République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7171-A
a) Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les allocations familiales en faveur des salariés (J 7 1). ( -) PL7171
Mémorial 1994 : Projet, 4683. Commission, 4727.
Rapport de majorité de Mme Claude Howald (L), commission des affaires sociales
Rapport de minorité de Mme Claire Chalut (AG), commission des affaires sociales
PL 7172-A
b) Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants (J 7 6). ( -) PL7172
Mémorial 1994 : Projet, 4683. Commission, 4727.
Rapport de majorité de Mme Claude Howald (L), commission des affaires sociales
Rapport de minorité de Mme Claire Chalut (AG), commission des affaires sociales

10. Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier les objets suivants :

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Ces projets de lois ont été traités lors des séances que la commission a tenues les 18 octobre 1994, 1er et 8 novembre 1994.

M. Guy-Olivier Segond, chef du département de l'action sociale et de la santé. Albert Rodrik, chef de cabinet au DASS, a suivi tous les travaux de la commission.

Lors de sa séance du 18 octobre 1994, la commission a entendu M. Guy-Olivier Segond, chef du DASS, qui a donné des précisions quant aux deux démarches qui sont actuellement en cours à propos des allocations familiales.

La première démarche, à moyen terme, vise à une refonte complète de la loi, en réponse aux motions votées par le Grand Conseil (M 836 et M 842) dont les considérants et les invites figurent ci-après :

M 836

PROPOSITION DE MOTION

relative à la révision de la loi sur les allocations familiales

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- le fait que les allocations familiales sont financées exclusivement par les employeurs;

- la situation économique difficile, voire critique de certains secteurs de l'économie genevoise;

- les difficultés croissantes de contrôler les prestations exportées;

- la nécessité d'une information claire et transparente concernant la situation financière des caisses d'allocations familiales;

- l'éventail particulièrement large des cotisations entre les diverses caisses;

- la nécessité de revoir le système de péréquation entre les caisses;

- la proposition de mieux cibler les prestations en fonction du revenu,

invite le Conseil d'Etat

- à étudier la possibilité de modifier la loi actuelle sur les allocations familiales en collaboration avec la Conférence des caisses d'allocations familiales et la Caisse cantonale;

- à étudier la possibilité d'intégrer les indépendants comme bénéficiaires de la présente loi.

** *

Secrétariat du Grand Conseil M 842

Proposition de Mmes Elisabeth Reusse-Decrey,

Maria Roth-Bernasconi, Erika Sutter-Pleines,

Claire Torracinta-Pache

et de M. Pierre-Alain Champod

Dépôt : 14 janvier 1993

PROPOSITION DE MOTION

concernant la modification de la loi sur les allocations familiales

(«un enfant - une allocation»)

LE GRAND CONSEIL

considérant

- que le Grand Conseil a accepté la motion 836 (proposant de mieux cibler les allocations sur les familles qui en ont réellement besoin et d'en faire bénéficier les indépendants);

- que la législation sur les allocations familiales est complexe et n'est plus adaptée aux réalités économiques et sociales actuelles;

- que de nombreuses familles à revenus modestes ne bénéficient pas des allocations familiales,

invite le Conseil d'Etat

- à étudier, en collaboration avec la conférence des caisses d'allocations familiales et la caisse cantonale, la possibilité de modifier la loi actuelle sur les allocations familiales de manière à ce que tous les parents (salariés ou non) puissent bénéficier d'allocations familiales modulées selon leur revenu.

** *

Le Conseil d'Etat, par l'arrêté dont le texte figure ci-dessous, a mis en place une commission d'experts, présidée par Mme H. Braun, qui rendra ses travaux à la fin du mois de novembre :

ARRÊTÉ

relatif à la nomination de la commission d'experts

chargée de la refonte de la législation cantonale

sur les allocations familiales

du 28 avril 1994

LE DÉPARTEMENT DE L'ACTION SOCIALEET DE LA SANTÉ

vu les motions 836 et 842;

vu les travaux de la Conférence des caisses d'allocations familiales (juin 1993);

vu les résultats de la procédure de consultation des milieux intéressés (novembre 1993),

Arrête :

Article 1

Il est institué une commission d'experts chargée de procéder à une refonte complète de la législation cantonale sur les allocations familiales et de la regrouper en un seul texte, clair, complet et accessible à tous.

Sur la base des textes remis en juin 1993 par la Conférence des caisses d'allocations familiales et des résultats de la procédure de consultation des divers milieux intéressés de novembre 1993, la commission d'experts est chargée d'étudier les points suivants, étant entendu que le montant total des allocations familiales versées, en Suisse et à l'étranger, doit rester inchangé :

a) fusion, totale ou partielle, des allocations familiales;

b) création d'une allocation-maternité versée durant les 6 mois suivant la naissance;

c) allocations familiales variant en fonction du revenu familial;

d) versement des allocations familiales à l'étranger sur la base du «Standard de pouvoir d'achat» de la Communauté européenne;

e) extension aux indépendants des allocations familiales;

f) introduction d'un taux unique de contribution ou, à défaut, d'un taux minimum avec extension de la compensation des charges entre les caisses;

g) amélioration de l'information générale sur la situation financière des caisses;

h) eurocompatibilité du régime des allocations familiales;

i) introduction du principe « un enfant-une allocation », avec étude de ses implications financières.

La commission d'experts remettra au département, à l'intention du Conseil d'Etat et du Grand Conseil, un projet de loi, accompagné d'un exposé des motifs pour le 31 octobre 1994.

** *

La seconde démarche concerne la réévaluation bisannuelle des montants des allocations familiales telle que la prévoient les projets de loi 7171 et 7172 :

Secrétariat du Grand Conseil PL 7171

Proposition du Conseil d'Etat PL 7172

Dépôt : 10 octobre 1994

(7171)

PROJET DE LOI

modifiant la loi sur les allocations familiales en faveur des salariés

(J 7 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur les allocations familiales en faveur des salariés, du 24 juin 1961, est modifiée comme suit :

Art. 8, al. 2, lettre a (nouvelle teneur)

L'allocation mensuelle complète s'élève au moins :

a) l'allocation ordinaire à 135 F par enfant jusqu'à l'âge de 10 ans révolus; à 150 F par enfant dont l'âge est compris entre 10 et 15 ans révolus, ou jusqu'à 20 ans révolus dans les cas prévus à l'article 4, alinéa 2;

Art. 2

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1995.

** *

(7172)

PROJET DE LOI

modifiant la loi sur les allocations familiales aux agriculteurs

indépendants

(J 7 6)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit :

Article 1

La loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants, du 2 juillet 1955, est modifiée comme suit :

Art. 9, al. 1, lettre a (nouvelle teneur)

L'allocation s'élève par mois :

a) l'allocation ordinaire à 135 F par enfant jusqu'à l'âge de 10 ans révolus; à 150 F par enfant dont l'âge est compris entre 10 et 15 ans révolus, ou jusqu'à 20 ans révolus dans les cas prévus à l'article 5, alinéa 2;

Art. 2

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1995.

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Introduction

Dans le courant des 18 derniers mois, le Grand Conseil a consacré une attention soutenue aux allocations familiales.

De longue date, les députés ne cessaient d'exprimer leur mécontentement à propos du peu de renseignements dont ils disposaient en ce qui concerne la fortune des caisses et leur gestion.

Périodiquement, sollicité de modifier le montant des allocations familiales, le Grand Conseil avait l'impression de se livrer à des enchères sans réellement connaître l'état financier effectif de ces caisses. Il a donc accepté d'introduire dans les lois d'allocations familiales des éléments lui permettant d'obtenir des renseignements indispensables pour pouvoir correctement procéder aux ajustements.

Ce texte, adopté par le Grand Conseil et dont l'entrée en vigueur a été laissée à la discrétion du Conseil d'Etat, se reflétera dans la future législation en matière d'allocations familiales. Nous annexons le texte de cette modification légale, telle qu'elle a paru dans la Feuille d'avis officielle les 6 mai et 24 juin 1994 (annexe 1).

De surcroît, deux motions ont été envoyées par le Grand Conseil au gouvernement respectivement les motions M 836 et M 842. Pour la bonne règle, nous annexons également le texte de ces deux motions (annexe 2).

Enfin, un groupe de travail prépare en ce moment, conformément aux voeux exprimés par les deux motions susmentionnées, une refonte de la législation que nous présenterons au Grand Conseil incessamment. Les travaux parlementaires devraient se dérouler dans le courant du premier semestre de l'année prochaine, en vue d'une entrée en vigueur au 1er janvier 1996.

2. Cadre général

En attendant une révision d'ensemble de notre législation, il y a lieu d'appliquer la loi en vigueur qui s'exprime comme suit à l'article 8 A de la loi sur les allocations familiales en faveur des salariés (J 7 1) et à l'article 9 A de la loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants (J 7 6) :

Art. 8 A

Adaptation périodique des allocations

Le Conseil d'Etat examine tous les 2 ans, après consultation des milieux intéressés, le montant des allocations prévues par la présente loi, eu égard à l'évolution du coût de la vie, du revenu du travail et des charges des caisses de compensation.

Art. 9 A

Adaptation périodique des allocations

Le Conseil d'Etat examine tous les 2 ans, après consultation des milieux intéressés, le montant des allocations prévues par la présente loi, eu égard à l'évolution du coût de la vie et compte tenu de l'état du Fonds d'aide à la famille.

Au besoin, dans le même temps, il propose une adaptation des allocations.

Comme d'habitude en ce qui concerne l'évolution du coût de la vie et celui du revenu du travail, nous avons demandé à l'office cantonal des statistiques de nous fournir un travail de recherche, dont vous trouverez le rapport en annexe (annexe 3). L'office cantonal des statistiques analyse les évolutions à long, moyen et court terme, recommandant, comme à l'accoutumée, de suivre plutôt l'évolution à moyen terme, qui apparaît plus significative du point de vue de la perception des vraies évolutions.

Comme d'habitude également, nous avons procédé à une consultation tant de la Conférence des caisses d'allocations familiales que des partenaires sociaux. Les éléments de réponse seront à la disposition de la commission des affaires sociales.

L'ensemble des consultés reconnaît que l'allocation de naissance ou d'accueil, actuellement de 1000 F, et l'allocation professionnelle, s'élevant à 220 F, ne nécessitent pas de modification.

En ce qui concerne cette deuxième allocation, il y a également lieu de ménager les réflexions en cours afin de ne pas créer inutilement de longues périodes de transition au moment de la refonte de notre législation.

Il y a donc une unanimité de vue dans la nécessité de porter un effort sur les allocations de base pour les enfants de 0 à 15 ans, là également en réservant l'avenir à propos des réflexions du groupe d'experts.

On distribue aujourd'hui à Genève, par an, approximativement 900 000 allocations de base (0 à 15 ans), dont les 2/3 pour les enfants de 0 à 10 ans.

Il est également versé, par an, environ 245 000 allocations de formation professionnelle, ainsi qu'environ 5000 allocations de naissance ou d'accueil.

Enfin, pour la clarification des idées, nous publions en annexe les tableaux explicatifs (état au 1er janvier 1994) publiés par l'Office fédéral des assurances sociales, intitulés (annexe 4) :

- allocations familiales aux salariés selon le droit cantonal;

- allocations familiales selon le droit cantonal pour les salariés étrangers dont les enfants vivent à l'étranger;

- allocations familiales aux indépendants non agricoles selon le droit cantonal.

3. Propositions concernant les montants

Il y a lieu de rappeler les montants actuels des allocations de base, les allocations concernant la formation professionnelle et celles concernant la naissance ou l'accueil, n'étant pas visées par les présents projets de loi, conformément à ce qui est dit plus haut.

L'allocation est actuellement de 120 F pour les enfants âgés de 0 à 10 ans et de 145 F pour les enfants âgés de 10 à 15 ans.

Les avis concordent à propos de la nécessité de porter l'effort sur l'allocation de base par opposition à l'allocation de formation professionnelle et à celle de naissance ou d'accueil, ainsi que cela a été dit plus haut.

D'autre part, dans les milieux syndicaux, est évoquée la nécessité de faire faire un saut substantiel à cette allocation de base, afin que le montant ne reste pas trop «dérisoire» par rapport aux charges encourues par les parents. Cette école de pensée a inspiré l'initiative parlementaire Fankhauser et une initiative d'un groupement spécialisé, dans les deux cas au niveau fédéral. Il s'agit de suggestions à 200 F ou 400 F par mois.

Vous savez certainement qu'à plusieurs reprises des reproches ont été faits au Grand Conseil à propos d'augmentations minimes considérées comme n'étant pas de nature à aider réellement les familles.

Inversement, les organismes - généralement patronaux - ayant en charge la gestion des caisses, soulignent à quel point la masse des allocations familiales versées dans le canton est importante (160 mios par an environ) et qu'elle est exclusivement à la charge des employeurs, selon une proportion de 2/3 pour les privés et 1/3 pour les caisses publiques.

Même si une certaine reprise économique est en vue, la situation demeure difficile et la charge des entreprises - qui va augmenter avec un nouveau prélèvement pour l'assurance-chômage - est donc un sujet délicat qu'il y a lieu de ménager. Le Conseil d'Etat a donc dû faire preuve de prudence, tout en vous proposant de faire progresser de façon non négligeable l'allocation des enfants de 0 à 10 ans.

Il a donc appartenu au gouvernement de tenir compte de ces aspirations contradictoires, tout en prenant en compte les points faisant l'unanimité et la situation économique.

Nous proposons donc de porter l'allocation en faveur des enfants de 0 à 10 ans de 120 F à 135 F et celle en faveur des enfants de 10 à 15 ans de 145 F à 150 F, étant entendu que ces deux allocations devraient être fusionnées dans une étape ultérieure, l'allocation nouvelle pour enfants de 0 à 15 ans devant être portée à 150 F.

Une telle progression entraînerait, si vous acceptez les présents projets de loi, une dépense supplémentaire d'environ 10 mios, portant la somme annuelle actuelle d'environ 108,5 mios à environ 118,4 mios.

Nous rappelons, pour mémoire, qu'il n'est pas proposé de modifier le montant des deux autres allocations.

Vous êtes donc saisis de deux projets de loi modifiant l'article 8, alinéa 2, lettre a, de la loi sur les allocations familiales en faveur des salariés (J 7 1), et de l'article 9, alinéa 1, lettre a, de la loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants (J 7 6).

4. Conclusion

Dans l'Année internationale de la famille, selon la volonté du Grand Conseil, un grand effort de réflexion est en ce moment en cours pour moderniser substantiellement nos régimes d'allocations familiales.

Nous souhaitons vous proposer en fin d'année 1994 un projet novateur contenant des propositions originales, si possible non conflictuelles, pour cette fin de siècle et pour le début du siècle prochain.

Vous savez les efforts que nous consentons en matière de politique sociale, en faveur des personnes âgées (budget de l'office cantonal des personnes âgées), en faveur des personnes handicapées, des chômeurs, qu'il s'agisse de prestations cantonales ou qu'il s'agisse du revenu d'aide sociale pour chômeurs en fin de droit.

Nous portons également notre effort de solidarité collective en direction des personnes dépendantes et de ce que l'on a pris coutume d'appeler les exclus.

Il s'agit d'un devoir de civilisation qui doit se continuer avec tous les moyens dont nous disposons.

Indéniablement, une collectivité qui entend avoir un avenir doit également inclure dans sa politique sociale un effort spécial en faveur de la jeunesse, des enfants et donc des familles.

Le budget du département de l'instruction publique de notre canton est là pour témoigner de l'effort consenti depuis des décennies par Genève. Nous sommes appelés aujourd'hui à apporter une aide aux parents qui élèvent des enfants non pas pour subvenir aux besoins, non pas pour évaluer ce qui serait -selon une expression exécrable- le prix des enfants, mais pour exercer la solidarité collective dont il est question plus haut à l'égard des premières tranches d'âge, porteuses d'espoir, dans une société où les personnes du troisième et du quatrième âge sont en proportion substantielle et croissante.

C'est à un tel effort porteur d'avenir que vous convie le Conseil d'Etat en vous priant, Mesdames et Messieurs les députés, d'accorder un accueil favorable aux présents projets de loi.

Les annexes mentionnées dans les projets de loi 7171 et 7172 peuvent être lues dans la brochure originale et ne figurent pas dans ce rapport.

Aux termes de la loi, la consultation des milieux concernés a eu lieu au printemps 1994. Leurs positions respectives figurent en annexe au présent rapport.

Sur la base des avis récoltés, le Conseil d'Etat a donc tranché et propose, comme les projets de loi 7171 et 7172 le précisent, une augmentation de 120 F à 135 F pour les enfants entre 0 et 10 ans et de 145 F à 150 F pour ceux âgés de 10 à 15 ans, avec, en prévision, un alignement à 150 F pour tous.

Il est précisé que l'entrée en force de l'obligation faite aux caisses de présenter leurs comptes en vue de permettre de constater l'état de leurs réserves a été fixée au 1er janvier 1995, puisque, au moment du vote d'avril 1994, l'exercice des caisses était déjà engagé, et qu'il ne servait à rien de prévoir l'entrée en vigueur au 1er juin 1994, pour être en conformité avec une des demandes de la motion 836.

Il est enfin annoncé que les caisses pourront supporter cette augmentation qui se chiffre à peu près à 10 millions de francs sur une masse d'environ 160 millions. Les 2/3 sont à la charge des caisses privées et 1/3 concerne les caisses publiques.

Le 1er novembre 1994, la Commission a reçu MM. Michel Barde et Gabriel Barrillier, représentant l'UAPG et la Conférence des caisses d'allocations :

M. Barde rappelle que les montants des allocations doivent être revus périodiquement, mais non forcément modifiés. Sa proposition est la suivante: d'accord pour relever l'allocation pour les enfants de 0 à 10 ans, mais pas celle des 10-15 ans. Si l'on compare les allocations de différents cantons, Genève est à la pointe en ce qui concerne les allocations de naissance et de formation professionnelle, mais elle est en retard au niveau des allocations de base, notamment pour les 0-10 ans. Ainsi, il suggère d'augmenter de 120 F à 135 F l'allocation des 0-10 ans et de maintenir celle des 10-15 ans à 145 F. Cela pour deux raisons : d'une part pour ne pas alourdir les coûts des caisses (et donc des entreprises), et d'autre part, afin de préserver une certaine marge en prévision du projet de jonction des deux allocations. Les charges supplémentaires que devront subir les caisses se situent entre 6 et 8,5%, entraînant ainsi un relèvement du taux de cotisation, relèvement qui s'ajoute à d'autres (chômage et CNA, notamment). La caisse cantonale (privée + CAFAC) entrerait alors en déficit.

De même, il relève que nous sortons de quatre années de récession où les entreprises ont fourni un effort de rationalisation. Il serait alors malvenu de leur remettre la tête sous l'eau, d'autant que cela aurait pour effet de produire davantage de chômage.

M. Barrillier précise qu'il vient du secteur du bâtiment où les charges pour les allocations familiales sont particulièrement lourdes. La réduction des effectifs ne s'est pas répercutée sur le nombre d'enfants touchant des allocations. Ainsi, les charges n'ont pas diminué en proportion. Concernant la CNA (monopole dans le secteur secondaire), il indique que depuis 4-5 ans, les primes augmentent régulièrement, soit d'environ 20 à 30% par an. Quant au secteur « perte de gain » de l'assurance-maladie, le coût en contrat collectif a subi une hausse de 4 à 5,5% sur le salaire AVS. Enfin, les coûts de formation et de perfectionnement professionnels sont supportés par l'employeur.

Il rappelle que, bien que nous sortions de la crise, le secteur du bâtiment sera soumis à une plus forte concurrence, en raison de l'ouverture des marchés. Il en va de même pour les industries d'exportation, suite aux accords du GATT.

M. Barrillier indique que l'augmentation des charges de 12,5% se répercutera sur la prime. Il relève également que la masse salariale (notamment dans les secteurs de la maçonnerie et du génie civil) régresse, les employeurs étant peu rassurés quant à la conjoncture et préférant engager du personnel temporaire.

M. Rodrik rappelle ce qui figure dans l'exposé des motifs, à savoir que la masse des allocations s'élève actuellement à 160 millions de francs, supportés pour un tiers par les deux caisses cantonales, et pour les deux autres tiers par la Conférence des caisses. L'augmentation de 10 millions de francs prévue par les projets de loi sera assumée à peu près dans les mêmes proportions. Ces 10 millions sont, par ailleurs, la seule certitude, l'impact étant difficile à prévoir, surtout au niveau des taux de contribution.

En ce qui concerne les réserves, la CAFAC dispose de trois mois d'avance (soit 9 millions); celles des autres caisses sont variables, mais moindres que celles de l'AVS, qui possède un an d'avance.

M. Barde présente une dépêche de l'ATS où figurent des comparaisons internationales de salaires et de para-salaires : la Suisse a des cotisations sociales faibles... en pourcentage, mais les salaires plus élevés. Il rappelle que la Conférence des caisses est d'accord pour la hausse de 120 F à 135 F, tout en souhaitant maintenir le montant actuel pour les 10-15 ans, et affirme qu'il n'est en principe pas opposé à la jonction des deux allocations. Il précise également qu'il est favorable au maintien des allocations de naissance et de formation, qui élargissent la palette des prestations.

Le même jour, la commission accueille Mme Locci, MM. Robert et Varcher, du SIT et de la CGAS:

M. Robert affirme que les montants figurant dans les projets de loi sont insuffisants. Il estime que la demande présentée par les syndicats est modérée, et se justifie dans le cadre de l'année de la famille et dans une volonté de rapprochement des politiques pratiquées dans d'autres cantons. D'autre part, les montants des projets de loi n'ont aucun rapport avec le coût réel de l'éducation d'un enfant. Les allocations actuelles sont faibles, elles le resteront malgré l'augmentation. Enfin, il relève que le vieillissement de la population est dû davantage au nombre peu élevé de jeunes qu'au vieillissement des personnes âgées. Il note par ailleurs qu'on fait beaucoup d'efforts pour les personnes âgées et qu'il serait souhaitable qu'on fasse de même pour les enfants.

M. Varcher relève que ce sont les cantons les plus riches qui sont les plus pingres. Il propose une formule d'allocation en fonction du salaire. Selon une étude de Pro Familia, le coût d'un enfant se situe autour de 800 F. Se référant aux cas de familles monoparentales soutenues par l'Hospice général, il estime que le système des allocations est préférable à l'assistance et propose la répartition suivante : salaire en-dessous de 50 000 F = allocation de 300 F; salaire en-dessous de 40 000 F = 400 F.

Il indique que le montant total de la masse s'élèverait à 200 millions de francs. Il précise que les caisses n'ont pas communiqué le montant de leur masse salariale (différente selon les caisses), que les réserves ne sont pas forcément avouées et que certains montants de frais de gestion prêtent à sourire.

M. Robert note que ce sont les cantons les moins bien lotis qui fournissent le plus d'efforts et rappelle qu'il est nécessaire d'en faire pour l'enfance.

Il est rappelé aux représentants des syndicats que seule l'adaptation bisannuelle du montant des allocations familiales est discutée à ce stade, et qu'il n'est pas opportun de lier les allocations familiales au revenu dans le présent débat.

** *

La commission vote l'entrée en matière à l'unanimité.

A la lecture article par article, les commissaires s'expriment favorablement par 9 oui et 2 abstentions (AdG).

La commission refuse par 11 non et 3 oui (AdG), l'amendement présenté à l'article 8 a par Mme Chalut (AdG):

1. L'allocation ordinaire à 200 F par enfant jusqu'à l'âge de 15 ans révolus.

2. L'allocation ordinaire à 300 F par enfant pour les familles disposant d'un revenu inférieur à 40 000 F et de 250 F pour les revenus de moins de 50 000 F.

3. Maintien en l'état de l'allocation de formation professionnelle.

estimant que la révision bisannuelle du montant des allocations familiales ne peut prendre en compte le revenu des familles pour décider des montants à octroyer. Le principe des allocations modulées ne peut être envisagé dans le cadre légal actuel.

Il n'y a donc pas lieu de traiter, dans le cas des projets de loi 7171 et 7172, d'autre chose que de l'adaptation du montant des allocations familiales.

Les projets de loi 7171 et 7172, lors du vote final, sont acceptés par 11 oui contre 3 abstentions (AdG).

** *

Le rapport de majorité dont vous venez de prendre connaissance, Mesdames et Messieurs les députés, montre que les projets de loi 7171 et 7172 correspondent à ce qu'a voulu le législateur en prévoyant la révision bisannuelle du montant des allocations familiales d'une part, et qu'ils proposent l'augmentation de ces dernières en respectant les indications des milieux concernés, dans l'attente de la refonte totale de la loi dont l'entrée en vigueur devrait avoir lieu le 1er janvier 1996, d'autre part.

** *

C'est pour toutes ces raisons que la majorité de la commission vous engage à accepter, Mesdames et Messieurs les députés, les conclusions de son rapport.

ANNEXE I

ANNEXE II

ANNEXE III

ANNEXE IV

ANNEXE V

ANNEXE VI

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Comme la loi l'y oblige, la commission a, en effet, procédé, au cours de trois séances, à l'examen des deux projets de loi (PL 7171 et 7172), modifiant les lois sur les allocations familiales en faveur des salariés et des agriculteurs indépendants. Au cours du vote, à l'issue de nos discussions, les commissaires de l'Alliance de gauche se sont abstenus, se réservant la possibilité de faire des amendements aux articles 8 et 9 (respectivement PL 7171 et 7172).

Bien que ce ne soit pas le moment, nous disait-on, les commissaires de l'Alliance de gauche se sont toutefois penchés sur les montants des allocations figurant dans ces deux projets de lois. Une révision générale de la loi sur les allocations familiales est prévue et une étude de la part du Conseil d'Etat doit encore nous parvenir. Nous avons estimé, pour notre part, qu'il n'était pas contradictoire d'examiner, ne serait-ce que par principe, les montants de ces allocations, malgré une vive opposition de la majorité de la commission. Pourtant ces amendements n'ont rien de nouveau, car ces derniers reprennent largement les propositions des organisations syndicales consultées:

PL 7171

Art. 8, al. 2, lettres a et b (modifiées)

  2 L'allocation mensuelle complète s'élève au moins :

 a) l'allocation ordinaire à 200 F par enfant jusqu'à l'âge révolu de 15 ans;

 b) l'allocation ordinaire à 300 F par enfant dont les familles disposent d'un revenu inférieur à 40 000 F; et à 250 F par enfant dont les familles disposent d'un revenu de moins de 50 000 F.

PL 7172

Art. 9, al. 1, lettres a et b (modifiées)

  1 L'allocation mensuelle complète s'élève au moins :

 a) l'allocation ordinaire à 200 F par enfant jusqu'à l'âge révolu de 15 ans;

 b) l'allocation ordinaire à 300 F par enfant dont les familles disposent d'un revenu inférieur à 40 000 F; et à 250 F par enfant dont les familles disposent d'un revenu de moins de 50 000 F.

Il va sans dire que ces amendements devront, en temps voulu, faire l'objet d'un examen précis et minutieux, entre autres, pouvoir identifier les revenus des familles (monoparentales ou pas), non pas fondés sur la base de moyenne - sujet à caution - mais sur une base la plus proche possible de la réalité.

L'idée d'une allocation, en fonction du revenu (ou modulée) n'est pas vraiment nouvelle. Plusieurs cantons connaissent déjà cette forme d'allocations. Un grand nombre de lois, allant dans ce sens, sont entrées en vigueur, entre 1989 et 1993 ou sont sur le point de l'être. En effet, le poids économique d'un enfant n'est proportionnellement pas le même pour un revenu de 40 000 F ou pour un revenu de 10 000 F.

A Genève, on dénombre, en 1993, 41 552 personnes se situant dans la tranche de revenus entre 30 000 F et 50 000 F (in : rapport de gestion du Conseil d'Etat). Il convient de prendre ces chiffres avec une certaine prudence, puisque nous ne connaissons pas le nombre d'enfants à charge de ces contribuables.

L'absence chronique d'information au sujet des bilans des caisses d'allocations ne nous permet pas de retenir l'argument des syndicats patronaux selon lequel l'augmentation proposée ne serait pas supportable. Lors de leur audition, les représentants du patronat nous ont bien parlé de chiffres (globaux) et de taux... mais leur indication est restée peu convaincante. Aujourd'hui encore, connaître les bilans de ces caisses relève, tels les comptes bancaires, du sacro-saint secret! Nous sommes disposés à nous remettre en question, tout en préservant notre objectif initial, mais encore faut-il que l'on puisse avoir les moyens d'investigations possibles!

Notre objectif, au travers de ces amendements, n'est autre que de vouloir marquer un pas supplémentaire vers une amélioration sociale réelle en faveur des familles (qu'elles soient parentales ou monoparentales) dont les revenus ne permettent souvent pas de «boucler les fins de mois»!

A ce propos, l'université de Fribourg a conduit, sur mandat de PRO FAMILIA Suisse, il y a plusieurs années déjà, une excellente étude sur le «Coût de l'enfant en Suisse». Ce rapport (voir quelques annexes ci-jointes), s'il reconnaît les améliorations apportées en faveur des familles, ajoute cependant qu'«un système d'échelonnement en fonction des conditions matérielles des ménages mériterait d'être étudié»... et nous serions tentés de conclure, comme le font les auteurs dudit rapport, que «si l'enfant représente un coût, il n'a, en revanche, pas de prix»... et, par voie de conséquence, puisqu'il est l'avenir, c'est, en définitive toute la société qui en bénéficie!

Au vu de ce qui précède, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à faire bon accueil à ces deux amendements.

Annexes: pièces extraites du document «Le coût de l'enfant en Suisse: analyse des échelles d'équivalence des revenus» (Ed. Universitaire Fribourg, 1988).

ANNEXE

Premier débat

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Le groupe socialiste acceptera les conclusions du rapport de majorité et rejettera les amendements de la minorité.

En effet, et une fois n'est pas coutume, le réajustement bisannuel du montant des allocations familiales n'a pas donné lieu à des prises de position trop éloignées les unes des autres, même si des représentants des syndicats ont rappelé leur soutien à des allocations en fonction du revenu et que des représentants des patrons ne sont pas tout à fait d'accord sur le réajustement de l'allocation 10-15 ans.

L'une des principales raisons de cet esprit consensuel est probablement le fait que le débat de fond sur notre système d'allocations familiales se déroule à un autre niveau, pour l'instant, que le cadre des travaux de la commission d'experts chargée par le Conseil d'Etat d'étudier une refonte complète de notre loi et à laquelle participent des représentants de tous les milieux concernés. Deux motions sont, entre autres, à l'origine de cette étude, la motion 836 émanant de la commission des affaires sociales de l'époque et la motion 842 émanant du groupe socialiste et intitulée : «Un enfant-une allocation».

La commission d'experts ayant maintenant terminé ses travaux, notre parlement devrait donc être rapidement saisi des propositions du Conseil d'Etat y relatives. C'est pourquoi nous avons été surpris par la démarche de nos collègues de l'Alliance de gauche. Profitant de l'adaptation bisannuelle du montant des allocations familiales, ils reprennent une proposition de fond déjà renvoyée au Conseil d'Etat, étudiée par la commission d'experts, pour en faire l'objet d'un amendement au projet de loi qui nous occupe. Je m'empresse de dire que nous ne sommes pas du tout surpris de voir que nos collègues de l'Alliance de gauche partagent notre point de vue sur le système actuel des allocations familiales, mais nous sommes quand même un petit peu surpris par la méthode et je me dois de le leur dire malgré toute l'amitié que je leur porte.

Outre le fait que nous y voyons une certaine récupération démagogique, nous vous rendons attentifs au danger qu'il y aurait à entrer en matière maintenant sur ces amendements dans le cadre de ces travaux et de ce vote sur ces projets de lois 7171 et 7172. Cela aurait pour effet un renvoi en commission des projets de lois et donc un retard de leur entrée en vigueur prévue le 1er janvier 1995, et Mme Chalut le dit très clairement dans son rapport : «il va sans dire que ces amendements devront, en temps voulu, faire l'objet d'un examen précis et minutieux, entre autres pour pouvoir...», etc.

Nous vous recommandons donc de les refuser purement et simplement et de reprendre les discussions sur ce sujet lors de l'étude des propositions qui seront formulées par le Conseil d'Etat et dont nous serons saisis ultérieurement.

Pour conclure, une remarque encore à Mme Chalut à propos de son rapport, page 31 : Je crois que nous n'avons pas attendu votre arrivée sur la scène parlementaire pour, comme vous le dites, Madame : «marquer un pas supplémentaire vers une amélioration sociale réelle en faveur des familles, qu'elles soient parentales ou monoparentales, dont les revenus ne permettent souvent pas de boucler les fins de mois.». Je voudrais quand même vous rappeler l'invite de la motion socialiste qui demandait au Conseil d'Etat d'étudier une modification de la loi actuelle sur les allocations familiales de manière que tous les parents, salariés ou non, puissent bénéficier d'allocations familiales modulées selon leur revenu.

M. Pierre Marti (PDC). Les démocrates-chrétiens sont attentifs et très actifs à l'amélioration sociale et plus spécialement en ce qui concerne les familles à revenu modeste. La proposition de la minorité est, certes, intéressante, généreuse, mais ne s'appuie sur aucune évaluation chiffrée. On peut être généreux, mais encore faut-il savoir si actuellement nous en avons les moyens et surtout quelle sera la dimension de cette générosité. Il est donc nécessaire, et je crois très sage, comme l'a dit Mme Torracinta, d'attendre le projet de loi émanant de l'étude très approfondie de la commission d'experts qui vient de terminer son travail. Nous aurons, j'en suis certain, de par la qualité et la représentativité très large de ses membres, une excellente proposition allant dans le sens d'une plus grande justice sociale. C'est la raison pour laquelle le parti démocrate-chrétien vous invite tous à voter le rapport de majorité.

Mme Claire Chalut (AdG), rapporteuse de minorité. A ce stade de la discussion, j'aimerais préciser quelques points, car j'ai dû mal m'exprimer dans mon rapport. En vue de la révision de cette loi, nous désirions, en proposant cet amendement, que le principe de modification des allocations familiales puisse être pris en compte.

Je précise également qu'il est actuellement très difficile d'évaluer, d'une part, les coûts de cette opération, et, d'autre part, la compensation des recettes, pour la bonne et simple raison que nous ne possédons pas actuellement, et cela a été revendiqué à plusieurs reprises, les bilans des caisses. Il faudrait connaître le nombre de personnes et le montant des revenus touchés par cette mesure. Si on lit le rapport de gestion publié par le Conseil d'Etat, on parle de tranches de revenus mais ces tranches de revenus ne spécifient pas les familles; cela demande donc un calcul assez précis. Nous pensions que ce serait dans le cadre de ce changement de loi que l'on aurait enfin pu avoir ces chiffres. Il me semble extrêmement important que nous puissions avoir les bilans de ces caisses pour pouvoir mesurer d'une manière précise et fine les coûts de l'opération. Nous avons pour but d'aller vers cet objectif-là.

M. Bernard Clerc (AdG). Que le groupe libéral s'oppose à une augmentation des allocations familiales parce que cela coûte trop cher, c'est logique. Ça coûte toujours trop cher pour le groupe libéral, bien que, je le rappelle, les prestations familiales en pour-cent du produit intérieur brut en Suisse sont largement inférieures à la moyenne européenne, soit 1%, alors que la moyenne européenne est de 1,7%.

Que le groupe démocrate-chrétien, dont on sait l'attachement à la famille, postule que c'est la cellule de base de la société - ce avec quoi l'on peut être en partie d'accord - mais qui, chaque fois qu'il s'agit de concrétiser cet attachement à la famille - parce que cela passe forcément à un moment ou un autre en termes financiers - se défile, c'est compréhensible.

Que le parti socialiste, par contre, nous parle de démagogie, cela est déjà beaucoup plus étonnant. (Exclamations de toutes parts.) C'est d'autant plus étonnant... Madame Torracinta, je vous prie de me laisser parler...

Mme Claire Torracinta-Pache. C'est pas moi qui parle ! (Eclats de rires.)

M. Bernard Clerc. C'est d'autant plus étonnant, et vous le savez bien, que nous n'avons fait que reprendre la proposition de la Communauté genevoise d'action syndicale en termes d'allocation de base, proposition qui, je le rappelle, a été signée en date du 28 septembre par une lettre de MM. Jean-Pierre Thorel et Jacques Robert. Que je sache, ils ne font pas de la démagogie. (Désapprobation de certains députés.) Soyons un peu sérieux !

A l'évidence, sous prétexte d'une révision fondamentale de la loi sur les allocations familiales, on n'a pas voulu entrer en matière sur une réalité qui est que les montants des allocations familiales ordinaires aujourd'hui sont extrêmement bas à Genève. On nous promet monts et merveilles dans le cadre de la révision. Permettez-moi d'en douter et ce d'autant plus qu'après l'audition à la commission des affaires sociales sur un autre sujet de Mme De Tassigny, j'ai eu nettement l'impression que si un certain nombre de principes allaient être modifiés, les montants n'allaient en tout cas pas prendre l'ascenseur.

Remettons les choses dans leur contexte. 200 F aujourd'hui, par rapport au coût d'un enfant évalué à 800 F par mois par Pro familia, c'est une somme encore extrêmement ridicule, mais nous avons voulu, effectivement, tenir compte également de la proposition du SIT qui prévoit une modulation en fonction du revenu, ce qui nous paraît correct de ce point de vue-là et nous avons même amoindri cette proposition. Je suis désolé de devoir dire que, dans ces conditions, alors que nous ne faisons que reprendre des propositions syndicales, ce qui à mon avis est le minimum que l'on peut attendre d'un parti de gauche, je suis vraiment désolé que l'on ose nous traiter de démagogues !

M. Bernard Annen (L). Il ne m'appartient pas de trancher les différends opposant nos collègues. J'aimerais simplement dire que je ne vois pas ce qu'il y a de démagogue que d'attendre et de connaître la portée générale d'une nouvelle loi qui, effectivement, si nous allions trop loin immédiatement imputerait sur l'avenir. Je crois qu'il n'y a pas de honte à cela, au contraire, c'est une question de bon sens.

Cela étant, les moyens retenus par la plupart des économies occidentales pour combattre le chômage, Monsieur Clerc, c'est de diminuer les charges sociales des entreprises. Vous seul n'y croyez pas, je vous le concède, mais en attendant les preuves sont là. Il est nécessaire de favoriser les entreprises à la création de nouveaux emplois. Genève, la Suisse, vont à contre-courant et, au contraire, proposent des augmentations. Il en va ainsi de la Caisse nationale qui, ces deux dernières années, a augmenté ses cotisations de 25% à 90%. Il en va ainsi de l'assurance-maladie en ce qui concerne les cotisations pour perte de gain qui sont supportées par les entreprises à raison de deux tiers. Il en va ainsi de l'assurance-chômage qui va passer de 2 à 3% dès l'an prochain. Aujourd'hui, il s'agit d'allocations familiales, néanmoins le groupe libéral acceptera ce projet de loi, il l'acceptera du bout des doigts...

Des voix de l'Alliance de gauche. Des lèvres, des lèvres !

M. Bernard Annen. En effet, la loi nous demande de reprendre et de revoir les allocations familiales tous les deux ans. Je m'inscris tout de même en faux contre les allégations que j'ai entendues tout à l'heure selon lesquelles les allocations familiales genevoises sont les plus basses de Suisse. Je vous renvoie en cela à la statistique établie par l'Office fédéral des assurances sociales qui démontre très clairement, et c'est la raison pour laquelle la Conférence des caisses a accepté l'augmentation des allocations familiales pour les enfants de 0 à 10 ans, qu'effectivement ces allocations avaient quelques retards et elle a accepté cette augmentation d'allocations familiales. Par contre, les allocations les plus chères sont les allocations de formation professionnelle, et Genève est, au contraire, dans le peloton de tête des seuls treize cantons suisses qui les appliquent. Treize cantons seulement appliquent les allocations familiales pour les apprentis et pour les étudiants jusqu'à l'âge de 25 ans; vous pouvez consulter les statistiques publiées. C'est dire que si vous voulez comparer le montant des allocations familiales, c'est bien l'ensemble de ces allocations dont il faut tenir compte et non pas seulement une partie.

J'attire aussi votre attention sur le montant qui est donné - quoique l'on puisse encore le corriger, mais prenons-le, puisqu'il est dans le rapport - du coût de ces allocations familiales dans notre canton. 160 millions plus 10 millions - si j'en crois toujours le rapport - d'augmentation avec ce seul projet de loi. Qu'en sera-t-il ? Si la commission a accepté les propositions qui ressortent de motions de notre parlement qui demandaient l'étude, par exemple, d'un principe «un enfant-une allocation», qu'en sera-t-il de l'explosion de ces coûts ? Il me semble que, pour le moins, nous devrions faire attention, car, en effet, sur ces 160 millions, l'Etat patron en est pour le tiers. Il est de notre responsabilité de ne pas laisser exploser ces coûts.

Enfin, je dirai que si nous nous alignons, si nous acceptons ce projet de loi, nous demandons instamment à la commission sociale d'être très attentive au projet de loi qui va nous être soumis ces prochaines semaines, car, de notre point de vue, il en va de notre responsabilité de ne pas laisser asphyxier les entreprises seul gage de création d'emplois jusqu'à preuve du contraire.

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Rassurez-vous, Monsieur Annen, le nombre d'intervenants sur ce rapport laisse augurer de l'intérêt que prendra ce parlement à la révision de la loi sur les allocations familiales. Quant aux rapports qui nous sont soumis aujourd'hui, je souscris entièrement aux déclarations faites par Mme Claire Torracinta-Pache tout à l'heure. Le rapport de minorité est là pour réinventer la roue. Il utilise toutes les propositions qui ont été faites par ce parlement et renvoyées au Conseil d'Etat sous forme de motion. Il les reprend à son compte, il marque le territoire, c'est de bonne guerre.

Cependant, les propositions de motions existent, elles sont jointes au rapport de majorité. L'arrêté du Conseil d'Etat instituant la commission d'experts est lui aussi joint au rapport. La commission d'experts a rendu son rapport au Conseil d'Etat la semaine même où le rapport de minorité était rédigé, donc c'est en toute connaissance de cause que cette attitude a été prise, cette attitude de «Y'a qu'à», «tout de suite».

Quant au commentaire dans l'exposé des motifs du rapport de minorité qui dit que nous avons procédé à cette réévaluation bisannuelle en toute méconnaissance de cause, c'est exact. Chaque fois que nous avons eu à faire cette réévaluation des montants des allocations familiales, la commission du Grand Conseil chargée de ce travail devait le faire selon les termes de la loi, eu égard à l'évolution du coût de la vie, du revenu du travail et des charges des caisses de compensation. Les charges des caisses de compensation ont toujours été notre problème, sauf de la part de certaines caisses. Nous n'avons jamais pu faire ce travail. Nous avions, dès lors, rédigé une motion, acceptée par ce Grand Conseil, reprise, renvoyée au Conseil d'Etat, lequel Conseil d'Etat a décrété l'entrée en vigueur au 1er janvier 1995 d'une nouvelle loi votée par ce parlement. Dès lors, cette révision à laquelle nous devions travailler maintenant se faisait toujours dans des conditions d'impossibilité et dans l'ignorance des comptes des caisses de compensation. Mais la commission des affaires sociales a renoncé à faire un débat là-dessus sachant que la nouvelle loi entrait en vigueur le 1er janvier 1995. Seule Mme Chalut l'ignorait.

En ce qui concerne les montants, la révision proposée par la commission d'experts donnera lieu à un projet de loi de la part du Conseil d'Etat et sera soumise à ce parlement, non pas dans deux ans, Madame Chalut, mais au début de l'année prochaine. Cette révision va donner lieu au débat que l'Alliance de gauche a tenté de lancer à propos de cette révision bisannuelle. Je regrette simplement que l'Alliance de gauche ait profité de cette occasion pour, encore une fois, se particulariser.

M. Pierre-Alain Champod (S). Je ne répondrai pas à ce qu'ont dit Mmes Torracinta-Pache et Maulini, partageant pour l'essentiel les propos qu'elles ont tenus. Par rapport à la citation qui a été faite de la lettre de la CGAS, je voudrais juste préciser que, lorsque l'on cite MM. Thorel et Robert, il faudrait les citer complètement. Dans leur lettre, on peut lire notamment :

«Nous participons activement aux travaux de la commission d'experts qui prépare actuellement le projet de refonte générale du système d'allocations familiales à Genève. Nous nous abstiendrons d'exprimer des considérations à ce sujet, nous contentant de répondre à la présente consultation par nos propositions relatives aux montants des allocations familiales.».

Sur le fond, la CGAS est d'accord avec l'ensemble de la commission qu'il ne faut pas mélanger la réadaptation bisannuelle des montants des allocations avec la refonte de la loi. Au niveau des montants, comme toujours dans ce genre de consultation, les syndicats font une proposition très haute, les milieux patronaux une proposition très basse et le parlement vote au milieu. Mais l'amendement de l'Alliance de gauche ne se contente pas de reprendre les montants proposés par la CGAS, il modifie fondamentalement le système en proposant de moduler les allocations en fonction des revenus.

Sur le principe, nous sommes d'accord avec ce postulat, d'ailleurs nous l'avons exposé dans les deux motions qui ont déjà été mentionnées. Nous aurions peut-être dû, il y a deux ans, choisir la voie du projet de loi plutôt que celle de la motion. Je voterais sans hésiter les amendements de l'Alliance de gauche si les motions que nous avions déposées étaient restées dans un tiroir, comme cela arrive malheureusement parfois pour un certain nombre de motions que nous déposons. Or tel n'est pas le cas pour ces deux motions, puisque le Conseil d'Etat a mandaté la Conférence des caisses pour faire un projet de loi. La Conférence des caisses a ensuite rendu un projet soumis en procédure de consultation. Tenant compte des critiques, une commission d'experts a été nommée. La commission vient de terminer ses travaux et, comme cela a déjà été dit, nous aurons des propositions dans deux mois.

Lorsque l'on sait que ce travail est en cours, on ne vient pas avec des propositions qui modifient sur le fond le système des allocations familiales. D'autant plus que ces propositions telles qu'elles nous sont proposées sont, à mon avis, inapplicables. Je ne vois pas comment le parlement pourrait voter le 9 décembre une proposition modifiant fondamentalement la manière d'attribuer les allocations, notamment en les modulant selon le revenu des bénéficiaires et que, dès le 1er janvier, des allocations modulées puissent être versées. Il faut un certain temps aux caisses pour que ce projet soit réalisable. D'autre part, si l'on veut moduler les allocations, je pense qu'il faudrait tenir compte aussi de la taille des familles. Un revenu de 40 000 F n'est pas la même chose selon que l'on a cinq enfants ou seulement un. En conséquence, l'amendement proposé par l'Alliance de gauche mériterait pour le moins que l'on y travaille en commission pour étudier ces possibilités de modulations selon les revenus et la taille des familles. Il est clair que, dans les délais qui nous étaient impartis, nous n'avons pas eu le temps de le faire. Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas les amendements de l'Alliance de gauche et nous voterons les propositions de la commission.

Mme Claire Chalut (AdG), rapporteuse de minorité. M. Annen nous a parlé de la CNA et d'autres choses, alors que ce n'est absolument pas ce dont il s'agit ici. Il y a simplement une question que je me pose. Des motions ont été déposées, dans deux mois nous allons recevoir des réponses, alors attendons ces deux mois et nous reviendrons à ce moment-là avec cette proposition. Je ne vois pas où est le problème. Je crois qu'en dehors de cette enceinte, on peint le diable sur la muraille...

Des voix. On a vu, on a vu !

Mme Claire Chalut, rapporteuse de minorité. Quant aux chiffres... (Brouhaha.) ...j'ai pas terminé... Monsieur Dupraz est en général assez bon, mais malheureusement une fois sur dix seulement !

M. John Dupraz. Mais vous, c'est zéro fois sur dix ! (Rires.)

Mme Claire Chalut, rapporteuse de minorité. Concernant les chiffres. Lorsque les partenaires sociaux - comme on les appelle - ont été auditionnés, je me rappelle de l'audition de M. Barde, on lui a demandé des chiffres et il n'en avait pas. Il avait des taux, des totaux, des totaux globaux, c'est tout ! Nous n'avons jamais pu avoir de chiffres. Le problème est précisément là. Alors on ne peut pas, honnêtement, faire un calcul précis avec ce que ça implique comme coûts, sans avoir au moins un minimum de chiffres.

M. John Dupraz (R). Vous ne serez pas étonnés de savoir que le groupe radical soutiendra le rapport de majorité et nous remercions Mme Howald pour la clarté de ce dernier. En ce qui concerne le rapport de minorité de Mme Chalut, je vous dirai que cela ne nous étonne pas que l'Alliance de gauche fasse des propositions que certains taxent de démagogiques. C'est leur rôle de faire de l'opposition, parfois de l'obstruction, et de faire des propositions qui, dans ce cas précis, sont très malvenues, puisque, comme cela a été très justement dit, nous attendons une refonte totale des projets de lois concernant ces allocations familiales et d'ici deux mois nous devrions avoir ces propositions.

L'adaptation proposée est raisonnable. C'est quand même un petit plus pour les familles, ce n'est peut-être pas énorme. J'ai trois enfants et j'aimerais bien que l'on me donne 200 F par enfant. Mais il faut savoir que, quand on distribue de l'argent, il faut le prendre quelque part. Encore une fois, dans ce cas précis, le parti socialiste et le parti écologiste sont raisonnables et font montre de clairvoyance... (Manifestations des députés de l'Alliance de gauche.) ...et pour nous, c'est heureux de voir que sur un projet qui concerne la famille on puisse trouver des majorités dépassant les clivages politiques habituels.

M. Christian Ferrazino (AdG). Indépendamment des clivages politiques habituels auxquels se réfère M. Dupraz, et sans vouloir alimenter une quelconque polémique sur ce sujet, je constate que certains pensent - M. Dupraz est de ceux-là - que l'on devrait attendre. Beaucoup de députés pensent qu'il faudrait attendre puisqu'il y a une refonte totale en cours, mais vous ne savez même pas de quelle refonte il s'agit ! Vous ne savez pas du tout ce qu'il ressortira de l'expertise qui est en train d'être faite. On pense qu'il y aura peut-être une allocation unique, mais on ne le sait pas et vous ne pouvez pas l'affirmer ce soir, Monsieur Dupraz, vous vous contentez d'attendre.

La représentante du groupe écologiste dit : «Il y a des motions, par conséquent pourquoi faire des amendements à un projet de loi dans la mesure où l'on a exprimé un certain nombre d'idées par le biais de motions ?». Mais le Grand Conseil - c'est peut-être aussi une de ses fonctions - doit se déterminer au moment où les projets de lois lui sont soumis sur la teneur des dispositions que nous allons adopter. Je crois que vous avez compris les raisons pour lesquelles les montants proposés ce soir sont ridicules, même M. Champod l'a reconnu, mais en disant - là je m'adresse au groupe socialiste - que l'Alliance de gauche allait trop vite. Elle va trop vite, car elle anticiperait en quelque sorte sur le rapport d'experts en tenant compte déjà de la réalité des chiffres qui nous seront fournis dans quelques mois et qui démontreront l'absurdité du montant proposé ce soir.

Monsieur Annen, il est peut-être vrai que pour la formation le canton de Genève peut se distinguer d'autres cantons, mais si vous parlez de cette allocation, c'est précisément parce que l'allocation familiale en tant que telle est ridiculement basse à Genève et vous le savez, puisque les chiffres l'ont démontré. On est vraiment en deçà de tout ce qui se fait ailleurs. M. Champod nous dit : «Alors il ne fallait pas trop anticiper, il ne fallait pas prendre en compte le montant des salaires pour faire une allocation qui serait proportionnelle aux revenus des gens.».

Puisque je ne voulais pas alimenter la polémique ce soir, je vous proposerai, Madame la présidente, de scinder nos amendements en deux, afin de permettre à ceux qui pensent, comme la CGAS et comme M. Champod, qu'une allocation à 200 F se justifie pleinement mais qu'elle ne se justifierait pas, selon lui, dans l'immédiat par rapport au montant du salaire et en faisant une allocation qui dépendrait du revenu des gens. Je vous demanderai de faire voter en deux temps cet amendement...

La présidente. C'est ce que j'aurais fait, Monsieur Ferrazino !

M. Christian Ferrazino. Alors il faut le dire clairement !

La présidente. Mais je l'aurais dit clairement !

M. Christian Ferrazino. ...ça permettra justement de faire un premier vote sur le montant de l'allocation à 200 F. J'ose espérer que sur ce montant-là on pourra se rejoindre, parce que j'aurais de la peine à comprendre qu'il faille attendre un rapport d'experts alors que les caisses - vous le savez, Monsieur Dupraz, et vous auriez pu le relever dans votre intervention - malgré les demandes réitérées qui ont été formulées, n'ont pas fait connaître le montant de ces bilans; aucun député n'a pu en avoir connaissance. C'est vous dire que vous ne connaissez pas actuellement la possibilité... (Protestations de M. Dupraz.) Mais je vous parle aussi à vous, Monsieur Dupraz, ça pourrait vous intéresser, puisque vous avez trois enfants, vous venez de le dire...

Une voix. Il est indépendant ! (Manifestation de M. Dupraz.)

La présidente. Monsieur Dupraz, laissez parler l'orateur !

M. Christian Ferrazino. Monsieur Dupraz, bien que vous soyez indépendant et puisque vous avez fait valoir votre qualité de père de famille avec trois enfants, je m'adresse aussi à vous. Une des questions que vous auriez pu vous poser, c'est précisément de savoir quel était le montant du bilan de ces caisses et, par conséquent, la marge de manoeuvre qui existe d'un point de vue financier. Nous disons et affirmons que la marge de manoeuvre est là et personne ne peut nous contredire parce que personne ne sait exactement le montant existant aujourd'hui dans ces caisses; et pourtant nous l'avons demandé ! Je vous proposerai de scinder en deux ces amendements afin de permettre, dans un premier temps, d'avoir le regroupement le plus large possible sur le montant de l'allocation qu'un père de famille de trois enfants pourra voter sans trop de difficultés à 200 F, Monsieur Dupraz, et de voter le deuxième amendement en fonction du montant du salaire.

La présidente. Monsieur Ferrazino, vos amendements portent sur la modification d'une lettre existante dans le projet de loi et l'introduction d'une nouvelle lettre. Il est bien évident que l'on ne peut pas procéder par un vote global.

M. Bernard Annen (L). Sans vouloir trop allonger les débats, permettez-moi de faire deux remarques. En ce qui concerne, tout d'abord, les comptes des caisses d'allocations familiales. Nous avions eu, lors de la dernière législature - dont vous ne faisiez pas partie - un large débat à ce sujet. Il s'est avéré que l'ensemble des caisses d'allocations familiales n'ont pas que cette prestation d'allocations familiales mais une multitude d'autres prestations. Il y en a une cependant qui n'a que la prestation d'allocations familiales et celle-ci publie ses chiffres, il s'agit de la caisse cantonale.

Vous avez ces chiffres. Il suffit de les prendre, alors ne venez pas nous dire que nous n'avez jamais vu de chiffres, ayez au moins la courtoisie de dire que vous avez vu ceux de la caisse cantonale et les autres caisses sont exactement les mêmes.

M. Christian Ferrazino. Alors, il faut sortir les chiffres !

M. Bernard Annen. Mais j'en gère quatre ! Faites-moi au moins la courtoisie... (Protestations de MM. Ferrazino et Grobet.) Voyez-vous, c'est ce que l'on appelle, Monsieur l'ancien conseiller d'Etat, de la mauvaise foi, car à l'époque vous étiez au Conseil d'Etat et à ce moment-là nous en avons discuté largement et la commission sociale a été invitée à la Caisse de compensation du bâtiment et les chiffres, les comptes leur ont été montrés. Avant de vous énerver, essayez d'être un peu plus objectif.

Deuxièmement, vous ne devez pas considérer que l'allocation familiale doit couvrir la charge d'un enfant, ça n'a jamais été le cas. Dans ce cas-là, bien entendu, elle serait notoirement insuffisante. Elle doit être un complément et cela est bien précisé dans la loi. Cette charge, je vous le rappelle, est strictement patronale. Alors, continuez à charger le bateau, finalement, pourvu que l'opération reste neutre. Le seul moyen de financement pour que l'opération reste neutre, quelle que soit l'augmentation des allocations familiales, sera de partager le financement. Vous arriverez à cette solution à 50% paritaire, patrons et employés. A ce moment-là, nous verrons si vous défendez réellement la cause des travailleurs en leur imputant, en plus des retenues salariales, la couverture partielle du financement des allocations familiales. Je crois que vous devez savoir raison garder de manière... (L'orateur s'embrouille.) Excusez-moi, excusez-moi, je sais moins bien parler que vous, Maître Ferrazino, mais je sais certainement mieux compter ! (Applaudissements sur les bancs libéraux.)

M. Christian Ferrazino. Mais non, vous parlez très bien !

M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Comme nous l'avons dit tout à l'heure, nous partagerons nos propositions d'amendements en deux. Pour l'amendement concernant l'allocation ordinaire de 200 F par enfant jusqu'à l'âge révolu de 15 ans, nous proposons l'appel nominal, Madame la présidente. (Exclamations.)

M. Christian Grobet (AdG). Nous savons que M. Annen a fait beaucoup de football et on a vu ce soir que vous êtes un jongleur émérite !

M. Bernard Annen. J'étais à bonne école avec vous !

M. Christian Grobet. Justement ! On tapait le ballon sur le même terrain de football ! Vous avez fait, ce soir, une démonstration de tout premier ordre. Vous avez eu raison de rappeler le débat qui a eu lieu à la fin de la dernière législature où, précisément, il y avait un rapport sur une ancienne motion qui demandait plus de transparence en ce qui concerne les comptes des caisses de compensation. Je pense qu'en tant que gestionnaire vous auriez dû, précisément, être sensible à ce désir de transparence.

Or à l'époque, je me souviens encore que vous étiez déjà intervenu pour indiquer qu'il était totalement impossible, vu les prestations différentes qu'assuraient ces caisses, de pouvoir établir les chiffres pour chaque prestation. Ce soir, par contre, vous nous dites exactement le contraire à savoir que tout le monde connaît ces chiffres. Vous nous avez donc démontré - nous en étions donc persuadés lors du débat, il y a un an - que ces chiffres, vous les connaissiez ! (Commentaires de M. Annen.) Vous les connaissiez, je n'ai pas dit moi ! N'importe quel expert comptable vous dira qu'il est parfaitement possible, dans le cadre d'une gestion sérieuse des caisses, de sortir les différentes prestations. Vous avez ces chiffres, vous l'avez dit ce soir, mais la vérité c'est que vous ne voulez pas les sortir.

Si les syndicats ont proposé - ils participent également à la gestion de ces caisses et ce sont des partenaires sociaux, Monsieur Annen, nous avons beaucoup de respect pour eux - des adaptations des cotisations, c'est qu'ils savaient que ces chiffres étaient compatibles avec les comptes de vos caisses. Si vous saviez que les chiffres proposés dans le rapport de Mme Chalut étaient incompatibles avec la situation des caisses, vous auriez dû sortir les comptes pour le prouver. La démonstration est faite, les caisses peuvent supporter ce qui est proposé dans le rapport de Mme Chalut.

M. Bernard Annen (L). (Brouhaha.) Je ne peux pas laisser dire des contrevérités flagrantes. Je n'en donnerai qu'une. Il est totalement inexact de dire que les caisses de compensation sont gérées paritairement. Ce n'est pas vrai. Certaines fondations de deuxième pilier sont gérées paritairement mais pas les caisses de compensation qui sont que des caisses patronales, Monsieur Grobet, vous le savez très bien.

En ce qui concerne la publication des comptes. Premièrement, je vous ai parlé de la caisse cantonale, vous m'avez mal écouté. Pour ce qui est des autres comptes, je vous rappelle que nous en avions parlé lors du débat auquel vous avez fait allusion tout à l'heure. La commission est venue, nous avons montré ces comptes. Monsieur Grobet, vous savez quand même que, lorsque vous gérez l'argent des autres, vous avez quelques retenues de les publier, d'autant plus si ces chiffres touchent un certain nombre d'autres prestations. Il s'agit notamment de fonds d'assurance risques purs pour les employeurs.

En quoi cela concerne-t-il les allocations familiales ? En rien. Je vous cite une multitude d'autres prestations. Il suffit donc de supprimer l'ensemble de ces prestations, ce que nous allons faire avec la nouvelle loi. Nous allons mettre uniquement les charges d'allocations familiales et vous essayerez de me dire quelle sera la santé financière des comptes, puisqu'il s'agira de comptes de fonctionnement, un point c'est tout. Après la conférence de presse que vous avez faite, je constate que vous confondez assez facilement le fonctionnement et l'investissement. A cet égard, vous aurez, d'une part, des charges et, d'autre part, des recettes devant couvrir ces charges. Plus les charges augmentent, plus les cotisations augmentent, et c'est ainsi que vous allez petit à petit asphyxier les entreprises, et c'est ce que nous ne voulons pas que vous fassiez. En ce qui concerne la présentation des comptes, sachez que les caisses d'allocations familiales respecteront la loi telle qu'elle a été votée par ce parlement.

M. Michel Balestra (L). La masse salariale globale dans les différents types d'activités a diminué de 2,9% dans la coiffure, 6,1% dans la chimie, 3,6% dans l'architecture, 7,1% dans la physiothérapie, 6,6% dans le bois, 11,5% chez les vitriers, etc. Il n'y a pas un seul domaine où la masse salariale globale est en augmentation. Dès lors, et sans savoir vraiment très bien calculer, il n'y a pas besoin d'être grand clerc, excusez-moi du jeu de mots, pour comprendre qu'une diminution de la masse salariale plus une augmentation des prestations égalent une augmentation de la péréquation et des taux.

Or vous savez que les charges sur les salaires tuent l'emploi. Ma priorité est de donner, précisément, la priorité à l'emploi et pas à la démagogie et je n'aurai pas besoin d'un appel nominal pour vous dire que non seulement je n'accepterai pas ce que vous proposez, mais je n'accepterai même pas le projet de loi tel qu'il est, car il est déjà beaucoup trop cher.

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Je reprends la parole, puisque l'on va devoir voter sur les amendements séparément, selon les lettres A et B.

En ce qui concerne les 200 F d'allocations familiales par mois et par enfant, je souhaiterais que tous les enfants, et non pas seulement les enfants de salariés, puissent en profiter. Il existe une initiative Frankhauser, au niveau fédéral, reprenant les mêmes termes. Je reviens encore une fois sur le travail de la commission d'experts. Toutes ces questions ont été discutées. Non pas que je veuille dire par là que les experts ont raison une fois pour toutes, je veux dire que ces questions reviendront dans la proposition de projet de loi. Je ne comprends pas pourquoi, ce soir, une semaine avant le budget, nous devrions accepter une charge représentant 6 millions supplémentaires pour l'Etat employeur. Demain, on rase gratis.

Ce genre de propositions faites en séance plénière sur un rapport de minorité posent toujours des problèmes. Nous ne pouvons pas accepter, ce soir, les 200 F, même si nous les souhaitons. Je ne soutiens pas non plus la position de M. Annen quand il dit que tout le monde est pour la famille mais que ce n'est jamais le moment, à part dans les intentions ou les programmes. Je dis que nous travaillerons aux 200 F d'allocations familiales, et ce pour tous les enfants de ce canton. Je dis également que nous travaillons à un projet de loi devant tenir compte des revenus différenciés des familles concernées, pour le surplus, pour une aide sociale, pour un revenu minimum pour toutes les familles qui en ont besoin.

M. Pierre-Alain Champod (S). Je partage tout ce que vient de dire Mme Maulini. Effectivement, ces propositions sont : demain, on rase gratis. Nous ne pouvons pas les accepter pour toutes ces raisons. Le groupe socialiste refusera les deux amendements de l'Alliance de gauche.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je vous précise simplement que le rapport d'experts de cette commission, présidée par Mme Braun, a été rendu. Le Conseil d'Etat l'a reçu ces derniers jours et la discussion, comme vous l'annonçait M. Segond, sera reprise au cours du premier semestre de l'année prochaine. Pour l'heure, nous vous invitons à refuser les amendements qui vous sont suggérés.

PL 7171-A

Le projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Le titre et le préambule sont adoptés.

Article 1 (souligné)

Art. 8, al. 2, lettre a (nouvelle teneur)

La présidente. Nous sommes en présence d'un amendement dont la teneur se trouve en page 30 et pour lequel l'appel nominal a été demandé. Son texte est le suivant :

«a) l'allocation ordinaire à 200 F par enfant jusqu'à l'âge révolu de 15 ans;».

La présidente. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.

Celles et ceux qui acceptent l'amendement répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.

L'amendement est rejeté par 60 non contre 19 oui et 5 abstentions.

Ont voté non (60) :

Bernard Annen (L)

Michel Balestra (L)

Luc Barthassat (DC)

Claude Basset (L)

Roger Beer (R)

Dominique Belli (R)

Janine Berberat (L)

Claude Blanc (DC)

Fabienne Blanc-Kühn (S)

Anne Briol (E)

Nicolas Brunschwig (L)

Thomas Büchi (R)

Fabienne Bugnon (E)

Hervé Burdet (L)

Pierre-Alain Champod (S)

Liliane Charrière Urben (S)

Sylvie Châtelain (S)

Anne Chevalley (L)

Jean-Claude Dessuet (L)

Daniel Ducommun (R)

Pierre Ducrest (L)

Jean-Luc Ducret (DC)

Michel Ducret (R)

John Dupraz (R)

Henri Duvillard (DC)

Bénédict Fontanet (DC)

Pierre Froidevaux (R)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Henri Gougler (L)

Nelly Guichard (DC)

Janine Hagmann (L)

Elisabeth Häusermann (R)

Claude Howald (L)

Yvonne Humbert (L)

René Koechlin (L)

Claude Lacour (L)

Sylvia Leuenberger (E)

Armand Lombard (L)

Olivier Lorenzini (DC)

Pierre Marti (DC)

Michèle Mascherpa (L)

Gabrielle Maulini-Dreyfus (E)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Laurent Moutinot (S)

Chaïm Nissim (E)

Barbara Polla (L)

David Revaclier (R)

Martine Roset (DC)

Maria Roth-Bernasconi (S)

Andreas Saurer (E)

Christine Sayegh (S)

Max Schneider (E)

Micheline Spoerri (L)

Jean-Philippe de Tolédo (R)

Claire Torracinta-Pache (S)

Pierre-François Unger (DC)

Olivier Vaucher (L)

Jean-Claude Vaudroz (DC)

Nicolas Von der Weid (L)

Michèle Wavre (R)

Ont voté oui (19) :

Jacques Boesch (AG)

Claire Chalut (AG)

Bernard Clerc (AG)

Anita Cuénod (AG)

Erica Deuber-Pauli (AG)

Marlène Dupraz (AG)

Laurette Dupuis (AG)

René Ecuyer (AG)

Christian Ferrazino (AG)

Luc Gilly (AG)

Gilles Godinat (AG)

Christian Grobet (AG)

Sylvie Hottelier (AG)

Liliane Johner (AG)

Jean-Pierre Lyon (AG)

Danielle Oppliger (AG)

Jean-Pierre Rigotti (AG)

Evelyne Strubin (AG)

Pierre Vanek (AG)

Se sont abstenus (5) :

Micheline Calmy-Rey (S)

Jean-François Courvoisier (S)

René Longet (S)

Liliane Maury Pasquier (S)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Etaient excusés à la séance (4) :

Catherine Fatio (L)

David Hiler (E)

Alain-Dominique Mauris (L)

Philippe Schaller (DC)

Etaient absents au moment du vote (11) :

Florian Barro (L)

Hervé Dessimoz (R)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Jean-Claude Genecand (DC)

Michel Halpérin (L)

Dominique Hausser (S)

Pierre Kunz (R)

Bernard Lescaze (R)

Pierre Meyll (AG)

Jean Opériol (DC)

Jean Spielmann (AG)

Présidence :

Mme Françoise Saudan, présidente.

La présidente. Nous passons au deuxième amendement dont la teneur est la suivante :

«b) l'allocation ordinaire à 300 F par enfant dont les familles disposent d'un revenu inférieur à 40 000 F; et à 250 F par enfant dont les familles disposent d'un revenu de moins de 50 000 F.».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté.

L'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).

Ce projet est adopté en deuxième et troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

(PL 7171)

LOI

modifiant la loi sur les allocations familiales en faveur des salariés

(J 7 1)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi sur les allocations familiales en faveur des salariés, du 24 juin 1961, est modifiée comme suit:

Art. 8, al. 2, lettre a (nouvelle teneur)

2 L'allocation mensuelle complète s'élève au moins:

a)

l'allocation ordinaire à 135 F par enfant jusqu'à l'âge de 10 ans révolus; à 150 F par enfant dont l'âge est compris entre 10 et 15 ans révolus, ou jusqu'à 20 ans révolus dans les cas prévus à l'article 4, alinéa 2;

Art. 2

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1995.

PL 7172-A

Le projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Le titre et le préambule sont adoptés.

Article 1 (souligné)

Art. 9, al. 1, lettre a (nouvelle teneur)

La présidente. Nous sommes en présence d'un amendement dont le texte se trouve en page 31 du présent rapport.

Mme Claire Chalut (AdG), rapporteuse de minorité. Puisque nos amendements précédents ont été rejetés, je retire celui-ci.

L'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).

Ce projet est adopté en deuxième et troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

(PL 7172)

LOI

modifiant la loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants

(J 7 6)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi sur les allocations familiales aux agriculteurs indépendants, du 2 juillet 1955, est modifiée comme suit:

Art. 9, al. 1, lettre a (nouvelle teneur)

1 L'allocation s'élève par mois:

a)

l'allocation ordinaire à 135 F par enfant jusqu'à l'âge de 10 ans révolus; à 150 F par enfant dont l'âge est compris entre 10 et 15 ans révolus, ou jusqu'à 20 ans révolus dans les cas prévus à l'article 5, alinéa 2;

Art. 2

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1995.