République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1037-A
9. a) Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la pétition concernant le regroupement des associations subventionnées en fédérations. ( -)P1037
Rapport de Mme Claude Howald (L), commission des affaires sociales
M 952
b) Proposition de motion de Mmes et MM. Roger Beer, Janine Berberat, Micheline Calmy-Rey, Claire Chalut, Pierre-Alain Champod, Anne Chevalley, Bernard Clerc, John Dupraz, Claude Howald, Pierre Marti, Gabrielle Maulini-Dreyfus, Geneviève Mottet-Durand, Evelyne Strubin et Olivier Vaucher concernant la pétition 1037 (regroupement des associations subventionnées en fédérations). ( )M952

Les associations d'aide sociale, ainsi que vous pouvez le constater en lisant le texte de la pétition qui figure ci-après, s'inquiètent des modalités et conditions qui doivent présider à la constitution de fédérations à laquelle le chef du département de la prévoyance sociale et de la santé (DASS) les invite:

P 1037

PÉTITION

concernant le regroupement des associations subventionnéesen fédérations

Devant la procédure mise en place par le département d'action sociale et de la santé (DASS) visant à faire obligation aux associations subventionnées de se regrouper en fédérations, les signataires ci-après en appellent au Grand Conseil.

Ils/elles demandent que

- la procédure actuelle décidée par le DASS seul soit suspendue et que le délai fixé au 15 juin 1994 pour la mise sur pied des fédérations soit reporté;

- le Grand Conseil soit saisi de la question des fédérations et en débatte;

- le DASS indique clairement aux associations et au Grand Conseil quels sont ses intentions et ses buts;

- qu'il soit établi que les subventions 1995 et 1996 seront garanties aux associations subventionnées dépendant du DASS, sous la forme et les montants actuels.

N.B.: 685 signatures

Solidarité Femmes/Viol-Secours

96, rue de la Servette

1202 Genève

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il existe à Genève une soixantaine d'associations d'action sociale subventionnées par le DASS. Ces associations remplissent un rôle indispensable et répondent à des besoins spécifiques auxquels l'Etat n'est pas toujours à même de répondre. Leur souplesse, leur spécificité, leur diversité leur permettent de jouer un rôle dont l'utilité publique est totalement reconnue.

En 1993, le DASS a institué sur la base d'un arrêté le Conseil de l'action sociale (CAS). Lors de l'une des réunions du CAS, M. Guy-Olivier Segond, sous le chapitre des divers, a émis le voeu que les associations soient fédérées. Ce voeu est aujourd'hui transformé clairement en obligation puisqu'un délai est fixé aux associations d'ici au 15 juin prochain.

Or la demande du DASS n'a jamais été faite de manière formelle et n'émane que de la décision unilatérale du conseiller d'Etat. Le Grand Conseil n'a jamais été interpellé sur la question. Les associations concernées n'ont jamais été consultées par le DASS et elles se voient aujourd'hui imposer des obligations sous la menace de se voir supprimer leurs subventions. En outre, le délai fixé au 15 juin 1994, s'il est pertinent dans la perspective de l'établissement du budget 1995 de l'Etat, est totalement irréaliste appliqué au réseau complexe des associations.

D'autre part, il s'avère que le système des fédérations est à plusieurs égards critiquable car

- Aucun contrôle parlementaire ne pourra plus être effectué sur la question des subventions, les députés ne pouvant à l'avenir plus voter les subventions association par association, mais se contentant de voter une subvention globale pour chaque fédération.

- Le Grand Conseil n'aura dès lors plus la possibilité d'accorder ou non la subvention en fonction de l'efficacité et de l'utilité de chaque association. Le DASS enlève au Grand Conseil sa responsabilité politique pour la déléguer à une institution privée. En cas de désaccord sur les subventions, les associations ne pourront plus s'adresser au pouvoir politique mais pourraient être contraintes à se «faire la guerre» entre elles.

- Le projet du DASS figera totalement le paysage associatif puisque rien n'est prévu pour le subventionnement à accorder à de nouvelles associations ou aux nouveaux besoins d'associations existantes.

- Le DASS ne fournit aucune réponse quant à la question de savoir de quelle manière de nouvelles associations pourront faire partie d'une fédération ou comment la fédération devra distribuer une subvention en cas de nouveaux besoins d'une de ses associations, ou encore quelles seront les voies de recours en cas de désaccord.

- La hiérarchisation et la complication du système ne feront qu'engendrer des tâches administratives au détriment du travail social en faveur des usagers.

- Les suppressions d'emploi au sein des associations sont à terme inévitables. Elles se feront au détriment des travailleurs sociaux, donc des usagers, car les structures administratives des associations sont de toute façon très légères.

- La liberté d'association - droit constitutionnel - est gravement remise en cause.

Pour tous ces motifs, le projet du DASS ne peut être accepté sans débat et décision du Grand Conseil et sans consultation des intéressés.

La commission a commencé ses travaux après avoir pris connaissance de la motion signée par tous les partis à propos de la fédération des associations d'aide sociale subventionnées par le DASS (M 917), qui a été envoyée au Conseil d'Etat.

PROPOSITION DE MOTION

concernant la fédération des associations d'action sociale subventionnées par le DASS

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- qu'il existe à Genève une soixantaine d'associations d'action sociale, notamment subventionnées par le département de l'action sociale et de la santé et que ces associations remplissent un rôle indispensable et répondent à des besoins spécifiques que l'Etat et les communes ne sont pas à même d'assumer;

- que lors d'une réunion du Conseil de l'action sociale, M. Guy-Olivier Segond a émis le voeu que ces associations soient fédérées et que ce voeu semble transformé en obligation;

- que les associations concernées n'auraient, semble-t-il, pas été associées à la démarche par le département de l'action sociale et de la santé;

- que le Grand Conseil n'a jamais été saisi de la question et qu'il convient donc qu'il le soit par la présente motion,

invite le Conseil d'Etat

- à indiquer au Grand Conseil et aux associations quels sont ses intentions, ses buts et ses projets;

- à revoir le délai fixé au mois de juin 1994 pour la mise sur pied des fédérations et permettre ainsi au Grand Conseil d'être informé sur cette question.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il existe à Genève une soixantaine d'associations d'action sociale subventionnées par le département de l'action sociale et de la santé (DASS) et d'autres instances publiques et privées, telles que communes et fondations. Ces associations remplissent un rôle indispensable. Elles répondent à des besoins spécifiques que l'Etat n'est pas toujours à même d'assumer.

Leur action complémentaire des différentes interventions des services et institutions officiels n'est pas remise en question. Au contraire, leur souplesse, leur spécificité et leur diversité permettent précisément à ces associations de jouer un rôle dont l'utilité publique est totalement reconnue.

En 1993, le DASS a institué, sur la base d'un arrêté, une sorte de forum réunissant les acteurs du milieu social à Genève; il s'agit du Conseil de l'action sociale. C'est lors de l'une de ces réunions du CAS que M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat chargé du DASS, aurait émis le voeu que les associations soient fédérées.

En fait, cette idée n'est pas nouvelle. Elle était dans l'air depuis un certain temps et elle ne demandait qu'à se concrétiser. Par ailleurs, cette notion de fédération avait déjà été évoquée par certains commissaires des finances dans le cadre de l'étude du budget. Ce voeu a aujourd'hui été concrétisé puisqu'il est assorti d'un délai. Les associations sont invitées à se fédérer d'ici l'été prochain.

Dans la situation financière actuelle du canton de Genève, toute mesure de rationalisation propre à économiser les deniers publics doit être saluée. Or, le montant total des subventions accordées aux multiples associations - en l'état, une reconnaissance de leur activité - constitue un poste de dépenses important. La fédération envisagée permettrait sûrement une meilleure synergie des moyens engagés par ces différentes associations et leur structure.

Dans ce sens, la demande de la création de fédérations va vers une simplification des procédures. Plusieurs associations se sont alors étonnées de ne pas avoir été sollicitées de manière plus formelle, dont certaines, très importantes, n'ayant peu ou pas d'information car ne faisant pas partie du CAS.

La création de cette fédération semble donc impérative. Elle paraît même s'imposer d'elle-même. L'option politique de l'Etat doit transparaître dans cette volonté. La consultation à son sujet pourrait toutefois être plus claire et plus transparente. Le Grand Conseil devrait être informé de cette question; cette motion entend justement permettre au Conseil d'Etat d'apporter les précisions et explications requises. Plusieurs questions restent en suspens:

- quand et comment ont été consultées officiellement les associations?

- quels seront les critères appliqués à la création de ces fédérations?

- comment et par qui seront jugés les statuts de ces fédérations?

- comment s'effectuera le contrôle parlementaire sur ces subventions?

- comment le vote des subventions globales pour chaque fédération s'associe-t-il à une analyse et à une transparence souhaitable?

- comment seront analysées et contrôlées l'efficacité et l'utilité de chaque association?

- quelle restera la latitude du parlement d'accorder ou non une subvention?

- qui déterminera les critères de distribution des subventions?

- le comité directeur de la fédération concernée sera-t-il vraiment représentatif de la diversité des associations?

La création de ces différentes fédérations mérite d'être sérieusement étudiée. D'autres fédérations existent déjà, telles les cuisines scolaires ou les colonies de vacances. Ces modèles ont donné entière satisfaction. On s'inspirera vraisemblablement de ces structures anciennes et ayant fait leur preuve.

En vertu de ces différentes explications, nous vous serions reconnaissants, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accepter favorablement cette proposition de motion.

Saisie de la pétition, la commission des affaires sociales a siégé les 21 juin 1994, 28 juin 1994, 30 août 1994, 13 septembre 1994, 20 septembre 1994, 27 septembre 1994, 4 octobre 1994 et le 11 octobre 1994 et a procédé à de nombreuses auditions.

Auditions

Le 21 juin 1994, la commission a entendu les signataires de la pétition, soit Mmes Anne-Marie Bossy, Elisabeth Rod et Véronique Ducret, ainsi que M. Noël Constant.

Les pétitionnaires regrettent le flou dans lequel baigne l'opération de fédération des associations.

Elles ont besoin de clarté pour commencer leur réflexion et d'un mandat explicite quant à ce qu'exige le DASS.

Les associations sont nombreuses à Genève, et c'est grâce à leur diversité et à leur souplesse d'action qu'elles peuvent répondre aux besoins.

Elles craignent que les fédérations ralentissent la pertinence et la rapidité de leurs réponses aux attentes et soulignent que, d'une certaine manière, le Grand Conseil est lui aussi dépossédé d'une partie au moins de son pouvoir de contrôle et de distribution des deniers publics.

Les représentants des associations souhaitent que les pouvoirs publics, respectivement les députés, restent leurs partenaires, et affirment que les associations d'aide sociale ne peuvent être traitées de la même manière que celles qui ont été fédérées pour prendre en charge les soins à domicile ou les associations regroupées au sein de la Fédération genevoise de coopération et de développement

Les enjeux et les modes de faire sont différents, il convient donc de ne pas utiliser la même procédure.

Les signataires de la pétition déplorent que

- le mandat de mise en oeuvre de fédérations n'ait pas été donné de manière claire et formelle, avec un délai raisonnable pour réussir ce pari;

- de facto, la communication avec les pouvoirs publics et politiques devienne, à terme, inexistante;

- des conflits d'ordre financier et de gestion du personnel, lors de la répartition des subventions par les fédérations elles-mêmes, soient inévitables.

Les signataires demandent expressément

- qu'un mandat clair leur soit décerné;

- qu'un délai raisonnable leur soit accordé pour se fédérer;

- que les moyens de se fédérer soient mis à leur disposition, notamment en termes de conseil, d'appui logistique, juridique et financier;

- que l'idée de création de fédérations soit développée dans un sens qui ne revienne pas, simplement, à la création d'une plateforme de plus, mais conduise bien à la réalisation d'économies, de concentration d'énergies et de concertation en vue d'un meilleur soutien à donner aux usagers.

Les signataires veulent à tout prix éviter l'uniformisation néfaste qui aurait des effets pervers sur le paysage associatif : c'est du bouillonnement que naissent la créativité et l'adéquation entre demande et offre de prestations.

Le 28 juin 1994, la commission a reçu Mme Annette Kaplun, présidente de Foyer-Handicap, M. Robert Iselin, président de Clair-Bois, et M. Norbert Ayer, directeur de Clair-Bois.

De cette audition, il ressort clairement que:

- la richesse des associations provient de leurs forces vives et une fédération risquerait de les étouffer;

- des structures de gestion pyramidales pourraient s'avérer paralysantes;

- il est essentiel que les associations, individuellement, puissent maintenir et développer les contacts avec les autorités politiques et le DASS;

- l'aspect positif de la création de fédérations réside dans la mise en commun de savoir-faire et la possibilité de réaliser des économies d'échelle;

- le regroupement des associations en fédération pourra être difficile si les buts poursuivis ne s'inscrivent pas dans le même champ d'activités;

- toutes les associations subventionnées assurent une partie souvent importante de leur budget; elles sont conscientes des difficultés financières dans lesquelles se trouve l'état, et sont prêtes à faire des économies. Pour ces mêmes raisons, les associations souhaitent que le DASS continue à répartir les subventions, de telle sorte que ne survienne aucune dissenssion d'ordre financier entre les associations et les fédérations;

- il est enfin indispensable que les fédérations prennent en compte l'élément dynamique que constitue la création de nouvelles associations et restent ouvertes à leur accueil en leur sein.

Le 28 juin 1994, la commission a reçu M. Jean Grob, directeur de Caritas, M. Dominique Lang, directeur du Centre social protestant, et M. Alain Riesen, responsable d'Arcade 84.

Le texte qui figure ci-dessous explique la démarche entreprise par les associations d'aide sociale de type confessionnel et a été remis à la commission par M. D. Lang:

 «Lors de la séance du Conseil de l'action sociale du 27 janvier 1994, le chef du DASS a invité les associations privées « à trouver les regroupements adéquats dans un délai permettant la concrétisation de cette volonté pour le budget 1995».

 M. Segond disait «répondre à un voeu du Grand Conseil (commission des finances) et mettre fin à l'atomisation des subventions au profit d'enveloppes générales définies par domaines d'activités». Il fixait, en outre, un délai au 15 juin 1994 pour la constitution des différentes fédérations.

 Sans faire un procès d'intention à M. Segond, je dois reconnaître que cette décision nous a été communiquée dans des circonstances inhabituelles : dans la partie « divers » d'une séance. Comme vous le savez bien, cette annonce a créé surprise, mauvaise humeur, hélas, opposition.

 Mais très vite, l'Armée du Salut, Caritas et le CSP ont décidé de leur côté de se mettre au travail et de jeter les bases d'une fédération prenant appui sur les thèmes de la polyvalence et de la proximité. Nous avons fait l'hypothèse, qu'indépendamment de préoccupations liées aux conditions d'attribution des subventions, l'idée de créer une fédération pouvait être mobilisatrice.

 Nous avons estimé qu'elle pouvait, par ces temps incertains, constituer un lieu de coordination, de partage de l'information, de réflexion sur les priorités, de l'expression d'une solidarité commune des spécificités du secteur privé.

 Aux trois institutions qui ont donné l'impulsion de départ sont rapidement venues s'ajouter plusieurs autres associations. A ce jour, nous sommes quelque quinze (..). Il semble que d'autres partenaires soient encore intéressés.

 Des projets de statuts sont en voie d'élaboration et seront soumis à nos comités respectifs en septembre. Ils comprennent, notamment, un certain nombre de buts. Mais, tout bien pesé, nous n'avons inclus dans ces buts aucun article se référant explicitement aux conditions d'attribution et/ou de répartition des subventions publiques.

 Mon collègue Jean Grob et moi-même ne sommes pas mandatés par les membres de notre fédération, même si nous sommes ici en plein accord avec l'actuelle coordinatrice du groupe, Mlle Danielle Kleinmann. Nous ne pouvons donc nous exprimer qu'à titre personnel.

 Je dirais donc pour conclure ceci, qui n'engage que le Centre social protestant:

1. On peut émettre des réserves sur la manière par laquelle les associations privées ont été informées par le chef du DASS en ce qui concerne la création de fédérations.

2. L'aspect positif de la démarche consiste dans l'obligation où elle place les associations privées de mieux se concerter, d'étudier ensemble les questions d'intérêt commun, et aussi de créer un « lobby ».

3. Nous attendons maintenant que M. Segond confirme et précise sa demande, notamment par rapport au rôle qu'il voudrait voir jouer aux associations privées en voie de regroupement, compte tenu de la nouvelle donne politique.

4. Nous ne voyons pas comment le parlement peut être déssaisi de sa compétence d'attribution et de contrôle des subventions. La politique dite du « versement d'enveloppes » aux fédérations nous paraît problématique. »

M. Alain Riesen, d'Arcade 84, participe en ce moment à un effort de regroupement, et donne son point de vue personnel.

Le processus de regroupement a commencé par la mise en oeuvre de plusieurs fédérations. Mais il faut donner assez de temps aux associations qui, si elles connaissent très bien leur travail sur le terrain, n'ont pas l'habitude d'agir dans de grandes organisations structurées.

Des associations en regroupement ont envoyé un message au DASS pour l'aviser qu'elles se mettaient au travail, mais demandaient des lignes directrices et, plus spécifiquement, quelle serait la politique de subventionnement de ces nouvelles structures, soulignant le fait que, si chaque fédération recevait une enveloppe globale, la répartition des fonds pourrait créer problème.

Une dizaine d'associations sont prêtes à se fédérer, mais il est encore trop tôt pour en donner la liste, les critères qui les poussent à se fédérer sont d'ordre éthique et se réfèrent aux types de prestations assurées, ce qui rend l'opération complexe.

Le DASS ne donne aucune précision quant à sa position à l'égard de certaines associations qui ne pourraient (par exemple la Croix Rouge) ou ne voudraient pas se fédérer.

De manière générale, les personnes auditionnées s'accordent pour dire que l'importance des associations ne se mesure pas seulement au montant des subventions qui leur sont accordées, que la structure à mettre en place doit correspondre au type d'actions que mènent les associations qui se fédèrent, qu'un plan comptable cadre est tout à fait envisageable et que l'évaluation des activités des associations n'appartient pas aux fédérations, mais bien au Conseil de l'action sociale et du Conseil de la santé.

Le 13 septembre 1994, la commission a auditionné M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat.

M. Segond fait part de sa position quant au projet de regroupement des associations subventionnées en fédérations. Il explique que les difficultés budgétaires liées aux déficits de fonctionnement ont occasionné des emprunts, et donc des dettes dont le montant est plus important que celui de l'ensemble des subventions. Celles-ci se divisent en deux groupes : d'une part, les allocations diverses à des personnes physiques et, d'autre part, les subventions attribuées aux associations actives dans le domaine social, et de manière plus marginale, dans celui de la santé. M. Segond reconnaît la complémentarité et la relative bonne harmonie des secteur public et privé, ce dernier ayant l'avantage de la souplesse, de l'individualisation et de la créativité. Evoquant les années post-68, il constate qu'à cette période de haute conjoncture de nombreuses initiatives privées ont vu le jour, mais que ce foisonnement n'était pas forcément accompagné d'une volonté de coordination et de complémentarité. Avec le retournement de la conjoncture, un double défi s'impose, à savoir un accroissement des besoins et une diminution des moyens financiers. Il y a ainsi nécessité d'une organisation plus efficace, puisque l'on ne peut compter sur une augmentation des moyens financiers. D'où la réflexion sur les possibilités de fédération par fonctionnement spécifique. D'abord proposée, puis progressivement fermement imposée, cette réflexion a suscité des échos divers.

Pourquoi cette idée ? Elle part du constat qu'il existe déjà de nombreuses fédérations dans le domaine de l'action sociale (ex: restaurants scolaires, colonies de vacances, Fédération genevoise de coopération et de développement, Fédération des centres de loisirs, Clubs des aînés, Petite enfance), chacune étant représentée par un seul interlocuteur. Quant à celles qui ne sont pas fédérées, M. Segond leur reproche de nombreuses dépenses inutiles de gestion, chacune ayant son secrétariat, ses locaux, voire son centre de documentation, alors que les frais pourraient être partagés. Outre l'aspect financier, dans de nombreux cas, les associations gagneraient en accessibilité si elles se fédéraient (ex: heures d'ouvertures). Selon M. Segond, ce n'est pas à l'Etat d'obliger les associations à se fédérer, à moins que celles-ci ne dépendent que de subventions. Il ne s'agit pas non plus de regrouper toutes les associations en une seule fédération.

M. Segond estime avoir reçu entre un tiers et une moitié de réponses positives d'associations en cours de fédération. Il rappelle la nécessité des discussions entre associations pour découvrir et ainsi éviter les doubles emplois. Citant en exemple le Service d'Aide à Domicile, il rappelle que celui-ci était composé de « petites chapelles », chacune ayant ses statuts, son découpage géographique, ses horaires et ses tarifs. En se regroupant, l'AMAF et le SAF, ont abouti (en 5 ans) à une expérience positive. Cette expérience justifie, selon M. Segond, la démarche imposée aux associations subventionnées. Il affirme que certaines associations se complaisent dans un certain brouillard et que leurs dysfonctionnements sont photodégradables....Il rappelle que le but de la fédération est de permettre la discussion entre associations quant à l'attribution des montants. Il s'agit en conséquence d'adopter une attitude adulte et responsable.

Enfin, M. Segond précise qu'il souhaite n'intervenir pour la distribution des subventions que dans le cas où les associations ne parviendraient pas à se mettre d'accord, afin d'éviter d'entrer dans les détails de gestion de ces associations. Prenant l'exemple du CSP dont le montant de la subvention ne s'élève qu'à 5 % du budget, il se demande de quel droit l'Etat se permettrait d'intervenir. Il rappelle également que si l'on souhaite un secteur privé adulte et indépendant, il est nécessaire qu'il prenne la décision d'entrer en matière. Quant à la question du contrôle par le Grand Conseil et du Conseil d'Etat sur l'attribution des subventions, l'expérience montre qu'il n'y a pas de problème à ce niveau-là.

Discussion

La commission a été accompagnée dans ses travaux par M. Albert Rodrik, chef de cabinet au DASS, et Jean-Pierre Rageth, directeur de l'action sociale au DASS.

Il est opportun, à ce stade, de donner un bref rappel des faits.

Le 17 novembre 1992, la Maison de quartier de la Jonction -dans le cadre d'une semaine dédiée à la situation sociale- a convié les acteurs du champ social à dialoguer avec M. Segond. Ce dernier a expliqué aux représentants des associations subventionnées, la nécessité qu'il y avait à ce qu'elles se regroupent en fédérations. Le message était clair. Il fallait que les associations se préparent à temps à ce regroupement. M. Segond a insisté en disant aux associations « Organisez-vous librement, mais organisez-vous ». Le 27 janvier 1994, ce message a été repris tel quel au Conseil de l'Action sociale en précisant qu'il s'agissait de relever un défi, qu'il fallait s'organiser pour traverser la tempête.

Depuis 1980, M. Rodrik ne cesse d'encourager toutes les personnes qui travaillent dans les associations car même les petites associations sont d'une extrême utilité, d'autant plus qu'elles oeuvrent avec des travailleurs sociaux chevronnés. Mais le DASS est en droit de demander des budgets et des comptes fiables. C'est pourquoi il est exigé que ces associations s'organisent entre elles, en fonction de leurs affinités et de leur déontologie. Le système des fédérations n'entravera personne, car il répond aux exigences que pose la situation financière de l'état et favorise les effets de synergie qui en résulteront nécessairement.

La pétition le montre, c'est moins le fond que la forme qui inquiète les associations appelées à se fédérer.

Faire plus et plus juste avec autant ou moins de fonds peut-être, tel est bien l'objectif des fédérations, objectif visé aussi par les associations d'aide sociale

Il s'agit dès lors de trouver des solutions aux questions que se posent les associations en relation avec

- la définition du mandat et le délai de réalisation;

- les objectifs à poursuivre par les fédérations;

- l'organisation de ces dernières;

- le système controversé des enveloppes;

- la répartition des subventions et l'introduction d'un plan comptable-cadre;

- l'accueil de nouvelles associations au sein des fédérations;

- l'évaluation des actions menées par les fédérations.

Pour toutes ces raisons, fondées sur les inquiétudes manifestées par les pétitionnaires et par les personnes auditionnées, la commission, sur proposition de Mme Micheline Calmy-Rey, députée, décide, à l'unanimité de ses membres, d'élaborer la motion dont le texte figure ci-dessous, et recommande le dépôt de la pétition à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil.

Cette recommandation a été acceptée à l'unanimité moins 1 abstention.

Motion concernant la pétition 1037

Le Grand Conseil considérant

- qu'il y a lieu aujourd'hui que les associations actives dans le domaine social se concertent plus souvent et envisagent des actions communes;

- qu'un regroupement d'associations présentant des préoccupations et des intérêts communs est opportun et doit être réalisé dans le courant de la présente législature;

invite le Conseil d'Etat

1. à favoriser la création de fédérations d'associations sur une base volontaire, avec des statuts cadres, ouvertes à l'accueil de nouveaux membres, dans le but de développer une concertation et des actions communes;

2. à demander à chaque fédération d'exposer au Conseil d'Etat, tous les quatre ans, l'inventaire des besoins qu'elle identifie dans ses champs d'activités, et les moyens dont elle devrait disposer pour y faire face;

3. à soumettre au Grand Conseil, au début de chaque législature, les objectifs de politique sociale du gouvernement dans les domaines couverts par les activités des diverses associations, et à lui faire un rapport annuellement sur leur réalisation dans le cadre des comptes rendus;

4. à proposer aux diverses associations un plan comptable unique;

5. à inscrire au budget de l'Etat la présentation regroupée des subventions des associations dans une même enveloppe, contenant néanmoins de manière détaillée toutes les subventions accordées pour chaque association;

6. à préparer les estimations internes des rubriques budgétaires pour les diverses associations et à répartir les subventions à ces dernières;

7. à ne pas modifier le processus d'attribution des subventions aux associations sans une évaluation de la réalité et du bon fonctionnement des fédérations constituées.

Motion élaborée et adoptée par la commission des affaires sociales, le 11 octobre 1994, signée par Mmes et MM. Janine Berberat, Micheline Calmy-Rey, Claire Chalut, Anne Chevalley, Claude Howald, Gabrielle Maulini-Dreyfus, Geneviève Mottet-Durand, Evelyne Strubin, Roger Beer, Pierre-Alain Champod, Bernard Clerc, John Dupraz, Pierre Marti, Philippe Schaller, Olivier Vaucher.

Cette motion prévoit que les associations pourront, sur base volontaire et dans un délai de 12 à 18 mois, s'organiser en fédérations, sur la base de statuts-cadre qui pourraient être proposés par le DASS, si nécessaire.

Les regroupements en fédérations par la mise en place d'organisations fonctionnelles permettront de rationaliser tout ce qui doit l'être (par exemple locaux, permanences, accueil...) et de favoriser les échanges et la concertation.Il s'agit bien pour les associations fédérées d'utiliser les subventions pour les actions qu'elles conduisent sur le terrain en premier lieu, et de ne consacrer à la gestion que la part absolument nécessaire.Il leur faudra donc apprendre à faire encore plus juste ensemble, pour mieux affronter le gros temps !

Les fédérations, constituées sur base volontaire aussi bien en ce qui concerne l'adhésion des associations à la fédération de leur choix qu'à leur volonté de se fédérer, sans limitation du nombre de leurs membres et selon des statuts-cadre, garderont le contact qu'elles apprécient avec le pouvoir politique, puisqu'elles devront leur soumettre, tous les 4 ans, l'inventaire des nouveaux besoins que les associations membres identifient sur le terrain.

Le Grand Conseil se verra soumettre par le DASS, au début de chaque législature, les objectifs de politique sociale poursuivis et pourra juger de la pertinence des actions menées lors des comptes-rendus, chaque année.

Cette opération sera facilitée par le fait qu'un plan comptable unique sera utilisé par les associations dont les subventions seront regroupées dans une même enveloppe inscrite au budget de l'Etat.

Jusqu'à la fin de la législature, date à laquelle est prévue une évaluation de la réalité et du bon fonctionnement des fédérations, le DASS continuera à préparer les estimations internes des rubriques budgétaires pour les diverses associations et à répartir les subventions à ces dernières.

L'évaluation qui aura lieu à la fin de la présente période législative, devra montrer que le processus de fédération des associations s'est déroulé selon les termes prévus dans la motion élaborée par la commission des affaires sociales pour la période transitoire, et que l'objectif visé a été atteint, soit la mise en réseau des associations d'aide sociale sur la base de la concertation, de la mise en commun des énergies, de la meilleure utilisation des forces et des deniers publics, et enfin de l'autonomisation des associations fédérées en termes de gestion des subventions.

C'est pour toutes ces raisons que, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de réserver bon accueil au présent rapport, et d'accepter la motion élaborée par la commission des affaires sociales, en déposant la pétition 1037 sur le bureau du Grand Conseil pour information.

Débat

Mme Claude Howald (L), rapporteuse. J'ai une petite correction de forme à la page 14, avant-dernier paragraphe. Il s'agit de lire :

«décide, à l'unanimité de ses membres, d'élaborer la motion dont le texte figure ci-dessous et recommande le dépôt de la pétition à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil.».

Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). J'aimerais ajouter au rapport deux sortes de commentaires : d'une part, des considérations générales, et, d'autre part, rappeler quelques points de la discussion de la commission qui ne figurent pas au rapport, par ailleurs excellent.

Le groupe des verts se réjouit de l'issue des travaux de la commission. Les travaux ont en effet permis d'honorer l'apport qualitatif et la pertinence du monde associatif. En effet, les nombreuses associations à l'oeuvre dans le secteur social jouent un rôle important dans la formation de la conscience sociale et la régulation des demandes ou des besoins. Par leur taille, leur souplesse et leur proximité, elles jouent un rôle important de détection sociale de laboratoire et d'expérimentation sociale. Les associations sont un outil de démocratie et de participation de la société civile. Enfin, elles servent de médiation entre les solidarités privés et les solidarités publiques. Elles ont, dès lors, avec l'Etat des relations de complémentarité, soit que l'Etat leur délègue explicitement des tâches d'intérêts publics, soit que l'Etat leur reconnaisse un rôle d'utilité publique.

La commission des affaires sociales est largement entrée en matière sur l'injonction du département, invitant les associations à se fédérer. Soulignons au passage que l'absence de critère directif du département pour la constitution des fédérations s'est révélée positive de l'avis d'un certain nombre de représentants d'associations auditionnées. Leur spécificité et leur autonomie étant des éléments de base de leur performance, les associations ont d'abord craint que le concept de fédération ne mette en cause leur identité, leur capacité d'innovation, leur mode de savoir-faire et leur représentation auprès des autorités publiques, responsables d'une part plus ou moins importante de leur subventionnement.

La motion rédigée par la commission des affaires sociales prend en compte la complexité du monde associatif par la proposition d'un délai et par la proposition d'une évaluation du fonctionnement desdites fédérations. Sur le fond, le ralliement de la commission en concept de fédération suit l'hypothèse selon laquelle la coopération entre associations est susceptible non seulement d'améliorer pour chacun les moyens dont il dispose, mais encore de renforcer leur audience auprès des différents interlocuteurs dont l'Etat.

La proposition de motion les invite donc à élaborer une politique associative, à faire l'inventaire des besoins, que les associations fédérées identifient dans leurs champs d'activités et les moyens dont elles devraient disposer pour y faire face. En définitive, il s'agit de mettre toujours mieux en évidence la place qu'elles occupent dans l'action sociale. Cette perspective permet de situer la négociation avec l'Etat en dehors de toute attitude arbitraire, ce d'autant plus que la même motion invite le Conseil d'Etat à présenter ses objectifs de politique sociale au début de chaque législature.

Concernant le financement par enveloppe budgétaire, le consensus s'est établi autour d'une progressivité dans la coopération assortie d'évaluation du fonctionnement des futures fédérations. Le contrôle parlementaire est maintenu en matière de subventions par le biais des lignes budgétaires, en détail des enveloppes prévues. En vertu de ce qui précède, le contrôle parlementaire est également maintenu quant au fond. Les évaluations prévues ne devraient cependant pas être le fait des services publics uniquement afin de ne pas devenir des contrôles purement administratifs.

J'en viens aux remarques particulières sur certains points discutés en commission et que je désire voir figurer dans le commentaire sur le présent rapport. Le chef du département a précisé à la commission des affaires sociales :

1. Que le fait de se fédérer n'était pas une condition de subventionnement, arguant pour cela que les avantages pour les associations elles-mêmes devraient être assez persuasifs.

2. Que la création de nouvelles associations devrait suivre la voie traditionnelle de leur reconnaissance, à savoir la présentation au Grand Conseil d'un projet de loi dont le financement émarge au droit des pauvres. Que, pour le surplus, les statuts des associations doivent prévoir l'accueil d'autres associations.

Pour terminer, disons que la commission a jugé utile de réserver toute possibilité de rapports directs entre une association particulière et le Conseil d'Etat au profit de l'un ou de l'autre quand la nécessité existe.

Mme Nelly Guichard (PDC). Le groupe démocrate-chrétien est très satisfait des conclusions de la commission des affaires sociales aboutissant à la proposition de motion 952. En effet, nous nous sommes immédiatement mobilisés dès l'annonce non officielle, en février 1994, par M. Segond, de l'obligation faite aux associations caritatives subventionnées de se fédérer au plus tard le 15 juin 1994, sans que le but, le cadre et les lignes directrices aient été toutefois indiqués.

Ce délai, beaucoup trop court, nous a mis dans l'obligation, avec d'autres parties et associations concernées, de déposer sur le bureau du Grand Conseil une motion, une pétition et d'envoyer des lettres aux commissions afin de prolonger le délai de mise en place des fédérations après un travail sérieux entre les diverses associations. Le groupe DC est d'accord avec la création de fédération dans l'esprit d'une collaboration et d'une concertation pour une action sociale plus efficace et dans la recherche d'économies de fonctionnement.

Cependant, nous insistons sur les invites au Conseil d'Etat de la motion proposée par la commission sociale, car elle demande très précisément une meilleure réflexion et interaction avec les associations subventionnées, afin que la constitution de fédération ne soit pas un frein au bénévolat et à l'aide sociale, mais dynamise, encore plus, la complémentarité et la subsidiarité de l'aide publique et privée. Nous vous invitons donc à voter cette motion.

P 1037-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission des affaires sociales (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

M 952

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

MOTION

concernant la pétition 1037

(regroupement des associations subventionnées en fédérations)

Le Grand Conseil considérant

- qu'il y a lieu aujourd'hui que les associations actives dans le domaine social se concertent plus souvent et envisagent des actions communes;

- qu'un regroupement d'associations présentant des préoccupations et des intérêts communs est opportun et doit être réalisé dans le courant de la présente législature;

invite le Conseil d'Etat

1. à favoriser la création de fédérations d'associations sur une base volontaire, avec des statuts cadres, ouvertes à l'accueil de nouveaux membres, dans le but de développer une concertation et des actions communes;

2. à demander à chaque fédération d'exposer au Conseil d'Etat, tous les quatre ans, l'inventaire des besoins qu'elle identifie dans ses champs d'activités, et les moyens dont elle devrait disposer pour y faire face;

3. à soumettre au Grand Conseil, au début de chaque législature, les objectifs de politique sociale du gouvernement dans les domaines couverts par les activités des diverses associations, et à lui faire un rapport annuellement sur leur réalisation dans le cadre des comptes rendus;

4. à proposer aux diverses associations un plan comptable unique;

5. à inscrire au budget de l'Etat la présentation regroupée des subventions des associations dans une même enveloppe, contenant néanmoins de manière détaillée toutes les subventions accordées pour chaque association;

6. à préparer les estimations internes des rubriques budgétaires pour les diverses associations et à répartir les subventions à ces dernières;

7. à ne pas modifier le processus d'attribution des subventions aux associations sans une évaluation de la réalité et du bon fonctionnement des fédérations constituées.