République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 863-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le rapport d'activité du préposé cantonal à la protection des données et à la transparence pour l'année 2010

Débat

Le président. Le rapporteur ne demandant pas la parole, elle revient à M. Pierre Weiss.

M. Pierre Weiss (L). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt le rapport de notre collègue Jornot - représenté ici par l'excellent docteur Aubert - sur l'activité du préposé cantonal à la protection des données et à la transparence. J'ai vu notamment en page 2 qu'un commissaire s'était interrogé sur la stratégie de relations entre le bureau du préposé cantonal à la protection des données et la chancellerie d'Etat, en se demandant s'il y avait une volonté de guerre ouverte. Probablement que c'est une mauvaise compréhension de la part des députés et que l'entente cordiale règne, j'allais dire: «entre ces dames». Mais quand vous prenez le paragraphe précédent, vous y lisez le regret, de la part de la préposée, du peu de visibilité dont bénéficie sa fonction.

En rapport avec le peu de visibilité pour cette fonction, j'aimerais savoir si le Conseil d'Etat pense que l'abonnement au «Canard enchaîné», par la préposée à la transparence des données, est à même d'augmenter la visibilité de la fonction, est un signe de sous-occupation, est motivé par d'autres raisons que nous ne connaissons pas. Par exemple, quelles sont les raisons qui ont amené la préposée à la transparence ? Et je le demande de façon transparente... Pour quelle raison a-t-elle décidé de ne plus s'abonner au «Canard enchaîné» et, en particulier, à quelle date ? A-t-elle demandé ou a-t-elle été amenée à ne plus s'abonner au «Canard enchaîné» ? Pourquoi pas «Vigousse», pourquoi pas le «Nebelspalter», pourquoi pas d'autres périodiques de type satirique étrangers ? Je ne comprends pas la raison de ce choix. En tout cas, l'apport marginal aux activités de la préposée me semble, pour le moment en tout cas, pas encore très transparent. Ça, c'est ma première question, pour laquelle je serais heureux d'avoir les explications du Conseil d'Etat.

Le deuxième type d'explications qu'il serait bon d'avoir, c'est: pourquoi autant de monde pour cette transparence qui est si peu visible ? Quand on constate que dans d'autres cantons - je prends le canton du Tessin à témoin - eh bien, c'est un demi-poste, et qu'à Genève il en faut à peu près trois... ou quatre. Y a-t-il là un frein qui est mis à la visibilité de ce bureau à la transparence, par le Conseil d'Etat ou la chancellerie ? Est-ce qu'il y a des activités qui se cantonnent à la lecture de magazines de presse, y compris français - «Le Point», etc., on peut multiplier les exemples - et notamment le «Canard enchaîné» ? J'y reviens.

Ce sont deux questions - le grand nombre de personnes, le grand nombre de périodiques, dont un périodique satirique - qui m'amènent à me questionner sur les réformes qu'il faudrait introduire pour cet organe qui est imposé par la loi. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, je ne comptais pas prendre la parole sur cet objet, mais l'intervention de M. le député Weiss m'incite à la faire. Le persiflage dont il nous a fait part il y a un instant quant à l'activité de Mme la préposée à la protection des données et à la transparence n'est pas de mise, même s'il emboîte le pas, dans ce domaine, à l'excellent Olivier Jornot, rédacteur du rapport.

Il faut savoir que nous avons évidemment entendu Mme Dubois, en tant que préposée à la protection des données et à la transparence, et qu'elle nous a fait part de son amertume. Alors, on peut critiquer la volonté de certains d'avoir une transparence dans des domaines où l'on préférerait travailler dans le secret, iI n'en demeure pas moins que si, par nature, l'Etat préfère travailler dans ce secret, il est précisément notre rôle d'offrir cette transparence. Et si ce poste de préposée à la transparence a été créé, c'est précisément pour qu'elle fasse quelque chose dans cette activité.

Cette amertume que Mme Dubois nous a confiée était de nature à inquiéter ceux qui ont le souci de cette transparence, puisqu'elle nous a indiqué quelle fut sa difficulté à entrer en contact avec certains départements chargés précisément... Pardon: avec les personnes au sein des départements, chargées précisément de servir de courroie de transmission dans le domaine de la transparence. Et l'on ne peut que s'inquiéter, une fois encore, qu'il faille autant d'énergie de la part d'une préposée à la transparence, afin d'obtenir de l'Etat, son principal interlocuteur, les éléments nécessaires pour pouvoir faire son travail.

Alors il n'y a pas de quoi parler du «Canard enchaîné» à n'en plus finir, Monsieur Weiss ! Il faut au contraire se demander si certains ne sont pas enchaînés à un secret qui n'est plus de mise aujourd'hui, dans un Etat moderne comme celui que nous voulons fonder.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, l'arbre ne doit pas cacher la forêt, et c'est vrai que j'irai un peu dans le même sens que ce qui vient d'être dit par M. Poggia. «Canard enchaîné», «Nouvel Observateur», «Le Monde»... C'est une histoire de valeurs... (Remarque.) C'est une histoire de valeurs, et c'est d'autre part la légitimité de la commission des finances que de poser des questions sur les moyens et le fonctionnement des services. A ce titre-là, elle est légitimée à se poser la question de la pertinence, disons, d'un éventail de moyens au niveau des abonnements à des quotidiens, voire des hebdomadaires, que la préposée aux données peut avoir.

Par contre, ce qui est important dans ce texte, et ce qui l'est important dans les rapports de la préposée à la protection des données et à la transparence, c'est la difficulté de mettre en route sa mission; c'est la difficulté, pour la fonction publique - et pour nous-mêmes, peut-être, en tant que députés - d'accepter qu'il y a des règles de transparence; ce sont peut-être aussi des règles nouvelles que cette personne nous apporte dans l'administration, lesquelles constituent des ouvertures inédites au niveau du droit international et de l'implication que cela peut avoir pour chacun des citoyens ayant affaire avec l'Etat, par rapport aux prestations que l'Etat fournit.

C'est ça qu'il est important de retenir dans ce rapport: cette amertume dont parlait M. Poggia, mais aussi, je dirai, cette difficulté de mise en route des moyens de transparence des informations pour tout un chacun à Genève. C'est là-dessus, Mesdames et Messieurs les députés, que nous devrons être attentifs dorénavant. Merci beaucoup.

Mme Mathilde Captyn (Ve). Après les interventions de mes deux préopinants - mises à part les questions d'abonnements à certains journaux ou du nombre d'employés du bureau des préposées à la transparence des informations de l'Etat, de même que la question de la protection des données personnelles - il m'a aussi semblé important de rappeler que, dans le fond, c'est un processus lent. C'est surtout un changement de culture, après tout, que l'Etat de Genève, que l'administration doit réaliser. Apparemment, ce processus n'est pas très harmonieux et il y a peut-être des problèmes de méthode et certaines difficultés. Mais il nous semble essentiel de rappeler l'importance de la protection des données personnelles, l'importance de la transparence des informations de l'Etat. Il en va de la confiance des citoyens en leur Etat, et c'est la raison pour laquelle j'ose espérer que le processus s'améliore. Il faut peut-être relever le travail important, même magistral, que l'administration fédérale a réalisé dans le cadre de cette question.

Voilà ce que j'avais à dire sur le sujet. Je vous remercie.

Le président. Mais c'est nous qui vous remercions, Madame la députée. La parole est à M. Frédéric Hohl.

M. Frédéric Hohl (R). Merci, Monsieur le président. Je prends la parole, comme nous sommes aux extraits...

Le président. J'allais le rappeler !

M. Frédéric Hohl. Merci, Monsieur le président, c'était juste avant que vous le fassiez... Non, effectivement, il n'y avait rien de méchant dans ces questions. On a posé des questions assez claires, en commission des finances, sur ces abonnements, et puis surtout sur les effectifs. On a été un peu, je ne veux pas dire choqués, mais on se posait des tas de questions sur cet effectif qui semble beaucoup plus grand que dans d'autres cantons. Malheureusement, on n'a pas encore obtenu les réponses. Alors on se réjouit de les recevoir, auquel cas on viendra dire: «Eh bien, effectivement, nous avons reçu les réponses et nous sommes heureux.» Mais, pour l'instant, nous sommes très inquiets concernant ces effectifs.

M. Claude Aubert (L), rapporteur ad interim. J'aimerais donner brièvement la parole à quelqu'un qui a été cité. (L'orateur enclenche son téléphone portable: une sonnerie émet le cri d'un oiseau.) Je remercie le colvert d'avoir imité le «Canard enchaîné» ! (Rires.)

Le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes en procédure de vote. La commission recommande le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat.

Mis aux voix, le renvoi du rapport RD 863-A au Conseil d'Etat est adopté par 52 oui (unanimité des votants).