République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1821-A
Rapport de la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat chargée d'étudier la pétition concernant la décision de suspendre la progression des annuités
Rapport de majorité de M. Christo Ivanov (UDC)
Rapport de minorité de M. Roger Deneys (S)

Débat

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Cette pétition concerne la décision de suspendre la progression des annuités. En effet, le Grand Conseil avait voté le 16 décembre 2011 une suppression de la progression des annuités pour l'année 2012 et, à la suite de cela, il y a eu une pétition d'enseignants du collège de Staël, signée par 89 personnes, qui dénonçaient la lente dégradation du service public en matière d'enseignement depuis une quinzaine d'années. La majorité de la commission a estimé que la pétition était obsolète et a demandé son dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, plusieurs enseignants du collège de Staël ont eu l'occasion d'exprimer, au travers de cette pétition, leur ras-le-bol face à la dégradation constante de leurs conditions de travail ces dernières années. C'est vrai qu'en l'occurrence la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, c'est la décision unilatérale, en dernière minute et sans concertation avec la fonction publique, du gel des annuités l'an dernier, lors des discussions sur le projet de budget 2012.

Comme toujours, on peut discuter, sur le fond, de la nécessité ou non de diminuer la masse salariale de la fonction publique et de toucher à ce qui est considéré, peut-être, comme des avantages par les uns ou des droits acquis par d'autres. On peut en discuter. Mais c'est vrai que, de façon générale, le dialogue et les discussions entre l'employeur, donc le Conseil d'Etat, comme représentant de l'employeur, et les syndicats ainsi que les représentants du personnel sont nécessaires pour que le partenariat social soit maintenu et que, si possible, on évite d'en arriver à des situations extrêmes de grève, de démissions, de contestation générale. Je pense que la concertation est indispensable.

Le Grand Conseil a donné un très mauvais signal l'an dernier en décidant, au dernier moment, de geler ces annuités, et ces enseignants l'expriment en disant: «C'est scandaleux, vous nous supprimez les annuités, nos conditions de travail se dégradent.» Je pense qu'ils relèvent à raison le fait que des collégiens se retrouvent dans des laboratoires sans assistant pour les aider à faire leurs expériences. De façon générale, les conditions d'enseignement se dégradent et c'est le résultat direct d'une politique d'économies absurde, parce qu'elles sont linéaires et que l'on ne fixe pas de priorités.

La commission ad hoc sur le personnel de l'Etat a eu une réaction assez particulière de mon point de vue, qui a consisté à dire: «Eh bien, comme le gel des annuités a déjà été voté par le Grand Conseil, cette pétition est caduque ! On peut donc la classer ou la déposer sur le bureau du Grand Conseil. Elle est caduque parce que, en réalité, c'est déjà fait.»

Alors moi, je suis désolé: il faut être logique ! Ces gens réagissent à une décision que nous avons prise et que nous pouvons répéter ! D'ailleurs, je pense que certains dans la salle sont tout à fait prêts à la répéter, parce qu'ils n'ont pas beaucoup d'imagination et qu'en général ils réchauffent la soupe de la Mère Royaume pour la 450e ou la 500e fois pour dire qu'il faut faire des économies, mais toujours sur les mêmes.

Ces personnes font donc valoir leur ras-le-bol à travers cette pétition, et comme cela peut se reproduire, la logique voudrait que l'on renvoie ce texte au Conseil d'Etat, au moins pour dire: «Ecoutez, essayez de ne pas répéter le même mécanisme pour la suite.» C'est bien ce que demandent les pétitionnaires. Si le gel des annuités doit avoir lieu, si d'autres mesures doivent être prises, au moins que cela se fasse dans des circonstances correctes de négociation. Si on ne fait pas cela, cela veut dire qu'il faudrait déposer des pétitions par anticipation. Je vous laisse imaginer ce que cela implique: cela signifie que, aujourd'hui, je ferais une pétition sur une décision potentielle...

Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur le rapporteur.

M. Roger Deneys. ...du Grand Conseil en décembre. C'est totalement absurde ! Je vous invite donc à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat par souci de logique, par souci de dialogue social et par souci d'équilibre des finances cantonales.

M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, bien sûr cette pétition a été étudiée par la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat, qui regroupe, dans les rangs de la droite, les plus anti-fonctionnaires que l'on puisse trouver dans ce parlement ! Bien entendu ce sont des gens... (M. Roger Golay est interpellé.) Oui, Monsieur Romain, mais vous êtes allié avec un parti politique... Je ne comprends pas votre situation. Vous transmettrez, Monsieur le président, que je ne comprends pas la situation de M. Jean Romain et le fait qu'il soit membre, en tant que fonctionnaire, d'un tel parti, qui ne pense qu'à détruire et nuire à la fonction publique ! (Protestations.) Donc, vous voyez, Monsieur le président...

Le président. Monsieur le député, s'il vous plaît !

M. Roger Golay. Cette pétition a été renvoyée à cette commission, mais cela revenait à la jeter tout de suite dans une poubelle. Voilà ce qui s'est passé ! On oublie trop souvent les sacrifices des membres de la fonction publique au niveau des annuités. Il faut savoir que les annuités sont une récompense pour leur travail, une récompense comme on peut en trouver aussi parfois dans le privé; ce sont des augmentations de salaire qui se font d'une manière temporaire sur la durée d'une carrière d'un fonctionnaire. Ce n'est pas toutes les années jusqu'à ses 65 ans que le fonctionnaire va avoir une annuité. D'autre part, l'annuité sert aussi à fidéliser le fonctionnaire qui va également trouver un petit avantage qui permettra de le motiver. Aujourd'hui, et à plusieurs reprises par le passé, vous avez démotivé l'entier de la fonction publique simplement en coupant certaines fois l'indexation de salaire, d'autres fois l'annuité et, d'autres fois encore, les deux en même temps, quand vous avez usé du plus grand culot, comme vous savez le faire régulièrement !

Aujourd'hui, c'est clair que cette pétition est devenue obsolète par rapport à la coupe qu'il y a eu dans le budget de cette année. En revanche, je vous rappelle une chose, Messieurs, en tout cas du PDC, qui suivez régulièrement vos alliés du PLR au moment de couper dans la fonction publique tout ce qui s'y trouve: vous avez pris l'engagement, pour 2013, de verser une annuité complète et, là, on vous attend au contour, pour voir si en tout cas le PDC tient parole à ce sujet.

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, c'est à la fois en tant que présidente de la commission ad hoc et représentante du parti démocrate-chrétien que je prends la parole, et je vous encourage, Mesdames et Messieurs, à suivre les conclusions du rapport de majorité.

Le travail a été fait avec le plus grand sérieux au sein de la commission, tout le monde a pu s'exprimer, les auditionnés ont pu légitimement faire part de leurs inquiétudes, et puisqu'ils ont la possibilité d'entendre et de comprendre, comme vous et moi, eh bien ils ont pu entendre et comprendre qu'effectivement leurs préoccupations avaient pu être légitimes, mais qu'aujourd'hui elles n'étaient absolument plus de mise et on s'en réjouit. Le fait que nous pouvons aujourd'hui sereinement aborder cette réalité a pour effet que chacun fait son travail, et nous vous remercions donc de bien vouloir accepter les conclusions du rapport de majorité qui reflètent la réalité, Monsieur le président.

M. Stéphane Florey (UDC). Je ne referai pas le débat sur ce sujet, parce que, comme l'a rappelé le rapporteur de majorité, ce débat a déjà eu lieu lors du vote du projet de loi. Toutefois, j'aimerais juste préciser deux ou trois points.

Vous transmettrez à M. Deneys que, effectivement, ils ont choisi la voie de la pétition et que c'est peut-être un peu tard. Néanmoins, ils avaient une possibilité beaucoup plus forte, c'était celle de lancer un référendum avec les syndicats. C'est là, peut-être, qu'ils auraient dû aller regarder.

Sur le fond, l'UDC a pris ses responsabilités lors du vote du projet de loi, elle l'a largement mentionné à ce moment-là et elle n'entend pas revenir sur sa décision. C'est pour cela que nous suivrons également les conclusions du rapport de majorité, à savoir le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Renaud Gautier (L). Je regrette infiniment que le MCG entende régulièrement me réveiller de ma sieste, comme il le disait tout à l'heure, mais comme on m'a réveillé, Monsieur le président, je vous saurai gré de poser la question suivante à M. le syndicaliste Golay, qui défendait tout à l'heure si ardemment ces pauvres fonctionnaires: qui, déjà, a lancé le référendum contre la fusion des caisses de retraite de la fonction publique ?

Des voix. C'est pas nous !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le rapporteur Roger Deneys. Il vous reste deux minutes vingt sur le temps de votre groupe.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. J'aimerais quand même dire que, non, les travaux de la commission n'ont pas été menés correctement ! En l'occurrence, il y a eu une demande d'audition du DIP, de son conseiller d'Etat, pour vérifier si les allégations des pétitionnaires étaient exactes ou non, notamment pour savoir si la question de la suppression des assistants pour les laboratoires était exacte, si le fait qu'un poste de psychologue avait aussi disparu était exact, en bref, si globalement on pouvait effectivement assister à une baisse de la qualité de l'enseignement dans le postobligatoire parce qu'on y mettait moins de moyens. Or la commission ad hoc a refusé cette audition. Donc ici, ce ne sont pas des faits, ce sont des jugements de valeur.

Certains pensent avoir la science infuse et savoir que cela va très bien, Madame la Marquise, d'autres sont bien plus pragmatiques et considèrent que toute interrogation mérite réponse sérieuse. Les décisions doivent être prises en conséquence. Ici, renvoyer la pétition au Conseil d'Etat est une invite au dialogue social. La décision de faire autrement n'a pas été prise sur des bases sérieuses pour une commission du Grand Conseil et c'est regrettable.

M. Jean Romain (R). On a entendu tout à l'heure M. Golay nous jouer du violon sur la démotivation de la fonction publique, on a eu droit au même chewing-gum collectif qu'ils mâchent, lui et le MCG, depuis des mois voire des années. Et en fait, qu'est-ce qu'on nous dit ? On nous dit qu'il y a une démotivation de la fonction publique. C'est vrai. Mais elle n'est pas tellement due au gel de l'annuité. Elle est due à l'insécurité qui règne dans la profession, notamment quant au doute qui plane sur les retraites; elle est due au manque de leadership de gens que l'on a placés et qui ne sont pas capables de motiver leurs troupes; elle est due à un enseignement à la catastrophe qui est celui de Genève, et les profs ne savent plus vers quel manuel se tourner; elle est due aussi au fatras de documents et de réunions auquel ils sont soumis incessamment.

Il est vrai - là, je dois vous donner raison - que lorsque l'on essaie de dire qu'il faut mettre la main à la poche et que la fonction publique doit aussi mettre la main à la poche avec une annuité qu'il va falloir geler... Et peut-être que cela va être bien pire, parce que le gel de l'annuité, à côté de ce qui se présente, à côté de l'avenir que nous avons, c'est de la roupie de sansonnet !

Alors, je veux dire, on peut bien monter sur ses grands chevaux en disant que le PLR veut un certain nombre de choses, cela ne marche plus et je connais peu de gens à Genève qui seraient encore d'accord de suivre cette argumentation dont l'indigence nous fait bâiller !

M. Roger Golay (MCG). Je tiens à rectifier ce qu'a dit M. Gautier: je suis syndicaliste, mais j'ai encore la tête sur les épaules, vous pouvez le constater. (Brouhaha.) Je ne fais pas partie de ces quelques anarchistes qui ont lancé ce référendum, lequel mettra, au cas où il passe, le chaos dans la république.

Maintenant, je rappelle simplement qu'il faut continuer à encourager les collaborateurs de l'Etat, à récompenser leur travail et à les fidéliser par cette annuité. Vous le savez tous, la grande richesse d'une entreprise, c'est son personnel. Aujourd'hui, trop souvent, une partie des députés de ce parlement l'oublie, et je leur rappelle qu'au lieu de déposer régulièrement des projets de lois contre la fonction publique, il faudrait laisser son rôle au Conseil d'Etat. En tout cas, ne nous substituons pas à ce dernier, comme le font certains députés de ce parlement.

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons entendu l'autre jour cet adage qui est peut-être exact: la situation autour de nous est certes un peu difficile, mais nous avons la situation financière de l'Allemagne, nous avons la classe politique de la France et nous avons les solutions de la Grèce ! Est-ce que nous sommes bien dans cette logique-là aujourd'hui ?

Je ne suis pas sûr qu'il faille entrer en guerre contre la fonction publique. Il faut aujourd'hui s'associer à cette fonction publique afin de trouver des solutions pour Genève, qui en a besoin !

La situation est certes préoccupante, mais il n'y a pas le feu à la maison. Selon nous, nous devons nous concentrer sur une alliance avec cette fonction publique. Nous ne croyons pas à toutes les déclarations qui mettent le feu aux poudres, lesquelles consistent d'un côté à dire: «Nous ne toucherons pas aux cadres, mais nous supprimerons la moitié des états-majors», alors que l'autre solution serait de dire: «Nous ne remplacerons qu'un poste sur deux. Voilà... Nous n'avons donc plus besoin de policiers. S'ils partent à la retraite, on n'en remplacera qu'un sur deux. Nous n'avons pas besoin d'enseignants. S'ils partent à la retraite, nous en remplacerons un sur deux.» Nous ne croyons pas à des solutions de ce type-là.

Nous pensons très clairement qu'aujourd'hui il faut que nous travaillions ensemble, la classe politique et la fonction publique, afin de trouver des solutions pour Genève. C'est ce qui nous est demandé ici avec cette pétition. Nous vous recommandons donc de suivre le rapport de minorité de M. Roger Deneys.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Je ne peux quand même pas laisser passer les propos selon lesquels la commission n'aurait pas bien fait son travail, car c'est faux. En ce qui concerne l'audition de M. Charles Beer, l'UDC y était favorable et a voté pour. Il y avait 5 oui et 7 non et, parmi les 7 non, il y avait deux Verts. Par conséquent, Monsieur Bavarel, commencez à balayer devant chez vous et veuillez donc suivre les conclusions du rapport de majorité, à savoir le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix les conclusions du rapport de majorité, soit le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat (dépôt de la pétition 1821 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées par 41 non contre 30 oui.

Mises aux voix, les conclusions de la minorité de la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat (renvoi de la pétition 1821 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 41 oui contre 30 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)