République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2521
Proposition de motion de Mmes et MM. Delphine Klopfenstein Broggini, Mathias Buschbeck, Marjorie de Chastonay, Yvan Rochat, Isabelle Pasquier, Pierre Eckert, François Lefort, Frédérique Perler, Yves de Matteis, Philippe Poget, Adrienne Sordet, Paloma Tschudi, Jean Rossiaud, Alessandra Oriolo, David Martin, Delphine Bachmann, Jean-Marc Guinchard, Jean-Luc Forni, Olivier Baud, Thomas Wenger, Sylvain Thévoz, Emmanuel Deonna, Salima Moyard, Jocelyne Haller, Katia Leonelli, Grégoire Carasso pour un Etat exemplaire en matière de mobilité aérienne
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 28 février et 1er mars 2019.

Débat

Le président. Nous passons à notre troisième urgence. Il s'agit de la M 2521, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je cède immédiatement la parole à Mme Delphine Klopfenstein Broggini.

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, on reste dans le vif du sujet avec cette motion relative au climat, une problématique qui impose effectivement d'agir de toute urgence. Je suis contente qu'elle fasse partie des objets que l'on traite aujourd'hui en urgence et me réjouis de voir qu'elle sera acceptée - je compte pour cela sur mes collègues ici présents dans ce parlement. Le sujet est d'une grande actualité - on a eu l'occasion d'en parler longuement hier dans le cadre du traitement de l'initiative de la CARPE - pas seulement dans ce Grand Conseil, mais aussi dans la société en général, et dans le canton de Genève en particulier. Pour les Verts, il est urgent de légiférer sur la question du trafic aérien et de consolider les règlements actuellement en vigueur dans ce domaine. C'est précisément le but de cette motion, à savoir que l'Etat revoie son règlement en matière de déplacements aériens afin de faire preuve d'exemplarité climatique. La motion part de plusieurs constats. De manière générale, je rappelle que l'aviation contribue pour près de 5% au changement climatique à l'échelle mondiale, et pour plus de 18% en Suisse. Les émissions liées au secteur aéroportuaire ont en effet augmenté de façon très notoire, soit de plus de 70% depuis 1990. La population doit en outre subir la pollution de l'air et le bruit, en plus du réchauffement climatique, sachant que l'ensemble de l'environnement est touché par les nuisances en lien avec le développement aéroportuaire. A cet égard, j'aimerais évoquer de manière plus précise les revendications et concrétisations citoyennes et institutionnelles, qui sont nombreuses en la matière. La commune de Mont-sur-Lausanne, par exemple, a choisi de ne plus financer les déplacements en avion de ses élèves et l'Université de Bâle propose de proscrire les voyages universitaires en avion pour les distances inférieures à 1000 kilomètres. On peut également citer la mobilisation des jeunes - on en a parlé tout à l'heure - à travers les marches pour le climat, mais aussi d'autres actions: concrètement, des collégiens notamment fribourgeois ont lancé une pétition pour interdire, dès la prochaine rentrée scolaire, tous les déplacements en avion lors des voyages d'études.

Cette motion demande donc clairement qu'on arrive à adopter un comportement exemplaire au sein de l'Etat en matière de mobilité aérienne, car des milliers de collaboratrices et collaborateurs des secteurs publics et parapublics se déplacent trop souvent en avion dans le cadre professionnel ou scolaire. On s'est en effet rendu compte que le personnel de l'Etat prenait encore l'avion pour gagner des destinations à proximité immédiate de Genève - Bruxelles, Munich, Francfort et même Paris, le Tessin, Zurich ou Lyon. Nous devons dès lors légiférer et rendre les normes plus strictes afin que les déplacements au sein de l'Etat soient beaucoup plus réglementés. Dans ce sens - et je vais continuer sur le temps de mon groupe - la motion demande au Conseil d'Etat... (Brouhaha. L'oratrice s'interrompt. Le président agite la cloche.)

Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît ! Poursuivez, Madame la députée, nous sommes tout écoute.

Mme Delphine Klopfenstein Broggini. Merci, Monsieur le président. Pour les Verts, la conclusion est assez simple: l'Etat doit être exemplaire en matière de mobilité aérienne et les règles internes liées aux déplacements en avion doivent être durcies. Dans ce sens, la motion demande de modifier le règlement fixant les débours, frais de représentation et de déplacement et autres dépenses en faveur du personnel de l'administration cantonale de sorte que seuls soient autorisés, à titre exceptionnel et sur demande dûment justifiée, les voyages en avion de plus de 1200 kilomètres pour un aller simple; d'inscrire la même règle dans la directive du DIP concernant les voyages scolaires de façon que la mobilité aérienne des élèves du cycle d'orientation et de l'enseignement secondaire II soit également exemplaire en la matière; de tout entreprendre pour pousser les régies publiques, les régies autonomes, à se fixer des limites similaires. En outre, la motion demande au Conseil d'Etat de réaliser chaque année un bilan de la mobilité aérienne, parce que les informations sur la question ne sont pas exhaustives et qu'il existe encore une marge de progression dans ce domaine. Enfin, elle s'adresse également aux communes: on a évoqué plusieurs fois ces derniers temps les voyages des maires, or il est important que les communes aussi soient exemplaires en la matière. Pour toutes ces raisons, je vous remercie de faire bon accueil à cette motion. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Mesdames les députées, Messieurs les députés, mon groupe vous recommande de réserver un excellent accueil à cette motion. Dans le plan climat cantonal 2018-2022, il est indiqué que les émissions de gaz à effet de serre liées au trafic aérien représentent 23% des émissions totales du canton de Genève, ce qui est énorme. Oui, c'est énorme, et nous avons peut-être l'impression d'être face à une tâche trop importante et de ne pas savoir par où commencer, mais cette motion propose déjà un petit pas en avant dans la mesure où elle vise à ce qu'au sein de l'Etat au moins nous soyons exemplaires. Il est donc évident qu'il faut l'accepter ! Je relève cependant qu'on ne peut pas dire que rien n'a été fait: nous partons déjà d'une base, puisque l'article 2 du règlement fixant les débours prévoit depuis 2011 que l'Etat compense la production de CO2 par l'achat de crédits carbone. C'est mieux que rien, bien sûr, mais cela revient à appliquer un emplâtre sur une jambe de bois, parce qu'on ne pourra pas acheter indéfiniment des crédits carbone: il faudra un jour arrêter de produire du CO2, car il n'y aura plus de place sur terre pour planter assez d'arbres afin d'absorber ad aeternam toutes les émissions de carbone. Il s'agit donc d'une première voie à suivre. Elle impliquera naturellement des coûts pour l'Etat en termes de temps de travail, car en renonçant aux voyages en avion les fonctionnaires mettront plus de temps pour se rendre à leur destination et devront peut-être prendre une chambre d'hôtel, mais il faut que nous montrions qu'à l'Etat nous sommes prêts à en subir les conséquences et à investir l'argent nécessaire pour que les émissions de gaz à effet de serre soient réduites. Je vous remercie.

M. Marc Fuhrmann (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le trafic aérien est régi par des accords internationaux et doit être réciproque entre les pays. Lever des taxes en Suisse sur le transport aérien ne ferait que prétériter et isoler notre pays sur le plan international, d'autant qu'on sait que la Suisse gagne un franc sur deux à l'étranger. Elle se doit donc de rester accessible aux étrangers aussi ! Dans le monde actuel où les Etats se replient sur eux-mêmes, une telle taxe ayant pour but entre autres de réduire les échanges internationaux constitue un réel retour en arrière. De plus, elle ne fera qu'augmenter les coûts pour les plus démunis - je pense que la gauche comprendra cet argument - ce qui les fera finalement sortir des échanges internationaux. Selon moi, ce n'est pas non plus l'objectif ! J'ajoute que l'industrie aéronautique a réalisé des efforts pour réduire la consommation par kilomètre-passager et continue dans cette voie. Enfin, pour reprendre la discussion que nous avons eue tout à l'heure sur les carburants fossiles, l'âge de la pierre ne s'est pas arrêté par manque de pierres ! L'UDC est donc contre ce texte et vous enjoint de le rejeter. Merci.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, le parti démocrate-chrétien ne s'associe pas à tous les considérants de cette motion. Il constate cependant qu'une partie des invites correspondent à certaines priorités que s'est fixées notre parti, notamment en ce qui concerne la protection de l'environnement et l'utilisation de méthodes non répressives et non coercitives, mais plutôt incitatives. On a parlé des voyages scolaires: de temps à autre, que ce soit le mercredi, le samedi ou le dimanche, nous sommes interpellés sur les marchés par des étudiants, des apprentis ou des collégiens qui cherchent à nous vendre des friandises afin de financer leur voyage de fin d'études. Eh bien lorsqu'on dialogue avec ces jeunes, on s'aperçoit qu'ils préfèrent se déplacer en avion, non pas pour des convenances personnelles, non pas par irrespect de l'environnement, mais simplement parce que c'est moins cher. En effet, le train est excessivement coûteux, surtout lors de l'achat de billets en Suisse. Toutefois, compte tenu des accords internationaux qui sont conclus, nous n'avons aucun pouvoir pour imposer des taxes sur le kérosène. Dans ce domaine, on l'a déjà mentionné hier, nous sommes particulièrement impuissants. Cela étant, je rappelle que le parti démocrate-chrétien a également déposé une motion - qui a été acceptée par la commission de l'économie - visant à rendre obligatoire la compensation des émissions de CO2 par l'aéroport de Genève et à augmenter les surtaxes bruit et émissions gazeuses, deux taxes sur lesquelles l'aéroport de Genève a la possibilité d'intervenir et cela sans risquer une concurrence défavorable, notamment avec l'aéroport de Zurich. A notre avis, cette motion est donc bienvenue: c'est un signal fort et symbolique que nous pourrions donner, une anticipation nécessaire s'agissant de la problématique du climat. Notre groupe vous encourage par conséquent à l'accepter. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Cette motion, c'est un peu l'arbre qui cache la forêt. En effet, ce que l'on nous demande de faire, c'est de veiller à réduire le transport aérien de manière microscopique lors de certains voyages effectués par le personnel de la fonction publique et les élèves de nos écoles, mais dans le même temps on oublie complètement les grands producteurs de CO2 dans notre canton que sont le trafic pendulaire et celui des frontaliers... (Exclamations.) ...auxquels, une fois de plus, on ne s'attaque pas. On cherche en quelque sorte un dérivatif avec cette pollution marginale due aux voyages de fonctionnaires de l'Etat, de certaines autorités et de classes d'école, alors que la grande problématique, nous l'avons indiqué, c'est celle des pendulaires qui, d'un point de vue quantitatif, a un rôle et un poids importants dans la production de CO2 à Genève. Voilà pourquoi nous pensons que cette motion fait véritablement fausse route.

M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, nous parlons depuis hier soir de l'urgence climatique, du développement de notre aéroport et des mesures concrètes que nous devons prendre aujourd'hui pour répondre à cette urgence climatique et mieux protéger notre environnement ainsi que la santé des habitantes et habitants de notre planète. Ce texte, qui émane des Verts, demande que l'on agisse dans un domaine où nous en avons la compétence, puisque faire de l'Etat un Etat exemplaire est effectivement l'une de nos compétences. Concernant le développement de l'aéroport de Genève dont nous parlions hier soir, des chiffres ont été cités: en 2018, il y a eu 17,7 millions de passagères et passagers, et ils seront vraisemblablement 25 millions en 2030. Or parmi ces 25 millions de femmes et d'hommes se trouvent des employés de l'administration publique ainsi que des étudiantes et étudiants. Dès lors - on l'a dit, mais c'est important de le répéter - lorsque des membres de la fonction publique se rendent à Paris, Bruxelles, Milan ou Munich pour leur employeur, c'est-à-dire le canton de Genève, il faut aujourd'hui prendre la décision de privilégier d'autres moyens de transport que l'avion, parce que sous l'angle de la protection de l'environnement on sait que le trafic aérien pollue énormément. Il est donc extrêmement important d'inscrire cette mesure dans un règlement et de faire en sorte que le personnel de la fonction publique utilise notamment le train pour ses déplacements vers ce genre de destinations - on parle là d'une distance de 1000 kilomètres ou un peu moins.

Le deuxième élément concerne les voyages d'études des étudiantes et étudiants du cycle, du collège, de l'ECG, etc. On a beaucoup entendu parler de voyages d'études qui se sont déroulés par exemple à Malte, en Corse, à Stockholm ou à Istanbul, si bien qu'il faudrait peut-être déjà mener une réflexion sur les destinations: c'est très bien d'aller à Malte, mais est-il vraiment nécessaire de s'y rendre en avion pour un voyage d'études ? N'y a-t-il pas assez de villes autour de Genève et de la Suisse - ou même en Suisse, d'ailleurs - où l'on peut découvrir de nombreux sites historiques, culturels, etc., qui appartiennent au patrimoine ? Je pense à des villes comme Milan, Paris ou autre qui peuvent tout à fait être atteignables en train sans qu'on doive prendre l'avion. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) A nouveau, inscrire ces règles dans une directive du DIP pour encourager les profs et les étudiants à choisir d'autres destinations et à ne plus opter pour l'avion comme moyen de transport nous paraît effectivement une bonne solution. C'est maintenant que nous devons agir, sur ce point nous en avons la possibilité et le parti socialiste votera donc cette proposition. Merci. (Quelques applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole échoit maintenant à M. Patrick Lussi pour une minute quarante.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Je vais essayer de m'en tenir à cette durée ! En définitive, nous entendons parler depuis hier du drame de l'aéroport et des émissions de gaz à effet de serre, et de nombreuses solutions arrivent maintenant, comme le fait de s'attaquer aux fonctionnaires qui se déplacent. Pourtant, je n'ai pas encore vu de liaison aérienne Genève-Les Eplatures ou Genève-La Blécherette ! En principe on y va en train ! Il s'agit donc là d'un coup dans l'eau. Mais le plus marrant, Mesdames et Messieurs les Verts, c'est de savoir que 25% de la production des gaz à effet de serre sont dus à l'agriculture et à l'élevage; à lui seul, l'élevage produit plus de gaz à effet de serre - 18% - que la moitié des transports. A ce propos, je fouille très souvent dans vos publications et j'ai vu que manger des insectes permettrait de favoriser une agriculture pérenne et de diminuer grandement la production de gaz à effet de serre, alors j'aimerais bien qu'on oblige par exemple les fonctionnaires à manger des «infectes» plutôt que des hamburgers à midi ou lorsqu'ils sont en déplacement ! Je vous remercie. (Exclamations.)

Le président. Je vous remercie. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix cette proposition de motion.

Mise aux voix, la motion 2521 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 52 oui contre 40 non et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 2521