République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12844-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur le convoyage et la surveillance des détenus hors des établissements pénitentiaires (LCSD) (F 1 51)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 27 et 28 janvier 2022.
Rapport de majorité de M. Sandro Pistis (MCG)
Rapport de minorité de M. Pierre Bayenet (EAG)

Premier débat

La présidente. Mesdames et Messieurs, le prochain point figurant à l'ordre du jour est le PL 12844-A dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Comme le groupe Ensemble à Gauche ne fait plus partie de ce Grand Conseil, le rapport de minorité de M. Pierre Bayenet ne sera pas présenté. Par ailleurs, le Conseil d'Etat a eu la gentillesse de déposer un amendement à la dernière minute; honnêtement, je n'en ai pas encore compris la teneur, mais vous avez dû le recevoir par courrier électronique. Nous allons d'abord laisser le rapporteur de majorité s'exprimer, et peut-être qu'après, M. Maudet pourra nous expliquer cet amendement. Monsieur Sandro Pistis, c'est à vous.

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi vise à reporter la date à laquelle l'ensemble des convoyeurs de détenus devront être formés afin de remplacer les agents privés qui, à l'époque, effectuaient le transport des détenus.

Pour mémoire, dans les années 2015-2019, la discussion avait porté sur l'internalisation du convoyage de détenus. Ce Grand Conseil ne voulait plus que les détenus soient transportés par des privés: une loi a été votée, stipulant que les détenus seront convoyés par des agents publics, donc par des fonctionnaires, et un laps de temps a été laissé au Conseil d'Etat afin que ces nouveaux professionnels puissent être formés.

Le gouvernement est revenu avec un projet de loi demandant de repousser le délai à 2026, mais la commission, dans sa grande majorité, a refusé cela, estimant que les détenus devaient être transportés par des fonctionnaires et non par des privés, et souhaitant que ce principe soit mis en application dès 2024. La commission judiciaire a accepté le projet de loi, mais en fixant le délai à 2024, refusant de le reporter à 2026. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés.

J'apprends à l'instant que le Conseil d'Etat vient de déposer un amendement, donc je ne peux pas m'exprimer sur la teneur de celui-ci...

Une voix. C'est pour revenir à 2026.

M. Sandro Pistis. Eh bien voilà, l'amendement proposé par le Conseil d'Etat vise à revenir à 2026 au lieu de 2024, ce qu'avait refusé la commission dans sa majorité. Maintenant, vu que les majorités ont changé... Bon, au nom de la commission, Mesdames et Messieurs, je vous invite à garder le statu quo et donc à voter pour 2024, mais vu la configuration de ce nouveau Grand Conseil, je pense que je vais être minorisé.

La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, j'ai eu le temps de prendre connaissance de l'amendement du Conseil d'Etat: comme le rapporteur vient de le dire, il s'agit de faire passer le délai à 2026, c'est-à-dire de le repousser de deux ans. Il y a un exposé des motifs en bas de l'amendement, si vous voulez le lire, et le Conseil d'Etat s'exprimera à la fin du débat, comme à l'accoutumée. La parole revient à M. Sébastien Desfayes.

M. Sébastien Desfayes (LC). Merci, Madame la présidente. Très brièvement, le convoyage de détenus fonctionnait parfaitement bien à l'époque avec la société privée Securitas, il offrait également l'avantage d'un rapport qualité-prix exceptionnel. Par dogme et par électoralisme, la gauche et le MCG ont voulu casser le système en étatisant cette tâche alors même qu'aucun agent de convoyage n'était formé.

Le conseiller d'Etat, qui était d'ailleurs MCG, contre l'avis de son parti, a proposé un projet de loi qui tombait sous le sens, c'est-à-dire qui visait à accorder le temps nécessaire à ce changement de paradigme, à donner au Conseil d'Etat un délai à 2026 permettant d'assurer la formation d'agents, donc de fonctionnaires, de convoyage. Contre l'avis de son conseiller d'Etat, le MCG, avec l'appui de la gauche, a amendé ce projet de loi et fixé un délai ridiculement court à 2024 pour opérer la transition.

Nous apprenons à l'instant que le Conseil d'Etat vise à réparer, on va dire, cette absurdité en repoussant le délai à 2026. Par conséquent, le groupe Le Centre appuiera sans réserve cet amendement. Merci.

Mme Xhevrie Osmani (S). Bon, on est toujours plus intelligent après avoir commis des erreurs. Il ne s'agit pas de refaire le débat sur la réinternalisation. Je vais juste reprendre des éléments évoqués en commission par le département lui-même en réponse à la question qu'on nous posait constamment: pourquoi du personnel de l'Etat pour cette fonction ? Il s'agit d'une tâche régalienne. Ces employés seront diplômés pour effectuer un travail qu'un personnel sans titre, lui, ferait pour moins cher. Encore une fois, nous estimons qu'il s'agit d'une tâche régalienne, liée à une prestation de serment, c'est important. Il faut aussi savoir que ces personnes portent une arme, une formation est obligatoire pour cela. On ne peut donc pas confier cette mission à n'importe qui.

S'agissant du projet de loi lui-même qui demandait de prolonger le délai d'application de la réinternalisation, en gros, depuis le mois de mars 2022, la loi sur le convoyage des détenus n'est, faute de ce PL sur lequel on discute, plus respectée. Parallèlement à cela, on nous a dit que des contrats conclus avec Securitas arrivaient à terme en mars 2022. Ainsi, la réinternalisation a dû s'opérer progressivement et être planifiée en fonction de contraintes d'engagements; elles sont liées au nombre d'aspirants que Savatan peut former par année, soit deux volées de onze aspirants ASP. On a aussi justifié la nécessité d'avoir du temps pour trouver des candidats et les former, notamment en privilégiant un bassin local, mais aussi en se concentrant sur les transferts Securitas-ASP quand les personnes, d'une part, étaient désireuses de s'engager dans la certification ASP et, d'autre part, remplissaient les critères exigibles pour les fonctions de sécurité à l'Etat.

De ce fait, nous devrions nous trouver dans la dernière phase du processus avec la formation du dernier équipage prévue pour début 2024. Aussi, soit cette planification n'est pas celle qui nous a été décrite, soit on peut avoir une autre interprétation, à savoir que les engagements prévus à l'Etat n'ont pas été effectués. Dans tous les cas, le groupe socialiste refusera de prolonger ce délai et s'en tiendra à l'amendement qui a été voté en commission et qui porte le délai de mise en oeuvre de cette réinternalisation à 2024. Merci. (Applaudissements.)

Mme Masha Alimi (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, le Grand Conseil de la précédente législature a effectivement souhaité l'internalisation de la prestation de convoyage. Comme il était impossible de la mettre en oeuvre avec effet immédiat, nous trouvons juste d'avoir accordé un délai au Conseil d'Etat, ne serait-ce que pour l'engagement et la formation de ces nouveaux collaborateurs. En effet, il s'agit aussi de s'assurer de la qualité du personnel afin que cette tâche soit effectuée avec efficacité.

Aujourd'hui, nous savons, pour avoir visité la BSA - brigade de sécurité et des audiences -, que la prestation est internalisée à 90% et que les véhicules de convoyage ont été acquis. Il reste 10% d'engagements, et pour nous - ce point est crucial -, il importe d'embaucher des personnes disposant de bonnes compétences. Nous estimons normal de laisser un délai supplémentaire au Conseil d'Etat pour permettre l'engagement de ces personnes, donc nous accepterons sans réserve cet amendement. J'en ai terminé, merci.

M. Yves Nidegger (UDC). Effectivement, sous le régime d'une majorité différente, il a été décidé d'internaliser une prestation qui fonctionnait sans problème grave dénoncé jusque-là, donc finalement pas trop mal. On ne va pas refaire le débat, mais l'association entre le convoyage et la surveillance des détenus - c'est le nom de la loi qu'il s'agit de changer - est hybride.

La surveillance des détenus est certainement une tâche régalienne, cela fait partie des fonctions que l'Etat doit exercer lui-même, notamment dans les prisons; le convoyage, donc le transport de personnes, est typiquement une tâche que l'Etat peut assumer lui-même, mais qu'il peut également sous-traiter. Il y a une loi sur les taxis, quantité de lignes TPG sont opérées par des privés... Bref, l'aspect transport ne constitue pas en soi une mission régalienne. Ici, il y a un mélange hybride entre le transport, qui n'est pas régalien, et la surveillance pendant le transport, qui l'est.

Une majorité qui n'est peut-être plus majoritaire aujourd'hui avait tranché en faveur d'une internalisation; on ne va pas revenir sur ce débat qui fut long, mais si véritablement ce virage doit être pris, il faudrait qu'il le soit correctement; le fait de tout bâcler pour que l'on cache cette chose privée que l'on ne saurait voir ne me paraît pas de bon aloi. Le groupe UDC soutiendra dès lors la proposition du Conseil d'Etat de se donner jusqu'à 2026 - d'autant que 2024, c'est demain - pour mettre en oeuvre cette modification.

Mme Sophie Bobillier (Ve). Le groupe Vert est convaincu de l'importance de l'internalisation des agents de convoyage transportant les détenus, qui, on le rappelle, sont des personnes vulnérables nécessitant un encadrement par du personnel formé. Nous déplorons qu'un report du délai soit sollicité, mais il est évident qu'il est nécessaire d'avoir des personnes formées. Cela étant, toute demande de report ultérieur à cette date sera refusée. Je vous remercie.

M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, j'aimerais vous rendre attentifs au fait que ce rapport a été déposé en décembre 2021, c'est-à-dire il y a près de deux ans, et que si nous avions voté le projet de loi il y a deux ans, l'échéance de fin février 2024 aurait été plus aisée à atteindre. Dans l'intervalle, le temps a passé, l'eau a coulé sous les ponts, et je me permets de constater que le 28 février 2024, c'est dans près de quatre mois: un tel délai n'est pas raisonnable.

A l'origine, le projet de loi du Conseil d'Etat prévoyait un délai jusqu'à 2026. L'amendement qui nous est proposé aujourd'hui par le gouvernement n'a pas pour objectif de contourner la volonté de la commission et de revenir à la date butoir initiale, mais simplement de tenir compte d'un certain nombre de paramètres et de contingences juridiques auxquels nous sommes exposés aujourd'hui parce que le Grand Conseil traite ce rapport deux années après son dépôt. Aussi, le pragmatisme le plus élémentaire commande que nous acceptions ce texte avec l'amendement du Conseil d'Etat qui repousse le délai à 2026.

Je tiens encore à attirer l'attention de chacun sur le fait que cette réinternalisation a été combattue à l'époque par le PLR, mais parce que nous sommes des démocrates et que nous respectons l'avis de la majorité, nous n'avons pas cherché à la remettre en question. Nous acceptons cette réinternalisation, puisqu'elle a été votée démocratiquement par ce parlement. Néanmoins, il faut laisser du temps au temps, il faut laisser aux autorités la possibilité de faire les choses correctement - il y a peut-être des délais de résiliation de certains contrats à respecter. Mesdames et Messieurs, je vous invite à ne pas confondre vitesse et précipitation, et à voter le projet de loi avec la modification qui nous est présentée par le Conseil d'Etat. Je vous remercie.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai le plaisir de m'exprimer ici en ma qualité de suppléant de Mme Carole-Anne Kast, qui est retenue en Valais par la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police. J'interviendrai donc à plusieurs reprises ce soir si tant est que nous avancions dans l'ordre du jour sur les questions relatives à la sécurité.

S'agissant de ce point, il vient d'être rappelé que le Conseil d'Etat est de bonne foi dès lors qu'il a déposé ce projet de loi sous notre prédécesseur Mauro Poggia il y a bientôt deux ans, que des dispositions ont été prises en temps et en heure. Cela étant, comme on l'a signalé il y a un instant, les contrats doivent être exécutés, le recrutement ne se décrète pas, la formation non plus.

Même si - on ne va pas refaire le débat de l'époque ici - on constate que 25 cantons sur 26 opèrent le convoyage des détenus avec des privés, même si la situation jusque-là était jugée satisfaisante d'un point de vue global - insatisfaisante parce qu'on mêle deux types de personnel, et c'était l'élément déclencheur du processus -, eh bien nous devons exécuter ce texte, nous allons l'exécuter, mais nous vous invitons à soutenir l'amendement consistant à revenir au projet de loi initial et à inscrire 2026 comme date butoir ultime, privilégiant en quelque sorte l'année du cheval à celle du dragon. Le Conseil d'Etat vous demande de soutenir cet amendement des deux mains. Merci.

La présidente. Je vous remercie. A présent, nous procédons au vote.

Mis aux voix, le projet de loi 12844 est adopté en premier débat par 85 oui et 1 abstention.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

La présidente. Voici la teneur de l'amendement présenté par le Conseil d'Etat:

«Art. 8, al. 2 (nouvelle teneur)

2 En dérogation aux articles 1 et 2, les contrats existants au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi, conclus entre le département et les prestataires privés et portant sur les conduites de détenus, les conduites médicales et les surveillances hospitalières, peuvent être exécutés et reconduits jusqu'au 28 février 2026 au plus tard. Jusqu'à cette date, les prestations fournies par des prestataires privés seront reprises progressivement par des assistants de sécurité publique, en fonction des capacités concrètes de formation et d'engagement de ces derniers.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 47 oui contre 40 non.

Mis aux voix, l'art. 8, al. 2 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que les art. 2 et 3 (soulignés).

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 12844 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 67 oui contre 13 non et 5 abstentions (vote nominal).

Loi 12844 Vote nominal