République et canton de Genève

Grand Conseil

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GR 538
Rapport de la commission de grâce chargée d'étudier le dossier de Monsieur D. C.
Rapport oral de M. Boris Calame (Ve)

Le président. Je prie M. Calame de bien vouloir s'installer à la table des rapporteurs pour nous présenter le dossier de grâce.

M. Boris Calame (Ve), rapporteur. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la commission de grâce s'est réunie le 23 avril dernier pour traiter la demande de grâce de M. D. C., actuellement incarcéré à la prison de Champ-Dollon.

Né à Marseille le 31 mars 1969, le détenu est un ressortissant français, marié et père de deux jeunes enfants. Il était domicilié en France au moment de son arrestation qui a eu lieu au Maroc à la mi-juillet 2017, sur requête des autorités suisses. De l'étude de la procédure pénale et des pièces produites par son avocat, il ressort que M. D. C. a été prévenu de plusieurs infractions à Genève en 2001.

Tout d'abord, il a intentionnellement fait subir à une personne une atteinte autre que grave à l'intégrité corporelle ou à la santé en frappant Mme C. sur tout le corps à coups de pied et de poing. Il a commis un vol en usant de violence à l'égard d'une personne, en la menaçant d'un danger imminent pour la vie ou pour l'intégrité corporelle ou en la mettant hors d'état de résister en pénétrant avec violence dans l'appartement de Mme C., en la giflant, en la jetant à réitérées reprises sur le lit, en la mettant hors d'état de résister et en s'emparant de son porte-monnaie pour se l'approprier.

Il a également contraint une personne de sexe féminin à subir l'acte sexuel, notamment en usant de menace ou de violence envers Mme D., en exerçant sur elle des pressions d'ordre psychique ou en la mettant hors d'état de résister, et a volé ladite victime. Il a soustrait le contenu d'une bourse qui lui avait été confiée dans le cadre d'un emploi à l'essai dans un restaurant de la place. Enfin, il a séjourné dans notre canton illégalement et sans document d'identité, et a déclaré une fausse identité lors de son interpellation.

M. D. C. a été interpellé par la police le 31 juillet 2001, quelques instants après le viol commis dans la rue sur Mme D. Prolongée à trois reprises, sa détention préventive s'est étalée sur une période de onze mois jusqu'à sa libération immédiate ordonnée par la Chambre d'accusation de Genève le 25 juin 2002. La procédure s'est déroulée en plusieurs étapes.

Le 13 décembre 2001, la Cour d'assises avec jury a conclu à la culpabilité de M. D. C. pour l'entier des faits reprochés, excepté en ce qui concerne le viol où le doute lui a profité. Il a été condamné à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement et sept ans d'expulsion du territoire suisse. Après recours d'une plaignante auprès de la Cour de cassation, celle-ci, dans un arrêt du 7 juin 2002, a admis le pourvoi et annulé l'arrêt de la Cour d'assises s'agissant de la question du viol qui a été renvoyée à la Cour pour nouvelle décision, les autres chefs d'accusation restant acquis.

Le 25 juin 2002, la Chambre d'accusation a refusé une quatrième prolongation de la détention provisoire sans attendre le jugement complémentaire à venir et ordonné la mise en liberté immédiate de M. D. C. Saisi d'un recours par celui-ci, le Tribunal fédéral l'a rejeté le 18 juillet 2002 en raison de son irrecevabilité. A nouveau saisie, la Cour d'assises a dépêché une convocation au prévenu le 3 septembre 2002 à sa dernière adresse connue dans le Sud de la France, sans succès: non distribuée, ladite convocation a été renvoyée à l'expéditeur trois jours plus tard avec la mention «N'habite pas à l'adresse indiquée».

La Cour d'assises avec jury a ainsi siégé le 30 septembre 2002 en l'absence de l'accusé, mais en présence de son défenseur. Elle a condamné M. D. C. à trois ans de réclusion et dix ans d'expulsion du territoire suisse pour viol, lésions corporelles simples, brigandage, vol, abus de confiance et infraction à la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers. Elle l'a aussi condamné à payer à Mme D. la somme de 15 000 F à titre de réparation du tort moral ainsi que des frais de procédure arrêtés à 3049,40 F. Dans son arrêt, la Cour retient notamment que les tendances à la violence de l'accusé ressortent encore de son casier judiciaire et que ses propos ont varié au fil des déclarations, ce qui leur fait perdre toute crédibilité.

Quatorze ans après ce deuxième arrêt de la Cour d'assises, soit le 22 avril 2016, l'Office fédéral de la justice a émis, sur demande du Ministère public de Genève, une demande internationale d'arrestation et d'extradition pour l'Europe et le Maroc. M. D. C. a été interpellé en juillet 2017 à son arrivée sur sol marocain. Il était accompagné de sa femme, originaire du Maroc et épousée en novembre 2014, et de leurs deux enfants en bas âge. Il a été incarcéré à la prison de Rabat pendant environ cinq mois avant d'être extradé en Suisse à la mi-décembre 2017. Il est emprisonné depuis dans l'établissement pénitentiaire de Champ-Dollon.

A la date de son arrestation, M. D. C. devait encore purger un solde de peine de deux ans, un mois et six jours. Sa condamnation aurait été prescrite le 24 février 2018, c'est-à-dire vingt-deux mois après le lancement du mandat d'arrêt international le concernant et sept mois après sa capture. A ce jour, il lui reste environ seize mois de détention à purger, et la fin de sa peine est prévue pour l'automne 2019.

Il ressort de la procédure pénale et de son extrait de casier judiciaire qu'au moment des faits commis en Suisse en 2001, le demandeur avait déjà un parcours judiciaire important en France: vol avec violence le 22 janvier 1993, avec une condamnation à huit mois d'emprisonnement par décision du Tribunal correctionnel de Marseille; vol avec violence le 25 avril 1993, avec une condamnation à un an d'emprisonnement par le Tribunal correctionnel de Marseille; tentative de vol le 26 août 1992, avec une condamnation à six mois d'emprisonnement par le Tribunal correctionnel de Marseille; vol à l'aide d'une effraction le 13 août 1993, avec une condamnation à six mois d'emprisonnement par le Tribunal correctionnel de Marseille; menaces de mort réitérées le 15 mai 1998, avec une condamnation à une année d'emprisonnement, dont huit mois avec sursis, assortie d'une mise à l'épreuve pendant trois ans par décision du Tribunal correctionnel de Tarascon - le sursis a été révoqué par le Tribunal correctionnel de Saint-Denis, à la Réunion; viol commis sous la menace d'une arme le 4 août 1994, avec une condamnation à cinq ans d'emprisonnement, dont deux ans avec sursis, assortie d'une mise à l'épreuve de trois ans par la Cour d'assises des Bouches-du-Rhône; et enfin violence contre une personne dépositaire de l'autorité publique sans incapacité le 24 mars 1999, avec une condamnation à deux cents jours-amende à 30 F par le Tribunal correctionnel de Marseille.

Ces sept délits d'importance ont été commis entre 1993 et 1999, alors que le recourant était âgé de 24 à 30 ans. Les condamnations en France portent sur une durée d'incarcération de huit ans et huit mois qui semble avoir été réalisée.

Au printemps 2001, le détenu est venu en Suisse. Il y a commis les forfaits qui nous occupent aujourd'hui et font l'objet de sa demande de grâce, laquelle est formulée selon trois axes: il s'agit principalement d'exempter M. D. C. de purger le solde de sa peine et d'ordonner sa libération immédiate, subsidiairement de réduire sa peine restante et plus subsidiairement de compter à double les jours de détention subie au Maroc afin de diminuer le solde de peine à effectuer avant sa libération, le tout sous suite de frais et dépens.

La commission de grâce a préavisé négativement ces trois requêtes, soit la demande de grâce totale de la peine privative de liberté, la demande de grâce partielle avec comptabilisation double des jours de détention au Maroc et la demande de grâce partielle de la peine privative de liberté.

Le parcours judiciaire connu du prévenu démontre en effet une violence particulière et une récidive avérée, notamment en matière de viol. Même si M. D. C. a reconstruit sa vie en France, la commission considère que le délit de viol, particulièrement grave, ne doit pas être gracié. La commission s'est ainsi prononcée le 23 avril à la majorité pour préaviser le rejet des demandes formulées et vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre ses conclusions.

Le président. Je vous remercie, Monsieur, et mets aux voix les trois préavis de la commission de grâce.

Mis aux voix, le préavis de la commission de grâce (rejet de la grâce totale de la peine privative de liberté) est adopté par 69 oui et 7 abstentions.

Mis aux voix, le préavis de la commission de grâce (rejet de la grâce partielle avec comptabilisation double des jours de détention au Maroc) est adopté par 71 oui et 7 abstentions.

Mis aux voix, le préavis de la commission de grâce (rejet de la grâce partielle de la peine privative de liberté) est adopté par 65 oui contre 1 non et 9 abstentions.

Le président. Mesdames et Messieurs, je vous informe que, faute de candidatures, les élections 2397, 2437, 2438, 2439, 2440 et 2441 sont reportées à la session des 24 et 25 mai prochains.