République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1034-A
6. Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la pétition contre la taxe d'encouragement au tourisme. ( -)P1034
Rapport de Mme Micheline Spoerri (L), commission de l'économie

Cette pétition, déposée le 9 mai 1994, a été examinée par la commission de l'économie le 29 août 1994, sous la présidence de M. Claude Blanc. Lors de cette séance, ont été auditionnés: les pétitionnaires, à savoir le Mouvement de résistance à la taxe d'encouragement au tourisme sous la conduite deM. J.-C. Cappelletti, puis le Groupement des opticiens genevois qui avait souhaité être entendu dans le cadre de cette pétition.

Auditions

Mouvement de résistance à la taxe d'encouragement au tourisme

Selon les pétitionnaires, leurs activités s'étendent à une dizaine de professions, faisant vivre à peu près 10 000 personnes, et représentant des petits commerces. Ils considèrent que cette taxe n'est pas admissible en période de récession et qu'elle est, par ailleurs, injuste et discriminatoire. Ils contestent en particulier l'idée préconçue selon laquelle la promotion du tourisme leur est bénéfique au même titre qu'à d'autres. Par conséquent, la justification de financer l'office du tourisme genevois (dont les objectifs et programmes leur paraissent confus) n'est à leurs yeux pas évidente. Les critères d'assujettissement des taxes leur paraissent, de surcroît, discutables (découpage géographique, rapport entre la taille de l'entreprise et le montant de la taxe).

Ils proposent un élargissement géographique des zones d'assujet-tissement afin d'augmenter l'«assiette» de perception des taxes et d'en diminuer les taux.

Groupement des opticiens genevois

Au nom du Groupement, son président, M. Lindegger, déclare s'opposer à la taxe, non pas sur le principe de l'aide au tourisme, mais parce qu'il considère que cette taxe est injuste, arbitraire, et qu'elle crée une inégalité de traitement. Il propose d'utiliser la taxe professionnelle pour agir en faveur du tourisme.

Discussion

La loi sur le tourisme I 3 24 du 24 juin 1993 est entrée en vigueur le1er janvier 1994. Elle a pour but de favoriser la promotion et le développement du tourisme. Elle prévoit, parmi les ressources gérées par la Fondation pour le tourisme et affectées en priorité au financement des tâches de l'office du tourisme (OTG) une taxe d'encouragement au tourisme.

Cette taxe est perçue auprès des entreprises exerçant des activités économiques et commerciales bénéficiant de retombées directes ou indirectes du tourisme. Le Conseil d'Etat en fixe le montant selon les critères suivants:

a) importance des retombées du tourisme pour la catégorie professionnelle assujettie;

b) importance touristique du secteur géographique où s'exerce l'activité considérée;

c) nombre d'employés.

Le montant de la taxe ne peut être inférieur à 200 F et supérieur à5000 F. Par opposition aux taxes de séjour dont les recettes sont affectées au financement de l'accueil des hôtes, les taxes de tourisme sont dédiées, elles, à la promotion touristique en Suisse et à l'étranger, à l'instar des subventions de l'Etat, de la Ville et des communes qui constituent la troisième source de financement.

La présente pétition s'oppose donc à la loi, puisqu'au principe même de la taxe, ainsi qu'à ses modalités d'application !

Lors des discussions de la commission, la proposition d'utiliser la taxe professionnelle a été très rapidement écartée. M. J.-P. Maitre, président du département de l'économie publique, a rappelé que la jurisprudence du Tribunal fédéral interdit qu'une taxe frappe tout le canton, contrairement à un impôt, et qu'elle ne peut concerner que des gens en rapport de connexité avec le but pour lequel elle est prélevée. Or, malgré son nom, la taxe professionnelle est un impôt qui tombe dans la caisse des communes sans affectation particulière. Par ailleurs, cette éventualité discutée en première intention pour la promotion du tourisme avait été mal ressentie par certaines communes, notamment par la Ville de Genève.

La commission a pu constater que l'élaboration du règlement d'application s'était appuyée sur une large concertation et que, notamment, la FAC (Fédération des artisans et commerçants), représentant des pétitionnaires à la Fondation pour le tourisme, avait été associée à la procédure de consultation qui avait permis de redéfinir les zones touristiques en tenant compte des intérêts des petits commerçants.

D'autre part, selon les renseignements qui ont été fournis à la commission, seules 10% des personnes assujetties ont, à ce jour, protesté, ce qui n'engage pas à remettre en question une loi qui vient d'entrer en vigueur cette année, et dont le règlement d'application est évolutif puisqu'il permet la redéfinition des secteurs géographiques. Il est vrai aussi que, compte tenu des retombées indirectes, qui finalement profitent à toutes les professions, il y aurait lieu dans l'avenir de compléter la liste des professions concernées. Ce faisant, les préoccupations des pétitionnaires et du Groupement des opticiens en seraient fortement atténuées.

Ainsi, une majorité s'est dégagée pour encourager le Conseil d'Etat à poursuivre ses négociations dans le cadre de l'amélioration du règlement d'application, évolution qui figurera dans le rapport annuel du département de l'économie publique, comme l'a confirmé le président du département.

Conclusion

C'est ainsi que la commission a décidé de mettre un terme à ses travaux et c'est par 7 voix contre 1, et 1 abstention, qu'elle vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer la pétition 1034 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

PÉTITION

Contre la taxe d'encouragement au tourisme

Les soussignés, exerçant une activité commerciale dans la zone assujettie à la taxe, s'opposent au projet actuel, notamment au découpage de la zone, au montant de la taxe et au mode de calcul de celle-ci.

Ils demandent par conséquent aux autorités compétentes d'envisager un autre mode de financement de l'office du tourisme.

N.B.: 565 signatures

Mouvement de résistance à la taxe

d'encouragemeent au tourisme

p.a. J.-C. Cappelletti

Case postale 6150

1211 Genève 6

Débat

Mme Micheline Spoerri (L), rapporteuse. Je signale un simple problème de ponctuation, à la page 2 du rapport, dernier paragraphe, deuxième ligne. Il s'agit d'ajouter un point après «... professionnelle a été très rapidement écartée.».

M. Jean-Pierre Lyon (AdG). J'étais très réservé - et je continue à l'être - lors de la prise en considération de cette pétition en commission, concernant le financement de l'Office du tourisme.

L'ensemble du Conseil municipal de la Ville de Genève, commune la plus concernée par ce problème, avait exprimé le désir de ne voir introduire que la taxe hôtelière. Lorsque la loi et le règlement nous ont été présentés pour la création d'une fondation de l'Office du tourisme, nous nous sommes retrouvés avec toute une série de taxes. En effet, toutes les entreprises directement ou indirectement concernées par le tourisme devront payer une taxe professionnelle et cela représente, en fait, un double impôt qui les pénalisera.

Cette taxe de tourisme a provoqué une levée de boucliers des commerçants qui doivent déjà faire face à des problèmes importants dus à la situation économique actuelle. Il a fallu réviser le barème de la taxe et revoir les secteurs concernés par celle-ci.

Lors des auditions de la commission, 10% seulement des commerçants auraient déclaré être mécontents. Cela n'est pas vrai ! D'ailleurs, certains d'entre eux ne savaient même pas que ce problème serait traité par ce Grand Conseil. Un silence a été fait autour de cette affaire. Ainsi, si l'on avait informé les habitants de la ville de Genève sur cette taxe de tourisme, il y aurait certainement eu une opposition plus grande. Nous n'allons pas nous battre pour renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, car cela ne servira strictement à rien, mais nous manifesterons notre mécontentement en nous abstenant sur le rapport présenté aujourd'hui.

M. Nicolas Brunschwig (L). Un mot pour répondre à M. Lyon et pour dire que...

M. Jean-Pierre Lyon. J'ai pas besoin de réponse ! (Rires.)

M. Nicolas Brunschwig. ...pour donner un avis sur la déclaration de M. Lyon, si vous préférez cette formule-là, et pour dire que c'était un désir des milieux économiques et commerçants, en particulier, d'avoir une promotion touristique plus importante et de trouver les moyens nécessaires pour effectuer celle-ci. C'est donc en très large concertation avec les associations représentatives de ces milieux que le projet de loi sur la taxe d'encouragement au tourisme avait été établi par la suite. C'est donc pour donner un éclairage quelque peu différent par rapport à ce que vient de dire M. Lyon que je voulais intervenir.

M. Chaïm Nissim (Ve). Lorsque nous avons travaillé sur ce projet de loi, il y a une année environ, ma collègue Vesca et moi-même regrettions qu'il n'y ait pas, dans cette fondation, de représentants des organisations écologistes. Nous pensions, en effet, qu'un tourisme décentralisé, un petit tourisme, un tourisme bon marché pouvait aussi être promu et poussé à Genève et qu'il était dommage...

M. John Dupraz. Le camping ?

M. Chaïm Nissim. Oui ! Pourquoi pas le camping, Monsieur Dupraz ! Le camping est aussi une forme de tourisme à laquelle beaucoup de gens aiment s'adonner. Il n'y a pas de raison qu'il n'y ait pas de membres de nos organisations dans votre fondation, Monsieur Maitre. Je le redis encore une fois - ce n'est pas le moment, je le sais bien, puisque ce n'est pas le sujet de cette pétition et je ne veux pas m'opposer aux conclusions de la rapporteuse - je trouve vraiment dommage qu'il n'y ait pas de représentants de nos milieux dans vos fondations.

M. Claude Blanc (PDC). Lorsque nous avions discuté ici du projet de loi devenu la loi sur le tourisme, j'avais commencé mon intervention par ces mots : «Aide-toi et le ciel t'aidera !». La situation était devenue impossible. Tout le monde critiquait l'Office du tourisme pour le peu d'activité qu'il manifestait. Un très petit nombre de personnes acceptaient de le financer bénévolement et tout le monde voulait profiter des effets du travail de l'Office du tourisme.

Il a alors fallu trouver un moyen pour que tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, bénéficient ou peuvent bénéficier du travail de l'Office du tourisme, passent à la caisse, car, que voulez-vous, l'homme est ainsi fait qu'il est égoïste et qu'il croit toujours que les autres vont payer à sa place ! Lorsque l'on fait de la politique dans ce canton, on est payé pour le savoir, assez mal dirais-je, mais enfin on est payé pour le savoir !

Maintenant que la loi est en vigueur, il faut l'expérimenter pendant quelques années pour voir ce qu'elle va donner, les fonds que nous allons pouvoir en retirer, l'usage qui va en être en fait. Le Grand Conseil sera toujours là pour la réformer s'il s'aperçoit qu'il y a un dysfonctionnement. Mais ce n'est pas au bout d'une année que nous allons jeter le manche après la cognée et céder à des pressions de gens bien gentils mais qui pensaient que les autres allaient continuer à payer et eux à profiter. Je vous invite vivement à suivre les conclusions de la commission.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. M. Lyon pose à nouveau un certain nombre de questions qui, en réalité, ont été traitées par votre Grand Conseil dans le cadre de la délibération de ce qu'est aujourd'hui la loi sur le tourisme. Si je vous ai bien compris, Monsieur Lyon, vous souhaiteriez que seule la taxe de séjour soit en vigueur, à l'exclusion des autres.

C'est précisément le problème que la loi sur le tourisme a eu mission de résoudre. Je vous le rappelle, la taxe de séjour ne peut être affectée, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, qu'à ce qui est relatif à l'accueil, à l'information des touristes, etc. Avec la taxe de séjour, vous n'avez pas le droit de financer la promotion touristique. C'est ce qui manquait, c'est-à-dire des ressources nouvelles pour pouvoir financer une promotion touristique ambitieuse et efficace.

C'est la raison pour laquelle différentes taxes de tourisme ont été mises dans le projet de loi. Celui-ci a été voté par votre parlement, il n'est pas question, Monsieur Lyon - et ce ne serait pas raisonnable - de remettre en cause la loi que votre parlement a adoptée. Ce d'autant que cette loi a été mise en application avec un mécanisme permettant de prolonger encore la concertation et avoir des informations de terrain.

Dès la mise en application du règlement concrétisant cette loi, nous avons, dans une première phase, recueilli toute une série d'informations de la part de personnes directement concernées. C'était un ciblage très fin que nous ne pouvions pas faire auparavant et c'est sur la base de ces informations que certains ajustements, non pas de la loi mais du règlement, ont été faits. Aujourd'hui, le système est sous toit, il est consolidé, il n'est plus question de le remettre en cause.

Le nombre de réclamations, à partir de cette deuxième phase d'ajustement, a été relativement modeste. Cent soixante étaient en suspens, ce qui est peu de choses sur l'ensemble des personnes concernées et assujetties. Je puis vous dire en outre que deux commerçants ont fait recours contre le principe même de cette loi estimant qu'ils ne devaient pas être assujettis et qu'il n'y avait pas de motifs légitimes pour qu'ils soient assujettis. Le Tribunal administratif a rejeté ces deux recours, c'est une notification qui vient de nous parvenir. Ce faisant, le Tribunal administratif a confirmé la parfaite légalité des mécanismes retenus dans la loi et, d'autre part, que les montants des taxes tels qu'ils ont été fixés dans le règlement sont parfaitement proportionnés. Nous avons donc eu une confirmation judiciaire du bien-fondé de la loi et du règlement d'application.

Je crois donc qu'il n'y a pas lieu de revenir sur ce sujet. Au contraire, il faut maintenant s'engager à appliquer cette loi pour que les ressources nécessaires au financement, notamment de la promotion touristique, puissent être véritablement dégagées. C'est un enjeu très important, c'est une priorité politique.

Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'économie (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.