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PL 11622-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les établissements publics médicaux (LEPM) (K 2 05)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XIII des 28, 29 janvier et 4 février 2016.
Rapport de majorité de Mme Danièle Magnin (MCG)
Rapport de première minorité de M. Pierre Conne (PLR)
Rapport de deuxième minorité de M. Jean Batou (EAG)

Premier débat

Le président. Nous abordons notre première urgence en catégorie II, cinquante minutes. Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole.

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Ce projet de loi veut consacrer l'existence d'un seul établissement HUG, lequel comprendra l'ensemble des cliniques, y compris celles de Joli-Mont et de Montana. Il n'y aura pas de suppression de poste dans le cadre de cette inclusion, pas de perte d'autonomie, on ne craint pas non plus une éventuelle dissolution. La mission de Joli-Mont est la réhabilitation locomotrice de la hanche et du genou et les soins palliatifs, c'est un lieu utile à la population sur la rive droite. Quant à la mission de Montana, elle consiste en la réhabilitation locomotrice et psychosociale; elle évite notamment des hospitalisations en psychiatrie. L'éventuelle perte d'autonomie est très largement compensée par la technique, l'informatique et le système de facturation des HUG, et également le fait de pouvoir négocier de meilleures conditions avec les assurances. Il est précisé que les bâtiments sont en bon état d'entretien. Il s'agit en outre de lieux de formation à maintenir. Ils doivent être validés par la FMH: si ce n'était pas le cas, on se trouverait face à un risque de fermeture. Pour ces cliniques, il est plus simple de faire partie des HUG, et apparemment, le mouvement est directement venu de leur conseil d'administration. Les collaborations avec les HUG existent depuis longtemps, notamment par l'envoi de médecins en médecine interne. 80% des patients sont envoyés certes par des médecins privés, mais ce sont des établissements absolument nécessaires à l'intérêt général. La formation continue sera assurée. Si les HUG tiraient la prise, ces cliniques courraient le risque de fermer, voire d'être rachetées par des entreprises privées, ce que le personnel redoute; ça ne lui plairait pas trop. Quant aux médecins, ils risqueraient de refuser de travailler dans une structure non agréée par la FMH.

Que dit le projet de loi ? Essentiellement que les établissements médicaux forment un établissement de droit public avec la personnalité juridique; cela s'exercera sur les sites de Beau-Séjour, Belle-Idée, Bellerive, Cluse-Roseraie, Joli-Mont, Loëx, Montana et Trois-Chêne. Il y aura un seul conseil d'administration nommé pour quatre ans, et les compétences de ce conseil d'administration seront inchangées. Il s'agit essentiellement d'intensifier la collaboration entre les HUG et les cliniques, non pas de les annexer. Les missions sont complémentaires, elles seront pensées en commun. C'est pourquoi la majorité vous recommande de voter ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de première minorité. La minorité que je représente votera non à ce projet de loi, parce que, tout d'abord, cette fusion des cliniques de Joli-Mont et de Montana avec les HUG est inutile, ou tout au moins nous n'avons pas entendu d'arguments convaincants, et principalement parce que ce texte - un toilettage de la loi sur les établissements publics médicaux - passe à côté de l'essentiel: cette loi est obsolète et selon nous devrait être revue fondamentalement.

Ce projet de fusion est inutile, et les arguments présentés ne sont pas valables à nos yeux. Les missions existent, elles ne seront pas changées, la rapporteure de majorité l'a déjà dit. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Les filières, c'est-à-dire l'origine des patients, quant à elles, pourraient en cas de fusion subir un changement qui serait préjudiciable: aujourd'hui, une grande majorité d'entre eux vient directement de la ville, évitant ainsi des hospitalisations inappropriées aux HUG; il y a fort à craindre que demain, si les cliniques de Joli-Mont et de Montana sont fusionnées avec les HUG, elles servent uniquement de déversoir pour les soins aigus et n'offrent plus de service direct à la population. L'encadrement médical actuel est de qualité, il y a deux médecins chefs de services à Joli-Mont et à Montana, en place depuis quelques années et reconnus pour la qualité de leur travail et leurs compétences médicales. La reconnaissance FMH n'est absolument pas liée à l'affiliation à un hôpital universitaire, elle est strictement liée à la compétence du médecin chef de service; il existe des situations au sein des HUG où les médecins chefs de service ont perdu la reconnaissance FMH. Ce n'est donc pas du tout une garantie. A l'heure actuelle, les cliniques de Joli-Mont et de Montana ont des moyens médicaux techniques tout à fait adaptés à leur mission, une fusion n'apporterait strictement rien de plus. Le niveau administratif de ces deux cliniques est bon également, Joli-Mont s'est vu adjoindre il y a peu l'ancien directeur financier des HUG, qui a toutes les compétences pour introduire notamment tout ce qui touche à la comptabilité de gestion dans ces cliniques. L'informatique, également, fait l'objet à l'heure actuelle d'une convention avec les HUG, et de ce point de vue, et notamment s'agissant du dossier patient intégré, ces cliniques bénéficient de cette prestation.

On nous parle d'économies: il ne s'agit sûrement pas d'économies, puisque déjà le conseil d'administration de ces deux cliniques veut être maintenu avec voix consultative jusqu'à la fin de la législature. Un transfert de ressources à partir des HUG est peu probable. Quant à une nouvelle subvention, qu'elle soit votée globalement pour les HUG en cas de fusion et transférée à ces cliniques ou votée spécialement pour elles, cela ne changerait rien du tout financièrement. Quant à la vente au privé, je crois qu'on doit pouvoir considérer là, effectivement, que si ces deux cliniques perdent aujourd'hui leur personnalité juridique, avec une fusion il y aurait plus de risque qu'à un moment donné, leur mission soit intégrée dans les locaux des HUG, les locaux des deux cliniques étant alors éventuellement utilisés comme dépôts de matériel et rien d'autre. Cette fusion ne protège donc absolument pas ces cliniques de pouvoir disparaître à un moment donné. Pourquoi, donc, cette fusion ? Nous ne le comprenons pas.

Autre point que nous défendons: aujourd'hui, les HUG doivent faire l'objet d'une évaluation complète et d'un projet de loi, et, je tiens à le dire, ce n'est pas la qualité des soins qui est en jeu ni la qualité de la nouvelle direction générale, qui se trouve héritière d'une situation caractérisée par une très forte inertie; c'est plutôt la vacuité de notre action politique que je stigmatise. Tout au long des débats à la commission de la santé, j'ai tenté d'inviter le Conseil d'Etat à prendre en compte le fait qu'aujourd'hui les HUG sont gouvernés par une loi obsolète, que le monde a changé, que la LAMal a changé, et que dans ce cadre-là, il faut envisager une analyse et une refonte complète des HUG pour faire en sorte que d'une entreprise fermée sur elle-même, autodéterminée, ils deviennent une entreprise ouverte sur le réseau, sur les autres cantons, et ouverte à la coopération. Ce que nous attendons, c'est une évaluation, une analyse contextuelle, une mise en perspective stratégique, le fait que soient repensées les missions des hôpitaux, le rôle universitaire et non universitaire, que soient repensées la gouvernance, la structure et l'organisation. Cette tâche-là ne peut pas être le fait d'un simple député, c'est une tâche importante qui nécessite la compétence des professionnels de la branche, du département de la santé et du Conseil d'Etat. Pour toutes ces raisons également, nous voterons contre ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Jean Batou (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Chers collègues, nous, le groupe Ensemble à Gauche, nous opposerons aussi à ce projet de loi, pour des raisons légèrement différentes. Sur le premier point, il y a un parfait accord avec ce que vient de dire Pierre Conne: nous ne comprenons pas l'urgence de cette fusion. Dans un article où il faisait des confidences, M. Poggia nous disait qu'il aimait beaucoup le slow. (Rires.) Je crois que c'était il y a quelques jours. Là, il nous fait danser la tarentelle, parce que tout est dans l'urgence, et la réflexion risque de passer à la trappe.

J'aimerais revenir sur le problème du manque de personnel soignant. C'est une des questions apparues dans les discussions de la commission: l'encadrement soignant dans ces deux cliniques et les difficultés qu'ont les HUG à répondre aux besoins de celles-ci par des collaborations, également à cause d'une forte tension des emplois dans le domaine du personnel soignant. Ainsi, le fait que 17 postes soient créés pour la clinique Joli-Mont est un bon signe, mais c'est évidemment une goutte d'eau dans la mer par rapport aux besoins des établissements publics médicaux. Vous ne savez peut-être pas que nous avons appris, de source syndicale, qu'environ 800 000 heures de travail sont actuellement fournies par des intérimaires aux Hôpitaux universitaires de Genève, ce qui représente 500 postes, mais en réalité 1200 personnes. Il y a donc bien un problème de postes, de stabilisation des postes, extrêmement important, et qui n'est évidemment pas abordé par cette fusion. Quant aux inquiétudes légitimes du personnel, tout d'abord, il va y avoir une restructuration au niveau des cuisines et de la buanderie, et personne ne peut être assuré à long terme de garder son poste dans ces secteurs; peu de garanties ont été concrètement fournies à ce propos. D'autre part, les collaborateurs vont peut-être se voir amenés à être déménagés, déplacés d'un site à l'autre, puisqu'ils appartiendront tous aux HUG, alors qu'ils ont fait le choix - et un choix qu'on peut comprendre - de travailler dans une plus petite structure. Ensuite, les changements dans les cahiers des charges devront répondre à cette mutation, et nous avons observé que le personnel a été très peu ou mal consulté dans le cadre de cette opération de fusion.

J'en viens au dernier point, le plus important pour nous: la perte de contrôle démocratique. Mon préopinant l'a soulignée. Perte de contrôle démocratique en cas de redimensionnement, de réaffectation, de cession d'actifs immobiliers, de privatisation, qui seront rendus beaucoup plus faciles par la disparition des personnalités juridiques respectives de Joli-Mont et de Montana. Je tire donc la sonnette d'alarme, parce que je vous rappelle que la population genevoise a refusé à une large majorité - par 56,3% de non - la suppression de la clinique de Montana. Si c'est une manière dissimulée de réintroduire à terme une forme de privatisation de l'une ou l'autre de ces cliniques, évidemment, nous serons privés de la possibilité de lancer un référendum.

Nous divergeons avec le rapporteur de première minorité quand il appelle à un rééquilibrage de la santé publique en faveur d'un rôle accru - si je le comprends bien - des cliniques privées. Evidemment, cet article de la «Tribune» publié sur une page entière à la veille de notre session, où l'on peut lire qu'«il faut déstructurer le mammouth HUG», et où intervient fortement le président des cliniques privées, M. Gilles Rufenacht, donne une idée, si vous le lisez attentivement...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Jean Batou. ...des projets de marchandisation de la santé publique, qui évidemment excite l'appétit d'un certain nombre d'actionnaires propriétaires de cliniques privées. On nous a présenté cette fusion comme un mariage de raison et non comme un mariage d'amour; nous, nous sommes partisans d'un PACS, c'est-à-dire de contrats de prestations entre ces unités qui peuvent réaliser exactement la même chose que dans le cadre de la fusion, mais tout en gardant leur personnalité juridique. «Small is beautiful» en termes de structure; ce n'est pas vrai que le secteur public doit être un géant bureaucratique et que le privé doit être représenté par des structures légères et flexibles: le public peut répondre aux besoins de la population avec des structures légères, flexibles et adaptées aux besoins de la patientèle et du personnel. Je vous remercie.

Mme Sarah Klopmann (Ve). Tout d'abord, je rappellerai au rapporteur de deuxième minorité que le PACS ne devrait pas constituer un sous-mariage. Maintenant, revenons au sujet. L'intégration de ces cliniques de Joli-Mont et de Montana aux HUG est nécessaire pour plusieurs raisons. D'abord, elle l'est pour maintenir les cliniques en mains publiques et aussi pour préserver les prestations qu'elles fournissent, qui pour l'instant sont pour une grande part de la réadaptation et de la rééducation, deux éléments très importants pour la fin de la guérison. On va simplement mettre en commun tout ce qui relève de l'organisation et de l'administration, aussi en créant un seul conseil d'administration, ce qui est une bonne chose, tout cela pour rationaliser les coûts tout en préservant les prestations de soins et de santé, ce qui est essentiel. Sans ce projet de loi, et donc sans cette fusion, les cliniques ne peuvent pas se financer à long terme, même si elles ont momentanément redressé la barre, et le risque est qu'elles se voient rachetées par des privés: cela signifierait une perte de service public, moins d'accessibilité aux soins pour tous, et aussi pas de garantie du maintien des prestations, qu'elles soient publiques ou privées; et cela serait vraiment dramatique.

En revanche, avec ce projet de loi et cette fusion, les prestations sont listées; c'était là vraiment l'élément essentiel pour nous, les Verts, à savoir que les établissements publics médicaux, qui seront tous reliés, maintiennent les prestations actuelles et les fournissent toujours à la population. Nous aurions même aimé qu'elles soient un petit peu mieux précisées, mais pour l'instant, nous nous contenterons de cela. De même, tous les sites des EPM - y compris, donc, Joli-Mont et Montana - sont listés dans ce projet de loi, ce qui est aussi très important. Il y a d'ailleurs un paradoxe entre les deux rapporteurs de minorité: l'un voulait plutôt que les sites ne soient pas détaillés et l'autre, au contraire, a peur qu'on consacre ces sites à autre chose. C'est assez paradoxal. Nous, les Verts, au contraire, sommes pour maintenir les prestations, et pour maintenir les sites afin qu'ils soient toujours dédiés aux soins, mais en permettant une certaine mobilité dans l'organisation, si cela permet un meilleur accueil des patients.

Le petit bémol, toutefois, concerne évidemment le personnel de ces établissements. Le département a essayé de nous rassurer en commission; malheureusement, rien de très précis encore ne nous a été expliqué concernant son traitement après la fusion, mais je rappelle quand même que si ces cliniques sont rachetées par des privés, leur situation sera pire, et cela est à éviter. Nous veillerons au respect des conditions de travail des employés tant des HUG que de ces deux cliniques, mais aussi au maintien des prestations et surtout à l'affectation des différents sites pour les prestations. Pour garder ces cliniques en mains publiques, les Verts voteront donc oui à ce projet de loi.

M. Carlos Medeiros (MCG). En préambule, je vous informe que je fais partie du conseil d'administration, et je ne prendrai pas part au vote, logiquement. Cela dit, en écoutant le rapporteur de minorité - vous lui transmettrez - j'ai l'impression que nous ne parlons pas de la même chose. Moi-même, j'ai depuis toujours été contre cette fusion; il y a eu plusieurs essais, disons, des discussions, en 2003, en 2010: à l'époque, déjà, on parlait de synergies avec les HUG, etc. Nous avions toujours considéré, unanimement, que la structure fonctionnait bien, que ces deux cliniques offraient au public des prestations valables, et quand on faisait des enquêtes pour savoir si les gens étaient contents du niveau de service, les scores étaient bons, pour ainsi dire. Nous reversions même une partie de la subvention: nous arrivions à faire des économies. Nous menions des négociations notamment avec des organisations internationales, ce qui permettait de négocier des séjours très intéressants pour l'Etat et les cliniques. Nous étions dans une logique consistant à rester indépendants.

Or, malheureusement, les choses ont changé sur différents aspects. Le premier, c'est, au niveau fédéral, de nouvelles règles, notamment par rapport à la comptabilité et aux états financiers. On nous oblige à avoir un personnel beaucoup plus important affecté à ce domaine; rien que pour les cliniques, nous avons besoin de trois postes pour la comptabilité - comptabilité analytique, etc. - parce que les assurances sont devenues beaucoup plus «invasives», entre guillemets: elles veulent tout savoir, tout comprendre. D'un autre côté, nous avons un problème de recrutement; et je tiens quand même à remercier notre conseiller d'Etat, parce qu'à un moment donné, à vingt-quatre heures près, la clinique de Montana a couru le risque de fermer, tout simplement. Sans directeur de clinique, une clinique ne peut pas être ouverte. Il venait juste de prendre ses fonctions de conseiller d'Etat, j'ai été obligé de l'appeler pratiquement au milieu de la nuit pour trouver une solution. Nous avons aujourd'hui, donc, un problème de recrutement. Pour la petite histoire, le Valais paie les médecins mieux que Genève; c'est étonnant, mais c'est comme ça. On n'arrive même pas à trouver des médecins dans le bassin local, on doit aller les recruter à l'étranger - pour quelqu'un du MCG, comme moi, je vous laisse imaginer la douleur, mais malheureusement, nous sommes obligés d'en passer par là: tout le monde fait le nécessaire, les directeurs me montrent carrément les offres qu'ils ont faites, les contacts qu'ils ont eus auprès de l'office cantonal de l'emploi, etc. Nous sommes obligés d'aller recruter à l'étranger. Nous ne pouvons pas continuer à fonctionner comme ça. Je ne veux pas trahir de secrets, mais nous avons passé, comment dirais-je, dans un cas très particulier, à la clinique de Joli-Mont, tout près d'un problème majeur, voire d'un décès, tout ça parce que malheureusement le personnel n'était pas en nombre suffisant pour assurer les prestations. Et ça, pour le conseil d'administration, ç'a été la goutte d'eau: nous avons une responsabilité, celle que les choses fonctionnent bien, et pour que ce soit le cas, nous devons nous trouver dans une structure plus grande, soutenus par les HUG. C'est déjà le cas depuis un moment, par exemple pour l'informatique - nous avons le même système; à Joli-Mont, nous avons un directeur délégué de l'hôpital. Malheureusement, nous ne pouvons pas faire autrement. Moi-même, j'ai dû me rendre; j'étais l'un des plus féroces adversaires de cette fusion - le magistrat l'était moins; j'ai été obligé de me rendre à l'évidence, parce que malheureusement, il n'y a pas de plan B: soit c'est ça, soit nous risquons d'avoir des problèmes majeurs et des cas de décès, comme je viens de vous le dire. Je pense que si on est un minimum responsable, personne ne prendrait le risque d'arriver jusque-là.

Par rapport au personnel, je suis très étonné d'entendre dire qu'il n'est pas au courant: le personnel est représenté au conseil d'administration, et il a eu connaissance de toutes les phases de négociations notamment avec la direction générale de la santé.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Carlos Medeiros. Nous avons écouté le personnel, nous l'avons reçu, nous avons garanti les postes; pour nous, c'est très important. Certes, il y aura sûrement des choses à faire, il y aura des changements, des gens qui vont peut-être aller ailleurs, mais bon, nous sommes quand même dans un canton-ville, un canton petit, nous ne sommes pas dans un canton comme Vaud ou le Valais, dans lequel il faut se déplacer sur deux cents kilomètres. Je vous conseille donc de voter oui, encore une fois, parce qu'il n'y a pas d'autre solution.

Le président. Merci beaucoup, Monsieur le député. Madame Danièle Magnin, votre groupe n'a plus de temps de parole. Je passe donc la parole à M. Christian Frey.

M. Christian Frey (S). Merci, Monsieur le président. Cela a déjà été mentionné plusieurs fois, il y a eu de réels problèmes, notamment à Joli-Mont, plutôt dans le domaine de la crise du management: départ prématuré de directeurs, problèmes informatiques, problèmes avec la facturation et les nouvelles normes DRG, etc. Ce ne sont pas des problèmes inventés, ils existent et ils ont en effet perturbé le bon fonctionnement de Joli-Mont. A Montana, bien que le rapporteur de première minorité l'ait nié, il y a apparemment un problème de recrutement de médecins, un autre de reconnaissance FMH, qui ne se pose peut-être pas en permanence mais s'est posé à un moment précis, qu'on a mentionné. Là aussi, il ne s'agit pas d'inventions, il ne s'agit pas de fantasmes, c'est une réalité qu'il y a eu des problèmes là-bas. A un moment donné... Et je m'inscris un peu en faux contre les propos selon lesquels le département pense à tort que c'est une urgence, on a le temps, etc.: cela fait à ma connaissance depuis juin 2015 qu'on parle de cela et qu'on dit systématiquement qu'il n'y a pas d'urgence, qu'on peut repousser. Idéalement, du moment que le personnel est au courant - et quand vous mettez le personnel d'une institution au courant de changements structurels, de nouvelles affectations, etc., il est inquiet et c'est normal - à ce moment-là il s'agit de trancher soit dans un sens, soit dans l'autre, et c'est une des raisons principales pour lesquelles le groupe socialiste, aussi par respect pour le personnel, souhaite qu'une décision soit prise, et vous invite à voter oui aujourd'hui.

Maintenant, que dit ce personnel ? Dans le cadre des auditions, nous avons consulté les représentants de celui-ci pour Montana et Joli-Mont. Ils nous ont dit que le personnel n'était pas très inquiet, qu'il avait eu l'occasion de rencontrer M. Poggia, et qu'il préférait avant toute chose un rattachement aux HUG, plutôt qu'une privatisation éventuelle de ces deux structures. Ensuite, si vous permettez, Monsieur le rapporteur de deuxième minorité, nous avons consulté le SIT et le SSP. Là aussi, nous avons constaté clairement une préférence pour un rattachement aux HUG, et là non plus je n'ai pas entendu de réticences, vous pouvez relire les procès-verbaux; je crois qu'il n'y avait pas - excusez-moi cette remarque, Monsieur le président, vous transmettrez - de représentant d'Ensemble à Gauche au moment où le SIT et le SSP ont été auditionnés par la commission de la santé. Nous avons encore rencontré les représentants du personnel des HUG, entre autres le Dr Van Delden - j'espère que je prononce bien ! - qui nous a dit tout le bien qu'il pensait de ce rattachement aux HUG.

Quels sont les rattachements prévus ? Le Pr Perrier nous l'a très clairement dit dans une des auditions, en ce qui concerne Joli-Mont, il s'agit d'un rattachement au département de médecine interne, de réhabilitation et de gériatrie, car beaucoup de choses qui sont faites actuellement déjà à Joli-Mont rejoignent les préoccupations de ce département. En ce qui concerne Montana, il s'agit du département de médecine communautaire, de premier recours et des urgences. Là aussi, on se trouve assez à proximité de la mission qu'a actuellement Montana d'offrir des prestations d'utilité publique.

Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, premier vice-président

On a mentionné cet article de la «Tribune» qui parle de «mettre fin au mammouth», etc. J'aimerais juste vous relire un extrait du rapport de première minorité. Le rapporteur de première minorité écrit qu'une «révolution copernicienne» est en train de se faire, «un nouveau marché des prestations hospitalières, fondé sur la concurrence entre les établissements privés et publics et entre les cantons. Les cantons ne subventionnent plus leurs hôpitaux publics, mais achètent des prestations», etc., etc. J'aimerais juste demander au rapporteur de première minorité...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Christian Frey. ...de quoi il s'agit au fond. Il s'agit apparemment de se répartir le gâteau et de donner une plus grande importance aux cliniques privées et à leurs possibilités qu'aux hôpitaux publics qui assument des fonctions et des prestations d'intérêt général. Pour toutes ces raisons, et si on veut vraiment garder ces prestations d'intérêt général, il faut accepter ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Mariage de raison: depuis un certain nombre de mois, tant Joli-Mont que Montana ont été mis sous perfusion par les HUG pour assurer leur survie, notamment pour les prestations techniques, informatiques, la comptabilité analytique, et j'en passe, qui n'auraient plus été gérables sans l'aide des HUG. On a parlé également des difficultés concernant les médecins pour Montana, qui était prête à mettre la clef sous le paillasson. Mariage de raison, oui, car c'est une solution qui nous paraît être la plus avantageuse pour la survie de ces deux cliniques dans le domaine des établissements publics. On voit mal comment les HUG vendraient l'hôpital de Loëx, vendraient celui de Bellerive, vendraient la médecine interne; comme l'a dit mon préopinant, c'est vrai que l'assimilation de ces deux cliniques au sein des HUG offre une garantie pour leur avenir, tel que l'a voulu aussi le peuple, qui, en tout cas pour la clinique de Montana, lors d'une votation populaire, a souhaité le maintien de cet hôpital, sans toutefois préciser qu'il ne devait pas être intégré aux HUG. Je suis sûr que si on demandait aujourd'hui à la population si Montana fait partie des HUG, 90% de celle-ci répondrait oui. Ainsi, en plus des décisions qui ont été unanimement soutenues par le personnel et le conseil d'administration, comme il a déjà été dit, je crois que tout le monde attend cette décision aujourd'hui.

Bien sûr que l'hôpital va grossir - «l'hôpital mammouth». C'est vrai qu'on peut se poser des questions, c'est légitime, comme l'a dit le rapporteur de première minorité, il faut se poser des questions sur le positionnement de l'hôpital, redéfinir les axes stratégiques, pas seulement dans le domaine de la réhabilitation: on peut se poser les mêmes questions au niveau de l'oncologie, etc. Je pense que cela fait partie d'un travail annexe plus important, qui va devoir allier les compétences non seulement de la commission de la santé, mais aussi du conseil d'administration des HUG, qui a quand même la responsabilité de définir la stratégie de cet établissement, de la direction médicale, de la direction tout court, et bien sûr, de spécialistes. A mon sens, cela fait partie d'un autre débat, d'un autre projet de loi à élaborer, et quant à l'ouverture de certaines prestations, avec notamment les établissements à Genève ou ailleurs, c'est clair que c'est souhaitable, c'est clair que cela doit aussi se discuter, mais dans un autre cadre, celui de la planification sanitaire. Sur la résultante de toutes ces constatations, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien vous invite à accepter la fusion de ces deux établissements au sein des HUG. Je vous remercie.

M. Charles Selleger (PLR), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi diable le PLR entend-il s'opposer à un projet de loi qui a priori n'apporte que des bénéfices, comme rassembler les compétences, mieux harmoniser les missions de soins, faire des économies d'échelle, améliorer la gouvernance et les nécessités administratives, rendre également plus facile l'encadrement médical et le recrutement du personnel médical ? En réalité, ce qui aurait pu prendre sens en 1995, époque à laquelle on a introduit la loi sur les établissements publics médicaux, ne répond plus actuellement à une nécessité, et deviendrait même, sur plusieurs aspects, contre-productif. Comme le relève l'excellent rapport de mon collègue Pierre Conne, il n'y a pas de justification, actuellement, à fusionner ces deux cliniques au sein des HUG. Sur le plan administratif, l'introduction des nouveaux standards comptables est acquise à Joli-Mont et pourra l'être facilement à Montana. Sur le plan des directions médicales, plus de problème non plus, de nouvelles personnes sont en place et donnent entière satisfaction. Sur le plan du recrutement des médecins internes et des ressources médico-techniques, pas de problème non plus grâce à l'excellente collaboration que ces deux cliniques entretiennent avec les HUG, collaboration qui bien entendu n'a pas attendu le projet de loi de fusionnement actuel. La fusion n'amènerait donc aucun bénéfice dans ces domaines, mais serait contre-productive, comme je l'ai dit, en matière financière, en matière d'indépendance des départements médicaux, en matière d'évolution des statuts des deux cliniques. Tout cela est bien détaillé dans le rapport de minorité du député Pierre Conne, je n'y reviendrai pas.

Ce qui manque cruellement dans ce projet de loi, c'est une véritable vision d'avenir, dans un environnement médico-législatif qui a complètement changé depuis 1995 - changement qui semble avoir échappé au député Frey. Rien n'est fait pour s'adapter à la mise en concurrence voulue des structures hospitalières, que ce soit entre le public et le privé ou entre cantons. Rien n'est dit de l'indispensable redéfinition des tâches médico-universitaires par rapport aux besoins d'une population qui présente, le plus souvent, des pathologies relevant d'un hôpital de soins généraux et non pas d'un hôpital universitaire. L'«hospitalo-centrisme» des HUG doit être remis en question et adapté aux paradigmes de la planification hospitalière voulue la LAMal. Une structure hospitalo-universitaire est forcément plus coûteuse qu'un hôpital de soins généraux, et les règles de concurrence vont devenir rapidement insupportables pour les HUG qui veulent englober toutes les pathologies et intégrer tous les centres hospitaliers, y compris ceux à vocation non universitaire. Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, en plus d'être inutile voire contre-productif, consacre le gigantisme des HUG alors que la baleine aurait plutôt besoin d'une cure d'amaigrissement. Il est l'arbre qui cache la forêt des véritables nécessités. Refusons-le et engageons le Conseil d'Etat à nous présenter un projet véritablement novateur, de nature à faire perdurer une médecine de pointe, universitaire, au sein d'un réseau de structures hospitalières publiques, privées, non universitaires, mieux à même d'offrir une alternative qualitative et concurrentielle dans un environnement dont les règles ont évolué dans ce sens. Je vous remercie.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je suis très étonné des arguments - vous transmettrez, Monsieur le vice-président, à M. le rapporteur de deuxième minorité...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Daniel Sormanni. Oui, oui, je vais me dépêcher. Justement, si on veut éviter que ces cliniques deviennent des cliniques privées, il faut les mettre sous la férule des HUG ! C'est comme ça qu'on en assurera l'avenir, pas l'inverse, et je crois que c'est là la raison principale: on assure la pérennité, on assure qu'il y aura des médecins pour dispenser les soins indispensables dans ces deux établissements. Je ne comprends pas votre position...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Daniel Sormanni. ...qui est totalement contraire à ce que vous voulez défendre ! (Remarque.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Thierry Cerutti. (Remarque.) Excusez-moi, votre groupe n'a plus de temps de parole, je suis désolé. (Commentaires.) La parole revient à M. le député Patrick Lussi.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, est-ce une hérésie, est-ce une insulte que de dire qu'un projet de loi tant travaillé, si bien défendu, avec des arguments contraires mais certes étayés, est peut-être traité un peu trop tôt, vu que depuis le rapport, d'autres éléments, d'autres facteurs d'appréciation sont arrivés ? Je le dis sans ambages, et il faut parfois avoir le courage de le dire, dans un groupe, une multitude d'informations contradictoires peut nous amener presque à changer d'avis. Nous en sommes au point où face à ce qu'on entend, face à ce qui arrive, on se demande si c'est vraiment le bon moment de décider de ceci, de se prononcer sur ce projet de loi. En fait, cette fusion est-elle mûre ? Le groupe UDC vous dit aujourd'hui que peut-être ce n'est pas le cas et vous fait la proposition de renvoyer cet objet en commission, justement pour intégrer les éléments dernièrement arrivés et voir s'il est vraiment opportun de procéder maintenant à cette fusion; faute de quoi, je vous le dis sans ambages, vu les différentes appréciations au sein de notre groupe, la consigne de vote sera libre. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Peuvent s'exprimer les rapporteurs et le conseiller d'Etat. La parole est à M. Jean Batou, rapporteur de deuxième minorité, sur le renvoi en commission.

M. Jean Batou (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Nous serons bien sûr favorables au renvoi, parce que la discussion doit se poursuivre sur cet objet. S'il m'est permis de dire quelques mots sur le fond...

Le président. Sur le renvoi uniquement, Monsieur le député !

M. Jean Batou. Mais je pourrai intervenir à nouveau, le cas échéant ?

Le président. Oui.

M. Jean Batou. Nous sommes donc favorables au renvoi en commission.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de première minorité. Je suis favorable au renvoi en commission, ne serait-ce que pour que le conseiller d'Etat explique clairement ce qui apparemment n'est pas connu, à savoir que la «révolution copernicienne» dont on me fait porter la responsabilité est en fait une réforme de la LAMal. Ce sont ces informations-là que probablement les députés mériteraient de mieux comprendre, si le département pouvait leur donner toutes les explications nécessaires. Donc oui au renvoi en commission !

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. De la part du MCG, je m'oppose au renvoi en commission, dès lors que nous avons consacré de nombreuses séances à l'étude de ce projet de loi et que nous avons entendu toutes les personnes qui devaient l'être. En ce qui concerne la demande de l'UDC, fondée sur des faits nouveaux, le groupe avait le temps de nous dire de quoi il s'agissait et il ne l'a pas fait. Je ne vois donc pas de raison de renvoyer cet objet en commission.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Je ne m'exprimerai pas sur le renvoi en commission, Monsieur le vice-président.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. C'est donc le moment de voter.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11622 à la commission de la santé est adopté par 46 oui contre 41 non.