.

Le Conseil d'Etat était d'avis qu'il n'y avait pas unité de la matière, sur la base du rapport des spécialistes du département de justice et police et des transports. Ces mêmes spécialistes sont, techniquement parlant, à l'origine de la réforme constitutionnelle, dont on voit aujourd'hui qu'elle nous pose quelques problèmes dans son application.

Depuis, un certain nombre d'événements nouveaux sont apparus. Tout d'abord, la commission de l'économie de votre Conseil est maintenant forte de l'expérience pratique du traitement de l'initiative 104, intitulée «La Suisse».

Cette initiative 104 est plus simple dans sa formulation : elle se compose, en gros, de deux volets. L'approche de ces volets par la commission montre que les thèmes proposés sont d'une complexité telle qu'elle a aujourd'hui pris la décision de la scinder. Mais elle n'est pas sûre qu'elle pourra présenter les deux volets au peuple, parce qu'il semblerait que l'un soit contraire au droit fédéral ou, dans le cas contraire, ne puisse être concrétisé que par des dispositions cantonales sans portée et sans signification.

C'est un problème d'une complexité redoutable. Celles et ceux, parmi vos collègues du Grand Conseil, qui sont membres de la commission de l'économie, ont déjà passé de nombreuses séances à essayer de savoir comment il fallait régler la procédure pour traiter cette initiative, qui n'a pourtant pas le degré de complexité de l'initiative 105 «Pour l'emploi, contre l'exclusion».

Depuis, le professeur Knapp a donné un avis de droit qui pose un certain nombre de problèmes, notamment au regard du nouveau droit constitutionnel, au niveau du traitement des initiatives. Il me semble souhaitable que le Conseil d'Etat et le Grand Conseil puissent s'y pencher un jour, parce qu'on est aujourd'hui parvenu à la limite de certaines procédures dont on constate les effets impraticables, voire même pervers.

Le professeur Knapp nous dit qu'un certain nombre de thèmes traités par l'initiative 105 ne sont pas conformes au droit fédéral. Contraires au droit supérieur, il faut les invalider, ce qui correspond aux conclusions de la commission qui spécifie dans l'une des invites de son rapport : «Un certain nombre de points doivent être déclarés nuls».

Dans le même temps, le professeur Knapp déclare que d'autres points peuvent a priori ne pas être déclarés nuls et que seuls le traitement et la concrétisation qui en sera donnée vous permettront de juger s'ils sont, oui ou non, contraires au droit fédéral. Voilà qui pose un problème très délicat, par rapport aux délais impératifs de notre droit constitutionnel nouveau.

Je m'explique ! Vous pouvez vous trouver dans la situation où, observant l'avis de droit du professeur Knapp, vous ne considérez pas tel point de l'initiative comme nul et, selon la manière de le concrétiser, vous verrez s'il est conforme ou non au droit supérieur. Cette hypothèse n'est de loin pas une fiction, parce que, sur certains points, ces questions se posent dans des termes de cette nature. Or, imaginez que, au bout de quelques mois de travaux, la commission, chargée d'examiner cette initiative arrive à la conclusion, en quelque sorte suggérée en demi-teinte par le professeur Knapp, qu'il n'est pas possible de concrétiser cette initiative de manière à respecter le droit fédéral. Elle n'aura plus alors la possibilité de la déclarer nulle parce qu'elle se trouvera hors délais pour le faire.

Elle ne peut pas non plus dire au peuple : «Nous vous soumettons un point que vous ne pouvez que rejeter, parce qu'il est, à nos yeux, nul, mais nous, commission, respectivement Grand Conseil, n'avons plus le droit de le déclarer nul». C'est un redoutable problème de gestion des initiatives. Vous admettrez que le cas est difficile, car il n'est pas concevable d'aller devant le peuple en lui recommandant fortement de dire non ! Il doit pouvoir trancher librement.

En pratique, nous sommes conduits à une impasse !

Un autre fait nouveau, rappelé par M. Halpérin, président de la commission législative, est l'adoption par le Parlement fédéral de la nouvelle LACI qui entrera en vigueur pour partie en 1996 et pour l'autre en 1997.

Or, si un certain nombre de points de l'initiative sont totalement couverts par le droit fédéral nouveau, le problème de la recevabilité resurgit. Bien que nous n'ayons pas pu approfondir la question à satisfaction, il semble que, sur un certain nombre de points, le législateur fédéral, en adoptant la nouvelle LACI, ait épuisé la matière; par conséquent, il n'y aurait plus de place pour du droit cantonal complémentaire.

Sur d'autres points, l'initiative se révèle totalement contraire au nouveau droit fédéral. Si vous souhaitez plus de détail sur ces incompatibilités, nous pourrons y revenir. Bien que le débat sur le fond soit du plus grand sérieux, on ne peut pas négliger ces problèmes.

La commission législative est-elle parvenue à sauver cette initiative en la scindant à satisfaction, faisant en sorte que l'unité de la matière et de la forme soient respectées et que la partie admissible ne soit pas contraire au droit fédéral ?

On doit raisonnablement admettre que l'unité de la matière n'existe pas. Cependant, la scission de l'initiative résout-elle le problème ? Les avis exprimés dans ce Grand Conseil sont contradictoires : les uns pensent que oui, les autres non ! A supposer, conformément à l'avis de droit du professeur Knapp, que la commission chargée de l'examen au fond arrive à la conclusion qu'elle ne peut pas concrétiser cette initiative, sauf à adopter des dispositions contraires au droit fédéral, le Grand Conseil n'a plus la possibilité de la déclarer nulle, parce qu'il est hors délai à teneur du droit constitutionnel genevois, tout en sachant qu'elle est de fait nulle, puisque le droit supérieur l'emporte sur le droit cantonal. On se trouve dans une impossibilité objective !

L'unité de la forme est un problème que le Conseil d'Etat n'a pas approfondi, et nous n'entendons pas le faire ici. Force est d'admettre, tout à fait sereinement, que certaines parties de l'initiative sont rédigées de toutes pièces. Je vous en donne trois exemples.

Dans le chapitre formation, au point 4.4, il est dit que l'Etat doit favoriser l'accès à la formation par : «...une "carte de crédit annuel" de formation permettant de suivre des cours professionnellement utiles dans une institution d'utilité publique et équivalant à 40 heures de cours». Le degré de précision de cette disposition est tel qu'elle est applicable immédiatement. Le système des "chèques-formation" est déjà connu, et on sait comment il fonctionne.

Autre exemple, toujours au point 4.4 : l'Etat doit créer un dispositif favorisant «l'accès pour qui le souhaite à un bilan personnel après cinq ans de travail salarié et un an dans la même entreprise». Là aussi, cette disposition est si précise qu'elle en devient immédiatement applicable si on le souhaite. Sur le fond, en ce qui nous concerne, on n'en est pas très loin. Quand on a mis en place le centre de bilan, on avait bien l'intention d'arriver à un résultat de ce type, mais sans parvenir au degré de précision de l'initiative qui, sur ce plan, est rédigée.

On nous dit également - c'est le dernier exemple que je citerai - au point 11.2, qu'«est interdit tout transfert de données ou de ressources vers des entreprises de placement privé et agences de travail temporaire». Indépendamment du fait que cette disposition est contraire au droit fédéral, puisque la nouvelle LACI prescrit expressément le contraire, elle est aussi rédigée avec un degré de précision tel qu'on se trouve dans le cas d'une initiative formulée.

C'est un débat très complexe et délicat qui met en évidence le fait que, après quelques années d'application, le nouveau droit constitutionnel nous conduit à des solutions malheureusement impraticables - je dis "malheureusement", en toute sincérité, car le Conseil d'Etat souhaite entrer en discussion sur le fond.

Nous avons, en effet, déjà concrétisé un certain nombre de points. Les syndicats le savent bien. Plusieurs de ces propositions font déjà l'objet de travaux législatifs de préparation que nous conduisons en concertation avec eux.

Aujourd'hui, sur le fond, vous êtes face à l'alternative suivante : soit vous modifiez la constitution cantonale, soit vous déclarez l'initiative nulle. Mais, comme vous ne pouvez pas modifier en débat immédiat notre constitution, avec un vote du peuple intervenant si soudainement qu'il serait immédiatement acquis, le Conseil d'Etat croit qu'il n'existe pas d'autre solution que de retravailler le contexte constitutionnel global.

La présidente. Nous allons passer au vote concernant les conclusions de la commission législative.

M. Dominique Hausser (S). Je demande l'appel nominal. (Appuyé.)

La présidente. Je pense que vous voulez faire la même demande, Madame Maria Roth-Bernasconi.

Mesdames et Messieurs, je précise que vous allez voter sur les conclusions de la commission législative, à savoir :

1. déclarer nuls les points 51., 5.2, 11.1 et 11.2, de l'initiative;

2. scinder l'initiative en trois volets intitulés :

 a) la favorisation de l'emploi;

 b) la lutte contre le chômage;

 c) la réforme de la fiscalité.

3. déclarer chacun des trois volets ci-dessus recevable.

M. Michel Halpérin (L). Il me semble que, du point de vue formel, on devrait d'abord voter sur la recevabilité !

Si nous décidons que cette initiative n'est pas recevable, parce qu'elle est nulle, nous n'aurons pas besoin de voter le premier point qui, sans cela, doit faire l'objet de développements avec des amendements concernant la LACI.

Il vaudrait mieux voter d'abord la recevabilité formelle du tout. Si le Grand Conseil estime, au premier vote, que l'initiative est nulle, on saura pourquoi, puisqu'on en a discuté. Par contre, si elle est déclarée recevable, on pourra voter sur sa scission et sur son contenu.

La présidente. Monsieur Halpérin, en l'état, je dois faire voter sur les conclusions de la commission mais, si le Grand Conseil décide de voter sur la recevabilité, cela m'est égal !

Mme Christine Sayegh (S). Je souhaite intervenir dans le même sens.

Dans le domaine rationnel, on est quelquefois d'accord !

La présidente. Bien ! Nous voterons donc à l'appel nominal sur la recevabilité.

Celles et ceux qui acceptent la recevabilité de l'initiative répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.

L'initiative est déclarée irrecevable par 50 non contre 41 oui et 3 abstentions.

Ont voté non (50) :

Bernard Annen (L)

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Claude Basset (L)

Roger Beer (R)

Janine Berberat (L)

Claude Blanc (DC)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Hervé Burdet (L)

Anne Chevalley (L)

Hervé Dessimoz (R)

Jean-Claude Dessuet (L)

Daniel Ducommun (R)

Pierre Ducrest (L)

Jean-Luc Ducret (DC)

Michel Ducret (R)

John Dupraz (R)

Henri Duvillard (DC)

Catherine Fatio (L)

Bénédict Fontanet (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Henri Gougler (L)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Michel Halpérin (L)

Elisabeth Häusermann (R)

Claude Howald (L)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Pierre Kunz (R)

Claude Lacour (L)

Bernard Lescaze (R)

Armand Lombard (L)

Olivier Lorenzini (DC)

Pierre Marti (DC)

Michèle Mascherpa (L)

Alain-Dominique Mauris (L)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Vérène Nicollier (L)

Jean Opériol (DC)

Barbara Polla (L)

David Revaclier (R)

Martine Roset (DC)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Jean-Philippe de Tolédo (R)

Pierre-François Unger (DC)

Olivier Vaucher (L)

Jean-Claude Vaudroz (DC)

Ont voté oui (41) :

Jacques Boesch (AG)

Anne Briol (E)

Fabienne Bugnon (E)

Matthias Butikofer (AG)

Micheline Calmy-Rey (S)

Claire Chalut (AG)

Pierre-Alain Champod (S)

Liliane Charrière Urben (S)

Sylvie Châtelain (S)

Bernard Clerc (AG)

Jean-François Courvoisier (S)

Erica Deuber-Pauli (AG)

Marlène Dupraz (AG)

Laurette Dupuis (AG)

René Ecuyer (AG)

Christian Ferrazino (AG)

Luc Gilly (AG)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Christian Grobet (AG)

Dominique Hausser (S)

David Hiler (E)

Liliane Johner (AG)

Sylvia Leuenberger (E)

René Longet (S)

Gabrielle Maulini-Dreyfus (E)

Liliane Maury Pasquier (S)

Laurent Moutinot (S)

Chaïm Nissim (E)

Danielle Oppliger (AG)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Jean-Pierre Rigotti (AG)

Maria Roth-Bernasconi (S)

Andreas Saurer (E)

Christine Sayegh (S)

Max Schneider (E)

Jean Spielmann (AG)

Evelyne Strubin (AG)

Claire Torracinta-Pache (S)

Pierre Vanek (AG)

Yves Zehfus (AG)

Se sont abstenus (3) :

Jean-Claude Genecand (DC)

Philippe Schaller (DC)

Michèle Wavre (R)

Etaient excusés à la séance (5) :

Michel Balestra (L)

Fabienne Blanc-Kühn (S)

Anita Cuénod (AG)

Pierre Meyll (AG)

Micheline Spoerri (L)

Présidence :

Mme Françoise Saudan, présidente.

 

PL 7269
6. Projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport annuel de gestion, le compte de pertes et profits et le bilan de l'entreprise des Transports publics genevois pour l'exercice 1994. ( )PL7269

LE GRAND CONSEIL,

vu l'article 160 A, alinéa 4, de la constitution genevoise, du 24 mai 1847;

vu les articles 28, alinéa 3, et 36 , lettre b, de la loi sur les Transports publics genevois, du 21 novembre 1975,

Décrète ce qui suit:

Article 1

Gestion

Le rapport annuel de gestion de l'entreprise des Transports publics genevois, pour l'exercice 1994, est approuvé.

Art. 2

Comptes de pertes et profits et de bilan

Les comptes de pertes et profits et de bilan pour l'année 1994 sont approuvés conformément aux résultats suivants:

a)

compte de pertes et profits:

F

1o charges.......................................

198 511 719,58

2o revenus.......................................

202 817 524,54

3o excédent de revenus...................

4 305 804,96

b)

compte de bilan

F

1o actif............................................

276 560 556,94

2o passif..........................................

276 560 556,94

Art. 3

Compte des investissements

Le compte des investissements pour l'année 1994, comprenant 16 731 138 F de dépenses d'investissement, est approuvé.

Art. 4

Subvention de l'Etat

Le montant de la subvention de l'Etat pour un total de 106 024 840 F est inscrit au compte 1994 des TPG comme suit:

F

a)

indemnités tarifaires...............

44 204 428,80

b)

contribution de desserte.........

22 949 081,15

c)

contribution pour inconvé-nient de trafic..........................

5 000 000.

d)

indemnités de desserte com-plémentaire.............................

1 774 576,70

e)

contribution aux frais finan-ciers (amortissement et inté-rêts) des investissements.......

32 096 753,35

f)

part de l'excédent de revenus reversée à l'Etat (à déduire)....

0.

 EXPOSÉ DES MOTIFS

Nous vous remettons en annexe le rapport de gestion de l'exercice 1994 de l'entreprise des Transports publics genevois (TPG), qui vous donne les renseignements détaillés concernant le présent projet de loi.

Les comptes et le bilan ont été acceptés par le Conseil d'administration de l'entreprise le 8 mai 1995. Il faut relever que les éléments relatifs au Bachet-de-Pesay figurent encore au compte du département de justice et police et des transports et non de l'entreprise. Le Conseil d'Etat vous soumettra une proposition de règlement de cette question. Par ailleurs, un contrat de prestations, dont l'entrée en vigueur est prévue pour 1996, fera également l'objet d'un débat devant le Grand Conseil.

Pour l'année 1994, le budget approuvé par le Grand Conseil comportait une enveloppe des contributions de l'Etat à l'entreprise des TPG de 106 024 840 F, soit 724 840 F de plus que l'enveloppe de 105,3 millions de francs définie pour l'exercice 1993. Les prestations de l'entreprise ont sensiblement augmenté, comme en témoigne notamment la mise en service de sept nouvelles lignes. L'entreprise est parvenue à terminer l'exercice 1994 avec un excédent de revenus de 4 305 804,96 F. Ce résultat reflète la poursuite des efforts d'économie et de gain de productivité réalisés grâce à l'engagement de l'ensemble du personnel, et que le Conseil tient à saluer.

A teneur des dispositions réglant les relations financières entre l'Etat et les TPG, un quart de cette somme devrait revenir à l'Etat. Cette année, le Conseil d'Etat a cependant dispensé, à titre exceptionnel, les TPG de restituer à l'Etat 1 000 000 F, soit environ le quart de l'excédent de revenus de l'exercice 1994, afin de leur permettre de financer les lignes du Mandement (lignes de rabattement RER) jusqu'au prochain changement d'horaire. En effet, le coût de ces lignes s'élève du 28 mai 1995 au 31 décembre 1995 à 467 000 F et du 1er janvier 1996 au 28 septembre 1996 à 533 000 F. Les trois quarts restants de l'excédent de revenus sont répartis, selon décision du Conseil d'administration de l'entreprise, entre le fonds de réserve destinéà couvrir les déficits d'exercices ultérieurs en lieu et place de l'Etat(1,74 million de francs), et une provision pour gratification exceptionnelle en faveur des membres du personnel.

Au bénéfice de ces explications, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à approuver le présent projet de loi.

Personne ne demande la parole en préconsultation.

Ce projet est renvoyé à la commission des transports.

 

I 1943
7. Interpellation de Mme Claire Chalut : Chicago-sur-Léman ou la politique de deux poids, deux mesures, du département de justice et police et des transports. ( )I1943

Mme Claire Chalut (AdG). Suite à une perquisition, pour le moins musclée, faite, au mois d'août, chez des familles originaires du Kosovo, je fais l'interpellation suivante :

La constitution genevoise dit dans son article 2, alinéa 1, que «tous les Genevois sont égaux devant la loi» et dans son article 2A, alinéa 2, «qu'il appartient aux autorités législatives et exécutives de prendre des mesures pour assurer la réalisation de ce principe». Ce principe devrait signifier que tout citoyen, habitant à Genève, est égal devant la loi, quelles que soient son origine ou sa fortune. Depuis quelque temps, le département de justice et police a une façon très personnelle d'observer le principe de ce droit.

Ainsi, après d'autres événements du même type, ce fut le tour de plusieurs familles kosovares, dont certaines habitent à Genève depuis de nombreuses années - et c'est le cas de celle qui nous préoccupe aujourd'hui - de connaître, en date du 22 août, leur "petit matin de cristal".

Monsieur Ramseyer, si cette perquisition autorisée, sur mandat dûment délivré, était tout à fait légale, la manière dont ce mandat a été exécuté est, elle, tout à fait inadmissible et indigne de la part d'un canton qui ne cesse d'invoquer les droits de l'homme... pour les autres !

D'autre part - mais faut-il vous le rappeler ? - les policiers prêtent serment et jurent de respecter les termes de la loi qui suppose, également, que toute personne, quel que soit le délit commis, est supposée être innocente jusqu'à droit jugé. Or, une perquisition effectuée par quinze à vingt policiers - peu importe le nombre d'ailleurs - qui pénètrent chez les gens en les tirant du lit au petit matin, en terrorisant des enfants, en braquant des armes à feu sur eux et sur les personnes présentes, tout en commettant des dégâts matériels, n'est pas conforme à ce serment.

Aujourd'hui, ce sont des familles kosovares qui sont victimes du zèle outrancier de vos sbires. Demain, à qui le tour ? Je tiens, par ailleurs, à préciser que la nationalité des personnes qui pourraient être ainsi touchées n'est pas le plus important. Ce qui l'est, en revanche, c'est que nous ne tolérerons, en aucun cas, cette manière qu'ont vos inspecteurs d'appliquer la loi. Faites-nous confiance, nous serons là pour vous le rappeler autant de fois qu'il le faudra !

Monsieur Ramseyer, vous l'aurez compris : ce n'est pas d'une justice de deux poids, deux mesures que nous voulons, et Genève, jusqu'à preuve du contraire, n'est pas Chicago ! Pour nous, il ne peut pas y avoir deux justices pour les citoyens, selon qu'ils marchent au soleil ou à l'ombre. Voici mes questions :

1) A quand un contrôle digne de ce nom de vos policiers, pour empêcher d'autres exactions du même genre ? En effet, ces événements, qui ont fait du bruit, ne constituent pas un cas isolé.

2) Suite au départ précipité du détenteur de la patente, la propriétaire du restaurant, soucieuse de sauvegarder la possibilité d'exploiter, s'est inscrite au cours des cafetiers. Etes-vous disposé à lui laisser le temps d'arriver au terme de ce cours et de passer les examens qui lui sont liés ?

3) Suite aux événements susmentionnés, vous avez imparti à cette propriétaire un délai jusqu'au 25 septembre, c'est-à-dire lundi prochain, pour qu'elle régularise sa situation. Par conséquent, soit elle retrouve une patente ou un exploitant, soit elle court le risque d'une cessation de commerce, en guise d'amende : le comble, sachant qu'elle a été victime des "politesses" de vos policiers ! Ils ont, en effet, endommagé le sous-sol. La personne en question vient de présenter à vos services une demande d'autorisation précaire d'exploitation, laquelle lui permettrait de régulariser sa situation, de terminer son cours avec de meilleures chances de succès que sous la pression d'un délai aussi court que celui imparti à ce jour. Lui accorderez-vous cette autorisation ?

4) A la suite de ces événements, la famille a subi des torts moraux et matériels considérables. Comment le département envisage-t-il de les réparer ?

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Comme il est fait allusion au département de justice et police, et à la police en particulier, je précise, a priori, qu'il s'agit d'une affaire de justice.

La police a agi sur mandat d'amener, délivré par un juge, dans le cadre d'un trafic de drogue. Ce même juge a délivré plusieurs mandats de perquisitionner. C'est donc une affaire de justice et pas, essentiellement, une affaire de police.

Vous vous êtes exprimée, Madame la députée, sur la façon de perquisitionner de la police. Quelques mots d'explication sont donc nécessaires :

Au début de cette affaire, il y avait des doutes sérieux sur les lieux de résidence de chacun. Ce clan familial kosovar échange des appartements sans en avertir les propriétaires, de sorte que l'on ignore qui habite où. Ensuite, il y avait, plus grave, la présence d'armes dans plusieurs de ces appartements. Dans ce cas, il est évident qu'une perquisition n'est pas conduite en tapant gentiment à la porte, en demandant que l'on veuille bien nous ouvrir.

L'intervention n'a pas eu lieu à 5 h du matin, comme écrit dans un journal, mais à 6 h 45. En dehors de l'irruption des policiers, aucune menace n'a été proférée contre quiconque et surtout pas contre des enfants. Afin de vous rassurer, je précise que deux officiers de police étaient présents pour diriger cette perquisition demandée, je le rappelle, par la justice.

Les enfants sont demeurés sur place, sous la garde d'adultes. Les portes ont effectivement été forcées. Mais pour être complète, vous auriez pu ajouter, Madame, qu'elles ont été réparées dans l'heure et, bien entendu, aux frais de la police.

Quand vous affirmez qu'il y a deux poids, deux mesures, je ne vois pas ce que vous voulez dire. Ce n'est pas la faute de la justice si 90% des délits commis à Genève le sont par des étrangers. Les perquisitions sont toutes menées de la même façon, qu'il s'agisse d'étrangers ou de ressortissants suisses.

Je réponds maintenant à vos questions.

Vous souhaitez, de la part du département, plus de contrôle dans des affaires de ce genre. Je vous conseille de ne pas juger d'après l'effet médiatique des événements, mais de le faire sur la base de rapports et de la réalité de la situation. Il est tout de même étrange que cette affaire n'ait soulevé aucune remarque de qui que ce soit pendant trois jours. Si elle avait été scandaleuse, les réactions auraient été immédiates. Quant au contrôle, on ne peut faire plus que d'envoyer sur place deux officiers de police, commissaires de surcroît.

Vous parlez ensuite de la patente d'une des personnes impliquées. Cette personne est actuellement au bénéfice de la situation découlant du retrait de patente du précédent détenteur, lequel a fait l'objet de la perquisition. Son certificat de capacité a été retiré le 23 août 1995 et Mme G., propriétaire du fonds de commerce depuis avril 1994, c'est-à-dire depuis moins de cinq ans, n'est, en principe, pas autorisée à reprendre le commerce, cela en vertu des dispositions légales.

J'aimerais, Madame le députée, vous tranquilliser. Tout d'abord, je vous rappelle vous avoir demandé le texte de votre interpellation, afin de voir s'il y avait, peut-être, quelque chose à faire. Vous avez refusé de me dire de quoi vous alliez parler, mais je l'avais deviné en regardant vos yeux vastes et limpides ! Par conséquent, j'avais, depuis deux jours déjà, le dossier sous la main pour vous répondre.

Par lettre du 21 septembre, j'ai accordé à Mme G. un nouveau délai au 15 décembre 1995 pour qu'elle obtienne son certificat de capacité et, par voie de conséquence, l'autorisation d'exploiter. En outre, je lui ai signalé que contre ce nouveau délai au 15 décembre, elle pouvait recourir au tribunal administratif, dans les trente jours. Plus, je ne puis. Mais, motivée comme elle l'est, je suis persuadé que Mme G. obtiendra son certificat et retrouvera la patente à propos de laquelle vous vous êtes exprimée.

Vous demandez quel dédommagement les personnes perquisitionnées, sur ordre de justice, peuvent obtenir au niveau moral. Il n'y a, bien entendu, aucun dédommagement. Les dégâts matériels, par contre, sont réparés, si tant est qu'il ne s'agisse pas d'autre chose que de la porte.

J'espère, Madame la députée, vous avoir rassurée sur mon objectivité. J'ajoute, pour vous et pour tout le monde, que si une interpellation traite d'un problème urgent, et que vous avez le sentiment qu'il y a quelque chose à faire, l'idéal est d'annoncer votre interpellation et de vous ouvrir à moi du sujet que vous souhaitez aborder. Je suis à même de vous répondre rapidement, donc de satisfaire, du moins partiellement, à votre demande. C'est ce que j'ai tenté de faire avec cette réponse qui est terminée, en ce qui me concerne.

Mme Claire Chalut (AdG). Monsieur Ramseyer, mon interpellation a été déposée tout à fait normalement, dans les délais prévus par le règlement de ce Grand Conseil. Ce n'est pourtant pas de ma faute si la séance de vendredi dernier s'est terminée dans un "boxon" indescriptible ! (Rires.) De ce fait, je vous ai remis mon texte écrit.

Des armes ont été trouvées, dites-vous; à croire qu'il y en avait tout un stock ! Effectivement, la famille G. possédait deux pistolets, parce qu'au bénéfice non d'un permis de port d'arme mais d'un permis l'autorisant à pratiquer le tir au stand, sous réserve de ne pas détenir de munitions à domicile. Ce fait était connu de la police.

Cette interpellation est close.

 

I 1938
8. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation de M. René Longet : Renvoi d'un requérant d'asile. Suite de la réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente 80, du 23 mars 1995. Etablissement de fait et leçon à tirer de cette affaire. ( ) I1938
Mémorial 1995 : Annoncée, 3102. Développée, 3516. Divers, 3521.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je n'interviendrai pas longuement sur le troisième volet de cette interpellation. Je me bornerai à rappeler les faits.

Engagé dans une procédure d'asile en Grèce, M. H., de nationalité syrienne, avait reçu une décision négative à sa demande, en juin 1990. Craignant son renvoi en Syrie depuis la Grèce, M. H. a quitté clandestinement ce dernier pays pour la Suisse, en février 1995. Il y est entré, muni de papiers d'identité falsifiés. En vertu du fait que l'intéressé a séjourné près de cinq ans en Grèce, après le rejet de sa demande, l'Office fédéral des réfugiés a décidé de ne pas autoriser M. H. à entrer en Suisse. Il a donc ordonné son renvoi préventif vers son dernier pays de résidence. En l'espèce, un recours a été déposé contre la décision de l'ODR.

La Grèce, comme la Suisse, est signataire de la Convention de Genève de 1951, relative au statut des réfugiés. A ce titre, elle est tenue au respect du principe de non-refoulement. Cela signifie qu'elle ne peut expulser ou refouler un réfugié, vers un territoire où sa liberté ou sa vie seraient menacées, pour un des motifs prévus par ladite convention. Or, la procédure engagée par la Grèce avait amené cet Etat à estimer que l'intéressé n'avait pas le statut de réfugié, sa vie n'étant nullement en danger en Syrie. Si vous avez, Monsieur le député, des critiques à émettre à ce sujet - et je peux les comprendre - elles sont à adresser à l'Etat grec et non à l'Etat suisse.

Deux tentatives infructueuses de renvoi de H. ont été effectuées, dans les quarante-huit heures qui ont suivi, par la police genevoise, l'autorité cantonale compétente pour exécuter les décisions de l'ODR.

Je précise, Monsieur le député, que nous n'avons jamais reçu de H. la plainte qu'il a formulée à l'adresse de la Ligue des droits de l'homme. Ce document n'est pas en notre possession.

En l'absence d'une décision de la Commission suisse de recours, les services de police ont agi sur la base d'une directive de l'ODR stipulant, en substance, qu'en cas de dépôt d'un recours la décision contestée doit être exécutée aussi longtemps que la Commission suisse de recours n'a pas donné d'instructions contraires. La loi fédérale est entrée en vigueur en février 1995. Elle a modifié certains alinéas de l'article 47. Elle n'autorise l'exécution immédiate d'un renvoi, suite à une décision de première instance, qu'à l'expiration d'un délai de vingt-quatre heures. Ce délai doit permettre à la personne concernée de demander à l'autorité de recours la restitution de l'effet suspensif. Cette dernière dispose, ensuite, de quarante-huit heures pour se prononcer. Or, M. H. a été renvoyé en Grèce une semaine plus tard.

Alors qu'elle avait rejeté deux recours contre la décision de renvoi prise par l'ODR, la Commission suisse de recours a finalement admis une demande de réexamen de la demande d'asile de H., parce qu'il avait été détenu en Grèce, mais pas accepté en tant que requérant d'asile. C'est pour cette raison que H. a été autorisé à revenir en Suisse, le 30 mars, et sa demande est toujours à l'examen.

Toutefois, sur un point, je vous dois, Monsieur le député, des explications complémentaires. Avisés par l'ODR que la demande d'asile allait être rejetée, les services de police ont préparé le départ de H. de Suisse. Dans un premier temps, il est exact que des contacts ont été pris avec le consulat de Syrie. Cette maladresse est due au fait que la police n'était pas encore en possession du texte et ignorait que la décision de l'ODR visait au renvoi préventif de ce ressortissant, non pas en Syrie mais en Grèce.

Par souci de clarté, il est prévu, dorénavant, de demander à l'ODR que les décisions de renvoi notifiées à la police de l'aéroport le soient également à l'office cantonal de la population, qui a la maîtrise du dossier "asile".

Vous m'avez interrogé, une troisième fois, sur les mesures concrètes qui ont été prises. En attirant votre attention, Monsieur le député, sur le fait que les mesures genevoises vont largement au-delà de ce qui est admis dans d'autres cantons suisses, je précise que l'ODR n'a pas modifié sa directive sur l'exécution du renvoi du 22 février 1993, de sorte que nous avons décidé de donner nos propres instructions à la police de l'aéroport pour qu'elle s'en tienne, désormais, strictement à la lettre de l'article 47 de la loi sur l'asile et qu'elle veille, ainsi, aux délais de vingt-quatre et de quarante-huit heures évoqués plus haut.

Vous m'avez encore interrogé sur la réalité d'un aide-mémoire. Ce document, destiné aux étrangers ayant déposé une demande d'asile à l'aéroport, va être distribué aux intéressés dès le courant de ce mois. Ce papier, qui n'a pas son égal ailleurs en Suisse, a été présenté à la délégation du Conseil d'Etat aux réfugiés le 22 août dernier. Je vous signale également que, depuis plusieurs mois, les candidats à l'asile entendus à l'aéroport reçoivent, à la fin de leur audition, une liste des services de consultation juridique auxquels ils peuvent faire appel dans le cadre de la procédure. Cela aussi, Monsieur le député, est une spécificité genevoise en faveur des requérants d'asile. Je serais même tenté de dire que c'est une facilité de plus, mais je vous déclare nettement que je n'ai pas l'intention d'accumuler, à l'avenir, des facilités de ce genre. J'estime que nous avons largement et suffisamment fait.

Je remarque enfin que les requérants d'asile, qui se présentent à la frontière, ne bénéficient d'aucune de ces facilités, valables seulement pour l'aéroport.

J'estime avoir répondu complètement à votre interpellation. Cela ne change rien au fait que H. est toujours en Suisse, que l'Etat grec ne l'a pas reconnu comme réfugié et que je n'ai malheureusement toujours pas la décision de l'Office fédéral.

Cette interpellation est close.

RD 245
9. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur les exercices 1993 et 1994 de la fondation de droit public pour la construction et l'exploitation de parcs de stationnement. ( )RD245

Conformément à l'article 6 de la loi du 25 octobre 1968 concernant la fondation de droit public pour la construction et l'exploitation de parcs de stationnement, nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation le présent rapport sur les exercices 1993 et 1994 de la fondation.

I. Composition des organes de la fondation

A) Conseil de fondation

  au 31.12.1993  au 31.12.1994

Président M. Bernard Ziegler M. Gérard Ramseyer

Vice-présidente Mme Madeleine Rossi Mme Madeleine Rossi

Secrétaire M. Michel Parrat M. Michel Parrat

Membres MM. Jean-Pierre Bossy MM. Jean-Pierre Bossy

  Michel Brunschwig  Michel Brunschwig

  Christian Buonomo  Christian Buonomo

 Mme Jacqueline Burnand Mme Jacqueline Burnand

 MM. Christian Grobet MM. Michel Jacquet

  Jean-Pierre Rigotti  Philippe Joye

  Bernard Schutzlé  Bernard Laperrousaz

  Jean-Pierre Sottas  Pierre Moia

  Olivier Vodoz  Daniel Brauen

  Freddy Wittwer  Freddy Wittwer

B) Bureau

Président M. Bernard Ziegler M. Gérard Ramseyer

Vice-présidente Mme Madeleine Rossi Mme Madeleine Rossi

Secrétaire M. Michel Parrat M. Michel Parrat

Membres MM. Michel Brunschwig MM. Michel Brunschwig

  Freddy Wittwer  Freddy Wittwer

C) Organes de contrôle

 Société Fiduciaire et de Société Fiduciaire et de

 Gérance SA Gérance SA

D) Direction

 M. Roland Borel M. Roland Borel

II. Activités de la fondation

A) Préambule

Dès le 1er janvier 1993, la fondation a repris la gestion des parkings suivants de l'Etat: parking Lombard, parking de l'Hôtel des Finances, parking David-Dufour, parking de l'Ecole d'ingénieurs et parking Henri-Dunant, auxquels se sont ajoutés en 1994 les parkings d'Uni-Mail, d'Uni-Dufour et André-Chavanne. En 1994, la fondation s'est également vu confier la gestion du parking Colombelle, réalisé par la commune du Grand-Saconnex, et du parking de l'Uche, réalisé par la commune de Veyrier, tandis que s'ouvraient le parking du Vieux-Moulin, le parking P26 et le parking des Tilleuls.

La fondation a procédé à une remise en état de la plupart des parkings dont elle a repris la gestion (nettoyage, peinture, imprégnation des sols, contrôle des installations techniques et de sécurité, éclairage renforcé).

Pour obtenir une exploitation rationnelle des parkings publics de l'Etat, la fondation a remplacé les parcomètres par un système de péage performant composé de barrières et de caisses automatiques. De telles installations nécessitant une présence continue, tous les parkings sont surveillés à distance depuis un centre de contrôle auquel ils sont reliés par fibres optiques. Toutes les opérations peuvent être suivies par interphones, caméras et commandes à distance. Afin d'améliorer le contact avec la clientèle, une permanence est assurée dans chaque parking. Ces mesures ont permis non seulement d'améliorer les recettes, l'offre de stationnement et l'accueil, mais aussi de diminuer les actes de vandalisme. Pour pouvoir assurer une surveillance et une assistance technique 24 heures sur 24, la fondation a engagé quatre techniciens et huit surveillants. Il suffit désormais d'une dizaine de personnes pour surveiller les quelque 26 parkings gérés par la fondation alors que 5 personnes étaient jusqu'à présent nécessaires pour surveiller un seul parking. Le centre de contrôle exploité avec son personnel actuel pourra ainsi gérer les parkings en cours de construction dès leur ouverture, ceux-ci allant être équipés des liaisons nécessaires pour une exploitation à distance.

Les activités de la fondation ont également été marquées par l'ouverture du chantier de Saint-Antoine, le 1er avril 1993. La découverte de la courtine des Réformateurs (XVIe siècle), ainsi que la mise à jour d'un certain nombre d'autres découvertes ont permis au service d'archéologie de mieux cerner l'histoire de notre cité.

Enfin, la fondation, en collaboration avec l'office des transports et de la circulation, a étudié la mise en place d'un système de signalisation avancée des parkings (info-parkings) qui doit permettre de guider les automobilistes vers les différents parkings de la ville au moyen d'une vingtaine de panneaux. Deux panneaux ont été placés à titre expérimental en 1993 dans le quartier de Cornavin, l'un à la rue de Lausanne, l'autre à la rue des Alpes, indiquant en tout temps le nombre de places libres dans les parkings du quartier. L'installation de l'ensemble de ce système est prévue pour fin 1995.

B) Parkings d'échange

La création de parkings d'échange (P + R) constitue l'objectif prioritaire de la fondation. Ces parkings, à proximité des lignes de transports publics, sont en effet indispensables pour soulager la pression des véhicules pendulaires sur le centre-ville.

· En exploitation

1. P+R Balexert (50 places)

 En service depuis 1978, ce parking a enregistré en 1994 348 abonnés mensuels, contre 377 en 1993 (403 en 1992).

2. P+R Moillesulaz (380 places)

 En service depuis avril 1990, ce parking a enregistré en 1994 3044 abonnés P+R, contre 2888 en 1993. Comme en 1992, 120 abonnements ont été mis à la disposition de la société Genex en 1993 pendant la durée des travaux d'extension de son usine à Jussy.

 Ce parking est également utilisé pour le parcage horaire et pour les abonnés habitant le quartier.

3. P+R Pré-Bois (240 places)

 Ce parking mis en service en 1989 demeure peu fréquenté. En 1994, 82 abonnements ont été délivrés, contre 87 en 1993 (85 en 1992).

 Le marché de voitures d'occasion qui avait lieu sur ce parking a été interrompu au cours de l'année 1993 pour des motifs propres aux exploitants.

4. P+R Gare CFF-Aéroport de Genève (330 places)

 Ce parking, situé au-dessus de la gare CFF de l'aéroport et ouvert en 1989, a enregistré 515 abonnés en 1994, contre 594 en 1993 (653 en 1992).

 Les abonnés du P+R Gare CFF ont été transférés dans le parking P26 dès l'ouverture de celui-ci.

5. P+R Bachet-de-Pesay (175 places)

 En service depuis 1989, ce parking est situé à proximité immédiate de la boucle terminale de la ligne de tram au Bachet-de-Pesay. Alors que 2793 abonnés ont été recensés en 1993 (2698 en 1992), 1316 abonnements ont été délivrés au 30 juin 1994. Dès le 1er juillet 1994, ce parking a dû être provisoirement supprimé pour permettre la réalisation des travaux d'évitement de Plan-les-Ouates. Toutefois, grâce à des accords intervenus entre les Transports publics genevois, le département des travaux publics et de l'énergie et la fondation, il a été possible de mettre à la disposition des abonnés, dès le 1er novembre 1994, environ 80 places dans le parking situé sous le dépôt des TPG. Au 31 décembre 1994, 64 abonnés utilisaient cette possibilité.

6. P+R Gare des Eaux-Vives (80 places)

 Les habitants et entreprises du quartier bénéficient d'une partie des places de ce parking, situé sur les anciennes voies de garage de la gare des Eaux-Vives. Au 31 décembre 1994, on dénombrait 836 abonnés P+R (871 en 1993) et 40 abonnés mensuels (34 en 1993).

7. P+R Les Mouilles (100 places)

 Après des débuts difficiles, ce parking, mis en service le 2 octobre 1991, a connu une progression réjouissante du nombre d'abonnés. Celui-ci s'est élevé à 823 en 1994, contre 574 en 1993 (391 en 1992).

8. P+R Bernex (80 places)

 Ce parking ouvert au public le 1er juin 1993 a été réalisé à la sortie de l'autoroute sur la route de Chancy, à proximité d'un arrêt TPG. Toutefois, afin d'améliorer encore la desserte de ce parking, les TPG ont inauguré une ligne (n° 22) ayant pour terminus le parking lui-même.

 540 abonnements ont été vendus en 1994, contre 96 en 1993.

9. P+R Céligny (15 places)

 Depuis1989, la fondation assume l'entretien de ce parking situé à proximité immédiate de la gare de Céligny et mis gratuitement à la disposition des usagers.

10. P+R Colombelle (225 places)

 En 1994, la commune du Grand-Saconnex a offert à la fondation la gestion de son parking, réalisé sous son centre de voirie situé à proximité de la route de Ferney, et la possibilité de mettre une partie de ce parking à la disposition des pendulaires en créant un P+R. La fondation y a entrepris différents travaux (par exemple installation de péage). Eu égard à sa situation, on peut raisonnablement escompter que ce P+R, qui sera remis à la disposition des usagers en 1995, connaîtra un certain succès.

11. P+R de l'Uche/Veyrier (200 places)

 Après avoir réalisé un parking à la sortie du village, la commune de Veyrier a offert des places à la fondation, moyennant redevance, pour que celle-ci les mette à disposition d'usagers P+R. Au 31 décembre 1994, on dénombrait 106 abonnements pour ce parking d'échange dont l'exploitation a débuté en mars 1994.

· A l'étude

12. P+R Etoile (630 places)

 La demande préalable de construire pour ce parking, projeté au carrefour de l'Etoile, au-dessus de la Voie Centrale, a été déposée le 1er avril 1992. Toutefois, en fonction des divers préavis des services concernés, ainsi que des commissions d'urbanisme et d'architecture, ce projet a été modifié et une autorisation préalable de construire a été délivrée le 7 juillet 1993 sous réserve d'une étude complète de circulation actuellement en cours.

13. P+R Palette (650 places)

 Ce parking, prévu dans le cadre des aménagements de la couverture de la T104 (avenue des Communes-Réunies), a fait l'objet d'une demande d'autorisation définitive de construire déposée le 19 octobre 1994. Le projet prévoit que 400 places soient attribuées aux habitants et aux commerces et qu'environ 250 places soient mises à disposition d'un parking d'échange. Une convention de droit de superficie, ratifiée le 29 septembre 1994 par le Conseil municipal de la Ville de Lancy, est intervenue avec la fondation. Cette convention prévoit notamment une participation financière (480 000 F) de la Ville de Lancy au manque à gagner résultant d'une éventuelle non-réalisation du centre commercial prévu par cette dernière au-dessus du parking. La décision du Conseil municipal du 29 septembre 1994 approuvant la convention a fait l'objet d'un référendum.

 P.-S.: la votation référendaire qui a eu lieu le 25 juin 1995 a abouti au rejet de cette convention. Les conséquences de ce vote seront développées dans le rapport 1995 sur l'activité de la fondation.

14. Genève-Plage (La Nautique) (660 places)

 Une demande préalable de construire a été déposée pour un parking d'environ 660 places dans le port de la Nautique, mais a été suspendue suite aux études pour la traversée de la rade.

15. P+R Sécheron (800 places)

 Une demande préalable de construire a été déposée pour un parking d'échange (800 places) et de desserte (300 places) situé sous un immeuble artisanal sis au chemin des Mines. En fonction des projets d'aménagement de la parcelle de Sécheron, ce projet a été mis en veilleuse.

16. P+R Frontenex (770 places)

 Projeté par la Ville de Genève dans le cadre de la reconstruction du stade de Fontrenex, ce projet a fait l'objet d'une demande préalable de construire qui a été suspendue en raison des projets concernant la traversée de la rade.

17. P+R Sous-Moulin (550 places)

 Ce projet de parking d'échange a été étudié par la fondation, en collaboration avec les communes chênoises, dans le cadre de la troisième étape de construction du centre sportif des Trois-Chêne. Il vise la réalisation de 550, voire 750 places en sous-sol. Vu le coût de ce parking (20 000 000 F), auquel les communes se sont déclarées prêtes à participer, la fondation a mis ce projet en attente, les communes concernées n'ayant pas décidé de l'avenir de leur centre sportif, le projet de la troisième étape de construction ayant été refusé.

18. P+R Conches (50 places)

 Une demande préalable d'autorisation de construire a été déposée pour un parking de 50 places sur la route de Florissant à Conches, à l'intérieur de la boucle de la ligne n° 8 des TPG. En raison d'une demande de la commune de Chêne-Bougeries, un nouveau projet a été établi prévoyant, outre un parking de 50 places, un centre de récupération de déchets. Toutefois, en raison des oppositions exprimées par les habitants du quartier, ce projet est suspendu.

B) Parkings pour habitants

· En exploitation

19. Parking des Grandes-Communes/Onex (282 places)

 Ce parking, propriété de la fondation depuis 1980 qui en assume la gestion, est réservé aux seuls habitants du quartier.

20. Parking de la Voie Centrale/Carouge (378 places)

 Depuis 1974, la fondation assume pour le déplacement des travaux publics et de l'énergie la gestion de ce parking, situé sous le pont de la route des Jeunes, réservé en majorité aux caravanes, poids lourds et deuxième voiture. Depuis le 30 juin 1994, une partie de ce parking a été provisoirement supprimée et il le sera en quasi-totalité en 1995 suite aux travaux prévus dans le cadre de la construction de l'évitement de Plan-les-Ouates.

21. Parking du Prieuré (563 places)

 Ce parking réalisé sous la station de filtration des eaux des Services industriels a été mis en service en mars 1989 et est réservé en majorité (80%) aux habitants du quartier.

22. Parking des Tilleuls/Saint-Jean (400 places)

 Ce parking, construit sur quatre sous-sols et dont les travaux avaient débuté le 16 novembre 1992, a été ouvert en octobre 1994.

23. Parking du Vieux-Moulin/Onex (220 places)

 Suite à l'octroi par la commune d'Onex d'un droit de superficie pour la construction et l'exploitation d'un parking de 220 places pour les habitants du quartier, les travaux ont débuté en octobre 1992. L'ouverture du parking a eu lieu en février 1994. Le coût total de l'ouvrage est de 4 550 000 F. Il est bien inférieur aux prévisions et cela notamment en raison de la conjoncture. Le financement est assuré pour 1/3 par les fonds propres de la fondation, le solde étant couvert par des hypothèques.

24. Parking André-Chavanne (60 places)

 L'Etat de Genève a réalisé un parking destiné au corps enseignant sis à l'école de commerce André-Chavanne et en a confié la gestion à la fondation dès le 1er septembre 1994.

C) Parkings publics

· En exploitation

25. Parking de la place de Cornavin (900 places)

 La fondation assume la gestion du parking et de la galerie marchande depuis son ouverture en décembre 1981. Elle participe au capital-actions de la société «Parking Place de Cornavin SA».

 En 1994, la fréquentation du parking a augmenté de 11% (1 602 073 entrées) par rapport à 1993 (1 585 196 entrées), alors que dans le même temps le chiffre d'affaires de l'ensemble des commerces de la galerie a diminué de 5%.

26. Parking de la Plaine de Plainpalais (804 places)

 La fondation participe au capital-actions de la société «Parking Plaine de Plainpalais SA», propriétaire de ce parking ouvert en décembre 1979.

 En 1993, le nombre d'entrées a été de 273 412, soit en diminution d'environ 6% par rapport à 1992. En 1994, le nombre d'entrées est remonté à 280 043, soit environ 2,5% de plus par rapport à 1993. Toutefois, le nombre des entrées a diminué de près de 10% par rapport à 1990.

27. Parking Lombard (780 places)

 La fondation assume la gestion de ce parking depuis le 1er janvier 1993.

 Dans le but d'offrir des parkings sûrs et agréables au public, les installations techniques aussi bien que le gros oeuvre ont fait l'objet de travaux d'entretien et de nettoyage (investissement: environ 555 000 F). Les installations de péage avec barrières et caisses automatiques, complétées par une installation vidéo-interphones, ont été mises en service le 1er octobre 1993.

 Depuis la rénovation, les recettes de stationnement horaire ont presque triplé, sans augmentation de tarif. Le nombre d'abonnements est d'environ 600, principalement destinés à l'hôpital et au CMU.

28. Parking de l'Hôtel des Finances (340 places)

 Le coût des travaux d'entretien et de nettoyage entrepris en 1993 dans ce parking s'est élevé à 320 000 F. Les installations de péage avec barrière et caisses automatiques, complétées par une installation vidéo-interphones, ont été mises en service le 1er décembre 1993.

 Les recettes ont évolué favorablement puisque celles-ci ont doublé sans augmentation de tarif. Le nombre d'abonnements est d'environ 220, attribués principalement aux collaborateurs du département des finances.

 Il sied de relever qu'en raison de sa situation, ce parking, entouré d'établissements nocturnes, fait l'objet de déprédations et d'actes de vandalisme. Une surveillance accrue lors de manifestations s'impose. Toutefois, les travaux effectués par la fondation, et notamment les caméras, ont permis de diminuer les actes de malveillance.

29. Parking David-Dufour (520 places)

 La fondation assume la gestion de ce parking depuis le 1er janvier 1993.

 Des travaux d'entretien et de nettoyage ont été réalisés pour un montant d'environ 300 000 F. En 1993, le contrôle du stationnement a été effectué au moyen des parcomètres existants. Les installations de péage avec barrières et caisses automatiques, complétées par une installation vidéo-interphones, ont été mises en service dès le mois de février 1994.

30. Parking de l'Ecole d'ingénieurs (180 places)

 La fondation assume la gestion de ce parking depuis le 1er janvier 1993.

 Des travaux d'entretien ont été entrepris dans le courant de l'année 1994. Un système de péage avec barrières a été mis en service en septembre 1994.

31. Parking Henri-Dunant (60 places)

 La fondation assume la gestion de ce parking, situé sous le collège Henri-Dunant à Châtelaine, depuis le 1er janvier 1993. Ce parking est contrôlé au moyen de parcomètres. Ce système de péage sera maintenu eu égard au nombre de places.

32. Parking Uni-Dufour (190 places)

 La fondation assume la gestion de ce parking, situé sous le bâtiment d'Uni II, depuis le 1er janvier 1994.

 D'abord réservé uniquement aux abonnés, ce parking a été ouvert au public dès le mois de juin 1994 après avoir fait l'objet de travaux de réfection et de modification des installations de péage. En raison de la situation de ce parking, les tarifs horaires sont élevés afin de dissuader le stationnement de longue durée. Malgré tout, la mise à disposition de ce parking au public a permis d'enregistrer plus de 80 000 F de recettes horaires en six mois. De plus, un abonnement «théâtre» a été mis en vente. Il ne connaît toutefois qu'un succès relatif.

33. Parking d'Uni-Mail (180 places)

 La fondation assume la gestion de ce parking, situé sous le bâtiment d'Uni-III, depuis le 1er janvier 1994.

 Réservé aux abonnés, ce parking sera également ouvert au public afin de diminuer la pression du stationnement horaire sur le quartier. Ces travaux ont été exécutés au début de l'année 1995.

34. Parking P26 Palexpo (1050 places)

 Ce parking dont les travaux ont débuté le 23 novembre 1992 n'a été ouvert définitivement au public qu'en octobre 1994 en raison de la complexité des constructions réalisées en parallèle (halle 7 et salle de spectacles). Toutefois, 800 places ont été mis à disposition du Salon de l'automobile en mars 1994.

· A l'étude ou en construction

35. Parking de Saint-Antoine (490 places)

 Le 11 février 1993, le Grand Conseil a ratifié la décision du Conseil municipal de la Ville de Genève d'octroyer un droit de superficie à la fondation. En raison du délai référendaire, le premier coup de pioche a été donné le 1er avril 1993.

 La courtine des Réformateurs datant du XVIe siècle a été découverte lors des premiers travaux de terrassement. Au vu de son excellent état, la question s'est posée de savoir quelle serait la meilleure façon de mettre ce mur en valeur. Deux solutions ont été envisagées: soit intégrer la courtine dans le parking sans modifier l'aspect extérieur de celui-ci, soit laisser la courtine à l'extérieur du parking, ce qui implique l'abaissement de la promenade Saint-Antoine de 3,50 m. Il s'est finalement avéré préférable de conserver le niveau actuel de la promenade Saint-Antoine et de mettre en valeur la courtine à l'intérieur du parking. A cet effet, un sous-sol supplémentaire a été réalisé en contrepartie de la suppression de l'étage intermédiaire prévu entre le boulevard Jaques-Dalcroze et la promenade Saint-Antoine, ce qui permet d'avoir une vision du mur sur une hauteur d'environ 5 m.

 L'ouverture du parking est prévue pour fin 1995.

36. Parking Place Neuve (700 places)

 Suite à la demande préalable de construire un parking sous la place Neuve, une étude d'impact a été effectuée dont les résultats sont positifs sous réserve de certaines études complémentaires.

III. Conclusions

Bien que plusieurs projets de parkings d'échange soient actuellement suspendus pour des motifs divers, la réalisation de tels parkings constitue un objectif prioritaire. La gestion des parkings d'échange existants affiche un bilan positif, le nombre des abonnés P+R ayant augmenté dans l'ensemble. Les travaux importants, entrepris dans de nombreux parkings publics, ont non seulement permis d'augmenter les recettes de ceux-ci, mais aussi d'améliorer leur sécurité et leur salubrité.

La reprise de la gestion des parkings de l'Etat, l'ouverture de quatre nouveaux parkings et la mise en chantier du parking de Saint-Antoine témoignent de l'intensification des activités de la fondation. Au 31 décembre 1994 la fondation gérait 26 parkings, soit: 11 parkings d'échange, 6 parkings pour habitants et 9 parkings publics.

Ainsi, la fondation des parkings a, jusqu'à ce jour, rempli sa mission qui consiste à construire et à exploiter des parkings en liaison avec la politique des transports édictées par les autorités.

Au bénéfice de ces explications, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à prendre acte du présent rapport.

Débat

Mme Liliane Maury Pasquier (S). Je ne vous cache pas que le rapport du Conseil d'Etat me laisse quelque peu insatisfaite. Ma perplexité porte, notamment, sur le chapitre intitulé «Parkings d'échange», où ne sont mentionnés ni les taux de fréquentation de ces ouvrages, ni l'évolution de cette fréquentation, au-delà des deux années concernées, pas plus que son évolution prévisible.

La rubrique «Parkings pour habitants» ne fait également pas part des taux de fréquentation, ni d'une donnée pourtant intéressante, à savoir le rapport entre le nombre de places de parking et le nombre d'habitants des quartiers concernés.

Le chapitre «Parkings publics» est lacunairement rédigé. Parfois, le taux de fréquentation y figure, parfois, il n'y figure pas. Parfois, quelques lignes définissent l'évolution du taux de fréquentation, parfois, celle-ci n'apparaît pas. Plus de rigueur et de plus amples informations seraient, à l'évidence, nécessaires !

Les parkings sont des infrastructures très coûteuses. Ils ont une influence considérable sur l'évolution des transports, la quantité et la répartition des déplacements automobiles. Ils représentent - et certaines séances du Grand Conseil en témoignent - un sujet sensible et délicat.

Afin de bénéficier de tous les renseignements que ce rapport aurait dû contenir et que le Conseil d'Etat devra, dès lors, apporter, je propose de renvoyer ce rapport en commission des transports. Je rappelle que cette commission traite justement diverses motions sur ce sujet et que ses travaux s'en trouveront d'autant mieux documentés.

M. Bernard Lescaze (R). Mme Maury Pasquier va pouvoir constater que, sur des problèmes concrets, les gens de bonne volonté se rejoignent, car ce rapport du Conseil d'Etat sur la fondation des parkings nous a surpris, nous aussi.

Nous le trouvons particulièrement lacunaire, notamment sur la rentabilité des parkings publics, ainsi que sur le taux d'occupation des parkings pour habitants, étant notoire que les parkings du domaine privé de la Ville de Genève ne sont pas pleinement occupés.

La systématique de ce rapport devrait être travaillée, et des chiffres sur le nombre d'emplois de la Fondation, sur ses recettes et ses ressources devraient également être donnés. Nous souhaitons que ces renseignements puissent y figurer à l'avenir et, pour cette année, qu'ils soient communiqués à la commission des transports, à laquelle nous vous prions de bien vouloir renvoyer ce rapport.

Mme Evelyne Strubin (AdG). Nous ne considérons pas ce rapport comme étant satisfaisant. Nous espérions recevoir un réel outil de travail nous renseignant sur la situation financière de la Fondation et nous permettant de prévoir une politique en matière de parkings. Or, il n'en est rien,

Ce rapport est trop évasif, trop succinct, pour faire une bonne analyse de la situation.

En premier lieu, on s'aperçoit que des imprécisions de présentation nuisent à sa compréhension. Par exemple, les parkings à l'étude sont présentés en deux fois et nous ignorons la raison de cette subdivision. D'autre part, nous ne pouvons que supposer qu'ils appartiendront tous à la Fondation, car rien n'est précisé à ce sujet.

On nous annonce onze parkings d'échange en exploitation, alors que celui de Colombelle - dont l'ouverture est annoncée pour 1995, sans autre indication de date - n'est pas encore en service et que celui du Bachet-de-Pesay a été supprimé et partiellement replacé ailleurs. Quant à celui de l'aéroport, nous savons que ses abonnés ont été transférés au P26, mais nous ne savons pas s'il faut comprendre qu'il est hors service actuellement ou s'il est à la disposition d'autres utilisateurs. Il est donc difficile de comptabiliser rapidement le nombre de parkings d'échange en activité au début 1995.

Le problème est le même pour les parkings pour habitants. La Fondation en recense six, alors que celui de la Voie Centrale est partiellement supprimé et le sera en quasi-totalité en fin 1995.

Quant aux parkings publics, le rapport en dénombre dix, alors que neuf sont cités dans les conclusions.

Il n'est donc pas aisé d'identifier les vingt-six parkings que la Fondation a réellement gérés au 31 décembre 1994.

Question chiffres, nous n'avons pas plus de précisions. Pour les parkings d'échange, la Fondation s'exprime en nombre d'abonnés, mentionnant la situation de 1994 par rapport à celle de 1995. Aucune information chiffrée n'est donnée pour les parkings pour habitants, ni pour 1993 ni pour 1994. Quant aux parkings publics, si la Fondation fournit une évaluation en pourcentage pour les deux premiers, elle se contente de quelques appréciations annonçant des rendements doublés, voire triplés, pour les deux suivants, et ne donne plus aucun chiffre pour les six derniers, ni de comparaisons entre les deux années.

Comment, dès lors, se représenter valablement la fréquentation des parkings de la Fondation ?

En second lieu, on peut s'étonner de l'imprécision des textes. On nous parle : «des places», «d'une partie», «de la quasi-totalité», «de la majorité» ou encore de «80%». On nous dit que les mesures prises ont permis d'améliorer les recettes, mais on ignore de combien. Par exemple, on ne peut déterminer réellement si le parking André-Chavanne a été en activité en 1994 ou pas. On sait que le parking des Grandes Communes est réservé aux habitants, mais on n'apprend rien sur sa fréquentation. On indique que le parking du Prieuré est réservé à 80% des habitants, mais qu'en est-il des 20% restants ?

De plus, il serait indiqué de nous renseigner sur les différences de coût entre les diverses formes d'utilisation : abonnements P+R, mensuels, habitants, parkings horaires, ainsi que leur représentation en lieux de stationnement. On aimerait également obtenir des précisions quant au nombre de places libres, selon la catégorie des parkings, et il serait intéressant de connaître le pourcentage exact de participation de la Fondation au capital-actions des sociétés gérant les parkings de Cornavin et de Plainpalais, d'obtenir des renseignements sur les résultats de l'expérimentation des deux panneaux «Infoparking». A-t-on relevé une amélioration de la fréquentation, grâce à ce moyen ? Enfin, il ne serait pas superflu d'expliciter comment on peut obtenir, à Balexert, 348 abonnements pour 50 places.

En résumé, ce rapport n'est pas utilisable tel quel. C'est pourquoi nous vous demandons d'accepter de le renvoyer à la commission des transports, afin que celle-ci nous fasse parvenir des renseignements supplémentaires, assortis de chiffres précis de fréquentation pour 1993 et 1994, avec une mise en évidence du bénéfice ou du déficit, ainsi que des informations sur la participation au capital-actions d'autres sociétés et une notification des capitaux disponibles à la Fondation. De la commission, nous attendons également la communication, pour chaque parking, du taux de fréquentation exact en nombre d'abonnés P+R, habitants, mensuels et parcages horaires; de la comparaison entre les deux années; du nombre de places encore libres et du résultat des expérimentations publicitaires. Un petit plan, situant tous les emplacements des parkings de la Fondation, serait également le bienvenu.

Cela nous permettra de poursuivre efficacement notre politique de désengorgement du centre-ville et de planifier une politique d'avenir objective.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Les multiples critiques adressées à la Fondation des parkings ne me surprennent guère. Il faut savoir que rien ne ressemble moins à un parking qu'un autre parking.

En fait, il y a plusieurs activités parallèles au niveau de la Fondation. Celle-ci gère des parkings, construit des parkings, conseille pour la construction de parkings, paie pour la construction de parkings, reprend des parkings en cours d'année et en cède d'autres ! Il est donc difficile de figer une situation à un moment donné. D'autre part, je fais remarquer qu'il s'agit, ici, d'un rapport d'activité et non d'un rapport financier.

Ayant prévu que le sujet vous intéresserait, nous avons consacré, avec le conseil d'administration de la Fondation, une demi-journée de travail à redéfinir le rôle de la Fondation sur la base de ses statuts. Puis j'ai demandé le document dont vous venez de parler pour constater qu'il était totalement illisible, du fait que tous les cas, quasiment, diffèrent.

Actuellement, on parle de vingt-six parkings, soit onze parkings d'échange, six parkings pour habitants et neuf parkings publics. Il y a ceux qui sont gérés, ceux qui sont construits, etc. Bref, la comparaison est quasiment impossible.

Nous avons donc demandé à la Fondation - et le travail a été effectué - d'établir une carte de tous les parkings existants et d'établir des critères permettant de comparer les différents parkings. Je vous rends attentifs au fait que, dans certains parkings, une partie des places est attribuée aux habitants, une autre partie l'est aux abonnés; de plus, il y a le taux de rotation de ceux qui ne sont ni abonnés, ni habitants. Et tout cela change d'une région à l'autre.

Je n'entends pas m'étendre longuement sur ce document. J'attends de connaître les textes de vos différentes interventions, de pouvoir dresser un listing de ce que vous souhaitez lire, pour voir comment je pourrai vous fournir un rapport, aussi complet que possible, sur les différents éléments que vous avez cités.

Mon intention rejoignant la vôtre, j'accepte bien volontiers le renvoi de ce rapport d'activité en commission des transports. Je précise que cela m'a déjà été demandé en commission et que j'ai répondu affirmativement.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport à la commission des transports est adoptée.

 

La présidente. Nous allons terminer avec le département de justice et police et des transports, car il ne reste que deux interpellations. Nous passons à celle de M. Luc Gilly qui figurait au point 31 de l'ordre du jour.

I 1942
10. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation de M. Luc Gilly : Défilé militaire. ( ) I1942
Mémorial 1995 : Annoncée, 3976. Divers, 4228.

1) M. Ramseyer va-t-il encore confondre longtemps une manifestation où le citoyen est libre d'y participer et un défilé militaire imposé par le colonel J. F. Duchosal où le citoyen soldat se trouve contraint d'y aller sous peine de sanction ?

2) Si l'autorisation pour ce défilé est accordée, quels sont les objectifs visés ?

3) Le Conseil d'Etat assume-t-il pleinement la responsabilité de heurter de front le sentiment de la population genevoise qui est plus que critique à l'égard de l'armée ?

4) Le Conseil d'Etat presque in corpore fête le 50e officiel de l'ONU à Genève le 5 juillet. Comment peut-il après ces discours de paix autoriser dans cette même ville ce défilé militaire ? Le sang coule partout sur cette planète surarmée (par qui ?). Les essais nucléaires nous sont imposés ! La «Res Militaris» doit-elle être exhibée dans les rues genevoises ?

5) Dans quelle mesure des fonds publics seraient ou sont octroyés ou gaspillés pour cette opération de propagande de l'armée ?

6) Quels sont à ce jour les projets autorisés et retenus pour ces futures réjouissances genevoises du 22 novembre ?

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Vous avez pris connaissance de l'interpellation de M. Gilly, dans la mesure où l'essentiel de ses questions figurait à l'ordre du jour de cette séance. Je rappelle donc de quoi il s'agit :

Le régiment d'infanterie 3, fort de deux mille six cent nonante-six hommes, est un régiment genevois. La totalité de ses missions et objectifs sont situés à Genève, essentiellement à l'aéroport pour le bataillon d'aéroport 1, les bâtiments de l'ONU et les organisations internationales pour le bataillon de fusiliers 10.

Une partie de ce régiment est une formation d'alarme qui permet à l'autorité, en particulier fédérale, de demander la mobilisation très rapide des troupes, lors de la tenue de conférences importantes. Jusqu'à maintenant, les missions exécutées ont toutes été de sécurité : la conférence sur la Palestine en 1983; la rencontre Reagan-Gorbatchev, en 1985; la visite de M. Arafat et son discours devant l'assemblée de l'ONU, en 1988; la visite de M. Clinton à M. Assad, en 1994.

Je précise enfin, le fait n'étant pas connu, qu'en 1988 le bataillon d'aéroport 1 a été chargé les avions en partance pour l'Arménie, suite à un tremblement de terre. Ce travail a été fait par les soldats que j'avais l'honneur de commander à l'époque.

J'affirme qu'il est légitime que ce régiment genevois défile et se présente aux Genevois, dans une composition nouvelle, issue d' «Armée 95». Je dis aussi que personne n'est obligé d'assister à cette manifestation. Maintenant, je réponds brièvement aux questions qui m'ont été posées.

A l'intention de M. Courvoisier, qui s'est adressé à moi de manière pathétique, je précise que si, d'ordinaire, mon département décide il a été, en l'occurrence, organe de préavis, le défilé ayant été autorisé par décision du Conseil d'Etat in corpore. Mon département, évidemment, s'est chargé des détails.

L'interpellant, lui, évoque des notions qui ressortent du domaine de l'autorité militaire. Il n'appartient pas à l'autorité civile de se prononcer à ce sujet. Vous avez également fait allusion, Monsieur le député, à la paix, et Dieu sait si je partage vos soucis en la matière ! Mais quand on veut préparer la paix, on organise généralement des conférences, et toutes les missions de ce régiment sont en relation avec des conférences sur la paix ou sur l'entente des différentes communautés internationales.

Vous m'avez demandé combien coûtera ce défilé. Il ne coûtera rien au canton, sinon le vin de la verrée d'honneur qui aura lieu dans un restaurant de la place, selon la tradition. Les autres frais seront inhérents à la police, mais ils le sont pour toutes les manifestations. Je rappelle que j'en autorise de septante à quatre-vingts par an, dont beaucoup émanent de vos milieux.

Pour démontrer, si besoin était, la loyauté du département à l'égard des idées que vous défendez, je vous rappelle, Monsieur le député, que, le 14 de ce mois, vous m'avez adressé, par fax, une demande d'autorisation de manifestation. Cette demande est incomplète, irrecevable et hors délai. Cependant, également par fax, vous avez obtenu votre autorisation ! La semaine suivante, vous avez présenté une deuxième demande d'autorisation de manifestation : elle vous a été délivrée, sans autre forme de procès.

En résumé, la décision d'autoriser ce défilé a été prise par le Conseil d'Etat et ses modalités ont été réglées sur la base du strict respect du concept de police. Aussi, je forme le même souhait, en ce qui me concerne, que M. le député Courvoisier qui, à la dernière séance, s'exclamait : «Le Groupement pour une Suisse sans armée fera tout ce qu'il sera possible de faire, dans le strict respect de la légalité». J'espère, Monsieur le député, que vous ne serez pas déçu !

La présidente. Monsieur le député, désirez-vous répliquer ?

M. Luc Gilly (AdG). Je répliquerai à M. Ramseyer, lors de la prochaine séance du Grand Conseil.

La réplique de M. Gilly figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

 

IU 107
11. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de Mme Fabienne Bugnon : Propos du directeur de l'office cantonal de la population. ( ) IU107
Mémorial 1995 : Développée, 4000.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je remercie Mme la députée Fabienne Bugnon d'avoir eu la délicatesse de me transmettre son texte par avance.

Son interpellation concerne un très bon collaborateur de l'office cantonal de la population. C'est un homme engagé, actif, particulièrement rigoureux, et il m'est agréable de dire ce soir que même les personnes qui émettent les plus vives critiques au sujet de l'asile se plaisent à reconnaître, dans d'autres milieux, l'excellente collaboration qu'il offre à qui s'adresse à lui.

Je précise, Madame la députée, bien que vous en soyez, sans doute, déjà persuadée, que M. Ducrest s'est évidemment exprimé à titre personnel et non en tant que porte-parole des autorités genevoises. J'ai vérifié si les règlements me donnaient la possibilité de l'interdire du droit d'expression. Je n'ai rien trouvé de tel et, par conséquent, ne puis empêcher un collaborateur de dire ce qu'il pense, quand il répond à un journaliste.

Sur le fond, M. Ducrest, comme vous et moi, a dit craindre des sentiments xénophobes si on laissait les choses se détériorer. Et ce n'est pas la faute de M. Ducrest si 90% des délits qui lui sont soumis sont le fait d'étrangers. C'est la réalité !

Je précise également que M. Ducrest, tout récemment encore, a été menacé dans son existence par certains requérants d'asile de certains pays, qui adoptent actuellement une attitude invraisemblable à l'égard de la nation dont ils réclament l'asile.

En conclusion, je vous remercie de m'avoir signalé ce problème. En sachant bien que j'enfonce une porte ouverte, j'affirme que le Conseil d'Etat reste parfaitement maître de ses analyses, que je reste moi-même parfaitement maître des décisions prises, en mon nom, par le département et qu'en aucun cas des collaborateurs me dictent ce que je dois faire en matière d'asile.

Enfin, je rappelle une chose qui n'est pas suffisamment connue. Il existe une délégation du Conseil d'Etat aux réfugiés, présidée par M. Guy-Olivier Segond. J'en fais partie, ainsi que Mme Brunschwig Graf. Cette délégation intervient dans les affaires les plus délicates, du genre de celles qui suscitent des effets médiatiques. Le département n'est donc pas le seul à travailler dans ce domaine difficile, a fortiori ce n'est pas le cas d'un collaborateur d'un des services de notre administration.

Ceci étant, j'ai noté votre intervention. Encore merci, Madame la députée, d'avoir eu la correction de me l'annoncer suffisamment tôt pour que j'aie l'opportunité d'y répondre convenablement.

Cette interpellation urgente est close.

 

La séance est levée à 19 h 15.