République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 11764-A
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur la laïcité de l'Etat (LLE)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XIII des 22 et 23 mars 2018.
Rapport de majorité de M. Lionel Halpérin (PLR)
Rapport de première minorité de M. Patrick Lussi (UDC)
Rapport de deuxième minorité de M. Pierre Vanek (EAG)
PL 11766-A
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Pierre Gauthier, Magali Orsini, Salika Wenger, Christian Zaugg, Thierry Cerutti sur la laïcité de la République et canton de Genève
PL 11927-A
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle de Mmes et MM. Pierre Vanek, Jean Batou, Jocelyne Haller, Salika Wenger, Patrick Lussi, Bernhard Riedweg, Christian Zaugg modifiant la constitution de la République et canton de Genève (Cst-GE) (A 2 00) (Pour une laïcité démocratique)
PL 12191-A
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle de MM. Pierre Gauthier, Carlos Medeiros modifiant la constitution de la République et canton de Genève (Cst-GE) (A 2 00) (Pour un article constitutionnel respectant le principe de laïcité de l'Etat)

Suite du deuxième débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous reprenons notre deuxième débat sur la laïcité, que nous avions dû interrompre à la fin de la dernière session. Je vous rappelle que nous sommes en catégorie II, cent vingt minutes, et que les députés qui ont déjà pris la parole trois fois ne peuvent plus la solliciter. Il s'agit de MM. Baertschi, de Matteis et Stauffer - lequel ne siège plus parmi nous - et de Mme Salika Wenger.

Lors de la précédente séance, nous en étions restés à l'article 5. Un premier amendement de Mme Orsini et M. Gauthier visant sa suppression avait été rejeté. Nous passons donc à l'amendement suivant, qui nous est présenté par M. Mizrahi et consiste à biffer la lettre b de l'alinéa 6. Je vous cède la parole, Monsieur Mizrahi.

M. Cyril Mizrahi (S). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, j'avais déjà abordé cet amendement la dernière fois, mais sans doute avez-vous oublié de quoi il est question. Il s'agit de déterminer si on veut véritablement étendre la contribution ecclésiastique à l'ensemble des organisations religieuses ou simplement feindre de le faire.

Cette lettre b que nous proposons de biffer pose l'exonération fiscale comme condition pour bénéficier de cette perception. En fait, on applique des critères issus du droit fédéral pour définir une religion, comme l'élément transcendant que nous n'avons pas gardé dans cette loi et qui exclut par exemple les bouddhistes, dont la doctrine religieuse ne comporte à ma connaissance pas d'élément transcendant. De même, on fait référence au critère d'utilité publique qui est extrêmement restrictif. Au final, si on cumule les différentes conditions auxquelles renvoie cette disposition, on arrive à la conclusion que la contribution religieuse volontaire ne sera accessible qu'aux institutions historiques qui en bénéficient déjà, ce qui n'est pas très cohérent.

La loi définit toute une série de critères qui sont suffisamment restrictifs - dix ans d'activité dans le canton, respect de l'ordre juridique, etc. - pour que ce service ne soit pas à la portée de n'importe quel groupuscule, mais si on veut en faire bénéficier les communautés enracinées dans notre république au-delà des trois Eglises reconnues, il faut supprimer cette lettre b. Sinon, on continuera de réserver la contribution religieuse aux seules Eglises historiques, ce qui constitue une inégalité de traitement et n'est pas conforme à la neutralité, pierre angulaire de cette loi sur la laïcité. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Orsini pour la troisième fois.

Mme Magali Orsini (EAG). Merci, Monsieur le président. Je voudrais évoquer pour ma part le problème de l'enseignement religieux à l'école...

Le président. Ce n'est pas le sujet dont il est question en ce moment, Madame.

Mme Magali Orsini. Mais je vais le traiter maintenant, comme ça c'est réglé.

Le président. Non, chère Madame, nous devons suivre l'ordre des articles.

Mme Magali Orsini. Bon, d'accord, mais vous me redonnerez la parole plus tard ? Sinon, M. Vanek aura épuisé le temps du groupe d'ici là !

Le président. Comme il est rapporteur, il a son propre temps de parole, et vous pourrez reprendre le micro le moment venu. Monsieur Vanek, c'est à vous.

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président, je serai très bref. Nous appuierons l'amendement du socialiste Cyril Mizrahi à l'article 5 sur la contribution religieuse volontaire, mais il y aurait beaucoup d'autres modifications à apporter à cette loi eu égard au nombre de problèmes qu'elle comporte. Cyril Mizrahi a mis le doigt sur l'un d'eux, il en existe d'autres.

Je rappelle notre position constante sur le fond: cette contribution ecclésiastique constitue une scorie de l'histoire qu'il s'agit d'éliminer. Nous comprenons bien qu'il faut la faire disparaître tranquillement, qu'il ne faut étrangler personne, c'est la raison pour laquelle la loi, en l'état - certains ont manifesté leur intention de revenir en arrière à ce sujet - institue son extinction au bout de dix ans, respectivement vingt ans en cas de demande de prolongation. En effet, il n'y a aucune raison particulière pour que l'Etat offre ce type de prestation financière à des religions - pire: à certaines religions et pas à d'autres - plutôt qu'à des syndicats, à des partis, à des clubs sportifs ou à n'importe quelle autre association. Il s'agit donc d'une absurdité qui doit être gentiment évincée de notre corpus législatif.

Nous soutiendrons l'amendement de Cyril Mizrahi, mais sans enthousiasme, parce que j'estime qu'il ne faut pas rafistoler cet édifice, il conviendrait plutôt de le laisser s'éteindre naturellement au bout d'un temps raisonnable qui ménage les intérêts particuliers des organisations concernées.

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Je serai bref également, Monsieur le président. Notre minorité était opposée à l'entrée en matière sur ce projet de loi pour des questions de fond, et nous avions proposé quelques amendements, mais seulement jusqu'à l'article 4. En ce qui concerne la contribution religieuse volontaire, nous estimons qu'il ne s'agit pas d'une scorie et qu'il est nécessaire de la conserver - nous en avons largement discuté en commission. Par conséquent, notre minorité refusera cet amendement. Merci.

Le président. Je vous remercie, Monsieur. Mesdames et Messieurs les députés, je lance la procédure de vote sur cet amendement de M. Mizrahi dont l'objectif, je le répète, est de biffer l'article 5, alinéa 6, lettre b.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 26 oui et 2 abstentions.

Le président. L'amendement suivant, Mesdames et Messieurs, nous est présenté par M. Halpérin et concerne l'article 5, alinéa 6, lettre e. Je vous le lis:

«Art. 5, al. 6, lettre e (nouvelle teneur)

e) soumettre chaque année au département, le 30 juin au plus tard, leurs comptes annuels soumis au contrôle ordinaire et révisés par un réviseur externe ainsi que la liste des Etats, entités publiques et personnes morales ou physiques, suisses ou étrangères, lui ayant accordé des contributions en nature ou en espèces, de quelque manière que ce soit, dont la somme totale sur l'année en cause dépasse 5% des produits selon le compte de pertes et profits des comptes remis;»

La parole va à M. Conne.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Cet amendement est simplement destiné à corriger une erreur de plume. Dans la loi telle qu'elle figure dans le rapport, on lit - je cite les dernières lignes de l'article 5, alinéa 6, lettre e: «[...] dont la somme totale sur l'année en cause ne dépasse 5% des produits selon le compte de pertes et profits des comptes remis». Le «ne» constitue évidemment une coquille que notre amendement se propose de supprimer afin d'atteindre la formulation correcte que voici: «[...] dont la somme totale sur l'année en cause dépasse 5% des produits selon le compte de pertes et profits des comptes remis». Nous avons déposé cet amendement pour des raisons de clarification, et je vous remercie de bien vouloir l'adopter.

Le président. Très bien, merci. Je mets cette proposition aux voix.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 80 oui contre 1 non.

Le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes toujours à l'article 5. MM. Deneys et Lefort demandent la création d'un nouvel alinéa 11. Je vous cite leur amendement:

«Art. 5, al. 11 (nouveau)

11 Les organismes religieux sont soumis aux contrôles institués par la loi sur la surveillance de l'Etat (LSurv), du 13 mars 2014.»

Allez-y, Monsieur Deneys.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président... (Le micro de l'orateur ne s'allume pas. Un instant s'écoule.) Ah, ça fonctionne ! Et la lumière fut ! Mesdames et Messieurs les députés, cet amendement vise simplement à garantir que les différentes communautés religieuses, à partir du moment où l'Etat intervient dans le processus de perception de dons, soient soumises au contrôle soit de la Cour des comptes, soit du service d'audit interne. Il s'agit de nous assurer que les fonds collectés ne soient pas détournés de leur but premier afin de servir d'autres fins que celles prévues par les organisations en question.

Le président. Je vous remercie et ouvre le vote sur cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 65 non contre 20 oui.

Le président. Comme un amendement à l'article 5 a été adopté précédemment, je vous fais voter sur l'ensemble de l'article.

Mis aux voix, l'art. 5 ainsi amendé est adopté par 67 oui contre 10 non et 4 abstentions.

Le président. Nous passons à l'article 6, où nous sommes saisis de trois amendements de M. Vanek. Le premier exige la suppression de l'alinéa 1. Monsieur Vanek, je vous donne la parole.

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. L'alinéa 1 de l'article 6 stipule ceci: «Les manifestations religieuses cultuelles se déroulent sur le domaine privé.» La distinction entre ce qui est cultuel et ce qui ne l'est pas constitue un réel problème. D'ailleurs, j'ai déjà indiqué que, dans un premier temps, elle avait été écartée par la commission s'agissant d'un certain nombre de sujets. Quoi qu'il en soit, il est ici signifié que les manifestations religieuses se déroulent sur le domaine privé, et ça ne va pas du tout, c'est parfaitement liberticide.

La Déclaration universelle des droits de l'homme affirme, en son article 18: «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.» A teneur de cette disposition, on est autorisé à manifester sa religion en accomplissant des rites - de manière cultuelle, donc - en commun et en public !

Ainsi, la restriction des libertés telle qu'elle a cours dans la loi sur la laïcité va à l'encontre de la Déclaration universelle des droits de l'homme, tout comme elle est contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, qui comporte la même formule, celle que je vous ai lue à l'instant, en son article 9, alinéa 1. Il serait dès lors insoutenable d'accepter une telle proposition.

Certes, toute liberté souffre des réserves; la Convention européenne des droits de l'homme les énumère en son article 9: «La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.» Mais est-ce que la restriction générale envisagée ici répond à un impératif de sécurité publique ? Non, évidemment. D'ordre, de santé, de morale ? Non plus ! De protection des libertés d'autrui, Mesdames et Messieurs ? Non, non, non !

A mon sens, il est nécessaire d'abandonner cet alinéa honteusement liberticide. En dernière instance, les manifestations religieuses relèvent de la liberté d'opinion et doivent être traitées à la même aune que des manifestations politiques, culturelles ou autres, il n'y a aucune raison d'instaurer de limitation spécifique.

Si on met le doigt dans cet engrenage liberticide s'agissant des manifestations religieuses de nature cultuelle, demain on trouvera d'excellents arguments analogues - enfin, je mets des guillemets à «excellents» - afin de restreindre les libertés politiques que sont les manifestations syndicales, sociales, citoyennes, elles aussi garanties à la fois par la Déclaration universelle des droits de l'homme et la Convention européenne des droits de l'homme.

Ce que nous soutenons, pour notre part, c'est que les lois ordinaires - en l'occurrence, celle sur les manifestations sur le domaine public - doivent s'appliquer en matière religieuse. C'est le fond, je le rappelle, de la position d'Ensemble à Gauche... (Panne de micro. Paroles inaudibles de l'orateur, qui termine son intervention.)

Le président. Merci, Monsieur. La parole revient à M. Lussi.

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Merci... (Panne de micro. Paroles inaudibles de l'orateur.)

Le président. Essayez le micro d'en face, Monsieur. (Un instant s'écoule.) J'ai vu un éclair, mais c'était peut-être le dernier ! (Un instant s'écoule.) C'est bon, ça fonctionne.

M. Patrick Lussi. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous me pardonnerez cette expression, mais il convient de remettre l'église au milieu du village. Nous en sommes au chapitre II intitulé «Relations entre autorités et organisations religieuses», il ne s'agit pas d'interpréter des quatrains de Nostradamus ou des dispositions des droits de l'homme !

Je sais M. Vanek très attaché à la notion de paix entre les communautés. Mais, Monsieur, si on prévoit que les manifestations religieuses cultuelles se déroulent sur le domaine privé, c'est justement pour éviter les frictions qui pourraient survenir entre des gens qui expriment leur foi sur le domaine public et ceux qui n'ont pas les mêmes convictions. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, notre minorité vous demande de refuser cet amendement. Merci.

Le président. Merci, Monsieur. Chers collègues, c'est le moment de voter sur cet amendement de M. Vanek consistant à biffer l'alinéa 1 de l'article 6.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 22 oui et 1 abstention.

Le président. Monsieur Vanek, puisque votre amendement à l'alinéa 1 vient d'être refusé, votre modification à l'alinéa 2 pour supprimer la mention «à titre exceptionnel» tombe, nous sommes bien d'accord ?

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Non, Monsieur le président ! Assurément, ce deuxième amendement aurait pris pleinement son sens si nous avions adopté le premier, mais il conserve une portée non négligeable. Je vous le lis, Mesdames et Messieurs:

«Art. 6, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Les manifestations religieuses cultuelles peuvent être autorisées sur le domaine public. Dans ces cas-là, les dispositions de la loi sur les manifestations sur le domaine public, du 26 juin 2008, s'appliquent.»

On limite la casse, si j'ose dire, en retirant l'aspect exceptionnel de la soumission des manifestations religieuses à la loi ordinaire. Ainsi, Monsieur le président, je vous demande de mettre aux voix également cet amendement.

Le président. Bien, alors nous allons procéder au scrutin, Mesdames et Messieurs, sur l'amendement de M. Vanek à l'article 6, alinéa 2.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 25 oui.

Le président. A présent, nous pouvons nous prononcer sur l'article 6 dans son entier...

M. Pierre Conne. Il reste un amendement, Monsieur le président !

M. Pierre Vanek. J'ai encore un amendement à présenter à l'article 6 !

Le président. Ah oui, pardon ! J'ai fait une erreur, ça arrive ! Le troisième amendement de M. Vanek à l'article 6 vise l'abrogation de l'alinéa 4. Je vous prie de m'excuser, Monsieur, et vous laisse la parole.

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Pas de souci, Monsieur le président ! Je remercie le rapporteur de majorité de l'avoir remarqué également. Mesdames et Messieurs, nous suivons la même logique que précédemment: tous les événements sur le domaine public doivent être soumis à la loi sur les manifestations selon des critères identiques, il n'y a pas lieu d'injecter dans la loi sur la laïcité - qui est en réalité une loi sur le traitement des questions religieuses par l'Etat, ce qui est en soi problématique - le fait que, je cite l'alinéa que je vous propose d'éliminer, «l'autorité compétente tient compte des risques que la manifestation peut faire courir, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre public, ou à la protection des droits et libertés d'autrui».

Ces éléments sont infiniment respectables, et je soutiens naturellement le fait que les autorisations doivent être délivrées en prenant en considération ce type de critères - de manière intelligente, bien entendu - mais il ne s'agit aucunement de conditions spécifiques à des mobilisations de nature religieuse ! N'importe quelle manifestation subit un examen du point de vue de la sécurité, de l'ordre public et de la protection des droits et des libertés d'autrui.

L'idée qu'il faille établir des conditions particulières pour les manifestations de type religieux relève de l'absurde, c'est ce qui a conduit le Conseil d'Etat à improviser cet édifice baroque. Pourquoi inscrire une telle aberration dans la loi ? Il n'y a aucune raison de le faire, vous savez tous très bien que l'autorité compétente tient compte de ces critères - je ne me prononce en revanche pas sur la compétence de l'autorité en question ! - et que ces aspects figurent déjà dans d'autres textes législatifs, alors ne les placez pas ici. Ainsi, supprimons gaiement et de concert cet alinéa 4.

Le président. Je vous remercie. Madame von Arx-Vernon, vous sollicitez la parole sur cet amendement ? (Un instant s'écoule.) Madame von Arx ! (Remarque.) Non, alors je lance le vote sur la suppression de l'article 6, alinéa 4.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 62 non contre 19 oui et 3 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 6 est adopté.

Le président. Plusieurs amendements ont été déposés à l'article 7. Mme Flamand-Lew propose tout d'abord de le biffer dans son intégralité. La parole vous échoit, Madame.

Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les Verts souhaitent en effet biffer l'article 7 du projet de loi tel qu'issu des travaux de commission. En ce qui concerne le premier alinéa, nous estimons qu'il accorde un pouvoir beaucoup trop important au Conseil d'Etat, celui-ci étant habilité à prononcer une interdiction qui s'apparente à un couvre-feu ciblant seulement certaines parties de la population. Cette mesure nous semble disproportionnée; pourquoi peindre le diable sur la muraille dans un canton où la paix confessionnelle règne depuis des années sans que nous ayons eu à nous appuyer sur de telles restrictions ?

Quant au second alinéa, il est lui aussi excessif. Nous avons déjà mené ce débat s'agissant de la question des élus au sein des délibératifs: de même que ceux-ci ne sont pas des agents et agentes de l'Etat, les usagers et usagères des prestations de l'Etat ne représentent pas la force publique: dès lors, leur habillement ne doit pas être dicté par la loi.

La disposition mentionne des exceptions traitées par voie réglementaire; nous osons espérer qu'elles comprendront par exemple la prise en charge médicale d'urgence d'une femme portant la burqa. Cela dit, qu'en sera-t-il d'une personne avec un voile couvrant tout ou partie de son visage venant rendre visite à un proche à l'hôpital, à son enfant dans un foyer de la FOJ - puisque même les entités subventionnées sont concernées par cet article - ou encore à un parent à Champ-Dollon ? Est-ce qu'on lui interdira l'accès aux bâtiments publics ? Pour nous, cette mesure va clairement trop loin et risque de créer des problèmes là où il n'y en avait pas, ce qui n'est pas le but de nos travaux. Nous vous invitons donc, chers collègues, à accepter notre amendement afin de supprimer l'article 7.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs, l'article 7 fait partie intégrante de cette loi, il est tout à fait cohérent. Pour notre part, nous le considérons comme une évidence, parce que rien ne justifie qu'on cache son visage, c'est tout, ce n'est pas plus compliqué que ça !

Oui, il faut octroyer des outils au Conseil d'Etat, il faut lui donner la possibilité d'intervenir si nécessaire - comme tout le monde, j'espère bien évidemment que ce ne sera jamais le cas. Légiférer, c'est prévoir, nous avons donc besoin de cet article 7 qui est parfaitement logique eu égard à l'ensemble de la loi. Je vous remercie.

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Bien entendu, nous soutenons l'amendement des Verts consistant à supprimer complètement l'article 7. D'ailleurs, si cette demande est refusée, nous reviendrons à la charge avec notre propre amendement pour en biffer l'alinéa 2, lequel est non seulement problématique, mais surtout prodigieusement hypocrite: il est frappé du sceau de la tartuferie.

Mme von Arx vient d'affirmer que rien ne justifie que l'on cache son visage. Si c'est un principe de police générale...

Le président. Monsieur Vanek, vous parlerez de l'alinéa 2 au moment d'évoquer votre propre amendement, d'accord ?

M. Pierre Vanek. Mais enfin, Monsieur le président, la suppression intégrale de l'article 7 comprend celle de l'alinéa 2 ! Je reprends: elle a soutenu que rien ne justifie que l'on cache son visage. Si c'est un problème de police générale et que Pierre Vanek n'a pas le droit de dissimuler son visage quand il entre dans une école ou un bureau de poste, eh bien inscrivons ça dans des lois sur la police ! Mais ce n'est évidemment pas de ça qu'il s'agit, c'est une communauté religieuse particulière qui est visée. Je dénonce cet alinéa 2 qui enfreint le principe de neutralité de l'Etat avec tartuferie et, en conséquence, j'appuie l'amendement consistant à supprimer l'ensemble de l'article 7.

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Pour notre première minorité, il s'agit d'un domaine très important. L'article 7 constitue peut-être une définition très extensive de la laïcité, mais c'en est la base ! Nous parlons de bâtiments publics, d'écoles, de lieux religieusement neutres comme l'est l'Etat. Encore une fois, par respect pour ceux qui n'ont pas envie de se vêtir selon des codes religieux, qui ne veulent pas arborer de signes ostensibles, dans ces établissements publics, il faut absolument éviter toute confusion et surtout ne provoquer personne. Quand on voit ce qui se passe ailleurs, c'est la première chose à faire afin de prévenir des troubles graves. Aussi, Mesdames et Messieurs les députés, soyons prévoyants et conservons cette disposition. Notre minorité vous conseille de refuser l'amendement destiné à biffer l'article 7. Merci.

Le président. Je vous remercie. Monsieur Mizrahi, c'est bien sur l'amendement des Verts que vous souhaitez vous exprimer ?

M. Cyril Mizrahi (S). Il devient un peu difficile d'opérer des distinctions, Monsieur le président, puisque nous sommes saisis de plusieurs amendements allant dans le même sens ! Pour notre part, nous proposons de supprimer en particulier l'article 7, alinéa 1. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'avec cette disposition, nous ouvrons la boîte de Pandore, nous accordons un pouvoir énorme au Conseil d'Etat. Soit cette compétence est inutile, parce que nous reformulons en fait une notion qui existe déjà dans la constitution, à savoir la clause générale de police - et, à ce moment-là, mieux vaut ne rien écrire et s'en tenir à ce qui figure dans notre charte fondamentale - soit nous voulons mettre en oeuvre quelque chose de beaucoup plus large, avec le sous-entendu que pour garantir la paix religieuse, il faudrait que les personnes cachent leur appartenance à un culte.

Car c'est bien de ça qu'il est question, à l'image de certaines communautés qui ont conseillé à leurs membres de ne plus afficher de marques de leur foi dans l'espace public, par peur de potentielles agressions. Au final, c'est aux personnes qui arborent des signes religieux que l'on reproche l'intolérance des autres ! Pour nous, ce n'est clairement pas une solution que de dire à ceux qui portent par exemple la kippa de la retirer et de se cacher, sous peine d'être agressés. Voilà ce que j'avais à dire sur l'alinéa 1.

Maintenant, chères et chers collègues, j'aimerais aborder brièvement l'alinéa 2 en vous rendant attentifs à la mésaventure qui est arrivée à un citoyen en Autriche - un article est paru à ce sujet dans «Le Matin» ou «24 heures»: ce jeune homme d'un peu moins d'une trentaine d'années, atteint de leucémie, portait un masque médical. Il a été arrêté par la police et a dû montrer tous les certificats et autres documents médicaux sur son téléphone portable pour attester de son besoin de porter un masque. Eh bien c'est exactement à ce genre de situation que mène l'alinéa 2 de l'article 7, qui évoque l'interdiction de dissimuler le visage. Certes, des exceptions sont prévues, et c'est heureux, mais dans la législation en vigueur à Vienne, des exceptions sont également prévues, et voilà à quoi cela a conduit. On parle d'une personne déjà fragilisée, qui a de la difficulté à sortir de chez elle et qui, en plus, doit se justifier. Si on voulait pousser les gens à ne plus quitter leur domicile, on ne s'y prendrait pas autrement, Mesdames et Messieurs !

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Ne dramatisons pas ! Cet article a toute sa place dans la loi que nous sommes en train d'adopter progressivement. L'alinéa 1 est très clair - je réponds en partie à mon préopinant: il s'agit de prévenir des troubles graves à l'ordre public en interdisant, pour une période limitée, le port de signes religieux ostentatoires. On ne parle pas de signes d'appartenance religieuse, Monsieur, c'est tout à fait différent. La kippa, pour reprendre votre exemple, n'est pas concernée par cette disposition... (Exclamations.)

M. Pierre Vanek. Ouh là là !

M. Pierre Conne. Non, soyons précis ! Vous avez participé avec nous aux travaux de commission, où nous avons fait spécifiquement la distinction entre les signes d'appartenance religieuse et les signes religieux ostentatoires. Ici, on parle clairement de signes visant à provoquer.

Cette disposition n'a rien de liberticide, dans la mesure où elle est contraignante: «En cas de recours, le tribunal compétent statue dans un délai de 15 jours.» La liberté est conservée, puisqu'un tribunal contrôle très rapidement si la décision prise par le Conseil d'Etat dans une situation d'urgence respecte la proportionnalité. Pour cette raison, chers collègues, je vous invite à rejeter la suppression du premier alinéa.

S'agissant de l'alinéa 2, loin de moi l'idée de le minimiser, mais lorsqu'on parle d'exceptions traitées par voie réglementaire, c'est bien dans le but de permettre toutes les situations particulières, notamment celle qui a été évoquée du masque médical. Cette disposition est préventive, elle vise le maintien de l'ordre public en cas de problème. Il est préférable de disposer de prescriptions et de ne pas avoir besoin de s'y référer que de ne pas en avoir et de se demander que faire dans une situation périlleuse. Mesdames et Messieurs, je vous invite à conserver l'article 7, c'est-à-dire à refuser l'amendement consistant à le biffer. Je vous remercie.

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Je vais essayer d'être bref, Monsieur le président, d'autant que le temps m'est compté. En soutenant que la kippa ne constitue pas un signe religieux ostentatoire, le rapporteur de majorité vient de plaider pour la suppression de cet article ! En effet, la loi ne fournit aucune définition de ce qui est ostentatoire ou pas, et si on commence à dire que la kippa ne l'est pas, alors tel crucifix ou tel foulard non plus, par égalité de traitement... Ça ne va pas ! On ne peut pas improviser comme ça, en plénum, une défense qui se base sur le fait qu'on aurait défini quelque part ce qui revêt ou non un caractère ostentatoire. Ce n'est pas le cas ! Pierre Conne, pour qui j'ai beaucoup de respect, a indiqué que le port de la kippa était autorisé, même avec cet article; dans ce cas, conformément au principe d'égalité de traitement, on devrait pouvoir afficher n'importe quel autre symbole religieux ! Non, il faut supprimer cette disposition. Quant à l'alinéa 2 préconisant que le visage reste visible, si c'est un problème de police, cette mesure a sa place dans une loi sur la sécurité et la police, et si c'est un problème religieux, c'est évidemment inacceptable.

Mme Emilie Flamand-Lew (Ve). Je souhaiterais réagir suite à l'intervention du rapporteur de majorité, qui nous explique qu'en cas d'application de l'article 7, la kippa serait autorisée. Mais alors quid du turban pour les sikhs ? Bon, étant donné que seuls les hommes le portent, j'imagine que ce serait permis également ! Parce que finalement, c'est là qu'on en vient: s'il s'agit de réglementer spécifiquement la tenue vestimentaire des femmes, eh bien je suggère à la majorité d'être plus précise et d'amender cet article pour qu'il stipule que le Conseil d'Etat fixe par voie réglementaire la superficie en centimètres carrés des vêtements féminins, comme ça on évitera à la fois les tenues trop couvrantes et les jupes trop courtes qui, comme chacun sait, mènent à toute sorte de problèmes, voire à des abus sexuels !

Franchement, on est tombé sur la tête dans ce Grand Conseil ! S'il est question de réglementer l'accoutrement des femmes, faisons-le clairement et ne nous cachons pas derrière des termes généraux avant de venir dire ici que les hommes ne seront pas concernés par ces restrictions ! (Applaudissements.)

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Je vous remercie, Madame, mais vous m'attribuez un trop grand honneur d'avoir fait le lien entre le port de la kippa et les signes ostentatoires. En réalité, j'ai juste rebondi sur l'exemple de M. Mizrahi, c'est lui qui a opéré ce rapport.

Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de vous prononcer sur la demande d'amendement de Mme Flamand-Lew, à savoir la suppression de l'article 7.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 21 oui et 1 abstention.

Le président. Nous passons à l'amendement de M. Mizrahi qui a été amplement évoqué par celui-ci. Il s'agit, je le rappelle, de biffer l'alinéa 1 de l'article 7.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 22 oui.

Le président. Maintenant, Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'une proposition de modification de Mme Orsini et M. Gauthier à l'article 7, alinéa 1. Il s'agit d'un sous-amendement à l'amendement du Conseil d'Etat, lequel ajoute une seconde phrase à cette disposition. Je commence par vous lire la proposition du gouvernement:

«Art. 7, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Afin de prévenir des troubles graves à l'ordre public, le Conseil d'Etat peut restreindre ou interdire, sur le domaine public, dans les bâtiments publics, y compris les bâtiments scolaires et universitaires, pour une période limitée, le port de signes religieux ostentatoires. L'article 66 de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985, est applicable.»

Mme Orsini et M. Gauthier souhaitent reprendre ce libellé en y ajoutant «pour le public et les usagers», de façon à aboutir à la teneur suivante:

«Art. 7, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Afin de prévenir des troubles graves à l'ordre public, le Conseil d'Etat peut restreindre ou interdire pour le public et les usagers, sur le domaine public, dans les bâtiments publics, y compris les bâtiments scolaires et universitaires, pour une période limitée, le port de signes religieux ostentatoires. L'article 66 de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985, est applicable.»

A vous, Madame Orsini.

Mme Magali Orsini (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Il reste un amendement à l'article 7 que nous n'avons pas encore traité, n'est-ce pas ?

Le président. Ecoutez, Madame, je vous ai passé la parole pour que vous nous présentiez votre amendement; si vous ne souhaitez pas le faire, je le mets directement aux voix.

Mme Magali Orsini. Je voudrais juste savoir une chose, Monsieur le président: si je m'exprime maintenant sur mon sous-amendement à l'article 7, est-ce que je pourrai reprendre la parole après ou plus du tout ?

Le président. Non, Madame Orsini, vous avez déjà eu le micro deux fois, donc ce sera la dernière.

Mme Magali Orsini. Bon, alors je me réserve pour l'amendement suivant. Merci, Monsieur le président.

Le président. D'accord, dans ce cas j'ouvre la procédure de vote sur votre sous-amendement à l'article 7, alinéa 1.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 79 non contre 2 oui et 1 abstention.

Le président. Nous passons à l'amendement du Conseil d'Etat. Est-ce que l'un de ses représentants veut prendre la parole à ce sujet ? (Remarque de M. Pierre Maudet.) Vous le retirez ? Très bien, alors il ne reste plus que la demande de M. Vanek de biffer l'article 7, alinéa 2, que je mets aux voix.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 21 oui et 2 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 7 est adopté, de même que l'art. 8.

Le président. Nous poursuivons. M. Lance nous soumet un amendement pour introduire un nouvel article 9 que voici:

«Art. 9 Engagement social des organisations religieuses (nouveau, les art. 9 à 15 anciens devenant les art. 10 à 16)

1 L'Etat et les communes prennent en considération la contribution citoyenne des organisations religieuses oeuvrant à la cohésion sociale et à l'intégration des étrangers.

2 Ils peuvent offrir un soutien non financier à une ou plusieurs organisations offrant des prestations d'utilité publique, pour la part non cultuelle de celles-ci. Le Conseil d'Etat fixe les critères par règlement.»

Monsieur Lance, la parole vous revient.

M. François Lance (PDC). Monsieur le président, étant donné que notre amendement à l'article 1, lettre c, portant sur la même thématique a été refusé, nous renonçons à celui-ci.

Le président. Il en est pris bonne note, Monsieur.

Mis aux voix, l'art. 9 est adopté, de même que l'art. 10.

Le président. L'article 11, alinéa 3, fait l'objet d'une proposition d'amendement de Mme Orsini et M. Gauthier:

«Art. 11, al. 3 (nouvelle teneur)

3 L'enseignement du fait religieux est assuré par des membres du personnel enseignant de l'instruction publique dans le cadre des matières enseignées déjà existantes. En aucun cas le fait religieux ne peut faire l'objet d'un cours spécifique.»

Madame Orsini, c'est à vous.

Mme Magali Orsini (EAG). Merci, Monsieur le président. En 2005 déjà, une minorité de la commission de l'enseignement, qui s'était réunie à ce sujet, constatait que l'institution de tels cours risquait d'encourager une société multiculturelle et pluriethnique, sans base commune, utilisant la laïcité pour ouvrir la porte au communautarisme. Elle rappelait que le rôle primordial de l'école est de former la pensée critique et qu'elle ne devait pas rester complaisante devant les forces qui menacent les valeurs démocratiques et les acquis scientifiques.

Le Québécois Fernand Ouellet explique très bien que la présence de plus en plus visible de populations immigrées de même que la montée des revendications identitaires des groupes minoritaires au sein des sociétés démocratiques avancées soulèvent des inquiétudes pour notre cohésion sociale. L'essor de l'individualisme, renforcé par les impératifs de la société de consommation, a également contribué à fragiliser le lien social.

La plupart des auteurs s'entendent pour attribuer à l'école une responsabilité dans la formation des citoyens. Dans la tradition républicaine, ce n'est pas le marché qui assure la régulation sociale, mais l'Etat qui devient producteur de sens par l'intermédiaire de l'école, laquelle a pour fonction de donner des valeurs et des référents communs aux individus.

Nous n'avons rien contre l'enseignement du fait religieux tel qu'il a été délivré aux personnes de notre génération dans le cadre de cours d'histoire, de littérature ou de philosophie, bien au contraire. Mais, ainsi que le dit Régis Debray: «Promouvoir l'histoire des religions [...] en discipline spécifique serait lui rendre le pire des services puisqu'elle ne pourrait, dans un calendrier plein comme un oeuf, qu'occuper une place décorative et un horaire à la marge.»

Comme lui, nous proposons de fournir aux enseignants en lettres, langues, philosophie, art, histoire et géographie un appui concret qui leur permettra d'être mieux équipés pour faire face aux défis que soulève l'insertion de l'enseignement du fait religieux dans les programmes existants. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Je partage l'idée que c'est dans le cadre de matières existantes que les questions religieuses peuvent et doivent être abordées. Cela étant, j'ai un problème en amont de ce qu'a dit Mme Orsini: la formulation même de l'article est peu satisfaisante. La notion de fait religieux est en effet polysémique et problématique. Certains penseront que c'est le fait que toute sorte de gens croient que Jésus-Christ est ressuscité le troisième jour, d'autres estimeront que c'est la résurrection effective du Christ le troisième jour ! A travers l'emploi de ce néologisme, il y a une volonté de gommer un certain nombre de choses.

Ce qu'on entend par l'enseignement du fait religieux, c'est évidemment l'enseignement des phénomènes religieux à travers l'histoire, dans leurs dimensions sociologiques, géographiques, culturelles, politiques, et je suis d'avis que ces questions doivent être traitées dans les disciplines ordinaires. De ce point de vue là, je vote volontiers l'amendement de Mme Orsini, même s'il comporte une composante imprécise et insatisfaisante en invoquant le concept de «fait religieux».

M. François Lance (PDC). Pour le groupe démocrate-chrétien, au contraire, l'enseignement religieux doit constituer une branche spécifique afin qu'il ne se retrouve pas dilué dans d'autres disciplines et ne dépende pas du bon vouloir des enseignants, cela nous semble extrêmement important. Une telle formation est primordiale pour que les générations à venir comprennent le sens des religions et respectent les différentes communautés spirituelles.

A l'heure actuelle, en effet, de nombreux enfants - et même des adultes ! - ignorent ce qu'est une religion ou un mouvement philosophique. Leur confrontation à des activités où le religieux sert à justifier des actions violentes constitue un argument en faveur d'un tel enseignement. Les médias parlent beaucoup de religion, et nos jeunes doivent pouvoir se déterminer de façon indépendante.

Face à la méconnaissance, l'être humain peut ressentir des sentiments de peur et d'intolérance susceptibles de le conduire à la violence. Dans ce contexte, il est important que les enfants et adolescents disposent des ressources nécessaires pour se forger un avis critique qui les rende moins vulnérables face aux extrémismes de tout bord. Cet article a été longuement discuté en commission, Mesdames et Messieurs, et je vous recommande de le voter.

M. Jean Romain (PLR). Je voudrais préciser deux choses. Chacun sait ce qu'est un fait religieux. Dans notre société, il y a des synagogues, des mosquées, des cathédrales, de la musique, du gospel, des oeuvres d'art, autant de faits religieux qui nécessitent une explication toute laïque. M. Vanek confond le fait religieux et l'affirmation religieuse, qui est d'ordre tout à fait différent. Il n'est pas besoin de changer de nomenclature, la notion de fait religieux est explicite pour tout le monde.

Nous sommes tous d'accord pour que celui-ci soit enseigné à l'école. Mais faut-il en faire, comme le demande M. Lance, une discipline spécifique ? Je crois que ce n'est pas heureux, dans la mesure où il existe différentes manières d'aborder ce sujet en fonction des branches: ce n'est pas la même chose de le faire en français, en histoire de l'art ou en histoire tout court.

Par ailleurs, il s'agit d'éviter un écueil, ainsi que l'exprime clairement l'article 11, alinéa 2: «La laïcité de l'Etat doit être respectée et tout prosélytisme est interdit.» Plus vous multipliez les intervenants, plus vous diminuez le risque de prosélytisme, c'est un facteur à prendre en considération.

Aussi, chers collègues, le PLR vous propose de voter tel quel l'article 11. Je comprends tout à fait la volonté de Mme Orsini, mais l'esprit de la loi est clair: que ce soit durant nos discussions ou dans le rapport, il a toujours été question d'amener une diversité, en aucun cas d'ajouter une matière à une grille horaire déjà surencombrée. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai le plaisir de saluer à la tribune M. Charles Beer, ancien président du Conseil d'Etat, qui nous rend visite avec ses élèves de troisième année en économie d'entreprise de la Haute école de gestion, dans le cadre d'un cours intitulé «Economie globale et politique locale: impact sur la gestion d'entreprise». Bienvenue ! (Applaudissements.) La parole est maintenant à M. Vanek.

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Très vite, Monsieur le président: François Lance, pour qui j'ai de l'amitié et de l'estime, vient de démontrer dans son intervention le problème du concept de «fait religieux», puisqu'il a parlé d'«enseignement religieux» à ce sujet, ce sont les termes qu'il a employés. On ne peut pas travailler comme ça, dans ce flou et cette imprécision !

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Tout à l'heure, M. Jean Romain m'a coupé l'herbe sous le pied. Il faut lire cette disposition dans sa succession, et en ce qui concerne notre première minorité, il est important que l'alinéa 2 soit mentionné, c'est-à-dire que la laïcité de l'Etat doit être respectée et tout prosélytisme interdit.

Au début, nous avions émis quelques réticences, nous aurions préféré la formulation «information du fait religieux». Cela étant, on ne peut pas nier qu'il faut l'enseigner à l'école, et pas seulement au sein des familles. Chaque foyer peut avoir une conviction religieuse différente et la diversité n'y est pas forcément représentée. Il est nécessaire que nos jeunes disposent d'une information complète, parce qu'avec les médias électroniques actuels, il peut y avoir des sollicitations et le risque qu'ils s'expriment sur quelque chose qu'ils ne connaissent pas, vu qu'ils n'en auraient qu'une idée partielle. C'est la raison pour laquelle notre première minorité demande que l'on conserve l'article 11 tel qu'il est rédigé. Merci.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Je vais aller exactement dans le même sens que ce qui vient d'être dit et rappeler que l'article s'intitule: «Enseignement du fait religieux dans les établissements scolaires publics». Il s'agissait de lui trouver un cadre.

Concernant l'amendement à l'alinéa 3, chers collègues, la majorité vous propose de le rejeter, parce que le but de cette disposition est simplement d'indiquer que les cours sont assurés par des membres du corps enseignant de l'instruction publique; c'est la meilleure manière de garantir des intervenants laïques. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote sur l'amendement de Mme Orsini et M. Gauthier dont je rappelle le contenu:

«Art. 11, al. 3 (nouvelle teneur)

3 L'enseignement du fait religieux est assuré par des membres du personnel enseignant de l'instruction publique dans le cadre des matières enseignées déjà existantes. En aucun cas le fait religieux ne peut faire l'objet d'un cours spécifique.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 15 oui et 6 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 11 est adopté.

Le président. Ensuite, M. de Matteis et cosignataires nous soumettent un amendement pour instituer un nouvel article 12:

«Art. 12 Evaluation (nouveau, les art. 12 à 15 anciens devenant les art. 13 à 16)

1 Les effets de la présente loi sont évalués par une instance extérieure et indépendante cinq ans après son entrée en vigueur.

2 Le Conseil d'Etat décide si une évaluation ultérieure est nécessaire.

3 Le Conseil d'Etat remet au Grand Conseil un rapport communiquant les résultats de cette évaluation.»

Je cède la parole à Mme Forster Carbonnier.

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Je vous remercie, Monsieur le président. Le groupe des Verts propose qu'une évaluation de la loi soit réalisée après cinq ans d'application. M. de Matteis, qui a rédigé cet amendement, s'est inspiré de dispositions existant dans d'autres textes, donc il n'y a là rien de bien révolutionnaire.

Au vu de l'importance de la loi pour notre république et de la thématique extrêmement large qu'elle aborde, au vu du fait que Genève joue un rôle de pionnier, voire quelque peu d'apprenti sorcier en la matière, et que nous peinons à parvenir à un consensus, comme les débats le démontrent, il nous paraît primordial d'ancrer dans le texte le principe d'une évaluation par une entité extérieure indépendante et, si celle-ci en souligne la nécessité, que la loi soit soumise à une révision. Je pense que cela contribuerait à apaiser les esprits dans cette salle aujourd'hui. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à soutenir notre amendement. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame. Je soumets à l'assemblée cette proposition d'un article 12 nouveau instaurant une évaluation de la loi.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 44 non contre 31 oui et 6 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 12 est adopté, de même que l'art. 13.

Le président. Les deux amendements suivants, qui nous sont présentés par Mme Orsini et M. Gautier et, respectivement, par M. Lussi, visent tous deux à biffer intégralement l'article 14 relatif aux dispositions transitoires. J'ouvre le scrutin sur le premier.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 51 non contre 21 oui et 4 abstentions.

Le président. Puisque celui-ci a été refusé, il est inutile de mettre aux voix le second. Nous passons ainsi au dernier amendement sur cette loi. Il nous vient de M. Halpérin et est libellé comme suit:

«Art. 14, al. 1 (nouvelle teneur) et al. 2 (abrogé, l'al. 3 ancien devenant l'al. 2)

1 Les prescriptions relatives à la contribution religieuse volontaire visées à l'article 5 de la présente loi s'appliquent pour la première fois pour l'année civile qui suit son entrée en vigueur.»

Monsieur Conne, à vous le micro.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Le but de cet amendement est de modifier les dispositions transitoires telles qu'elles figurent à l'article 14 et qui prévoient que la contribution religieuse volontaire, que nous avons adoptée à l'article 5, disparaîtra au bout de dix ans. L'alinéa 2 ajoute que sur demande motivée, les organisations intéressées peuvent prolonger cette période pour dix ans encore au maximum.

Nous vous proposons, Mesdames et Messieurs, de supprimer ces prescriptions visant à l'extinction d'ici dix ou vingt ans de la contribution ecclésiastique. En d'autres termes, nous voulons pérenniser cette possibilité de financement des associations religieuses afin que celles-ci ne soient pas soumises, à terme, à un effet couperet. Voilà pourquoi nous vous invitons à soutenir cet amendement.

M. Gabriel Barrillier (PLR). Chers collègues, nous avons abondamment examiné cette problématique lors du débat d'entrée en matière, mais j'aimerais tout de même insister sur le fait que la contribution religieuse est volontaire. Il faut le répéter, parce qu'il persiste une certaine confusion au sein de la population. Pour corriger ce qu'a dit notre camarade Deneys tout à l'heure, l'Etat ne verse aucune prestation financière aux entités religieuses, aucun argent, aucun franc, il se contente de donner un coup de main administratif - contre rémunération ! - pour leur permettre de mener à bien leurs tâches en faveur de différents objectifs.

Quant à nous, nous plaidons contre la suppression de ce système dans un délai de dix ou vingt ans. En effet, soit les communautés religieuses réunissent les conditions décrites à l'article 5, soit elles ne les réunissent pas, mais il ne s'agit pas de placer une épée de Damoclès au-dessus de leur tête en instaurant une limitation dans le temps.

J'aimerais ici rompre une lance en faveur du maintien non pas d'un cordon ombilical - je vais peser mes mots, ce n'est pas la bonne formulation - mais d'un fil rouge entre l'Etat et les institutions religieuses - chrétiennes, il faut le dire, dont les réformés, les protestants - car elles ont quand même marqué cette république à travers l'histoire, et dans le bon sens, je l'ai dit lors du premier débat: grâce à l'éducation, à la formation, elles ont conduit les citoyens de notre canton à développer peu à peu leur esprit critique. Préservons donc ce lien qui est d'ordre symbolique.

Enfin, pour répondre à mon collègue Vanek, rapporteur de deuxième minorité, le rôle que je viens de rappeler des communautés religieuses depuis les XVe et XVIe siècles ne constitue pas une scorie de l'histoire, nos institutions actuelles en sont le résultat ! Je citerai à cet égard les propos du pasteur Daniel Neeser, que je ne connais pas mais qui a écrit un article dans la presse sur les travaux que nous menons maintenant, peut-être l'avez-vous lu: «On ne choisit pas son passé, on le travaille sans le mépriser, encore moins en l'occultant.» Je vous remercie de votre attention.

M. Christo Ivanov (UDC). Comme l'a dit mon préopinant Gabriel Barrillier, nous avons déjà traité ce dossier lors de la dernière session. La contribution religieuse est non seulement volontaire, mais elle est facultative et financée par les Eglises elles-mêmes, donc les contribuables ne déboursent pas un franc. Il nous paraît évident de maintenir le statu quo et d'abroger l'alinéa 2 de l'article 14, l'alinéa 3 ancien devenant l'alinéa 2.

Je rappelle que les communautés chrétiennes, que ce soit l'Eglise protestante, l'Eglise catholique chrétienne ou l'Eglise catholique romaine, font partie de l'histoire de Genève. Comment nier leur place très importante au sein de notre société, leur implication sociale dans les hôpitaux et les prisons, auprès des plus pauvres et de nos aînés ? Le groupe UDC soutiendra l'amendement déposé par le PLR. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur Ivanov. Je précise que vous avez pris la parole pour la troisième et dernière fois. Ce sera le cas pour vous également, Monsieur Forni, après votre intervention.

M. Jean-Luc Forni (PDC). D'accord, Monsieur le président, merci. En commission, le groupe démocrate-chrétien avait soutenu la nouvelle teneur des dispositions transitoires, estimant que cela laisserait suffisamment de temps aux communautés religieuses pour trouver un autre moyen de se financer auprès des citoyens qui acceptent le prélèvement volontaire.

Nous mesurons aujourd'hui les difficultés auxquelles cela confronte les institutions religieuses et sommes sensibles au message du pasteur Neeser dans la presse de ce jour. En effet, comme cela a été indiqué, il existe une relation historique entre l'Etat et les Eglises, dont il faut encore une fois relever l'implication dans l'éducation et la formation. Aussi, conscient de l'émoi que cette décision a suscité et par respect pour les organisations religieuses, le PDC soutiendra finalement l'amendement de M. Halpérin. Je vous remercie.

M. Christian Frey (S). Tout d'abord, j'aimerais indiquer que je m'exprime à titre personnel et que mes propos ne représentent pas la position de mon groupe, qui a accordé la liberté de vote à ses membres s'agissant de l'ensemble des projets de lois sur la laïcité. Je pense que la limitation dans le temps - cette épée de Damoclès, comme certains l'ont décrite - n'a tout simplement aucun sens. En effet, notre parlement, dont je ne ferai bientôt plus partie, peut en tout temps revenir sur un engagement et proposer une modification à un projet de loi. Dire maintenant aux Eglises qui bénéficient de ce système qu'il prendra fin dans dix ou vingt ans est parfaitement insensé, donc j'estime - je parle toujours en mon seul nom - qu'il faut accepter cet amendement. Merci.

Le président. Je vous remercie, Monsieur, et laisse la parole à M. Deneys pour la troisième fois au cours du débat.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais exprimer un avis différent qui sera tout aussi personnel, car à la question de la manière dont la laïcité doit s'exercer et l'Etat prendre ses responsabilités en la matière, les opinions peuvent différer en fonction du parcours des uns et des autres.

Pour les socialistes, ainsi que l'ont montré nos propositions d'amendements, le dispositif permettant de maintenir le système actuel pendant dix ans - délai pouvant être prolongé de dix années supplémentaires - garantit l'égalité de traitement entre les diverses structures qui animent la vie publique genevoise. En effet, on ne voit pas très bien au nom de quoi les communautés religieuses seraient avantagées par rapport à un club sportif, à une association culturelle ou à une quelconque amicale. D'autres entités voudraient aussi bénéficier de la force de l'administration publique pour récolter des fonds auprès des citoyennes et citoyens de notre canton.

Aussi, dans un souci d'équité, fixer une échéance raisonnable pour que cette pratique évolue nous semble tout à fait pertinent. Rien n'empêche les organisations religieuses de nous soumettre d'autres propositions durant ce laps de temps ou de nous expliquer qu'elles ne s'en sortent pas sans l'aide de l'Etat, ce sera l'occasion de déterminer si on étend le système à d'autres structures. Toutefois, pour le moment, je ne vois aucune raison de renoncer à cette disposition.

A cet égard, votre refus de l'amendement que j'ai déposé tout à l'heure instituant un contrôle par la Cour des comptes n'est franchement pas correct ! Aujourd'hui, toutes les associations subventionnées sont susceptibles de faire l'objet d'une révision par le service d'audit interne ou la Cour des comptes, alors il faut m'expliquer pourquoi, à partir du moment où l'Etat rend ce service, même s'il est payant, on ne voudrait pas que l'usage de l'argent soit contrôlé. Il doit être conforme à la loi ! En effet, si une Eglise collecte des moyens financiers dans le but d'organiser des voyages à l'autre bout du monde pour quelques-uns de ses dignitaires ou des activités sportives, ça revient à dire qu'elle dispose de davantage de droits qu'un club de football ou une association culturelle, et il n'est clairement pas normal d'instaurer une telle inégalité de traitement dans la loi, de ne pas mettre tout le monde sur le même pied. Dans ce cas, la moindre des choses serait de garantir le contrôle des sommes reversées aux communautés religieuses via le dispositif public.

Nous avions eu une discussion similaire au sujet de la loi sur le tourisme. Dans un premier temps, on nous a dit qu'il ne s'agissait que de collecter de l'argent pour les Fêtes de Genève ou la promotion touristique, et puis qu'est-ce qu'on entend dernièrement de la part du conseiller d'Etat, le même qui défend la loi sur la laïcité ? Eh bien non, ce n'est pas vrai, il ne s'agit pas juste de prendre de l'argent aux uns pour le distribuer aux autres, l'Etat n'est pas qu'un intermédiaire indifférent, il doit se mêler du pourquoi et du comment les montants sont rassemblés, de la façon dont ils sont utilisés - et, évidemment, ils doivent être utilisés à bon escient.

Encore une fois, si on veut maintenir le versement de ces ressources financières via l'administration fiscale, le minimum serait de garantir un contrôle public. Si on ne le fait pas, la durée de dix ans fait que les Eglises seront traitées comme n'importe quelle autre association. En tant qu'adepte du pastafarisme, je pourrais demander que l'Etat collecte des fonds pour favoriser mon mouvement ! Il n'y a pas de raison d'en exclure certains, Mesdames et Messieurs les députés, donc il faut voter l'article 14 tel qu'issu de commission.

M. Jean-François Girardet (MCG). Avec tout le respect que je lui dois, M. Deneys vient de faire une déclaration qui peut être taxée d'ânerie ! Ce que vise l'article 14, en réalité, c'est simplement que les prescriptions relatives à la contribution religieuse volontaire soient réglées selon l'article 5. Or celui-ci ouvre la possibilité à toute entité religieuse qui en fait la demande de bénéficier de cette perception par l'Etat - les lettres a, b, c, d, e et f de l'alinéa 6 définissent les critères à respecter. Pour cette raison, nous soutiendrons l'amendement proposé par le PLR à l'article 14. Je vous remercie.

M. Pascal Spuhler (HP). J'abonde dans le sens de M. Deneys, à savoir qu'il faut conserver l'article tel quel. L'Etat, s'il se prétend laïque, n'a pas à être pourvoyeur ou transporteur de fonds pour les entités religieuses, et je pense qu'un délai de dix ans est suffisamment long pour qu'elles puissent réussir à subvenir elles-mêmes à leurs besoins - et si elles n'y arrivent pas, elles mourront de leur belle mort, voilà tout !

Avec ce projet de loi, on veut légiférer sur tout ! Je le répète, et je le ferai encore si nécessaire: si l'Etat doit être laïque, la société ne l'est pas, donc il ne faut pas mélanger les choses. Si, dans son activité, l'Etat doit être réglementé, au niveau législatif, en revanche, il devrait se montrer beaucoup plus neutre. Merci.

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de deuxième minorité. J'ai apprécié ce qu'a dit Gabriel Barrillier - vous lui transmettrez, Monsieur le président. Pour lui répondre, je n'éprouve aucune espèce de mépris pour notre passé qui, pour moi, est très vivant, mais je pose des jugements dessus: j'ai du mépris pour certains, de l'estime pour d'autres.

Par exemple, j'ai plus de mépris pour Jean Calvin que pour Michel Servet dont il a été le tortionnaire, j'ai plus d'estime pour James Fazy dont la conception de la laïcité a été de distribuer des terrains à toute sorte de religions, y compris non chrétiennes - je parle notamment de l'emplacement de la synagogue - que pour un radical comme Carteret - sans évoquer un autre conseiller d'Etat dont le nom finit en «et» qui est toujours en fonction - qui voulait, lui, asservir la religion à l'Etat et était hostile à la séparation, puisqu'il a cherché à créer une Eglise catholique nationale qui devait ses salaires à la tour Baudet ! Je connais cette histoire, je l'apprécie et je n'ai pas de problème avec elle. Mais, Monsieur Barrillier, pour reprendre vos termes, il s'agit de couper le cordon ombilical entre les institutions religieuses et l'Etat. Vous avez plaidé pour le conserver, alors j'interviens pour soutenir qu'il est temps, au XXIe siècle, de le défaire.

J'ai voulu procéder sans douleur pour les organisations concernées, afin de bien marquer que cette mesure ne s'inscrivait pas dans une logique anticléricale, dans un mouvement d'hostilité à leur endroit, en prévoyant une rupture échelonnée sur dix ans, avec même la possibilité pour elles de solliciter une prolongation supplémentaire de dix ans. J'ai pris des pincettes pour cette transition vers un tout petit peu de lumière, de modernité, de laïcité et de neutralité dans cette république. Et aujourd'hui, le coq n'a pas encore chanté trois fois que le PDC, qui avait souscrit à cet accord à travers son représentant en commission, renie son engagement ! Je le regrette, parce qu'il s'agissait d'une manière intelligente de régler cette question à travers une évolution dans la durée permettant aux structures religieuses de renouveler leur mode de financement.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs, je vous demande évidemment de rejeter cet amendement et de garder les dispositions mises au point en commission qui, sauf erreur, avaient même eu l'aval du magistrat que je n'ai pas cité tout à l'heure.

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Dans mon rapport de minorité, je proposais un amendement visant à biffer les dispositions transitoires de l'article 14. Pourquoi, Mesdames et Messieurs ? Puisque nous avons décidé de soutenir la contribution religieuse par égard pour les traditions, il est pour nous hors de question d'imposer des limites, c'est la raison pour laquelle je voulais le supprimer. En effet, si vous lisez l'alinéa 3 tel qu'il est rédigé, par rapport à la pratique actuelle et à notre idée première que cette loi n'est pas nécessaire, on enfonce une porte ouverte !

Je tiens à rappeler qu'il ne s'agit pas de subventions, mais de dons volontaires: toute personne qui souhaite verser une obole par ce biais peut le faire, nul n'y est obligé. Pour notre minorité, très attentive à ce que l'on peut faire ou pas, Mesdames et Messieurs les députés, l'article 5 constitue presque - excusez-moi pour le choix du terme - une Bible en soi, il définit tout ce qui est autorisé ou interdit, et je crois que les cautèles nécessaires ont été posées.

C'est la raison pour laquelle, après discussion au sein de mon groupe, notre minorité votera l'amendement aux alinéas 1 et 2 de l'article 14 qu'un excellent juriste membre de ce Grand Conseil - enfin, il n'est pas avec nous aujourd'hui - a rédigé.

Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de vous prononcer sur l'amendement de M. Halpérin à l'article 14, dont je vous rappelle les termes:

«Art. 14, al. 1 (nouvelle teneur) et al. 2 (abrogé, l'al. 3 ancien devenant l'al. 2)

1 Les prescriptions relatives à la contribution religieuse volontaire visées à l'article 5 de la présente loi s'appliquent pour la première fois pour l'année civile qui suit son entrée en vigueur.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 63 oui contre 20 non et 2 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 14 ainsi amendé est adopté par 69 oui contre 12 non et 5 abstentions.

Le président. Nous traitons maintenant l'article 15 souligné, soit les modifications à d'autres lois. L'alinéa 1 concerne celle sur le protocole; Mme Orsini et M. Gauthier y ont déposé deux amendements visant à ajouter «académiques et philosophiques» aux articles 7 et 11. Je lis le premier:

«Art. 7, al. 3, lettre c (nouvelle teneur)

c) des autorités diplomatiques, militaires, religieuses, académiques et philosophiques;»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 69 non contre 10 oui et 7 abstentions.

Le président. Et voici le second:

«Art. 11, al. 1, lettre k (nouvelle teneur)

k) représentants des autorités religieuses, académiques et philosophiques;»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 69 non contre 9 oui et 7 abstentions.

Mis aux voix, l'al. 1 de l'art. 15 (souligné) est adopté.

Le président. Mesdames et Messieurs, nous nous arrêtons ici; nous reprendrons nos travaux lors de la prochaine séance.

Sixième partie du débat: Séance du jeudi 26 avril 2018 à 20h30