République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

La séance est ouverte à 18h05, sous la présidence de M. Jean-Marie Voumard, président.

Assiste à la séance: Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Mauro Poggia et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Beatriz de Candolle, Pablo Cruchon, Diego Esteban, Christian Flury, Amanda Gavilanes, Serge Hiltpold, Véronique Kämpfen, Alessandra Oriolo, Philippe Poget, Patrick Saudan et Salika Wenger, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Dilara Bayrak, Natacha Buffet-Desfayes, Boris Calame, Nicolas Clémence, Joëlle Fiss, Badia Luthi, Patrick Malek-Asghar, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier et Francisco Valentin.

Annonces et dépôts

Néant.

M 2450
Proposition de motion de Mmes et MM. François Lefort, Frédérique Perler, Yves de Matteis, Guillaume Käser, Boris Calame, Sarah Klopmann, Emilie Flamand-Lew, Mathias Buschbeck, Magali Orsini, Delphine Klopfenstein Broggini, Pierre Gauthier, Olivier Baud : Rétablissons l'équité devant l'impôt : pour une déductibilité de loyer de 7,9%
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 22, 23 février et 1er mars 2018.

Débat

Le président. L'ordre du jour appelle la M 2450, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. La parole est demandée par son auteur, M. François Lefort.

M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, un peu d'histoire. Au mois de janvier 2018, tous les propriétaires immobiliers habitant dans leur bien du canton de Genève ont reçu une lettre de l'administration fiscale cantonale - l'AFC - les informant de l'augmentation de la valeur locative de leur actif immobilier de 7,9% dès la période fiscale 2017. Fin janvier 2018, le MCG a déposé une motion demandant un moratoire sur l'application de cette hausse de la valeur locative, en dérogation à la loi fédérale. Ce texte, largement suivi par les partis de droite, a été renvoyé au Conseil d'Etat par 60 oui contre 30 non le 25 janvier 2018. Le conseiller d'Etat Serge Dal Busco - alors chargé des finances - a accueilli favorablement la motion, assurant lors de sa prise de parole que le gouvernement allait surseoir à cette hausse qu'il proposait lui-même, ce qu'il fit avec diligence, à notre grand étonnement... (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Lefort, une seconde, s'il vous plaît, on ne vous entend pas ! Un peu de calme, Mesdames et Messieurs ! (Un instant s'écoule. Le silence revient.) Voilà, vous pouvez poursuivre.

M. François Lefort. Merci, Monsieur le président. ...puisque le moratoire sur l'augmentation de la valeur locative a été décidé par la majorité du Conseil d'Etat lors de sa séance du 7 février 2018. L'administration fiscale - avec diligence elle aussi - a donc informé les contribuables que, dès lors, les valeurs locatives 2017 qui avaient été communiquées par l'AFC à chaque propriétaire par courrier n'étaient plus valables et que c'étaient les valeurs locatives non indexées, soit celles de 2016, qui devaient être reportées pour les déclarations 2017.

Voilà une décision tout à fait exceptionnelle - et certainement à l'époque très électoraliste - qui a évidemment eu comme conséquence des pertes fiscales pour l'Etat de Genève. Il s'agissait toutefois d'une mesure réglementaire, et nous n'avons que peu de pouvoir sur de telles mesures prises à la majorité du Conseil d'Etat. La M 2450 qui nous occupe était donc une réponse humoristique et désespérée à une décision désespérante.

Dans la même foulée électoraliste, la droite élargie a annihilé en 2018 le PL 12403 du Conseil d'Etat relatif à la réévaluation de la valeur fiscale des immeubles, réévaluation qui n'avait pas été effectuée depuis quatorze ans à l'époque, soit depuis seize ans maintenant. Le Conseil d'Etat proposait une réévaluation de 20%, basée sur des analyses professionnelles de la valeur des immeubles à Genève, et ce projet de loi était juste, puisqu'il permettait de traiter équitablement les propriétaires des anciens immeubles dont la valeur fiscale n'avait pas été réévaluée depuis quatorze ans - seize ans aujourd'hui - et ceux des nouveaux immeubles construits depuis la dernière réévaluation. Le Conseil d'Etat proposait donc une réévaluation de 20%, que la droite élargie a réduite à 7%. Cette loi a été promulguée par le gouvernement le 30 janvier 2019. Exit la réévaluation de la valeur fiscale, d'où de nouvelles pertes fiscales pour l'Etat de Genève. En l'occurrence, on parle facilement de dizaines de millions par an, qui représentent la différence entre 20% et 7%. C'est certainement en partie cette somme qui a manqué au budget 2020 - déficitaire, comme vous le savez - et qui pourrait encore manquer en 2021 ainsi qu'aux prochains budgets si le Grand Conseil ou le Conseil d'Etat ne met pas en oeuvre la récente décision de la Chambre constitutionnelle. Cette dernière, saisie par le citoyen Locciola en raison de la violation de l'égalité de traitement entre anciens et nouveaux propriétaires introduite par les trois amendements au PL 12403 votés ici en plénière par la majorité, a en effet donné raison au recourant le 23 décembre 2019. Elle a constaté la violation de l'égalité de traitement et a invité le Grand Conseil à la rétablir le plus rapidement possible en modifiant la loi 12403 dans le sens initial d'une réévaluation de 20% de la valeur fiscale des immeubles.

Ce point de l'ordre du jour offre donc l'occasion de rappeler cette décision de la Chambre constitutionnelle, qui est passée un peu inaperçue en cette période de Noël, personne ne s'en étant vraiment rendu compte. Je le mentionne également à l'intention des journalistes qui nous écoutent ! Il convient du reste de préciser que cette décision de la Chambre constitutionnelle doit être mise en oeuvre au plus vite, puisque c'est le sens de cette dernière. Pourquoi ? Tout simplement parce que l'Etat ne peut pas violer l'égalité de traitement qu'il doit aux citoyens. Nous serions donc reconnaissants au Conseil d'Etat - plus précisément à Mme la conseillère d'Etat chargée des finances - de nous proposer très rapidement non pas une modification de la loi 12403, mais un projet de loi générale de réévaluation du patrimoine immobilier plus conforme au droit. Cette réévaluation représente une somme estimée à environ 200 millions de francs par les milieux autorisés, un montant qui serait bienvenu pour les prochains budgets, car nous ne pouvons nous priver plus longtemps de ce genre de ressources.

Pour le surplus, Mesdames et Messieurs les députés, je vous informe que nous retirons cette motion puisque, vous l'avez compris, son objet est obsolète. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci bien. Il est pris acte de ce retrait.

La proposition de motion 2450 est retirée par ses auteurs.

M 2468-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Caroline Marti, Jocelyne Haller, Jean-Charles Rielle, Roger Deneys, Christian Frey, Thomas Wenger, François Lefort, Christian Dandrès, Romain de Sainte Marie, Delphine Klopfenstein Broggini, Marion Sobanek, Nicole Valiquer Grecuccio, Frédérique Perler, Salima Moyard, Pierre Vanek, Olivier Baud, Delphine Bachmann : L'Etat doit promouvoir le principe de l'égalité de traitement entre femmes et hommes auprès des entreprises
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 12 et 13 septembre 2019.
Rapport de majorité de M. Jean-Marc Guinchard (PDC)
Rapport de minorité de M. Thomas Wenger (S)

Débat

Le président. Nous poursuivons avec la M 2468-A, qui est classée en catégorie II, quarante minutes. Le rapport de majorité est de M. Jean-Marc Guinchard, à qui je passe la parole.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, celles et ceux d'entre vous qui ont lu ce rapport auront pu constater que le traitement de la M 2468 - comme celui de la M 2460, d'ailleurs, qui a été étudiée en parallèle, mais qui a fait l'objet d'un rapport distinct - a donné lieu à l'audition de toutes les entités ou associations susceptibles de nous apporter un avis éclairé sur la situation. Les partenaires sociaux, l'office cantonal de la statistique, l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail - l'OCIRT - le bureau de promotion de l'égalité et de prévention des violences - le BPEV - l'office du personnel de l'Etat et finalement le service juridique de la chancellerie ont permis aux commissaires de se faire une idée concrète et réelle du terrain, notamment au moyen de chiffres statistiques précis, puis d'analyser correctement les notions de base légale et de droit fédéral ou supérieur. L'ensemble des personnes auditionnées ont fait valoir que le domaine traité relevait du droit fédéral et non cantonal, et que seule une révision de la loi fédérale sur l'égalité était susceptible de rejoindre ou d'atteindre les objectifs et invites de ce texte.

Même s'il s'agit d'une motion - dont les invites ne sont pas contraignantes, comme tout le monde le sait - certains députés ont relevé l'ampleur du travail à fournir par les services de l'Etat ou les associations concernées pour traiter d'un texte qui, finalement, fera dire au Conseil d'Etat qu'il est inapplicable. Promouvoir le principe de l'égalité de traitement entre femmes et hommes auprès des entreprises est certes une belle intention, mais en l'absence de possibilités d'agir au niveau cantonal, ce sont des actions volontaristes qui doivent être engagées - comme elles le sont déjà en matière de formation et de sensibilisation en particulier - actions menées par les partenaires sociaux ensemble ou chacun de leur côté et/ou, c'est important, en collaboration avec le BPEV. Les projets pilotes développés dans ce cadre, notamment entre l'Union des associations patronales genevoises et le BPEV, démontrent bien l'intérêt manifeste que les entreprises portent à ce problème. Chacune d'entre elles est bien consciente que la recherche de talents, la fidélisation des collaboratrices et collaborateurs ainsi que la nécessité de se positionner clairement quant à des rémunérations correctes au regard du marché du travail ne peuvent se réaliser que par l'équité salariale et la transparence des rémunérations.

Sur cette base, et en invoquant essentiellement la non-conformité des dispositions de cette motion avec le droit fédéral, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à la refuser avec la même majorité que celle qui a prévalu à l'issue des travaux de notre commission. Je vous remercie.

M. Thomas Wenger (S), rapporteur de minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, quand on parle dans cet hémicycle de l'égalité femmes-hommes ou hommes-femmes, on entend malheureusement toujours un peu les mêmes arguments à droite. En l'occurrence, il y a là une majorité de droite, avec tout le respect que j'ai pour mon collègue Jean-Marc Guinchard... (Remarque. Rire de l'orateur.) C'est vraiment déprimant, parce qu'il s'agit d'un sujet éminemment important, mais les réponses sont chaque fois semblables: «Non, il ne fallait pas faire comme ça !» Ou alors, comme l'a dit M. Guinchard: «Oui, mais là c'est inapplicable !» On nous répond aussi que le texte est trop ou pas assez contraignant, etc.

Qui ne se rappelle pas, Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'incroyable mobilisation du 14 juin 2019 ? Celle-ci a réuni, dans toutes les villes suisses et les campagnes, environ 500 000 personnes qui se battaient pour une véritable égalité entre femmes et hommes, dont à peu près 50 000 personnes - voire un peu plus, selon les estimations - à Genève. L'égalité femmes-hommes n'est pas un principe qu'on aimerait bien établir, ce n'est pas un concept qu'on imagine et qu'on transpose simplement dans une motion. Non, c'est un principe ancré à l'article 8 de notre Constitution fédérale depuis trente-huit ans, Mesdames et Messieurs ! Et cet article 8 doit être mis en oeuvre par la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes, qui est entrée en vigueur non pas il y a deux ou trois ans, mais en 1995. Cela fait donc maintenant vingt-cinq ans ! En outre, notre nouvelle constitution genevoise, qui date de 2012, stipule à son article 15 que l'égalité entre femmes et hommes doit être réalisée - l'égalité de manière générale, mais aussi l'égalité salariale, bien entendu.

Qu'a-t-on vu et entendu en commission, notamment dans le cadre de la présentation édifiante que nous a faite le directeur de l'office cantonal de la statistique ? Eh bien que dans le canton de Genève, Mesdames et Messieurs, le salaire moyen des femmes est inférieur à celui des hommes de 12% dans le secteur privé et de 8,5% dans le secteur public - ce sont les chiffres de 2016. La part inexpliquée de l'écart salarial entre le revenu mensuel moyen des femmes et celui des hommes oscille entre 59% et 63% dans le secteur privé et entre 31% et 51% dans le secteur public, ce qui prouve bien que cette inégalité est en grande partie inexplicable. Voici encore un chiffre significatif, Mesdames et Messieurs: dans notre canton, 60% des salaires inférieurs à 4000 francs sont perçus par des femmes - 60% ! Tous ces éléments vous montrent l'ampleur de la tâche, l'ampleur de la problématique.

Il est aussi très intéressant de citer les chiffres relatifs aux différentes branches économiques à Genève. Les écarts salariaux se montent par exemple à 24,1% dans les services financiers, à 16,5% dans l'horlogerie, l'électronique et l'optique et à 12% dans le commerce de détail. Même dans l'administration publique les écarts s'élèvent à 15,9%.

Cette motion socialiste, déposée par ma collègue Caroline Marti, est par conséquent urgente et vitale. Elle invite le Conseil d'Etat à vérifier systématiquement, lors des contrôles effectués notamment par l'inspection paritaire des entreprises et l'OCIRT, le respect de ce principe d'égalité et à adresser des recommandations aux entreprises qui ne le respecteraient pas. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Mesdames les députées, Messieurs les députés, il s'agit donc de vérifier le respect d'un principe et d'adresser des recommandations, il n'est même pas encore question de sanctions, alors prétendre que cette motion va trop loin ou serait inapplicable, c'est vraiment se moquer du monde. Le minimum qu'on puisse demander aujourd'hui, c'est de procéder à cette vérification et d'émettre des recommandations. Le parti socialiste espère aussi qu'à terme on arrivera à des incitations claires, voire à des sanctions, parce que l'égalité n'est pas négociable: nous voulons l'égalité femmes-hommes, nous voulons l'égalité salariale femmes-hommes, dans le secteur privé comme dans le secteur public, et que nous soyons de gauche ou de droite, nous devons enfin passer de la parole aux actes. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, les chiffres ont été rappelés: aujourd'hui, les salaires des femmes à Genève sont inférieurs de 7,5% en moyenne à ceux des hommes, et près de 60% de ces écarts de revenus sont dits inexpliqués, ce qui signifie qu'ils sont en réalité exclusivement imputables au genre de l'employé. Si on se base sur le salaire médian genevois, on constate qu'avec le même emploi, le même temps de travail, les mêmes qualifications et la même expérience, une femme gagnera 6800 francs de moins qu'un homme à la fin de l'année. Cela veut dire aussi que les femmes travaillent environ trois semaines gratuitement chaque année ! Comme l'a rappelé Mme Stoll en commission, c'est purement et simplement de la sous-enchère salariale. Pourtant - le rapporteur de minorité l'a mentionné - un nouvel alinéa consacrant l'égalité salariale entre hommes et femmes a été introduit dans la Constitution fédérale en 1981, complété ensuite par la loi sur l'égalité en 1995. Cela fait donc des décennies qu'on a inscrit le principe de l'égalité salariale dans la loi et qu'on attend sa concrétisation, or force est de constater que les mesures incitatives comprises aujourd'hui dans le droit fédéral ne suffisent pas et ne permettent pas de répondre aux attentes des femmes - pourtant légitimes - quant à l'égalité salariale. On l'observe une fois de plus, il ne suffit pas de décréter l'égalité pour qu'elle soit effective.

C'est pour réagir à cette situation que nous avons déposé cette motion, qui propose un contrôle systématique de la part de l'OCIRT auprès des entreprises. L'idée est la suivante: quand l'OCIRT se rend dans une entreprise pour effectuer un contrôle - contre le dumping salarial ou le travail au noir, par exemple - il pourrait en profiter pour vérifier également le respect du principe de l'égalité salariale et émettre des recommandations ciblées. Cela permettrait de faire connaître et de valoriser les employeurs qui jouent le jeu et qui respectent ce principe, mais aussi de détecter les cas d'inégalités salariales et de déclencher alors le mécanisme prévu à l'article 7 de la loi sur l'égalité. Celui-ci offre la possibilité aux organisations de prendre à leur charge des poursuites judiciaires pour faire respecter l'égalité salariale entre hommes et femmes, afin que le poids et le fardeau d'une action judiciaire ne pèsent plus uniquement sur les épaules des femmes. Mais pour cela, ces organisations - qu'il s'agisse de syndicats ou d'associations de promotion de l'égalité entre hommes et femmes - doivent avoir connaissance des cas d'inégalités salariales, et c'est justement l'une des avancées que propose cette motion par le biais de contrôles systématiques, car c'est ainsi qu'on arrivera à faire progresser l'égalité salariale.

Un dernier mot, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés: après des décennies de lutte en faveur de l'égalité salariale entre hommes et femmes, il est purement et simplement injurieux de répondre aux femmes qu'on est désolé mais qu'on ne peut rien faire. On se doit aujourd'hui de prendre des mesures concrètes pour une égalité concrète ! Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. André Pfeffer (UDC). Comme plusieurs motions traitées aujourd'hui, la M 2468 est contraire au droit supérieur et inapplicable. (Exclamations.) La démarche suggérée par les initiants relève du droit fédéral. La première invite, qui propose une vérification systématique par l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, est tout simplement irréalisable. La directrice de cet office l'a déclaré elle-même. Je le répète: la directrice de l'OCIRT l'a déclaré elle-même ! La base légale manquerait. Par ailleurs, l'OCIRT effectue des contrôles ciblés en fonction des risques; un contrôle systématique est donc irréalisable.

L'intention de promouvoir l'égalité entre femmes et hommes n'est pas contestée. La plupart de nos entreprises savent ou prennent conscience que l'équité salariale favorise la recherche des talents et la fidélisation des collaborateurs. Il est aussi intéressant de relever - comme on peut le lire à la page 71 du rapport - que les fonctionnaires femmes de moins de 50 ans possèdent un revenu médian supérieur à celui de leurs collègues hommes, tandis que les fonctionnaires femmes de plus de 50 ans, qui ont un revenu médian de 120 421 francs par année, gagnent environ 5000 francs de moins que leurs collègues masculins. Dans la fonction publique genevoise, l'égalité entre femmes et hommes est pratiquement atteinte, et Genève est un bon élève en ce qui concerne le secteur privé.

En conclusion, on l'a dit, cette motion ne respecte pas le droit supérieur et est inapplicable. Pour toutes ces raisons, l'UDC la refusera. Merci.

M. Vincent Subilia (PLR). Aux yeux du PLR, l'équité salariale est une exigence qu'il importe naturellement de respecter dans les rapports de travail et à laquelle on ne saurait déroger. Il est dès lors essentiel que celle-ci puisse être mise en oeuvre. Chacun conviendra en effet - et le rapporteur de majorité l'a relevé à juste titre - que cette équité salariale constitue un levier de performance ainsi qu'un outil de fidélisation et qu'elle est bénéfique en matière d'identification de talents pour nos entreprises. Elle s'inscrit qui plus est, au même titre que le développement durable, dans une tendance de fond qui devient une exigence absolue des générations futures et qu'il convient là aussi de respecter. A cet égard, je le répète, il s'agit de veiller à ce qu'elle soit respectée. On peut donc se réjouir, à la lecture du rapport, de voir Genève bon élève dans ce domaine. Dans le secteur privé, notre canton affiche un écart salarial de 5,3%; certes, ce pourcentage devrait être ramené à zéro, mais il est très largement inférieur à celui qu'on obtient sur le plan fédéral. En outre, l'égalité est atteinte dans la fonction publique - notre conseillère d'Etat Nathalie Fontanet s'y emploie - comme cela a été rappelé à l'instant.

Mesdames et Messieurs, si nous sommes toutes et tous sensibles au postulat de cette motion, celle-ci se heurte toutefois, on l'a entendu, à une double difficulté. La première est de nature pratique et concerne sa mise en oeuvre, les différents intervenants auditionnés durant la longue phase de traitement de ce texte l'ont souligné. Le PLR estime aussi qu'elle ne s'inscrit pas vraiment dans les mécanismes d'autorégulation qu'il appelle de ses voeux. En effet, au sein de notre famille politique nous croyons, à tort - mais en réalité à raison, j'en suis convaincu - que les entreprises ont intégré cette responsabilité et qu'il s'agit dès lors de leur faire confiance. Ainsi, un mécanisme que l'on pourrait qualifier d'intrusif, avec un dispositif coercitif... (Brouhaha.) Je vois que ça intéresse peu de monde dans cette enceinte; l'enjeu est pourtant important, me semble-t-il ! ...ne s'inscrit probablement pas dans l'ADN des mesures volontaristes que notre famille politique souhaite.

Le deuxième obstacle - cela a été souligné - est quant à lui de nature juridique. On peut le déplorer, mais c'est ainsi. Il existe une hiérarchie des normes et chacun des Etats fédérés doit respecter le droit supérieur. A ce titre nous sommes effectivement limités, et l'ensemble des juristes auditionnés - j'ai relu avec beaucoup d'attention l'excellent rapport qui a été rédigé - sont parvenus à cette conclusion. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Malheureusement, les leviers dont nous disposons sur le plan cantonal sont extrêmement limités, et on peut le regretter, je le dis de façon sincère. J'engage toutefois nos amis socialistes à se servir de leurs relais bernois pour faire en sorte que la législation fédérale épouse cette nouvelle donne et dote les instances cantonales - selon des formes à définir - des outils nécessaires à la mise en oeuvre de cette équité, dont je crois pouvoir dire que nous l'appelons toutes et tous ici de nos voeux.

En conclusion, laissez-moi tout de même relever qu'en déposant des motions dont on peut imaginer qu'un effort de base nous aurait permis d'identifier comme potentiellement contraires au droit fédéral...

Le président. Il vous faut terminer, Monsieur Subilia !

M. Vincent Subilia. ...nous accréditons la thèse que nous sommes décorrélés de la réalité fédérale. Genève vit un peu en isolation clinique et il conviendrait d'y remédier et de s'abstenir d'agir ainsi. Je vous remercie.

Une voix. Bravo Vincent !

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, s'il est vrai, comme vient de le dire M. Subilia, que toutes et tous appellent de leurs voeux l'égalité, je constate quand même que certains l'appellent à voix très basse.

On nous parle ici de politiques d'incitation à respecter la loi et la Constitution fédérale, comme s'il s'agissait d'une option et qu'on pouvait le faire ou non. Pour d'autres lois, nous n'avons pas le choix ! Elles s'appliquent ! La loi est dure, mais c'est la loi. En l'occurrence, la loi sur l'égalité n'est pas très dure et on ne l'applique pas.

La première invite de ce texte demande que, lors des contrôles effectués par l'inspection paritaire des entreprises et l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, le respect du principe d'égalité soit aussi vérifié, et on a l'air de penser que ce n'est pas normal, que ce n'est pas acceptable, comme si des organes comme l'IPE et l'OCIRT pouvaient procéder à des contrôles dans les entreprises et fermer les yeux sur le non-respect de la Constitution fédérale ou de la loi sur l'égalité. Cette manière de concevoir le respect des lois est quand même un peu particulière !

L'un des principaux arguments invoqués par toutes les personnes opposées à ce texte concerne la question du droit supérieur, qui irait à l'encontre de ce qui est demandé ici. J'invite donc tous les députés présents à consulter les pages 22 et suivantes du rapport de commission, qui relatent notamment la position exposée par M. Mangilli, directeur des affaires juridiques à la chancellerie d'Etat. Celui-ci a en effet indiqué que les cantons disposaient d'une certaine marge de manoeuvre. Il faut la chercher, mais elle existe ! Alors s'il est vrai que tous ici nous voulons l'égalité hommes-femmes, allons chercher cette marge de manoeuvre. Je vais vous lire un extrait du rapport: «Dans le domaine de l'égalité salariale, il - c'est-à-dire M. Mangilli - rappelle que la loi fédérale sur l'égalité salariale poursuit un objectif de protection des travailleurs et travailleuses et qu'elle règle donc déjà exhaustivement cette question. Il explique que dans le débat sur la résolution genevoise, qui a été examinée par le Conseil des Etats le 20 mars 2019 (n°18.313), la rapporteuse de commission Mme Anne Seydoux-Christe a fait écho à une note de l'Office fédéral de la justice qui retiendrait qu'il y a une certaine marge de manoeuvre pour les cantons dans la mesure où ces normes de mise en oeuvre poursuivent un autre but d'intérêt public que la protection des travailleurs. Il indique qu'il pourrait s'agir, par exemple, de mesures visant à lutter contre la pauvreté ou à promouvoir l'égalité en tant que but de politique sociale.» Ainsi, Mesdames et Messieurs, la fameuse incompatibilité avec le droit supérieur que vous invoquez n'est pas aussi absolue que vous voulez bien le dire ! Il existe une marge de manoeuvre, et si vous êtes sincères dans votre volonté de promouvoir l'égalité hommes-femmes, eh bien il ne vous reste plus qu'à l'exploiter, ce que je vous invite résolument à faire. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Jacques Blondin (PDC). J'aimerais rappeler à cet hémicycle que j'ai eu le plaisir d'aller à Berne avec Mme Haller afin de défendre une résolution que nous avions renvoyée l'année dernière à l'Assemblée fédérale, et nous nous sommes rendu compte de la difficulté qu'il y avait à passer au stade supérieur pour la défense de ce type de questions.

Il est certes dommage de discuter d'une problématique qui devrait être réglée depuis très longtemps, car cela fait vingt ans que ça dure, mais le souci que l'on rencontre avec cette motion - et la directrice de l'OCIRT l'a clairement dit - c'est que les bases légales actuelles ne permettent pas l'application de ces normes. On court donc le risque de renvoyer aujourd'hui un texte au Conseil d'Etat - en effet, compte tenu de la thématique, qui peut être contre ? - et de recevoir dans trois mois une réponse du gouvernement qui ne nous satisfera pas parce qu'elle dira la même chose. Le rapporteur de majorité l'a mentionné ! On renverra alors ce rapport en commission ou au Conseil d'Etat, et on n'aura pas avancé.

Je voudrais maintenant revenir sur un point que l'on a étonnamment passé sous silence, à savoir le projet de loi qui est censé se trouver sur le bureau de Mme Nathalie Fontanet et qu'on nous avait promis pour l'automne dernier. Il devrait a priori être à bout touchant et j'espère qu'on va nous en parler, parce que si vous relisez le rapport, vous verrez que Mme Fry, la directrice du BPEV, a clairement dit que ce projet - je cite - «vise à lutter contre les discriminations à raison du sexe, de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre de façon complète» et «couvrira les différents lieux où il peut y avoir des discriminations». Je trouve donc dommage d'adopter une motion qui est contestable - même si on peut effectivement forcer la porte - alors qu'un projet de loi à bout touchant devrait prochainement nous être soumis. Je rappelle en outre que Mme Bocquet a elle aussi déposé une motion sur cette question.

Pour toutes ces raisons - et ce n'est pas pour gagner du temps ou éviter la problématique, mais simplement pour avancer - le parti démocrate-chrétien vous propose de renvoyer ce texte à la commission de l'économie, pour autant qu'on puisse bientôt intégrer au débat le projet de loi en cours de rédaction qui est censé se trouver sur votre bureau, Madame Fontanet. Merci.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci. Je passe la parole à M. Jean-Marc Guinchard, rapporteur de majorité, sur cette demande de renvoi en commission.

M. Jean-Marc Guinchard. Merci, Monsieur le président, mais c'est au rapporteur de minorité de s'exprimer en premier !

Le président. Dans ce cas je cède le micro à M. Christo Ivanov. (Exclamations.) Non, pardon, à M. Thomas Wenger !

M. Thomas Wenger (S), rapporteur de minorité. Je ne le prends pas personnellement, Monsieur le président ! (Rire de l'orateur.) La minorité va dans le sens de mon préopinant et acceptera le renvoi en commission de cette motion afin qu'elle puisse être étudiée en même temps que le projet de loi.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Dans la mesure où nous avons l'occasion et l'opportunité d'étudier un projet de loi portant sur le même thème... (Commentaires.) Il n'y a pas de prise de parole après les rapporteurs ! ...je pense qu'il serait tout à fait judicieux de renvoyer cette motion à la commission qui l'a traitée. Je vous remercie.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Il va m'être difficile d'élaborer un discours conséquent en m'exprimant uniquement sur le renvoi en commission. A ce propos, Mesdames et Messieurs, le projet de loi que je vous promets et qui est effectivement à bout touchant ne va pas être renvoyé à la commission de l'économie ! C'est un projet de loi sur l'égalité, l'égalité de genre, la lutte contre les discriminations, lequel intègre très spécifiquement - cela a été dit durant l'audition de Mme Fry du BPEV - la situation des entreprises privées, mais aussi subventionnées, parce qu'il se veut extrêmement large. Je vous en parlerai tout à l'heure si la demande qui vient d'être formulée est refusée, mais vous ne pouvez pas imaginer traiter conjointement les deux textes, à moins que vous ne renvoyiez cette motion à la commission des Droits de l'Homme qui sera chargée d'étudier notre projet de loi.

Quoi qu'il en soit, cela ne change rien au fait que cette motion n'est malheureusement pas conforme au droit supérieur. Je me réjouis de vous l'expliquer, car je pense que ce combat en faveur de l'égalité, nous devons le mener ensemble et non pas les uns contre les autres en déposant des textes qui ne correspondent pas au droit supérieur. Nous devons avancer ensemble !

D'autre part, s'il vous est possible de reprocher éventuellement à la magistrate de droite que je suis de ne pas soutenir autant que vous le souhaitez ce type d'objet, vous ne pouvez en aucun cas le reprocher au Bureau de promotion de l'égalité et de prévention des violences, qui m'a suggéré lui-même de ne pas m'opposer au refus de cette motion.

Au vu de ce qui précède, Mesdames et Messieurs, je vous recommande de ne pas renvoyer en commission ce texte, car il n'est pas conforme au droit fédéral, malgré la tentative de Mme Haller de se servir d'un avis de droit rendu dans un contexte totalement différent, puisqu'il s'agissait d'une résolution soumise à l'Assemblée fédérale. Ce problème-là a été réglé ! En définitive, les invites de cette motion - du moins la première - ne permettent pas de se conformer au droit fédéral et ne disposent pas d'une base légale suffisante. Je vous assure que je me sens extrêmement concernée par l'égalité - pas seulement de façon déclarative, mais bien dans mes actes - et j'entends vous le démontrer, mais ce n'est pas cette motion qui nous permettra d'atteindre ce but. Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci. Monsieur Blondin, c'est à la commission de l'économie ou des Droits de l'Homme que vous souhaitez renvoyer cette motion ?

M. Jacques Blondin (PDC). J'ai parlé de la commission de l'économie, mais il est évident qu'il faut la renvoyer là où elle devrait être traitée !

Une voix. Nulle part ! (Rires. Exclamations.)

M. Jacques Blondin. Eh bien si c'est nulle part, c'est nulle part, mais a priori ce serait la commission des Droits de l'Homme !

Le président. Parfait. Je mets donc aux voix le renvoi de cet objet à la commission des Droits de l'Homme.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2468 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 48 non contre 43 oui et 2 abstentions.

Le président. Le débat continue et je passe la parole à M. Pierre Eckert.

M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président. Je n'avais pas forcément envie de parler à la fin du débat, mais c'est arrivé comme ça ! Vous savez que pour nous, les Vertes et les Verts, l'égalité est un sujet important. Dans le monde du travail, on l'a dit tout à l'heure, il existe des inégalités expliquées - c'est notamment le fait que certains postes de cadres sont plutôt réservés aux hommes qu'aux femmes, un phénomène sur lequel on va travailler - mais il y a aussi toutes celles qui sont inexpliquées, je pense aux emplois qui ne sont pas rémunérés de façon identique alors que le travail et les qualifications sont les mêmes. Pour nous, les Vertes et les Verts, c'est parfaitement inacceptable.

On a parlé de non-conformité au droit supérieur. De quoi s'agit-il ? Il faut citer l'article de la Constitution fédérale concernant l'égalité, mais d'après ce que j'ai pu comprendre le Parlement fédéral a également voté récemment une loi d'application qui demande un autocontrôle pour les entreprises de plus de cent employés. Vous vous rendez compte à quel point c'est une mesure forte ! Je veux dire par là qu'elle ne comporte rien d'extrêmement restrictif ! Voilà ce qu'on est censé respecter dans le monde du travail à Genève.

Mme Haller a mentionné l'existence de plusieurs considérations juridiques sur le respect du droit supérieur, qui n'occupent pas une page, mais bien six pages du rapport. Eh bien pour les avoir lues, je peux vous dire que les conclusions ne sont pas d'une totale limpidité et que nous disposons d'une certaine marge de manoeuvre, comme cela a été relevé.

Mais au fond que demande cette motion ? Finalement pas grand-chose ! Etant donné que certaines vérifications sont déjà effectuées dans les entreprises, il s'agit simplement d'y ajouter le paramètre du contrôle de l'égalité salariale. Ce n'est quand même pas la mer à boire ! La deuxième invite propose en outre que des recommandations soient adressées à ces entreprises. Ce n'est pas non plus extrêmement contraignant ! En définitive, j'aurais envie de paraphraser mon collègue Jean Burgermeister en disant que ce n'est pas assez fort et qu'il faudrait aller beaucoup plus loin; les mesures devraient être bien plus contraignantes ! Je pourrais même être tenté de voter contre cette motion parce qu'elle n'est pas assez contraignante, mais je ne le ferai pas, car on essaie de se conformer au droit supérieur. Pour toutes ces raisons, je vous recommande d'accepter cet objet. (Applaudissements.)

Le président. Merci. Je passe la parole à Mme Jocelyne Haller pour trente-neuf secondes.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie. J'aimerais simplement relever ceci: le passage que j'ai lu tout à l'heure se référait effectivement à la situation évoquée par Mme Fontanet, mais comme vient de le dire M. Eckert, M. Mangilli a également fait tout un exposé sur la marge de manoeuvre qui reste à disposition des cantons. Je cite: «Il explique que la jurisprudence du Tribunal fédéral a admis que, même lorsqu'il y avait une législation exhaustive dans un domaine, les cantons ne perdaient pas la faculté de légiférer pour autant qu'ils poursuivent un autre but que le but poursuivi par la législation fédérale.» Qu'on puisse au moins reconnaître cela ! Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Eric Leyvraz (UDC). Je serai très bref, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, il s'agit là de la troisième motion contraire au droit supérieur que l'on traite. C'est quand même assez extraordinaire, sachant que notre ordre du jour comporte 150 points ! (Exclamations. Applaudissements.)

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, c'est tantôt un côté du parlement, tantôt l'autre qui soutient des motions non conformes au droit fédéral. Quand c'est le fait de la gauche, la droite le lui reproche, et inversement ! C'est toute la magie de ce parlement... (Exclamations.) ...une magie que vous retrouvez également de temps en temps au sein du Conseil d'Etat. (Rires. Applaudissements.)

Depuis que j'ai pris mes fonctions, je me suis engagée en faveur de l'égalité, et pas seulement par la parole. Le projet de loi dont je vous parle existe, il ne s'agit pas d'un mirage. Cela fait effectivement des mois que je vous le promets, et l'un des membres de la commission des finances me le rappelle très régulièrement. Je serais soi-disant issue du même parti que ce député, mais je vous signale que ce n'est pas le cas ! On dirait qu'il est absent aujourd'hui... Ah non, il est là ! Monsieur Burgermeister, je m'inquiétais ! (Rires. Exclamations.)

Ce projet de loi a fait l'objet d'une consultation au sein de l'ensemble des départements. Comme je vous l'ai expliqué, nous avons voulu voir large dans la rédaction de ce texte, dans le sens où nous ne nous sommes pas concentrés uniquement sur l'égalité de manière théorique. J'ai abordé la question de l'égalité et de la lutte contre les discriminations dans le domaine de la santé, de la police, de la justice, de l'économie ou encore de la formation. Vous pensez bien, Mesdames et Messieurs les députés, que tous ces secteurs ne relèvent pas de mon seul département ! Vous pouvez donc imaginer de quelle façon certains de mes collègues ont pu voir venir cette nouvelle qui, tout d'un coup, veut élaborer une loi sur l'égalité extrêmement transversale et touchant l'ensemble des dicastères. C'est la raison pour laquelle nous avons mené cette consultation départementale pour entendre et recevoir les observations et commentaires de chacun des départements. Ces remarques ont été prises en compte et nous procédons maintenant à un examen plus juridique de cette loi, sur le plan légistique, afin de nous assurer qu'elle est bien rédigée. Elle fera ensuite l'objet d'une nouvelle présentation au Conseil d'Etat et j'espère qu'il l'acceptera, parce que l'égalité est effectivement une priorité pour l'ensemble des membres du gouvernement.

En conclusion, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat ne s'opposera pas au rejet de cette motion, mais n'ayez crainte: ce n'est pas un refus qui va pénaliser l'avancée en matière d'égalité. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons maintenant nous prononcer sur cette proposition de motion.

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est le cas.

Mise aux voix, la proposition de motion 2468 est rejetée par 53 non contre 42 oui et 2 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

M 2508-A
Rapport de la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat chargée d'étudier la proposition de motion de MM. André Pfeffer, Stéphane Florey, Marc Fuhrmann, Norbert Maendly, Eric Leyvraz, Patrick Lussi, Christo Ivanov pour une reconnaissance des compétences militaires par les ressources humaines de l'Etat de Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 21 et 22 novembre 2019.
Rapport de majorité de M. Yvan Rochat (Ve)
Rapport de première minorité de M. Christo Ivanov (UDC)
Rapport de deuxième minorité de M. François Baertschi (MCG)

Débat

Le président. Nous abordons à présent la M 2508-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. La parole est à M. Yvan Rochat, rapporteur de majorité.

M. Yvan Rochat (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Les signataires de cette motion ont indiqué que son objectif consistait à faire connaître, reconnaître et valoriser par l'Etat de Genève les compétences et expériences acquises au sein de l'armée, en particulier par les officiers. Les auditions menées par la commission ont permis d'apporter les éléments suivants. M. Grégoire Tavernier, directeur général de l'office du personnel de l'Etat, a relevé qu'il existait déjà à l'OPE une sensibilisation forte aux questions de validation des acquis, de l'expérience, etc., et que si les offres d'emploi de l'Etat mettent en avant les diplômes, elles mentionnent également la prise en compte de formations équivalentes, ce qui tend à répondre aux préoccupations des motionnaires.

L'Association suisse des cadres, qui a elle aussi été entendue, a fait savoir qu'elle avait mis en place un processus de validation des acquis spécifique aux officiers de l'armée. Environ cinq cents d'entre eux ont suivi ce processus et possèdent donc un diplôme, un certificat permettant d'attester les différentes compétences qu'ils auraient acquises dans le cadre de leurs activités militaires.

La commission a également auditionné notre collègue Murat Julian Alder, qui a indiqué qu'il existait selon lui des cas de personnes qui ne sont pas retenues pour des postes importants dans des entreprises précisément parce qu'elles doivent accomplir des jours de service.

En synthèse, il est ressorti des auditions et débats que l'Etat de Genève tient d'ores et déjà compte de l'expérience et des formations acquises sous les drapeaux comme ailleurs. L'administration, en particulier dans la mise en oeuvre des processus de ressources humaines, est sensibilisée aux discriminations d'où qu'elles viennent et aucune discrimination liée aux activités militaires n'a pu être objectivée. Les cadres de l'armée ont en outre la possibilité de faire valider leurs compétences, comme je viens de le dire, via l'Association suisse des cadres. Dès lors, le contenu de la motion a semblé si ténu à la majorité de la commission que le symbole en faveur de l'armée que représenterait le vote de ce texte est devenu vide de sens. Forte de ce constat, ladite majorité vous propose de le rejeter. Merci.

Le président. Merci bien. Avant de céder le micro à M. Christo Ivanov, je rappelle aux députés qui veulent prendre la parole qu'ils doivent insérer leur carte dans la fente prévue à cet effet.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Les objectifs de la M 2508 prévoient de faire reconnaître et valoriser par l'Etat employeur les compétences et l'expérience acquises au sein de l'armée suisse par les candidats et candidates à une fonction permanente dans l'administration, les femmes étant de nos jours de plus en plus nombreuses à épouser une carrière militaire et à accéder à des grades supérieurs. Sur le marché très compétitif de l'emploi, les miliciens et miliciennes sont malheureusement confrontés à toujours plus de difficultés. Des obstacles supplémentaires s'érigeraient contre les officiers - autant femmes qu'hommes - qui postuleraient à un emploi dans notre administration cantonale, de sorte qu'ils et elles ont l'impression d'être stigmatisés ou discriminés à l'embauche. Il semble pourtant que la problématique soulevée par cette motion n'est pas tant liée à la reconnaissance de leurs compétences qu'à l'appréciation que porte aujourd'hui notre société sur la vie militaire.

La formation supérieure des cadres de l'armée a remporté en 2016 le prix de la fondation indépendante ESPRIX Excellence Suisse pour ses prestations dans le domaine intitulé «Diriger de façon visionnaire, inspirée et intègre». C'est une distinction qui a son importance, car ce sont souvent des entreprises qui la reçoivent.

La M 2508 a donc toute sa pertinence et soulève un vrai problème ainsi que de réelles questions liées à une forme de stigmatisation et de discrimination, le but étant que l'Etat puisse élaborer une véritable politique de gestion des ressources humaines basée sur la confiance et les compétences d'où qu'elles viennent. Merci, Monsieur le président.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. La Suisse dispose d'une longue tradition démocratique qui est aujourd'hui trop souvent mal appréciée. La tradition du citoyen soldat - qui est le fondement de notre démocratie helvétique, il convient quand même de le rappeler - exprime surtout la volonté de se défendre contre toutes les agressions. De nos jours, cette notion est un peu oubliée, il faut le reconnaître. Pourtant, on devrait évoquer l'ombre ou du moins la mémoire de grandes personnalités comme Rousseau - Jean-Jacques, aime ton pays ! - ou Jaurès, grand penseur républicain, socialiste sur le tard, auteur de «L'Armée nouvelle», un livre consacré à cette armée nouvelle qui était celle du peuple. Je sais qu'en parlant de ce genre de chose, je tiens un discours un peu exotique dans la Genève de 2020, mais je pense qu'il est bon de le faire.

Pour le MCG, ces valeurs citoyennes doivent continuer à être défendues. Elles sont le coeur et l'âme de la cité. Certes, la motion ne va pas régler ce problème fondamental - qui provient en réalité d'une sorte d'affaissement de ces valeurs, en tout cas dans la Genève actuelle, on doit bien l'admettre - mais elle va à sa façon dans la bonne direction et exprime une volonté. C'est l'essentiel !

Pour ces différentes raisons, nous vous demandons de soutenir ce texte. A l'heure où notre protection aérienne est menacée, je crois qu'il est nécessaire de rappeler cette réalité, parce qu'elle est tout à fait présente mais qu'on l'oublie souvent: tous les pays ont une armée. Soit c'est la leur, soit c'est celle d'un Etat voisin. A chacun de choisir.

M. André Python (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, les compétences acquises au sein de l'armée sont reconnues par plusieurs universités renommées, dont celles de Zurich, Saint-Gall et Neuchâtel, ainsi que par d'autres écoles spécialisées en management. Hélas, la plupart des employeurs de notre canton et de l'Etat sont plus à même de prendre en compte les diplômes et connaissances de nos voisins que de s'intéresser à la formation militaire, pourtant reconnue dans le reste de la Suisse. Pour ces motifs, je vous prie de vous rallier au rapport de minorité et d'accepter cette motion. Je vous remercie.

M. André Pfeffer (UDC). La M 2508 vise uniquement à faire reconnaître et valoriser par l'administration genevoise les compétences et l'expérience acquises au sein de l'armée, qui réalise un effort considérable pour que les formations soient compatibles avec la vie civile. Aujourd'hui, plusieurs universités acceptent que les acquis et expériences militaires puissent donner lieu à l'attribution de crédits liés à la conduite de personnel. Il existe une grande tradition de milice dans notre pays, il est donc tout à fait logique que les connaissances et compétences développées à l'armée profitent également à l'économie. Il est indiscutablement dans l'intérêt de notre administration cantonale de pouvoir bénéficier de ces expériences et savoir-faire !

Vu que les objectifs de cette motion relèvent pour une fois largement du droit cantonal et qu'une telle promotion est certainement bien plus utile à Genève que dans n'importe quel autre canton suisse, le groupe UDC vous recommande d'accepter ce texte. Merci.

Une voix. Bravo !

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, à la suite des diverses interventions - notamment celle de M. Rochat - vous aurez compris que la décision de la majorité de la commission ne constitue pas un déni de ce que peut apporter l'armée, par exemple par le biais des services d'avancement et des formations qu'elle prodigue à ses jeunes ou moins jeunes officiers. Cela a d'ailleurs été largement reconnu par le grand chef de l'office du personnel de l'Etat, qui a indiqué qu'il fallait effectivement prendre en considération ces formations, comme c'est déjà le cas.

Cette motion est toutefois quelque peu restrictive et exclusive, puisqu'elle ne tient pas compte des expériences que l'on peut faire lors de l'accomplissement de services civils - au même titre qu'au sein de l'armée - dans la conduite d'hommes ou la réalisation de projets. Si je suis un employeur, j'imagine que je vais considérer les compétences dont je viens de parler, si elles existent, mais que je vais également m'intéresser aux compétences associatives de la personne que je suis susceptible d'embaucher. Je prendrai en compte son engagement au sein d'organisations sportives ou culturelles, sa capacité à mettre sur pied des événements dans ces domaines, etc., parce que c'est tout bénéfice pour moi ! Je regrette donc un peu le côté exclusif et restrictif de cette motion, et le groupe démocrate-chrétien vous recommande de la rejeter. Je vous remercie.

M. Alberto Velasco (S). M. Baertschi a parlé du fondement de notre démocratie helvétique, mais ce fondement, c'est l'égalité de traitement, or de très nombreuses femmes ne font pas l'armée et ne font donc pas partie de son état-major. D'après les motionnaires, ceux qui ont la chance d'arriver à intégrer cet état-major doivent pouvoir bénéficier d'un plus lorsqu'ils se présentent à un poste. Certes, si on occupe une telle fonction, c'est qu'on porte un intérêt à la conduite d'hommes, mais j'ai l'impression qu'on ne commande pas de la même manière à l'armée et dans une entreprise privée, par exemple. La façon de diriger est un peu différente ! Dans une entreprise, on ne reçoit pas des directives et ordres de marche comme c'est le cas à l'armée.

Ce que nous dit cette motion, c'est qu'une personne devrait automatiquement obtenir des points en plus quand elle postule à l'Etat ou ailleurs pour le simple fait qu'elle a poursuivi une carrière à l'armée. Mais vous introduisez là une discrimination ! Enfin, il n'est pas obligatoire de devenir officier à l'armée, quand même ! Du reste, est-ce qu'un troufion aurait droit à de meilleures possibilités ? Il sert pourtant totalement notre peuple ! Oui, un simple soldat sert le peuple au même titre qu'un officier ! Je ne comprends donc pas qu'on nous dise qu'il faut pouvoir automatiquement offrir un poste d'encadrement dans l'administration à une personne simplement parce qu'elle porte le grade d'officier. Mais pour quelle raison, Mesdames et Messieurs ? (Brouhaha.) Pour occuper un poste de cadre à l'Etat, il faut posséder les qualités requises ! Comme l'a relevé notre député et ami Jean-Marc Guinchard, si la personne a oeuvré dans le domaine social ou dans une association, ça vaut tout autant, Mesdames et Messieurs ! A ce titre, je suis quand même étonné qu'on ait pu déposer cette motion.

Je dois dire en revanche que la présentation à laquelle la commission a assisté était très intéressante et m'a permis de découvrir les différentes formations prodiguées par l'armée. Je ne les connaissais pas ! Mesdames et Messieurs, je crois que nos officiers sont effectivement bien formés et que nous pouvons être rassurés: en cas de guerre, notre pays sera vraiment bien défendu et encadré. Pour le reste, je pense que cette motion devrait être retirée; en tout cas mon groupe la refusera. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Julian Alder Murat.

M. Murat Julian Alder (PLR). Merci, Monsieur le président Voumard Marie-Jean. (Rires.) Mesdames et Messieurs les députés, non, l'article 24 ne s'applique pas en ce qui me concerne... (Exclamations.) ...puisque j'exerce une profession libérale. J'aimerais cependant venir au secours de cette motion et remercier ses auteurs ainsi que les rapporteurs de minorité qui sont intervenus tout à l'heure.

Mesdames et Messieurs, je crains que les choses ne soient hélas pas aussi simples - pour ne pas dire simplistes - que ne voulaient bien le croire mes deux préopinants. Tout d'abord, il ne s'agit pas de favoriser qui que ce soit. En l'occurrence, il ne s'agit pas de favoriser les officiers, parce que quand on parle des cadres de l'armée, on ne fait pas référence aux officiers uniquement: il y a aussi les sous-officiers supérieurs ainsi que les sous-officiers qu'on connaît plus fréquemment sous le terme de sergents ou de caporaux.

Depuis plusieurs années, nous assistons à une inversion du fardeau du privilège. Je m'explique: il y a vingt ou trente ans, dans l'économie privée, si vous n'étiez pas officier à l'armée, vous n'aviez guère de chances de progresser au sein d'une entreprise, d'une banque, d'une assurance ou encore d'une étude d'avocats ou de notaires. (Brouhaha.) De nos jours, Mesdames et Messieurs les députés, c'est malheureusement tout l'inverse. Les personnes qui ont le courage de consacrer davantage de jours de service à la protection de la patrie se voient discriminées sur le marché de l'emploi. (Exclamations. Commentaires.) Monsieur le président, je vous prierai de bien vouloir faire régner un peu d'ordre dans les rangs pour le moins indisciplinés de la gauche ! (Protestations. Le président agite la cloche.) Je vous remercie, Mesdames et Messieurs ! Aujourd'hui, lorsque vous avez des obligations supplémentaires par rapport à celles qui sont prévues par la Constitution fédérale, vous êtes dans une situation de désavantage sur le marché du travail. C'est un fait ! J'en veux pour preuve le cas d'une entreprise qui a défrayé la chronique il y a quelques années: lors de la mise au concours d'un poste, elle avait en effet inscrit parmi les conditions pour postuler qu'elle ne voulait pas de citoyens suisses ayant encore des obligations militaires à remplir. C'est tout bonnement scandaleux ! En réalité, cette société a simplement été plus transparente que d'autres, parce que beaucoup d'entreprises discriminent celles et ceux qui s'engagent en tant que cadres dans l'armée, mais elles se gardent bien de révéler dans les critères de sélection qu'elles ne veulent pas de ces personnes. C'est la vérité, Mesdames et Messieurs !

Ce qu'on demande par le biais de cette motion, c'est donc seulement que l'Etat montre l'exemple. Il doit montrer l'exemple en ne discriminant pas les personnes qui ont suivi des formations supplémentaires, des formations plus importantes et plus exigeantes que l'école de recrues. A cet égard, j'aimerais relever que de nombreuses universités suisses ont fait le pas d'accorder, sous certaines conditions, des crédits ECTS à certains types de cadres. Qu'est-ce que l'Etat pourrait y gagner ? Sachez que nous avons entre autres des médecins militaires: ces derniers développent grâce à l'armée des compétences particulières, qu'ils peuvent ensuite mettre au service des HUG notamment.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Murat Julian Alder. Je pourrais aussi citer le cas des enseignants titulaires d'un brevet jeunesse et sport.

Le président. C'est terminé, Monsieur !

M. Murat Julian Alder. Mesdames et Messieurs, cette motion est pleine de bon sens... (Le micro de l'orateur est coupé. Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît ! Je passe la parole à M. Christo Ivanov.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à notre excellent collègue Alberto Velasco que cette motion ne demande pas d'accorder plus de points ou de favoriser qui que ce soit, mais uniquement d'assurer une égalité de traitement. (Remarque. Exclamations.) Aujourd'hui, lorsque vous passez des entretiens d'embauche, du moment que vous portez le grade d'officier supérieur - que vous soyez homme ou femme - vous êtes stigmatisé ou discriminé. Voilà pourquoi nous avons déposé cette motion, que la minorité de la commission vous recommande d'accepter.

M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai bien entendu M. Murat Julian Alder, autant ici qu'en commission, puisqu'il a été auditionné. Effectivement, si des personnes subissaient une discrimination à l'embauche parce qu'elles ont des obligations militaires auxquelles elles ne peuvent se soustraire, ce serait inadmissible. Je précise à ce titre qu'on ne choisit pas tous de faire l'armée ! J'ai eu la chance de pouvoir en être dispensé, tant mieux pour moi, mais ça n'a pas été le cas de certains camarades, malheureusement pour eux...

L'UDC avait déjà essayé de traiter cette question par le biais d'une motion, mais celle-ci avait été rejetée car la problématique n'était pas avérée, son existence n'était pas prouvée. On ne peut pas faire des généralités à partir d'une situation, qui plus est lorsqu'elle n'est même pas tout à fait correcte ! M. Murat Julian Alder a donc beau jeu de rappeler qu'il ne faut pas agir ainsi, mais le problème est inexistant et l'UDC en a apporté la preuve avec la motion qu'elle avait déposée en son temps. Je vous invite par conséquent à rejeter résolument ce texte. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. A mon sens, dire que les problèmes sont inexistants, c'est vraiment ne pas vouloir voir certaines réalités - ou ne pas en avoir connaissance, c'est aussi une possibilité. Certains ressentent de l'inquiétude à l'idée qu'on puisse favoriser par là une partie de la population, mais je crois qu'il s'agit juste de recréer un équilibre. Voilà la préoccupation que j'ai pu déceler dans les propos des motionnaires. Le but est de trouver un équilibre, non pas d'introduire une nouvelle discrimination, contrairement à ce que craignent certains députés dans cet hémicycle.

M. Yvan Rochat (Ve), rapporteur de majorité. J'aimerais ajouter quelques mots pour rappeler qu'il y a trente ou quarante ans, un tapis rouge était effectivement déroulé aux officiers qui se présentaient à certains postes dans l'économie privée, notamment. Actuellement ce n'est plus le cas, mais cela ne veut pas dire qu'il y a une discrimination. L'exemple donné par M. Alder concernait l'économie privée; ces procédés n'ont plus cours dans ce secteur aujourd'hui et ne sont pas avérés dans le cadre de la politique menée par l'Etat de Genève. Voilà les motifs pour lesquels cette motion est sans objet. Toute discrimination est à exclure, que ce soit en raison du genre, des pratiques ou parce que l'on est officier à l'armée. Toute discrimination est à exclure, mais l'audition du directeur de l'office du personnel de l'Etat a démontré la qualité du travail effectué en vue de réussir à bannir les discriminations, justement.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Cette motion concerne les ressources humaines de l'Etat de Genève, il n'est donc pas question de la façon dont sont traités dans le privé les hommes, respectivement les femmes, qui serviraient dans l'armée. A cet égard, j'estime qu'il est important de rappeler les principes qui s'appliquent au sein de l'administration genevoise.

En premier lieu - et je pense que ce principe prévaut également dans le secteur privé - il est évidemment dans l'intérêt public et donc dans celui de l'administration cantonale de choisir le meilleur candidat lorsqu'un poste est mis au concours. C'est un fondement tout à fait clair ! Ensuite, les compétences requises pour un poste sont bien sûr définies par la fonction. Ainsi, les compétences acquises au sein de l'armée, notamment en matière de management et de résistance au stress, de même que l'expérience - le nombre d'années de conduite, par exemple - ou la certification d'une formation sont prises en compte lors d'un recrutement lorsqu'elles sont demandées par la fonction. Si le poste requiert un sens de la conduite, il va donc de soi que l'expérience d'une personne qui servirait ou qui aurait servi dans l'armée à un niveau de conduite sera prise en considération, tout comme d'autres types d'expériences.

J'aimerais également rappeler que l'office du personnel de l'Etat n'a pas eu connaissance de situations dans lesquelles des candidats n'auraient pas été embauchés dans l'administration cantonale en raison de leur engagement militaire. Nous n'avons pas connu ce genre de cas, et je pense qu'il est important de le préciser. Cela dit, si vous entendez parler de telles situations au sein de l'Etat de Genève, je vous serai bien sûr reconnaissante de m'en faire part. Merci, Mesdames et Messieurs les députés.

Le président. Merci. Nous passons tout de suite au vote de cette proposition de motion.

Mise aux voix, la motion 2508 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 46 oui contre 45 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 2508

M 2553
Proposition de motion de Mmes et MM. Delphine Klopfenstein Broggini, Paloma Tschudi, Yves de Matteis, Katia Leonelli, Alessandra Oriolo, Adrienne Sordet, Isabelle Pasquier, Pierre Eckert, Jocelyne Haller, Anne Marie von Arx-Vernon, Frédérique Perler, Claude Bocquet, Diego Esteban, Christian Dandrès, Thomas Wenger, Grégoire Carasso, Jean-Charles Rielle, Léna Strasser, Youniss Mussa, Emmanuel Deonna, Salima Moyard, Nicole Valiquer Grecuccio : Soutenir pleinement la grève féministe du 14 juin 2019 : pas de retenue de salaire pour le personnel de l'Etat qui fera grève !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 14 et 15 mai 2019.

Débat

Le président. Nous enchaînons avec la M 2553, qui est classée en catégorie II, trente minutes. (Brouhaha.) S'il vous plaît ! La parole est à Mme Katia Leonelli.

Mme Katia Leonelli (Ve). Merci, Monsieur le président. (Le brouhaha persiste.)

Le président. S'il vous plaît ! (Un instant s'écoule.) Merci.

Mme Katia Leonelli. Mesdames les députées, Messieurs les députés, la majorité de ce parlement n'ayant pas souhaité traiter cette motion en urgence en mai dernier, elle est restée depuis lors à l'ordre du jour et, bien qu'elle ait pour objet un événement qui s'est produit il y a plusieurs mois, nous avons choisi de ne pas la retirer.

Nous avions rédigé ce texte à la suite de l'annonce de la Ville de Genève en avril dernier selon laquelle il n'y aurait pas de retenue de salaire pour toutes les fonctionnaires de genre féminin le 14 juin 2019. Il s'agissait d'un message fort de la part de la conseillère administrative chargée des finances municipales, laquelle décidait ainsi de soutenir pleinement les femmes qui feraient la grève pour lutter contre les discriminations et les violences sexistes. La conseillère d'Etat chargée des finances cantonales annonçait peu après que les fonctionnaires de l'Etat ne connaîtraient pas le même traitement.

Finalement, procéder à une retenue sur le salaire des femmes qui font la grève, c'est un moyen d'être cohérent avec leur situation quotidienne. En effet, un jour entier non payé, c'est une façon d'être solidaire avec toutes ces femmes qui travaillent dans le privé et qui dans certains secteurs sont encore rémunérées - vous l'avez relevé tout à l'heure, Monsieur le député Wenger - jusqu'à 20% de moins que leurs homologues masculins, malgré des compétences égales.

Cette journée a coûté cher aux femmes qui ont fait la grève, mais en définitive cela nous rappelle qu'être une femme, cela coûte cher. Elles doivent par exemple payer une contraception qui n'est pas remboursée par les collectivités ou les assurances-maladie, ainsi que des protections hygiéniques qui, elles non plus, ne bénéficient pas du soutien de la société tout entière, alors qu'aux dernières nouvelles la reproduction concerne les hommes autant que les femmes. On pourrait citer d'autres éléments qui coûtent bien cher et qui ne sont pas aussi facilement quantifiables dans notre économie de marché, notamment la discrimination à l'emploi, qui est véritable et structurelle pour les femmes, comparativement aux hommes, ou encore le fait que celles-ci ne réussissent pas à atteindre des postes dirigeants et décisionnels, malgré leurs compétences et leurs années d'expérience. La sous-représentation politique, qui nous coûte cher en termes de manque de représentation démocratique, est intimement liée à cette problématique, qui découle en partie bien sûr des images dégradantes véhiculées par la publicité et les différents médias.

Pour finir, j'aimerais évoquer dans un autre registre le harcèlement de rue, les viols, les agressions sexuelles, les violences conjugales, les féminicides, toutes ces abominations banales qui touchent les femmes et qui constituent décidément les aspects du patriarcat qui nous coûtent le plus cher.

Alors libre à vous, Mesdames et Messieurs les députés, de ne pas voter en faveur de cette motion. En revanche, vous ne pouvez plus vous permettre de faire la sourde oreille quant au fond des revendications que portait le mouvement du 14 juin. Je vous remercie. (Vifs applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Mme Françoise Nyffeler (EAG), députée suppléante. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais moi aussi revenir sur cette journée du 14 juin, parce que j'ai été assez choquée par la discussion précédente concernant l'égalité salariale. Je vous rappelle que le 14 juin nous avons montré la légitimité de ce mouvement et des revendications des femmes qui, en très grand nombre en Suisse, ont exprimé leur colère face à l'immobilisme qui existe dans les institutions. On aurait donc effectivement pu espérer que l'Etat soutienne ce mouvement en renonçant aux retenues salariales, d'autant qu'une grande partie des femmes présentes ici ont participé à la manifestation, de même que les conseillères d'Etat.

Cette manifestation, ou plutôt ces manifestations, puisqu'il y en a eu dans toute la Suisse, ont permis de changer un certain nombre de choses. Elles ont par exemple joué un très grand rôle à mon sens dans la progression de la proportion de femmes au sein du Conseil national en mettant ce sujet au premier plan. Aujourd'hui, plus personne ne craint de parler du problème des discriminations dont sont victimes les femmes.

En revanche, beaucoup de choses n'ont toujours pas bougé, et les femmes vont être obligées de continuer à se rendre visibles dans leurs combats et de mener d'autres journées de grève. Des grèves féministes sont notamment annoncées pour le 8 mars, et elles se poursuivront tant que l'égalité hommes-femmes n'aura pas été atteinte, parce que ce sont aussi ces mouvements qui permettent qu'on avance, que ces questions soient prises en considération dans vos bureaux et que l'on dise qu'il s'agit d'une priorité. Malheureusement, les choses progressent extrêmement lentement ! On pourrait mentionner l'inégalité salariale, les violences, les féminicides, l'absence de reconnaissance du travail non rémunéré, le fait que le travail de «care» - soit la prise en charge des soins - essentiellement effectué par les femmes, est extrêmement dévalorisé, etc. On commence à réaliser en public, dans les médias, l'ampleur du problème. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Nous avons rendez-vous le 8 mars pour le rappeler encore une fois, et j'espère que lors des prochaines grèves féministes l'Etat de Genève fera un geste à l'égard de ses employées afin de montrer son soutien aux femmes qui se battent et qui expriment leur colère. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Au vu des problèmes majeurs que peut actuellement rencontrer notre canton, je trouve dommage que les Vertes - puisqu'elles veulent tout mettre au féminin - estiment que nous pouvons perdre notre temps aujourd'hui avec des motions qui ne sont plus du tout d'actualité.

J'aimerais toutefois rebondir sur les propos de mes deux préopinantes en rappelant quelques points. Ce qu'on a appelé grève des femmes n'était pas une grève au sens strict de la loi, puisque pour être considérée comme telle, une grève doit notamment répondre à quatre conditions: elle doit se rapporter aux relations de travail, respecter le principe de la proportionnalité, être appuyée par une organisation de travailleurs et se conformer à l'obligation de préserver la paix du travail. (Brouhaha.) Or, le 14 juin, ces critères n'étaient pas remplis. La problématique n'était pas liée aux rapports de travail entre une employée et son employeur spécifique, et des personnes qui n'étaient pas directement concernées par les revendications du mouvement ont manifesté par solidarité. La foule comptait effectivement des hommes, des femmes non discriminées ainsi que des enfants, qui donc ne travaillent pas. Il s'agissait d'une grève dite «politique», sur laquelle le Tribunal fédéral s'est exprimé en indiquant qu'elle n'était pas admise au vu du droit suisse.

La grève, qu'elle soit licite ou illicite, est un refus collectif de fournir la prestation de travail. L'employeur répond en ne payant pas le travail qui n'a pas été effectué, ce qui nous semble logique. La M 2553 que nous traitons actuellement demande qu'on ne procède pas à des retenues salariales et que les heures d'absence ne soient pas compensées. Avant même le dépôt de cette motion, l'Etat de Genève avait fait savoir que celles et ceux qui suivraient le préavis de grève du cartel devraient s'annoncer et subiraient une retenue de salaire. Pour les employés souhaitant participer à cette manifestation, une compensation en temps avait par contre été prévue. De son côté, la Ville de Genève a donné un jour de congé aux femmes et aux transgenres, mais pas aux hommes. Outre l'aspect discriminant qu'elle revêt pour les hommes, on peut se demander si l'effet de grève a pesé sur cette décision. Les autres cantons romands ont quant à eux navigué entre ces différentes solutions, et dans les entreprises privées la situation a majoritairement été réglée par le dialogue et des compensations d'heures.

Au fond, qu'il s'agisse de la question féminine ou d'autres revendications d'ordre politique ou sociétal, la problématique qui se pose ici est la même. Le droit suisse ne les considère pas comme des grèves, c'est donc le droit du travail qui doit s'appliquer... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et celui-ci stipule que les personnes qui quittent leur poste de travail sans l'avoir annoncé s'exposent à des sanctions allant de la retenue sur salaire à l'avertissement, voire au licenciement. A cet égard, il n'y a pas de raison que les employés de l'Etat soient traités différemment du personnel qui travaille dans le secteur privé.

En conclusion, le PLR trouve qu'il n'est pas acceptable que l'égalité salariale ne soit pas encore réalisée en Suisse, mais pour les motifs que je viens d'énoncer, nous refuserons malgré tout cette motion. Merci. (Exclamations. Applaudissements.)

Mme Delphine Bachmann (PDC). Mon exposé sera probablement un peu moins technique que celui de Mme Barbier-Mueller. Certes, la grève est un droit, les femmes et les hommes employés au sein de la fonction publique pouvaient la faire le 14 juin dernier, mais j'aimerais rappeler un principe très simple: quand des infirmières ou des enseignants font la grève, ils subissent une retenue de salaire ! Je ne vois donc pas pourquoi, parce qu'on est une femme ou qu'il s'agissait cette fois d'une manifestation féministe, cette cause-là serait supérieure aux autres revendications salariales existantes. Ainsi, dans un souci d'équité de traitement face aux revendications diverses et variées qui peuvent apparaître un jour ou l'autre dans notre république et au sein de l'Etat, le PDC refusera cette motion, qui par ailleurs a un peu perdu sa raison d'être puisqu'elle date de plusieurs mois. On me traitera peut-être de mauvaise féministe, mais ça m'est complètement égal ! Il n'existe pas de bonne ou de mauvaise féministe: il y a seulement des femmes qui doivent se battre ensemble pour atteindre l'égalité. C'est dans ce sens que je continuerai d'oeuvrer, mais pas en disant à celles et ceux qui font la grève pour d'autres motifs qu'ils méritent pour leur part une retenue de salaire, contrairement à nous dans le cadre de cette journée symbolique. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, 70 000 personnes se sont rassemblées dans les rues le 14 juin dernier, et que trouve à nous dire le PLR ? «Ce n'est techniquement pas une grève !» Franchement, cette réponse juridico-juridique passe complètement à côté de l'ensemble des enjeux qui ont été mis en lumière par cette mobilisation extrêmement vaste et importante, non seulement dans la fonction publique, non seulement à Genève, mais bien dans toute la Suisse.

On a parlé tout à l'heure de l'égalité salariale, on a également évoqué à réitérées reprises dans le cadre des débats de ce Grand Conseil les enjeux concernant le harcèlement au travail, le harcèlement dans la rue, le harcèlement dans la vie familiale, les violences faites aux femmes, la sous-représentation des femmes dans les institutions dirigeantes, notamment politiques, et j'en passe. Il faut maintenant encourager ces mouvements pour que nous parvenions véritablement à l'égalité dans les différentes sphères de la société, qu'il s'agisse de la vie familiale, politique ou professionnelle. On doit encourager ces mobilisations de rue qui viennent en appui à l'ensemble des mobilisations, que ce soit au niveau politique ou associatif.

Pour toutes ces raisons, nous soutenons cet objet parlementaire, mais nous vous proposons de le renvoyer à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat afin de pouvoir l'étudier. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix le renvoi de cet objet à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2553 à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat est rejeté par 54 non contre 33 oui et 1 abstention.

Le président. Nous nous prononçons maintenant sur la proposition de motion elle-même.

Mise aux voix, la proposition de motion 2553 est rejetée par 53 non contre 33 oui et 1 abstention.

RD 1169-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil relatif au Plan financier quadriennal 2017-2020 de la République et canton de Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 28 février et 1er mars 2019.
Rapport de M. Alberto Velasco (S)

Débat

Le président. Nous passons au point suivant, dont nous débattons en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Alberto Velasco, à qui je cède la parole.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Les points 43, 44 et 45 de l'ordre du jour - soit les RD 1169-A, 1201-A et 1250-A - concernent respectivement les plans financiers quadriennaux des années 2017-2020, 2018-2021 et 2019-2022. Ces trois rapports, par ailleurs déjà obsolètes, ont été rejetés par la commission des finances. Le troisième a toutefois obtenu un oui de la part du MCG, raison pour laquelle il a fait l'objet d'un rapport de minorité.

Mesdames et Messieurs, il ne sert à rien de débattre de ces plans financiers quadriennaux: nous sommes en 2020, nous attendons donc maintenant le PFQ 2020-2023 que le Conseil d'Etat va nous proposer. C'est là-dessus qu'on devra discuter, sur des faits concrets ! On pourrait s'étendre sur chacun de ces PFQ, sur les motifs de leur rejet, mais ils sont déjà loin des réalités qu'on a vécues et qui sont liées aux différents budgets tels qu'ils ont été refusés ou acceptés par l'un ou l'autre des groupes. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, je vous propose de rejeter déjà le premier, soit le RD 1169, comme l'a fait la majorité de la commission.

Le président. Je vous remercie, Monsieur Velasco. Je rappelle que le RD 1201-A a été traité à 14h lors de la séance des extraits. (Remarque de M. Alberto Velasco.) Oui, il figurait à l'ordre du jour de la séance des extraits ! Je passe la parole à M. Jean Burgermeister.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Ma prise de parole vaut pour les deux PFQ à l'ordre du jour qui, comme l'a indiqué le rapporteur, sont un peu obsolètes et n'ont plus beaucoup d'intérêt. En vérité, il faut le dire, ces plans financiers quadriennaux ne présentaient pas de réel intérêt dès le départ, puisque pour le gouvernement l'idée consiste à montrer que les finances vont retrouver l'équilibre dans les années à venir, et ce, vous le savez bien, grâce à l'effet magique que le Conseil d'Etat appelle l'effet dynamique de la RFFA, qui redresse la courbe des finances du canton. Personne ne peut nous expliquer quel est ce phénomène ni comment il est calculé, mais c'est comme ça, Mesdames et Messieurs, croyez-nous, tout va bien se passer ! Le résultat, on le voit: le budget 2020 voté par une majorité de droite affichait un déficit de presque 600 millions de francs, et bien sûr la situation ne va faire que s'aggraver au fur et à mesure que la RFFA déploiera ses effets, avec un déficit abyssal et une dette qui enfle.

Le plan du gouvernement n'en est pas réellement un; il n'est en tout cas pas convaincant ! Heureusement, Mesdames et Messieurs, Ensemble à Gauche veille au grain et a préparé un programme... (Exclamations.) ...dont nous avons aujourd'hui posé la première pierre avec l'initiative visant à taxer à 100% les dividendes des gros actionnaires, ce qui devrait ramener au canton une centaine de millions de francs. Comme le Grand Conseil dans sa majorité est resté sourd à cette nécessité, nous faisons directement appel au peuple, et ce n'est qu'un début, Mesdames et Messieurs. Nos tubes contiennent d'autres initiatives, qui nous permettront de nous attaquer à l'ensemble des privilèges fiscaux des plus fortunés de ce canton, qu'il s'agisse des gros héritages, de la spéculation immobilière ou de l'impôt sur la fortune. C'est à tout cela qu'Ensemble à Gauche va s'attaquer, dans l'idée de reconquérir le milliard de francs qui manque chaque année à l'Etat suite à la multiplication - voulue par ce parlement et ce gouvernement - des cadeaux fiscaux accordés aux plus riches de ce canton depuis vingt ans. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs. (Exclamations. Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Eric Leyvraz (UDC). Quand on relit ces plans financiers quadriennaux, on ne peut évidemment que sourire. Dans le PFQ 2017-2020, on nous annonçait l'équilibre ainsi qu'un modeste bénéfice en 2020. Le PFQ suivant était sensiblement plus prudent: on nous disait qu'il y aurait un faible déficit en 2020, mais que l'équilibre reviendrait en 2021. Quant au PFQ 2019-2022, il prévoyait un léger déficit de 123 millions - soit cinq fois moins que le déficit actuel - mais en nous promettant qu'on retrouverait l'équilibre des finances en 2022, alors qu'on savait déjà que la caisse de pension et la RFFA allaient coûter très cher. C'est extraordinaire ! On dépense donc beaucoup d'argent pour faire des plans financiers quadriennaux qui ne servent strictement à rien ! Dans le fond, ces PFQ sont des pilules de Prozac destinées à des députés dépressifs. Merci quand même. (Rires. Applaudissements.)

M. Cyril Aellen (PLR). Personnellement, j'aime bien ces PFQ, et j'ai d'ailleurs toujours demandé qu'ils nous parviennent en temps et en heure. J'en profite pour relever que c'est dorénavant le cas, ce qui est une bonne chose à mon sens. Pourquoi ? Parce que ces plans financiers quadriennaux - je me réfère là à la page 20 du RD 1169-A - permettent d'avoir une vision à moyen terme. C'est le premier objectif. Ils sont présentés par politique publique et mettent en évidence les priorités politiques du Conseil d'Etat pour les trois prochaines années. Je pense qu'il est bénéfique d'avoir une vision de ces priorités sur trois ans, car il est important de les connaître. C'est aussi l'occasion d'obtenir une estimation des charges et des revenus de fonctionnement - notamment en fonction des hypothèses macro-économiques connues au moment de l'élaboration de ces PFQ - de même qu'une estimation de l'évolution de la dette, des risques financiers et de la réserve conjoncturelle, puisque celle-ci a été réintégrée. Il s'agit donc d'un outil de pilotage pour les dépenses et les recettes de l'Etat qui est à mon avis bienvenu pour autant qu'on s'y conforme et qu'on s'y réfère chaque fois que c'est nécessaire.

Il est du reste intéressant de traiter ces PFQ avec un peu de retard, parce que ça nous permet de voir quelles étaient les projections de l'époque et ce qui s'est passé en réalité. Selon moi, ce n'est pas seulement le résultat qui présente de l'intérêt, même si c'est le cas; j'apprécie surtout de pouvoir constater ce qui s'est réalisé et ce qui ne s'est pas réalisé. Je remercie d'ailleurs M. Leyvraz de l'avoir évoqué ! Je vais vous citer quelques exemples. Le premier point concerne les recettes, qui sont si chères à M. Burgermeister et son groupe, ainsi qu'à toute la gauche en général. Que remarque-t-on ? Eh bien qu'elles sont largement supérieures à ce qui était envisagé, bien que les hypothèses macro-économiques aient été élaborées de façon assez juste - ce dont il faut féliciter le département. Dans les faits, il se trouve que les recettes ont progressé beaucoup plus que prévu. On n'a donc pas accordé de cadeaux aux contribuables ! Au contraire, on a prélevé dans leurs poches un peu plus que ce qui avait été envisagé.

A l'inverse, si on considère les dépenses qui ont été engagées, on constate là aussi qu'elles ont été nettement supérieures à ce qui avait été estimé. Une fois encore, les hypothèses macro-économiques - c'est-à-dire le chômage, la précarité, la pauvreté, etc. - avaient été correctement évaluées, mais les dépenses ont malgré tout fortement augmenté. Pourquoi ? Parce que c'est là que des cadeaux non planifiés ont été accordés ! Je pense aux nombreuses lois votées par ce Grand Conseil - et parfois par le peuple - qui ont multiplié les dépenses par centaines de millions et qui font que la situation est aujourd'hui catastrophique sur le plan budgétaire. Nous verrons ce qu'il en est sur le plan comptable, mais il y a fort à parier que, l'économie allant plutôt bien, les recettes seront encore plus importantes que celles qui ont été planifiées.

Le président. Il vous faut terminer, Monsieur Aellen.

M. Cyril Aellen. En conclusion, Monsieur le président, je pense qu'il est important de pouvoir analyser ces éléments sous cet angle, sachant que ces plans financiers quadriennaux doivent être examinés en temps et en heure en commission, mais avec un certain délai en plénière.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur. J'aimerais dire à notre collègue Eric Leyvraz qu'il s'agit d'une obligation inscrite dans la LGAF: le Conseil d'Etat doit nous transmettre ce document année après année. Cela étant, le PFQ 2017-2020 prévoyait par exemple 90 millions de francs d'économies, or il s'est avéré par la suite que les comptes présentaient un excédent. Oui, on nous a dit en 2017 qu'il était nécessaire de réaliser une économie de 90 millions sur les charges, puis on a constaté que les comptes étaient excédentaires ! Ce que je veux dire, c'est donc qu'il y a quand même une grande imprécision. C'est vrai - je suis d'accord avec M. Aellen - ces éléments de référence nous permettent de voir en quelque sorte le guidage du Conseil d'Etat, mais enfin ce n'est pas une bible. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci. Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous prononcer sur ce rapport, en vous rappelant que la commission l'a refusé.

Mis aux voix, le rapport du Conseil d'Etat RD 1169 est rejeté par 53 non contre 8 oui et 15 abstentions.

RD 1250-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil relatif au plan financier quadriennal 2019-2022 de la République et canton de Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 24, 25 et 31 janvier 2019.
Rapport de majorité de M. Christian Dandrès (S)
Rapport de minorité de M. François Baertschi (MCG)

Débat

Le président. Nous examinons pour terminer le RD 1250-A - qui traite du même sujet - en catégorie II, quarante minutes. Le rapport de majorité est de M. Christian Dandrès, remplacé par M. Alberto Velasco, à qui je passe la parole.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Les considérations relatives à cet objet sont à peu près du même ordre. Dans le cas d'espèce, je me souviens que les socialistes avaient notamment estimé - mais il me semble que les autres groupes aussi - que la hausse de la fameuse taxe personnelle visant à la faire passer de 25 à 50, 75 puis 100 francs était inacceptable. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste en tout cas avait refusé ce plan financier quadriennal.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Le vote de ce plan financier quadriennal fut assez atypique, comme d'ailleurs celui du budget pour l'exercice 2019 auquel il était lié. J'avais été très surpris du coup de théâtre: on partait d'un déficit de 200 millions, pour ensuite se retrouver avec un budget 2019 affichant une marge bénéficiaire de 60 millions, grâce à laquelle on a pu se montrer un peu plus généreux. Quoi qu'il en soit, la situation était kafkaïenne car les groupes parlementaires s'opposaient tous, de façon un peu absurde, au plan financier quadriennal et au budget qu'il accompagnait pour des raisons diverses. Dans ce contexte aberrant, je trouvais qu'il était totalement ridicule de refuser le PFQ, même s'il est vrai que, quand on regarde ces plans financiers quadriennaux année après année - et c'est un exercice intellectuel qui peut en satisfaire certains - on peut penser qu'il y a là quelque chose de tout à fait absurde, comme l'a bien indiqué le député Leyvraz tout à l'heure. Des équilibres et des déséquilibres se créent, se défont et se reforment sans aucune logique apparente. Je me suis alors dit ceci: «Puisqu'on se trouve face à un jeu de massacre politicien et que les raisons de refuser ce plan financier quadriennal sont tellement absurdes et contradictoires, eh bien allons-y, soyons fous et acceptons-le !»

On s'est par ailleurs retrouvé confronté à une véritable crise de l'Etat ces dernières années. Rappelons l'affaire d'Abu Dhabi, celle des notes de frais, de même que tout ce qui a secoué la république. Un climat de méfiance profond s'est installé, il y avait là un véritable jeu de massacre, des élites suicidaires se détruisaient, et donc par pure provocation j'ai voté oui... (Rires. Exclamations.) ...à ce plan financier quadriennal... (Rire de l'orateur.) ...en me disant que tout le monde était contre tout en étant pour ! Je ne voudrais pas prendre une image à la Pierre Dac, mais quitte à agir de façon absurde, allons-y complètement et acceptons ce PFQ, qui s'apparente quelque part à un exercice de style. C'est en tous les cas dans cette voie que j'ai persévéré en tant que rapporteur de minorité ! (Exclamations.)

Des voix. Bravo !

M. Eric Leyvraz (UDC). Je sais bien que le Conseil d'Etat a l'obligation légale de nous transmettre un plan financier quadriennal, mais quand même ! Ce PFQ - et il en allait de même dans le précédent, qui datait de fin 2017 - nous annonce un résultat net de 53 millions pour 2021 et de 114 millions pour 2022, alors que, comme je l'ai dit tout à l'heure, on sait que de nombreuses difficultés vont survenir. Alors je connais les talents de notre ministre des finances, mais si elle parvient à ces résultats, elle aura vraiment droit à toutes mes félicitations !

Ce qu'il faudrait, c'est que le Conseil d'Etat nous présente un PFQ un peu moins optimiste, qui se base par exemple sur deux ou trois points importants sur lesquels il arrive à tenir la route. Parce que là, faire de telles annonces alors qu'on sait très bien que le déficit atteint environ 600 millions cette année et qu'il se montera en tout cas à 350 ou 400 millions en 2021... Les résultats auxquels on parvient dans ces PFQ sont complètement ubuesques ! Ils ne servent strictement à rien, et ce n'est pas avec ce genre de chiffres qu'on peut guider la vue des députés. Il est difficile d'établir des prévisions, j'en suis conscient, les humoristes disaient d'ailleurs que l'avenir n'est plus ce qu'il était, mais en l'occurrence il est totalement ridicule de nous annoncer un bénéfice de 114 millions dans deux ans. Merci.

Le président. Merci. Nous allons maintenant nous prononcer sur ce rapport qui, je le rappelle, a été refusé en commission.

Mis aux voix, le rapport du Conseil d'Etat RD 1250 est rejeté par 57 non contre 13 oui et 14 abstentions.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous félicite pour votre travail. Nous avons bien avancé lors de la séance des extraits de tout à l'heure, et nous avons par ailleurs fini de traiter les objets du département des finances et des ressources humaines. C'est une bonne chose ! Sur ce, je vous souhaite un bon week-end ! (Exclamations.)

La séance est levée à 19h45.