République et canton de Genève

Grand Conseil

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R 768
Proposition de résolution de Mmes et MM. Lydia Schneider Hausser, Sophie Forster Carbonnier, Roger Deneys, Romain de Sainte Marie, François Lefort, Jean-Charles Rielle, Frédérique Perler, Boris Calame, Irène Buche, Christian Frey, Emilie Flamand-Lew, Jean-Michel Bugnion, Yves de Matteis, Salima Moyard, Lisa Mazzone, Michel Ducommun, Cyril Mizrahi, Caroline Marti, Pierre Vanek pour maintenir des emplois industriels à Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 26, 27 juin, 28 août et 9 septembre 2014.

Suite du débat

Le président. Nous continuons notre débat sur la R 768 en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Stauffer... qui n'est pas là. Monsieur Carlos Medeiros, c'est donc à vous.

M. Carlos Medeiros (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez la chose suivante au député de Sainte Marie: lorsqu'il a commencé à parler tout à l'heure, je ne rigolais pas du sort des travailleurs. Ce qui me donne envie de rire, ce sont vos propos, Monsieur de Sainte Marie: vous faites tout pour casser la machine, pour dégoûter les entrepreneurs. Je tiens quand même à vous rappeler que vos projets sont en cours de route: l'abolition des forfaits fiscaux, l'abolition du taux préférentiel d'impôts pour les multinationales... Et après, vous venez vous plaindre ici en disant que c'est la faute de l'économie libérale. Eh non, Monsieur de Sainte Marie ! Ce n'est pas la faute de l'économie libérale, c'est la faute de votre dogmatisme; c'est au dogmatisme du parti socialiste que nous devons toute cette situation. Je tiens à vous rappeler que l'ensemble des cantons de Suisse - voire certains pays d'Europe qui passent par de grosses difficultés - font tout pour créer des conditions-cadres afin que l'économie se porte bien, notamment dans le secteur industriel. Eh bien nous, à Genève, nous avons des enfants gâtés, des gens qui pensent à des conceptions politiques d'un autre âge: la prétendue égalité, les prétendus droits de l'Homme. Du coup, aujourd'hui, la compétitivité est en train de baisser, l'attractivité de ce canton diminue. Elle diminue parce qu'à cause des mesures que vous préconisez, les industriels - notamment les multinationales - commencent à déménager ailleurs. Alors arrêtez de vouloir nous faire verser une petite larme à cause de l'économie libérale et posez-vous les bonnes questions, Monsieur de Sainte Marie. D'ailleurs, vu que les socialistes genevois - et les socialistes suisses tout court - ont toujours un peu de retard par rapport à leurs cousins français, rappelons-nous ce qui se passe aujourd'hui en France, où le gouvernement socialiste a tout fait pour casser la machine économique. De quoi se rend-on compte aujourd'hui ? Ils ont été chercher un banquier privé d'une grande banque pour remonter le secteur économique ! C'est vraiment exceptionnel !

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Carlos Medeiros. Qu'est-ce que ça veut dire ? Vous voulez aujourd'hui casser la machine économique genevoise et aller demain demander à un banquier privé de Genève de venir aider l'économie ? Non ! Posez-vous les bonnes questions. Les questions sont simples. Créons des conditions-cadres visant à la compétitivité. Arrêtez avec vos propos dogmatiques, afin que les multinationales...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Carlos Medeiros. ...puissent continuer à exister et à écrire le mot «richesse» dans notre canton. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Serge Hiltpold... mais je ne le vois pas. Je passe donc la parole à M. Jean-Marc Guinchard.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, cette résolution interpelle le Conseil d'Etat et lui demande d'agir sur le cas bien précis qui a été évoqué tout à l'heure. Dans ce contexte, il faut peut-être rappeler qu'il existe à ce sujet des dispositions légales fédérales et cantonales qui permettent au Conseil d'Etat d'agir, notamment en matière de licenciements collectifs, puisqu'il est prévu une annonce obligatoire de ces licenciements, la consultation du personnel ainsi que la possibilité laissée au personnel de faire des propositions pour les éviter. Le Conseil d'Etat a fait tout ce travail en respectant les dispositions légales. A l'heure actuelle, les contre-propositions n'ont malheureusement pas été acceptées, mais un plan social est en cours de réalisation afin d'atténuer les effets des licenciements. Le Conseil d'Etat a donc agi, mais il n'a pas plus de pouvoir coercitif - heureusement, je dirais - et ne peut pas intervenir davantage dans la marche des entreprises, puisque la maîtrise d'une entreprise reste acquise à celle-ci.

De façon plus générale, le rôle du Conseil d'Etat est de mettre en place des conditions-cadres favorables au développement de notre tissu industriel. Je trouve assez piquant de constater qu'on vient ce matin nous faire la leçon sur les méfaits du libéralisme économique alors que, sur les mêmes bancs, on s'ingénie systématiquement, année après année, à taquiner les entreprises, à les empêcher d'exercer leur activité de façon correcte. Sur cette base, dans la mesure où les choses ont été réalisées, le groupe démocrate-chrétien refusera cette proposition de résolution. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

M. Boris Calame (Ve). Monsieur le président, chères et chers collègues, la proposition de résolution 768 en lien avec la délocalisation de l'activité de production de l'entreprise industrielle Parker Hannifin Manufacturing Switzerland SA devrait nous interpeller - et plus particulièrement notre conseiller d'Etat - sur la situation économique industrielle genevoise. Le maintien de la diversité de notre économie est d'une importance première pour Genève: perdre de la diversité, c'est d'une part perdre des compétences locales ainsi que des capacités d'emploi et de formation et, d'autre part, exposer encore plus Genève aux risques économiques liés à une éventuelle crise dans un domaine d'activité spécifique. Le maintien et le développement de la diversité de notre économie locale doivent être un objectif premier et prioritaire de notre gouvernement, et plus particulièrement de son département de l'économie. Rappelons-nous que notre économie représente des emplois pour notre population de même que des revenus pour assurer l'activité des collectivités au service de la population.

Nous vous appelons ainsi à soutenir cette résolution qui, bien qu'elle soit soumise à nos débats certainement trop tardivement, invite le Conseil d'Etat à agir sans délai, ce qu'il ne semble malheureusement pas avoir fait à ce jour. Il faut agir dans le cadre de cette situation, mais aussi agir de façon proactive pour assurer le maintien et le développement d'une activité industrielle genevoise diversifiée. Car l'activité industrielle ne vit pas en vase clos, mais bien en interaction avec le reste de l'économie. C'est un acteur très important de notre quotidien, et nous devons tout faire pour son maintien. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe des Verts vous invite à soutenir cette proposition de résolution, qui doit être un signal au Conseil d'Etat quant à notre attachement à une économie diversifiée. Je vous remercie de votre attention.

M. Romain de Sainte Marie (S). Monsieur le président, vous transmettrez à M. Medeiros... On croit rêver, quand même ! On a l'impression, en entendant M. Medeiros, que si Genève est aujourd'hui le canton avec le plus haut taux de chômage, si Genève connaît un exode du secteur secondaire, c'est la faute de la gauche !

M. Carlos Medeiros. Eh oui !

Des voix. Eh oui ! (Applaudissements.)

M. Romain de Sainte Marie. Pourtant, qui gouverne Genève depuis des décennies ? Qui possède une majorité au Grand Conseil et au Conseil d'Etat et, pourtant, connaît ce triste bilan en matière économique ? C'est la droite dont vous faites aussi partie, au MCG ! Enfin, et pour prendre un exemple récent, qui a mis des bâtons dans les roues des entreprises avec la votation du 9 février sur l'immigration de masse ? C'est cette même droite et l'extrême droite avant tout, dont vous faites partie. Si on entend bien les milieux économiques aujourd'hui, ils ne se plaignent pas de la gauche: ils se plaignent de vos initiatives et des méfaits qu'elles ont ensuite sur l'ensemble de l'économie. (Applaudissements.)

M. Edouard Cuendet (PLR). Monsieur le président, je me réfère aux paroles de M. Romain de Sainte Montebourg, qui vient de s'exprimer... (Exclamations.) Il ne lui manque plus que la liquette bretonne pour être authentique ! Il tient exactement les mêmes propos que son camarade français sur le redressement productif, et on a vu le succès que cela a eu en France: un désastre tellement catastrophique que celui-ci a dû être viré manu militari et remplacé par un banquier, ce qui montre que les banquiers ont même des qualités auprès des socialistes ! (Applaudissements.) M. de Sainte Montebourg a démontré par ses nombreuses actions le sabotage systématique que son parti mène à Genève contre l'économie et les multinationales. Je prends pour exemple l'initiative 150 contre les multinationales, où celles-ci sont traitées de «parasites», de «profiteuses». Je trouve absolument scandaleux que M. de Sainte Montebourg vienne nous faire la leçon aujourd'hui.

Que nous propose M. Romain de Sainte Marie ? Comme son collègue français, il nous propose une économie planifiée. Un plan quinquennal, en gros. Pour ce faire, il se réfère notamment - il ne l'a pas dit directement mais on sent cela de façon sous-jacente - à un papier que les syndicats ont publié il y a quelque temps en faveur d'une autre économie, en proposant un fonds d'investissement à Genève, notamment pour réindustrialiser le PAV. Ce qu'on nous propose au fond, ce sont des hauts fourneaux au PAV. Je vais rappeler les propos d'un homme très sage, qui a oeuvré dans cette république il y a une législature, à savoir M. David Hiler, ancien ministre des finances: la gauche veut réindustrialiser le canton, mais il a rappelé que c'était certes possible pour autant qu'on soit d'accord d'avoir les salaires du Bangladesh ! Genève ne peut attirer - c'est sa nature, c'est sa structure - que des emplois à haute valeur ajoutée. D'ailleurs, en matière industrielle, on a de l'industrie à très haute valeur ajoutée. C'est celle-là qu'on doit attirer, ce sont ces emplois-là qu'il faut avoir. Ce sont d'ailleurs ces emplois qui génèrent les recettes fiscales qui nourrissent votre Etat gigantesque et apportent l'argent que vous dépensez sans le produire. Voilà ce que M. de Sainte Marie oublie dans son discours. Ces impôts que vous dépensez sans compter, il faut qu'une économie dynamique, florissante et à haute valeur ajoutée les produise. Il faut évidemment rejeter cette proposition de résolution. Je vous remercie.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Magali Orsini. (Un instant s'écoule.) Madame Orsini, c'est à vous !

Mme Magali Orsini (EAG). Ah, pardon, Monsieur le président, et merci ! Selon la théorie libérale, l'Etat n'intervient pas dans la vie des entreprises. Nous l'avons bien compris. Sauf peut-être quand il s'agit de trouver 65 milliards du jour au lendemain pour sauver l'UBS ou d'accorder des allégements à des entreprises triées sur le volet selon des critères plus ou moins officiels ! Le groupe Ensemble à Gauche a effectivement une préférence marquée pour le secteur secondaire, par exemple par rapport à celui du négoce. Ça, c'est clair. Il souhaite que le Conseil d'Etat y consacre l'essentiel de son énergie et de ses aides fiscales. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. J'aimerais tout d'abord répondre, au nom du Conseil d'Etat, au procès que l'on nous a fait. Il s'agit d'un procès tardif parce qu'en réalité - navré de vous décevoir, Monsieur le député - nous avons réalisé l'ensemble de ce que vous avez évoqué tout à l'heure, et sommes même allés bien au-delà de vos désirs. A plusieurs reprises, nous avons rencontré à la fois les syndicats et les employés. Nous nous sommes associés à l'excellent contre-projet qu'ils ont proposé. Mon collègue Poggia et moi-même sommes intervenus personnellement et avec nos collaborateurs auprès de la direction concernée. Nous avons même proposé que la CRCT - présidée par l'un de mes prédécesseurs, Laurent Moutinot - puisse intervenir comme médiateur et, à chaque fois, nous nous sommes vu opposer une fin de non-recevoir de la part de la direction de cette entreprise.

Comme l'ont dit certains tout à l'heure, nous ne nous trouvons pas dans une économie planifiée où le Conseil d'Etat donne des ordres à l'économie, et c'est très bien comme cela. C'est aussi ce qui a permis la prospérité de notre canton. Nous regrettons ici la décision de cette entreprise qui effectue un travail de qualité et fait partie des fleurons industriels. C'est une nature d'activité à laquelle nous sommes sensibles, nous, Conseil d'Etat. Mais nous ne pouvons pas faire plus que tant ! Nous avons fait tout ce que vous souhaitiez que nous fassions. Dès lors, votre proposition de résolution n'est absolument plus nécessaire. Ce qu'elle demande a déjà été fait, et bien au-delà.

J'aimerais ajouter que si l'on peut évidemment entendre quelques gesticulations régulières dans ce parlement contre le Conseil d'Etat ainsi que des procès s'agissant de son activité, nous faisons très souvent, Monsieur le député, Mesdames et Messieurs, Monsieur le président, la démonstration que nous anticipons ce type de mouvement dans les différents secteurs économiques. Avec le service de la promotion économique - en lien également avec les questions d'aménagement - nous sommes précisément en train d'envisager la façon dont nous allons pouvoir anticiper les mouvements naturels dans le secteur du PAV, parce qu'il s'agit d'un élément clef.

L'économie vit, c'est un corps vivant; il y a des départs, des arrivées. Comment peut-on anticiper et adoucir les chocs le plus possible ? De ce point de vue là, le Conseil d'Etat aurait davantage besoin du soutien du parlement plutôt que d'assister à de grandes déclarations oratoires et autres gesticulations. Nous aurions besoin d'un appui, d'une stabilité, d'une capacité à voir à long terme avec des déclarations d'intention positives et un peu d'enthousiasme plutôt que des procès réciproques de part et d'autre des bancs de cette enceinte.

Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous recommande de rejeter ce texte, non pas parce qu'il dit des choses aberrantes - non, il dit des choses intelligentes - mais parce que nous avons déjà fait tout ce qui était en notre pouvoir. A l'heure actuelle, cette résolution est davantage une entrave qu'un réel moteur pour essayer de sortir de cette situation délicate avec les employés et les syndicats. Je précise enfin - parce qu'il est utile de le souligner - que mon collègue Poggia, nos services et moi-même suivons de très près l'élaboration du plan social sur lequel nous travaillons concrètement, parce que c'est par là que cela passe maintenant. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous soumettre l'amendement proposé par M. Riedweg, qui consiste à supprimer la deuxième invite du texte.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 64 non contre 23 oui.

Le président. Nous votons maintenant la proposition de résolution.

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous passons donc au vote nominal.

Mise aux voix, la proposition de résolution 768 est rejetée par 59 non contre 28 oui (vote nominal). (Le vote nominal n'a pas pu être enregistré.)