République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1021-A
8. a) Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la pétition «Assurance-maladie : non aux abus !» ( -)P1021
Rapport de M. Pierre-Alain Champod (S), commission des affaires sociales
M 950
b) Proposition de motion de Mmes et MM. Roger Beer, Pierre-Alain Champod, Anne Chevalley, Bernard Clerc, John Dupraz, Claude Howald, Pierre Marti, Michèle Mascherpa, Gabrielle Maulini-Dreyfus, Geneviève Mottet-Durand, Philippe Schaller, Evelyne Strubin, Claire Torracinta-Pache, Olivier Vaucher et Claire Chalut concernant l'assurance-maladie. ( )M950

La commission des pétitions a renvoyé à la commission des affaires sociales la pétition de l'Association suisse de défense des usagers en assurances sociales (ci-après ASSUAS) intitulée «assurances-maladie: Non aux abus» (voir annexe I) signées par plus de 4 000 personnes.

Sous la présidence de M. Pierre-Alain Champod, député, la commission des affaires sociales a étudié cette pétition lors des séances du 1er mars, 7 et 21 juin 1994.

Les commissaires ont pu bénéficier des informations de MM. Albert Rodrik, chef de cabinet au département de l'action sociale et de la santé (DASS), Robert Duquenne, directeur des affaires médico-sociales au DASS, et de Pierre Roncati, chef du service de l'assurance-maladie au DASS.

Audition des pétitionnaires

Le 1er mars, nous avons reçu trois représentants de l'ASSUAS:Mme Marianne Bovay, Mme Claude Fontaine et M. Gérald Margueron. Ils nous ont signalé que l'ASSUAS avait été créée en automne 1992 et que cette association s'occupait de toutes questions relevant des assurances sociales et en particulier de l'assurance-maladie.

L'ASSUAS a réagi aux importantes hausses des cotisations de l'assurance-maladie en faisant plus de 300 recours (pas encore jugés au moment de l'audition) et en déposant la présente pétition. Les hausses ont concerné essentiellement des personnes relativement jeunes ayant des charges de famille. Ils nous ont donné des exemples de budgets familiaux dans lesquels les cotisations d'assurances représentent une charge très importante eu égard aux revenus, en particulier dans des familles où il n'y a qu'un salaire. De plus, les pétitionnaires estiment que les limites de revenus permettant de bénéficier d'un subside de l'Etat sont fixées à un niveau trop bas pour soulager le budget des familles et des personnes à revenu modeste.

L'ASSUAS estime également que les caisses-maladie font des bénéfices indécents (66 millions en 1991) et qu'elles font des dépenses contraire à l'article 28 de la LAMA qui précise que les recettes sont exclusivement destinées à financer des prestations. Les pétitionnaires considèrent que les caisses-maladie ne devraient pas investir de l'argent dans la publicité et la sponsorisation de manifestations sportives.

Pour les pétitionnaires, les pouvoirs publics n'effectuent pas suffisamment de contrôle sur les comptes des caisses. L'ASSUAS estime qu'au niveau fédéral l'OFAS manque de moyens et de volonté politique pour exercer une surveillance réelle sur la comptabilité des caisses. Elle considère que les autorités cantonales n'ont pas non plus les moyens de faire les contrôles nécessaires. Les pétitionnaires souhaitaient plus de transparence dans les comptes des assurances-maladie.

Enfin, l'ASSUAS confirme qu'elle maintient la totalité des reven-dications formulées dans sa pétition.

Travaux de la commission

Les commissaires ont commencé par entendre les explications du département données avec beaucoup de détails par MM. Duquenne et Roncati. Ces derniers ont fourni à la commission de nombreux documents chiffrés sur les comptes des assurances et décrit les contrôles qu'ils effectuaient. Ils ont également rappelé que la comptabilité des caisses était vérifiée par des fiduciaires. Enfin, le service de l'assurance-maladie peut prendre des sanctions contre les caisses-maladie, la plus grave étant l'interdiction de pratiquer sur le canton. Ces dernières années le service de l'assurance-maladie a eu des conflits avec quelques caisses qui ne respectaient pas certains articles de la loi sur l'assurance-maladie (dépassement du montant de la cotisation maximum, etc.) dont la presse s'est fait l'écho.

Le département a également dû intervenir pour obliger une caisse d'accepter les mauvais risques (conformément à la nouvelle législation genevoise) et à avoir une agence sur Genève à même de répondre de manière satisfaisante aux questions des assurés. L'intervention du département a eu pour conséquence une augmentation des cotisations qui était particulièrement basse. Cette caisse avait pratiqué pendant de nombreuses années la «chasse aux bons risques».

Au vu des documents et des explications fournies, les commissaires ont été convaincus que les contrôles étaient correctement effectués, compte tenu des moyens disponibles. En aucun cas on peut parler de laxisme de la part des services du département. De plus, les questions de contrôle soulevées par les pétitionnaires relèvent, pour l'essentiel, du droit fédéral et sont appliquées par l'Office des assurances sociales (OFAS).

En ce qui concerne le bénéfice de 66 millions cité par l'ASSUAS, il est important en valeur absolue, mais rapporté aux 6 millions d'assurés en Suisse, il ne représente plus que 11 F par assuré, soit moins de 1 F par assuré et par mois. A ce sujet il convient de rappeler que l'assurance de base est gérée selon les principes de la mutualité et qu'elle ne peut générer des bénéfices. Le montant de 66 millions est en fait un excédent de recettes qui est réinvesti et non distribué aux actionnaires. Le fait que les compagnies d'assurances gèrent à la fois l'assurance de base selon les principes mutualistes réglementés par la LAMA et des assurances complémentaires qui sont entièrement privées et qui ont pour objectif de générer du profit, ne simplifie pas la compréhension des mécanismes financiers, ni l'analyse des comptes. En effet, il n'est pas aisé de déterminer dans les frais administratifs (loyer, téléphone, etc.) la part qui relève de l'assurance de base et celle qui relève des assurances complémentaires. M. Roncati a expliqué que des pourcentages avaient été fixés pour répartir les frais généraux entre l'assurance de base et les complémentaires.

Le deuxième aspect des questions des pétitionnaires concerne l'attribution des subsides aux familles et aux personnes à revenu modeste. Ces subsides, versés directement aux assurances, sont destinés à abaisser le montant des cotisations de 45 F ou de 35 F par mois selon le revenu de l'assuré. Il faut rappeler que les hausses importantes des cotisations enregistrées ses 10 dernières années ne sont pas liées à la seule augmentation des coûts de la santé, mais à la diminution du financement public de l'assurance-maladie. La Confédération a, depuis plusieurs années, limité ses subventions, et, ces dernières années, à deux reprises la majorité du parlement cantonal a diminué le montant des subventions versées aux assurances-maladie.

Un des objectifs de la loi cantonale sur l'assurance-maladie votée en 1992 et entrée en vigueur en 1993 était d'inverser la proportion entre les subventions et les subsides. Ces derniers représentaient jusqu'en 1992 le30 % du total de l'aide accordée. A partir de 1993, ils devaient représenter le 70%. Cet objectif n'est pas atteint (voir les graphiques remis par le service de l'assurance-maladie - annexe 2 et 3). En 1993, les subsides représentaient que le 34,7% des sommes consacrées à l'assurance-maladie.

Les subsides sont versés aux assurés dont le revenu déterminant (il s'agit du revenu imposable) ne dépasse pas 21 000 F pour une personne seule. Ce montant est augmenté en fonction des charges de famille (voir copie des articles 20 et 21 du règlement actuel - annexe 4). Ce montant est extrêmement bas; de plus pour bénéficier du subside, l'assuré doit envoyer à son assurance-maladie l'attestation qui lui est adressée par l'administration fiscale. La pratique montre que de nombreux assurés n'effectuent pas cette démarche. Certains ne maîtrisant pas suffisamment le français pour comprendre les directives, d'autres, par négligence ou par incompréhension des processus administratifs. Rappelons également que les bénéficiaires de l'OCPA n'ont pas droit aux subsides. En effet, la cotisation d'assurance-maladie est prise en compte dans le calcul du montant de la prestation complémentaire et comme cette dernière est également versée par l'Etat, on évite ainsi que deux services de l'Etat verse une prestation différente à une personne pour le même objet.

Le département a annoncé que dès 1995 des changements allaient intervenir au niveau fédéral liés à l'adoption de la TVA dont une partie est destinée aux versements de subsides aux assurés. Ces montants seront versés au canton.

Depuis la discussion en commission sur cette pétition, des changements sont également en cours au niveau cantonal. Dans le projet de budget 1995, le Conseil d'Etat a prévu une augmentation de 24 millions des subsides versés aux assurés (cette rubrique passe de 20 à 44 millions) et les subventions aux assurances passent de 34,5 millions à 30 millions, soit une diminution de4 millions. Cette augmentation globale de 20 millions est financée par l'augmentation des prestations de la Confédération mentionnée ci-dessus. Compte tenu de l'augmentation des montants attribués aux subsides prévue pour 1995, le Conseil d'Etat a modifié l'article du règlement qui fixe les conditions d'octrois des subsides (copie de la Feuille d'avis officielle du12 octobre 1994 - annexe 5). La mise en oeuvre est liée à l'adoption du budget.

Finalement, la commission a estimé que les questions posées par les pétitionnaires étaient intéressantes, toutefois, étant donné que plusieurs des invites des pétitionnaires sont de la compétence de la Confédération et qu'une partie importante de la commission ne pouvait souscrire à la manière dont étaient formulés les arguments et les demandes des pétitionnaires, la commission a décidé à l'unanimité de rédiger une motion reprenant une partie des souhaits des pétitionnaires.

Cette motion comporte deux invites. La première concerne le contrôle des comptes et des assurances effectué par le service de l'assurance-maladie, il ne s'agit pas de critiquer ce qui est fait, mais au contraire de montrer qu'il y a une volonté politique du Grand Conseil pour que ce service poursuive ses contrôles sur les caisses-maladie. Il en va du bon usage de l'argent public. La seconde invite demande au Conseil d'Etat de modifier les critères d'attributions des subsides pour prendre en compte la situation des familles.

Malgré la modification du règlement introduite en octobre 1994, la deuxième invite reste valable; en effet il faudra attendre l'application de ces nouvelles régles pour évaluer leurs incidences réelles sur les familles à revenu modeste.

Conclusions

Compte tenu de ce qui précède, c'est à l'unanimité que la commission des affaires sociales vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter le dépôt de la pétition de l'ASSUAS sur le bureau du Grand Conseil et à renvoyer au Conseil d'Etat la motion ci-jointe, dont le présent rapport constitue l'exposé des motifs.

ANNEXE 1

Secrétariat du Grand Conseil

Dépôt: 21 janvier 1994

P 1021

PÉTITION

Assurances-maladie: Non aux abus!

Considérant que:

- les hausses de cotisations d'assurance-maladie sont insupportables, d'autant qu'elles s'accompagnent d'une baisse des prestations;

- beaucoup d'assurés sont mis en difficulté;

- les caisses-maladie continuent à réaliser des bénéfices indécents s'élevant à 66 millions en 1991 selon l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), ce qui est contraire à la loi;

- que les caisses-maladie dilapident les fonds des assurés dans le sponsoring ou qu'elles les attribuent à de mystérieuses réserves, par exemple;

Nous demandons:

1. la transparence dans les comptes des caisses-maladie;

2. un contrôle beaucoup plus sévère des comptabilités;

3. une utilisation des ressources des caisses conforme à la loi;

4. une baisse des cotisations étant donné la fortune et les bénéfices réalisés par les caisses.

N.B.: 4032 signatures

M. .

ASSUAS

Case postale 1911

1227 Carouge

ANNEXE 2

ANNEXE 3

ANNEXE 4

ANNEXE 5

P 1021-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission des affaires sociales (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.

M 950

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

MOTION

concernant l'assurance-maladie

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- les hausses des cotisations d'assurance-maladie, notamment pour les familles avec plusieurs enfants;

- l'important travail déjà effectué par le service de l'assurance-maladie dans l'examen des comptes d'assurance-maladie;

- que les données recueillies permettent de mieux évaluer la qualité de la gestion des caisses;

- que d'importantes modifications concernant les subventions fédérales interviendront prochainement, suite à l'introduction de la TVA,

invite le Conseil d'Etat

- à poursuivre des contrôles approfondis des comptes des caisses d'assurance-maladie;

- à étudier de nouveaux barèmes d'attribution des subsides plus favorables aux familles à revenu modeste.