République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12314-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Jean-Luc Forni, Anne Marie von Arx-Vernon, Guy Mettan, François Lance, Jean-Marc Guinchard, Vincent Maitre, Jean-Charles Lathion, Delphine Bachmann, Olivier Cerutti, Marie-Thérèse Engelberts, Xavier Magnin modifiant la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP) (D 3 08) (Moins d'impôts pour les familles !)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 17 et 18 octobre 2019.
Rapport de majorité de M. Sandro Pistis (MCG)
Rapport de minorité de M. Yvan Rochat (Ve)

Premier débat

Le président. Nous passons à la deuxième urgence, le PL 12314-A dont le débat est classé en catégorie II, quarante minutes. La parole va à M. Sandro Pistis.

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a fait l'objet d'un examen approfondi à la commission fiscale. Son but est de diminuer le coût de la vie pour les familles ayant des enfants à charge ou dont l'un des conjoints vient en aide à l'autre lorsqu'il fournit un travail important pour le seconder dans sa profession. Vous l'aurez compris, ce texte fera souffler un vent positif sur le porte-monnaie des foyers genevois qui, année après année, se voient rackettés par l'augmentation incessante du coût de la vie, des assurances, du loyer et j'en passe.

Sur le fond, de quoi s'agit-il ? Il s'agit d'augmenter le montant des déductions fiscales accordées aux parents. Selon la pratique actuelle, chaque famille peut faire valoir une déduction de 10 000 francs par enfant; avec ce projet de loi, celle-ci passera à 13 000 francs par enfant. Une exception subsiste cependant: si, parallèlement, vous déduisez une charge pour frais de garde, la charge par enfant revient à la somme initiale, c'est-à-dire 10 000 francs. Il faut comprendre par là que l'une n'annule pas l'autre, mais limite l'autre déduction. Mesdames et Messieurs, au nom de la majorité de la commission fiscale, je vous invite à soutenir cet objet tel qu'issu des travaux.

M. Yvan Rochat (Ve), rapporteur de minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, le présent projet de loi prétend lutter contre la chape de plomb fiscale qui écrase les familles genevoises, celle-ci étant responsable - c'est ce qu'indique l'exposé des motifs - de l'augmentation du nombre de foyers devant recourir à l'aide sociale, et donc source de pauvreté à Genève. Le raisonnement des soutiens à ce texte a de quoi déconcerter les esprits les plus sophistiqués: la précarité et l'appel à l'aide sociale étant en hausse, afin de les faire diminuer, il faut baisser les impôts de celles et ceux qui ne sont pas pauvres et ne s'adressent pas à l'Hospice général.

On le voit bien, tout cela ne tient pas la route et relève d'un autre projet, caché celui-là, consistant à tirer sur toutes les ficelles de la fiscalité pour diminuer les ressources de l'Etat et le forcer à limiter ses prestations. Comble de l'ironie, la manoeuvre réduira de 2500 le nombre de contribuables, ce qui est paradoxal venant de groupes politiques, en particulier ceux de l'Entente, qui passent une bonne partie de leur temps à se plaindre que la charge fiscale à Genève repose sur trop peu de contribuables, engendrant chez ces derniers un sentiment d'injustice. Là, tels des pompiers pyromanes, ils contribuent par leur vote à accentuer le phénomène qu'ils dénoncent plus généralement.

Conscients des paradoxes problématiques de ce projet de loi eu égard à la cohésion sociale et aux finances de notre canton, le Conseil d'Etat et sa magistrate Mme Nathalie Fontanet ne s'y sont pas trompés: que ce soit dans sa forme initiale à -75 millions ou dans sa forme amendée à -38 millions, ils préconisent le rejet de cette fausse piste. Si on veut réellement améliorer la situation de celles et ceux qui, au sein de la population genevoise, peinent à boucler les fins de mois, si on veut leur permettre de ne plus dépendre de l'aide sociale et de s'extraire de la précarité, il nous faut mener une autre politique économique, réellement inclusive, notamment auprès des plus précaires, des résidents d'origine étrangère et des familles monoparentales. C'est à cela que nous devrions consacrer notre énergie, c'est à cela que l'Etat devrait dédier ses ressources; il ne s'agit pas de l'affamer comme le font par pure idéologie les auteurs de ce projet de loi.

Il est particulièrement désolant de voir les groupes de cette droite élargie découvrir un à un les problèmes de notre société, tels que les charges qui pèsent sur les familles avec des enfants en crèche, en formation ou en école privée, des parents impotents qu'il faut seconder en tant que proches aidants, de jeunes adultes sans formation et au chômage, des voitures voire des chiens, et proposer pour seule réponse - quasi pavlovienne ! - la baisse d'impôts. Leur politique, une nouvelle fois mise en oeuvre avec ce projet de loi, n'est autre qu'une fuite en avant pour ne pas se confronter à la réalité ni résoudre les problèmes par des politiques publiques volontaristes, progressistes et inclusives.

De petits cadeaux fiscaux électoralistes en petits cadeaux fiscaux populistes, on abandonne les plus fragiles, ceux qui ne peuvent pas contribuer à l'impôt, et on creuse les écarts au sein des habitants, sans se préoccuper des conséquences de l'affaiblissement de l'Etat, par exemple sur la cohésion sociale. Pour ces raisons, la minorité vous enjoint, Mesdames et Messieurs, chers collègues, de refuser ce projet de loi.

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi 12314 a pour but d'augmenter le montant des déductions afin d'aider les familles, spécialement la classe moyenne. A Genève, il faut le reconnaître, les hausses successives de la fiscalité ont affaibli le pouvoir d'achat de beaucoup de foyers qui se trouvent péjorés... (Commentaires.) Monsieur de Sainte Marie, est-ce que vous pouvez vous taire, s'il vous plaît ? On peut parler, Monsieur le président, ou bien...? Je ne sais pas, faites votre travail ! ...car trop d'impôt tue l'impôt.

Ce texte propose que dans le cadre d'une activité lucrative, les deux conjoints puissent déduire 1000 francs au lieu de 500 francs, que les déductions pour charges familiales passent de 10 000 à 15 000 francs - amendée en commission, cette somme est devenue 13 000 francs - et que la demi-charge de famille passe de 5000 à 7500 francs - là encore, un amendement a revu ce montant à 6500 francs.

Il s'agit d'un pas dans la bonne direction pour redonner du pouvoir d'achat aux familles et à la classe moyenne. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC soutiendra le projet tel qu'amendé en commission. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous ne le dirons jamais assez: le coût de la vie à Genève est extrêmement élevé, on l'a encore entendu tout à l'heure de ce côté-ci de la salle. (L'orateur désigne les bancs de gauche.) Année après année, la population genevoise subit une ponction fiscale parmi les plus importantes, une hausse des primes d'assurance-maladie parmi les plus significatives et des loyers parmi les plus onéreux de Suisse. Particulièrement difficile à vivre pour nos familles, cette chape de plomb - oui, il s'agit bien d'une chape de plomb ! - ne favorise en rien une politique forte en faveur de celles que le parti démocrate-chrétien considère comme les cellules de base de notre société, où se définissent et se construisent les citoyennes et citoyens ainsi que les valeurs de demain, c'est-à-dire les familles.

Certes, les pouvoirs publics ont mis en place des aides financières afin de soulager l'investissement conséquent que représentent les charges d'une famille, quelle que soit sa nature. Malheureusement, si on examine de plus près les statistiques, force est de constater que les foyers genevois sont de plus en plus nombreux à recourir à l'aide sociale, tandis que la pauvreté progresse irrémédiablement dans notre canton. Si les prestations complémentaires constituent un outil essentiel de notre principe de solidarité, celles-ci deviennent obsolètes dès lors qu'elles ne parviennent plus à compléter le budget familial et ainsi à endiguer la paupérisation comme l'exclusion sociale.

Vous n'êtes pas sans savoir que la Confédération repense les prestations complémentaires et que celles-ci seront revues à la baisse; charge au canton de déterminer s'il voudra les compenser intégralement ou pas. Si les prestations complémentaires constituent un outil essentiel de notre principe de solidarité, celles-ci deviennent obsolètes, comme je viens de le dire. Il est donc nécessaire de conduire des réformes sociales en profondeur afin de trouver de nouvelles solutions permettant de rendre aux familles leur dignité et leur place dans notre société en fonction de leurs besoins réels.

Partant de ce constat, le parti démocrate-chrétien propose, à travers ce projet de loi, d'offrir rapidement une bouffée d'air aux familles genevoises. Après le vote des amendements déposés par le PLR en commission, le texte permet désormais aux parents, comme on l'a entendu, de déduire 13 000 francs par charge et 6500 francs par demi-charge; dans le cas où l'une d'elles correspond à un enfant de moins de 14 ans et que le contribuable fait valoir une déduction pour frais de garde, conformément à l'article 35 de la LIPP - un montant qui s'élève à 25 000 francs au plus par contribuable - il ne peut déduire que les 10 000 francs, respectivement les 5000 francs déjà applicables aujourd'hui.

Ainsi, d'une perte de 74 millions telle que présentée dans le projet initial, on passe à quelque 38 millions et on réduit de moitié la part des contribuables qui ne paieront pas d'impôts, laquelle passe de 5000 à 2500. Il est également prévu, en raison des effets attendus de la RFFA, que ce dispositif ne s'applique qu'à partir de 2021. Cet amendement a été conditionné au fait qu'il ne sera pas possible de profiter simultanément de la double déduction, c'est-à-dire d'une part la déduction augmentée des frais de garde et d'autre part celle pour charge de famille.

Mesdames et Messieurs, ce projet de loi est destiné à apporter un bol d'air aux familles et à leur éviter d'être soumises aux perfusions de l'aide sociale, ce qui contribuera à donner un élan nouveau et davantage de dignité à cette cellule familiale que le parti démocrate-chrétien a à coeur de placer au plus près de ses préoccupations. Il vous invite donc à le soutenir sans réserve. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, ce projet de loi visant à diminuer l'imposition des familles nous paraît à tous extrêmement sympathique. Il est sympathique, parce que chacun d'entre nous souhaite améliorer le pouvoir d'achat de la majorité de la population, naturellement. Cela étant, il faut bien comprendre qu'avec cette baisse d'impôts, c'est une diminution des prestations et du financement des services publics qui est programmée, à additionner à celle qui sera due aux effets de la RFFA.

Un montant de 38 millions, vous me direz, ce n'est pas beaucoup. Eh bien non, ce n'est pas beaucoup, et je vais vous montrer qu'il aurait été possible de financer cette somme, de nous dire: «Nous allons réduire l'imposition des familles de 38 millions, mais en trouvant le moyen de compenser la perte, par exemple en imposant un tout petit peu plus une catégorie de contribuables hautement privilégiée, comme les gros actionnaires de notre canton.» En effet, ces personnes ne sont pas imposées comme vous et moi - je parle des bancs alentour, parce que j'imagine bien qu'à droite, un certain nombre d'actionnaires sont imposés seulement sur une partie de leur revenu - et nous pourrions donc compenser les 38 millions en augmentant de manière homéopathique l'impôt des gros actionnaires qui, de toute façon, je vous rassure, ne seront pas imposés comme les salariés et les retraités sur 100% de leur revenu, mais seulement sur 75% quand il s'agit de leur fortune commerciale et sur 85% quand il s'agit de leur fortune privée. Ce petit effort nous permettra de compenser les 38 millions et de faire ce généreux cadeau aux foyers des classes moyennes.

Alors, chers collègues de droite et du MCG qui nous avez parlé avec une sincérité touchante des difficultés des familles, peut-être accepterez-vous qu'au lieu de financer ce cadeau fiscal aux classes moyennes, que nous sommes prêts à vous concéder, par des coupes dans les prestations aux familles les plus modestes, nous le financions en augmentant de manière très modeste l'imposition privilégiée des actionnaires. C'est du pur bon sens, donc tout le monde va voter cet amendement, à moins bien sûr d'être soi-même actionnaire et détenteur de plus de 10% des participations à une société ! Je vous invite à accepter ce projet de loi à condition que notre amendement y soit intégré, et sinon à le rejeter. Merci. (Applaudissements.)

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi s'intitule «Moins d'impôts pour les familles !»; on aurait pu ajouter «ou comment raser gratis». Demander l'urgence sur cet objet à trois jours des élections, ça va dans le même sens que ce titre électoraliste, c'est assez facile. En réalité, ce texte n'aidera pas du tout les familles, ce n'est pas en baissant leurs impôts qu'on leur fera une faveur, bien au contraire, ou alors dans une vision très individualiste de la société, mais pas dans une vision familiale de la société - je m'adresse ici au PDC.

Dans une vision plus collective de la société, si on veut vraiment aider les familles, il convient plutôt d'augmenter le nombre de places en crèche - ça a un coût - de proposer une qualité d'enseignement encore supérieure - ça a également un coût - de renforcer l'accueil parascolaire - là encore, ça a un coût - ou les subsides d'assurance-maladie - ça a toujours un coût. Or que vise ce projet de loi ? Exactement l'inverse ! A travers des déductions supplémentaires pour les parents, il contribuera à diminuer les recettes fiscales à hauteur de 38 millions - heureusement, nous avons échappé aux 75 millions initiaux. Avec de telles pertes, ce ne sont pas les familles qui vont se retrouver avantagées, bien sûr que non - ce serait le cas dans une vision individualiste de notre société, où chacun vit pour soi; non, en réalité, avec une réduction des moyens que l'Etat met en oeuvre pour que nous puissions vivre correctement dans notre canton, ce sont précisément elles qui seront désavantagées.

Ensuite, ce projet de loi est parfaitement antisocial, car les familles les plus touchées seront évidemment les plus modestes. M. Hodgers, président du Conseil d'Etat, mentionnait juste avant que 34% des gens - même 35%, maintenant - n'arrivent pas à payer des impôts, n'en ont tout simplement pas les moyens; avec ce texte, en raison du nouveau mécanisme de déduction fiscale, 2500 contribuables supplémentaires ne seront plus imposés. Pour les foyers les plus précaires, ça signifie moins de prestations parmi celles que j'ai mentionnées tout à l'heure - accueil parascolaire, petite enfance, subsides d'assurance-maladie. C'est le principe d'action-réaction: si vous baissez les impôts quelque part, vous vous retrouvez avec des recettes fiscales en moins et donc des prestations publiques en moins. Ainsi, ce projet de loi est totalement usurpateur dans son titre, puisque au final, il défavorise les familles.

Je ne parle même pas du contexte budgétaire actuel. Voilà un certain nombre d'années que les projets de budgets sont déficitaires; heureusement, par une sorte de magie comptable, je dirais, les comptes se retrouvent souvent excédentaires, mais nous ne sommes pas dans une période facile d'un point de vue financier. On le voit cette année, le projet de budget du Conseil d'Etat ne fait que suivre des charges qui augmentent en raison de l'accroissement, de l'appauvrissement et du vieillissement de la population. Il n'y a pas de nouvelles charges, elles ne font que progresser face à ces besoins.

A l'heure où nous connaissons une crise des recettes, où le projet de budget est déficitaire, où il manque constamment des rentrées fiscales... Monsieur le président, vous transmettrez à M. Ivanov que je suis navré de l'avoir interrompu tout à l'heure, mais je n'ai pas connaissance de hausses d'impôts dans notre canton depuis au moins quinze ans ! Non, nous n'avons eu que des diminutions de l'imposition. A l'heure où nous connaissons une crise des recettes, la solution pour aider les familles consisterait plutôt à s'attaquer à quelques niches fiscales qui permettent aujourd'hui aux plus fortunés de notre canton de ne pas contribuer en fonction de leurs moyens, comme le fait la classe moyenne. Voilà ce qui aiderait un maximum les familles au quotidien ! Le groupe socialiste vous invite à refuser ce projet de loi.

M. Yvan Zweifel (PLR). De quoi s'agit-il ici, Mesdames et Messieurs ? Il s'agit d'augmenter les déductions en faveur des familles, de passer des montants de 10 000 francs pour une charge complète et 5000 francs pour une demi-charge à ceux de 13 000 et 6500 francs. Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce que la vie est de plus en plus onéreuse. Avoir un enfant aujourd'hui coûte plus cher qu'à une certaine époque - le jeune père que je suis vous le confirme - donc accroître les déductions pour les charges familiales relève de la simple logique.

Avec l'amendement PLR, le rapporteur de majorité l'a très bien expliqué, le contribuable qui «profite», entre guillemets, d'une déduction pour frais de garde - dont le montant a déjà été augmenté par ce parlement dernièrement, et à juste titre - ne peut pas bénéficier simultanément de la pleine déduction des charges par enfant. En effet, il faut favoriser ceux qui n'ont pas la chance de disposer d'une place en crèche ou qui n'en veulent tout simplement pas et font le choix de garder leurs enfants à la maison. C'est ce que vise cet amendement, Mesdames et Messieurs, et c'est ce qui nous a amenés au projet de loi qui vous est présenté ici.

Lors de chaque baisse d'impôts, la gauche martèle que le but de la droite est de vider les caisses et de couper dans les prestations. Le problème, c'est que la réalité prouve le contraire. Si je suis votre raisonnement, Mesdames et Messieurs de la gauche, ça voudrait dire que puisqu'on a baissé plusieurs fois l'imposition ces dernières années, il devrait y avoir moins de recettes fiscales. Alors, puisque je les ai sous les yeux, je regarde les chiffres... Que s'est-il passé entre 1998 et 2018, c'est-à-dire sur une période de vingt ans ? La population a crû de 24% et on a baissé deux fois les impôts de manière importante; les recettes fiscales ont-elles diminué ? Non, elles ont augmenté. Ont-elles augmenté de 24%, c'est-à-dire proportionnellement à la population ? Non, elles ont augmenté de 100% ! En vingt ans, Mesdames et Messieurs, les rentrées fiscales ont doublé ! Elles ont doublé alors que la population n'a augmenté que de 24% ! Ce que vous dites est donc factuellement, statistiquement, mathématiquement à côté de la plaque.

Une voix. Bravo !

M. Yvan Zweifel. Est-ce que les prestations ont été réduites ?

Une voix. Oui !

M. Yvan Zweifel. Eh bien, Mesdames et Messieurs, sur la même période de vingt ans, les charges de l'Etat, qui constituent l'indicateur premier des prestations que l'on offre à la population, ont progressé de 54%, c'est-à-dire plus du double de la croissance démographique. Je répète ma question: est-ce que les prestations ont souffert ? Factuellement, statistiquement et mathématiquement, la réponse est non. Ainsi, soit vous avez tort, soit vous n'avez pas bien compris les choses - mais je serais ravi de vous les réexpliquer, si vous le souhaitez.

Des voix. Non ! Non ! (Applaudissements.)

M. Yvan Zweifel. Très bien ! Je comprends que vous avez compris.

Tout à l'heure, le Conseil d'Etat nous dira que dans le contexte budgétaire actuel, nous n'avons hélas pas les moyens de mettre en oeuvre ce projet de loi. Bon, donc le gouvernement a les moyens de créer 412 postes supplémentaires, d'inventer plein de dépenses inutiles; par contre, rendre 38 millions à la population, rendre 38 millions aux familles, on ne peut pas le faire ? C'est quand même incroyable ! A gauche, on dépense, on dépense, on dépense, et quand il faut rendre de l'argent aux contribuables - 38 millions sur un budget de plus de 8 milliards - c'est impossible. Mesdames et Messieurs, tout le monde aura compris ici qu'on se moque du monde. Je n'évoquerai même pas les amendements d'Ensemble à Gauche qui veut revenir sur un vote populaire. Comme d'habitude, ce groupe nous raconte n'importe quoi.

Enfin, Mesdames et Messieurs, un point important: contrairement à ce qui a été dit par le parti socialiste, cette baisse profitera davantage aux foyers les plus modestes, et pourquoi ? Puisque le montant de la déduction est fixe, moins vous avez de revenus, plus cela aura d'impact sur votre facture fiscale. Là encore, c'est factuellement, statistiquement, mathématiquement la vérité, mais j'engage mes collègues de gauche à se rendre à l'Ecole-club Migros qui propose des leçons de mathématiques pour débutants !

Mesdames et Messieurs, il faut voter ce projet de loi, car c'est un bol d'air fiscal en faveur des familles, en faveur de la classe moyenne, en faveur de citoyens qui en ont juste marre de trop payer. Restituer 38 millions à la population, ce n'est rien en comparaison des sommes monumentales que dépensent la gauche et l'Etat !

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Le MCG soutiendra avec conviction ce projet de loi, parce que de trop nombreuses familles de notre canton rencontrent des problèmes financiers. Nous pensons en particulier aux parents qui ont de jeunes adultes à charge, il y en a beaucoup à Genève dans cette situation: il faut payer des primes d'assurance-maladie qui s'élèvent à des montants complètement diaboliques, s'acquitter de dépenses contraintes qui s'ajoutent les unes aux autres... Ces gens ont de véritables difficultés à boucler les fins de mois, et nous devons leur trouver des solutions. Il est certain que ce projet de loi constituera une aide pour de très nombreux citoyens genevois aux préoccupations de qui nous sommes sensibles. Voilà pourquoi nous vous demandons de voter ce texte avec enthousiasme. Merci.

M. Yvan Rochat (Ve), rapporteur de minorité. En quelques mots, je rappellerai simplement des faits, puisque M. Zweifel semble adorer ça. Il oublie pourtant que le budget 2020 accuse un déficit de plus de 500 millions qui est lié non pas à la création de postes, mais à la RFFA qu'a soutenue et voulue le PLR ! Avec ce genre de projet de loi, avec la réforme fiscale des entreprises, vous êtes finalement des créateurs de déficit. Voilà des faits exacts, précis ! Et vous contribuez à creuser le déficit avec de nouveaux projets d'allégements fiscaux. Vous croyez que si on continue à se taper la tête contre le mur, celui-ci va céder, alors qu'on ne fait que se faire mal à la tête d'une part, d'autre part faire mal aux prestations de l'Etat dont la population a besoin, faire mal à la population et surtout à notre cohésion sociale.

Le président. Merci. La parole va à M. Jean Batou pour quarante-deux secondes.

M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Je ne voudrais pas faire de tort à mon collègue Zweifel qui est expert-comptable - vous lui transmettrez - mais quand on a une réduction d'un certain montant sur un haut revenu, il est évident que ça diminue beaucoup plus les impôts que dans le cas d'un petit salaire. Et je ne parle même pas des 35% de citoyens qui ne gagnent pas suffisamment pour payer des impôts et qui ne tireront aucun profit de votre baisse fiscale - parmi eux, il y a également des familles. Soutenez notre amendement, Mesdames et Messieurs, et vous prouverez que oui, vous êtes pour les familles, mais pour l'ensemble d'entre elles, c'est-à-dire aussi pour les familles modestes, pas seulement pour celles des actionnaires et des privilégiés. Merci. (Applaudissements.)

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, oui, notre canton est celui qui exploite le plus son potentiel fiscal. Oui, à Genève, les contribuables paient davantage d'impôts qu'ailleurs. Toutefois, nous avons accepté le 19 mai dernier une réforme essentielle, celle de la fiscalité des entreprises, qui nous permettra de rester attractifs, qui nous permettra de nous placer presque au niveau de nos voisins vaudois, mais dont nous devrons éponger l'effet direct sur les recettes. Le Conseil d'Etat entend bien que la RFFA profite aux personnes morales et pas directement aux contribuables physiques ou aux familles; il n'en demeure pas moins que nous ne pouvons pas tout absorber. Nous l'avions dit en évoquant ce projet de loi, et il nous semblait que la majorité de ce parlement l'avait compris.

Mesdames et Messieurs les députés, votre Grand Conseil a déjà octroyé des déductions fiscales extrêmement importantes s'agissant des frais de garde, un geste que l'on pouvait certes comprendre. En effet, les familles paient cher - toutes n'ont d'ailleurs pas accès à ces modes de garde pour leurs enfants; les parents, lorsqu'ils sont en couple, doivent tous deux travailler pour assurer les revenus du foyer et faire vivre la famille. Mais, Mesdames et Messieurs, vous ne pouvez pas multiplier ce genre de démarche à l'envi et voter des baisses d'impôts lors de chaque session ! Notre canton n'en a tout simplement plus les moyens aujourd'hui.

Le Conseil d'Etat a bien compris que vous serez une majorité à voter cette réduction de l'imposition. Dès lors, nous avons déposé un amendement afin que vous teniez compte, à tout le moins, des chiffres annoncés dans le cadre du budget: 213 millions pour la réforme de la caisse de pension, 186 millions pour la RFFA, 186 millions pour les subsides d'assurance-maladie. Ces dépenses nous amènent, Mesdames et Messieurs, à un déficit de 590 millions ! Résultat, avec votre vote de ce soir, le budget qui a été critiqué par la quasi-totalité d'entre vous - «quel manque à gagner !», «c'est inacceptable !» - accusera 38 millions de pertes supplémentaires, 38 millions liés à une diminution d'impôts qui sera certainement bien accueillie par les familles, mais dont notre canton, s'il entend délivrer les mêmes prestations à sa population, n'a pas les moyens.

Avec son amendement, le gouvernement vous demande que cette loi n'entre en vigueur que le 1er janvier 2021. Nous pourrons ainsi faire face aux années 2020 et 2021, voir les choses venir, laisser le temps à la réforme de la fiscalité des entreprises d'exercer ses effets dynamiques, bref, nous accorder un petit délai. Le Conseil d'Etat vous invite à refuser les deux amendements présentés par... (Un instant s'écoule.) ...par Ensemble à Gauche...

Une voix. Par Jean Batou.

Mme Nathalie Fontanet. ...par M. Jean Batou, merci. Evidemment, avant toute chose, le Conseil d'Etat vous invite à rejeter ce projet de loi. Si vous ne le faites pas, il vous demande de ne pas accepter les amendements d'Ensemble à Gauche, parce que nous venons d'adopter une réforme fiscale qui, je l'ai dit, est essentielle pour notre canton, et il n'est pas question de revenir maintenant sur l'imposition des dividendes, qui a été réglée dans le cadre de cette réforme. Pour finir, si vous ne refusez pas ce texte, veuillez au moins soutenir notre amendement relatif à la date d'entrée en vigueur de cette loi. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs.

Le président. Merci bien. Je lance le vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12314 est adopté en premier débat par 55 oui contre 39 non.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Nous passons aux amendements, en commençant avec le premier de M. Batou...

Des voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent.)

Une voix. Mais on s'en fout, on ne les regarde même pas, ces votes !

Le président. Oui, vous êtes soutenus...

M. Cyril Aellen. J'ai demandé la parole, Monsieur le président !

Le président. J'ai vu, un instant ! (Un instant s'écoule.) Voilà, allez-y, Monsieur Aellen.

M. Cyril Aellen (PLR). Je voudrais quand même pouvoir m'exprimer sur les amendements, Monsieur le président ! Evidemment, les modifications d'Ensemble à Gauche doivent être rejetées. Quant à l'amendement du Conseil d'Etat - ça me prendra quelques petites secondes - j'aimerais simplement dire que...

Le président. Vous n'avez plus de temps, Monsieur PLR !

M. Cyril Aellen. ...si le Conseil d'Etat faisait lui-même, au niveau des postes, les efforts qu'il exige de nous ici, peut-être aurions-nous décidé de le voter !

Une voix. Bravo !

Le président. Voilà, merci. J'ouvre la procédure de vote nominal sur le premier amendement de M. Batou que voici:

«Art. 19B   IB. Imposition partielle des revenus produits par les participations de la fortune commerciale, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Les dividendes, les parts de bénéfice, les excédents de liquidation et les prestations appréciables en argent provenant d'actions, de parts à des sociétés à responsabilité limitée, de parts à des sociétés coopératives et de bons de participation ainsi que les bénéfices provenant de l'aliénation de tels droits de participation sont imposables, après déduction des charges imputables, à hauteur de 75%, lorsque ces droits de participation équivalent à 10% au moins du capital-actions ou du capital social d'une société de capitaux ou d'une société coopérative.»

La modification porte sur le taux d'imposition des dividendes, parts de bénéfice, etc.: 75% contre 50% dans la loi d'origine.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 39 oui (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous passons maintenant au second amendement déposé par M. Batou... (Commentaires.) Non, le vote nominal n'a pas été sollicité...

Des voix. Vote nominal !

Le président. Ah, il est demandé ?

Une voix. Vous êtes lourds, les gars !

Le président. Bon, êtes-vous suivis ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous procédons au vote nominal sur ce deuxième amendement de M. Batou dont la teneur est la suivante:

«Art. 22 Rendement de la fortune mobilière   I. Principe, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Les dividendes, les parts de bénéfice, les excédents de liquidation et les avantages appréciables en argent provenant d'actions, de parts à des sociétés à responsabilité limitée, de parts à des sociétés coopératives et de bons de participation (y compris les actions gratuites, les augmentations gratuites de la valeur nominale, etc.) sont imposables à hauteur de 85%, lorsque ces droits de participation équivalent à 10% au moins du capital-actions ou du capital social d'une société de capitaux ou d'une société coopérative.»

Changement similaire ici: le taux initial de 60% est remplacé par celui de 85%.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 40 oui (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, l'art. 36 (nouvelle teneur) est adopté, de même que les art. 39, al. 1 (nouvelle teneur) et 72, al. 15 (nouveau).

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté.

Le président. Enfin, Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'un amendement du Conseil d'Etat à l'article 2 souligné que je vous lis:

«Art. 2 (souligné) Entrée en vigueur (nouvelle teneur)

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2021.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 49 oui contre 47 non.

Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) ainsi amendé est adopté.

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 12314 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 55 oui contre 40 non.

Loi 12314