République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10619-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit de 2'055'400F destiné à financer la mise en réseau des équipements de contrôles et le traitement des images numériques liées aux infractions de la circulation routière
Rapport de majorité de Mme Emilie Flamand (Ve)
Rapport de minorité de M. Pierre Weiss (L)

Premier débat

Le président. La parole est à M. Pierre Weiss, rapporteur de majorité... Pardon, je vous prie de m'excuser, Madame la députée ! J'ai un problème avec les Verts ! Madame la rapporteuse de majorité, vous avez la parole.

Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. J'ai pourtant les bras couverts, et il me semble que ma tenue est à peu près correcte... Mais peut-être me suis-je trompée !

Ce projet, qui est surnommé «Sycotrin» dans le jargon informatique, permettra donc de relier les radars routiers au réseau de l'Etat de Genève. Une première installation pilote donne entière satisfaction. Il faut savoir qu'aujourd'hui les données des radars sont relevées manuellement et que cela mobilise des gendarmes qui pourraient accomplir des tâches nettement plus utiles. En outre, ce travail manuel demande de nombreuses manipulations qui sont source d'erreurs ensuite dans les fichiers informatiques de l'Etat. Enfin, le stockage des données se fait sur CD-Rom et ne permet pas de recherches faciles, ce qui rend le processus de réclamation long et fastidieux, puisque les personnes souhaitant faire une réclamation doivent se rendre plusieurs fois à la brigade de sécurité routière.

Le projet de loi 10619 nous propose une mise en réseau qui permettra un téléchargement fiable et sécurisé, un stockage et un archivage sur un serveur centralisé, une reconnaissance automatique des numéros de plaques, en un mot: une rationalisation des ressources. Ce projet de loi permettra également de libérer des gendarmes de leurs tâches pour les affecter à de vraies missions de terrain, ce qui est, je crois, notre souhait à tous dans ce parlement. Enfin, ce projet de loi est également compatible avec la nouvelle application du service des contraventions, que nous avons votée en décembre dernier.

Pour l'instant, il est prévu de raccorder cinquante-sept cabines radars, soit environ un tiers des radars du canton, en fonction de l'avancement du réseau de fibre optique. Le reste sera relié au fur et à mesure des travaux d'installation de la fibre optique, car l'Etat n'a pas jugé nécessaire d'engager des travaux importants de génie civil juste pour relier des radars. Cela se fera donc au fur et à mesure.

Ce projet de loi, en bref, représente une amélioration de la prévention en matière de sécurité routière, mais également de l'efficience en matière de fonctionnement de l'Etat. Je vous engage donc à faire comme la majorité de la commission des finances, c'est-à-dire à l'adopter.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, moi je vous engage à faire exactement le contraire, c'est-à-dire à refuser ce projet de loi ! Pour quelles raisons ? Parce que, en réalité, ce projet de loi est une scorie d'une théorie d'un projet qui avait été développé en 2005, repêché en 2007, représenté en 2010 et dont on voudrait nous faire croire qu'il est prioritaire. En d'autres termes, son histoire et sa gestation si longue sont synonymes de sa nécessité d'avortement...

La deuxième raison, c'est que ce projet de loi - qui n'est prioritaire que parce que, tout à coup, il devrait nous amener à dépenser 2 millions, alors qu'il ne l'est en réalité pas du tout - n'améliore en aucun cas la sécurité du trafic, dans la mesure où il équipera exactement le même nombre de radars qu'aujourd'hui.

Troisièmement, il n'améliore pas non plus la sécurité de ceux qui sont appelés à aller chercher dans les boîtes de radar les photos ou films des personnes qui n'ont pas respecté les limitations de vitesse. On nous a en effet bien précisé qu'aucun accident n'était survenu depuis que le système actuel existe.

Quatrième raison: il ne diminuera pas la consommation d'essence des véhicules, car que ce soit pour aller chercher les films en question ou pour toute autre raison liée au travail des policiers, les voitures circuleront quand même.

Enfin, ce projet de loi n'améliore pas l'organisation de la police, parce qu'il faut quand même savoir qu'aujourd'hui six patrouilles de deux hommes sont chargées de chercher ces films, alors que l'on pourrait très bien avoir six patrouilles de deux employés assermentés - au lieu de deux policiers - pour faire ce travail. Nous pouvons nous étonner au passage que le Conseil d'Etat n'ait pas vu là la possibilité - par manque de réflexion - d'améliorer la sécurité des Genevois en affectant douze policiers sur le terrain plutôt que de leur demander d'aller chercher des films ! Voilà qui montre fort bien que ce projet de loi a été élaboré par des informaticiens qui n'ont pas connaissance de la réalité du terrain et qui n'ont pas travaillé en coordination avec la direction de la police, ni même avec la direction du département.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi n'est pas prioritaire: non seulement il n'améliore pas la circulation, etc., mais il ne permet pas d'accroître l'efficience de l'utilisation des deniers des contribuables. Pourquoi ? On nous fait miroiter 600 000 F de recettes supplémentaires, à nombre égal de contrôles, parce que les radars fonctionneraient plus longtemps... Moi je veux bien, mais...

Le président. Monsieur le député, il vous reste vingt secondes !

M. Pierre Weiss. ...rien n'a été prouvé dans ce sens ! Il n'y a pas de retour sur investissement, il n'y a pas de réflexion !

Ce projet de loi mérite tout simplement d'être retoqué ! A la limite, que le Conseil d'Etat nous présente un projet amélioré, mais nous ne saurions aller plus loin, Monsieur le président.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je constate avec amusement que depuis que nous avons voté la loi sur le protocole, nous avons fait fuir nos conseillères d'Etat... Mais il est vrai qu'elles n'arboraient pas une tenue de ville aujourd'hui: elles étaient donc hors la loi.

Je reviens au sujet qui nous occupe, pour vous dire que je suis quelque peu étonnée de la position de M. Weiss, dans la mesure où ce projet de loi - comme l'a très bien dit Mme Flamand - permet d'enlever des tâches administratives à des policiers pour qu'ils puissent travailler davantage sur le terrain. Ce projet de loi limite aussi la bureaucratie, puisque l'usager n'aura plus qu'un seul service à qui s'adresser. Enfin, il fait économiser de l'argent à l'Etat, car il ne sera pas nécessaire d'engager du personnel supplémentaire pour faire fonctionner tous ces radars.

J'ai vraiment du mal à comprendre pourquoi ce projet qui limite la bureaucratie et évite des coûts supplémentaires pour l'Etat est refusé par un député libéral ! Je ne vois qu'une explication: soit le parti libéral est assez systématiquement incohérent - c'est une possibilité - soit c'est en raison des prochaines élections fédérales. Il est vrai que soutenir les radars et les contrôles routiers, ce n'est pas très populaire ! (Applaudissements. Commentaires.)

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Je vais être brève. Les Verts soutiennent ce projet de loi pour toutes les excellentes raisons développées par Mme Flamand tout à l'heure, beaucoup plus intelligemment que je ne pourrai le faire. Ce projet de loi améliore en effet l'efficacité et l'efficience de la brigade de sécurité routière.

Je tiens encore à relever un élément qui me semble extrêmement parlant: ce projet améliore également la sécurité des agents qui sont actuellement obligés d'aller relever manuellement les radars et qui, ce faisant, risquent leur vie. Nous vous invitons donc à voter ce projet de loi.

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Pour le parti démocrate-chrétien, ce projet de loi a tout à fait sa raison d'être, et nous allons le voter quasiment à l'unanimité et avec enthousiasme. Vous savez, nous avons relevé des points absolument essentiels dans ce projet de loi, et nous sommes convaincus qu'il augmentera la sécurité. Quand nous parlons de sécurité, il s'agit de sécurité routière, ce qui est un élément extrêmement important. Autre aspect très intéressant: l'allégement des charges administratives, la rationalisation des procédures. Cela va dans le sens de tout ce que nous défendons pour faciliter les procédures. Maintenant, nous voulons aussi que les forces de police soient utilisées aux bons endroits, c'est-à-dire pas pour changer les ampoules des radars.

Un autre élément, qui me semble également extrêmement important, n'a pas suffisamment été relevé: le but de ce projet de loi est de traiter les infractions sur la base de données fiables, ce qui permettra de mieux sanctionner ces criminels que sont les chauffards. C'est, à mon avis, un élément extrêmement important, et c'est pourquoi nous disons un oui massif à ce projet de loi.

M. Eric Stauffer (MCG). Je vous fais une proposition, Monsieur le président: interrompre les débats et lever la séance, car il n'y a plus aucun représentant du Conseil d'Etat et la moitié des bancs de cet hémicycle sont vides. Visiblement les gens ne sont plus intéressés par les débats parlementaires, et en premier lieu le Conseil d'Etat. Je vous propose donc, Monsieur le président, de lever la séance. Nous reprendrons le traitement de cet objet à la prochaine séance plénière, parce que, franchement, ce n'est pas possible de travailler dans ces conditions !

Le président. Monsieur le député, le règlement est très clair. En l'absence du Conseil d'Etat, le troisième débat peut être demandé par le Bureau s'il est unanime. Si tel n'est pas le cas, il est reporté à la séance suivante.

J'ai entendu tout à l'heure quelques - comment dirais-je ? - frémissements sur ma gauche lorsque j'ai levé la séance à 16h30 parce qu'il y avait une séance de la commission des visiteurs. Il m'apparaît donc en l'état que nous pouvons probablement terminer ce sujet, et nous verrons pour la suite... (Commentaires.) Monsieur le député Weiss, vous avez la parole.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, Mme Emery-Torracinta, qui elle aussi s'est absentée, va manquer l'explication que je vais donner maintenant. En réalité, il est possible de réorganiser sans dépenser... Elle, elle veut réorganiser en dépensant 2 millions, car - et c'est vraisemblablement le sens de la réorganisation socialiste - pour réorganiser, il ne faut pas réfléchir: il faut dépenser !

Moi je vous demande simplement de relire mon rapport de minorité. On peut lire, par exemple, que le responsable SIDLO - c'est-à-dire le responsable de l'informatique du département de la sécurité - a déclaré qu'«il n'y aura pas de gain sur le terrain. Le gain est du côté de la mobilité (des brigades) et éventuellement des quelques cas de photographies jusqu'alors pas exploitables». Cela veut dire qu'on nous demande de voter 2 millions pour améliorer le confort de travail de personnes dont l'organisation du travail devrait être repensée. Ce n'est pas acceptable ! Cela a été dit en commission, cela doit être dit dans cette salle, raison pour laquelle, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, voter aujourd'hui un montant de 2 millions parce que l'on n'a pas réfléchi à une meilleure organisation du travail, c'est se moquer des contribuables genevois ! Et Mme von Arx, qui indiquait tout à l'heure que tout son groupe - composé en ce moment même de cinq personnes - allait voter ce projet de loi, aurait dû, elle qui fait partie de l'Entente, réfléchir avec plus de sérieux à l'utilisation de l'argent des contribuables genevois !

M. Eric Stauffer (MCG). Eh bien, nous allons donc aller au fond de ce sujet, même si le Conseil d'Etat n'est pas représenté ! Le MCG soutiendra ce projet de loi, mais nous tenons tout d'abord à faire passer un message au Conseil d'Etat... Nous pourrions adhérer au fait que dépenser 2 millions, c'est effectivement trop, mais nos commissaires ont privilégié la sécurité des personnes en commission et ont opté pour le oui. Nous souhaiterions toutefois que le Conseil d'Etat se préoccupe davantage du service des contraventions, qui a visiblement de la peine à accoucher du nouveau programme informatique et dont l'un des responsables a apparemment été suspendu pour sexisme. Evidemment, cela n'arrange rien ! Le projet MICADO s'était déjà écroulé, le nouveau projet de loi pour les contraventions prend encore du retard: finalement, c'est toujours Kafka au service des contraventions !

Et puis j'inviterai la Cour des comptes - au cas où certains de ses membres regardent les débats - à aller remettre son nez dans ce service, car il y a tout de même beaucoup de choses à dire.

Alors, c'est vrai, dépenser encore 2 millions n'est pas forcément judicieux - et comme je l'ai déjà dit, je pourrais adhérer aux propos de M. Weiss - mais puisque nos commissaires ont pris position, notre groupe s'y tiendra, et nous accepterons donc ce projet.

M. Patrick Lussi (UDC). Beaucoup de choses ont été dites... Contrairement à ce que d'aucuns pensent à propos d'un éventuel appel du pied à l'approche des élections, l'UDC va se prononcer négativement sur ce projet de loi... Il nous semble en effet - et le vote en commission était clair: ce n'est donc pas une surprise pour vous, puisqu'il figure dans le rapport - qu'avant de dépenser ces 2 millions simplement pour transmettre des données informatiquement pour les contrôles en matière de circulation routière, il y a bien d'autres choses à faire.

Et j'aimerais faire une remarque à Mme von Arx: il est vrai, nous sommes tous des chauffards, nous sommes tous des pécheurs devant l'Eternel. Cependant, il semblerait quand même que les chauffards et les pécheurs devant l'Eternel commettent certes des infractions, mais qu'ils sont généralement punis, et ce ne sont pas les radars qui vont changer les choses. Il vaudrait mieux mettre un peu plus d'argent pour punir les vrais criminels, car malgré tous vos effets de manche en matière de circulation routière et sur les chauffards, les contrevenants sont tout de même d'honnêtes citoyens. Je sais bien que ce que je dis vous déplaît, en face, et que vous arriverez bientôt, peut-être, à nous faire tous rouler à vélo... Quand ce sera le cas, eh bien les gens régleront leurs comptes à coups de poing car il y aura toujours des chauffards pour griller les priorités. Pour en revenir au sujet - quittons l'utopie ! - le groupe UDC refusera ce projet de loi.

Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse de majorité. Je reviens brièvement sur la question de la réorganisation de la police. C'est un problème tout à fait séparé de ce projet de loi. Ce n'est pas avec un crédit d'investissement que l'on peut réorganiser la police ! Ce n'est donc pas en acceptant ou en refusant ce projet que l'on va pouvoir procéder à cette réorganisation.

En revanche, il faut accepter ce projet de loi pour permettre de réallouer des ressources sur le terrain. C'est une sorte de prérequis pour adopter ensuite de nouvelles mesures quant à l'organisation de la police. Enfin, j'aimerais faire remarquer, contrairement à ce que prétend le rapporteur de minorité, que les avantages de ce projet de loi ne se limitent pas au confort des personnes chargées de relever les données dans les radars. Déjà, je ne parlerais pas de confort mais de sécurité. Assurément, l'intérêt principal de ce projet de loi se situe au niveau de la fiabilité des données, et également du contrôle interne. C'est justement l'un des points faibles du DSPE, qui pourrait être amélioré. Aujourd'hui, ces données sont traitées dans des tableaux Excel et les fonctionnaires, qui n'ont pas les outils adéquats pour accomplir leur travail, doivent faire diverses manipulations - copier-coller, etc. - ce qui peut conduire à la perte ou à la modification de données. Nous parlons donc bien ici d'efficience de l'Etat, et je vous remercie d'accepter ce projet de loi.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets l'entrée en matière du projet de loi 10619.

Mis aux voix, le projet de loi 10619 est adopté en premier débat par 42 oui contre 23 non et 1 abstention.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 6.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, dans la mesure où il n'y a pas l'unanimité du Bureau pour demander le troisième débat, ce point sera renvoyé à la prochaine séance du Grand Conseil.

Troisième débat: Session 11 (septembre 2011) - Séance 66 du 22.09.2011